quels leviers juridiques pour proteger et valoriser la … · 2017-10-11 · remerciements a madame...
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QUELS LEVIERS JURIDIQUES POUR PROTEGER ET
VALORISER LA BIODIVERSITE ? ETUDE EN TERRITOIRE NORMAND
Master 2 Droit de l’environnement et des risques
Université de Strasbourg
Année universitaire 2016-2017
Mémoire présenté par Eva LOCILLA Sous la direction de :
Madame Marie-Pierre CAMPROUX-DUFRENNE, Maître de conférences en droit privé à l’Université de Strasbourg
Encadré par :
Madame Emilie GAILLARD, Maître de conférences en droit privé à l’Université de Caen-Normandie
Remerciements
A Madame Marie-Pierre Camproux-Duffrene, Responsable du Master 2 Droit de
l’Environnement et des risques, pour son intérêt à l’égard du sujet, pour son suivi et sa
disponibilité,
A Madame Emilie Gaillard, ma maître de stage bienveillante, qui a su m’encourager
et me faire confiance tout au long de mes recherches. Son expérience et les nombreuses
connaissances qu’elle a bien voulu me faire partager m’ont énormément aidée pour la
rédaction de ce mémoire.
A Monsieur Mathias Couturier, mon second responsable de stage, pour son
implication,
A Marion Brosseau et Sophie Raous, mes encadrantes de l’IRD2, qui m’ont offert la
possibilité de réaliser ce stage pluridisciplinaire des plus enrichissants,
A l’institut Demolombe et à la MRSH qui ont accepté de m’accueillir pour mener à
bien ma mission,
Enfin, à tous les stagiaires et doctorants, Magali, Lisa, Gabriella, Laure, Frédéric,
Romane, Laetitia, Charlotte et Paul qui m’ont accompagnée et soutenue pendant ces six mois
de recherches.
Table des sigles, abréviations et acronymes.
AFB : Agence française de la biodiversité A.J.D.A : Actualité juridique de droit administratif ARB : Agence régionale de la biodiversité CBN : Carrières et Ballastières de Normandie CC. : Conseil constitutionnel CDC : Caisse des dépôts et des consignations CDB : Convention sur la diversité biologique CIPAN : Culture intermédiaire piège à nitrates. CODERST : Conseil de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques Coll. : Collection Coord. : Coordination CPIE : Centres Permanents d’Initiatives pour l’Environnement de Normandie). CREPAN : Comité régional d’étude pour la protection de l’environnement Dir. : Direction Dr. : Doctor DREAL : Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement DDTM14 : Direction Départementale des Territoires et de la Mer Éd. : Édition ERC : Éviter, réduire, compenser GMN : Groupe Mammologique Normand GONm : Groupe Ornithologique Normand GRAPE : Groupement Régional des Association de Protection de l’Environnement de Normandie GRETIA : Groupe d’Etude des Invertébrés Armoricains Ibid. : Ibidem ICPE : Installation classée pour la protection de l'environnement IRD2 : Institut régional du développement durable de normandie J.O. : Journal Officiel
J.O.R.F. : Journal Officiel de la République Française J.O.U.E. : Journal Officiel de l'Union Européenne L.G.D.J. : Librairie générale de droit et de jurisprudence LRE : Loi sur la responsabilité environnementale MAE : Mesures agro-environnementale MEA : Millennium Ecosystem Assessment N° : Numéro OCDE : Organisation de Coopération et de Développement Economique ONU : Organisation des Nations Unies Op. Cit. : Opere citato p. : page pp. : pages PAC : Politique agricole commune PLU : Plan local d'urbanisme PSE : Paiements pour services environnementaux P.U.F. : Presses universitaires de France R.C.A.D.I. : Revue Lamy Droit des Affaires R.J.E.: Revue juridique de l'environnement s. : suivants sc. : scientifique SE : services écosystémiques SCoT : Schéma de cohérence territoriale SRCE : Schéma régional de cohérence écologique STRADDET : Schémas Régionaux d’Aménagement, de Développement Durable et d’Egalité des Territoires SFDE : Société Française pour le Droit de l'Environnement TEEB : The Economics of Ecosystems and Biodiversity TVB : Trame verte et bleue UICN : Union internationale pour la conservation de la nature
Sommaire
PARTIE I – LES LEVIERS JURIDIQUES NES DU PROLONGEMENT D’UNE
ANALYSE ECONOMIQUE
CHAPITRE 1 – L’appropriation par le droit du concept économique de services
écosystémiques pour la protection de la biodiversité CHAPITRE 2 – L’encadrement juridique nécessaire des instruments économiques
pour une meilleure protection de la biodiversité
PARTIE II – LES LEVIERS JURIDIQUES AU SOUTIEN D’UNE ANALYSE SOCIO-
ECOLOGIQUE
CHAPITRE 1 – Le renouvellement de l’imaginaire juridique au service d’une
protection dynamique et intégrée de la biodiversité
CHAPITRE 2 – Le renouvellement de la gouvernance au service de la protection
sociétale de la biodiversité
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« We need the natural world. We cannot go on destroying it at the rate we are.
We do not have more than this one planet ».
Dr. Jane Goodall.1
1 « Nous avons besoin de la nature. Nous ne pouvons pas continuer à la détruire comme nous le faisons. Nous n’avons pas plus d’une seule planète à notre disposition » traduction par nous. Extrait TEDGlobal, GOODALL J., « How humans and animals can live together », juin 2007.
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INTRODUCTION
De sa prison, Rosa Luxembourg écrivait :
« Tous les jours je rends visite à une toute petite coccinelle que je maintiens en vie depuis une
semaine sur une branche, malgré le vent et le froid, dans un chaud bandage de coton. Et au
fond je me sens pas plus importante que cette coccinelle. Et, dans le sentiment de cette infinie
petitesse, je me sens indiciblement heureuse ». C’est fondamentalement sur cette relation
étroitement liée de l’humain à la nature que débouche la problématique de la biodiversité.2
La biodiversité est un concept récent dans l’histoire de l’écologie. Elle vient
nommer, seulement à la fin du XXème siècle3, une réalité qui date pourtant de plusieurs
milliards d’années4. En cela, la biodiversité renvoie à une vision scientifique du vivant. Sa
définition juridique a été inscrite récemment dans le Code de l’environnement à l’article
L.110-1 désignant ainsi « la variabilité des organismes vivants de toute origine, y compris les
écosystèmes terrestres, marins et autres écosystèmes aquatiques, ainsi que les complexes
écologiques dont ils font partie. Elle comprend la diversité au sein des espèces et entre
espèces, la diversité des écosystèmes ainsi que les interactions entre les organismes vivants ».
Cette définition reprend celle énoncée à l’article 2 de la Convention sur la diversité
biologique5 ayant été formulée lors du troisième Sommet de la Terre à Rio de Janeiro en
1992, en y ajoutant la prise en compte des interactions. La biodiversité est une notion
2 LAURENT S., « La biodiversité : un enjeu humain », L’environnement et ses métamorphose, BRECHIGNAC C., DE BROGLIE G., MIRELLE DELMAS-MASTY M. (dir.), Paris, Hermann, 2015, p 61. 3 Théorisé en 1980 comme étant « la totalité de toutes les variations de tout le vivant » par Edward O. WILSON à l’origine de la notion dans son ouvrage publié en 1988 intitulé BioDiversity. WILSON E. O., PETER F. M., BioDiversity, Washington D. C., National Academy Press, 1988. 4 La Vie est apparue il y a 3,8 milliards d’années sur Terre sous la forme de molécules. 5 Article 2 de la Convention sur la diversité biologique définissant la biodiversité comme étant la « variabilité des organismes vivants de toute origine, y compris, entre autres, les écosystèmes terrestres, marins et autres écosystèmes dont ils font partie ; cela comprend la diversité au sein des espèces et entre espèces ainsi que celle des écosystèmes ».
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multidimensionnelle qui se définit par trois niveaux. D’une part, l’approche génétique renvoie
au niveau microscopique, c’est-à-dire à la diversité des gènes de tous les organismes vivants,
traduisant la diversité des caractères à l’intérieur d’une espèce. Cette diversité est très
importante car elle permet la survie des écosystèmes, de la faune et de la flore, et par
conséquent la survie de l’écosystème planétaire. D’autre part, l’approche dite spécifique,
c’est-à-dire le niveau traditionnel de la protection des espèces, recouvre la diversité des
espèces et leur nombre dans un milieu déterminé. Cette diversité peut être interspécifique, à
savoir entre les espèces ou intraspécifique, au sein des espèces. Enfin, l’approche
écosystémique renvoie au niveau macroscopique et comprend la diversité des écosystèmes.
L’écosystème, ou l’ensemble des organismes vivants qui constituent une unité fonctionnelle
par leurs interactions entre eux et avec leur milieu, se définit au cas par cas par rapport à un
territoire donné. Un écosystème a des fonctions qui dépendent des interactions entre les
différents éléments que sont les gènes, espèces et écosystèmes mais aussi entre les
constituants du monde vivant et les sociétés humaines. Certaines de ces fonctions vont
davantage servir à l’Homme. Et comme le met en exergue le biologiste Robert Barbault6, la
prise en compte des écosystèmes dans la biodiversité amène par voie de conséquence à la
découverte de ses services, ceux qu’elle rend à l’Homme, qualifiés de services
écosystémiques. Notons par ailleurs que la définition retenue par le législateur privilégie
l’approche écosystémique. 7 La complexité de cette définition ne fait que souligner la
complexité de l’écosystème planétaire lui-même, mettant ainsi en évidence une réalité
tangible selon laquelle l’Homme n’est pas le seul être vivant dans la Nature. « L’écosystème
est l’unité fondamentale de développement et de survie ». 8 On parle en ce sens de
« communauté de destin »9 entre toutes les espèces, l’Homme a également besoin de la
biodiversité pour sa propre survie. Aussi, il lui revient de sauvegarder la dynamique du
fonctionnement de notre système planétaire. Par ailleurs, au-delà de cette définition, il
convient de souligner qu’il existe une distinction juridique entre la biodiversité ordinaire et la
biodiversité protégée, dite remarquable 10 . Pourtant celles-ci sont complémentaires et
6 BARBAULT R., « La biodiversité, une façon écologique de comprendre le monde », in Quelle(s) valeur(s) pour la biodiversité ?, Ecorev, numéro spécial 38 automne hiver 2012, p10. 7 Contrairement aux biologistes classiques qui partent des gènes ou des espèces. Ibid. 8 ROLSTON III H., « La valeur de la nature et la nature de la valeur », in Ethique de l’environnement, Nature, valeur, respect, coll. Vrin, p. 171. 9 Voir en ce sens DELMAS-MARTY M., « Introduction, De la grande accélération à la grande métamorphose ? », L’environnement et ses métamorphoses, Paris, Hermann, 2015, 297 p MATHEVET R., La solidarité écologique : ce lien qui nous oblige, Actes Sud, 2012, p.88. 10 Bien que le préambule de la charte de l’environnement et l’article L110-1 du CE ne fasse pas de distinction entre la nature ordinaire et remarquable, la protection juridique des espaces et des espèces s’est pourtant longtemps focalisée sur la nature menacée.
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indissociables. En effet, l’ensemble de la diversité biologique joue un rôle dans l’écosystème.
Le monde du vivant se construit dans cette dynamique écologique faite d’interactions de
prédation et de compétition mais également de relations de coopération, à bénéfices
réciproques. La biodiversité repose sur l’idée même de variabilité car il s’agit d’un système en
mouvement permanent. Il faut donc s’inscrire dans une vision dynamique et non statique des
choses.
Le rôle du droit face à l’urgence écologique. Si les interactions du vivant ont été
amenées à évoluer au fil du temps, la nouveauté relève du fait que l’Homme s’est
progressivement imposé comme l’un des instigateurs principal de ces évolutions.11 Et pour
cause, croissance démographique, surexploitation des ressources naturelles, bouleversement
des modes de consommation, pollutions diverses, destruction des habitats, urbanisation,
artificialisation… tout un ensemble de pressions croissantes qui ont contribué aux
bouleversements écosystémiques et à une perte de biodiversité sans précédent. Les causes
sous-jacentes de cette perte sont majoritairement de nature socio-économique, exercées par
les sociétés humaines. Face à ce risque de sixième extinction de masse avancée par les
chercheurs12, la protection de la biodiversité s’impose comme l’un des enjeux planétaires et
humain de notre siècle13. Le passage dans cette nouvelle ère a pour particularité notable d’être
d’origine anthropique, une première dans l’histoire de l’Humanité. Reprenant la métaphore du
Professeur Robert Barbault, « l’homme s’impose tel un éléphant dans un jeu de quille »14. En
effet, l’activité humaine génère une érosion de la biodiversité qui s’intensifie de façon
exponentielle depuis ces cinquante dernières années. Dans cet Anthropocène15 où l’Homme
impacte géologiquement la planète, Hubert Reeves ne voit qu’une seule solution, celle d’un
changement d’ère, une ère du respect de la diversité du vivant. Face à ces modifications
11 BARBAULT R., « La biodiversité, une façon écologique de comprendre le monde », in Quelle(s) valeur(s) pour la biodiversité ?, Ecorev, numéro spécial 38 automne hiver 2012, op. cit., p10. 12 Voir en ce sens BARNOSKY D. et al., « Has the Earth’s sixth mass extinction already arrived ? », Nature, 2011, 471, 51–57. 13 Avec celui du changement climatique, tous deux étroitement liés par ailleurs. 14 RARNAULT R., Un éléphant dans un jeu de quilles. L’homme dans la biodiversité., éd. Du Seuil, janvier 2006, 265 p. 15 L’anthropocène serait l’entrée d’une nouvelle période dans laquelle l’influence de l’Homme, à travers ses activités, modifie géologiquement la planète Terre. Ce concept a été avancé par Paul Crutzen, géo-chimiste et prix Nobel et popularisé dans les années 2000. Selon lui, cette période aurait débuté lors de la révolution industrielle ; CRUTZEN P., The « Anthropocene », Earth System Science in the Anthropocene, 2006, p. 13 Voir en ce sens, l’historien Christophe Bonneuil reprend ce concept en faisant référence à un modèle de développement humain devenu insoutenable. BONNEUIL C., FRESSOZ J.-B., L’Evènement Anthropocène ; la Terre, l’histoire et nous, éd. Seuil, 2013, 320 p.
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rapides et irréversibles de l’ordre naturel, l’Homme se trouve au croisement d’un
« catastrophisme intégré » et de l’idée que des « solutions envisageables existent ».16
Pour Madame Marie-Pierre Camproux-Duffrenne, la biodiversité et le droit sont deux
mondes systémiques. D’une part, le monde de la nature est un monde de réalités dans lequel
les relations entre l’Homme et la Nature reposent sur des interactions et des
interdépendances17. La planète serait donc un socio-écosystème selon certains auteurs. Tel
que le définit l’écologue Christian Lévêque nous sommes dans « un systèmes interactif entre
deux ensembles constitué par un (ou des) socio-systèmes(s)18 et un (ou des) écosystèmes(s)
naturel(s) et/ou artificiel(s) s’inscrivant dans un espace géographe donné et évoluant dans le
temps qui permet le jeu des interactions entre ce qui relève des sociétés humaines et ce qui
relève des milieux naturels ».19 Ce socio-écosystème met donc en évidence le croisement
entre le fonctionnement de la société et les écosystèmes. Il existe toute une dynamique
puisque le socio-écosystème est en mouvement permanent. Cette dynamique repose sur un
phénomène de rétroaction car les effets des sociétés impactent les écosystèmes mais les effets
des écosystèmes impactent également l’organisation et le fonctionnement des sociétés20.
D’autre part, le droit est un monde de fictions21. Le droit, entendu comme l’« ensemble des
mécanismes d’organisation des sociétés et de régulation des relations sociales »22, a un rôle
primordial à jouer dans la protection de la biodiversité, aussi bien sous le prisme de sa
protection que de sa conservation, gestion, marchandisation... Le droit forme un système
anthropocentré en ce qu’il régit les rapports des Hommes entre eux et entre l’Homme et les
choses. Le droit de l’environnement se veut audacieux et novateur en ouvrant le champ de sa
protection à la biodiversité, au monde des réalités écologiques. Cette étude portera ainsi sur
l’analyse des transformations juridiques à l’œuvre et par conséquent sur les leviers juridiques
de protection et de valorisation de la biodiversité et des services écosystémiques. Protéger la
16 HERMITTE M.-A., « Edouard Bonnefous et la biodiversité : « Vox clamantis in deserto » ou illustration du schisme de réalité », L’environnement et ses métamorphose, BRECHIGNAC C., DE BROGLIE G., MIRELLE DELMAS-MASTY M. (dir.), Paris, Hermann, 2015, p.120. 17 Cours dispensé par CAMPROUX-DUFRENNE M.-P., Protection de la biodiversité, année universitaire 2017, Strasbourg. 18 C’est-à-dire la société humaine. 19 LEVEQUE C., VAN DER LEEUW S., Quelles natures voulons-nous ? Pour une approche socio-écologique du champ de l'environnement. Elsevier, Paris, 2003, 248p. 20 Voir en ce sens OSTROM E., « Complexity of coupled human and natural systems » , Science, Volume 317, pp.1513-1516. 21 Cours dispensé par CAMPROUX-DUFRENNE M.-P., Protection de la biodiversité, année universitaire 2017, Strasbourg. 22 BERGEL J.-L., « Le droit s’appuie incontestablement sur des valeurs qui dépassent le domaine de la technique juridique », Méthodologie juridique, P.U.F., p. 17.
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biodiversité pour la préserver de son érosion est indispensable. Comme le disait l’écologiste
américain Aldo Leopold en parlant de la protection environnementale, « la protection est un
état harmonieux entre les hommes et la terre »23. Renforcer la protection de la biodiversité
passe par sa valorisation, c’est-à-dire sa mise en valeur, en lui accordant une valeur plus
importante. Cette mise en valeur s’apprécie sous le prisme des mécanismes et des instruments
nouvellement mis en œuvre dans le domaine du droit. Ainsi, analyser les leviers juridiques
revient à s’intéresser aux mécanismes et instruments juridiques novateurs qui visent à
davantage encourager la protection et l’amélioration de la biodiversité. L’objet de l’étude est
donc d’analyser ces nouvelles dynamiques juridiques favorisant une vision renouvelée de la
biodiversité. Une mise en lumière sera faite sur ces instruments. Toutefois, face à la richesse
des mécanismes juridiques existants et la complexité de l’objet traité, celle-ci ne pourra en
aucun cas se prévaloir l’exhaustivité. Par ailleurs, pour comprendre l’émergence de ces
nouveaux mécanismes juridiques au soutien de la protection de la biodiversité, il convient de
revenir tout d’abord sur la construction juridique de la protection de la biodiversité.
Retour sur la construction juridique de la protection de la biodiversité. Le droit
de la biodiversité peut se caractériser par sa richesse 24 et sa créativité, tant au plan
international que national. La biodiversité représente l’un des enjeux majeurs de notre temps
pour lequel le législateur et la doctrine juridique accordent une attention toute particulière.
L’émergence d’un droit international de la biodiversité. Lors de la Conférence des
Nations Unies sur l’environnement, à Stockholm en 1972, a été adoptée une Déclaration sur
l’environnement évoquant déjà une « coopération » entre l’Homme et la Nature, dans son
Préambule, dans l’objectif de créer un environnement meilleur. C’est une approche globale
qui est privilégiée, considérant la valeur indépendamment de l’intérêt direct que l’Homme
pourrait en tirer, en mettant en valeur les fonctions des espèces. La Charte mondiale de la
Nature adoptée en 1982 va même plus loin disposant que « toute forme de vie est unique et
mérite d’être respectée, quelle que soit son utilité pour l’homme et, afin de reconnaître aux
autres organismes vivants cette valeur intrinsèque, l’homme doit se guider sur un code moral
23 LEOPOLD A., “Ethique de l’environnement”, in Almanach d’un comté des sables, p. 145. 24 Une multitude de techniques juridiques existe pour protéger la biodiversité telles que « l’autorisation, l’introduction, la reconstitution, l’interdiction, la destruction, la sanction, la surveillance, la régulation, l’évaluation, la quantification, la consultation, la classification, la compensation, l’inventaire, le recensement ». HAUTEREAU-BOUTONNET M., TRUILHE-MARENGO E., « Recherche interdisciplinaire sur les valeurs de la biodiversité – Acte 1 », Cahiers Droit, Sciences & Technologies, 2016, pp.147.
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d’action ». Un changement est opéré par la suite avec le Sommet de la Terre de Rio en 1992
qui a donné lieu une véritable prise de conscience internationale de la valeur de la biodiversité
avec l’adoption de la Convention sur la Diversité Biologique (CDB). Cet instrument
juridique contraignant à vocation universelle consacre la naissance d’un véritable droit de la
biodiversité, remplaçant ainsi le droit des espèces sauvages de la faune et de la flore25. Ce
concept de biodiversité révolutionne le droit de l’environnement. Ainsi, dans son Préambule,
les Etats parties à la Convention se déclarent conscients de « la valeur intrinsèque de la
diversité biologique et la valeur de la diversité et de ses éléments constitutifs sur les plans
environnemental, génétique, social, économique, scientifique, éducatif, culturel, récréatif et
esthétiques ». Toutefois, l’entrée par les « pertes économiques »26 est encore privilégiée pour
appréhender l’érosion de la biodiversité plutôt que par la reconnaissance de sa valeur
intrinsèque en question. De plus, la Convention n’a pas été jusqu’à reconnaître le statut de
patrimoine commun de l’humanité27 à la biodiversité. Un statut pourtant cher aux yeux du
Professeur Alexandre Kiss afin de préserver la biodiversité de tout risque d’emprise par le
domaine marchand. Rebaptisée Convention du « grand partage » par certains auteurs,28 cette
convention vise les avantages issus de l’exploitation des ressources génétiques. Cela fait
référence aux objectifs de « conservation de la diversité biologique, l’utilisation durable de
ses éléments et le partage juste et équitable des avantages découlant de l’exploitation des
ressources génétiques » affirmés à l’article 1er de 1adite Convention. Cet engagement, qui
s’inscrit dans une logique d’obligation de moyens, illustre un glissement juridique à l’œuvre.
S’ensuit en 2000, la décision V/6 de la COP 5 de la précédente convention à Nairobi qui fait
référence de manière explicite à la préservation des services assurés par les écosystèmes.
Mais c’est avec l’arrivée du rapport du Millenium Ecosystem Assessment (MEA)29, publié en
2005, que va être médiatisé le concept de « services écosystémiques ». Cela marque un
nouveau tournant international dans la protection de la biodiversité, désormais appréhendée
25 A partir de 1992, la biodiversité vise à protéger aussi bien les espèces sauvages que les espèces domestiques. Auparavant ces dernières n’étaient pas prises en compte. Aussi, le concept de biodiversité vise à protéger aussi bien les espèces in situ (dans leur milieu naturel) que ex situ (en dehors de leur milieu). 26 VIVIEN F.-D., « Et la nature devient patrimoine », in BARRERE C., BARTHELEMY D., VIVIEN F.-D., Réinventer le patrimoine, Paris L’Harmattan, p.45. 27 Patrimoine commun de l’humanité étant défini par le Professeur A. Kiss comme étant la « matérialisation de l’intérêt commun de l’humanité dans des espaces, biens et être vivants déterminés » renvoyant ainsi à l’impossibilité d’appropriation des éléments qui le composent pour sa réalisation, R.C.A.D.I. 175, p. 243. SOHNLE J., « Avant-propos », Marché et environnement, Actes du colloque annuel de la SFDE à Strasbourg des 29 et 30 novembre 2012, coll. Bruylant, p.10. 28 Voir en ce sens HERMITTE, (1992) ; MALJEAN-DUBOIS (2005) ; THOMAS and BOIVERT (2015). 29 Évaluation des écosystèmes pour le millénaire, étude réalisée par 1360 experts de 95 pays.
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sous le prisme des services. Le concept de services écosystémiques s’impose à travers sa
valeur économique. Cela amène à penser différemment la biodiversité, l’incluant dans les
activités humaines, source de richesse dans sa protection. Ces derniers apparaissent dès lors
comme l’élément conciliateur entre l’Homme et la Nature, opérant ainsi un changement de
paradigme. Plus récemment encore au niveau international, une nouvelle dynamique s’est
mise en marche depuis le 24 juin 2017 avec le Projet de Pacte mondial pour
l’environnement qui ambitionne de reconnaître de nouveaux principes généraux du droit
international de l’environnement. En tant que texte juridique contraignant, celui-ci pose des
principes généraux et transversaux qui doivent s’appliquer au droit environnemental, et
partant, entend renforcer la protection de la biodiversité. Il sera proposé par le Président de la
République française à l’ONU en septembre 2017.
La diffusion du droit de la biodiversité en droit français. Concomitamment, en
droit interne, le droit relatif à la protection de la nature fut longtemps fragmenté. En France, la
préservation de la biodiversité a, dans un premier temps, été pensée pour lutter contre la
disparition des espèces, des habitats en les protégeant et prévenant leurs atteintes. Tel était le
cas avec la loi du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature en France. Celle-ci a pu
être qualifiée « d’étape nouvelle et importante dans l’élaboration d’un droit à
l’environnement » par Edouard Bonnefous30. La protection des espaces naturels, des paysages
et des espèces végétales et animales est dès lors déclarée d’intérêt général. Cette loi s’inscrit
dans une logique conservationniste conduisant à séparer l’Homme de la Nature. Or, cette
protection de l’espace et des espèces, bien qu’importante n’est pourtant pas une garantie
suffisante pour l’évolution du vivant qui ne peut s’enfermer dans des « cages dorées »31.
Les grandes étapes suivantes reprendront la défense de cet intérêt général comme ligne
directrice, en témoigne ainsi la loi Barnier de 1995 relative au renforcement de la protection
de l’environnement, le Code de l’environnement, la Charte de l’environnement de 2004
qui explicite l’intérêt conféré à l’environnement reconnaissant sa protection, préservation et
restauration d’intérêt général32 ou encore les lois Grenelles I et II, couvrant un champ plus
vaste qu’est le développement durable. La mobilisation législative s’intensifie encore, en 30 Edouard Bonnefous (1907-2007), pionnier de la pensée écologique moderne a dédié une grande partie de sa vie à observer et analyser les relations que l’Homme entretien avec son milieu naturel à la recherche de solutions concrètes afin d’enrayer la dégradation de la planète. HERMITTE M.-A., « Vox clamantis in deserto » ou illustration du schisme de réalité », « Edouard Bonnefous et la biodiversité : VL’environnement et ses métamorphose, BRECHIGNAC C., DE BROGLIE G., MIRELLE DELMAS-MASTY M. (dir.), Paris, Hermann, 2015, p 95. 31 Ibid. 32 L’idée étant que la valeur de l’environnement dépasse les intérêts et droits individuels.
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atteste particulièrement les dernières avancées juridiques insufflées par la récente loi pour la
reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages adoptée le 8 aout 2016 (dite loi
Biodiversité) sur laquelle nous mettrons particulièrement l’accent dans cette étude. « Créer
une nouvelle harmonie entre la nature et les humains » telle était l’idée avancée par Ségolène
Royal33. Cette loi, intervenant quarante ans après la loi de 1976 relative à la protection de la
nature et des paysages, vient enrichir voire même modifier le droit de l’environnement en
accordant une importance toute particulière à la protection de la biodiversité, dans une
approche globale. Celle-ci propose « une vision renouvelée de la biodiversité »34 . Un
changement de paradigme est à l’œuvre reconnaissant à la fois la protection de la biodiversité
et des services écosystémiques. Cette loi se veut ambitieuse. Et pour cause, au-delà de la
protection de la biodiversité, elle entend la « reconquérir ». Reconquête, un terme fort de sens
auquel aurait pu lui être substitué l’expression « extension du domaine de lutte » pour en
définir le contenu selon le Professeur Agathe Van Lang35. En effet, dans un contexte de perte
de biodiversité, il peut sembler paradoxal de reconquérir ce qui est définitivement perdu. Par
ailleurs, notons que cette loi s’inscrit dans une conception anthropocentrée de la biodiversité,
déjà développée dans la Charte de l’environnement. Une avancée qui illustre la
métamorphose de l’esprit du législateur, s’éloignant ainsi de l’esprit conservationniste de son
ainée. Celle-ci vient réaffirmer par ailleurs le caractère général de la protection et de la
capacité à évoluer de la biodiversité.36
Les récentes avancées législatives traduisent un élargissement de focale. Un
renouvellement de l’imaginaire juridique est à l’œuvre. Longtemps, la biodiversité n’a donc
été appréhendée qu’à travers ses éléments constitutifs. Le droit de l’environnement a mis
plusieurs années à intégrer le concept de biodiversité, concept qui n’imprègne toujours pas
entièrement le Code de l’environnement dans sa version actuelle37. Celui-ci a effectivement
évolué dans son appréhension par le droit au cours du temps, passant d’une approche
conservationniste, centrée sur la protection des sites et paysages remarquables et des espèces
rares et emblématiques, à une approche anthropocentriste, prenant en compte la place de
l’Homme par rapport à la Nature. Nature, biodiversité, services écosystémiques, un
33 Sens donné au projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysage par l’ancienne ministre de l’écologie, Ségolène Royal, le 24 mars 2015 à l’Assemblée Nationale. 34 DOUSSAN I., « Pour une "vision renouvelée" de la biodiversité », Droit de l’environnement, 1er septembre 2014, numéro 226, pp.226 et s. 35 VAN LANG A., « La loi Biodiversité du 8 août 2016 : une ambivalence assumée », A.J.D.A., 2016, p.2381. 36 Article L.110-1-II du Code de l’environnement. 37 Il ne conceptualise pas une partie générale visant la biodiversité.
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renouvellement des concepts juridiques qui témoigne d’un bouleversement dans l’approche
juridique de la protection de la biodiversité38. Le droit de l’environnement cherche désormais
à protéger l’intégralité du vivant et des milieux naturels. Toutefois, cette conception
écosystémique de l’environnement reste un réel « défi » à relever pour le droit selon le
Professeur Jean Untermaier. La protection de la biodiversité implique donc nécessairement
une convergence des disciplines pour permettre une protection plus favorable, dans une
approche globale et écosystémique. L’idée est de faire de la biodiversité un atout pour les
territoires et non plus une contrainte. L’interdisciplinarité est au fondement même de la
protection de la biodiversité. Dans ce contexte, le droit se veut à l’interface entre l’économie
et l’écologie.
Au delà de l’interdisciplinarité, la protection de la biodiversité ne peut être possible que grâce
à la mobilisation de tous les acteurs du territoire, aussi bien publics que privés et ce à toutes
les échelles, aussi bien internationale, régionale que nationale et locale. Notre étude, réalisée à
l’échelle du territoire normand, où s’est déroulé le stage de recherches, nous servira
d’illustration. Cette analyse s’inscrit en effet dans un stage pluridisciplinaire à la recherche de
leviers pour espérer renforcer la protection de la biodiversité au niveau régional. La
biodiversité ne devrait pas s’imposer comme une contrainte mais comme un véritable atout
pour les décideurs locaux. Analyser les dispositifs juridiques existants et accompagner les
acteurs à changer de regard étaient donc l’objectif. A l’échelle nationale comme à l’échelle
locale, en effet, la même problématique s’impose :
Quels sont les leviers juridiques pour protéger et valoriser la biodiversité ?
Autrement dit, existe-t-il des leviers juridiques considérant la biodiversité comme une
opportunité ? Comment le droit intervient-il au soutien des autres disciplines que sont
l’économie et la socio-écologie ? Quelles sont les logiques juridiques à l’œuvre ?
La première, économique, s’articule à travers l’approche en termes de services
écosystémiques (PARTIE 1). La seconde, socio-écologique, est une logique globale et qui
ambitionne une vision intégrée de la biodiversité (PARTIE 2).
