rapport du protecteur du citoyen (sapra)

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MÉMOIRE DU PROTECTEUR DU CITOYEN PRÉSENTÉ À LA COMMISSION DES INSTITUTIONS DANS LE CADRE DES CONSULTATIONS PARTICULIÈRES ET AUDITIONS PUBLIQUES SUR LE PROJET DE LOI N O 64 LOI FAVORISANT L’ACCÈS À LA JUSTICE EN MATIÈRE FAMILIALE Québec, 22 mai 2012 CI – 007M C.P. – P.L. 64 Accès à la justice en matière familiale

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Rapport du Protecteur Du Citoyen (SAPRA)

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  • MMOIRE DU PROTECTEUR DU CITOYEN

    PRSENT LA COMMISSION DES INSTITUTIONS

    DANS LE CADRE DES CONSULTATIONS PARTICULIRES

    ET AUDITIONS PUBLIQUES SUR LE PROJET DE LOI NO 64

    LOI FAVORISANT LACCS LA JUSTICE EN MATIRE FAMILIALE

    Qubec, 22 mai 2012

    CI 007MC.P. P.L. 64

    Accs la justiceen matire familiale

  • LE PROTECTEUR DU CITOYEN son statut, sa mission et son action Le Protecteur du citoyen veille au respect des droits des citoyens en intervenant auprs des ministres et des organismes du gouvernement du Qubec, ainsi quauprs des diffrentes instances du rseau de la sant et des services sociaux, pour demander des correctifs des situations qui portent ou peuvent porter prjudice un citoyen ou un groupe de citoyens. Dsign par les parlementaires de toutes les formations politiques et faisant rapport lAssemble nationale, le Protecteur du citoyen agit en toute indpendance et impartialit, que ses interventions rsultent du traitement dune ou plusieurs plaintes ou de sa propre initiative. Lorsquil lestime ncessaire, il intervient en vertu de larticle 27.3 de sa loi constitutive, qui lui confre le pouvoir dappeler lattention dun dirigeant dorganisme ou du gouvernement sur les rformes lgislatives, rglementaires ou administratives quil estime conformes lintrt gnral. Dans ce contexte, le Protecteur du citoyen prend non seulement connaissance de lensemble des projets de loi et des projets de rglement qui sont prsents lAssemble nationale ou publis la Gazette officielle du Qubec, mais aussi des avis de consultation des commissions de lAssemble nationale. Cest dans cette optique que le Protecteur du citoyen a pris connaissance du projet de loi no 64, Loi favorisant laccs la justice en matire familiale, prsent le 4 avril 2012 par le ministre de la Justice.

  • TABLE DES MATIRES

    INTRODUCTION APPUI UN PROJET DE LOI LONGTEMPS ATTENDU ....................... 4

    1. LES PROBLMES RENCONTRS PAR LES CITOYENS ............................................... 5

    1.1 LES MODIFICATION AUX REVENUS DU DBITEUR OU DU CRANCIER ......... 6

    1.2 LES CHANGEMENTS DE GARDE ET AUTRES MODIFICATIONS PRSENTES DE CONSENTEMENT .................................................................... 6

    1.3 LES SUCCESSIONS ...............................................................................................7

    1.4 LA RCUPRATION DES SOMMES DPOSES TITRE DE SRET .................7

    2. COMMENTAIRES DU PROTECTEUR DU CITOYEN .....................................................7

    2.1 LES POUVOIRS RGLEMENTAIRES .................................................................... 8

    2.2 LES POUVOIRS DACTION DU SERVICE ADMINISTRATIF DE RAJUSTEMENT DES PENSIONS ALIMENTAIRES POUR ENFANTS (SARPA) ET LA JUSTICE ADMINISTRATIVE ..................................................................... 9

    2.3 LASSUJETTISSEMENT LA COMPTENCE DU PROTECTEUR DU CITOYEN ............................................................................................................. 12

    2.4 LANNULATION DE LA PENSION ALIMENTAIRE POUR UN ENFANT MAJEUR AUTONOME FINANCIREMENT ........................................................ 13

    2.5 LES FRAIS ........................................................................................................... 14

    CONCLUSION UNE OUVERTURE PROTGER ............................................................ 15

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    INTRODUCTION appui un projet de loi longtemps attendu

