puissance des psychotropes. pouvoir des patients: pignarre p. paris: puf, coll. « science, histoire...

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Notes de lecture 663 e I? Puissance des psychotropes. Pouvoir des patients. Paris : PUF, ~011. <tScience, histoire et societe B ; 1999. 148 p. << Le metabolisme social du medicament. >> En paraphrasant le titre d’une session a laquelle nous avions participe et en remplacant le demier terme par le mot CC psy- chotrope B, nous sommes en plein sur le chantier Ctudie par l’auteur, avec une vision sociophenomenologique et polemologique centree, d’une part, sur les <C consom- mateurs >)et le public, d’autre part sur les psychiatres et les Cquipes soignantes. Dans ce champ clos subdivise en quatre parties, Philippe Pignarre esquisse d’abord un tableau de la psychiatric contemporaine, avec l’irruption de la psycho- pharmacologic, la grande machine classificatrice americaine (les DSM), les Cbran- lements subis par la psychanalyse, l’antipsychiatrie, et divers courants ou Cvenements alentour. Au chapitre II (N La fabrique B), nous assistons aux modalites de naissance des psychotropes, avec l’ideologie du placebo, du double insu, ou, plus pragma- tiquement, l’epreuve comparative avec un produit de reference deja connu. Modelisation. Approximations. Surprises dues au hasard... Quid de l’animal a l’homme (interrogation avant tout &ho- et anthropologique). Et de nous faire reflechir sur ce qu’est le medicament moderne, qui plus est psychotrope ! Avec les front&es imprecises de la drogue, les resonances politiques, les recherches identitaires sur la nature des psychotropes, ces molecules qui creeraient ou recreeraient une pensee nor-male, dont l’effet, uniquement cent& sur le psychisme, ne peut pourtant Ctre scientifiquement CvaluC que par rapport a ses effets physiologiques plutot facheux. Au chapitre III (<< Le soulevement B), l’auteur analyse les clients Cventuels, les consommateurs (rassembles parfois en associations) en situation et en reaction. L’indiscipline, la compliance ou la non-compliance. Suit un detour interessant par l’univers carceral et l’usage que l’on y fait des psychotropes. A ce propos, et sans nier la pertinence des observations qui nous sont donnees, notre longue experience en milieu penitentiaire nous permet de ne pas accepter l’idee, trop globalisante, selon laquelle les detenus feraient usage des psychotropes pour se tenir a distance des entretiens psychotherapiques et Cviter ainsi de se confier. Au chapitre IV, << L’amorce dune paix entre les differents camps )), c’est la notion d’apprentissage qui est envisagee, avec un dialogue et une negotiation entre patients et soignants, grace a des strategies de comprehension reciproque. .., une reinvention des rapports humains, la reconstruction d’un univers social particulier. Le texte fourmille d’exemples pertinents, de reflexions subtiles. 11 beneficie, en outre, d’une introduction de Francois Dagognet, ce (< philosophe des sciences medicales B, dont l’ouvrage La Raison et les Rembdes fit date. P.B.

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Notes de lecture 663

e I? Puissance des psychotropes. Pouvoir des patients. Paris : PUF, ~011. <t Science, histoire et societe B ; 1999. 148 p.

<< Le metabolisme social du medicament. >> En paraphrasant le titre d’une session a laquelle nous avions participe et en remplacant le demier terme par le mot CC psy- chotrope B, nous sommes en plein sur le chantier Ctudie par l’auteur, avec une vision sociophenomenologique et polemologique centree, d’une part, sur les <C consom- mateurs >) et le public, d’autre part sur les psychiatres et les Cquipes soignantes.

Dans ce champ clos subdivise en quatre parties, Philippe Pignarre esquisse d’abord un tableau de la psychiatric contemporaine, avec l’irruption de la psycho- pharmacologic, la grande machine classificatrice americaine (les DSM), les Cbran- lements subis par la psychanalyse, l’antipsychiatrie, et divers courants ou Cvenements alentour.

Au chapitre II (N La fabrique B), nous assistons aux modalites de naissance des psychotropes, avec l’ideologie du placebo, du double insu, ou, plus pragma- tiquement, l’epreuve comparative avec un produit de reference deja connu. Modelisation. Approximations. Surprises dues au hasard... Quid de l’animal a l’homme (interrogation avant tout &ho- et anthropologique). Et de nous faire reflechir sur ce qu’est le medicament moderne, qui plus est psychotrope ! Avec les front&es imprecises de la drogue, les resonances politiques, les recherches identitaires sur la nature des psychotropes, ces molecules qui creeraient ou recreeraient une pensee nor-male, dont l’effet, uniquement cent& sur le psychisme, ne peut pourtant Ctre scientifiquement CvaluC que par rapport a ses effets physiologiques plutot facheux.

Au chapitre III (<< Le soulevement B), l’auteur analyse les clients Cventuels, les consommateurs (rassembles parfois en associations) en situation et en reaction. L’indiscipline, la compliance ou la non-compliance. Suit un detour interessant par l’univers carceral et l’usage que l’on y fait des psychotropes. A ce propos, et sans nier la pertinence des observations qui nous sont donnees, notre longue experience en milieu penitentiaire nous permet de ne pas accepter l’idee, trop globalisante, selon laquelle les detenus feraient usage des psychotropes pour se tenir a distance des entretiens psychotherapiques et Cviter ainsi de se confier.

Au chapitre IV, << L’amorce dune paix entre les differents camps )), c’est la notion d’apprentissage qui est envisagee, avec un dialogue et une negotiation entre patients et soignants, grace a des strategies de comprehension reciproque. .., une reinvention des rapports humains, la reconstruction d’un univers social particulier.

Le texte fourmille d’exemples pertinents, de reflexions subtiles. 11 beneficie, en outre, d’une introduction de Francois Dagognet, ce (< philosophe des sciences medicales B, dont l’ouvrage La Raison et les Rembdes fit date.

P.B.