38 Voir en ce sens, OST F., « La nature hors la loi », L'écologie à l'épreuve du droit, Paris, La Découverte, 1995.
10
PARTIE I LES LEVIERS JURIDIQUES NES DU PROLONGEMENT D’UNE ANALYSE ECONOMIQUE DE LA BIODIVERSITE
L’approche par les services écosystémiques développée par les économistes pour
protéger la biodiversité, en attribuant une valeur à la Nature, bouleverse le rapport de
l’Homme à la Nature. L’esprit du législateur se trouve renouvelé avec l’adoption de la récente
loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages consacrant désormais la
protection de la biodiversité mais également celle des services écosystémiques. Se focaliser
sur les services écosystémiques amène, par voie de conséquence, à s’interroger sur les
interrelations entre le droit et l’économie. Dans un monde anthropocentré, les liens entre droit,
économie et préservation de la biodiversité sont étroits. Ces deux systèmes de pensées, bien
que distincts par leurs fins et leurs moyens39, tous deux à l’origine au service des êtres
humains, ont ouvert leur champ d’action à de nouvelles entités vivantes : la biodiversité.
L’émergence d’une prise en compte de la biodiversité dans les sphères économiques et
juridiques à travers l’approche par les services écosystémiques implique une rencontre des
deux disciplines dans un objectif commun de protection.
En s’inscrivant au prolongement d’une analyse économique de la biodiversité, le droit
s’approprie dans un premier temps le concept de services écosystémiques d’origine
économique pour la protection de la biodiversité (Chapitre 1). Le droit intervient dans un
second temps dans la mise en œuvre juridique d’instruments économiques (Chapitre 2).
CHAPITRE 1: L’appropriation par le droit du concept economique de services ecosystémiques pour la protection de la biodiversité
L’approche par les services écosystémiques a été médiatisée, à l’échelle
internationale, par le rapport du Millenium Ecosystem Assessment publié en 2005. Les
partisans du concept mettent en avant le fait qu’il est « le support potentiel d’un véritable
dialogue interdisciplinaire »40 nécessaire entre les sciences et les acteurs et décideurs. La
39 L’action de l’économie étant de réguler et celle du droit d’encadrer. 40 AUBERTIN C., COUVET D., FLIPO F., « Une “marchandisation de la nature” ? De l’intégration de la nature en économie», Revue du Mauss permanente, 9 février 2016.
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remarquable impulsion générée par le MEA s’est progressivement traduite en droit interne par
l’intégration de la notion de services écosystémiques dont la biodiversité en est le support.
Toutefois, une distorsion des approches des services écosystémiques est dans un premier
temps à analyser entre ces deux disciplines (Section 1). Cette distorsion amène par voie de
conséquence à s’interroger quant à l’intégration en droit des services écosystémiques comme
notion favorable à la biodiversité (Section 2).
Section 1 : Une distorsion des approches des services écosystémiques C’est dans un premier temps dans les analyses économiques que la notion de
« services écosystémiques » a émergé avant de se propager à son tour dans la sphère juridique.
Une analyse sur ces deux approches est alors pertinente. Bien que ce concept soit clairement
défini en économie (§1), il manque encore une définition juridique précise (§2).
§1.Une approche précise en économie
Des économistes se sont emparés du concept de capital naturel sous l’angle des
bénéfices retirés du fonctionnement des écosystèmes. Dans un premier temps, la notion de
« services écosystémiques » a été utilisée dans un but pédagogique pour faire émerger une
prise de conscience humaine. Un article de Costanza et al.41 relatif à la valeur du capital
naturel mondial et des services écosystémiques a marqué une première étape, faisant entrer la
notion dans l’arène scientifique.
Le rapport du MEA est venu véritablement institutionnaliser la notion de « services
écosystémiques »42, en partant du constat qu’il est indispensable « d'évaluer les conséquences
des évolutions des écosystèmes sur le bien-être humain pour contribuer à l'élaboration d'une
base scientifique des actions nécessaires à l'amélioration de la conservation et de l'utilisation
durable des écosystèmes »43. Le lien entre l’érosion de la biodiversité et la diversité des
http://www.journaldumauss.net/spip.php?page=imprimer&id_article=1283 41 COSTANZA R. et al., « The value of the world’s ecosytem services and natural capital », Nature, 1997, 387, pp.253-260. 42 MONGRUEL R., MERAL P., DOUSSAN I., LEVREL H., « L’institutionnalisation de l’approche par les services écosystémiques : enjeux pour les dispositifs et les cadres de gestion », in ROCHE P., GEIJZENDORFFER I.., LEVREL H., MARIS V. (coord.), Valeurs de la biodiversité et services écosystémiques, Quae, Versaille, 2016, p.195. 43 BRAHIC E., RAMBONILAZA T., Quelle valeur les Français accordent-ils à la préservation de la biodiversité dans les forêts publiques métropolitaines, coll. « Études et documents », SEEIDD, CGDD, n°141, mars 2016, p.9.
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causes d’insécurité pour l’Humanité est avéré. Ce rapport est venu alerter sur les pressions
exercées sur les services écosystémiques44 et démontrer, par la même occasion, les liens entre
les services écosystémiques et le bien-être humain.
Par ailleurs, le MEA introduit une définition des services écosystémiques comme étant « les
bénéfices que les hommes tirent des écosystèmes ». Une classification de ces services est
établie, en les regroupant en quatre grandes catégories. Tout d’abord, les « services
d’approvisionnement » ou de « prélèvement » sont des biens appropriables tels que les
aliments, les matériaux, les fibres, les agrocarburants, les eaux douces, les ressources
génétiques, les ressources ornementales, les composés médicinaux et pharmaceutiques… Ces
services, consommés directement ou indirectement, sont pris en compte par le marché en tant
que biens appropriables. Puis, les « services de régulation » qui constituent la capacité de
moduler des phénomènes dont le cycle de l’eau, le climat, les maladies… La biodiversité est
un élément dynamique régulant nos cycles de vie, déterminant pour la santé humaine et pour
la qualité des milieux naturels. Les « services de support » quant à eux, conditionnent le bon
fonctionnement des écosystèmes. Ces services sont indirectement utilisés par l’homme, tels
que la production d’éléments nutritifs, la formation et le maintien des sols, la fourniture de
carbone, l’épuration et le stockage de l’eau… et servent de support pour les activités
humaines. Les services de support contribuent à la réalisation des autres services. Enfin, les
« services culturels » qui renvoient à l’utilisation des écosystèmes à des fins récréatives,
esthétiques ou spirituelles. Les catégories des services de régulation et de support sont
considérées comme étant les plus innovantes du MEA45.
La notion de « services écosystémiques » va se diffuser ensuite lors des conférences des
Parties de la Convention sur la diversité biologique, en particulier lors la conférence des
Parties tenue à Nagoya le 18 octobre 2010. Un nouvel objectif va être fixé, celui de
« valoriser, conserver et restaurer la biodiversité à l’horizon 2050, afin que perdurent les
services rendus par les écosystèmes ». La Convention de Nagoya sera traduite avec les
objectifs d’Aïchi, adoptée par les Parties. En tant que nouveau Plan stratégique pour la
biodiversité 2011-2020, l’article 14 dispose que « d’ici à 2020, les écosystèmes qui
fournissent des services essentiels, en particulier l’eau et contribuent à la santé, aux moyens
de subsistance et au bien-être, sont restaurés et sauvegardés ». Par ailleurs, les travaux sur
44 Il a été démontré que 15 des 24 des services écosystémiques étudiés étaient en cours de dégradation ou de gestion non durable. 45 MARIS V., « Nature à vendre ». Les limites des services écosystémiques, Quae, Sciences en questions, Clermont-Ferrand, France, 2014, p25.
13
l’évaluation des écosystèmes et des services écosystémiques de 2008 (TEEB46) renvoient à
une lecture économique de la Nature, servant de référentiel. L’économie de la biodiversité
soutient qu’il convient d’évaluer la biodiversité monétairement au préalable, en vue de
l’intégrer dans la prise de décision. Les décideurs vont donc être amenés à s’appuyer sur ces
travaux économiques. Les services écosystémiques sont considérés comme des éléments
extrêmement importants pour répondre à l'urgence écologique. Ceux-ci s’inscrivent dans une
double dimension, à la fois en tant que réponse dans la lutte contre la perte de biodiversité et
en tant que réponse stratégique.
Soulignons que la définition précise du MEA renvoie à une vision anthropocentrée de
la biodiversité. La notion de « services écosystémiques » a permis d’intégrer les interactions
avec la société dans les évaluations scientifiques. De plus, les travaux de l’évaluation
économique sont axés sur une approche purement économique. Le MEA est véritablement
venu populariser le concept en tant qu’argument politique pour mettre en avant que l’homme
préserve ses propres intérêts en protégeant la biodiversité. Toutefois, bien que défini
économiquement, le concept n’est pas stabilisé en droit.
§2. Une approche imprécise en droit
Les prémices des « services écosystémiques » dans la loi du 1er août 2008. C’est
dans la loi du 1er août 2008 que la prise en compte des fonctions écologiques est apparue en
droit français. Rappelons que le droit par définition se nourrit des concepts, c’est en cela qu’il
s’est nourri du concept de « services écosystémiques » ou plutôt devrions nous parler
désormais de notion47. La notion est apparue pour la première fois dans le droit de l’Union
européenne avec la Directive sur la responsabilité environnementale en date du 21 avril
200448. L’ajout de ces services écosystémiques à la définition du dommage environnemental
marque même une avancée majeure selon Olivier Fuchs49. En cela, le droit a quand même pris
en compte la notion de « services écologiques » avant le MEA. La Directive sera transposée
ensuite par la loi du 1er aout 2008 sur la responsabilité environnementale (LRE) et codifiée
46 The Economics of Ecosystems and Biodiversity. 47 Notion est assortie d’effets juridiques alors que le concept est au stade de l’idée théorique. Voir Thèse FIN-LANGER L., L’équilibre contractuel, 2000. 48 Directive 2005/35/CE du Parlement Européen et du Conseil du 21 avril 2004 sur la responsabilité environnementale en ce qui concerne la prévention et la réparation des dommages environnementaux, J.O.U.E. L.143/56 du 30/04/2004. 49 FUCHS O., « Le régime de prévention et de réparation des atteintes environnementales issu de la loi du 1er août 2008 », A.J.D.A ., 2008, p.2110.
14
aux articles L.160-1 et suivants du Code de l’environnement. Le Professeur François-Guy
Trébulle qualifiera par ailleurs de « notable la consécration en droit des « services
écologiques »50. C’est donc dans le régime administratif spécifique de la réparation que le
concept fait son apparition en droit interne. Consacré à l’article L.161-1-I 4° du Code de
l’environnement en précisant que « constituent des dommages causés à l’environnement au
sens du présent titre les détériorations directes ou indirectes mesurables de l’environnement
qui (…) affectent les services écologiques », ceux-ci font désormais partie d’une composante
du dommage réparable. Selon la juriste Alexandra Langlais51, l’introduction de ce concept
dans la définition du dommage environnemental par la loi est notable dans la mesure où elle
permet une évaluation plus complète des impacts que peuvent causer les activités humaines.52
Les dommages causés aux bénéfices que retirent les humains et les ressources elles-mêmes
viennent ainsi compléter les dommages aux ressources naturelles élémentaires.53 La loi de
transposition du 1er aout 2008 sur la responsabilité environnementale54 inscrit la seule
définition des « services écologiques » en droit interne. En effet, l’article L.161-1-I 4° du
Code de l’environnement les définit comme étant « les fonctions assurées par les sols, les
eaux et les espèces et habitats55 mentionnés au 3° au bénéfice d'une de ces ressources
naturelles ou au bénéfice du public, à l'exclusion des services rendus au public par des
aménagements réalisés par l'exploitant ou le propriétaire. » Cette définition est
« extrêmement intéressante »56 selon Madame Alexandra Langlais dans la mesure où elle ne
s’inscrit pas uniquement dans la dimension anthropocentrée comme peut le faire le MEA.
Autrement dit, elle se veut plus large puisqu’en parlant de « fonctions » elle prend en
compte à la fois les bénéfices que la Nature peut rendre à l’Homme mais également les
bénéfices que la Nature se rend à elle-même, donc indépendamment de l’Homme.
50 TRÉBULLE F.-G., « Quelle prise en compte pour le préjudice écologique après l'Erika ? », Environnement, numéro 3, 1er mars 2013, repère 15. 51 Chargée de recherches au CNRS, IODE (UMR 6262 Rennes). 52 « This inclusion of the concept of services in the definition of environmental damage and pollution (of the marine environment) should lead to a subtler, more complete evaluation of the environmental impact of human activity and actions taken in the fight against climate change », HERVE-FOURNEREAU N., LANGLAIS A., « Does the concept of ecosystem services promote synergies between European strategies for climate change and biodiversity », Biodiversity and Climate Change Linkages at International, National and Local Levels, The IUCN Academy of Environmental Law series, Edward Elgar, Cheltenham, UK., p.74. 53 KROMAREK P, JACQUEAU M., «Réflexions autour de la transposition de la directive sur la responsabilité environnementale en droit français », Environnement, n°11, étude 18, novembre 2004. 54 Il s’agit d’un régime de police administrative qui s’inscrit dans le cadre d’une obligation de réparation. 55 Protégés par la Directive 79/409/CEE du Conseil du 2 avril 1979, concernant la conservation des oiseaux sauvages, J.O., L.103 du 25/04/1979, p.1. dite « Oiseaux » et la Directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages, J.O., L.206 du 22/07/1992, p.7. dite « Habitas ». 56Intervention aux rencontres nationales de l’IRD2, « La biodiversité : une offre illimitée ? », Caen, le 2 mars 2017.
15
L’accent est donc mis sur la réciprocité de ces « services ». La loi fait d’ailleurs référence aux
« bénéfices » plutôt qu’aux « services » à destination humaine en tant que telle. Cette
définition est donc extensive, ne réduisant pas les services à une dimension uniquement
anthropocentrée. Toutefois, bien que présentant un grand intérêt dans la préservation de la
biodiversité, cette définition ne peut être généralisable car elle reste attachée à une
responsabilité environnementale, son champ d’application est donc restreint. Ces services
n’ont pourtant été que peu appréhendés par le droit de l’environnement. Madame Marie
Bonnin soulignait déjà en 2012 le fait que « peu d’analyses juridiques ont été réalisées sur le
concept de services fournis par les écosystèmes ».57
La prise en compte récente des services écosystémiques dans la loi du 8 août 2016.
La récente loi pour la reconquête de la biodiversité marque un tournant important en ce
qu’elle entend protéger la biodiversité et les services écosystémiques. L’intérêt premier de
cette loi s’analyse dans la conception retenue de la biodiversité, inspirant les régimes
juridiques qui s’y attachent. Cette conception est exposée de façon claire dans l’exposé des
motifs du projet de loi, exprimant que la biodiversité est une « force économique pour la
France » assurant des « services écosystémiques » mais dont le « coût de leur disposition » 58
n’est pas encore connu. La loi insiste sur cette vision de la Nature comme fournisseur de
services écosystémiques59. Par ailleurs, la biodiversité apparaît comme étant « un capital
économique extrêmement important » 60. L’approche économique de la biodiversité était donc
déjà clairement affirmée en amont de l’adoption de la loi, mettant en avant son caractère
utilitariste dans les travaux relatifs à la financiarisation de la biodiversité et des services
écosystémiques 61 . Les parlementaires français ont également estimé que l’évaluation
économique de la biodiversité « demeure une voie de progrès essentielle » pour sa
protection62. C’est cette vision économique qui sera reprise par le législateur en intégrant les «
services écosystémiques » qui n’étaient jusqu’à présent seulement prévus dans la loi sur la 57 BONNIN M., « L’émergence des services environnementaux dans le droit international de l’environnement : une terminologie confuse », VertigO - la revue électronique en sciences de l'environnement [En ligne], Volume 12 numéro 3, déc. 2012, 14p. 58 MARTIN P., Rapport du projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, n°1847, le 26 mars 2014. 59 HERMITTE M.-A., « Edouard Bonnefous et le biodiversité : « Vox clamantis in deserto » ou illustration du schisme de réalité », op. cit., p 100. 60 MARTIN P., Rapport du projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, op.cit. 61 CHEVASSUS-AU-LOUIS B., « Approche économique de la biodiversité et des services liés aux écosystèmes, Centre d’analyses stratégiques », Documentation Française., coll. Rapports et documents, n° 18-2009. 62 GAILLARD G., Enjeux et outils d’une politique intégrée de conservation et de reconquête de la biodiversité, Rapport d’information au nom de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, Assemblée nationale, 6 avril 2011, pp.36-37.
16
responsabilité environnementale issue de la Directive 2004/35/CE. Est également précisé dans
la loi Biodiversité que le patrimoine commun de la Nation se compose d’éléments naturels qui
« génèrent des services écosystémiques et des valeurs d’usages »63. L’emploi du terme de
« valeurs d’usages » renforce la vision économique de la loi puisque celle-ci ne fait pas
référence aux valeurs de non usages, notion plus juridique64. L’environnement est plutôt
perçu comme un ensemble de biens ou d’actifs, faisant ainsi passer au second plan le
caractère immatériel et désintéressé de ce patrimoine commun en droit de l’environnement.65
Par ailleurs, la sauvegarde nécessaire des services écosystémiques est affirmée à l’article
L110-1-II disposant que « (…) la sauvegarde des services qu'ils fournissent sont d'intérêt
général » ainsi qu’à l’article L110-1-III 2° qui prévoit « la préservation de la biodiversité, des
milieux, des ressources ainsi que la sauvegarde des services qu'ils fournissent et des usages
qui s'y rattachent ». On notera toutefois l’absence de définition pour les services
écosystémiques. Face à ce constat, la loi ne semble pas viser la biodiversité pour elle-même
mais plutôt pour l’usage que les êtres humains peuvent en faire. Cela consolide la conception
anthropocentrique de la biodiversité, une conception d’ailleurs avancée par la Commission du
développement durable du Sénat qui a préféré recourir volontairement à la notion de
« services » plutôt que celle de « fonctionnalités écologiques » pour « valoriser l’approche
anthropocentrique et économique de la biodiversité en ce qu’elle rend des services »66. Par
ailleurs, notons que la définition du préjudice écologique retenue dans le code civil à
l’article 1247 fait quant à elle référence aux « bénéfices collectifs tirés par l’homme de
l’environnement ». Nous pouvons donc nous demander si cela renvoie aux services
écosystémiques.
Oscillant entre « fonctions » et « services écologiques », l’absence de définition
juridique précise et la mise en droit récente de ces services amène à se questionner sur
l’efficacité de cette approche, en tant que notion réellement favorable à la protection de la
biodiversité.
63 Article L.110-1-I du Code de l’environnement. 64 Les valeurs d’usages et de non usages renvoient aux travaux d’étude du cadre de la valeur économique totale appliqué à la biodiversité et aux services écosystémiques, d’après CHEVASSUS AU LOUIS et al, 2009, op cit. 65 VAN LANG A., « La loi Biodiversité du 8 août 2016 : une ambivalence assumée », A.J.D.A., 2016, p. 2381. 66 BIGNON J., Rapport fait au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages et sur la proposition de loi organique, adoptée par l’Assemblée Nationale, relative à la nomination et à la présidence du conseil d’administration de l’Agence française pour la biodiversité, Tome 1, rapport n°607, 8 juillet 2015, p.72.
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Section 2 : La mise en question des services écosystémiques comme notion favorable à la biodiversité La « mise en droit » 67 de la notion de « services écosystémiques amène à s’interroger
à deux niveaux. D’une part, le fait que la notion ne soit pas stabilisée en droit peut mettre en
cause son application (§1). D’autre part, celle-ci vient véritablement bouleverser le champ du
droit de l’environnement, amenant à repenser les relations Homme-Nature (§2).
§1. Une notion non stabilisée en droit mettant en cause son application
La « mise en droit » des services écosystémiques dans le but de les protéger, interroge
quant au fait de prendre pour référentiel une définition économique. En effet, cette intégration
juridique, comme nous avons pu le constater, souffre d’une absence de définition juridique.
Pourtant, le recours à la notion de « services » est de plus en plus utilisé aussi bien en droit
que dans les autres disciplines. En ce sens, le Professeur Jean Untermaier rappelle de façon
pertinente que « les mots les plus courants, qui semblent aller de soi, s’avèrent souvent
rebelles à une approche rigoureuse »68. Sans définition stabilisée, nous pouvons nous
demander si cette protection de la biodiversité par les services écosystémiques peut être
véritablement effective. Cette absence de définition juridique amène par conséquent à prendre
en compte la définition économique plus « libre »69 qui fait autorité depuis l’avènement du
MEA. Une définition qui renvoie donc à une vision anthropocentrée et basée sur une
approche économique de la Nature. Par ailleurs, notons que cette absence, si elle peut sembler
défavorable à la biodiversité, peut toutefois très bien être amenée à se construire grâce à la
jurisprudence. En effet, le juge pourrait à l’avenir avoir l’opportunité de préciser cette notion.
Partant, celui-ci pourrait se baser sur une définition plus englobante et se positionner pour une
vision plus large de la notion en reprenant notamment l’esprit de la définition instaurée par la
loi sur la responsabilité environnementale, plus favorable à la biodiversité. Si l’objectif du
droit est de réellement renforcer la protection de la biodiversité pour la « reconquérir »,
il conviendrait de préférer la définition retenue dans la LRE. En effet, celle-ci en prenant
en compte à la fois les bénéfices humains et les bénéfices pour les ressources naturelles elles-
mêmes. Les fonctions écologiques présentent le double avantage de n’appartenir à personne et
67PREVOST B., RIVAUD A., MICHELOT A., « Économie politique des services écosystémiques : de l’analyse économique aux évolutions juridiques », Revue de la régulation, Varia, 1er semestre, printemps 2016. [En ligne mis en ligne] le 27 juin 2016, consulté le 1er août 2017, pt. 6. 68 Voir en ce sens UNTERMAIER J., La conservation de la nature et le droit public, thèse de doctorat en droit public, Université Lumière, Lyon, p. 3. 69 Intervention aux rencontres nationales de l’IRD2, « La biodiversité : une offre illimitée ? », Caen, 2 mars 2017.
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de ne pas être l’objet d’évaluations économiques. Les services renvoient en effet à une
autre réalité dans le monde du droit. Le juge pourrait donc avoir un rôle important à
jouer en se saisissant de cette absence de définition pour en faire émerger une
« définition juridique dynamique » des services écosystémiques plus favorable à la
biodiversité. Le problème qui se pose est donc ce flou juridique actuel qui peut créer une
forme d’insécurité juridique reposant sur le flou de la notion elle-même70. Aussi, en tant que
nouveaux éléments de protection de l’environnement, il s’agit de nouveaux objets de droit à
protéger. Or, ne sachant pas exactement ce que sont ces services, il existe un flou dans la
réparation et la prévention. Cette avancée juridique est lacunaire.
§2. Une notion bouleversant le champ du droit de l’environnement
Au delà des notions employées, l’introduction généralisée des services
écosystémiques en droit n’est pas sans impact dans le champ du droit de l’environnement lui-
même71. Elle constituerait même une « rupture juridique » selon Agnès Michelot72. En effet,
le rôle du droit, en tant que régulateur des activités humaines, s’est construit sur une approche
règlementaire, à la recherche des responsabilités des atteintes causées à l’environnement. En
cela, son objectif est avant tout d’encadrer les activités humaines et, en cas de dommage
environnemental, d’en fixer les modalités de réparation.
L’avènement du Millenium Economic Assessment de 2005 a entrainé un véritable changement
de paradigme dans les relations entre l’Homme et la Nature. Ce tournant engendre également
en droit entrainant alors un bouleversement juridique. En effet, il est avancé dans un premier
temps, que les bénéfices tirés de la Nature contribuent à la survie et au bien-être humain.
Partant de ce constat, la protection des écosystèmes devient motivée par les intérêts humains.
C’est donc ce même intérêt anthropique, très marqué à travers cette approche utilitariste de la
Nature, qui se substitue à la valeur intrinsèque de la Nature73. Il devient ainsi un moteur dans
la protection de la biodiversité. Certains auteurs74 avancent même que cette introduction
généralisée des services écosystémiques, suscite un questionnement quant aux instruments
juridiques eux-mêmes. Les instruments juridiques environnementaux se fondant sur les
obligations de protection à travers les principes fondamentaux de prévention et de précaution 70 BIZET J., Rapport sur le projet de loi (urgence déclarée) relatif à la responsabilité environnementale, rapport n°348 fait au nom de la commission des Affaires économiques, Sénat, 21 mai 2008, p.39. 71 PREVOST B., RIVAUD A., MICHELOT A., « Économie politique des services écosystémiques : de l’analyse économique aux évolutions juridiques », op. cit., pt 39. 72 Ibid. 73 Ibid., pt. 41. 74 Voir en ce sens NAIM-GESBERT E., Droit Général de L’environnement, Paris, Lexis Nexis, 2014 ; PRIEUR M., Droit de L’environnement, Paris, Dalloz, 2011.
19
seraient remis en question. Notons également que cette distorsion relève du fait que
l’approche par les services écosystémiques se base sur une logique nouvelle, celle de
l’échange, nouvelle pour la logique règlementaire juridique.75 Le rapport du sujet avec son
objet est ainsi transformé. La relation juridique à la biodiversité n’est plus uniquement fondée
sur une approche d’identification, de protection ou encore de mise en valeur des fonctions
écologiques. Parler en terme de « services » revient à s’interroger à la fois sur le fournisseur et
sur le bénéficiaire dudit service. Cela laisse une ouverture propice à l’émergence des
techniques contractuelles.
L’évaluation économique de la biodiversité à travers les bienfaits que l’Homme peut
tirer des écosystèmes amène le droit à dépasser sa logique règlementaire traditionnelle en vue
de s’adapter aux outils d’évaluations économiques des services écosystémiques. Après l’étude
de l’appropriation des notions, des questionnements d’ordre pratique avec la mise en place
d’instruments économiques se posent donc. Dans le système d’économie politique dominant,
l’approche par les services écosystémiques et la mise en place d’évaluations économiques
justifient l’avènement de certains dispositifs juridiques. Le droit doit intervenir pour faire
jouer son rôle d’encadrement et ainsi les rendre opérationnels mais aussi conformes au
système juridique applicable. La mise en garde de l’économiste Richard B. Noogard va
d’ailleurs dans ce sens en estimant que « l’approche par les services écosystémiques peut
s’intégrer dans une solution plus globale, mais sa dominance dans l’évaluation de la
situation et les solutions proposées nous aveugle quant à la complexité des enjeux auxquels
nous sommes confrontés ».76 Le droit se doit d’intervenir.
CHAPITRE 2 : L’encadrement juridique nécessaire des instruments économiques pour une meilleure protection de la biodiversité
Les services rendus par les écosystèmes se trouvent monnayés depuis qu’une
évaluation économique a émergé. Cette logique de coût/bénéfices de ces services implique de
multiples temps de rencontres entre l’économie et le droit. A la recherche d’une imbrication
efficace et pertinente entre approches économique et juridique, une diversité d’instruments de 75 PREVOST B., RIVAUD A., MICHELOT A., « Économie politique des services écosystémiques : de l’analyse économique aux évolutions juridiques », op. cit., 76 NORGAARD R-B., “Ecosystem services : From eye-opening metaphor to complexity blinder”, Ecological Economics, 2010, 69, p.1219.
20
gouvernance est ainsi développée, basée sur diverses méthodes d’évaluation de ces services.
Donner une valeur économique aux fonctions utiles qui seraient difficilement substituables
ouvre la possibilité d’une marchandisation de la biodiversité. Un encadrement par le droit est
donc primordial pour mener à bien cette protection de la biodiversité. Il intervient en
prolongement de l’économie pour assurer sa fonction première d’encadrement de tels
instruments économiques de protection de la biodiversité. Ainsi, l’apport du droit est de
prévenir les potentiels dérives de marché qui sous-tendent cette monétarisation. Toutefois, la
monétarisation de la biodiversité n’implique pas forcément une rupture avec le droit dans sa
manière de répondre aux questions environnementales. En effet, les mécanismes de
compensation permettent aux responsables d’une destruction de s’acquitter de leurs
obligations, selon les mécanismes de responsabilité de l’approche règlementaire. Pourtant, la
mise en œuvre de l’obligation légale de compensation77 par les acteurs économiques suscitent
la controverse (Section 1). Par ailleurs, la notion même de services écosystémiques amène à
s’interroger quant à la mise en œuvre des instruments économiques dans le cadre des activités
d’acteurs privés (Section 2). L’évaluation économique de la biodiversité amenant à sa
monétarisation justifie l’avènement d’instruments juridiques adaptés. Entre imbrications
imparfaites et imbrications pertinentes, quels exemples et quelles voies suivre ?
Section 1 : La mise en œuvre de l’obligation légale de compensation par les acteurs économiques
La loi Biodiversité vient enrichir le principe général de prévention des atteintes à
l’environnement en explicitant le triptyque « éviter, réduire, compenser » (ERC) tel que
défini par la loi du 2 février 199578. Cette séquence permet aux activités humaines de se
développer et de réaliser des ouvrages et travaux tout en respectant les exigences
environnementales. A condition de minimiser leurs impacts environnementaux, la
construction d’infrastructures publiques, de bâtiments privés ainsi que la planification urbaine
de l’espace sont rendues possibles. Cette obligation s’inscrit avant tout dans une logique
préventive intégrée. La loi Biodiversité s’attache particulièrement à l’obligation de
compensation ex ante79 en introduisant dans le Code de l’environnement un mécanisme de
77 Voir en ce sens, LUCAS M., Etude juridique de la compensation écologique, Thèse Université de Strasbourg, 2012. 78 Loi n° 95-101 du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement. 79 La loi traite de la compensation ex ante, à savoir la compensation qui anticipe les mesures de réparation de l’environnement nécessaires suite à la réalisation d’un projet d’aménagement ou d’un programme. VAN LANG A., « La compensation des atteintes à la biodiversité : de l’utilité technique d’un dispositif éthiquement contestable », R.D.I., 2016 p. 586.
21
compensation des atteintes prévisibles à la biodiversité et en précisant ses modalités pratiques.
Ethiquement contestable, le législateur reconnaît désormais la possibilité au maître d’ouvrage
de recourir aux unités de biodiversité en vue de compenser les impacts environnementaux des
projets (§1). Toutefois, les acteurs du territoire normand peuvent être pris pour exemple en
appliquant le triptyque de façon cohérente. Un renforcement du principe de prévention et un
encadrement de la compensation comme dérogation à ce principe s’avèrent indispensables
dans la protection de la biodiversité. Les mesures de prévention et de compensation prises sur
la Prairie de Caen lors des Jeux Equestres Mondiaux peuvent en témoigner (§2).
§1. Les unités de biodiversité, une tentative incomplète de mise en œuvre de
l’obligation de compensation écologique
La compensation s’impose comme « le moyen de ne rien perdre de l’environnement et
de la biodiversité », voire « d’améliorer la qualité environnementale des milieux »80. Vue
comme un « marché en construction »81 ou un « marché de destruction »82 ? Ce qui est sûr est
que la compensation fait couler de l’encre en ouvrant la création de « réserves d’actifs
naturels » dans le cadre de la compensation par l’offre.
Le développement récent des unités de compensation. Dans cette logique de
développement des activités, c’est de l’ouverture d’un nouveau marché dont il est question,
un marché dont la biodiversité en serait l’objet même. En 2003, l’OCDE faisait déjà référence
« aux mécanismes mis en œuvre dans le but de créer un système d’indemnisation pour les
projets qui influent négativement sur la biodiversité ».83 En 2007, un Livre vert relatif aux
instruments fondés sur le marché en faveur de l’environnement est venu s’interroger sur
l’éventualité de mettre en place un marché d’unités de biodiversité84. Il propose de recourir
aux règles du marché pour protéger la biodiversité à travers l’instauration de « titres
80 R.122-14 II du Code de l’environnement. 81 THIEVENT P., Directeur de la CDC Biodiversité : envirojob.fr. 82 LANGLAIS A., « Le droit de la biodiversité à l’aune du développement durable ou l’ouverture à de nouvelles formes d’équité environnementale ? L’exemple controversé de la compensation écologique », in Agnès Michelot, Equité et environnement : Quel(s) modèle(s) de justice environnementale ?, édition Larcier, 1ère édition, juillet 2012. 83 OCDE, Mobiliser les marchés au service de la biodiversité : pour une politique de conservation et d’exploitation durable, 2003, p. 77. 84 Livre vert sur les instruments fondés sur le marché en faveur de l’environnement et des objectifs politiques connexes, COM(2007), 140 final, Bruxelles, le 28 mars 2007.