    Le Protecteur du citoyen contribue aux rflexions entourant la rvision des pensions alimentaires et appelle des modifications en cette matire depuis de nombreuses annes. Dans un rapport spcial prsent au ministre de la Justice, il manifestait, ds 1993, sa proccupation que soit facilite la procdure de rvision ou dannulation des pensions alimentaires pour enfants1. Au cours des 15 dernires annes, linstitution a dpos rapports, mmoires et lettres ritrant limportance dallger la procdure pour rviser une pension alimentaire, dans la perspective damliorer laccs la justice2. Plusieurs pistes de solutions furent ainsi proposes, soit par le biais de laide juridique, de services de mdiation ou encore de rvision administrative. Depuis 2006, la question est aborde dans chacun des rapports annuels du Protecteur du citoyen3. Au cours des derniers mois, le Protecteur du citoyen a eu plusieurs changes avec les reprsentants du ministre de la Justice (MJQ) et de Revenu Qubec propos des mcanismes non judiciaires souhaitables en matire de rvision de pensions alimentaires. Puisquil vient, entre autres, rpondre aux reprsentations du Protecteur du citoyen et constitue une avance attendue et ncessaire, il importe de saluer la prsentation du projet de loi no 64 actuellement ltude. Le Protecteur du citoyen est conscient des efforts de persuasion que les autorits et les responsables du dossier au ministre de la Justice ont eu dployer auprs de divers milieux, la majorit externe au gouvernement. Leur persvrance mrite dtre souligne, de mme que la priorit accorde ce dossier, non seulement dans le discours, mais aussi dans laction, au cours de la dernire anne. Lorsque la loi sera en vigueur, le Qubec aura marqu un progrs et rattrap un retard au niveau de la simplification de laccs la justice en matire familiale. En effet, la possibilit de mettre en place un service de rajustement des pensions alimentaires comme celui propos aujourd'hui existe depuis 1997 dans la Loi sur le divorce4. ce jour, six autres provinces canadiennes disposent dun tel service de rajustement annuel5.

    1 PROTECTEUR DU CITOYEN, Les enfants et la pension alimentaire Propositions de rforme, 4 novembre 1993. 2 PROTECTEUR DU CITOYEN, Le rgime de perception des pensions alimentaires : Des problmes maintenant rgls, des problmes

    qui perdurent, 31 aot 1997. PROTECTEUR DU CITOYEN, Commentaires sur le projet de loi n 21 Loi modifiant le Code civil du Qubec et le Code de procdure civile en matire de fixation de pensions alimentaires pour enfants, 23 mars 2004.

    3 Rapport annuel 2006-2007, p. 70; Rapport annuel 2007-2008, p. 61; Rapport annuel 2008-2009, p. 129; Rapport annuel 2009-2010, p. 50; Rapport annuel 2010-2011, p. 43.

    4 L.R.C., c. D.-3.4, modifie par la Loi modifiant la Loi sur le divorce, la Loi daide lexcution des ordonnances et des ententes familiales, la Loi sur la saisie-arrt et la distraction de pensions et la Loi sur la marine marchande du Canada, 1997, c. 1, art. 10.

    5 Terre-Neuve, le-du-Prince-douard, Manitoba, Alberta, Colombie-Britannique (projet pilote) et Nouvelle-cosse (projet pilote).

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    Il convient de rappeler que le projet de loi no 64 sinscrit dans une srie dautres avances en matire dobligations alimentaires. La cration, en 1995, du systme de perception des pensions alimentaires en vertu de la Loi facilitant le paiement des pensions alimentaires6 (LFPPA), la dfiscalisation des pensions alimentaires et lentre en vigueur du Rglement et de la table sur la fixation des pensions alimentaires pour enfants, le 1er mai 19977, loffre de mdiation familiale depuis le 1er septembre 1997, sont autant de rformes qui ont contribu faciliter la vie des ex-conjoints, et ce, dans le meilleur intrt de leurs relations avec leurs enfants. Cela tant, le problme daccessibilit la justice demeure bien rel, particulirement en matire familiale. Anne aprs anne, le Protecteur du citoyen reoit de nombreuses plaintes concernant lobligation de recourir systmatiquement aux tribunaux pour obtenir une rvision ou lannulation dune pension alimentaire8. Le projet de loi n 64 vient rsoudre certaines de ces difficults; quelques-unes de ses dispositions mritent cependant, de lavis du Protecteur du citoyen, dtre prcises ou commentes, ce quoi le prsent mmoire sattardera.