22
environnementaux négociables »85. Dans cette logique qui veut rompre avec les paradigmes
préexistants et pour répondre à la nécessité d’améliorer la prise en compte des pertes de
biodiversité, s’est ainsi développée l’idée, à côté des instruments classiques, de mise en place
d’instruments fondés sur le marché. Reprenant l’exemple américain des « mitigation
banks »86, la CDC Biodiversité, filiale de la Caisse des dépôts et consignations, a créé sa
première « réserve d’actifs naturels » dans la plaine de la Crau en 201087. Suite à une fuite de
pétrole dans un oléoduc souterrain, la plaine de la Crau située en zone Natura 2000, a subi des
dommages environnementaux importants. Pour compenser ces impacts, l’idée de créer des
« réserves d’actifs naturels » a alors fait son apparition. La CDC Biodiversité a signé deux
premières conventions avec les responsables de l’atteinte à la biodiversité. Les responsables
s’engagent à payer la CDC Biodiversité afin de compenser les dommages irréversibles
survenus sur la plaine. En retour, elle s’engage à acheter les terrains, les restaurer puis
revendre des crédits de biodiversité à des maîtres d’ouvrage88.
La loi Biodiversité s’inscrit dans le prolongement de cette logique. Elle instaure une véritable
obligation de compensation pour le maître d’ouvrage, défini comme étant « l'auteur d'une
demande d'autorisation concernant un projet privé ou l'autorité publique qui prend l'initiative
d'un projet » en vertu de l’article L. 122-1-I 1°89 du Code de l’environnement. Cette
obligation concerne « la réalisation d'un projet de travaux ou d'ouvrage ou d'activités, ou
l'exécution d'un plan, d'un schéma, d'un programme ou d'un autre document de
planification ». Pour ce faire, plusieurs possibilités s’offre à lui. Il peut en effet effectuer les
mesures de compensation lui-même, ou bien recourir à deux types de contrat. D’une part, il
peut confier la réalisation des mesures compensatoires à un « opérateur de compensation »
selon l’article L.163-1-III du Code de l’environnement. Il peut s’agir d’une personne publique
ou privée en charge de mettre en œuvre ces mesures et de les coordonner à long terme.
D’autre part, il peut conclure un contrat qui repose sur « l'acquisition d'unités de
compensation dans le cadre d'un site naturel de compensation défini à l'article L. 163-3 du
code de l'environnement ». L’acquisition des unités de compensation dans un site naturel de
85 L’idée est de créer un marché où « des entreprises spécialisées créent des zones humides et vendent ensuite des crédits « zones humides » aux « promoteurs » afin de « compenser les dégâts inévitables que les projets d’aménagement causent à la biodiversité ». Livre vert, op. cit. p. 15. 86 Créées dans le cadre du Celan Water Act de 1972 pour la protection des zones humides, ces banques de compensation réalise la restauration d’un habitat par exemple, de maraie, praieries permanentes, haies et revendent par la suite des unités de compensation aux entreprises qui dont l’activité détruit un habitat ailleurs. 87 La plaine de la Crau est la plus grande steppe sèche d’Europe. 88 INRA, Biodiversité agriculture et politiques publiques, Agriculture et biodiversité, ESCo, Chapitre 4, p.57 89 Article L. 122-1-I 1° du Code de l’environnement.
23
compensation doit exister préalablement au projet qui impacte l’environnement. Par ailleurs
les sites naturels de compensation doivent faire l’objet d’un agrément préalable par l’Etat.
Cette nouvelle possibilité vient consacrer juridiquement le marché des unités de biodiversité
et par la même occasion la vision économique et utilitariste de la Nature. L’idée de ce
mécanisme « est de faire de la biodiversité un véritable bien, objet de mécanismes d'échange
et de compensation », estime le Professeur Gilles Martin et donc de consacrer sa
marchandisation90. Les modalités sont fixées par décret en Conseil d’Etat91. Par ailleurs, le
recours au contrat a pour objectif de donner de la souplesse aux modalités de mise en œuvre
de l’obligation et ainsi renforcer l’efficacité du mécanisme. L’obligation de compensation est
une obligation de résultat, à la recherche de l’efficacité.
Outre le fait de restaurer un milieu qui en a besoin indépendamment de tout projet, ce
mécanisme présente également l’avantage pour le débiteur de l’obligation de s’acquitter plus
simplement de ses obligations par un échange financier. Le débiteur reste toutefois
responsable de la bonne exécution de l’obligation à l’égard de l’autorité administrative92. En
cela le dispositif est strict. Pour autant, en s’imposant comme le choix de la facilité pour
l’aménageur de projet, la compensation peut alors sous-tendre à affaiblir la quête de
solutions préventives. Cette compensation par l’offre, alternative ou complémentaire à la
compensation par la demande, est alors hautement critiquable. Ces critiques ont d’ailleurs été
formulées lors des débats parlementaires. La loi consacre implicitement un droit de détruire et
officialise par là même, la marchandisation de la biodiversité.93
L’utilité des modalités de mise en œuvre de la compensation à nuancer. Pour
être menée à bien et préserver la biodiversité, la compensation est soumise à une exigence
d’équivalence écologique, à travers des aspects qualitatifs et quantitatifs. Cette notion ne
relève pas, pour l’heure, de critères précis, ce qui est regrettable. Les mesures compensatoires
« doivent permettre le rétablissement de la qualité environnementale du milieu naturel
impacté, à un niveau au moins équivalent de l'état initial et si possible d'obtenir un gain net,
en particulier pour les milieux dégradés, compte tenu de leur sensibilité et des objectifs
généraux d'atteinte du bon état des milieux » selon les termes de l’ancien ministère de
90 MARTIN G.-J, « Le marché d’unités de biodiversité, questions de mise en œuvre », R.J.E., Numéro spécial Biodiversité et évolution du droit de la protection de la nature, 2008, p.95 91 Décret n° 2017-265 du 28 février 2017 relatif à l'agrément des sites naturels de compensation, J.O.R.F. n°0052 du 2 mars 2017, texte n° 8. 92 Article L. 163-1-II 2° du Code de l’environnement. 93 LEVREL H., COUVET D., « Enjeux lies à la compensation écologique dans le projet de loi biodiversité », Point de vue d’experts, Fondation Ecologie politique, janvier 2016.
24
l’Ecologie94. La loi vient confirmer, à travers l’article L. 163-1 du Code de l’environnement
que ces mesures viendront réparer « dans le respect de leur équivalence écologique, les
atteintes prévues ou prévisibles à la biodiversité ». Cet objectif « d’absence de perte nette »
voire de « gain de biodiversité » exprime explicitement une approche comptable de la
biodiversité95. Cette logique de maîtrise des atteintes reviendrait effectivement à équilibrer
des moins avec des plus. De plus, aucune référence n’est faite aux méthodes scientifiques qui
doivent être utilisées ou bien à l’évaluation financière. L’article L.110-1-II du Code de
l’environnement s’inscrit dans une démarche scientifique, pas uniquement quantitative en ce
qu’il précise que la compensation prend en compte « des espèces, des habitats naturels et des
fonctions écologiques affectées ». Le principe d’équivalence nécessite une étude scientifique
concrète du milieu affecté. Cette nouvelle logique de compensation écologique est difficile à
mettre en œuvre en pratique pour l’ensemble des éléments environnementaux. De plus, la loi
ne précise pas non plus la personne qualifiée pour la mener à bien. Le principe d’équivalence
écologique semble donc difficile à respecter en pratique.
Par ailleurs, ce principe a pour but de protéger la biodiversité à travers le respect de
conditions spatiales. Le principe de proximité, quant à lui, exige que le site faisant l’objet de
la compensation se trouve au plus près du site détruit. En effet, dans l’article L. 163-1-II 4° il
est prévu que « les mesures de compensation sont mises en œuvre en priorité sur le site
endommagé ou, en tout état de cause, à proximité de celui-ci afin de garantir ses
fonctionnalités de manière pérenne ». La compensation trouve sa justification en étant
réservée uniquement aux atteintes assurément inévitables. Dans ce cas, la compensation pour
être effective doit être locale, se faire dans un espace circonscrit, un territoire. Autrement dit,
le compensé doit avoir un lien avec le compensant. La localisation géographique de la
compensation devrait être encadrée juridiquement. Or, cette localisation est remise en cause
par les unités de biodiversité. Pour cela, les connaissances scientifiques sur le fonctionnement
des écosystèmes sont indispensables. Dans les faits les compensations n’ont pas forcément
lieu dans les mêmes régions que le projet, puisque les unités de biodiversité sont
indépendantes aux projets. Cela pose problème pour respecter ce principe de proximité.
Parallèlement, les mesures nécessitent également d’être prises en compte dans un temps long,
indispensable pour la protection de la biodiversité et non pas uniquement pour le temps limité
du projet. Si les aménagements sont définitifs, les mesures doivent l’être aussi. les mesures
94 Dans sa doctrine publiée le 6 mars 2012. 95 VAN LANG A., « La loi Biodiversité du 8 août 2016 : une ambivalence assumée, Le droit nouveau : la course à l’armement » (1re Partie), AJDA 2016, p.2381
25
« devraient invariablement dépendre du projet envisagé par le maître d’ouvrage » affirme
Madame Marthe Lucas96. Or, avec la mise en œuvre d’unités de biodiversité, la pérennité de
l’affectation du terrain n’est pas garantie. Le fait de restaurer ou bien de créer des
écosystèmes dans le but de les échanger pour compenser les pertes de fonctionnalités en
matière d’aménagement relève véritablement de l’ingénierie écologique.
Une compensation finalement illusoire en principe et en pratique. La compensation
ex ante suscite de fortes réticences chez les spécialistes du droit de l’environnement. En effet,
la critique mise en évidence tient au fait qu’il n’est pas possible de reconstituer à l’identique
un écosystème qui a été détruit. Madame Marie-Pierre Camproux-Duffrene soutient que l’idée
que « compenser par anticipation, c’est nier le fonctionnement des écosystèmes et la
spécificité de chaque écosystème. Compenser n’a pas comme effet de revenir à l’équilibre
antérieur puisqu’il existe encore, c’est organiser une destruction future et certaine et en
prévoir des contreparties » 97. La biodiversité et les écosystèmes ne font pas parties des
choses qui peuvent se remplacer, c’est pourquoi « la neutralité écologique n’existe pas, une
destruction et une création ne peuvent s’annuler ».98 Toujours selon ses termes, affirmer que
« les mesures de compensation des atteintes à la biodiversité visent un objectif d’absence de
perte nette, voire de gain de biodiversité » est une « contre-vérité, un contresens juridique et
écologique ».99 Admettre la possibilité de mettre en œuvre un marché d’unités de biodiversité
en attribuant un propriétaire à des éléments naturels, revient à admettre que la biodiversité
serait un bien approprié. Cette affirmation va à l’encontre même du statut de la biodiversité
res communis en ce qu’elle n’est ni inappropriée ni inappropriable100. Malgré cette illusion
découlant de l’idée de la compensation écologique, l’objectif d’absence de perte nette, voire
d’un gain de biodiversité a été pourtant défendu par l’ancienne députée écologiste Laurence
Abeille. Cette logique permettrait d’encadrer de manière plus stricte le principe de
compensation et de donner de la crédibilité à la mesure. La formulation relèverait même
d’une logique de « surcompensation » car selon ses dires, « en visant cet objectif, on est au
moins sûr que nous n’allons pas aboutir à une perte de biodiversité ». Cette crainte qui 96 LUCAS M., « La compensation environnementale, un mécanisme inefficace à améliorer », R.J.E., Volume 34, numéro 1, 2009. P.67. 97 CAMPROUX-DUFFRENE M.-P., « Le marché d’unités de biodiversité : questions de principe », R.J.E., Volume 33, numéro 1, numéro spécial 2008, p. 87. 98 Ibid. 99 Ibid. 100 En vertu de l’art. 714 du Code civil, « Les choses communes n’appartiennent à personne mais leur usage est commun à tous », Voir en ce sens M.-P. CAMPROUX-DUFRFRENE, « Une protection de la biodiversité via le statut de res communis », Revue Lamy Droit civil, « Perspectives », janvier 2009, pp. 68-74.
26
s’apparente à un droit à détruire ou un droit à polluer est justifiée par sa contrepartie
financière. En payant pour protéger une espèce cela laisse le droit d’en dégrader un autre. Le
Professeur Jean Untermaier va même jusqu’à considérer que « compenser, c’est détruire en
faisant semblant de protéger ».
En consacrant l’obligation de compensation à travers le recours aux unités de biodiversité, le
législateur vient véritablement déformer la réalité. Autrement dit, il reconnaît la possibilité de
compenser l’incompensable et ce, supposé au nom de la protection de la biodiversité. Prévoir
une destruction future semble contradictoire avec l’objectif d’enrayer justement cette
perte de biodiversité. Sous couvert d’être un levier, cette nouvelle consécration législative
nous laisse hautement sceptique. La compensation écologique à travers les unités de
biodiversité, en attribuant une valeur économique à cette dernière, est un premier pas pour la
« sédimentation des consciences »101 selon l’expression de Madame Emilie Gaillard. En
appliquant une logique binaire et simplifiante pour la préservation d’un écosystème (par
nature complexe), le législateur ouvre la voie à des logiques inadaptées et par nature
incapables de réaliser la compensation écologique.
La reconnaissance d’unités de biodiversité pour mettre en œuvre l’obligation de
compensation est donc critiquable. Ces mesures mériteraient d’être mieux encadrées
juridiquement. La compensation ne doit pas s’imposer aux aménageurs et aux constructeurs
comme le droit commun. Pour protéger la biodiversité, il est primordial d’éviter et de
réduire avant tout les atteintes. Un cas concret en territoire normand de mise en œuvre de
mesures compensatoires en respectant rigoureusement la séquence ERC peut montrer la voie
à suivre pour préserver la biodiversité en dehors de la logique de marché instaurée par les
unités de biodiversité.
§2. Les Jeux Equestres Mondiaux sur la Prairie de Caen, une compensation
écologiquement acceptable pour la biodiversité
La compensation ne doit pas s’apparenter à un droit à détruire. Comme le souligne
justement A. Van Lang, la compensation curative « doit rester subsidiaire par rapport aux
mesures préventives » que sont « l’évitement et la réduction des impacts »102 d’où le rôle
101 GAILLARD E. “La force normative du paradigme juridique”, in La force normative, Naissance d’un concept, THIEBERGE C. et alii, éd. LGDJ, Bruylant, 2009, p.171. 102 A. VAN LANG, Le projet d’aéroport Notre-Dame-des-Landes à l’épreuve de la compensation écologique – et inversement, Droit Administratif, novembre 2013.
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fondamental de l’étude d’impact en amont des projets. La loi Biodiversité renvoie
effectivement au régime de l’étude d’impact des projets d’aménagement qui avait été introduit
dans la loi du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature. L’objectif de l’étude
d’impact est de constater les mesures qui ont été envisagées par le maître d’ouvrage afin
d’ « éviter, réduire et, si possible, compenser les incidences négatives notables probables sur
l’environnement ».103 Le législateur a repris cette séquence pour la faire figurer parmi les
principes généraux du droit de l’environnement, l’objectif étant d’introduire « la valeur
écologique qui doit servir de référence lors des procédures mises en œuvre »104. En vertu de
l’article L. 110-1-11 2°, « ce principe implique d'éviter les atteintes à la biodiversité et aux
services qu'elle fournit ; à défaut, d'en réduire la portée ; enfin, en dernier lieu, de compenser
les atteintes qui n'ont pu être évitées ni réduites, en tenant compte des espèces, des habitats
naturels et des fonctions écologiques affectées ; ce principe doit viser un objectif d'absence de
perte nette de biodiversité, voire tendre vers un gain de biodiversité », l’ordre étant essentiel.
Par ailleurs, il est à noter que le champ des mesures de compensation est très large en faisant
référence « aux fonctions écologiques » donc au bon fonctionnement des écosystèmes. C’est
cette approche globale qui est mise en avant par la loi. La séquence « ERC » s’est appliquée à
travers la définition de mesures d’évitement, de remise en état des prairies et enfin de mesures
compensatoires et de suivi.
La mise en œuvre de la séquence ERC en territoire normand. En 2014, la ville
de Caen a accueilli les Jeux équestres mondiaux sur la Prairie105, zone humide sensible de 90
hectares au cœur de la trame verte et bleue (TVB) du territoire de la communauté urbaine. Le
site pressenti devait concilier le nombre important de public et d’épreuves avec la
préservation de la biodiversité. « L’idée était véritablement de faire en sorte que la
biodiversité ne soit pas perçue comme une contrainte ou un obstacle mais bien en tenir
compte et s’adapter » affirme Monsieur Joyau, adjoint en charge de l’environnement, du
développement durable et de l’énergie de la Ville de Caen106. La biodiversité est un
103 Article L. 122-3-II 2e, issu de l’ordonnance n° 2016-1058 du 3 aout 2016. 104 Selon l’exposé des motifs du projet de loi relatif à la biodiversité, n°1847 enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 26 mars 2014. 105 La Prairie est « un espace aux usages multiples : espace agricole, hippodrome, espace sportif, espace de production d’eau potable, d’accueil d’évènements… » Extrait du dossier fourni par la collectivité, DUVERGE J., De la protection au développement de la Biodiversité de la Prairie de Caen : l’effet levier des Jeux Equestres Mondiaux.http://www.capitale-biodiversite.fr/experiences/de-la-protection-au-developpement-de-la-biodiversite-de-la-prairie-de-caen-leffet-levier 106 Entretien physique avec M. JOYAU, Adjoint en charge de l’Environnement, du Développement Durable et de l’Energie, à la Mairie de Caen le 9 mai 2017.
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patrimoine à valoriser et à maintenir, c’est pourquoi la ville a su s’adapter en conséquence. La
première phase de mise en œuvre du projet, pour la période 2009-2012 a été la réalisation
d’un plan de gestion pour le faire évoluer. Ce plan a permis de réaliser un diagnostic et cibler
des objectifs sous forme de 47 actions pour protéger et développer la biodiversité du site. S’en
suivit une étude de faisabilité en 2010 demandée par le partenaire financier GIP JEM107. A
partir de 2012, la phase règlementaire a été une étape très importante en vue des
aménagements écologiques. En effet, une étude d’impact et une enquête publique ont été
réalisées. Les études environnementales réalisées en amont sont fondamentales en vue de
protéger la biodiversité dans la mesure où 87% de la surface utilisée se situait en zone
sensible. Elles ont abouti à un arrêté préfectoral en date du 3 avril 2013 autorisant
l’installation d’aménagements temporaires de zones d’obstacles sur le site. La séquence
« ERC » s’est appliquée à travers la définition de mesures d’évitement, de remise en état des
prairies et enfin de mesures compensatoires et de suivi. Ces mesures étaient en cohérence
avec les connaissances écologiques du site et le plan de gestion établi au préalable. Sous
l’impulsion du conseil municipal du 19 octobre 2009 prônant l’éco-exemplarité pour ces Jeux
équestres mondiaux, a été créé un Observatoire de la Prairie. Cette instance de concertation
avait pour objectif de réunir de nombreux partenaires institutionnels108 et associatifs109 afin de
« s’assurer de la réversibilité des aménagements prévus »110. Cette concertation s’est avérée
être un outil très fort et efficace, au delà de ce que l’on peut inscrire pour préserver et
reconquérir la biodiversité. En effet, des concertations avec les associations de protection de
la nature ont abouti sur des propositions d’aménagement des zones d’obstacles qui ont été
modifiées pour tenir compte de la biodiversité et éviter ainsi les zones aux enjeux les plus
forts. Des mesures en faveur de la biodiversité ont été mises en œuvre sur la période 2014-
2016. A titre d’exemple, « les roselières, mégaphorbiaies, cariçaies, prairies hydrophiles et
sa faune » ont été préservées grâce aux « mesures de mise en défense d’espèces et de
107 Groupement d’intérêt public des jeux olympiques mondiaux de Normandie 2014. 108 Services de l’Etat : DREAL (Direction Régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement de Normandie), DDTM14 (Direction Départementale des Territoires et de la Mer), Université de Caen, Conseil Départemental du Calvados, Région Basse-Normandie. 109 Associations naturalistes partenaires de la ville : CBN (Carrières et Ballastières de Normandie), GONm (Groupe Ornithologique Normand), GMN (Groupe Mammologique Normand), GRETIA (Groupe d’Etude des Invertébrés Armoricains), BRAINE de Basse-Normandie, CREPAN (Comité Régional d’Etude pour la Protection et l’Aménagement de la Nature en Normandie), GRAPE (Groupement Régional des Association de Protection de l’Environnement de Normandie), CPIE (Centres Permanents d’Initiatives pour l’Environnement de Normandie). 110 Explique DUVERGE J. de la Direction des Espaces Verts, du Paysage et de la Biodiversité de Caen dans le compte rendu d’évaluation de terrain du 24 juin 2016.
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complexes d’habitats de zone humide ».111 Par ailleurs, malgré la mise en œuvre de mesures
d’évitement et réduction des atteintes, les prairies ont été impactées par les aménagements. La
première étape était donc de protéger les zones les plus sensibles et la seconde de compenser.
En parallèle, les prairies ont été remises en état. Les mesures compensatoires qui ont été
effectuées étaient les suivantes : la réhabilitation d’îlots de la mare pour accueillir des
populations d’oiseaux, le reprofilage de 80 mètres de berges d’étang et de fossés en pente
douce afin que la faune et la flore puisse venir proliférer et le rajeunissement de prairie
humide112.
Des résultats en l’espèce favorables à la biodiversité. Les mesures de suivi à long
terme sur certains sites ont par ailleurs été impulsées par la Ville de Caen sur la période 2015-
2019. Les associations de protection de l’environnement assurent le suivi des aires reprofilées
ainsi que des zones de reproduction ornithologiques. L’objectif est d’évaluer les effets dans le
temps de ces mesures. Après les jeux, le protocole de recolonisation des prairies humides
s’inscrit dans une durée de cinq ans. La surveillance de la Prairie est particulièrement
intéressante dans la mesure où elle permet d’évaluer l’efficacité des mesures
compensatoires. En outre, il est à remarquer que les mesures prises pour préserver la Prairie
ont abouti à renforcer la connaissance de la biodiversité présente sur celle-ci. Cet apport n’est
pas anodin. En effet, à ce jour le plan de gestion, qui a permis de préserver la biodiversité de
la prairie, a recensé 165 oiseaux, 247 espèces d’insectes, 19 mammifères ainsi
qu’approximativement 35 grands groupes d’habitats et 341 espèces végétales. Par ailleurs,
concernant les résultats du suivi de la reconquête de la biodiversité, le reprofilage des berges
de la mare a permis le développement de nouvelles espèces animales113 et végétales114. Ces
dernières sont venues coloniser les lieux. Egalement, l’îlot de reproduction ornithologique a
permis d’observer le passage d’espèces inscrites sur la liste rouge de nicheurs de la région
« en danger critique » et « vulnérable »115. Enfin, le rajeunissement de la prairie humide a
permis d’améliorer le caractère ouvert et hygrophile. Un cercle vertueux s’est mis en place,
nourrissant une meilleure connaissance de la biodiversité présente sur la Prairie.
111 Ibid. 112 Article 4 alinéa 3 de l’arrêté préfectoral autorisant la réalisant la réalisation d’aménagements relatifs aux épreuves d’attelage organisées à Caen dans le cadre des jeux équestres mondiaux – Normandie 2014, signé par le Préfet Michel LALANDE le 3 avril 2013. 113 Dont le Bécasseau variable, le Chevalier gabette, le Petit grevalot, le Bécasseau maubèche etc. 114 Dont la Renoncule scélérate et le Rorippe. 115 Liste rouge établie par le Groupe Ornithologique Normand (GONm). http://www.gonm.org/public/Telechargements/Protection/Liste-Rouge_NORMANDIE.pdf
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La durée des mesures et le suivi sont particulièrement intéressants en l’espèce. Au-delà de
cette limite temporelle, il serait en ce sens intéressant de s’assurer qu’un nouveau projet
d’aménagement ou de nouveaux jeux équestres d’une telle envergure n’aient pas lieu à
nouveau sur la Prairie afin de ne pas la dégrader une nouvelle fois. Rien ne l’interdit
juridiquement à l’heure actuelle.
Les aménagements temporaires mis en œuvre pour recevoir les Jeux équestres mondiaux,
malgré les nombreux enjeux économiques inhérents à l’événement, sont un modèle
d’exemplarité en matière de protection et de développement de la Prairie de Caen. La
surveillance et la gestion des mesures compensatoires s’avèrent indispensables pour assurer
une protection effective de la biodiversité, tout comme la création d’un réseau de partenaires
pour faire avancer la connaissance.
Pour être efficaces, il est primordial que les mesures compensatoires s’ancrent dans le
temps et dans l’espace. Au delà de la séquence ERC, il serait maintenant intéressant que le
législateur aille en prévoyant un caractère définitif de la compensation. Dans la mesure où
un projet dégrade de manière définitive la biodiversité, le caractère définitif de la
compensation devrait également être assuré116. Dans tous les cas, qu’il s’agisse de la
compensation par l’offre ou de la compensation par la demande, celle-ci est un sujet non
consensuel dans la mesure où elle impacte directement la biodiversité. Parallèlement à cette
approche attribuant une valeur monétaire à la biodiversité, une autre approche se développe.
Celle par les services écosystémiques : elle revient aussi à monétariser les services rendus par
la nature. Cette controverse est tout aussi présente dans le fait de rémunérer les acteurs du
territoire pour des services environnementaux. C’est pourquoi le droit se doit d’intervenir
pour encadrer les instruments économiques émergents.
Section 2 : La mise en œuvre juridique d’instruments économiques par les acteurs du territoire Les services rendus par les écosystèmes se trouvent désormais monnayés par les
Hommes. L’Homme se positionne à la fois comme utilisateur et contributeur de ces services.
Le verdissement de la Politique Agricole Commune (PAC), en tant qu’instrument de maîtrise
des pratiques agricoles tente de valoriser les actions des agriculteurs en faveur de la protection
116 LUCAS M., « La compensation environnementale, un mécanisme inefficace à améliorer », R.J.E. Volume 34, n°1, 2009. pp. 59-68.
31
de la biodiversité et des services écosystémiques (§1). Toutefois, face aux limites du dispositif
de la PAC, d’autres instruments sont recherchés dans le but de favoriser et de pérenniser ces
pratiques agricoles respectueuses de la biodiversité. C’est ainsi que les paiements pour
services environnementaux peuvent s’avérer être un levier, bien que présentant lui-aussi des
limites (§2).
§1. Le verdissement de la politique agricole commune : un instrument de maîtrise
des pratiques agricoles
« L’empoisonnement et la stérilisation de la vie sauvage »117 constituent l’un des
phénomènes importants d’érosion de la biodiversité, favorisé par les divers intrants agricoles
et autres produits toxiques utilisés par diverses activités industrielles. C’est en cela que
l’agriculture a longtemps été accusée d’être à l’origine de ce phénomène de perte de
biodiversité. Pourtant, la biodiversité est l’essence même de l’agriculture. Le recours à la
notion de service peut amener les politiques publiques à soutenir des pratiques agricoles
favorables à la biodiversité. Payer les agriculteurs pour des services environnementaux ?118 La
notion de service écosystémique permet de légitimer les aides publiques existantes. Depuis les
premiers règlements d’application des mesures agro-environnementales, les paiements pour
services environnementaux ont pour objectif de « satisfaire à la demande croissante de la
société en matière de services écologiques »119. Toutefois, si depuis 1992 la liste des bonnes
pratiques agricoles autorisant l’attribution des subventions s’est développée, les services
n’apparaissent que de manière implicite. Il ne s’agit pas de « contrats de services »120 comme
le rappelle Isabelle Doussan. L’agriculteur s’engage à adapter certaines pratiques favorables
implicitement au maintien ou restauration de fonctions ou services écologiques mais de
manière implicite car ils ne font l’objet du contrat.
Une politique au soutien de la protection de l’environnement. A l’origine, l’objectif
de la politique agricole commune, créée en 1957 et mise en place en 1962, était de soutenir la
production des denrées. En cela, les soutiens publics de la PAC ont longtemps été indifférents
à la protection de la biodiversité, favorisant la « modernisation » des exploitations, dont le 117 UNTERMAIER J., « Biodiversité et droit de la biodiversité », in S.F.D.E., numéro spécial, Biodiversité et évolution du droit de la protection de la nature, volume 33, numéro 1, p.21. 118 DOUSSAN I., « L’institutionnalisation de l’approche par les services écosystémiques », in Valeurs de la biodiversité et services écosystémiques, Quae, Versaille, France, 2016, p. 205 119 Ibid, p.204. 120 Ibid.
32
recours intensif aux intrants sur les grandes cultures qui a, certes, permis un rendement
important, se sont avéré désastreux écologiquement. En outre, la libéralisation des marchés
agricoles implique une réorientation des soutiens publics. Désormais la PAC introduit les
préoccupations environnementales dans ses deux piliers121. Le verdissement de la PAC est
synonyme d’évolution de la politique de développement durable. Cela est réaffirmé avec la
Nouvelle PAC 2014-2020122, dont l’idée est de renforcer le caractère écologique et équitable
des aides. Le modèle de production agricole conventionnelle, ayant un impact négatif sur
l’environnement, atteint désormais ses limites. C’est en cela que de nombreux agriculteurs
normands, ayant compris les enjeux environnementaux, sont de plus en plus à s’intéresser à
des pratiques agro-environnementales plus respectueuses de la biodiversité. Une modification
des rapports entre l’agriculture et les équilibres biologiques est à l’œuvre. En effet, nombreux
sont les agriculteurs123 qui ont conscience de l’opportunité de ces équilibres biologiques qui
ne sont finalement pas que des contraintes pour la production agricole, bien au contraire. Ce
changement de paradigme est alimenté par l’approche par les services écosystémiques, ayant
contribué à renforcer le bien-fondé de la protection de la biodiversité. La prise de conscience
des agriculteurs quant à la nécessité de préserver les fonctions des écosystèmes est perceptible
en terme de besoins, économiques, physiologiques etc. L’agriculteur, à la fois producteur de
services écosystémiques et protecteur/conservateur des fonctions naturelles qui sous-tendent
son activité agricole, est donc directement concerné par l’approche fonctionnelle de la
biodiversité. Les structures paysagères sont à la fois favorables à la biodiversité mais aussi à
l’agriculteur. L’agriculture dépend directement de l’approche fonctionnelle de la biodiversité.
Les entretiens réalisés sur le terrain avec des agriculteurs normands confirment ce
changement d’état d’esprit.
Le droit a également un rôle à jouer dans ces changements. En effet, les récentes évolutions
juridiques en faveur de la biodiversité interviennent désormais au soutien des pratiques des
agriculteurs contribuant à la « production » 124 de biodiversité à travers la création et
121 Le Pilier 1, 73/2009 initialement prévu pour le soutien au marché est le pilier le plus fort et le plus important. Il représente environs 80% des dépenses de la PAC. Ce pilier comporte les mesures de soutien aux marchés ainsi qu’aux revenus agricoles. Quatre types d’aides directes sont disponibles à conditions : le paiement jeunes agriculteurs, le paiement redistributif, le paiement de base et le paiement « vert » qui nous intéresse en l’espèce. Le Pilier 2, 74/2009 est dédié au développement rural, l’objectif étant d’assurer le dynamisme socio-économique des territoires ruraux. Les frontières entre ces deux piliers tendent à s’estomper. 122 Projet de réforme de la PAC présenté par la Commission européenne le 18 novembre 2010 et intitulé la PAC à l’horizon 2020 : Alimentation, ressources naturelles et territoire – relever les défis de l’avenir. 123 Rencontres Groupe Agriculture du sol vivant du Calvados, le 13 juin à Epinay sur Odon (Longaunay). 124 DOUSSAN I. « La biodiversité : une valeur (enfin) reconnue par le droit agricole », R.J.E., Numéro spécial, Biodiversité et évolution du droit de la protection de la nature, 2008, p.110.
33
l’entretien de haies particulièrement présentes dans le bocage normand, couverts végétaux,
bandes enherbées, prairies… ainsi que les pratiques de protection de l’environnement à
travers par exemple la préservation des cours d’eau des intrants… Ces pratiques mises en
œuvre par les agriculteurs sont assimilées à des services écologiques d’intérêt général. Cela
peut justifier trois types de versements directs ou indirects. Soit un paiement direct de
l’exploitant pour service environnemental soit une diminution des charges soit enfin une
valorisation de l’exploitation en agriculture biologique sont possibles. Nous mettrons ici
l’accent en particulier sur l’aide publique aux services environnementaux.
La traduction juridique de la nouvelle PAC confirme sa coloration environnementale.
Effectivement, le règlement 1303/2013 confirme la logique environnementale ainsi que la
place de « paiements agri-environnementaux », désormais « paiements agri-
environnementaux et climatiques »125 . Au considérant 47 du premier pilier est précisé
l’objectif « d’amélioration des performances environnementales par une composante
écologique », obligation des paiements directs. Il s’agit là d’une logique de résultat. Les
pratiques obligatoires se font sous forme d’actions simples généralisées non contractuelles et
annuelles allant au delà de la conditionnalité. Les pratiques obligatoires sont les suivantes : la
diversification des cultures, le maintien des prairies permanentes et disposer d’une surface
d’intérêt écologique sur la surface agricole126. Des pratiques équivalentes existent également,
ayant des réalités pratiques similaires avec des effets bénéfiques pour le climat et
l’environnement équivalents ou supérieurs127. Ces paiements ont des effets positifs sur la
biodiversité, notamment la reconstitution des haies, garantes de la lutte contre l’érosion de la
biodiversité128.
Une politique limitée à un budget. La PAC est un budget, dont la répartition se base
sur un certain nombre de textes juridiques. La logique de prise en compte des dispositions
juridiques environnementales justifie les aides accordées aux exploitants agricoles. S’ils ne
respectent pas les dispositions juridiques cela entraine une sanction financière avec la non
attribution des aides. Il pourrait être reproché à ce mécanisme de la conditionnalité des aides
125 Aussi appelés paiements verts 126 Règlement 1307/2013/UE du PE et du Conseil du 17 décembre 2013 établissant les règles relatives aux paiements directs en faveur des agriculteurs au titre des régimes de soutien relevant de la PAC, Chapitre 3, Paiement pour les pratiques agricoles bénéfiques pour le climat et l’environnement, Article 43. 127 Ibidem, ANNEXE IX Liste des pratiques équivalentes visées à l'article 43, paragraphe 3. 128 BALNY P. et al., La rémunération des services environnementaux rendus par l’agriculture, op. cit., p83.
34
agricoles 129 de subordonner le versement des aides au respect des « exigences
règlementaires » et des « bonnes conditions agricoles et environnementales »130. En cas de
non respect de la réglementation ou un non respect des « bonnes conditions », un agriculteur
verra le montant de ses aides réduit ou annulé. Ce mécanisme de conditionnalité a pour mérite
de renforcer l’effectivité de la réglementation environnementale131. Par ailleurs, concernant
les bonnes pratiques agricoles et environnementales, n’étant pas prévues par les textes
règlementaires, le mécanisme de conditionnalité leur confère un statut d’obligations
contractuelles, comme par exemple les obligations de polyculture, les rotations, la charge en
bétail par hectare, voire les couverts végétaux...
Un autre problème est soulevé par les agriculteurs eux-mêmes : une réglementation inadaptée
voire contreproductive dans la lutte pour la préservation de la biodiversité. En effet, lors de
rencontres avec des agriculteurs normands, ceux-ci ont souligné notamment l'inefficacité des
règlements encadrant les dates de semis sur les surfaces mellifères132 ou messicoles133 d'une
part, et les dates d'épandage d'autre part. Dans le premier cas, le calendrier prévoit une date
butoir trop tôt par rapport aux besoins des insectes pollinisateurs. Dans le second cas, la
période d'épandage est jugée trop courte, provoquant un chargement des sols trop important
sur une même période. Conscients des perturbations environnementales que le respect de ces
calendriers peut provoquer, certains agriculteurs motivés avouent même se mettre "hors la
loi" en ne les respectant pas, simplement pour protéger la biodiversité essentielle à leurs yeux.
Certains ont même confié pouvoir compter sur la complicité des agents de l'Etat censés faire
respecter la réglementation, eux-mêmes sensibilisés à ces incohérences qui ne tiennent pas
compte des réalités de terrain.
Toutefois, la conditionnalité des aides a pour avantage d’avoir été introduite dans la politique
de marché du premier pilier de la PAC et les préoccupations écologiques, un premier pilier
qui bénéficie en outre de la part la plus importante du budget et qui concerne les grandes
cultures.
129 DOUSSAN I., « La conditionnalité des aides agricoles : continuité ou innovation ? », Conservation de la biodiversité et politique agricole commune de l’UE, DOUSSAN I., DUBOIS J. (dir.) La documentation française, 2007, P. 179. 130 DOUSSAN I. « La biodiversité : une valeur (enfin) reconnue par le droit agricole », op. cit. 131 A. Van Lang, « L’usage agricole de l’eau : entre incitation et répression », Environnement n° 7, 2005, p58. 132 Les plantes mellifères sont des plantes qui sécrètent un nectar recherché par certains Apidés, c’est-à-dire certains insectes dont les abeilles. Par exemple les abeilles récoltent le miel, substance sucrée, sur des fleurs mellifères. 133 Les plantes messicoles sont des plantes qui poussent annuellement dans les champs de céréales.
35
Cette conditionnalité pour espérer recevoir le soutien public revient à reconnaître les bonnes
pratiques agricoles respectueuses de l’environnement et en cela le rôle premier de
l’agriculteur.
La dimension environnementale, pourtant inexistante à l’origine de la PAC, s’est ainsi
renforcée ces dernières années, notamment à travers les nombreuses réformes et le
verdissement récent des textes. Cette intégration reste toutefois complexe. Par ailleurs, les
débats actuellement en cours et la baisse du budget de la PAC semblent critiques pour les
agriculteurs. En effet, les enquêtés du territoire normand nous ont fait part de leurs
inquiétudes. Effectivement conscients de la richesse que la biodiversité leur procure, dans la
mesure où celle-ci est à la base de leur exploitation, les agriculteurs s’essaiyent à de nouvelles
pratiques, agriculture biologique, agroécologie, couverts CIPAN 134 , bandes enherbées,
jachères… toutes favorables à la biodiversité. Les contraintes règlementaires qui en découlent
sont finalement des opportunités pour les agriculteurs. Toutefois, les aides accordées à ces
bonnes pratiques ne sont pourtant pas à la hauteur des efforts engagés dans ces pratiques
respectueuses de la biodiversité. Pire encore, malgré leurs engagements, il s’avère que les
aides de la PAC qui leur étaient promises, pour ceux qui ont contracté dans le cadre des MAE,
accusent un retard de deux ans. Malgré la bonne volonté des agriculteurs, ceux-ci ont besoin
de ces aides pour vivre de leurs exploitations.
Une valeur financière est donc attribuée aux services environnementaux que fournit
l’agriculteur, mais force est de constater la diminution actuelle du budget alloué par la PAC.
De plus, celles-ci ne s’avèrent pas assez incitatives pour modifier les pratiques de façon
durable. Les agriculteurs les plus réticents peuvent aller jusqu'à anticiper une réglementation
qu'ils estiment contraignante en la contournant d'une manière néfaste pour la biodiversité. Des
témoignages ont ainsi été recueillis attestant que des agriculteurs avaient arraché des haies
avant que ne soit entériné un projet de loi qui prévoyait de les sanctuariser135. En supprimant
ce que le texte entendait protéger, ils s'épargneraient ainsi de futures contraintes. Les
paiements sont basés sur la compensation des surcoûts et non la rémunération du service.
C’est pourquoi, d’autres instruments sont alors recherchés pour favoriser et pérenniser ces
pratiques agricoles respectueuses de la biodiversité. Ces solutions sont cherchées du côté des
paiements pour services environnementaux. Il est tout à fait possible d’envisager que ces
134 Culture intermédiaire piège à nitrates. 135 Témoignages recueillis lors d’un temps de rencontre organisé avec la Chambre d’Agriculture de Basse-Normandie pour discuter autour de la problématique de la biodiversité le 15 mai 2017.
36
derniers puissent intervenir en complément de la PAC. Dans ce cas, le glissement opéré du
paiement agri-environnemental au paiement pour services écosystémiques marque le passage
d’une logique de soutien public à une logique de rémunération des pratiques agricoles136.
§2. Les paiements pour services environnementaux : une tentative maladroite de
protection de la biodiversité
Une glissement notable des «services écosystémiques» vers les «services
environnementaux». La monétarisation directe des services rendus par les écosystèmes
s’illustre à travers la mise en place de paiements pour services environnementaux dans une
recherche d’efficacité dans les écosystèmes. Les paiements pour services environnementaux
se développent pour réduire la perte de ces services ou bien en améliorer leur production. Il
importe de clairement distinguer la notion de services écosystémiques de celles de services
environnementaux. Les services écosystémiques sont, par définition, les services rendus par
les écosystèmes pour le bien-être humain tandis que les services environnementaux se
définissent comme étant les services que les hommes se rendent entre eux. Ils amènent à
maintenir ou améliorer un ou plusieurs services écosystémiques. Les paiement pour services
environnementaux (PSE) constituent une réponse séduisante à la perte irréversible de
biodiversité en attribuant un paiements aux acteurs qui préservent ces services
écosystémiques137. Cette démarche est purement incitative et individuelle. Dans ce sens, le
service écosystémique s’apparente à un actif environnemental138. Les paiements pour services
environnementaux dépendent des pratiques et donc du travail humain au service de
l’environnement139. L’idée est de valoriser l’activité humaine dans la production de service.
Par voie de conséquence, ces services environnementaux pourraient constituer des actions
humaines au service de l’intérêt collectif, dans leur conception morale. A travers les PSE,
l’agriculture est plutôt perçue comme un écosystème avant d’être un mode de production. La
logique complexe est diffusée au cœur d’une activité économique en lien direct avec la
136 ÉTRILLARD C., « Contrats et écosystèmes agricoles. Des mesures agroenvironnementales aux paiements pour services environnementaux”, Droit de l’environnement, n°237, septembre 2015, p.299. 137 Les cahiers de BIODIV’2050, Comprendre, Les paiements pour préservation des services écosystémiques, Mission économie de la biodiversité, BIODIV’2050, numéro 11, 32p. 138 LANGLAIS A., « A la recherche d’une définition juridique des paiements pour services environnementaux, in L’agriculture et les paiements pour services environnementaux : quels questionnements juridiques ?, Presses Universitaires de Rennes, 2017. 139 LANGLAIS A., « Libres propos conclusifs sur la dette écologique », VertigO - la revue électronique en sciences de l'environnement [En ligne], Hors-série 26, septembre 2016, mis en ligne le 09 septembre 2016, consulté le 10 juin 2017.
37
biodiversité. L’agriculture est une gestion des terres et un moyen d’offrir des services.
Toutefois, les paiements pour services environnementaux pour une agriculture durable
suscitent la controverse140. La problématique de l’agriculture est en lien avec la notion de
multifonctionnalités. Dans le domaine de l’agriculture, les paiements pour services
environnementaux relèvent à la fois des fonctions agricoles favorables à la protection de
l’environnement et des fonctions de production alimentaire. La logique est donc celle des
résultats économiques et écologiques. Par ailleurs, l’objet même du contrat et la rémunération
subséquente amènent à s’interroger quant au bien fondé de la mesure. Cette notion de
paiements pour services environnementaux, utilisée par les économistes, apparaît dans les
textes juridiques depuis les lois Grenelles.
Une mise en œuvre de nouveaux instruments de marché ? L’économiste Sven
Wunder définit les paiements pour services environnementaux comme étant « une transaction
volontaire dans laquelle, un service environnemental bien défini est « acheté » par un
acheteur de service environnemental à un fournisseur de service environnemental si et
seulement si le fournisseur de service environnemental sécurise la fourniture de ce service
environnemental »141. Ce recours au paiement pour service environnementaux s’inscrit dans
une logique de comptabilisation monétaire des éléments naturels. Toujours selon les
économistes, « ces transactions volontaires et conditionnelles, entre un bénéficiaire,
(reposent) sur des services environnementaux biens définis » 142. Il s’agit là d’un « transfert
de ressources entre les acteurs sociaux visant à créer des incitations pour articuler les
décisions individuelles et/ou collectives en matière d’utilisation des terres avec l’intérêt
social de gestion durable des ressources naturelles et de la conservation de la
biodiversité. »143 Encore une fois, la protection de la biodiversité se base sur un référentiel
monétaire en lui attribuant une valeur économique. Aucun consensus juridique n’existe
actuellement pour définir ces PSE.
Le concept de PSE se diffuserait en tant qu’instrument de marché de prime abord. L’OCDE
va d’ailleurs dans ce sens en affirmant que ce paiement est « un accord volontaire
140 Ibid. 141 WUNDER S., Payments for Environmental Services : Somes Nuts and Bolts, CfifR. CIFOR. Occasionnal paper, numéro 42, p.26. 142 S. WUNDER, S. ENGEL, S. PAGIOLA, 2008, “Taking Stock: A Comparative Analysis of Payments for Environmental Services Programs in Developed and Developing Countries”, Ecological Economics, volume 65, numéro 4, pp.834-52. 143 FROGER G., et al. 2012. « Regards Croisés de L’économie Sur Les Services Écosystémiques et Environnementaux », Vertigo, vol. 12, n° 3 [en ligne] mis en ligne le 15 décembre 2012, consulté le 12 juin 2017.
38
conditionnel entre au moins un vendeur et un acheteur qui porte sur un service
environnemental bien précis – ou sur une utilisation des terres censée produire ce
service ».144 Toujours selon l’OCDE, « le recours à la création de marchés dans le domaine
de la biodiversité s’impose de toute évidence ».145 La mise en œuvre de tels instruments
économiques se voudrait donc être au soutien de la protection de la biodiversité dans une
logique marchande. L’idée repose sur l’incitation à la protection de la biodiversité en
échange d’une contrepartie monétaire. Cette logique marchande permet de considérer des
services utiles à l’homme, qui jusque là étaient gratuits. A contrario, les économistes S.
Wunder et M.T. Vargas considèrent que ces instruments ne sont pas des instruments de
marché. En effet, « au lieu de véritables marchés, ce que nous trouvons principalement dans le
monde réel (…) s’apparente à des accords bilatéraux, mutuellement négociés entre les
utilisateurs et les fournisseurs de services écosystémiques »146. Cette relation bilatérale
enferme la biodiversité dans un système d’échanges économiques. L’approche par le marché
est contestable du point de vue juridique du fait de l’objet même du contrat est également à
écarter. Juridiquement, le marché serait « l’ensemble des opérations commerciales relatives à
une catégorie de biens sur une place ou dans une zone géographique donnée »147. L’offre et
la demande sont donc amenées à se rencontrer à travers une circulation entre les acteurs
économiques via un prix d’échange. Il s’agit d’une offre et d’une demande de services.
Appliqué au PSE, il n’y aurait a priori pas de circulation entre les acteurs économiques ni prix
d’échange à travers la rémunération. De plus, l’objet même du contrat témoigne des
difficultés de recourir aux logiques de marché148.
Un objet du contrat particulier. Les PSE sont le support de « deux obligation
juridiques réciproques entre au moins deux parties »149. Cet outil économique a pour objet un
service. Or, comme le rappelle Madame Marie-Pierre Camproux-Duffrene, les services
environnementaux ne peuvent pas, en principe, être l’objet de marché. En étant le produit du
fonctionnement des écosystèmes, ils sont rattachés à la biodiversité qui est res communes.
144 OCDE, Perspectives de l’environnement de l’OCDE à l’horizon 2050. Les conséquences de l’inaction, 2012, p.201 ; OCDE, Payer pour la biodiversité. Améliorer l’efficacité-coût des paiements pour services écosystémiques, 2011. 145 OCDE, Manuel pour la création de marchés de la biodiversité. Principaux enjeux, 2005, p. 14. 146 S. WUNDER, M.T. VARGAS, Beyond « markets » : Why terminology matters, Guest Editorial, The Ecosystem Marketplace, Katoomba Group, 2005. 147 CORNU G. (dir.) Vocabulaire juridique, Association Henri Capitant, Paris, PUF, coll. Quadrige, 9e éd., 2011, spéc. p. 639. 148 CAMPROUX-DUFFRENE M.-P., Les PSE : une participation au processus de marchandisation de services écosystémiques ? », in L’agriculture et les paiements pour services environnementaux : quels questionnements juridiques ?, Presses Universitaires de Rennes, 2017, (dir. Sc.) A. LANGLAIS, p. 3. 149 Ibid.
39
Partant, les SE étant le « produit de la chose »150 selon Marie-Pierre Camproux-Duffrene, ils
ne peuvent être ni appropriés ni appropriables et ne pourraient être l’objet d’un marché. Les
services écosystémiques ne sont pas appropriables malgré des services essentiels à assurer la
pérennité de la vie ou les cycles essentiels à la vie. Il en va ainsi du service de pollinisation
rendu par les abeilles, le service de fixation du carbone issu de la photosynthèse, la
fertilisation des sols permis par les vers de terre et autres micro-organismes, la diversité
biologique elle-même pouvant être considérés comme un service écosystémique issu des
mutations des organismes etc. Les services environnementaux, quant à eux, sont des pratiques
humaines organisées selon différentes façons, coopératives, concurrentielles… Il peut s’agir
par exemple d’un agriculteur qui possède des bandes mellifères et plante un certain type de
végétation tout en renonçant à l’utilisation de pesticide. Son action rend bien un service
environnemental qui sera favorable aux auxiliaires de cultures dont par exemple les abeilles
qui vont pouvoir accroitre le service écosystémique de pollinisation151. Il y a donc un cercle
vertueux qui est enclenché.
Le fondement des PSE repose sur l’accord de volontés des parties, entre le bénéficiaire qui a
besoin du service et le fournisseur du service. L’objet de l’échange dans le contrat qu’est le
service doit pouvoir être identifié et mesurable mais des incertitudes sur le service
environnemental à rendre en échange de rémunération. Ces échanges nécessitent la mise en
place de contrats, en tant que supports de ces paiements pour services environnementaux. Une
protection juridique permet d’établir des limites et de garantir la protection de la biodiversité.
Un encadrement juridique lacunaire des paiements pour services environnementaux
en France. L’Union Européenne considère ces paiements comme des outils innovants dans la
protection de la biodiversité. Or, cette démarche contractuelle suscite des difficultés au niveau
juridique. Il est complexe pour le législateur d’évaluer juridiquement la valeur d’un service
rendu par la nature. Ainsi, au-delà de l’évaluation économique, les PSE se caractérisent par
l’absence d’un cadre juridique adapté. Ce cadre juridique lacunaire rend difficile leur
généralisation en France. Ces instruments évoluent en l’absence de cadre juridique dans le
droit positif. Ce constat atteste des difficultés d’articulation des réalités économique et
juridique152. Des auteurs travaillent actuellement sur un encadrement possible153. Pour pallier
150 Ibid. 151 Exemples concrets de terrain. Sortie de terrain à la rencontre des agriculteurs du Groupe Agriculture sol vivant du Calvados, le 13 juin à Epinay sur Odon. 152 CAMPROUX-DUFFRENE M.-P., Les PSE : une participation au processus de marchandisation de services écosystémiques ? Quelle réalité pour un marché des paiements pour services environnementaux ?, in
40
cette carence, différentes solutions peuvent être avancées. La question des servitudes
environnementales nous semble en ce sens particulièrement intéressante pour protéger la
biodiversité. Les servitudes renvoient dans un premier temps à une contrainte matérielle qui
pèse sur un bien et qui restreint les droits de son propriétaire au profit d’un autre propriétaire
ou d’un tiers. Toutefois, cette coercition n’empêche en rien l’idée qu’une servitude puisse être
établie volontairement par les parties154. Il n’est pas non plus exclu que cette servitude puisse
leur être mutuellement profitable. Plusieurs pistes de réflexion peuvent être envisagées et à
plusieurs niveaux.
Tout d’abord, à un premier niveau d’intervention, il convient de rappeler que les servitudes
contractuelles de droit commun sont prévues dans le code civil à l’article 637 de la manière
suivante : « une servitude est une charge imposée sur un héritage pour l'usage et l'utilité d'un
héritage appartenant à un autre propriétaire ». L’assouplissement de ces servitudes serait
particulièrement intéressant. D’autant plus que rien n’empêche de recourir au principe de
rémunération. Il est prévu que les servitudes reposent sur la nécessité d’établir une relation
juridique entre deux fonds. D’une part, la contrainte s’impose sur un fond servant. D’autre
part, la servitude bénéficie à un fond dominant. En pratique, recourir à une servitude dans le
but d’imposer une obligation environnementale à un propriétaire foncier nécessite de mettre
en présence deux biens fonciers distincts. Cela présente toutefois l’inconvénient de restreindre
manifestement les possibilités sur le plan environnemental.
Par ailleurs, à un second niveau, l’instauration d’un dispositif de servitude à finalité d’intérêt
général environnemental, impliquerait l’introduction de servitudes environnementales d’utilité
publique. Toutefois, moins avantageuses que dans la première hypothèse, ces servitudes
d’utilité publique n’ouvre pas un droit à indemnisation pour la partie qui doit les supporter.
Enfin, à un troisième niveau, il serait également possible de mobiliser et rationaliser les autres
instruments juridiques déjà existants à caractère contractuel.
Les baux ruraux, environnementaux, le recours au démembrement de la propriété, la fiducie
foncière, la transpropriation, les recours autorisant, par voie contractuelle, le regroupement de
propriétaires, gestionnaires ou encore agriculteurs pourraient être autant d’instruments
mobilisables. Bien qu’ils s’avèrent complexes, divers leviers juridiques pourraient être ainsi
L’agriculture et les paiements pour services environnementaux : quels questionnements juridiques ?, Presses Universitaires de Rennes, 2017, (dirc. sc.) A. LANGLAIS, p. 2. 153 LABAT B., « Droits reels au profit de la biodiversité : comment le droit peut-il contribuer à la mise en oeuvre des paiements pour services environnementaux ? », Humanité et Biodiversité, Mission Économie de la Biodiversité, Fondation Nicolas Hulot pour la Nature et l’Homme, 2014, p. 31 154 LABAT B., Modalités juridiques de mise en œuvre des PSE en France, Mission économie de la biodiversité, Cahier Biodiv’2050, p.11.
41
envisagés pour encadrer les PSE. Ils restent toutefois à les faire évoluer et à les améliorer. A
cout terme, un assouplissement des servitudes contractuelles de droit commun semblerait plus
facilement envisageable. Pour ce faire, il convient d’abord d’inciter les acteurs du territoire à
changer de regard sur les servitudes, dont la perception demeure bien souvent négative.
Pour l’heure, les PSE ne peuvent pas être mobilisés pour résoudre tous les problèmes
environnementaux. En tout état de cause, l’approche par les services environnementaux ne
doit pas non plus prendre le pas sur l’approche par les services écosystémiques pour légitimer
l’ouverture d’un nouveau marché. L’incitation financière bien que séduisante ne doit pas
s’imposer comme étant la raison au fondement de la biodiversité. Il est donc indispensable de
repenser une complémentarité entre les instruments économiques et juridiques.
Conclusion Partie I
Cette approche économique de l’évaluation monétaire de la biodiversité a pour
ambition d’améliorer les décisions des décideurs locaux, politiques ou entrepreneurs liées à la
protection de la biodiversité et des écosystèmes155. L’américain Randall Holcombe déclarait
déjà en 1988 que « la meilleure façon de protéger la biodiversité est de lui affecter une
valeur. Et pourtant, comme le rappelle l’économiste Heal156, « l’évaluation économique n’est
ni nécessaire ni suffisante pour la conservation. Nous conservons beaucoup de choses que
nous n’évaluons pas, et ne conservons pas de nombreuses choses que nous évaluons ».
L’approche de l’évaluation économique à travers le concept des services écosystémiques
renvoie à une approche anthropocentrée et utilitariste de la nature en ce qu’elle tend à
maximiser le bien être des humains. Les services écosystémiques apparaissent en effet à
l’interface entre la biodiversité et le bien-être humain amenant par voie de conséquence à
valoriser certains services pour le propre intérêt humain. De plus, le passage des services
écosystémiques aux services environnementaux opère un glissement pouvant dangereusement
détourner le droit de la biodiversité vers des fins utilitaristes et ainsi valoriser un service aux
155 BARNAUD G., « Des fonctions écologiques au marché des services écosystémiques, une avancée conceptuelle ou une gageure ? », in SOHNLE J., CAMPROUX-DUFFRENE (dir.), Marché et environnement, Actes du colloque annuel de la SFDE à Strasbourg des 29 et 30 novembre 2012, coll. Bruylant,, p.57. 156 HEALG. Valuing ecosystem services. Ecosystems, Volume 3, Numéro 1, janvier-février 2000, pp. 24-30.
42
dépens de la biodiversité.157 Ces avancées sont en ce sens teintées de réserves mais aussi
d’ambiguïtés avec des leviers juridiques à parfaire. Séduisantes, elles peuvent facilement
dériver et faire entrer le vivant dans une logique de marché qui n’a pas lieu d’être pour
préserver la biodiversité. Les services écosystémiques ne peuvent pas être appréhendés
indépendamment de l’approche systémique de la biodiversité. Le droit doit dépasser cette
approche pour atteindre la finalité ultime qu’est le renforcement de la protection de la
biodiversité. Bien que l’approche par les services écosystémiques se veut avoir une approche
écosystémique qui met en lumière les relations de l’Homme avec son milieu, celle-ci a une
vision assez simplifiée du fonctionnement des écosystèmes. Le dynamisme des écosystèmes,
les incertitudes du vivant, le dynamisme spatio-temporel, sont difficilement assimilés. Ce sont
pourtant bien les interactions entre les ressources qui doivent être prises en compte pour
valoriser la biodiversité. C’est à partir de ce constat qu’il convient de rapprocher le droit avec
l’écologie ou plutôt avec la socio-écologie. Cette seconde logique illustre bien l’ambivalence
de la loi Biodiversité qui veut préserver à la fois les services écosystémiques et les fonctions
écologiques.
157 BERTHELOT M., MOUGEY T., « Et si évaluation rimait avec concertation ? », Espaces naturels, n°52, octobre-décembre 2015, p.35.
43
PARTIE II
LES LEVIERS JURIDIQUES AU SOUTIEN D’UNE ANALYSE
SOCIO-ECOLOGIQUE DE LA BIODIVERSITE
Le droit de l’environnement doit beaucoup aux sciences de la nature, dont
l’écologie158. Face à l’urgence écologique et dans son souci de protection de la biodiversité, le
droit doit intervenir au soutien d’une analyse socio-écologique de la biodiversité. La
complexité des écosystèmes nécessite une appréhension globalisante de la biodiversité159. Le
droit doit s’inscrire dans une vision dynamique qui invite à protéger la biodiversité
indépendamment de sa valeur monétaire/d’usage pour l’homme. Le renforcement de la
protection de la biodiversité repose sur les synergies entre droit et écologie, une
collaboration étroite entre ces deux analyses. Les espèces animales et végétales doivent
être mises en valeur pour leur place et fonction par rapport à un environnement donné, en
dehors de toute considération économique. La socio-écologie, dans sa définition, est une
discipline scientifique qui a pour objet d’étude les espèces et privilégie les relations et
interactions sociales qu’elles nouent entre elles. L’approche systémique bien que complexe à
appréhender pour le droit, met l’accent sur la réciprocité des rapports entre l’Homme et la
Nature, l’Homme faisant partie intégrante de l’écosystème. En cela, pour une protection de la
biodiversité effective, le droit doit prendre en compte les interactions entre les espèces et leurs
habitats mais aussi leurs fonctions respectives. Ces interactions entre l’Homme et la
biodiversité sont désormais prises en compte par le droit français, en atteste leur ajout dans la
définition160 extensive et dynamique de la biodiversité introduite par la loi éponyme du 8 août
2016. Les fonctions écologiques sont ainsi reconnues. En cela, les mécanismes et instruments
juridiques évoluent en fonction des enjeux et exigences écologiques. En l’espèce, la loi de
2016 contribue à un renouvellement de l’imaginaire juridique au service d’une protection
dynamique et intégrée de la biodiversité (Chapitre 1). D’autre part, un renouvellement de la
158 HUGLO, C., « De la difficulté d’appliquer les lois protectrices de l’environnement » in Energie-Environnement-Infrastructure, 23 mars 2017, p.1. 159 LABROT L., « Droit et complexité. Regards sur le droit de l’environnement », in DOAT M., LEGOFF J., PEDROT P. (dir.) Droit et complexité. Pour une nouvelle intelligence du droit vivant, Actes du colloque de Brest du 24 mars 2006, P.U.R., Rennes, 2007, p.33. 160 Article L110-1-I du Code de l’environnement.
44
gouvernance au service de la protection sociétale de la biodiversité est également impulsé à
travers cette récente avancée législative (Chapitre 2).
CHAPITRE 1 : Le renouvellement de l’imaginaire juridique au service d’une protection dynamique et intégrée de la biodiversité
La perte de biodiversité exponentielle invite à repenser le rapport entre l’Homme et la
Nature mais aussi les Hommes entre eux par rapport à la Nature. Biologiquement, l’Homme
est partie intégrante de la biodiversité, il fait partie de l’écosystème planétaire. Toutefois, cette
relation s’inscrit dans un rapport asymétrique. L’Homme exerce un pouvoir sans commune
mesure sur la biosphère (ce qui justifie selon certains, le recours au concept d’Anthropocène).
Cette emprise nouvelle de l’Homme sur la Nature participe d’un changement de réalité, qui
lui-même requiert un changement de paradigme. Dans son ouvrage La structure des
révolutions scientifiques, Thomas Kuhn propose deux définitions du paradigme scientifique.
Il peut s’entendre de « l’ensemble de croyances, de valeurs reconnues et de techniques qui
sont communes aux membres d’un groupe donné » 161 . Cette manière de voir une science
structure dans le même temps la communauté scientifique. Une fois que cette solution est
érigée en « matrice conceptuelle »162, la vision du monde est amenée à changer. Il s’ensuit
une profonde transformation de la manière dont une communauté scientifique voit le monde.
Appliqué au droit, l’ensemble des croyances et des valeurs que la communauté des juristes
partage constitue un paradigme juridique. Il est admis que deux paradigmes puissent coexister
sans s’exclure. Dans la première hypothèse, le nouveau paradigme peut bouleverser un
paradigme dominant, établi. Dans la seconde hypothèse, le nouveau paradigme peut coexister
avec l’ancien. Dans le cadre du paradigme de l’asymétrie juridique, force est de constater
qu’il est amené à coexister avec le paradigme de la réciprocité juridique. Le droit a été conçu
par les Hommes pour les Hommes. Or, a tout droit n’existe pas forcément un devoir
réciproque. C’est d’ailleurs cette asymétrie juridique qui fait naître une responsabilité envers
l’environnement et les générations futures selon le philosophe Hans Jonas163. Dans ses
travaux, Madame Emilie Gaillard met en valeur la nécessité de procéder à un changement de
161 KUHN T., La structure des révolutions scientifiques, Postface, Flammarion, coll. « Champs », 1983, 284 p. 162 GAILLARD E. « La force normative du paradigme juridique », in La force normative, Naissance d’un concept, THIBIERGE C. et alii, éd. LGDJ, Bruylant, 2009, pp.171-182. 163 JONAS H., Le principe responsabilité, coll. « Champs essaies », 1979, p.185.
45
paradigme en intégrant le paradigme de l’asymétrie juridique. En l’acceptant, il s’opère une
dynamique de décloisonnement des concepts, notions et principes juridiques pour permettre
une meilleure protection de l’environnement dans la durée. « La force normative du
paradigme juridique » renvoie à « une dynamique de création, d’orientation qui anime le
droit » selon l’auteur. Le droit, conçu initialement pour réguler les rapports des Hommes entre
les Hommes a dû élargir son champ de protection afin de protéger de nouvelles entités non-
humaines telles que les générations futures, ou encore, la biodiversité. La force normative du
paradigme de l’asymétrie juridique permet de décloisonner l’imaginaire juridique et de
formuler de nouvelles protections juridiques. Ainsi, dans le domaine de la protection de la
biodiversité, il apparaît que le législateur est venu diffuser de nouvelles logiques juridiques,
révolutionnant par-là même, l’imaginaire juridique. D’une part, de nouveaux principes
dynamiques sont consacrés dans le code de l’environnement (Section 1). D’autre part, des
instruments de gestion de la biodiversité sont également mis en place afin d’assurer une
protection effective des éléments naturels (Section 2).