    1. Les problmes rencontrs par les citoyens

    Les nouvelles ralits sociales font en sorte que la problmatique lie la judiciarisation des procdures en matire familiale a pris une ampleur ingale depuis quelques annes. Des parents changent demploi, deviennent travailleurs autonomes, retournent aux tudes, optent pour une garde partage. Les motifs qui justifient une rvision de la pension alimentaire sont nombreux. Selon les donnes de Revenu Qubec, la Direction principale des pensions alimentaires a reu 31 832 modifications de jugement durant le seul exercice 2011-2012. Or, la rvision judiciaire dune pension engendre des cots levs, tant pour le dbiteur que pour le crancier. Et les dlais sont souvent longs. Dans lintervalle, Revenu Qubec ne peut suspendre, rduire ou annuler la pension puisquelle doit excuter le jugement. Plusieurs situations de rvision de pensions alimentaires sont pourtant simples et ne requirent aucunement une apprciation judiciaire par un tribunal. La rigidit du systme actuel et sa grande complexit engendrent par ailleurs des consquences importantes tant pour le citoyen que pour lAdministration, dont voici quelques illustrations. 6 L.R.Q., c. P-2.2 7 Adopt en vertu de la Loi modifiant le Code civil du Qubec et le Code de procdure civile relativement la fixation des

    pensions alimentaires pour enfants, 1996, chapitre 68. Sanctionne le 23 dcembre 1996, cette loi et son rglement dapplication sont entrs en vigueur le 1er mai 1997.

    8 Depuis 2005, plus de 65 plaintes ont t reues ce sujet.

  • 6

    1.1 Les modifications aux revenus du dbiteur ou du crancier

    chaque fois quun dbiteur ou un crancier alimentaire voit ses revenus modifis la suite dune promotion, dun changement ou dune perte demploi, dune diminution des heures travailles, dune grve ou dun lockout, il peut savrer ncessaire de modifier la pension alimentaire que devra recevoir le crancier alimentaire pour ses enfants. Dans ltat actuel du droit, chaque fois quune telle situation survient, les parties doivent prsenter la Cour suprieure une requte en vue de faire modifier la pension alimentaire dj fixe et gnralement perue par Revenu Qubec. Le projet de loi n 64, en instaurant une procdure administrative de rajustement des pensions alimentaires dans certaines situations, favorise cette modification. Il sagit dune importante amlioration qui permet de rendre la justice en matire familiale plus rapide et plus accessible.

    1.2 Les changements de garde et autres modifications prsentes de consentement

    Pour diverses raisons, il arrive frquemment quun enfant ou un adolescent aille vivre avec le parent qui na pas la garde lgale. Lorsque ce parent est dbiteur dune pension alimentaire au bnfice de lenfant, il doit retourner devant le tribunal pour mettre un terme son obligation, et ce, mme si le crancier est daccord pour que les versements de pension cessent. Actuellement, Revenu Qubec doit maintenir la saisie ou la retenue sur le salaire du dbiteur tant quun nouveau jugement nest pas rendu. La situation parat encore plus draisonnable lorsquun tribunal, en vertu de la Loi sur la protection de la Jeunesse, confie temporairement lenfant un tiers, par exemple une famille daccueil ou un centre spcialis. En pareil cas, non seulement le dbiteur doit-il continuer de verser la pension au crancier qui na plus la garde physique de lenfant, mais encore doit-il assumer les frais dhbergement pour ce mme enfant. En effet, sans un nouveau jugement de la Cour suprieure, Revenu Qubec ne suspendra pas la saisie. Des obstacles sont galement importants lorsque le ministre de l'Emploi et de la Solidarit sociale (MESS) est subrog aux droits du crancier alimentaire. Le dbiteur qui souhaite demander au tribunal de mettre jour son obligation alimentaire doit obtenir le consentement du MESS pour suspendre temporairement la perception d'arrrages, ce qui, dans le cas de personnes faibles revenus et non admissibles laide juridique, peut savrer essentiel pour avoir les moyens de payer les frais davocats ncessaires cette procdure. Le projet de loi n 64 propose de permettre aux parents, moyennant certains frais, de bnficier des services dun avocat en vue de prsenter une entente portant sur un rglement complet en matire de garde denfants ou dobligations alimentaires. Cette possibilit davoir accs des services dun avocat est une avance importante pour les parents actuellement non financirement admissibles laide juridique.

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    1.3 Les successions

    Lorsquun dbiteur dcde en laissant des arrrages de pension alimentaire, Revenu Qubec les rclame de la succession, comme il se doit. Il arrive parfois que le crancier souhaite renoncer aux arrrages lorsque l'argent de la succession lui reviendrait de toute faon. Il devra alors obtenir un jugement dun tribunal annulant ces arrrages.