Section 1 : La consécration de principes juridiques dynamiques Le paradigme de l’asymétrie juridique amène le droit à déployer de nouveaux
principes. Ce décloisonnement conduit à penser et à raisonner différemment. C’est en cela
que de nouveaux principes directeurs ont fait leur apparition dans le droit de l’environnement,
insérés à l’article L110-1 du Code de l’environnement. Les objectifs de préservation de la
biodiversité et d’accompagnement de la transition écologique justifient un élargissement de la
visée protectrice du droit. Vecteurs d’une importante avancée juridique en faveur de la
protection de la biodiversité, deux nouveaux principes ont attiré tout particulièrement notre
attention. Selon le Professeur Patrick le Louarn, « un véritable droit de l’environnement
permettrait de gérer les fonctionnalités des écosystèmes en intégrant les activités »164. En
effet, l’esprit de la loi 2016 est de protéger la biodiversité de manière dynamique et globale.
D’une part, le principe de solidarité écologique vient bouleverser les rapports traditionnels
entre l’Homme et la Nature (§I). D’autre part, le principe de non-régression s’inscrit dans une
dynamique d’amélioration continue afin de renforcer la protection de la biodiversité (§2).
164 LE LOUARN, P. « Approche systémique du droit de l’environnement », in CORNU M., FROMAGEAU J. (éds), Genèse du droit de l’environnement – Fondements et enjeux internationaux, Volume 1, L’Harmattan, coll. Droit du patrimoine culturel et naturel, Paris, 2001, p.78
46
§1. La consécration d’un principe juridique dynamique de solidarité écologique
L’Homme fait partie de la biodiversité planétaire. Cette appartenance commune fait
ainsi naître une solidarité entre l’espèce humaine, la faune et la flore165. En étant par
définition solidaires, les membres d’une société sont dépendants mutuellement. C’est cette
dépendance qui assure la survie des êtres humains sur terre. Comme le souligne l’écologue
Raphaêl Mathevet, c’est le « passage de la notion d’interdépendance entre les composantes
de cette biosphère à la notion de solidarité (qui) permet de souligner la communauté de
destin entre l’homme, la société et son environnement »166. Les Hommes, solidaires avec la
nature, doivent assurer la dynamique du fonctionnement de l’écosystème planétaire.
Le principe de solidarité, un changement de paradigme juridique renforçant la
protection de la biodiversité. La restriction des activités humaines fait partie intégrante du
droit de l’environnement. Pour autant, la solidarité écologique tente de concilier la protection
de la biodiversité et le développement des activités humaines. Les écosystèmes sont
interdépendants et solidaires. Partant de ce constat, les activités humaines doivent être elles
aussi solidaires de la biodiversité animale et végétale.167 Ce concept est apparu pour la
première fois dans la loi du 6 juin 2004 relative aux Parcs nationaux, aux parcs naturels
marins et aux parcs naturels régionaux. La solidarité rompt à partir de là avec le rapport
traditionnel que l’Homme entretient avec la Nature à travers une protection juridique
longtemps cloisonnée. Cette première référence renvoyait toutefois à une conception spatiale
de la solidarité écologique limitée aux parcs. Favoriser de nouvelles voies de préservation de
la biodiversité renvoie à une action sur des territoires plus larges qui doit bénéficier d’une
démarche intégrée et globale.
Ce concept de « solidarité et communauté de destin »168 avancé par le Professeur Delmas-
Marty est désormais formalisé en droit avec la reconnaissance du principe de solidarité
écologique par la loi Biodiversité. Consacré à l’article L. 110-1-II 6° du code de
165 CAMPROUX-DUFRRENE M.-P., « Pour une approche socio-écosystémique de la dette écologique : une responsabilité civile spécifique en cas d’atteintes à l’environnement », VertigO - la revue électronique en sciences de l'environnement [En ligne], Hors-série 26 | septembre 2016, mis en ligne le 09 septembre 2016, consulté le 29 août 2017. URL : http://vertigo.revues.org/17493 ; DOI : 10.4000/vertigo.17493 166 MATHEVET R., « La solidarité écologique, ce lien qui nous oblige », Aces Sud 2012, p. 88. 167 LUCAS M., La solidarité écologique : un essai à transformer pour une transition écologique, in A. Van Lang, Penser et mettre en œuvre les transitions écologiques, Mare & Martin issu du Colloque à Nantes des 24 et 25 septembre 2015. 168 DELMAS-MARTY M., « Conclusion- Sociétés de la peur et/ou communauté de destin ? » , Libertés et sureté dans un monde dangereux, le 31 mars 2009.
47
l’environnement ce principe « appelle à prendre en compte, dans toute prise de décision
publique ayant une incidence notable sur l’environnement des territoires concernés, les
interactions des écosystèmes, des êtres vivants et des milieux naturels ou aménagés ». Erigée
en principe, la solidarité écologique atteste d’une réelle transformation de l’imaginaire
juridique qui consacre la dynamique du fonctionnement de l’écosystème planétaire. La
biodiversité est présente partout et n’a pas de territoire prédéfini particulier. La loi
Biodiversité témoigne d’une avancée indéniable. Cette dernière fait de la diversité biologique
un élément central et fait référence à un intérêt scientifique. La consécration de ce principe
est porteuse d’une avancée qualitative en matière de protection de la biodiversité,
traduisant un mouvement d’écologisation du droit. Elle vient ainsi rompre avec l’esprit
conservationniste instauré par le législateur dans la loi du 10 juillet 1976. Les phénomènes
d’interdépendance sont désormais reconnus, comme les notions d’équité environnementale et
de patrimoine commun avaient pu le faire auparavant. Les espaces protégés tels que les
réserves naturelles ou les zones prioritaires de biodiversité se sont avérées être des réponses
insuffisantes pour protéger la biodiversité dans sa globalité. Ces délimitations témoignent
également « d’une forme d’échec ou d’incapacité de l’homme à s’autoréguler, devant se
protéger de lui-même »169. C’est pourquoi, toutes les espèces de faune et de flore, tous les
écosystèmes, toutes les espèces les plus communément répandues entrent dans le champ de la
loi. Les dynamiques écologiques impliquent la prise en compte des continuités écologiques,
couloirs, corridors, connexions entre ces espaces afin de les restaurer, les protéger
efficacement. Porteur d’une nouvelle façon de prendre en compte les relations entre les
sciences de la nature et la société, ce principe intègre les enjeux de la complexité
spatiotemporelle de la biodiversité. Les écosystèmes sont hétérogènes et dynamiques. La
biodiversité évolue avec les sociétés humaines, dans l’espace et le temps. Les acteurs du
territoire doivent ainsi considérer la solidarité avec les non-humains. Il s’agit d’une véritable
éthique du « vivre ensemble »170. La protection de la biodiversité fait système et le droit se
doit d’être cet instrument du « vivre ensemble »171. « Le fait d’associer étroitement l’homme
et la biodiversité dans une même construction globale nécessite de réfuter l’antagonisme
169 MATHEVET et al, Biodiversités et solidarités : au-delà des aires protégées, dessiner des « territoires capables », La revue d’humanité et biodiversité, numéro 2, 2015, p 89. 170 Voir en ce sens LARRERE C., LARRERE R., Du bon usage de la nature : pour une philosophie de l’environnement, éd. « Champs essais » Flammarion, Paris, France, 2009, 355 p. 171 CAMPROUX-DUFFRENE M.-P., « Pour une approche socio-écosystémique de la dette écologique : une responsabilité civile spécifique en cas d’atteintes à l’environnement », op. cit.
48
traditionnel entre activités humaines et conservation de la biodiversité ».172 La solidarité
écologique repose avant tout sur la prise de conscience collective des interdépendances du
monde vivant et consacre une vision nouvellée de la protection de la biodiversité. Elle assure
le « compromis pragmatique entre écocentrisme et anthropocentrisme » selon l’écologue
Raphaël Mathevet 173 . Un changement de paradigme juridique émerge avec la
consécration de ce principe qui véhicule un lien de coopération entre l’Homme et la
Nature, unissant ces deux entités.
Ces systèmes sont écologiques mais pas seulement car ils sont indissociables de la complexité
sociale.174 Hissée au rang de principe fondateur par le législateur, la solidarité écologique
modifie l’approche du droit de l’environnement, s’imposant « comme l’équivalent écologique
de la solidarité sociale »175 selon Madame Alexandra Langlais. Il intègre une dimension
sociale dans le droit de l’environnement. En construisant les normes dans cette démarche, le
droit contribue à une évolution des normes vers une société nouvelle qui respecte aussi bien
les humains que les non-humains176. Le Professeur Patrick Morvan rappelle en ce sens que
« le principe normatif, sur le dernier versant, ne décrit pas l’objet ou une forme de la
connaissance (point de vue ontologique, relevant de la philosophie), ni un axiome ou un
système de règles construit par la raison (point de vue logique, relevant de la science du
droit), mais une norme juridique édictant un devoir-être (point de vue normatif, relevant seul
du Droit) »177. Ce principe véhicule un lien particulier unissant l’Homme à la Nature. Il
marque une prise de conscience collective de nos interdépendances écologiques et sociales
impliquant un « devoir-être » pour tendre vers un idéal de comportement qui découle de la
responsabilité environnementale. Le droit de la responsabilité environnementale doit être
guidé par ce principe. « L’usage et le développement du concept de solidarité écologique se
rapprochent d’une vision où l’Homme, en faisant partie de la communauté du vivant, a une
172 BLONDEL J., Biodiversité, quels enjeux pour les sociétés, [Actes des Journées de l’institut français de la biodiversité, Tours, 18-20 décembre], Paris, Institut français de la biodiversité, p.17-19. 173 MATHEVET R. et al, « La solidarité écologique : un nouveau concept pour une gestion intégrée des parcs nationaux et des territoires », Natures Sciences Sociétés, volume 18, 2010, p. 424. 174 BARKES F., FOLKES C., “Linking Social and Ecological Systems : Managment practices and social mechanisms for building resilience”, Cambridge University Press, 1998. 175 LANGLAIS A., Libres propos conclusifs sur la dette écologique, VertigO - la revue électronique en sciences de l'environnement [En ligne], Hors-série 26 | septembre 2016, mis en ligne le 09 septembre 2016, consulté le 10 août 2017. http://vertigo.revues.org/17500. 176 Voir en ce sens MATHEVET R. et al., « La solidarité écologique : prémices d'une pensée écologique pour le xxie siècle ? », Ecologie & politique, volume 44, numéro 1, 2012, pp. 127-138. 177 MORVAN P., « Qu’est-ce qu’un principe? », http://patrickmorvan.over-blog.com/article-6469413.html
49
responsabilité, a le devoir moral de se sentir tenu à une compréhension et à une action
bienfaisante à l’endroit des écosystèmes et des espèces qui l’entourent »178.
En outre, le droit intervient au soutien d’une écologie globale. L’Homme et les activités
humaines se trouvent intégrés « dans une perspective égalitaire »179 souligne le Professeur
Agathe Van Lang. Cette perspective est également atypique par rapport aux principes
juridiques classiques à dominante fixiste. Le fondement de ce nouveau modèle est de
mettre en avant le profit de l’immatériel et de la dématérialisation de l’économie. La
solidarité écologique serait ainsi une réponse rivale à la logique marchande dominante selon
le Professeur Alain Supiot180. Enfin le droit arrête de déformer la réalité et épouse la réalité
complexe du vivant. Un principe novateur donc, à contre-courant de l’approche économique
de la biodiversité.
Pour autant, une limite au principe est à souligner. La loi consacre ce principe de solidarité
écologique en précisant qu’il s’applique seulement pour les décisions qui auraient un impact
« notable »181 sur l’environnement. Nous pouvons donc regretter sur ce point la contrainte
qui est très modérée du principe. Parallèlement à ce constat et en l’absence de précision de
la part du législateur, il est possible de se questionner quant aux modalités d’application
concrète d’un tel principe puisque la définition avancée reste très imprécise. Malgré ces
limites en matière de prise en compte, cette reconnaissance législative est en harmonie
avec l’ambition de protection de la biodiversité impulsée par le droit. Mais la solidarité
écologique reste pour l’instant obscure par rapport au contenu et à la portée du principe.
Concrètement, le principe de solidarité écologique s’applique aux autorités publiques et sert à
l’élaboration des projets de territoire qui reposent sur une vision dynamique, fonctionnelle et
partagée de la biodiversité. Il s’agit de « l’un des fondements de la gestion intégrée de la
biodiversité ». Elle doit être mise en place aussi bien entre les villes et les zones rurales
qu’entre les communes, les régions… en somme une « solidarité écologique entre les
178 MATHEVET R. et al, « La solidarité écologique : un nouveau concept pour une gestion intégrée des parcs nationaux et des territoires », op. cit. 179 VAN LANG A., « La protection des continuités écologiques : avancées et limites du droit », R.D.I., 2013, p.255. 180 SUPIOT, A., 2015, La solidarité, Enquête sur un principe juridique, Ed. Odile Jacob, p.7. 181 VAN LANG A., « La protection des continuités écologiques : avancées et limites du droit », op. cit.
50
territoires »182 . La reconnaissance d’un tel principe donne alors du sens à la trame verte et
bleue183, outil mettant en valeur les connectivités écologiques sur un territoire.
La trame verte et bleue, un changement de paradigme par l’action publique au
soutien de la protection de la biodiversité. « L’artificialisation de l’espace »184 issue de
l’urbanisation et de ses équipements constitue l’un des principaux symptômes de la crise de la
biodiversité. Dans ce contexte de fragmentation néfaste pour la biodiversité, il est important
de prendre en compte les liens fonctionnels des espèces et milieux. Les cours d’eaux, le
bocage ou encore le maillage de boisements sont des éléments indispensables pour mettre en
valeur ces liens à l’échelle territoriale. Les acteurs publics sont amenés à respecter le principe
de solidarité écologique à travers leurs actions d’aménagement et de planification de l’espace.
Ce principe implique d’être pris en compte dans tout projet ayant une incidence notable sur
l’environnement. La trame verte et bleue est en ce sens un outil qui permet d’organiser
ces formes de solidarité écologique. L’appréhension de la solidarité écologique implique
pour le droit de prendre en compte les réalités écologiques. Madame Marie Bonnin fait
d’ailleurs référence à un « troisième temps du droit de la conservation de la nature » en
faisant référence à la protection des réseaux écologiques185. La trame verte et bleue, qui
renvoie à l’ensemble des continuités écologiques, est un outil intéressant en ce qu’il permet
d’assurer la fonctionnalité des milieux, dans le temps, où se trouve la biodiversité.186 Issue des
articles L. 371-1-I du code de l’environnement et 121 de la loi Grenelle II, la TVB vise à
« enrayer la perte de biodiversité en participant à la préservation, à la gestion et à la remise
en bon état des milieux nécessaires aux continuités écologiques, tout en prenant en compte les
activités humaines, notamment agricoles, en milieu rural ». Il s’agit d’un outil concret au
service de la biodiversité, l’intégrant dans les activités humaines. La trame, en tant que réseau
ou maillage écologique est le reflet de la réalité des dynamiques et interaction des
phénomènes écologiques. Cet outil concret amène également à repenser la façon de construire
et favorise un retour des habitats au cœur de la ville. La démarche de cet outil traduit les
connaissances scientifiques liées à l’écologie dans le dispositif juridique. Elle se superpose
182 GAILLARD G., Rapport fait au nom de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire sur le projet de loi relatif à la biodiversité, n°1847, Assemblée nationale, 26 juin 2014, 668 p. 183 La trame verte faisant référence aux espaces naturels et protégés et la trame bleue faisant référence aux cours d’eau. 184 UNTERMAIER J., « Biodiversité et droit de la biodiversité », op. cit. 185 BONNIN M., Les corridors écologiques, Vers un troisième temps du droit de la conservation de la nature ?, L'Harmattan, 2008. 186 HERMITTE M.-A., « Edouard Bonnefous et le biodiversité : « Vox clamantis in deserto » ou illustration du schisme de réalité », op. cit., p.111.
51
aux dispositifs de protection existants que sont les espaces protégés187, les espaces naturels et
les corridors écologiques pour relier ces espaces. Le droit reconnaît ainsi les continuités
écologiques, ignorées pendant longtemps juridiquement. Cela atteste d’un changement de
paradigme certain en faveur de la protection de la diversité biologique. L’évolution en
profondeur de la protection de la biodiversité repose sur la protection et la gestion des
processus écologiques.
L’opportunité de la trame verte et bleue a d’ailleurs été bien comprise par les
acteurs du territoire normand en tant que nouvelle façon de concevoir l’aménagement. Depuis
les lois Grenelles I et II, il est obligatoire d’inscrire une TVB dans les documents d’urbanisme
de la collectivité. Ces avancées législatives illustrent ce changement de paradigme à l’œuvre
en ce qu’un nouveau rapport de l’Homme à la Nature se construit. Le pôle Métropole Caen
Normandie188 travaille depuis 2008 sur cet outil qui a été approuvé en 2011. Dans les
documents opposables, une première version de la TVB existe mais celle-ci présente des
défauts bien qu’elle serve de support pour alerter et sensibiliser les élus du territoire. La TVB
est réalisée sur la base de méthodes des infrastructures vertes et bleues, c’est-à-dire basée sur
le mode d’occupation des sols. Chaque type de milieux présente un cortège d’espèces. La
révision du Schéma de cohérence territoriale (SCoT) lancée en 2013 se base également sur le
mode d’occupation des sols. La nouvelle version prend en compte l’inventaire des haies en
tant que composantes fondamentales dans les continuités et l’alignement d’arbres ainsi que le
bâti différencié de la tâche urbaine et l’analyse écologique des différents milieux et de
secteurs à enjeux. Il est tout à fait possible d’urbaniser un territoire, l’aménager sans
mettre sous cloche la biodiversité. Il est nécessaire de faire une continuité sur le territoire
pour protéger la biodiversité. L’urbanisation de la TVB dans l’aménagement du
territoire repose sur la contrainte règlementaire d’inscription dans le SCoT. Cette contrainte
n’en est finalement pas une pour les acteurs du territoire caennais qui essaient de faire de cette
contrainte une opportunité pour bénéficier d’outils intéressants, pour reconnecter les habitats.
La TVB est perçue comme une opportunité pour la Métropole de Caen. Elle permet
notamment une meilleure gestion des bords de route en permettant de laisser pousser l’herbe
ou retarder le fauchage par exemple, mais aussi le passage de grandes et petites faunes, la
prise en compte de la biodiversité dans les projets d’urbanisme et d’avoir une gestion plus
écologique des espaces. Par exemple, l’idée de création d’une zone d’activité sur une zone
187 Parcs nationaux, réserves naturelles, sites classés entre autres. 188 Composée de 20 EPCI et 3 départements.
52
humide avec une présence de crapaud peut amener à créer un axe humide pour aménager en
maintenant la continuité. Les haies, les zones humides, les talus… forment autant de corridors
fonctionnels fondamentaux pour favoriser la circulation des espèces entre les réservoirs de
biodiversité. L’Homme peut tout à fait composer avec la Nature en toute harmonie. La force
de cet instrument à travers ses objectifs est notable. Toutefois des faiblesses sont à relever par
rapport à son régime juridique. Sur le plan écologique, il est difficile de transcrire les
dynamiques naturelles du fait des incertitudes scientifiques. Les connaissances ainsi que les
données scientifiques sont imprécises et amenées à évoluer. Par ailleurs une limite est
également à souligner en terme d’opposabilité du document. En effet, bien que l’objectif des
continuités écologiques se trouve renforcé par le législateur puisqu’il est désormais possible
de les intégrer dans le schéma de cohérence écologique (SRCE), la portée de ces schémas est
limitée. L’article L. 371-3 8° du code de l’environnement prévoit seulement une « prise en
compte » par les documents de planification et les projets de l’Etats, des collectivités
territoriales et de leurs groupements. Cela induit donc un faible respect des orientations
régionales favorables aux continuités écologiques. La connectivité souffre encore de mesures
juridiques appropriées. Elle n’est pas accompagnée d’obligations à la fois précises et
nouvelles. Leur prise en compte dans les évaluations environnementales serait pourtant
pertinentes. Certaines villes telles que Strasbourg ou Nantes ont structuré leur plan local
d’urbanisme (PLU) autour de ces continuités écologiques.189 La loi Biodiversité confirme par
ailleurs la possibilité pour le règlement du PLU de protéger des « espaces de continuités
écologiques ». Ce document opposable permet une réelle protection de la biodiversité. La
Ville de Caen travaille dans ce même sens Elle intègre des recommandations liées aux études
sur la biodiversité ainsi que des diagnostics écologiques. La trame évolue suivant l’apport de
connaissances scientifiques. Le PLU qui avait été adopté en 2013 faisait déjà référence aux
continuités écologiques. Leur planification doit faire l’objet d’un suivi. Une obligation de
procéder à une analyse des résultats obtenus relatif à la préservation et la remise en état sera
exigée. Il faut penser les continuités dans le temps, les continuités existent depuis toujours. Le
rythme de la biodiversité est très lent.
A côté du principe de solidarité écologique, un nouveau principe fait son entrée dans
le droit de l’environnement. Le principe juridique de non-régression apparaît pour sa part
comme un principe directeur ayant une portée normative plus précise.
189 Pôle métropolitain Caen Normandie Métropole et Aucame Caen Normandie, « La biodiversité : un enjeu, la trame verte et bleue : un outil », n°1, novembre 2015, p.4.
53
§2. La consécration d’un principe juridique de non-régression à dynamiser ?
Un principe indispensable pour atteindre la finalité du droit de
l’environnement. Le droit de l’environnement est un droit audacieux qui n’hésite pas à
inventer et à recourir à un nouvel imaginaire juridique. C’est ainsi qu’il formule de nouveaux
principes pour relever les nouveaux défis environnementaux. Qualifié de droit
« progressiste »190 par le Professeur Michel Prieur, il est perpétuel progrès et finaliste, c’est-à-
dire pour l’environnement. Rappelons que le droit repose sur le principe classique de
mutabilité du droit, dans le sens où celui-ci peut être amené à changer à tout moment et pour
diverses raisons191. Appliqué au droit de l’environnement, cela signifie donc qu’il peut lui-
aussi être susceptible de reculer. Un éventuel recul constitue donc un obstacle majeur pour ce
droit progressiste dynamique pour embrasser et s’adapter à la complexité du réel. Il doit être
progressiste dans le sens d’une amélioration continue. Or, ce recul est une réalité puisque,
comme le rappelle Agnès Michelot, le droit de l’environnement a connu un parcours pour le
moins « chaotique » devant faire face aux diverses pressions sociétales, des choix
économiques, politiques etc192. Pourtant, ce droit de l’environnement finaliste doit être en
perpétuelle amélioration pour espérer protéger la biodiversité, cette dynamique
complexe qui ne cesse d’évoluer. Une réelle contradiction est alors à souligner entre la
mutabilité du droit et le caractère progressiste du droit de l’environnement. Selon le
Professeur Michel Prieur, la seule réponse possible à cette contradiction réside dans le
principe de non-régression193. Ce principe de non-régression doit déboucher sur un devoir
de non-régression mais aussi et surtout sur une obligation de progression. Comme le
souligne également le Professeur, « le fondement le plus intéressant du principe de non-
régression est l’éthique et la morale de l’environnement : moins de pollution, plus de
biodiversité »194. Par ailleurs, l’importance de ce principe réside dans le fait que celui-ci
permet de créer une véritable sécurité juridique nécessaire au droit de l’environnement.
Le droit de l’environnement n’aurait aucun sens si l’on revenait dessus tout comme les droits
190 PRIEUR M., SOZZO G. (dir), La non-régression en droit de l’environnement, Bruylant, 2012, p 8. 191 Changement de majorité politique, enjeux économiques etc. 192 BRETON J.-M., « Droit de l’environnement et politiques environnementales : la non-régression entre volontarisme stratégique et fatalisme manichéen (ou L’inéluctable Sisuphe ?) », Tribune S.F.D.E., le 11 février 2017. http://www-sfde.u-strasbg.fr/index.php/blog-de-la-sfde/130-droit-de-l-environnement-et-politiques-environnementales-la-non-regression-entre-volontarisme-strategique-et-fatalisme-manicheen-ou-l-ineluctable-sisyphe 193 PRIEUR M., « Le principe de non-régression « au cœur » du droit de l’homme à l’environnement », in Changements fondamentaux globaux et droits de l’homme, Bruylant, 2012, p.134. 194 Ibid.
54
de l’Homme. Cela est chose faite puisque ce principe est désormais consacré dans le code de
l’environnement à l’article L.110-1 al 9 disposant que « le principe de non-régression, selon
lequel la protection de l’environnement, assurée par les dispositions législatives et
réglementaires relatives à l’environnement, ne peut faire l’objet que d’une amélioration
constante, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment. » Le droit
de l’environnement se veut être un droit continu de progrès, il ne peut donc se permettre de
reculer. La crainte d’un droit figé par l’intégration d’un tel principe est alors mise en avant par
ses détracteurs195. L’argument avancé est que figer une fois les règles dans le temps, et par là
de ne plus pouvoir revenir en arrière à cause d’un droit figé, « suppose également une
approche fixiste de l’environnement qui ne cadre pas avec l’approche dynamique de la
biodiversité défendue en principe par le projet de loi biodiversité »196. Or, il n’en est rien.
Loin de figer le droit de manière non-constructive, ce principe avance qu’il n’est désormais
pas possible de revenir en arrière sur un acquis environnemental. Ce mécanisme est donc un
gage de protection pour la biodiversité. La règle de droit n’est pas figée, elle est en
revanche amenée à évoluer dans une logique d’amélioration constante. La biodiversité
repose sur un système en mouvement permanent. Cette idée de variabilité, d’une vision
dynamique et non statique des choses se retrouve dans ce principe qui se veut également
dynamique et non statique. Selon le Professeur Michel Prieur, instigateur du principe, il s’agit
là d’une création juridique nécessaire au soutien des grands principes de prévention,
précaution, information, participation institués lors du Rio de 1992. Cette consécration
législative constitue une avancée majeure pour le droit interne de l’environnement,
« verrouillant » en quelque sorte les acquis du droit de l’environnement. Sa nécessité est par
ailleurs de moins en moins contestée. Le principe de non-régression permet d’éviter de
vider de toute substance les principes généraux du droit de l’environnement.
Une portée limitée du principe de non-régression validée par le Conseil
Constitutionnel. Le Conseil Constitutionnel est venu valider au préalable ce principe de non-
régression en matière environnementale dans sa décision du 4 aout 2016. Il en a cependant
réduit sa portée197. Ce principe n’a pas directement pour conséquence de créer des obligations
ou des responsabilités nouvelles pour les personnes privées. Finalement, cette obligation
195 Amendement présenté par CÉSAR MM., HURÉ P., LEROY D. LAURENT, EMORINE, CORNU, VASPART, G. BAILLY et GREMILLET, N° com-2 rect., 3 mai 2016. 196 Amendement présenté par BIZET M. Amendement Projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages N° COM-100, 28 avril 2016. 197 FOUCHER K, « Le principe de non-régression devant le Conseil constitutionnel », Constitutions, 2016, p. 487.
55
d’amélioration constante du niveau de protection de l’environnement ne s’impose qu’à
l’égard du pouvoir règlementaire et non à l’égard du pouvoir législatif. Les Sages affirment
que « ce principe s’impose, dans le cadre des dispositions législatives propres à chaque
matière, au pouvoir règlementaire »198. Le principe se trouve alors en quelque sorte vidé de sa
substance puisqu’il n’est pas reconnu comme étant contraignant pour le législateur.
Autrement dit, cela laisse supposer qu’à l’inverse des dispositions règlementaires, les
dispositions législatives pourront être régressives. Cela résulte du fait que ce principe soit
consacré uniquement par la loi. Or, seule la valeur constitutionnelle peut contrainte le
législateur. Il est dommage que le principe ne figure pas dans la Charte de
l’environnement, le Conseil Constitutionnel n’ayant pas été jusqu’à lui conférer la valeur de
principe constitutionnel. Cette consécration aurait pour mérite de renforcer le principe dans la
hiérarchie des normes puisque comme le rappelle Madame Karine Foucher « ce que la loi
peut faire, elle peut ensuite le défaire » 199. Cela réduit de manière significative la portée du
principe. Il est donc à regretter que ce principe ne s’applique qu’aux seules autorités
publiques. Si le champ d’application et les conséquences de ce principe sont en théorie vastes,
il reste toutefois très encadré et limité par la décision du Conseil Constitutionnel. Il se pourrait
qu’avec l’adoption de la loi Biodiversité, le Conseil constitutionnel vienne à analyser
différemment à l’avenir le principe de non-régression. Il serait intéressant que la
jurisprudence vienne dynamiser le principe.
L’apport du législateur et du juge indispensable pour plus de dynamisme du
principe. La loi Biodiversité vise à renouveler l’action publique. Le principe s’impose
d’abord aux pouvoirs législatifs et règlementaires. Il conviendra ensuite au législateur et au
juge d’en préciser les contours, à savoir son champ d’application faisant référence
« dispositions législatives et règlementaires relatives à l’environnement »200 et sa portée.
Au juge de préciser si les autres législations pouvant avoir une incidence sur l’environnement
entrent ou non dans le champ de ce principe. A lui aussi de définir les possibilités ou non d’un
recul et à quelles conditions. Parallèlement, l’expression d’ « amélioration constante » prévu
par le législateur à l’article L. 110-1 9° du code de l’environnement implique un point de
référence à définir. Cela renvoie à un point mobile, le plus haut niveau de protection atteint à
un instant T, au fur et à mesure des modifications règlementaires. Le pouvoir règlementaire ne
pourra pas adopter de normes régressives à partir de ce point. A l’inverse le point fixe
198 Considérant 10 de la décision du Conseil constitutionnel, 4 août 2016, n° 2016-737-DC. 199 FOUCHER K., « Le principe de non-régression devant le Conseil constitutionnel », op. cit. 200 Article L.110-1 9° du Code de l’environnement.
56
correspond à un niveau de protection acquis lors de sa reconnaissance. Le droit de
l’environnement doit tendre vers une amélioration constante, c’est à dire une action vers plus
de protection. Tout l’enjeu repose sur le maintien des équilibres écologiques menacés pour
lutter contre l’érosion de la biodiversité. Les nuisances s’avèrent irréversibles sur la
biodiversité, c’est pourquoi le droit de l’environnement ne peut se permettre de
régresser. Il pourrait être en ce sens intéressant de le coupler au mécanisme d’amélioration
continue de la Roue de Deming (voir Fig.1) pour plus d’efficacité en matière de protection de
la biodiversité. Ce principe est à la base du droit de l’hygiène et de la sécurité au travail. Il va
se diffuser progressivement en management environnemental. L’idée est de faire du principe
de non-régression un principe dynamisé par le couplage avec le principe d’amélioration
continue. En management environnemental, ce principe d’amélioration continue existe déjà et
s’avère efficace pour tendre vers plus toujours de protection. Il repose sur l’idée de cercle
vertueux. Quatre étapes sont envisagées pour permettre l’amélioration continue de la qualité
des biens et services produits tout en s’adaptant aux fluctuations naturelles d’un
environnement qui évolue constamment. Tout d’abord, la première étape du plan consiste à
analyser la situation problématique en vue de planifier les actions à entreprendre. Puis, la
seconde étape vise l’exécution des actions planifiées avant d’en contrôler l’efficacité sur un
problème en menant des tests et des mesures. Enfin, la dernière étape de la roue consiste à
réagir suivant les étapes précédentes. Cette méthode part du postulat que les connaissances et
compétences sont toujours limitées mais peuvent être améliorées. La cale de la roue, telle
l’effet cliquet en droit, symbolise la capacité à maitriser les non-régressions. Il est possible de
se tromper, à condition de s’améliorer. Calqué sur ce modèle d’amélioration continue au droit
de l’environnement présente un grand intérêt pour atteindre l’objectif final de protection de
l’environnement. Appliqué au droit, ce modèle de la Roue de Deming fait penser à cette
même roue de l’effet cliquet pour empêcher les retours en arrière. En combinant le principe de
non-régression à un principe d’amélioration continue, il y a bien une rupture épistémologique.
Fig. 1. La roue de Deming. Source : EID ATLANTIQUE, 2017
57
La biodiversité repose sur des dynamiques complexes et des connaissances
scientifiques lacunaires. Sa protection juridique nécessite donc d’évoluer constamment au gré
des nouveaux apports scientifiques afin que le droit soit pertinent dans les faits. Par ailleurs,
notons que le législateur prévoit qu’il s’agit d’une obligation relative. Un recul est toutefois
envisageable « compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment » à
condition qu’il ne soit pas préjudiciable à la protection de l’environnement.
Ce principe, en acquérant une valeur législative, doit être interprété au regard des droits
et principes de la Charte constitutionnelle de l’environnement. L’article 6 de ladite Charte
consacre le principe de conciliation affirmant que « les politiques publiques doivent
promouvoir un développement durable. A cet effet, elles concilient la protection et la mise en
œuvre de l’environnement, le développement économique et le progrès social ». Il est donc à
articuler avec le principe de précaution. En effet, est précisé par le Conseil Constitutionnel
que l’amélioration constante de la protection de l’environnement ne fait « pas obstacle à ce
que le législateur modifie ou abroge des mesures adoptées provisoirement en application de
l'article 5 de la Charte de l'environnement pour mettre en œuvre le principe de précaution »
201. Le principe de non-régression ne semble pas être applicable aux normes qui remplacent
celles édictées dans le cadre du principe de précaution. Dans un autre temps, l’avocat Arnaud
Gossement avance que ce principe doit avant tout conduire l’Etat à mieux évaluer « l’impact
de ses décisions publiques pour les objectifs et les principes définis au sein du code de
l’environnement »202. C’est d’ailleurs intéressant car il pourrait tendre à une simplification du
droit de l’environnement dans la mesure où une inflation normative n’est pas forcément
souhaitable pour la protection de la biodiversité. Les règlementations environnementales sont
complexes. C’est pourquoi, le foisonnement des textes juridiques en matière d’environnement
est vécu de façon négative par les acteurs du territoire car ils seraient trop complexes et
contraignants à appliquer selon eux203.
C’est au juge désormais de consacrer cette non-régression, appuyé par l’opinion publique qui
doit s’en saisir, en tant que nouveau principe du droit de l’environnement. En ce sens, le
201 CC, 4 aout 2016, n°2016-737 DC, cons. 13. 202 GOSSEMENT A., « Le principe de non-régression du droit de l’environnement est inscrit dans le code de ‘environnement », Gossement Avocats : Cabinet d’avocats spécialisé en droit de l’environnement, le 9 août 2016. http://www.arnaudgossement.com/archive/2016/08/09/le-principe-de-non-regression-du-droit-de-l-environnement-es-5834779.html 203 Retours d’entretiens avec les acteurs du territoire normand, à savoir des industriels, agriculteurs, élus locaux et associations de protection de l’environnement.
58
principe va certainement être invoqué très prochainement par les associations de protection de
l’environnement au niveau départemental dans le cadre de l’adoption des arrêtés préfectoraux
dits « fossés »204. Concernant ces arrêtés, ce sont les préfets qui sont compétents pour fixer les
distances de protection des points d’eau des traitements par pesticides, avec notamment des
zones de non traitement. Ces zones constituent un levier important pour lutter contre la
pollution du réseau hydrographique. Les récents arrêts pris par les préfets de département ont
revu à la baisse les mesures de protection de ces zones. Bien que la situation soit hétérogène
dans chaque région, ces arrêtés se caractérisent par leur régression compte tenu de la
réglementation précédente. La largeur des zones est effectivement laissée à l’appréciation du
préfet, sans prendre en compte le cadre général de l’arrêté posé par l’arrêté de 2006. Aussi la
nouvelle topographie atteste d’une disparition de plusieurs kilomètres de zones protégées sur
les cartes IGN. Par exemple, en Normandie205, des cours d’eaux ont également disparu de la
carte IGN. Les discussions sont en cours au niveau national notamment avec France Nature
Environnement206 pour voir si le principe de non-régression pourrait être soulevé. Pour
l’heure, la région de Normandie ne sait pas encore si elle va engager un recours contre ces
arrêtés. Ces derniers témoignent d’un retour en arrière flagrant en matière de protection de
l’environnement. Le principe de non-régression aurait donc tout intérêt à être invoqué pour
faire évoluer la jurisprudence en la matière et ainsi le faire respecter en pratique.
Bien qu’il soit limité par la décision du Conseil Constitutionnel et pas encore respecté dans
les faits, ce principe pourra toutefois faire l’objet d’une évolution jurisprudentielle future dans
sa conception. La reconnaissance de ce principe reste à prouver dans son apport concret.
Concluons ainsi ces propos sur les dires de Michel Prieur affirmant de façon extrêmement
pertinente que « le recul du droit de l’environnement serait véritablement un crime contre les
générations futures »207.
La transformation des paradigmes juridiques contribue à la complexité d’un monde
dépendant de l’évolution. Cette transformation s’apprécie également à travers la consécration
de mesures de gestion de la biodiversité.
204 Arrêtés relatifs à l’interdiction dans les départements de l’utilisation des produits phytosanitaires à proximité de l’eau. 205 Arrêté NOR 2350 – 17 – 00058, relatif à l’interdiction dans le département de l’Orne de l’utilisation des produits phytosanitaires à proximité de l’eau, 7 juil. 2017. 206 Retour d’entretien avec Madame C. DAVID, chargée de mission juridique au CREPAN, en date du 10 aout 2017. 207 PRIEUR M., « Le principe de non-régression « au cœur » du droit de l’homme à l’environnement », in Changements fondamentaux globaux et droits de l’homme, Bruylant, 2012, p.136.
59
Section 2 : La consécration législative de mesures de gestion de la biodiversité
Selon le Robert, la gestion se définit par l’action de « gérer une situation, une
crise, y faire face, s’en occuper ». Appliquée à la biodiversité, des mesures de gestion sont
indispensables pour espérer assurer une protection effective de cette dernière et faire face à la
crise de son érosion. Aujourd’hui, la biodiversité dépend véritablement des choix de gestion
des êtres humains. En ce sens, l’esprit de la loi Biodiversité est de renforcer l’action des
acteurs du territoire. Cette action passe par la consécration de mesures de gestion des sites
aussi bien pour prévenir d’éventuelles atteintes que pour les réparer. Le législateur est ainsi
venu créer un nouvel dispositif de gestion et de protection de la biodiversité. Tout d’abord,
l’obligation réelle environnementale s’impose comme un instrument juridique pertinent de
maîtrise foncière à la porter des acteurs du territoire (§1). Concomitamment à cette obligation,
en cas de dommages causés à l’environnement, le législateur est venu renforcer le régime de
la responsabilité civile. L’objectif de la responsabilité est d’éviter les dommages futurs et agir
au nom d’un intérêt collectif. La réparation du préjudice écologique est désormais consacrée
dans le Code civil. Les modalités de réparation de ce préjudice sont particulièrement
intéressantes pour gérer la situation née du dommage environnemental (§2).
§1. L’obligation réelle environnementale : un nouvel instrument juridique de
maitrise foncière
La loi Biodiversité introduit les obligations réelles environnementales, un outil
juridique innovant en faveur de la protection de la biodiversité. Prévu à l’article L.132-3 du
Code de l’environnement, ce régime juridique autorise tout propriétaire de biens immobiliers
à contracter « avec une collectivité publique, établissement public ou personne morale de
droit privé agissant pour la protection de l’environnement en vue de faire naître à leur
charge, ainsi qu’à la charge des propriétaires ultérieurs du bien, les obligations réelles que
bon leur semble, dès lors que de telles obligations ont pour finalité le maintien, la
conservation, la gestion ou la restauration d’éléments de biodiversité ou de fonctions
écologiques dans un espace naturel, agricole ou forestier ». Ces obligations permettent ainsi
le recours aux contrats de gestion avec des partenaires privés ou publics. Il existe aujourd’hui
une attente en pratique d’un outil qui permet d’attacher une charge à un bien immobilier pour
qu’il se trouve grevé d’un certain nombre d’obligations. Rappelons que le contrat repose sur
un accord de volontés destiné à produire des effets de droit. Cette obligation réelle
60
environnementale relève d’une nouvelle catégorie de contrat cédé par détermination de
la loi à côté du contrat de bail. Ce nouveau renvoi fait par le droit de l’environnement au
contrat de droit privé est tout à fait séduisant pour le notaire Olivier Herrnberger208 car il
illustre selon lui l’ « idée que droit d’environnement, a fait le choix de passer d’un droit
d’interdiction, de prescription, de police administrative à un droit plus actif de contrat et de
mise en valeur ». Ce renvoi au contrat serait donc un signe positif et optimiste de confiance à
l’égard du contrat, estiment les praticiens.
Une obligation réelle environnementale particulière et souple dans son contenu. Le
contenu du contrat de l’obligation réelle environnementale est soumis au droit général des
contrats. Il envisage des engagements réciproques qui s’inscrivent dans la partie des contrats
synallagmatiques et appelle de ce fait une contrepartie, réalisée en une fois ou l’étalée dans le
temps. La mise à disposition du foncier, permet des obligations de faire209 ou de ne pas faire
avec un avantage qui profite à l’environnement. L’obligation est très souple puisqu’elle
peut faire naître toutes catégories d’obligations. Cette souplesse contractuelle est originale
pour le droit des contrats. En contrepartie, les propriétaires privés participent à la protection
de la biodiversité. Le cocontractant qui reste le propriétaire peut s’obliger auprès de divers
organismes tels que les conservatoires régionaux d’espaces naturels, le Conservatoire du
littoral, l’Office national des forêts, entre autres. Par exemple, il peut imposer à ne pas utiliser
de pesticides, ne pas couper des arbres, préserver des prairies etc. en sommes, adopter des
pratiques respectueuses de l’environnement. Ce contrat peut également s’avérer intéressant en
matière de compensation écologique210 car il permet la mise à disposition du foncier avec une
obligation de faire ou de ne pas faire mais également et surtout de contractualiser de manière
pérenne. Cette liberté contractuelle retenue par le législateur se retrouve aussi en termes de
durée. L’obligation réelle environnementale en tant que contrat conclu dans une finalité
purement environnementale a pour mérite à la fois de permettre la gestion de la
biodiversité mais également la pérennité des obligations. C’est cette question de durée qui
a d’ailleurs fait débat lors du projet de loi. Le législateur a finalement retenu la possibilité de
contractualiser de manière pérenne jusqu’à 99 ans. Actuellement cette obligation ne prévoit
208 HERNBERGER O., « Le point de vue de la pratique » ,intervention dans colloque, La protection de la biodiversité au carrefour des droits public et privé de l’environnement, BILLET P., BOUTONNET-HAUTEREAU M. (dir. sc.), Lyon, le 2 février 2017. 209 REBOUL-MAUPIN N., « Projet de loi sur la biodiversité : enfin la consécration des obligations réelles environnementales », R.T.D.I., juin 2015, p18. 210 Article L. 132-3 2° du Code de l’environnement.
61
pas de durée minimale. A l’instar de la servitude211 elle ne peut pas être perpétuelle. Le
contenu de ces obligations est très modulable. Sans fixer de conditions particulières ou de
limites, le législateur affirme que « la durée des obligations, les engagements réciproques et
les possibilités de révision et de résiliation doivent figurer dans le contrat »212. Il est tout à
fait envisageable pour les parties de conclure un contrat d’une durée de 10 ans puis de le
renouveler, l’objectif étant de rester incitatif pour les acteurs du territoire. Pour les durées plus
longues, des dispositifs fiscaux incitatifs peuvent être souhaitables. En effet, un propriétaire
qui accepterait de s’engager à grever son bien en dehors de toute contrepartie mise à part pour
sa satisfaction personnelle d’avoir contribué à la reconquête de la biodiversité peut laisser
dubitatif. Pour l’heure, il existe deux mesures incitatives prévues par l’article L. 132-3 du
Code de l’environnement. D’une part, les communes peuvent librement, « sur délibération du
conseil municipal, exonérer de la taxe foncière sur les propriétés non bâties, les propriétaires
ayant conclu une obligation réelle environnementale ». Les propriétaires peuvent ainsi
espérer obtenir des garanties financières par le biais de dispositifs fiscaux mais également par
le biais d’une rémunération prévue dans le contrat. D’autre part, ces contrats sont dispensés de
droits d’enregistrement ainsi que de taxe de publicité foncière à partir du 1er janvier 2017213.
Le législateur affirme toutefois que « les formes de compensations sont laissées ouvertes ».
Mécanisme incitatif intéressant donc, mais nous pouvons espérer que la faiblesse des
compensations financières ne freine sa généralisation. Pour l’heure, l’incitation fiscale reste
très faible. C’est pourquoi, le rapport du gouvernement prévu à l’article 73 de la loi portera
sur le bilan de la mise en œuvre de cet outil mais aussi sur les solutions pour renforcer son
attractivité, notamment à travers de dispositifs fiscaux plus incitatifs.
Par ailleurs, cette obligation doit durer dans le temps pour espérer protéger la biodiversité de
manière pérenne. C’est pourquoi il convient de prévoir des sanctions pertinentes en cas de
non respect de l’application. La résolution du contrat n’est pas pertinente pour cet outil
puisque le principe est l’exécution du contrat avec une nécessité de garanties dans le temps.
Le législateur favorisant la liberté contractuelle, ce sont aux praticiens de faire preuve de
créativité pour la rédaction de ces contrats. La question dans le temps se pose aussi pour les
obligations attachées à un immeuble qui va bouger, être vendu ou divisé. Parallèlement, en
matière environnementale se pose la question de l’évolution dans le temps et de la vérité
211 Voir en ce sens, MARTIN G. « Pour l'introduction en droit français d'une servitude conventionnelle ou d'une obligation propter rem de protection de l'environnement », R.J.E., volume 33, numéro 1, 2008, p. 123. 212 Article L. 132-3-I 3° du Code de l’environnement. 213 Article 33-III
62
scientifique liée à l’évolution des connaissances. Il serait pertinent que le contrat envisage des
clauses d’imprévision de gestion dans le cas des longues durées.
Enfin, la particularité notable de cette obligation est son caractère « réel ». Il s’agit là d’une
originalité pour le droit des biens car elle n’existe pas, il n’est pas prévu d’obligation réelle.
Cela signifie qu’elle vient créer des obligations environnementales intuitu rei214 à la charge du
propriétaire foncier mais aussi des propriétaires successifs. Ce mécanisme est intéressant pour
préserver durablement la biodiversité.
Un instrument écologique particulièrement favorable à la biodiversité. Ce nouvel
outil juridique présente de nombreuses potentialités et perspectives intéressantes à la portée
des acteurs du territoire pour protéger la biodiversité. Il est destiné à faciliter la mise en œuvre
et la gestion des pratiques favorables à la biodiversité sur les terrains agricoles et naturels. En
encourageant une gestion durable des milieux, la loi ouvre la possibilité aux citoyens de
s’impliquer en faveur de la biodiversité. Tout d’abord, il vient se substituer aux réserves
naturelles volontaires, supprimées depuis 2002. L’obligation réelle environnementale peut
être utilisée pour diverses fins. Il s’agit d’un outil de valorisation de la participation de
l’Homme à la protection de l’environnement. A titre d’exemple, la Ville de Caen215 nous a
fait part de sa volonté de mettre en valeur les orchidées dans la ville et organiser des sentiers
pédagogiques pour sensibiliser les citoyens. L’obligation réelle environnementale trouverait à
s’appliquer en l’espèce pour demander aux propriétaires de jardins alentours de ne planter que
ces variétés ou bien de prévoir des zones de fauche tardive. Autre exemple de territoire avec
les associations de protection de l’environnement normandes dont le CREPAN qui nous a fait
part de sa difficulté à sensibiliser les agriculteurs à préserver les marais de la Dives, zone
humide sensible sans statut juridique protecteur. Les agriculteurs plantent des peupleraies sur
des parcelles non cultivables et ce, au détriment des cours d’eaux alentours. Là encore un
contrat pourrait empêcher les propriétaires fonciers de planter des peupleraies au profit
d’autres essences moins gourmandes en eau. Parallèlement, la commune en collaboration
avec le CREPAN216 souhaite développer des sentiers pédagogiques sur cette zone mais n’a
pas les moyens pour racheter des terrains. Là encore, contractualiser avec les agriculteurs sur
des parcelles inexploitables serait particulièrement intéressant. Par ailleurs, l’obligation réelle
environnementale peut également être utilisée pour mettre en œuvre des politiques publiques 214 ETRILLARD C., « La compensation écologique : une opportunité pour les agriculteurs », Revue de droit rural, n°441, mars 2016, étude 10, repère 22. 215 Rencontre avec Monsieur F. CHANTELOUP, Directeur des espaces verts de la ville de Caen, au Jardin des Plantes de Caen, le 18 juillet 2017. 216 Comité Régional d’Etude pour la Protection et l’Aménagement de la Nature en Normandie.
63
dans différents domaines tels que l’eau, les forêts ou encore les sites contaminés.217 L’intérêt
reste sa grande souplesse dans son contenu. C’est un outil contractuel qui peut s’adapter
aux situations de terrain et créer des obligations attachées à ce terrain. En ce sens, le
mécanisme est modulable, il peut ainsi protéger des captages d’eau ou bien les zones voisines
de parcs nationaux entre autres.
En tant que mécanisme incitatif, les motivations qui peuvent pousser les propriétaires privés à
recourir à l’obligation réelle environnementale sont les contreparties. Les terrains, s’ils ne
sont pas constructibles ou économiquement exploitables peuvent être vécus comme une
charge pour le propriétaire foncier. Une contrepartie financière ou technique notamment à
travers l’instauration d’aides à l’entretien ou à la gestion peuvent être une réelle opportunité.
Il s’agit de leviers pour les inciter à agir en faveur de la biodiversité. D’autant plus que ces
actions favorables à la biodiversité peuvent également être valorisées tant au plan touristique
qu’au plan environnemental. Mais à côté de ces incitations financières, ce mécanisme peut
également présenter un intérêt en soi pour le propriétaire. Par exemple plusieurs voisins
peuvent avoir intérêt à contracter avec une association de protection de l’environnement s’ils
souhaitent empêcher de façon durable l’installation de projets immobilier néfastes pour
l’environnement.
L’obligation réelle environnementale présente également l’avantage d’être un
mécanisme qui s’inscrit dans un dans un temps long. En tant qu’instrument juridique de
maîtrise « éco-foncière »218, il s’articule entre utilisations et transmission c’est-à-dire dans le
continuum entre le présent et le futur, plutôt que la propriété foncière. L’idée est d’« autoriser
le propriétaire d’un immeuble à créer, sur cet immeuble, une obligation environnementale
intuiti rei durable et automatiquement transmissible à ses ayants cause, que ceux-ci soient
universels ou particuliers »219. Cette obligation permet donc de grever un fond et oblige les
propriétaires successifs de ce fond en matière environnementale220. L’idée de transmission est
particulièrement importante et intéressante pour aller au delà d’une simple protection. La
biodiversité nécessite une gestion durable dans le temps.
217 MARTIN G. J., « Obligation réelle environnementale : le dispositif n’est pas assez connu », Actu-environnement, 19 juillet 2017, [En ligne] https://www.actu-environnement.com/ae/news/gilles-j-martin-biodiversite-obligation-reelle-environnementale-dispositif-29417.php4 218 La conceptualisation d’une écologie foncière a été mise en avant par O. Barrière, dans son Mémoire d’habilitation à diriger des recherches Eléments d’une socio-écologie juridique : le droit face à l’urgence écologique, essai d’une anthropologie juridique de l’environnement, présenté par Monsieur Olivier Barrière. 219 Article L. 132-3 du Code de l’environnement. 220 DENIZOT A., « Obligation réelle environnementale ou droit réel de conservation environnementale ? Brève comparaison franco-chilienne de deux lois estivales », RTD Civ. 2016, p. 949.
64
Pour l’heure, nous n’avons pas de retour sur l’utilisation des obligations réelles
environnementales en territoire normand. Bien qu’il nous semble très intéressant pour assurer
la protection de la biodiversité à maints égards, cet outil n’a pas encore été bien saisi par les
acteurs, notamment par manque de connaissances. La mesure reste à développer. Toutefois,
le Professeur Gilles J. Martin précise que le ministère de l’Ecologie est en train d’élaborer un
guide pratique sur les usages de cet outil, suite à la réunion d’un groupe de travail221. La
limite majeure de ce mécanisme repose dans sur son manque de connaissance de la part des
acteurs du territoire, aussi bien privés que publics. Pour autant, une réelle demande émerge de
la part des acteurs normands notamment de la part des élus locaux.
A titre d’exemple, Rouen Métropole, concourant au titre de Capitale française de la
biodiversité, exprime sa volonté de protéger la biodiversité à travers la mise en œuvre de
documents d'urbanismes assurant la protection de la biodiversité222. Toutefois, des limites
liées la portée juridique de ces instruments tels que le SRCE ou le PLU sont soulevées par la
collectivité. En effet, seulement une obligation de moyen est exigée par ces documents et non
une obligation de résultat. Deux stratégies de gestion ont été alors avancées par la Métropole.
D'une part, la logique de rachat du foncier est envisagée par la Ville mais celle-ci se trouve
limitée par rapport au manque de moyens financiers. D'autre part, la Métropole envisage de
faire du conventionnement avec les propriétaires un axe de développement stratégique
prioritaire pour favoriser une gestion pérenne de la biodiversité. C'est en cela que l'obligation
réelle prendrait tout son sens. La gestion est une problématique importante en matière de
biodiversité. Une gestion lacunaire est défavorable malgré les mesures de protection.
Néanmoins, la protection ne vaut pas gestion. Il en va de même pour les associations de
protection de l’environnement pour qui cet outil pourrait être pertinent et leur permettre
d’aller au-delà des actions de sensibilisation et avoir une mainmise sur la plus long terme.
Autre exemple concernant les agriculteurs, l’agro-écologie peut elle aussi s’inscrire en
harmonie avec cet outil et être par conséquent une façon pour l’agriculteur d’obtenir une aide.
Toutefois, ce manque de connaissances reflète la difficulté d’appliquer le droit national aux
réalités concrètes de terrain. Un mécanisme utile certes, mais encore trop peu connu des
acteurs du territoire. Novateur, il peut paraître difficile d’admettre que les personnes privées
puissent poursuivre une action dans un but d’intérêt général. Le Professeur Gilles J. Martin
221 MARTIN G. J., Obligation réelle environnementale : le dispositif n’est pas assez connu », Ibid. 222 Entretien téléphonique avec Monsieur G. FRESNEL, Directeur adjoint de l’Environnement, Rouen Métropole, le 13 juillet 2017.
65
conclu ainsi que « si le contrat peut être porteur de valeurs d'intérêt général, le droit des
biens peut également être utilisé à cette fin »223.
En outre, cette obligation est très intéressante en matière de protection de la
biodiversité dans la finalité de ses obligations puisqu’elle vise véritablement la restauration, la
gestion d’éléments de biodiversité ou de fonctions écologiques. Toutefois, ce contrat, en plus
d’être volontaire, se caractérise par son absence de statut permanent. Les obligations réelles
environnementales peuvent alors apparaître comme étant moins protectrices que les outils
règlementaires. Il s’agit là de la principale limite à cet outil novateur. Parallèlement, la
réparation du préjudice écologique suscite tout autant l’intérêt en matière de gestion de la
biodiversité.
§2. La réparation du préjudice écologique : une mise en œuvre favorable à la
biodiversité
L’introduction des analyses écologiques au droit s’insère dans l’évaluation du
dommage écologique. La loi Biodiversité est venue renforcer de manière opportune les
éléments constitutifs de la défense de la nature au niveau de la réparation. A travers la
consécration de la réparation du préjudice écologique, il est affirmé que « la nature est un
intérêt digne de protection »224.
L’opportunité de la loi Biodiversité est à la fois de consolider la jurisprudence, sécuriser un
régime de réparation applicable au préjudice écologique et clarifier les règles adaptées aux
spécificités d’un préjudice objectif et collectif.225 Le droit de la responsabilité civile contribue
ainsi à renforcer la protection de l’environnement. Le préjudice écologique a tout d’abord été
consacré par la jurisprudence dans l’affaire de l’Erika. Dans son arrêt du 25 septembre 2012
la chambre criminelle est venue consacrer la réparation du préjudice écologique dans le cadre
d’une action en responsabilité civile en précisant que le préjudice écologique résulte d’une
atteinte directe ou indirecte à l’environnement. La loi du 8 août 2016 introduit un Chapitre III
intitulé « La réparation du préjudice écologique » et consacre ainsi le préjudice écologique.
L’article 1246 du Code civil prévoit que « toute personne responsable d’un préjudice
écologique est tenue de le réparer ». Désormais inscrit dans le Code civil, l’article 1247
223 Ibid. 224 HAUTEREAU-BOUTONNET M., « Faut-il accorder la personnalité juridique à la nature ? », Recueil Dalloz 2017, p.1040. 225 NEYRET, L, « La consécration du préjudice écologique dans le Code civil », Recueil Dalloz 2017, op. cit., p.924.
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dispose que « est réparable, dans les conditions prévues au présent titre, le préjudice
écologique consistant en une atteinte non négligeable aux éléments ou aux fonctions des
écosystèmes ou aux bénéfices collectifs tirés par l’homme de l’environnement ». A titre
d’exemple il peut s’agir de la disparition de certaines espèces, d’une altération de fonctions
écologiques, destruction d’un écosystème, atteinte à la faculté de reproduction d’une espèce…
Cette définition reprend la proposition du rapport Jegouzo s’inspirant de l’éco-
nomenclature226. Elle se veut « fonctionnelle » dans le sens où elle renvoie aux éléments et
fonctions des écosystèmes. Elle est donc « biologique »227 , en faveur de la préservation la
biodiversité. Cette définition renvoie ainsi à trois éléments, à savoir « aux éléments des
écosystèmes », vivant ou non vivant, « aux fonctions des écosystèmes », c’est-à-dire aux
interactions et les « bénéfices collectifs » de l’Homme. La distinction est ainsi faite avec d’une
part les éléments des écosystèmes et leurs fonctions et d’autre part les bénéfices rendus à
l’Homme, tels que la pollinisation par exemple228. Ces derniers interpellent car il n’est pas fait
référence aux services mais bien aux bénéfices, nous pouvons donc nous demander si cela
doit renvoyer aux « services écosystémiques ». De plus contrairement aux deux premiers qui
font référence à l’environnement per se, ce dernier fait référence au préjudice collectif
subjectif. Par ailleurs, le souci de cette définition du préjudice écologique est qu’elle ne fait
pas le lien avec la définition de la biodiversité consacrée dans la loi229. Selon Madame Marie-
Pierre Camproux-Duffrene, « si on pense la loi de manière globale, il aurait fallu que l’on
retrouve les éléments du patrimoine commun de la nation dans le préjudice écologique »230.
Aussi, il est fait mention à « une atteinte non négligeable », ce qui laisse sous-entendre que
tous les préjudices écologiques ne sont pas réparables. Dans tous les cas, cette extension de la
notion du préjudice écologique réparable vient consacrer le devoir de l’Homme qui est de ne
pas porter atteinte à l’environnement.
Un champ d’action élargie favorable à la protection de la biodiversité. En vertu de
l’article 1248 du Code civil « l’action est ouverte à toute personne ayant qualité et intérêt à
agir ». Une liste vise ainsi « l’Etat, l’Agence française pour la biodiversité, les collectivités
territoriales et leurs groupements dont le territoire est concerné, ainsi que les établissements 226 Rédigée par des juristes, des économistes et des écologues. NEYRET L., MARTIN G.-J. (dir.), Nomenclature des préjudices environnementaux, L.G.D.J., 2012, p.313 s. 227 Cours dispensé par CAMPROUX-DUFRENNE M.-P., Protection de la biodiversité, année universitaire 2017, Strasbourg. 228 NEYRET, L, « La consécration du préjudice écologique dans le Code civil », Recueil Dalloz 2017, op. cit., p.924. 229 Cours dispensé par CAMPROUX-DUFRENNE M.-P., Protection de la biodiversité, année universitaire 2017, Strasbourg. 230 Ibid.
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publics et les associations agréées ou créées depuis au moins cinq ans à la date
d’introduction de l’instance qui ont pour objet la protection de la nature ou la défense de
l’environnement ». Précédée de la notion « telle que » cette liste n’est donc pas exhaustive
mais plutôt indicative ce qui lui donne une vision extensive. En effet, la loi a donc pour mérite
d’élargir le champ d’action, puisque n’étant pas limitative, elle ne risque pas d’être
incomplète. Nous pouvons ainsi supposer qu’au delà des personnes ciblées dans l’article,
l’ensemble des professionnels qui travaillent en lien avec l’environnement tels que par
exemple les agriculteurs, entreprises, opérateurs de compensation… pourraient eux aussi
avoir un intérêt à agir en réparation du préjudice écologique. Pour autant, cela ne doit pas
aboutir à une action populaire, l’intérêt doit rester l’action en protection de l’environnement.
La seule référence aux associations protectrices de l’environnement aurait pu faire craindre un
retour en arrière par rapport à la jurisprudence judiciaire qui s’était déjà positionnée en
retenant qu’ « une association peut agir en justice au nom d’intérêts collectifs, dès lors que
ceux-ci entre dans son objet social ».231 Au contraire, cette action ouverte désormais à « toute
personne ayant qualité et intérêt à agir » laisse la possibilité au juge de « maintenir une
jurisprudence extensive »232. Toutefois, il convient ici de rappeler que la réparation du
préjudice écologique n’est pas une réparation du préjudice causé à une personne, il s’agit bien
de l’environnement. Pour l’avocat Christian Huglo, se pose la question du droit de demander
réparation puisque toute personne qui prendra l’initiative de la réparation du préjudice
écologique, se sacrifie en quelque sorte pour l’intérêt collectif. Il parle en ce sens de véritable
« bénévolat »233. Une avancée donc, à suivre en pratique.
Une réparation en nature pertinente pour la protection de la biodiversité. En matière
de préjudice écologique il n’y pas de préjudice personnel dans la mesure où l’environnement
n’a pas de personnalité juridique. En droit français de la responsabilité civile, deux modes de
réparation d’un préjudice sont possibles. D’une part, la remise en état correspond, au retour à
l’état initial. D’autre part, la réparation par équivalent peut se faire en nature ou bien en
réparation monétaire par le biais d’une indemnisation. Dans tous les cas, le juge qui fixe les
modalités de réparation doit respecter le principe de réparation intégrale. La réparation
doit donc réparer tout le dommage et rien que le dommage. Le juge doit choisir les mesures
de réparations qui seront les plus adaptées au dommage. En matière environnementale le juge 231 Civ. 3e, 26 septembre 2007, n°04-20.636, Recueil Dalloz 2007, p 2535. 232 NEYRET, L, « La consécration du préjudice écologique dans le Code civil », Recueil Dalloz 2017, p. 924. 233 HUGLO C., « Réparation du préjudice écologique et juge administratif » ,intervention dans colloque, La protection de la biodiversité au carrefour des droits public et privé de l’environnement, BILLET P., BOUTONNET-HAUTEREAU M. (dir. sc.), Lyon, le 2 février 2017.
68
est limité puisqu’il doit privilégier la réparation en nature ou par équivalent en nature. Il devra
dans ce cas prendre en compte les progrès scientifiques et technologiques. L’un des
principaux apports du nouveau régime légal de la réparation du préjudice écologique tient à la
particularité de ses modalités de réparation retenues. Le principe fondamental en droit de la
responsabilité civile suppose que « la réparation du préjudice doit avoir pour objet de
replacer la victime autant qu’il est possible dans la situation où elle se serait trouvée si le fait
dommageable n’avait pas eu lieu »234. Déjà dans son Livre vert, la Commission européenne
relevait que « la remise en état représente le seul remède écologiquement valable »235.