    1.4 La rcupration des sommes dposes titre de sret

    Lobligation de recourir au tribunal vaut galement pour les personnes qui se sont exemptes de lapplication de la Loi facilitant le paiement des pensions alimentaires. En effet, pour rcuprer la sret dpose lors de la demande dexemption, le dbiteur doit obtenir un jugement annulant la pension. Sachant que la pension mensuelle moyenne au Qubec est actuellement de 443 $, rares sont les dbiteurs qui pourront recouvrer leur d, les frais et honoraires tant plus levs que la sret aller rcuprer.

    Le projet de loi n 64 accorde le pouvoir Revenu Qubec de remettre sans frais le montant de la sret au dbiteur, sur simple consentement du crancier alimentaire, pourvu que l'exemption ait t accorde depuis au moins deux ans. Cet ajout rgle donc une partie de la question, sans pour autant permettre l'annulation de la pension alimentaire.

    La complexit inutile de ces exemples nous rappelle la diversit des cas despce qui existent et combien il est ncessaire de pouvoir en tenir compte. En ce sens, une fois adopt, le projet de loi no 64 pourrait permettre des modifications de pensions alimentaires moindres cots, autant pour les citoyens que pour ltat, par des dmarches dornavant simplifies et dans des dlais que le Protecteur du citoyen souhaite raisonnables.

    2. Commentaires du Protecteur du citoyen

    Les commentaires du Protecteur du citoyen sur le projet de loi n 64 portent sur les cinq aspects suivants :

    - les pouvoirs rglementaires; - les pouvoirs daction du SARPA et la justice administrative; - lassujettissement du SARPA la comptence du Protecteur du citoyen; - lannulation de la pension alimentaire pour un enfant majeur autonome

    financirement; - les frais.

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    2.1 Les pouvoirs rglementaires

    Plusieurs lments du projet de loi n 64 devront tre prciss par rglement du gouvernement. Voici un aperu des principaux dentre eux, dont certains encadrent ladministration du Service administratif de rajustement des pensions alimentaires pour enfants (SARPA) :

    Les situations admissibles au SARPA (art. 2); Les renseignements qui pourront tre exigs des parents (art. 4 alina 1); Ltablissement du revenu dun parent par le SARPA en cas de refus ou

    domission de fournir un renseignement ou un document permettant dtablir son revenu annuel (art. 4 alina 3);

    Les renseignements qui pourront tre vrifis par le SARPA auprs d'une autre personne ou d'un ministre ou dun organisme (art. 7);

    La rtroactivit de la date de rajustement de la pension (art. 9); La forme de lavis de rajustement et les documents qui y sont joints (art. 10); Les frais exigibles pour une demande de rajustement et les cas o ils peuvent

    tre rembourss (art 18);

    La manire dont doit tre prsente une demande daide juridique pour lobtention de services juridiques prvus au paragraphe 1.1 de larticle 4.7 de la Loi sur laide juridique et sur la prestation de certains autres services juridiques (art. 33);

    La porte des cots de l'aide juridique pour le service daide la rvision de jugement et le moment o ils seront exigibles (art. 36).

    Signalons demble que le document de travail remis par le ministre de la Justice aux participants des prsentes consultations particulires constitue une bauche de ce quoi pourrait ressembler le rglement dapplication habilit par le projet de loi n 64. Bien que le Protecteur du citoyen constate que ce document est complter, il tient souligner que de telles initiatives mriteraient dtre plus frquentes, puisque cette transparence permet aux membres des commissions parlementaires, aux participants ces commissions et, terme, aux membres de lAssemble nationale de faire une analyse plus complte des lois sur lesquelles ils ont se prononcer. la lumire de son analyse, le Protecteur du citoyen est davis que certains lments dont llaboration est actuellement prvue par voie rglementaire devraient plutt figurer mme le texte lgislatif. Il sagit plus spcifiquement des questions relatives aux situations dadmissibilit aux services du SARPA, et les conditions devant alors tre remplies (art. 2 du projet de loi), des modalits encadrant les situations o le SARPA pourrait, sans le consentement des parents, vrifier auprs des personnes, ministres et organismes lexactitude des renseignements ou des documents fournis pour procder un rajustement de pension alimentaire (art. 7 du projet de loi), et des cas et des modalits en vertu desquels le SARPA pourrait faire rtroagir un tel rajustement (art. 9 du projet de loi).