Introduite à l’article 1249 alinéa 1 du Code civil, « la réparation du préjudice écologique
s’effectue par priorité en nature ». En cela, la loi se distingue de la jurisprudence. Ce nouveau
régime a la spécificité de limiter la liberté des juges du fond quant aux choix du mode de
réparation du préjudice. Cette dérogation a pour objectif de privilégier la restauration de
l’environnement, lui-même endommagé. Réparer le préjudice écologique par priorité en
nature présente l’avantage de revenir aux équilibres antérieurs, donc d’assurer véritablement
une restauration du milieu. Remettre l’environnement en l’état initial, tel est l’objectif qui est
recherché en matière de réparation environnementale. Cette réparation apparaît donc comme
étant la plus pertinente en matière de dommage écologique, la plus appropriée pour protéger
l’environnement et la biodiversité. Elle permet une gestion du site et contribue à la
pérennisation de l’environnement malgré sa dégradation. Cela évite ainsi l’aspiration
financière. La finalité du droit de l’environnement est bien une protection pour
l’environnement. La réparation en nature doit être la plus complète possible. Celle-ci a depuis
toujours été l’un des objectifs recherchés dans le Code de l’environnement. Par ailleurs, cette
grande avancée relève d’une grande complexité juridique et scientifique, notamment si le
préjudice est toujours en cours ou a été réalisé plusieurs années avant la sanction. Une limite
tient ainsi à une « impossibilité de fait » liée aux manques de connaissances scientifiques ou
compétences techniques en cas de dommage irréversible qui ne saurait être compensé par
équivalent naturel. Aussi, « en cas d’impossibilité de droit ou de fait ou d’insuffisance des
mesures de réparation, le juge condamne à verser des dommages-intérêts » prévu à l’article
1249 alinéa 2 du Code civil. La réparation du préjudice peut donc prendre, à titre subsidiaire,
la forme d’une condamnation à des dommages et intérêts, si la réparation en nature s’avère
impossible ou inopportune. Ils jouent un rôle complémentaire, à la condition que ceux-ci 234 Rapport du groupe de travail JEGOUZO Y., installé par Mme C. TAUBIRA, Garde des sceaux, ministre de la Justice, Pour la réparation du préjudice écologique, Ministère de la Justice, 17 sept. 2013, p 43 235 Livre vert sur la réparation des dommages causés à l'environnement, 14 mai 1993, COM(93) 47 final, point 2.1.10.
69
soient affectés « exclusivement à la réparation de l’environnement dégradé ». Il y a donc une
véritable obligation d’affectation des dommages-intérêts à la réparation de l’environnement,
ce qui déroge au principe de la libre utilisation des dommages et intérêts. En donnant la
priorité au demandeur236, l’idée de la loi est d’encourager les associations de protection de
l’environnement à agir « au titre » du préjudice écologique. A titre subsidiaire les dommages
et intérêts sont alloués à l’Etat. Quels que soit les destinataires, ceux-ci sont obligés de
« justifier l’affectation des sommes à l’environnement lui-même »237. La loi permet le cumul
de la réparation en nature et de la réparation pécuniaire si la première ne permet pas une
réparation du préjudice intégrale.
La réparation en nature présente de nombreux intérêts en matière de protection de la
biodiversité. Tout d’abord celle-ci permet d’affecter les sommes versées directement à la
restauration de l’environnement. Cela se distingue de l’indemnisation puisque le
responsable est obliger de payer le coût des travaux de la remise en état ou de
l’équivalence naturelle. Le principe d’équivalence entre le dommage et la réparation
implique d’adapter les modalités de réparation. Aussi, il a la charge financière et la
responsabilité d’une obligation de faire. Ensuite, le grand intérêt de la réparation en nature
pour protéger la biodiversité est d’éviter de donner un prix à la nature. On se détache donc en
ce sens de l’analyse économique pour se rapprocher d’une analyse écologique. L’évaluation
de l’importance du dommage doit s’effectuer d’un point de vue écologique. Celle-ci permet
de raisonner sur le milieu naturel endommagé dans sa globalité et pendant toute la durée de
l’impact du dommage. Il s’agit d’une évaluation forfaitaire ou pouvant correspondre à un
budget dépensé en pure perte pour gérer les biens naturels qui ont été détruits. La
monétarisation ne porte pas directement sur la biodiversité mais bien sur le coût de cette
réparation en équivalent naturel, et non sur l’atteinte à la nature. La valeur monétaire
représente la valeur d’usage ou de non usage, fondée sur le coût de remplacement et de
restauration. De ce fait, il s’agit bien du coût de la réparation, de la restauration.238
Toutefois, malgré les évolutions de ce nouveau régime légal, des évolutions restent à parfaire
quant à sa mise en œuvre en pratique. Plusieurs voies d’amélioration sont envisageables selon
le Professeur Laurent Neyret pour permettre une véritable protection de l’environnement,
236 Article 1249 alinéa 2 du Code civil. 237 NEYRET, L, « La consécration du préjudice écologique dans le Code civil », Recueil Dalloz 2017, op. cit., p. 924. 238 Cours dispensé par CAMPROUX-DUFRENNE M.-P., Protection de la biodiversité, année universitaire 2016-2017, Strasbourg.
70
notamment en matière de gestion. Ces améliorations relèvent de la nécessité d’une
nomenclature. L’idée est de « mieux nommer les préjudices »239. Il convient de préciser les
modalités de réparation en nature du préjudice écologique. Il est donc utile de s’appuyer sur la
Directive 2004/35/CE 21 avril 2004 relative à la responsabilité environnementale en ce
qu’elle prévoit que « mesures de réparation » s'entendent de « toute action, ou combinaison
d'actions, y compris des mesures d'atténuation ou des mesures transitoires visant à restaurer,
réhabiliter ou remplacer les ressources naturelles endommagées ou les services détériorés ou
à fournir une alternative équivalente à ces ressources ou services »240. Les mesures de
réparation en nature doivent suivre les trois catégories suivantes en vertu de l’article 162-9 du
Code de l’environnement : la réparation primaire241, complémentaire et compensatoire. La
solution de l’indemnisation est bien écartée dans la directive, mettant en avant la réparation en
nature. Ces modalités de réparation en nature doivent servir de modèle242. Par ailleurs, l’idée
est également de « mieux évaluer »243. Le prix de la nature reste difficile à évaluer.
L’évaluation monétaire porte sur le coût de cette réparation en équivalent naturel, et non sur
l’atteinte à la nature. De ce fait, la valeur monétaire représente la valeur d’usage ou de non
usage, fondée sur le coût de remplacement et de restauration. Il s’agit donc bien du coût de la
réparation, de la restauration. 244 Et enfin, il est également nécessaire de « mieux
coordonner »245.
Bien que la mesure semble favorable à la protection de la biodiversité, sa mise en œuvre
amène à se demander si une telle protection est réellement possible en pratique. Comme le
rappelle l’avocat Christian Huglo « le droit n’existe que s’il est effectif »246. La réparation
239 Commission environnement du Club des juristes, "Mieux réparer le dommage environnemental, rapport du 14 mars 2012. http://www.leclubdesjuristes.com/les-commissions/inscrire-la-responsabilite-environnementale-dans-le-code-civil/ 240 Article 2 paragraphe 11 de la directive transposée aux articles L. 156-6 et s. du Code de l’environnement. 241 Le but de la réparation primaire est de revenir à l’état initial du site avant la dégradation. . Si cela n’est pas possible, la réparation complémentaire sera envisagée. Il s’agit de la réparation en équivalent, une opération de substitution en nature, de lieux ou d’espèce. Enfin la réparation compensatoire prend en compte les pertes subies entre la réalisation du dommage et le moment où la restauration a produit son effet. Il s’agit de pertes intermédiaires. Celle-ci ne concerne uniquement la réparation de dommages temporels. 242BLIN-FRANCHOMME M.-P., « Le préjudice environnemental dans tous ses états », Lamy Droit des Affaires, n°78 janvier 2013, p. 78. 243 NEYRET, L, « La consécration du préjudice écologique dans le Code civil », Recueil Dalloz 2017, op. cit., p. 924. 244 Cours dispensé par CAMPROUX-DUFRENNE M.-P., Protection de la biodiversité, année universitaire 2016-2017, Strasbourg. 245 NEYRET, L, « La consécration du préjudice écologique dans le Code civil », Recueil Dalloz 2017, op. cit., p. 924. 246 HUGLO C., « Réparation du préjudice écologique et juge administratif » ,intervention dans colloque, La protection de la biodiversité au carrefour des droits public et privé de l’environnement, BILLET P., BOUTONNET-HAUTEREAU M. (dir. sc.), Lyon, le 2 février 2017.
71
suppose l’apport de preuves scientifiques. Le droit de l’environnement ne peut exister sans
l’apport de preuves et données scientifiques.
Outre ce renouvellement de l’imaginaire juridique à travers l’instauration de nouveaux
principes dynamiques et la consécration d’outils en faveur de la gestion de la biodiversité, la
loi Biodiversité impulse également un renouvellement institutionnel. La protection de la
biodiversité passe nécessairement par un renouvellement de gouvernance.
CHAPITRE 2 : Le renouvellement de la gouvernance au service de la protection sociétale de la biodiversité
La loi Biodiversité a consacré un titre entier au renouvellement de la gouvernance de
la biodiversité, dans un souci de rationalisation et d’amélioration de la gouvernance.
L’objectif mis en avant par le législateur était de mettre en œuvre une gouvernance claire afin
d’appuyer l’action publique sur les plans scientifiques, techniques et sociétaux. 247 La
gouvernance s’entend d’un « processus de prise de décision, de régulation des pratiques, en
termes d’actions et d’interventions sur un territoire, et également de mise en œuvre des
politiques publiques ». Ainsi entendue comme un processus décisionnel qui vise l’intégration
des acteurs publics et privés, partenaires pour « une meilleure efficacité de l’action
publique », elle joue un rôle majeur dans la protection de la biodiversité. La mobilisation des
acteurs du territoire est cruciale mais nécessite une convergence des connaissances. Le
renouvellement des principes de gouvernance territoriale passe par des méthodes de co-
construction. La collaboration est une véritable opportunité pour élaborer des territoires de
solidarité et protecteurs de la biodiversité. Traditionnellement, la gouvernance de la
biodiversité est mise en œuvre de manière descendante par l’Etat, les autorités locales et les
collectivités territoriales, à travers une gouvernance institutionnelle top/down248 afin de faire
se rencontrer les préoccupations locales. Le renouvellement à l’échelle régionale s’inscrit
dans ce sens à travers la création de nouvelles institutions protectrices de la biodiversité
(Section1). Par ailleurs, l’accompagnement des acteurs dans cette démarche de protection est
un corollaire indispensable pour renforcer la protection de cette diversité biologique
(Section2). Cet autre mode de gouvernance repose sur l’idée de coopération et de co-
247 Projet de loi relatif à la biodiversité, n° 1847, déposé le 26 mars 2014 à l’Assemblée Nationale. 248 Du haut vers le bas.
72
construction de l’intérêt commun. Favoriser un traitement équitable entre les différentes
parties prenantes s’intègre dans une approche bottom/up249 particulièrement intéressante. Il
est nécessaire d’agir à l’échelle locale pour espérer adapter la protection de la biodiversité. La
loi confirme par ailleurs l’importance de la région en tant qu’échelon majeur en matière de
compétence environnementale.
Section 1 : La création d’institutions spécifiques protectrices de la biodiversité à l’échelle régionale Des auteurs affirment que la « région est l’unité cohérente de conservation de la
diversité »250, tant biologique que des besoins humains. La loi Biodiversité s’inscrit dans le
prolongement de la rationalisation et l’amélioration de la gouvernance, amorcée par les lois
Grenelles. La promotion de la compétence régionale étaient déjà impulsée dans la loi NOTRe
du 7 août 2015 et dans la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la
croissance verte. La Région est chargée d’une nouvelle compétence qui s’intègre au
prolongement de sa fonction planificatrice251. Elle est en effet amenée à définir et mettre en
œuvre une Stratégie régionale de la biodiversité, tout en prenant en compte les orientations de
la Stratégie nationale252. Selon la formule du Professeur Bertrand Faure, la loi Biodiversité
vient confirmer un certain « leadership régional » 253 relatif à l’environnement à travers la
création de deux nouvelles instances pour la biodiversité. D’une part, la création d’Agences
régionales pour la biodiversité constituent un véritable atout pour les territoires (§I). D’autre
part, la mise en place de Comités régionaux pour la biodiversité devient une nouvelle
institution consultative (§2). Les deux institutions seront par ailleurs complémentaires.
§1. La création d’Agences Régionales pour la Biodiversité
La loi Biodiversité a consacré un titre entier à l’Agence française pour la biodiversité
(AFB). Cette mesure phare s’impose en tant que nouvel opérateur au service d’une conception
249 Du bas vers le haut. 250 F. PINTON, H. RAKOTO-RAMIARANTSOA, C. AUBERTIN, « Les espaces protégés comme lieux de l’innovation sociale. De Madagascar, l’île rouge, à la forêt brésilienne », op. cit., p.168, M. CASTRO, contribution à l’École thématique du CNRS, La notion de services écosystèmiques et ses applications. Examen critique et interdisciplinaire, Montpellier, 10-14 juin 2013. 251 VAN LANG A., « La loi Biodiversité du 8 aout 2016 : une ambivalence assumée », A.J.D.A., 2016, op cit. p. 2492 252 Article L. 110-1 du Code de l’environnement. 253 FAURE B., « Le leadership régional : nouvelle orientation du droit des collectivités locales ? », A.J.D.A 2015, p 1898.
73
globale de la biodiversité, un nouvel outil d’expertise et de pilotage. La création de ce nouvel
établissement public administratif de l’Etat est issue de la fusion de plusieurs instances
préexistantes, à savoir l’Office National de l’Eau et des Milieux Aquatiques, du groupement
d’intérêt public Atelier technique des espaces naturels, de l’Agence des aires marines
protégées et des parcs nationaux de France. La loi prévoit, pour assurer sa pleine efficacité, la
possibilité de mettre en place des délégations régionales. Les Agences Régionales de la
Biodiversité (ARB) sont créées en partenariat avec les régions se portant volontaires. Prévue à
l’article 21 de la loi Biodiversité « l’agence française pour la biodiversité et les collectivités
territoriales coordonnent leurs actions dans les domaines d'intérêt commun. Les régions et
l‘Agence française pour la biodiversité peuvent mettre en place conjointement des
délégations territoriales, dénommées agences régionales de la biodiversité, auxquelles
peuvent notamment s'associer les départements, en particulier au titre de leur compétence en
matière d'espaces naturels sensibles ». Une grande marge de manœuvre est laissée aux
régions.
Des agences régionales de la biodiversité créées au plus proche des enjeux
territoriaux. La mise en place d’Agences régionales pour la biodiversité intervient au renfort
de l’Agence nationale dans les régions, pour être au plus proche des enjeux territoriaux. La
forme juridique de ses agences régionales et leur statut peuvent être variées. Il peut en effet
s’agir d’établissement public de coopération environnementale, de groupement d’intérêt
public, d’association, etc. La loi précise que les régions peuvent créer conjointement ces ARB
avec l’AFB. Ces agences impulsent une nouvelle dynamique territoriale. Elles présentent
l’avantage d’être souples. Elles peuvent s’adapter aux spécificités de chaque territoire. Il est
indispensable de prendre en compte des contextes locaux pour adapter la protection de la
biodiversité. La loi Biodiversité prévoit également la possibilité pour ces ARB d’exercer
toutes les missions de l’AFB ou bien une partie de ses missions, à l’exception seulement des
missions de police de l’environnement. Pour l’heure, sept régions se sont engagées avec
l’AFB en signant une convention de préfiguration d’une AFB. Il s’agit des régions
Normandie, Bretagne, Occitanie, Centre-Val-de-Loire, Bourgogne-Franche-Comté et
Provence-Alpes-Côte d’Azur et Nouvelle-Aquitaine. La forme de ces agences régionales de la
biodiversité est cependant laissée à l’appréciation des régions elles-mêmes.
C’est ainsi que la région Normandie, dernière en date, a saisi l’opportunité de cette Agence
régionale de la biodiversité en signant son engagement en juin 2017. En cours de création,
celle-ci verra le jour début 2018. Cette démarche est à construire avec l’ensemble des acteurs
74
du territoire. Pour l’heure, certaines missions et pistes de gouvernance semblent se profiler de
façon évidente mais ne sont par conséquent pas définitivement établies. Toutefois, cette
agence n’étant pas encore créée, ces propos se voudront n’être que de simples suppositions
basées sur les réunions de travail des acteurs du territoire normand254. Une véritable volonté
de la Région a émergé dans le but de mobiliser l’ensemble des acteurs socio-économiques,
décloisonner la recherche sur la biodiversité. Concernant la gouvernance, l’objectif souhaité
en créant ces agences est de limiter l’institutionnalisation afin de créer des instances actives et
efficaces qui précisent le rôle de chacun. Il est nécessaire de faire preuve de simplicité avec
pour ligne directrice de créer du lien et d’éviter les redondances. La gouvernance de la future
agence doit favoriser l’organisation de l’intelligence collective par le biais d’une structure
cohérente. L’intérêt repose sur le fait de mettre en place une gouvernance simple. Celle-ci
pourra être testée dans un premier temps et être améliorée par la suite. Par ailleurs, au delà des
associations naturalistes, cette future Agence devrait également associer des chercheurs
d’autres disciplines dans le but de recueillir un avis scientifique pluridisciplinaire en associant
des géographes, sociologique, économistes, juristes etc. Cette pluridisciplinarité doit
permettre d’assurer un regard transversal sur la biodiversité. La mise en place d’une instance
participative, de concertation et d’orientation et d’une instance de décision semble se dégager
naturellement des scénarios les plus probables évoqués par les acteurs du projet.
Des agences régionales de la biodiversité aux missions souples et larges. De
nombreuses attentes ont été mises en avant par les acteurs du territoire255 pour la création de
cette future ARB de Normandie. Celle-ci se verra attribuer un rôle de coordination des acteurs
de la connaissance, d’accompagnement de l’Observatoire de la biodiversité de Normandie
dans la définition des protocoles, de mise en relation avec les autres régions,
d’accompagnement et d’incitation à la coopération entre les acteurs, de coordination et de
valorisation des résultats de suivis mais aussi d’articulation des différentes échelles de suivi.
Elle contribuera à l’amélioration des connaissances des acteurs et servira d’appui à la
définition concertée d’indicateurs régionaux. Elle servira d’appui à la diffusion des
connaissances. Concernant les potentielles missions de cette Agence, un besoin de
coordination et de mise en cohérence sur de nombreux domaines a été avancé par les
partenaires. La mutualisation, l’apport d’outils partagés, la simplification de l’accès à
l’information, la valorisation de l’existant, la transversalité thématique et le
254 Compte rendu de la réunion de travail du 29 juin 2017 à Caen. 255 42 structures régionales ont participé à l’élaboration de cette future Agence Régionale de la Biodiversité.
75
multipartenariat256, l’espace d’échanges et de concertation sont attendus. Par ailleurs, cette
future Agence se verra aussi dotée d’un rôle d’appui de niveau régional. Elle sera là pour
guider, notamment pour l’établissement des atlas de la biodiversité communale affirme
Olivier Fauriel257. Elle sera porteuse de la Stratégie régionale en faveur de la biodiversité.
Cette future Agence aura une mission de représentation institutionnelle. Elle devra également
porter des projets complexes d’enjeu régional. Enfin, il est à espérer que cette agence pourra
combler les manques de connaissances actuels sur le territoire pour favoriser la protection de
la biodiversité. Celle-ci devrait servir d’animation d’un réseau des collectivités afin de les
faire interagir et coopérer mais aussi d’un réseau des gestionnaires d’espaces naturels. Cette
agence devrait également se charger de développer des publications régionales d’aide à la
connaissance. Il serait aussi intéressant pour cette Agence de combler les manques relatifs à
l’apport d’ingénierie financière, en appui au montage de dossiers complexes et un appui en
ingénierie géomatique et biostatistique. L’Agence devrait accompagner les territoires et
financer les projets. En ce sens, répondre ainsi à ces missions ferait de cette nouvelle agence
un outil véritablement novateur. Les ARB sont un atout pour les territoires. Leur grande
souplesse témoigne par ailleurs leur caractère innovant. En l’absence de cadre préétabli,
l’organisation de cette agence se fait sur-mesure par la Région, en fonction de ses ambitions et
de son contexte territorial. L’ARB repose sur une organisation partenariale.
Les acteurs du territoire normands insistent bien sur la volonté de faire de l’Agence Régionale
de la Biodiversité un outil facilitateur qui repose sur l’idée de mutualisation. Sa gouvernance
élargie est intéressante car elle associe les collectivités territoriales et les établissements
publics, les associations de protection de l’environnement, les organisations de la chasse et de
la pêche, mais aussi la recherche et les acteurs économiques. Cet outil doit permettre de
faire dialoguer des acteurs dont les niveaux de connaissances et les disciplines sont
différents. En complément à cela, l’Agence devra pouvoir porter des actions
opérationnelles à l’aide d’un appui technique ou bien par la prise en charge des projets
les plus complexes ou pionniers en complémentarité des acteurs existants. La
communication doit être un des axes de travail prioritaires de la future Agence.
256 Entre les collectivités, entreprises, particuliers etc. 257Directeur interrégional Hauts de France-Normandie de l’Agence française pour la biodiversité, intervention lors des rencontres nationales de l’IRD2, Caen 2 et 3 mars 2017.
76
A côté de cette nouvelle instance régionale, la loi Biodiversité vient également
créer des Comités Régionaux de la Biodiversité. Les instances de l’Agence Régionale de la
Biodiversité ne doivent pas se superposer au Comité Régional de la Biodiversité.
§2. La création de Comités Régionaux de la Biodiversité
Des nouveaux Comités Régionaux de la Biodiversité très institutionnalisés. La loi
Biodiversité vient également créer des Comités régionaux de la biodiversité en tant que
nouvelles institutions protectrice de la biodiversité. Il est prévu, en vertu des articles D. 134-
20 et suivants du Code de l’environnement issues du décret n° 2017-370 du 21 mars 2017,
que « les Comités régionaux se substituent aux Comités régionaux « trame verte et bleue » ».
Ce nouveau Comité est une instance sociétale. Il est co-présidé par le Conseil régional et le
Préfet de Région. La Région voit ses missions élargies. Ce comité se trouve associé à
l’élaboration ainsi qu’au suivi de la Stratégie régionale pour la biodiversité. En Normandie, ce
comité rassemblera environ 160 personnes dans un cadre très institutionnalisé. Il sera
composé de cinq collèges à savoir les collectivités territoriales et leur groupement, l’Etat et
ses établissements publics, les organismes socio-professionnels et les usages de la nature les
associations et les gestionnaires d’espaces naturels et les scientifiques. Le président du
Conseil Régional et le Préfet de Région sont tenus de nommer les membres du comité dans
ces cinq collèges par un arrêté conjoint. Ce décret précise que certains membres de droit
doivent être intégrés obligatoirement en respectant des seuils de représentation fixés par le
décret. La parité est aussi à respecter au sein de ces collèges.
Des nouveaux Comités Régionaux de la Biodiversité à visée consultative. Cette
instance est avant tout consultative. Il s’agit d’un lieu privilégié d’information et d’échange.
L’idée du Comité est de repenser la concertation et la consultation par rapport aux questions
relatives à la biodiversité de la Région. Ce Comité sera notamment associé à l’élaboration
ainsi qu’au suivi et à la mise à jour du Schéma Régional de Cohérence Ecologique. Il
s’intéressera à une série de sujets qui étaient proches des domaines de l’ancien Comité
Régional de la Trame Verte et Bleue. Il s’intéressera également aux activités de l’Agence
Régional de la Biodiversité. Aussi, il sera associé à l’élaboration des Schémas Régionaux
d’Aménagement, de Développement Durable et d’Egalité des Territoires. Ce Comité sera
chargé d’assurer l’élaboration et le suivi de la Stratégie régionale de la biodiversité. Il devrait
en ce sens être une instance de débats et non de projet. En tant qu’institution d’échange, il
devrait être amené à se réunir peu souvent. Les instances de la future Agence Régionale de
77
la Biodiversité de Normandie viendront ainsi en complément de cet outil afin de faciliter
le travail sur le plan opérationnel des projets. Contrairement aux Agences Régionales de la
Biodiversité, ces Comités régionaux, se substituant ainsi aux anciens comités régionaux de la
trame verte et bleue semble moins novateurs.
A travers la mise en place de ces deux nouvelles instances de projet et de débat, la
Région voit ses missions élargies. Toutefois, se développent parallèlement d’autres logiques
afin de permettre à un panel d’acteurs plus vaste de participer à la protection de la
biodiversité. L’innovation en matière de gouvernance pour améliorer la protection de la
biodiversité est à la portée de tous les acteurs du territoire. Certains décideurs locaux
normands l’ont d’ailleurs bien compris en mettant en place un accompagnement spécifique au
profit de la protection de la biodiversité.
Section 2 : L’accompagnement spécifique des acteurs au profit de la protection de la biodiversité Pour renforcer la protection de la biodiversité, il est indispensable de repenser les
modes de gouvernance. Il convient de définir collectivement les problématiques et d’identifier
les solutions envisageables ainsi que leurs modalités de mise en œuvre par l’action publique.
Faire converger les connaissances sur le plan scientifique, technique et empirique des divers
acteurs du territoire est primordial. C’est en ce sens que la concertation publique peut être un
outil pertinent afin de permettre une implication directe des acteurs du territoire dans la
construction des projets (§1). Au-delà de ces concertations, de nouvelles approches
partenariales se développent, tout aussi pertinentes pour renforcer la protection de la
biodiversité (§2).
§1. La concertation publique : une implication directe des acteurs du territoire
Prendre en compte les problématiques environnementales dans la décision
publique est d’une complexité telle que les décideurs n’ont pas l’expertise requise pour
mener à bien leurs projets. Leur légitimité à décider est ainsi remise en question et d’autres
modes de gouvernance sont à inventer, qui reposent sur la prise en compte et la convergence
des intérêts et la connaissance des différents acteurs du territoire en matière de protection de
la biodiversité. La concertation publique est un mécanisme qui précisément offre la possibilité
aux acteurs du territoire de participer à une prise de décision publique. Elle peut être encadrée
règlementairement, comme c’est le cas en matière d’installations classées pour la protection
78
de l’environnement (ICPE), ou bien être à l’initiative des porteurs de projets. La concertation
présente plusieurs avantages qui seront pris en compte de façon différente selon les acteurs et
les projets. Cette démarche qui se veut constructive en associant les parties prenantes dans la
construction de projets présente certaines limites en pratique.
Pour les décideurs, la concertation présente comme avantages de légitimer l’action
publique, de favoriser la transparence et de maîtriser les oppositions en adaptant
éventuellement le projet aux demandes des citoyens. Par conséquent, ce processus peut être
intéressant en tant que véritable levier pour protéger la biodiversité. Mais il présente toutefois
des limites en pratique puisqu’aucun cadre juridique n’impose aux porteurs de projets
d’impliquer la population dans la construction des projets. Qui plus est, le processus même de
concertation n’est pas contraignant juridiquement, et n’impose pas d’obligation de résultats.
Des informations et consultations publiques obligatoires assez peu efficaces en
pratique. La loi Barnier de 1995 instaure le débat public en France avec la création d’une
Commission national du débat public. Dès 1996, le Préambule de la Charte de la concertation
du Ministère de l'Aménagement du Territoire et de l'Environnement souligne bien que « sur
tous les projets qui touchent à l'urbanisme, à l'aménagement du territoire, à l'équipement des
collectivités, à la préservation de l'environnement, la concertation est devenue nécessaire. »
De plus, ce cadre juridique se renforce avec la Charte de l’environnement de 2004 qui prévoit
dans son article 7 le droit à toute personne d’« accéder aux informations relatives à
l’environnement et de participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence
sur l’environnement ». Elle s’inscrit dans le prolongement de la Convention d’Aarhus de
1998258. Ainsi, l’enquête publique259 vise en premier lieu à informer le public sur un projet et
à tenir compte de son avis sur sa réalisation. Elle est encadrée juridiquement par plusieurs
textes. Créée en 1819 elle visait dans un premier temps les projets susceptibles d’engendrer
des expropriations. La réforme de la loi Bouchardeau du 12 juillet 1983260 est venue affirmer
la dimension participative de l’enquête publique. Cette dernière est obligatoire pour les
projets qui sont « susceptibles d’affecter l’environnement ». En matière d’ICPE, c’est la
258 Convention d’Aarhus du 25 juin 1998 sur l’accès à l’information, la participation du public et l’accès à la justice en matière d’environnement. 259 Article 123-1 du Code de l’environnement : "L'enquête publique a pour objet d'assurer l'information et la participation du public ainsi que la prise en compte des intérêts des tiers lors de l'élaboration des décisions susceptibles d'affecter l'environnement mentionnées à l'article L. 123-2. Les observations et propositions parvenues pendant le délai de l'enquête sont prises en considération par le maître d'ouvrage et par l'autorité compétente pour prendre la décision. 260 Loi Bouchardeau du 12 juillet 1983 relative à la démocratisation de l’enquête publique et à la protection de l’environnement.
79
DREAL qui gère les procédures. Elle est en charge de l’étude d’impact. L’étude d’impact doit
être un instrument de conciliation des intérêts existants entre les effets d’un aménagement et
la protection de l’environnement. Qualifié d’ « instrument scientifique et juridique original et
spécifique à l’environnement » par le Professeur Michel Prieur, force est de constater que
l’étude d’impact environnementale peine à s’imposer « en tant que révélateur des enjeux
environnementaux »261. Les enjeux liés à la biodiversité ne sont pas forcément mis en avant
dans ces études262. D’autant plus qu’elle sert vient souvent à légitimer formellement des
projets. Il conviendrait de renforcer la substance de son statut dans ce processus décisionnel.
A la suite de l’étude d’impact, le public est tenu informé. La procédure d’information peut se
faire par voie d’affichage. Le public peut consulter le registre tenu par le commissaire
enquêteur relatif à l’enquête publique et déposer son avis et ses remarques voire ses
propositions. Cette procédure obligatoire peut manquer de lisibilité dans les faits car il s’agit
d’une procédure très administrative dont les citoyens ne se saisissent pas forcément. En outre,
l’avis du commissaire enquêteur peut ne pas refléter complètement certaines réserves
exprimées par la population. C’est pourtant sur cet avis du commissaire enquêteur et sur celui
du CODERST263 que le Préfet prendra sa décision finale.
Parallèlement, la concertation est régulièrement utilisée par les collectivités dans le cadre d’un
projet d’aménagement. L’article L.300-2 du Code de l’urbanisme relatif à la concertation est
utilisé pour ces projets. Cet article vise notamment l’élaboration ou la révision du PLU, la
création d’une zone d’aménagement concerté, les projets de renouvellement urbain ainsi que
les projets susceptibles de modifier le cadre de vie. Par ailleurs, la loi de solidarité et de
renouvellement urbain en date du 13 décembre 2000 va plus loin. En effet, les projets de PLU
sont obligatoirement soumis à une concertation préalable qui doit associer « les habitants, les
associations locales et les autres personnes concernées ». Le cadre législatif reste très ouvert
en matière de concertation publique. Si les objectifs sont fixés, son application reste libre pour
le maître d’ouvrage. Seules l’information et la consultation du public sont obligatoires.
Des concertations publiques plus favorables à la biodiversité en pratique. L’absence
de contrainte juridique impose une nouvelle façon de faire politiquement. Les nouveaux 261 PRIEUR M. « Instruments internationaux et évaluation environnementale de la biodiversité : enjeux et obstacles », R.J.E., 2011, pp. 7-28. 262 Certaines activités préjudiciables à la biodiversité ne sont pas soumises aux études d’impact. Le champ d’application des études d’impact devrait être modifié pour les intégrer. A titre d’exemple, la transformation de centaines d’hectares de prairie en labour est réalisée dans étude d’impact ni consultation du public. Les effets sur la biodiversité sont pourtant alarmants. En ce sens, WINTZ M. « La nature quotidienne entre exploitation et contemplation », in Humanité et biodiversité, Ligue ROC, Descartes et Compagnie 2009, p. 47. 263 Conseil de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques.
80
enjeux environnementaux amènent à réinterroger tout le système démocratique. Les experts
de la question ne sont plus forcément les élus, pour qui le manque d’expertise, a fortiori de
connaissances scientifiques, en matière de biodiversité est réel. C’est pourquoi, la
concertation publique peut avoir en ce sens pour vertu de rendre la politique publique plus
efficace. Le processus de concertation est un véritable plus en terme de gouvernance
partagée, supervisée par les institutions. Démocratiquement intéressante, celle-ci permet
aux acteurs du territoire d’avoir un droit de regard sur les projets locaux. L’implication
citoyenne est nécessaire pour favoriser la compréhension mais surtout l’acceptation des
projets d’aménagement. Il s’agit d’ « agir pour ne pas subir ». De plus, elle contribue à mettre
en valeur les savoirs et savoirs-faire des habitants. Enfin, elle permet aussi un rapprochement
des acteurs aux intérêts divergents dans le souci de parvenir à un consensus. La concertation
peut prendre des formes variées, s’organiser sous forme d’ateliers citoyens, d’animations de
terrain etc. L’objectif est d’être concret dans la mesure où la finalité est de produire un avis
éclairé qui viendra nourrir la prise de décision des élus. En règle générale, ce processus qui a
été impulsé par les collectivités, est pris en compte dans la décision finale par les élus. Il
s’agit donc d’un mécanisme efficace d’un point de vue démocratique. Il a aussi pour intérêt de
susciter la créativité et l’innovation puisqu’il est censé impliquer la plus grande diversité de
parties prenantes. Ces dernières peuvent être aussi bien des riverains plus ou moins proches
que des associations de protection de l’environnement, des acteurs économiques, des
représentants d’établissements publics etc. Cependant pour être efficace, ce processus doit
reposer sur la sincérité des porteurs de projets et leur réelle volonté d’instaurer une discussion
qui pourrait avoir une influence sur la décision. Surtout, il repose aussi sur le degré
d’implication des parties prenantes. A ces conditions seulement, la concertation apportera
une vraie plus-value au projet y compris environnementale. A titre d’exemple, la Ville de
Caen, forte du succès de l’Observatoire de la prairie mentionné précédemment, a décidé de se
doter d’une nouvelle instance de concertation. En effet, la Ville espère « renforcer ses
partenariats avec la création d’un Conseil Local de la Nature en Ville qui verra le jour en
octobre 2017 » affirme Monsieur Joyau, adjoint au maire en charge de l’environnement. Ce
Conseil regroupera les collectivités, les associations et administrations. L’idée de la Ville est
de mener une démarche de concertation efficace en matière de biodiversité. La participation
des parties prenantes aux projets et des acteurs de terrain est pertinente pour permettre
d’adapter les projets en amont. Le but de cette approche repose sur le partage de
81
connaissances et la réunion de compétences264 variées et de croiser l’expertise. Ce Conseil
sera une instance d’échange et non une instance délibérative. Informer, améliorer la
connaissance de la biodiversité, mobiliser les acteurs, seront les diverses missions de ce
Conseil. Les élus doivent s’entourer d’experts pour être guidés dans leurs choix stratégiques
et renforcer la place de la biodiversité au sein des politiques territoriales. La mise en place de
ce Conseil local est intéressante dans la mesure où il s’agit d’un soutien pour les élus locaux
afin que ces derniers intègrent mieux la biodiversité, notamment dans les plans locaux
d’urbanisme. Il est complémentaire à la démarche déjà engagée des Atlas communaux de la
biodiversité. L’objectif est de faire en sorte que la biodiversité ne soit plus seulement du
ressort des experts. Ce Conseil Local de la Nature en Ville regroupe des représentants de la
ville mais aussi des associations locales de protection, de sensibilisation et de valorisation de
la biodiversité ainsi que des scientifiques. Cette initiative enrichissante pourrait ou même
devrait inspirer d’autres municipalités.
Encore une fois, l’efficacité de cet outil pourra se mesurer au degré d’implication
volontaire des élus qui impulsent et des citoyens qui s’engagent. D’où l’intérêt d’aller plus
loin encore dans la démarche participative en adoptant une approche partenariale.
§2. L’approche partenariale : une transformation durable des perceptions des
acteurs du territoire
La dynamique partenariale impulsée sur le territoire normand en faveur de la
préservation de la biodiversité est particulièrement riche et inspirante, c’est pourquoi certains
de ces partenariats méritent d’être analysés. Les perspectives pour les acteurs sont
d’aboutir à une écologie de la réconciliation.
Une dynamique partenariale particulièrement favorable à la protection de la
biodiversité. Pour préserver la biodiversité sur son territoire, la Ville de Caen mise sur une
approche partenariale. Elle travaille de concert avec de nombreuses associations expertes de
protection de l’environnement telles que le CREPAN, le Groupe Ornithologique Normand, la
Société d’Horticulture, Jardins familiaux, Association des Professeurs de Biologie et Géologie
entres autres. Elle développe également des partenariats avec des associations de quartier
notamment en lien avec des jardins partagés. L’approche partenariale doit donner les clés aux
élus pour mieux connaître et protéger la biodiversité présente sur leur territoire.
264 Techniciens, experts naturalistes etc.
82
Pour la Communauté d’Agglomération Mont-Saint-Michel Normandie (CAMSMN), cette
approche partenariale a véritablement servi de socle entre les différents acteurs d’un territoire
qui réunit, depuis la réforme des collectivités territoriales, plusieurs communautés de
communes de la Manche. A la suite de ce rapprochement, ces dernières ont eu à trouver de
nouveaux modes de fonctionnements pour leur permettre d’avancer ensemble sur des projets
communs à identifier. C’est autour d’un projet de réseau de Trames Vertes et Bleues qu’une
émulation s’est créée. Un cours d’eau traversant l’ensemble du nouveau territoire, désormais
composé de cinq communautés de communes265, a été l’élément déclencheur pour réunir ces
acteurs locaux sur un projet commun. Cette clé d’entrée vers un partenariat innovant, dans le
cadre d’un appel à projets régional, a incité les collectivités locales à mener une action globale
en faveur de la biodiversité de leur territoire. La TVB devient un moyen pour établir une
gouvernance et réfléchir de façon collective quant à la place de la biodiversité dans
l’aménagement du territoire. Pour construire ce projet, la volonté de la CAMSN a été non
seulement de prendre en compte les intérêts des acteurs locaux et de s’appuyer sur leurs
savoirs et savoir-faire par une approche partenariale, mais également de s’affranchir des
procédures requises pour répondre à cet appel à projets. Laurence Colin, directrice du
développement durable, des prospectives, de l’environnement et du numérique à la
CAMSMN,266 défend par ailleurs ce choix en expliquant que « contrairement à ce qui se fait
habituellement, nous avons fait le choix de ne pas remplir les fiches actions théoriques qui
nous étaient demandées pour que notre projet soit retenu ». Le choix a été fait de laisser plus
de temps aux multiples acteurs afin qu’ils réfléchissent et construisent ensemble des actions
qui répondent aux enjeux globaux de l’appel à projet. Un droit à l’expérimentation est
revendiqué par la communauté de communes. Cette nouvelle approche représente une vraie
opportunité pour les territoires. « Une collectivité doit avoir une logique de projets qui va
alimenter une logique de services » affirme Laurence Collin267. Le projet de la CAMSMN fait
partie des 5 lauréats retenus fin 2015 en Basse-Normandie. Depuis, des diagnostics ont été
menés pour accroître la connaissance des milieux et de la biodiversité du territoire et identifier
les besoins. Puis, des groupes de travail multi-acteurs ont été mis en place, réunissant des élus
locaux, des propriétaires forestiers et fonciers, des représentants d’associations 268 , de
structures professionnelles agricoles, des professionnels du bois, des propriétaires de gîtes
265 Mortainais, Saint-James, Avranches-Mont-Saint-Michel, Saint-Hilaire-du-Harcouët, Val de Sée. 266Rencontre et échanges avec la communauté de communes autour de cette problématique de la trame verte et bleue en date du 18 juillet 2017. 267 Ibid. 268 Des associations de randonneurs, pêcheurs, escalade, environnement, insertion notamment.
83
ruraux, apiculteurs, industriels, et autres acteurs exerçant ou habitant sur le territoire de la
communauté d’agglomération. L’objectif est « d’échanger et partager sur les différentes
composantes du paysage et leur évolution, et d’identifier « les attentes des acteurs du territoire
»269. Cette approche partenariale va au-delà de la concertation. Elle repose en effet sur la
participation active des acteurs locaux dans la réalisation des projets, mais le processus
démocratique donne aussi un vrai pouvoir aux citoyens impliqués de peser sur les décisions.
Cette démarche s’inscrit dans une logique bottom/up270, c’est-à-dire une logique inversée du
processus traditionnel top/down271. Cette construction sur le long terme va au-delà du cadre
juridique traditionnel, ce qui suppose une créativité et innovation de la part des décideurs dans
leur façon de conduire les projets. L’action par l’implication des différents acteurs du
territoire et la construction sur le long terme favorise une plus grande acceptabilité du
projet272. Cette nouvelle façon de procéder de démocratie participative serait intéressante à
prendre en compte parle législateur. Cette démarche s’inscrit dans la démarche de
participation pour toute personne à « l’élaboration des décisions publique ayant une incidence
sur l’environnement » et de droit à l’information prévue à l’article 7 de la Charte de
l’environnement, en allant au-delà et l’enrichissant. Cette démarche novatrice n’est pas la
seule sur le territoire normand. D’autres exemples sont également à mettre en avant.
Une forme de partenariat original à travers l’écologie industrielle et territoriale.
L’écologie industrielle constitue une branche de l’écologie circulaire. Il s’agit également d’un
véritable levier afin de mobiliser les acteurs du territoire en faveur de la transition
écologique273 et de la protection de la biodiversité. Tous les acteurs économiques peuvent
contribuer à diminuer leurs impacts environnementaux à travers une logique
d’optimisation ou de valorisation des flux employer et générer, peu importe leur secteur
d’activité. Effectivement, les déchets des uns sont les ressources des autres. La biodiversité
amène aujourd’hui assez loin dans la réforme du système économique. Il est possible de
raisonner en terme d’usage, nous avons besoin de l’usage de l’objet pour tendre vers une
économie de fonctionnalités. Les entreprises peuvent commencer à bien fonctionner si elles se
269 Présentation des démarches Trame Verte et Bleue de la CAMSMN et des partenariats engages dans le cadre du séminaire des stagiaires de l’IRD2 : « La biodiversité : une offre illimitée ? » , Temps d’échanges entre la CAMSMN et l’RD2, le 18 juillet 2017. 270 Du bas vers le haut. 271 Du haut vers le bas. 272 Il ne s’agit pas d’imposer les projets par les élus. Cela évite notamment les phénomènes NIMBY, not in my backyard auxquels sont fréquemment confrontés les élus locaux. 273 Ministère de la Transition écologique et solidaire, L’écologique industrielle et territoriale, 13 décembre 2016 https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/lecologie-industrielle-et-territoriale
84
mettent elles-aussi en écosystème. Cette forme de partenariat fondée sur l’écologie
industrielle et territoriale repose sur des relations de partenariat, des synergies. Il s’agit
d’améliorer les échanges entres les acteurs économiques et industriels en alliant le
développement économique local et la prise en considération des enjeux environnementaux.
L’idée est de mutualiser ces flux entre les acteurs locaux à plusieurs niveaux, c’est-à-dire à
l’échelle d’une zone d’activité, d’une commune ou encore d’un département ou d’une région
Cela se traduit concrètement par une mise en commun d’actions volontaires de la part des
acteurs économique, l’objectif étant d’économique ou pour améliorer la productivité de ces
ressources. La loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte
définit l’écologie territoriale et industrielle de la manière suivante, consistant « sur la base
d’une quantification des flux de ressources, et notamment des matières, de l’énergie et de
l’eau, à optimiser les flux de ces ressources utilisées et produites à l’échelle d’un territoire
pertinent, dans le cadre d’actions de coopération, de mutualisation et de substitution de ces
flux de ressources, limitant ainsi les impacts environnementaux et améliorant la compétitivité
économique et l’attractivité des territoires »274. Cette écologie se fonde sur une approche
systémique. Elle s’inspire du fonctionnement des écosystèmes naturels eux-mêmes. Les
écosystèmes sont interdépendants. C’est dans cette vision que l’écologie industrielle cherche à
transposer une organisation de type écosystémique, dans une approche globale. Le
développement doit être compatible avec les équilibres naturels. Une diversité d’acteurs peut
se mobiliser autour d’un projet afin de répondre ensemble à des défis globaux et intégrés. Les
entreprises en tant qu’acteurs privés sont au cœur des projets, accompagnées par les pouvoirs
publics dont les collectivités et l’Etat mais aussi d’autres partenaires tels que les associations,
chercheurs ou les experts. Cette approche présente notamment pour avantages d’aboutir à des
gains environnementaux favorables à la protection de la biodiversité. Par exemple, en Haute-
Normandie, une Association Ecologie Industrielle Estuaire (AEIE) a vu le jour avec la Charte
du Grenelle de l’Estuaire. La mission qui lui est attribuée est de conduire une réflexion pour
engager l’Estuaire de la Seine dans une logique d’écologie industrielle. Parmi ses membres se
trouvent un collège de collectivités territoriales, un collège de décideurs économiques ainsi
qu’un collège d’associations et de syndicats. Deux études ont été lancées en 2010, l’une
concernant les flux de matières et d’énergie, l’autre sur les possibilités de symbiose
industrielles275. Un autre exemple peut être cité en Haute-Normandie, plus précisément au
Havre. En 2007, une démarche d’écologie industrielle a été développée par la zone d’activité
274 Article L541-1-I 1° du Code de l’environnement 275Orée, Le recueil des démarches d’écologie industrielle et territorial, mars 2016, p. 19.
85
du Grand Port Maritime du Havre. Quatre pistes ont été choisies collectivement par le Havre
Développement, la Chambre de Commerce et d’Industrie du Havre et le Grand Port Maritime
du Havre. Ainsi, « la gestion mutualisée des déchets de conditionnement des activités de
logistique et la réutilisation locale des matières non souillées », la « valorisation des rejets de
chaleurs », la « réutilisation d’acides et de bases usagés en station d’épuration » et
l’ « extension d’un réseau mutualisé d’eau industrielle » 276ont été les actions retenues par les
partenaires. Des approfondissements à travers l’étude de ces actions sont en cours. Par
ailleurs, au-delà du territoire normand, des perspectives de développement de ces synergies
sont d’ores et déjà envisagées à un niveau plus large, à savoir sur les trois zones portuaires de
Parie, Rouen et le Havre. Force est de constater que cette démarche est en plein essor. Ces
nouvelles synergies créent une réelle dynamique territoriale entre les acteurs. But d’améliorer
la dynamique collaborative en mettant en place des actions concrètes et partagées.
Cette nouvelle approche de management environnemental illustre une fois encore le
changement de paradigme à l’œuvre. Parallèlement à ces initiatives se développe la création
de nouvelles instances à l’échelle régionale normande.
Une ouverture vers une troisième voie de partenariat à travers l’exemple de
l’IRD2277 ? L’Institut Régional du Développement Durable de Normandie développe une
troisième approche partenariale pour le moins originale. Cette structure a été créée dans le but
d’aider les institutions à la fois publiques et privées à s’approprier des thématiques qui sortent
de leur champ d’intervention. Fondé par l’Université de Caen ainsi que le Conseil Régional
de Basse Normandie, l’organisme a pour mission de mettre directement en lien les acteurs du
territoire normands, créer des synergies d’acteurs. Cette troisième voie de recherche
s’inscrit dans une logique de décloisonnement Elle permet en effet aux acteurs de
l’enseignement supérieur, aux acteurs de structures-relais de mise en valeur de cette
recherche, aux acteurs du territoires ainsi qu’aux acteurs économiques et associatifs de
fédérer.278Pour ce faire, l’organisme développe différents objectifs. Un volet d’animation et
d’aide à la décision est développer pour sensibilité et accompagner la décision publique mais
aussi nourrir et mettre en valeur des innovations territoriales. Ces actions se concrétisent par
l’élaboration de territoires fictifs, de diffusion de livrables d’aides à la décision ainsi que
d’actions concrètes de terrain à la rencontre direct d’acteurs convaincus ou non. Un volet
276 Ibid, p20. 277 Institut Régional du Développement Durable, structure d’accueil du stage. 278 Le contexte de création issu du site de la structure. http://www.ird2.org/lird2/contexte-de-creation/
86
recherche, très important, vise à améliorer les connaissances de recherche et d’expertise de la
société civile. Les projets de recherche s’inscrive dans un temps long de deux ans, divisés en
trois phases : une phase de diagnostique, une phase de rencontres nationales et une phase
d’application à travers des stages universitaires de recherche pluridisciplinaire sur une
thématique donnée. La thématique actuelle qui a suscité l’intérêt de l’IRD2 est celle de la
biodiversité à travers la problématique suivante « La biodiversité : une offre illimitée ? A quel
prix et pour quels services ? ». L’objectif de ce projet de recherche, in fine, est de nourrir le
changement de paradigme en impliquant trois types d’acteurs du territoire normands, à
savoir les industriels, les élus locaux et les agriculteurs. Les modes opératoires de cette
nouvelle forme de partenariat repose sur le lien entre la recherche au service des acteurs du
territoire. Si les acteurs du territoire ne protègent pas la biodiversité c’est avant tout par un
manque de connaissances sur le sujet qui les amène à penser que la diversité du vivant est une
contrainte et non un atout dans le cadre de leurs activités. Rechercher des leviers à travers les
différentes disciplines trouve tout son intérêt. L’intérêt de ces partenariats est d’aboutir à
une modification durable des perceptions des acteurs en leur donnant les clefs pour
basculer d’une perception de la biodiversité comme une contrainte à la biodiversité
perçue comme une opportunité. Pour ce faire, différentes sessions de groupes de travail sont
organisées, accompagnées de séminaires de stagiaires afin d’aboutir à la mise en place de
modules de sensibilisation, dernier maillon du projet. La philosophie de cet organisme est
véritablement de faire converger les compétences et d’encourager les travaux collaboratifs.
Cette approche partenariale s’impose comme une troisième voie pour recréer du lien entre les
acteurs du territoire et la recherche, indispensable pour espérer améliorer la protection de la
biodiversité de façon pérenne et accompagner les acteurs locaux à changer de regard. Cette
approche favorise une mise en réseau des acteurs qui est importante. L’enjeu est de permettre
une appropriation nouvelle de la biodiversité par les acteurs socio-économiques normands. La
protection de la biodiversité passe avant tout par une prise de conscience des acteurs.
Les retours d’entretiens ont par ailleurs permis de mieux comprendre l’impact des
projets précédents de la structure sur les acteurs du territoire normands. Les travaux produits
les années passées par l’IRD2 sur les thèmes du sol et des énergies maritimes renouvelables
ont eu des impacts positifs sur les décideurs locaux de manière général. En effet, bien qu’ils
ne soient pas directement mesurables ou chiffrables en tant que tels, ils constituent un volet
animation du territoire important affirment les élus de la Ville de Caen279. Cela a en effet
279 Entretien physique avec Monsieur N. JOYAU, Adjoint en charge de l’Environnement, du Développement Durable et de l’Energie, à la Mairie de Caen le 9 mai 2017.
87
donné les clés à la Ville pour prendre en considération, réfléchir autour de ces thématiques et
mener un travail de fond sur le terrain de la presqu’île de Caen notamment. L’objectif est de
diffuser le plus largement possible sur le territoire normand les projets et expériences recensés
sur la connaissance de la biodiversité et la caractérisation des services écosystémiques.
Finalement, la protection de la biodiversité est avant tout un enjeu de connaissances
transversales et pluridisciplinaires et de partage de ces connaissances pour permettre aux
différents acteurs et aux différentes disciplines de s’approprier le sujet.
Conclusion Partie II
Les récentes avancées juridiques au soutien d’une analyse socio-écologique
témoignent d’un changement de paradigme certain pour dépasser une approche économique
focalisée sur les services écosystémiques. Divers leviers juridiques sont ainsi mis en évidence
par le législateur.
D’une part, le renouvellement de l’imaginaire juridique était particulièrement attendu
pour espérer renforcer la protection de la biodiversité. L’instauration de nouveaux
principes dynamiques et intégrés que sont le principe de solidarité écologique et le
principe de non-régression est particulièrement notable. Toutefois, ces principes, bien
qu’indispensables, nécessitent d’être renforcés dans les faits. De plus, la consécration d’outils
juridiques de gestion de la biodiversité à travers l’obligation réelle environnementale et la
réparation du préjudice écologique sont tout aussi pertinents. Ces mécanismes de
responsabilité civile s’inscrivent dans une analyse écologique favorable à la protection de la
biodiversité.
D’autre part, le renouvellement de la gouvernance était également indispensable pour
faire évoluer la recherche en faveur de la biodiversité. La rencontre des acteurs normands
a permis de mettre en lumière les innovations engagées sur le territoire. Le renforcement de la
protection de la biodiversité passe avant tout par un partage des responsabilités et la
construction de connaissances. Une approche pluraliste et pragmatique est requise pour
un changement profond tant au plan social qu’écologique.
88
CONCLUSION
La protection de la biodiversité est éminemment et consubstantiellement complexe.
Elle doit s’inscrire dans un travail pluridisciplinaire et qui s’inscrit dans la durée afin d’en
améliorer sa préservation. C’est dans ce contexte que s’intègre cette étude, à la recherche des
leviers juridiques existants. Le droit de l’environnement a beaucoup changé ces dernières
années. Les évolutions de la société et les enjeux environnementaux nécessitent une
adaptation constante du droit. Les récentes avancées juridiques à l’œuvre témoignent de cette
complexité en s’inscrivant dans une double logique, à la fois économique et socio-écologique.
D’une part, la reconnaissance de la protection de la biodiversité sous le prisme des
services écosystémiques opère un changement de paradigme certain de la part du législateur.
Cette approche présente l’avantage de dépasser le clivage traditionnel entre la biodiversité
ordinaire et la biodiversité remarquable. Pour autant, son référentiel purement économique
amène à s’interroger quant à la protection effective de la biodiversité. La consécration de
nouveaux instruments juridiques tels que la compensation écologique laisse supposer une
déformation de la réalité pouvant facilement dériver en logique de marché. Aussi, de
nouveaux mécanismes d’aides ou de rémunération pour services environnementaux se
développent, gage d’un anthropocentrisme dominant. La frontière pour basculer dans une
logique de marchandisation de la biodiversité est minime. C’est pourquoi la pertinence des
leviers juridiques au prolongement de l’analyse économique est à nuancer. Le droit se doit
d’améliorer l’encadrement de ses instruments économiques. L’approche par les services
écosystémiques, sous couvert d’être un levier, conduirait finalement à une approche
utilitariste de la biodiversité. Celle-ci laisse supposer une protection de la biodiversité avant
tout dans les intérêts économiques humains plutôt que dans l’intérêt de la biodiversité elle-
même. Ainsi soumise à réflexion critique, la protection de la biodiversité et des services
écosystémiques ne saurait être réduite à une simple lecture économique. Ces avancées sont
teintées de réserves mais aussi d’ambiguïtés. Une approche trop focalisée sur les services
écosystémiques laisserait supposer une nouvelle fragmentation de la biodiversité. La prise en
compte des fonctions écologiques, dont découlent les services écosystémiques, est
indispensable. La valeur d’usage doit être dépassée au profit d’une valeur de non usage qui
89
n’a pourtant pas fait l’objet d’une formalisation de la part du législateur. La protection de la
biodiversité pour enrayer sa perte nécessite un basculement des logiques économiques vers
des logiques socio-écologiques.
D’autre part, le droit français de la biodiversité est dynamique et évolutif. Il
s’inscrit également dans une dimension socio-écologique. C’est en ce sens que la loi
Biodiversité innove de manière notable. Pour assurer une conservation pérenne de la
biodiversité dans sa globalité et de ses fonctionnalités pour elles-mêmes, le droit doit élaborer
des processus normatifs démocratiques prenant en compte les écosystèmes dynamiques. Ces
processus doivent être responsabilisants et participatifs. C’est dans cette logique que le droit
de l’environnement se renouvelle avec l’instauration de nouveaux principes directeurs
dynamiques et des mécanismes favorables à la biodiversité. Le recours à de nouvelles formes
juridiques se développe à côté de la police administrative classique qui ne saurait suffire pour
espérer protéger la biodiversité. Ces nouveaux mécanismes peuvent prendre la forme du
contrat, de la responsabilité, de l’obligation du préjudice écologiques etc. Le droit de la
biodiversité fait ainsi appel au droit de la responsabilité, au droit des biens, au droit des
contrats. Divers leviers intéressants existent donc, ils s’avèrent souvent complexes voire
méconnus par les acteurs du territoire. Parallèlement, la protection de la biodiversité passe
avant tout par une prise de conscience collective des enjeux liés à la biodiversité. Aussi, le
manque flagrant en matière de connaissances sur la biodiversité a amené le législateur à
renouveler la gouvernance en la matière. Les études alors menées sur le territoire à la
rencontre des acteurs locaux, en plus d’illustrer nos propos, ont été une véritable richesse pour
mieux cerner la problématique de la biodiversité. Ces rencontres avec les agriculteurs, élus
locaux, industriels et associations de protection de la nature ont permis de faire l’état des lieux
des freins et incohérences juridiques existantes mais également des leviers et innovations
engagées sur le territoire.
La prise de position du législateur est pour le moins ambivalente mais ne fragilise
pas pour autant l’édifice. Cette ambivalence s’intègre dans l’approche anthropocentrique du
développement durable 280 qui prévaut actuellement dans notre société. Des avancées
280 Dans ses dimensions sociale, économique et environnementale.
90
juridiques en faveur de la protection de la biodiversité sont donc indéniables, offrant ainsi de
nombreuses ouvertures. Pour autant, le droit de la biodiversité reste toujours perfectible.
Parallèlement à ce constat, de plus en plus de jurisprudences et législations étrangères281
consacrent à l’heure actuelle des droits à la Nature. Cette doctrine appelée Nature Rights
pourrait bien annoncer l’avènement d’un nouveau paradigme juridique et appeler dans
son sillage de nouvelles transformations pour protéger durablement la biodiversité.
N’est-ce pas là le gage d’une meilleure protection de la biodiversité ?
281 La nature se voit attribuer les mêmes droits que les hommes dans certains pays. En effet, des fleuves et forêts se sont vus attribuer le statut d’entité vivante en Nouvelle-Zélande, Inde et Equateur. En 2008, l’Equateur intègre dans sa Constitution le statut juridique de sujet de droit à ses forêts tropicales. En Nouvelle-Zélande, le fleuve Whanganui est considéré comme une personne morale dotée de la personnalité juridique. En Inde, le fleuve du Gange et son affluent ont leur propre identité légale.
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environnementaux, Strasbourg, année universitaire 2016-2017. LUCAS M., L’étude d’impact, Strasbourg, année universitaire 2016-2017. Colloques – Conférences
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DUVERGE J., De la protection au développement de la Biodiversité de la Prairie de Caen : l’effet levier des Jeux Equestres Mondiaux, [En ligne], consulté le 10 juin 2017.
http://www.capitale-biodiversite.fr/experiences/de-la-protection-au-developpement- de-la-biodiversite-de-la-prairie-de-caen-leffet-levier
Entretiens et rencontres
Entretien téléphonique avec M. FRESNEL, Directeur adjoint de l’Environnement, Rouen Métropole, le 13 juillet 2017. Entretien physique avec M. JOYAU, Adjoint en charge de l’Environnement, du Développement Durable et de l’Energie, à la Mairie de Caen le 9 mai 2017. Entretien physique avec le CREPAN, C. David et C. JOLY, le 12 juin 2017 et 10 août à Caen. Entretien physique avec M. SOANEN, agriculteur, le 2 juillet 2017. Entretien physique avec M. TASSEL, agriculteur, le 5 juillet 2017, dans le Pays de Cau. Entretien physique avec M. DUVAL, agriculteur le 26 juin à Arnayé-sur-Orne. Entretien physique avec M. LEGRAND, ingénieur qualité hygiène sécurité au GANIL, à Caen, le 7 juillet 2017. Groupes de travail avec les partenaires au projet « La biodiversité : une offre illimitée ? », à l’Abbaye aux Dames de Caen, les 6 avril et 24 mai 2017. Rencontre avec le Groupe Agriculture sol vivant du Calvados, le 13 juin à Epinay sur Odon. Rencontre avec la communauté de communes du Mortainais, 18 juillet 2017. Rencontre avec la Direction des Jardins de la Ville de Caen, le 18 juillet 2017 à Caen. Séminaire des stagiaires avec l’IRD2 en Normandie, les 17 et 18 août 2017.
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Sites internet
ADEME : basse-normandie.ademe.fr Archives ouvertes : halshs.archives-ouvertes.fr Association Orée : oree.org Biodiscee : biodiscee.univ-rennes1.fr Cairn : cairn.info CDC Biodiversité : cdc-biodiversite.fr Ceriscope : ceriscope.sciences-po.fr CNRS : cnrs.fr Dalloz : dalloz.fr DREAL : normandie.developpement-durable.gouv.fr Google Books : books.google.fr Humanité et biodiversité : humanité-biodiversité.fr IUCN : iucn.org Légifrance : legifrance.gouv.fr Lexisnexis : lexisnexis.com MEA : milleniumassessment.org Région Normandie : normandie.fr Research Gate : researchgate.net Sénat : senat.fr Stratégie gouvernement : stratégie.gouv.fr TEE : teebweb.org Ville de Caen : caen.fr
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Table des matières
INTRODUCTION .................................................................................................................... 1
PARTIE I .................................................................................................... 10 LES LEVIERS JURIDIQUES NÉS DU PROLONGEMENT D’UNE ANALYSE ÉCONOMIQUE DE LA BIODIVERSITÉ ........................................................... 10
CHAPITRE 1: L’appropriation par le droit du concept economique de services ecosystémiques pour la protection de la biodiversité ...................................................... 10
Section 1 : Une distorsion des approches des services écosystémiques .......................... 11
§1.Une approche précise en économie ......................................................................... 11 §2. Une approche imprécise en droit ........................................................................... 13
Section 2 : La mise en question des services écosystémiques comme notion favorable à la biodiversité ................................................................................................................... 17
§1. Une notion non stabilisée en droit mettant en cause son application .................... 17 §2. Une notion bouleversant le champ du droit de l’environnement ........................... 18
CHAPITRE 2 : L’encadrement juridique nécessaire des instruments économiques pour une meilleure protection de la biodiversité ............................................................ 19
Section 1 : La mise en œuvre de l’obligation légale de compensation par les acteurs économiques .................................................................................................................... 20
§1. Les unités de biodiversité : une tentative incomplète de mise en œuvre de l’obligation de compensation écologique .................................................................... 21 §2. Les Jeux Equestres Mondiaux sur la Prairie de Caen : une compensation écologiquement acceptable pour la biodiversité .......................................................... 26
Section 2 : La mise en œuvre juridique d’instruments économiques par les acteurs du territoire ............................................................................................................................ 30
§1. Le verdissement de la politique agricole commune : un instrument de maîtrise des pratiques agricoles ....................................................................................................... 31 §2. Les paiements pour services environnementaux : une tentative maladroite de protection de la biodiversité ......................................................................................... 36
Conclusion Partie 1 ............................................................................................................ 41
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PARTIE II ......................................................................................................... 43 LES LEVIERS JURIDIQUES AU SOUTIEN D’UNE ANALYSE SOCIO-ÉCOLOGIQUE DE LA BIODIVERSITÉ .......................................................................................... 43
CHAPITRE 1 : Le renouvellement de l’imaginaire juridique au service d’une protection dynamique et intégrée de la biodiversité ....................................................... 44
Section 1 : La consécration de principes juridiques dynamiques .................................... 45
§1. La consécration d’un principe juridique dynamique de solidarité écologique ...... 46 §2. La consécration d’un principe juridique de non-régression à dynamiser ? ........... 53
Section 2 : La consécration législative de mesures de gestion de la biodiversité ............ 59
§1. L’obligation réelle environnementale : un nouvel instrument juridique de maitrise foncière ........................................................................................................................ 59 §2. La réparation du préjudice écologique : une mise en œuvre favorable à la biodiversité ................................................................................................................... 65
CHAPITRE 2 : Le renouvellement de la gouvernance au service de la protection sociétale de la biodiversité ................................................................................................. 71
Section 1 : La création d’institutions spécifiques protectrices de la biodiversité à l’échelle régionale ........................................................................................................................... 72
§1. La création d’Agences Régionales pour la Biodiversité ........................................ 72 §2. La création de Comités Régionaux de la Biodiversité ........................................... 76
Section 2 : L’accompagnement spécifique des acteurs au profit de la protection de la biodiversité ....................................................................................................................... 77
§1. La concertation publique : une implication directe des acteurs du territoire ......... 77 §2. L’approche partenariale : une transformation durable des perceptions des acteurs du territoire ................................................................................................................... 81
Conclusion Partie II ........................................................................................................... 87
CONCLUSION ...................................................................................................................... 88
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