  • 9

    Bien quil reconnaisse la pertinence daccorder notamment au SARPA le pouvoir dobtenir des renseignements auprs de tiers au nom de lefficacit et de la diligence que ncessitent les demandes que ce service traitera, le Protecteur du citoyen est davis que la nature et limpact de ces lments lgard des citoyens concerns militent pour une stabilit et une cristallisation que la loi peut mieux garantir quun texte rglementaire. Les articles 3 et 84 de la Loi sur lassurance parentale (L.R.Q., c. A-29.011), pour laquelle existe un rglement dapplication, pourraient dailleurs tre une source dinspiration pour le lgislateur, relativement lintgration possible des lments prvus aux articles 2 et 7 dans le projet de loi n 64 plutt que dans un rglement dapplication. Considrant ce qui prcde, le Protecteur du citoyen recommande : Recommandation 1 Que les lments viss par les articles 4, 7 et 9 du projet de loi n 64 soient intgrs ce projet de loi plutt que de permettre une habilitation rglementaire.

    2.2 Les pouvoirs daction du SARPA et la justice administrative

    Puisque la cration du SARPA introduit une procdure administrative de rajustement des pensions alimentaires, les principes dquit procdurale doivent sappliquer afin de garantir aux citoyens un service efficace, de qualit et qui respecte leurs droits. Le projet de loi accorde certains pouvoirs aux fonctionnaires qui traiteront les demandes de rajustement de pension alimentaire. certains gards, ces pouvoirs peuvent tre renforcs afin dassurer que laction du SARPA soit pleinement efficace. Par ailleurs, lexercice de ceux-ci doit tre balis afin de protger les droits des parties.

    Puisque le SARPA offrira un service administratif aux citoyens, et considrant de surcrot que la Commission des services juridiques qui ladministrera nest pas assujettie la Loi sur la justice administrative9, le Protecteur du citoyen est davis que le SARPA devrait tre assujetti aux articles 1 8 de la Loi sur la justice administrative. Un tel assujettissement assurerait le respect des principes dquit procdurale, notamment le devoir dagir quitablement [art.2], lexistence dune procdure souple et sans formalisme [art. 4 (1)], le droit pour les citoyens de fournir des renseignements et de complter leurs dossiers [art. 4 (2)], une obligation de diligence dans le traitement des demandes et de clart des dcisions [art. 4 (3)], de motiver celles qui sont dfavorables et dindiquer les recours prvus par la loi [art. 8]. De lavis du Protecteur du citoyen, lassujettissement du SARPA ces articles permettrait de mieux assurer aux citoyens un service efficace, accessible et respectueux de leurs droits.

    9 L.R.Q., c. J-3.

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    Plus spcifiquement, larticle 3 du projet de loi nonce dj que Le SARPA examine avec diligence toute demande qui lui est faite . Le ministre de la Justice a expliqu au Protecteur du citoyen quun dlai prcis na pas t fix puisque les fonctionnaires seront dans lattente pralable dinformations devant provenir des parents, dautres personnes ou dorganismes. Le Protecteur du citoyen est plutt davis quil y aurait lieu de prvoir un dlai maximal lintrieur duquel lexamen dune demande de rajustement devrait tre complt, une fois que les informations requises sont obtenues.

    Il convient dinsister sur le fait quen matire de rajustement de pensions alimentaires, les dlais ont une grande importance, tant donn que la nouvelle pension ainsi fixe sera rtroactive la date de la demande, ou mme une date antrieure ne pouvant dpasser un an (art. 9 et 38 du projet de loi). En consquence, chaque fois quune pension alimentaire sera rajuste, des arrrages dus au crancier alimentaire ou un trop vers tre rcupr pour le dbiteur seront automatiquement crs. Il est donc essentiel de rduire, dans la mesure du possible, les dlais pour rendre une dcision.

    De plus, certaines mesures pourraient amliorer lefficacit et la clrit de ce service administratif. Parmi elles, le renforcement des pouvoirs du SARPA dexiger les informations ncessaires lexamen dune demande de rajustement et lapplication des sanctions en cas de manquement.

    Le projet de loi prvoit dj que le SARPA pourra exiger des parents des renseignements ou des documents10. La consquence prvue pour un parent qui nglige ou refuse de transmettre dans un dlai de 25 jours un document ou un renseignement est le pouvoir du SARPA dtablir un revenu annuel11. En effet, le ministre de la Justice prvoit utiliser le pouvoir rglementaire du dernier alina de larticle 4 afin que le SARPA puisse fixer le revenu du parent contrevenant en lindexant de 15 %.

    Par contre, rien au projet de loi ne laisse entrevoir quun tiers lemployeur du dbiteur, par exemple sera oblig de transmettre, dans un dlai donn, une information requise par le SARPA, ni quiI serait susceptible dune sanction. De lavis du Protecteur du citoyen, cette obligation de fournir au SARPA des documents, sous peine de sanction en cas de manquement, devrait tre ajoute au projet de loi.

    10 Article 4, alina 1, du projet de loi : Lorsque la demande de rajustement est faite par un seul des parents, le SARPA peut,

    dans le cadre de son examen, exiger de lautre parent les renseignements et les documents dtermins par rglement du gouvernement, suivant les modalits qui y sont prescrites .

    11 Article 4, alina 3, du projet de loi : Lorsque le parent refuse ou nglige de fournir, dans les 25 jours suivant celui o il a reu une demande faite par le SARPA cette fin, un renseignement ou un document permettant dtablir son revenu annuel, ce revenu est alors tabli, pour lapplication de la prsente loi, conformment aux rgles prescrites par rglement du gouvernement .

  • 11

    Est galement prvu un pouvoir de vrification des renseignements fournis auprs de personnes, ministres ou organismes dtermins par rglement12. Ce pouvoir de vrification nest toutefois pas non plus assorti dun dlai de rponse pour la personne, le ministre ou lorganisme. De plus, aucune consquence nest prvue pour le contrevenant, par exemple, un employeur13.

    En consquence, certaines dispositions lgislatives devraient tre ajoutes au projet de loi afin de prvoir le renforcement des pouvoirs du SARPA dexiger des renseignements, dans un dlai prescrit, et des sanctions pouvant assurer le respect de ces dispositions. De plus, afin de garantir les droits des parents un avis de rajustement, les articles 1 8 de la Loi sur la justice administrative devraient sappliquer au SARPA. Finalement, larticle 3 du projet de loi devrait prvoir un dlai maximal lintrieur duquel le SARPA aurait rendre son avis de rajustement.

    Considrant ce qui prcde, le Protecteur du citoyen recommande : Recommandation 2 : Que le chapitre I du titre I de la Loi sur la justice administrative (chapitre J-3) sapplique au service administratif de rajustement des pensions alimentaires pour enfants (SARPA). Recommandation 3 : Que larticle 3 du projet de loi n 64 soit modifi afin de prvoir un dlai maximal pour complter lexamen dune demande de rajustement dune pension alimentaire pour enfants, une fois les informations requises obtenues du SARPA. Recommandation 4 : Que le SARPA ait le pouvoir dexiger un tiers et dans un dlai prescrit, des informations ncessaires lexamen dune demande de rajustement de pension alimentaire, et quune sanction pnale soit prvue en cas de non-respect de cette obligation. Le Protecteur du citoyen insiste par ailleurs sur limportance de la pertinence, des moyens et des ressources prvoir pour assurer le bon dmarrage, de mme que lexercice efficace de la mission du nouveau service. Au quotidien, le Protecteur du citoyen est en effet rgulirement confront la ralit dorganisations dont les dlais de rponse aux citoyens

    12 Article 7 du projet de loi : Le SARPA peut, sans le consentement du parent, vrifier auprs des personnes, ministres et organismes dtermins par rglement du gouvernement lexactitude des renseignements ou des documents que ce parent lui a fournis pour procder au rajustement demand . 13 Les articles 19 et 20 du projet de loi prvoient en effet des sanctions pnales, mais de lavis du Protecteur du citoyen les

    amendes (500 $ minimum et dau plus 5 000 $) prvues ces articles ne visent que les dclarations ou les documents faux ou trompeurs.

  • 12

    sont draisonnables. Ces dlais sont causs, bien souvent, par un manque de personnel ou par des transitions insuffisamment prpares sur divers plans. Il importera donc de doter le SARPA des quipes ncessaires pour traiter le volume des dossiers et sassurer de donner la formation adquate au personnel avant le dbut des oprations. Par ailleurs, les dlais de traitement peuvent aussi tre lis linadquation de certaines procdures, ou encore des lacunes sur le plan informatique. La planification doit tenir compte de ces dimensions, de mme que dune hirarchisation approprie des dossiers pour les pensions alimentaires qui, de par leur impact sur la famille, commanderont un rglement rapide du dossier.

    2.3 Lassujettissement la comptence du Protecteur du citoyen

    Le service administratif du SARPA, il faut le ritrer, doit permettre damliorer laccs la justice en matire familiale bon nombre de citoyens. Il aura en ce sens un impact significatif dans la vie des personnes qui en bnficieront. tant donn les pouvoirs qui lui sont accords, notamment celui de dterminer un rajustement de pension alimentaire la demande dune seule des parties et celui de dterminer un revenu annuel au dbiteur qui refuse ou nglige de fournir des renseignements, les avis du SARPA peuvent avoir des consquences importantes pour les personnes vises. Il est donc essentiel quune instance externe et indpendante puisse veiller au respect des droits de ces citoyens et, plus gnralement, au rglement de diffrends administratifs survenir entre des citoyens et le SARPA.

    Puisque ce dernier relvera de la Commission des services juridiques, il ne serait alors pas assujetti la comptence dintervention du Protecteur du citoyen. En effet, le personnel de la Commission nest pas nomm en vertu de la Loi sur la fonction publique14, ce qui est le critre actuel dassujettissement, sauf exception.

    Le Protecteur du citoyen, par son rle et sa mission, contribuerait pourtant assurer la qualit de ce nouveau service administratif et le respect des principes de justice administrative, en ayant un droit de regard sur son fonctionnement, sa faon d'interagir avec les citoyens, ses dlais rendre ses dcisions, son respect de la Loi sur la justice administrative, entre autres. Dautant plus quil pourrait, par son intervention, prvenir la judiciarisation de certains dossiers initialement soumis au SARPA.

    Recours non judiciaire et indpendant, qui joue un rle diffrent mais complmentaire aux tribunaux, le Protecteur du citoyen participe lamlioration des services publics des ministres et organismes publics, et son expertise en ce domaine saurait certainement tre bnfique pour la mise en place du SARPA galement.

    14 L.R.Q., c. F-3.1.1.

  • 13

    Considrant ce qui prcde, le Protecteur du citoyen recommande :

    Recommandation 5 : Que larticle 15 de la Loi sur le Protecteur du citoyen15 soit modifi afin dy ajouter le paragraphe suivant :

    9o le service administratif de rajustement des pensions alimentaires pour enfants viss aux chapitres I VII de la Loi favorisant laccs la justice en matire familiale (chapitre ) .

    2.4 Lannulation de la pension alimentaire pour un enfant majeur autonome

    financirement

    Dans laffaire Droit de la famille 1086016, la Cour suprieure avait conclu que Revenu Qubec pouvait, dans une circonstance bien prcise, mettre un terme son obligation de percevoir une pension alimentaire sans que les parents aient s'adresser au Tribunal. En fait, le jugement permettait Revenu Qubec, lorsque les faits ne sont pas contests, de cesser de percevoir une pension alimentaire quand cette pension est payable pour un enfant majeur devenu autonome financirement17.

    Revenu Qubec, aprs avoir appliqu les principes de ce jugement, a suspendu cette pratique la fin du mois de mai 2011. Il a par la suite annonc, en janvier 2012, qu'il n'appliquerait plus les principes de ce jugement.

    Il importe de saluer les efforts de mise en place, par le ministre de la Justice, d'une procdure allge permettant aux parents d'un enfant majeur devenu autonome de mettre un terme une obligation alimentaire. S'ils ne veulent pas recourir laide lobtention dune rvision judiciaire (art. 24 36 du projet de loi), les parents d'un enfant majeur et autonome devraient avoir accs, d'ici l'automne 2012, une procdure en ligne et un mode d'emploi leur permettant de demander l'annulation d'une pension alimentaire sans devoir

    15 L.R.Q., c. P-32. 16 2010 QCCS 1582. 17 La Cour suprieure prcise aux paragraphes 30 et 31 de son jugement que : [30] Dans le cas qui nous concerne, il sagit uniquement de constater un tat de fait reconnu par les deux parties, alors quil

    ny a aucune contestation de part ou dautre et il ny a pas nos plus de renonciation de droit par un parent au nom des enfants.

    [31] En consquence, le Tribunal est davis que nous sommes en prsence dun rare cas o le ministre du Revenu pouvait mettre un terme son obligation de percevoir une pension alimentaire du dbiteur alimentaire sans que lun ou lautre des parents nait lobligation de sadresser au tribunal pour obtenir un jugement annulant la pension alimentaire. Aucune disposition de la Loi facilitant le paiement des pensions alimentaires ne prvoit comment prend fin lobligation du ministre dans son rle de percepteur de pension alimentaire. Cependant, il va de soi quune pension alimentaire payable au bnfice denfant(s) cesse lorsque ceux-ci ne sont plus des enfants et lorsque la situation est dcrite clairement et sous serment par les deux parents.

  • 14

    recourir au service d'un avocat et sans devoir mme se dplacer un palais de justice. L'accs la procdure sera gratuit, mais un dbours de 124 $ pour le timbre judiciaire sera requis puisquil s'agira d'une procdure judiciaire (homologation de l'entente par un greffier spcial).

    Le Protecteur du citoyen, au bnfice de la rflexion de la Commission des institutions sur cette procdure allge, souhaite rappeler certains avantages quavait la procdure mise en place par Revenu Qubec pour appliquer le jugement dans laffaire Droit de la famille 10860. En plus d'tre gratuite, cette procdure semblait tre applique avec rigueur par Revenu Qubec, dont les agents veillaient s'assurer de la validit du consentement des parties. De plus, Revenu Qubec dispose de l'ensemble du dossier de perception et, partant, il est mme de dceler les possibles cas de pression indue pour que soit mis fin l'obligation alimentaire.

    Le greffier spcial qui sera appel traiter la procdure propose par le ministre de la Justice ne disposera pas de cette information. Certes, il peut dfrer la demande au juge s'il estime que l'entente des parties ne prserve pas suffisamment l'intrt des enfants ou que le consentement de celles-ci a t donn sous la contrainte (art. 45 al. 2 du Code de procdure civile). Pour ce faire, il peut convoquer et entendre les parties. Ces possibilits demeurent toutefois thoriques lorsque le consentement de l'enfant majeur et autonome est joint aux procdures. L'homologation par les greffiers spciaux est alors automatique.

    Doit-on rappeler que la majorit des pensions alimentaires devraient prendre fin lorsque lenfant devient majeur et autonome financirement ? Pour le Protecteur du citoyen, une procdure permettant lannulation des obligations alimentaires en pareilles circonstances ne devrait pas exiger des parents des dbourss additionnels. Il sagit l dun lment considrer dans le cadre de lactuelle analyse du projet de loi n 64.

    2.5 Les frais

    Le service de rajustement des pensions alimentaires pour enfants permettra aux citoyens de faire modifier la pension alimentaire lorsque lexercice dune discrtion judiciaire nest pas requis, de manire accessible et rapide. Les frais annoncs (275 $) paraissent raisonnables eu gard la ralit des cots actuels dune dmarche judiciaire qui, selon un sondage ralis en 2007 pour le ministre de la Justice, slevaient en moyenne quelque 2 100 $18. Cette procdure permettra une mise jour des pensions alimentaires plus efficace et mieux adapte aux besoins des citoyens.

    18 MINISTRE DE LA JUSTICE. tude sur la qualit de la prestation de services et la satisfaction des parents spars lgard du processus actuel de rvision des pensions alimentaires pour enfant. Lger Marketing, dcembre 2007, p. 15.

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    De plus, ce projet de loi prvoit des dispositions permettant aux parents habituellement non financirement admissibles l'aide juridique de recevoir, un cot de 524 $, les services d'un avocat afin de prsenter leur entente en vue d'obtenir la rvision judiciaire de l'ordonnance du tribunal relative la pension alimentaire ou la garde d'enfants. Malgr que ce cot total ne semble pas draisonnable en soi, le Protecteur du citoyen sinterroge sur la pertinence dimposer en pareille circonstance le tarif judiciaire de 124 $ pour une procdure qui se limitera presque toujours la communication dune entente au greffe du tribunal, pour dcision sans audition par un greffier spcial. Enfin, la possibilit de rcuprer sans frais, et dans certaines circonstances, une sret conserve par Revenu Qubec constitue un progrs significatif, dintrt pour les ex-conjoints comme pour ladministration afin de faciliter la perception par Revenu Qubec des pensions alimentaires. En somme, le projet de loi propose des solutions pour rendre le systme actuel moins rigide, plus accessible et surtout moins coteux.

    CONCLUSION une ouverture protger

    Le projet de loi no 64 constitue une avance importante en matire daccs la justice, en djudiciarisant, en certaines circonstances, le rajustement des pensions alimentaires et en amliorant laccs aux services dun avocat pour modifier de consentement un jugement concernant les enfants. Dans la perspective de rendre le service administratif du SARPA encore plus efficace, il est souhaitable que ses pouvoirs soient renforcs et que son action soit mieux encadre. De plus, afin dassurer le respect des droits des personnes qui en bnficient ou qui sont soumises un avis de rajustement, il serait ncessaire que le SARPA soit assujetti aux obligations dquit procdurale prvues la Loi sur la justice administrative. Le Protecteur du citoyen estime galement que, dans cette perspective du respect des droits des citoyens et du rglement dventuels diffrends administratifs, le SARPA devrait tre assujetti sa comptence dintervention. Au-del de ces considrations prcises, le Protecteur du citoyen insiste sur la ncessit de garder lesprit lobjectif la base de ce projet de loi, soit laccs la justice. Il appelle en ce sens la prservation de louverture quoffre enfin le projet de loi no 64, afin que llan de djudiciarisation quil matrialise ne soit pas frein au gr de certaines exigences ou rigidits administratives, ou encore au gr de lexpression dintrts spcifiques.