rapport sur le commerce et le dÉveloppement, 2001

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RAPPORT SUR LE COMMERCE ET LE DÉVELOPPEMENT, 2001 CONFÉRENCE DES NATIONS UNIES SUR LE COMMERCE ET LE DÉVELOPPEMENT NATIONS UNIES

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Page 1: RAPPORT SUR LE COMMERCE ET LE DÉVELOPPEMENT, 2001

RAPPORT SUR LE COMMERCEET LE DÉVELOPPEMENT, 2001

CONFÉRENCE DES NATIONS UNIES SUR LE COMMERCE ET LE DÉVELOPPEMENT

NATIONS UNIES

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ii Rapport sur le commerce et le développement, 2001

Note

• Les cotes des documents de l'Organisation des Nations Uniesse composent de lettres majuscules et de chiffres. La simplemention d'une cote dans un texte signifie qu'il s'agit d'undocument de l'Organisation.

• Les appellations employées dans la présente publication et laprésentation des données qui y figurent n'impliquent de la partdu Secrétariat de l'Organisation des Nations Unies aucune prisede position quant au statut juridique des pays, territoires, villesou zones, ou de leurs autorités, ni quant au tracé de leursfrontières ou limites.

• Le texte de la présente publication peut être cité ou reproduitsans autorisation, sous réserve qu'il soit fait mention de laditepublication et de sa cote et qu'un justificatif soit adressé ausecrétariat de la CNUCED.

UNCTAD/TDR/(2001)

PUBLICATION DES NATIONS UNIES

Numéro de de vente : F.01.II.D.10

ISBN 92-1-212279-5ISSN 0256-0887

Copyright ©° Nations Unies, 2001 Tous droits réservés

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Rapport sur le commerce et le développement, 2001 iii

AVANT-PROPOS

Les questions économiques internationales ont une incidence sur la vie de tous les membresde l’humanité. Qu’il s’agisse de relever le défi des nouvelles technologies de l’information, detirer des leçons des crises financières subies par les pays émergents ou de porter un jugement surles effets qu’aurait l’accession de la Chine à l’Organisation mondiale du commerce, nousdemandons à la science économique de nous guider dans un monde en évolution rapide. Les paysles plus pauvres en particulier ont besoin d'orientations claires pour pouvoir remédierdurablement à la faim, à la maladie et à l’insécurité sociale.

Au cours des vingt dernières années, le Rapport sur le commerce et le développement de laCNUCED s’est taillé une solide réputation en matière d’analyse des grandes questionséconomiques internationales. La présente livraison porte une appréciation sur l’évolution récenteet les perspectives de l’économie mondiale, en analysant plus particulièrement l’impact probabledes événements et politiques survenus ou adoptées dans les pays industriels sur l’avenir dumonde en développement. Tous les responsables étant aujourd'hui préoccupés par les effets duralentissement de l’économie des Etats-Unis, l’appel à un renforcement de la coordination et de lacoopération économiques lancé dans le présent Rapport mérite qu’on s’y attarde.

Depuis une dizaine d’années, on se demande de plus en plus si les règles multilatéralespermettent de régler les problèmes soulevés par le comportement du marché financier mondial.Le Rapport 2001 analyse à fond les débats en cours au sujet de la réforme du système financiermultilatéral. Il passe en revue des aspects essentiels tels que les codes et les normes, le rôle desétablissements financiers privés dans le règlement des crises financières et le fonctionnement desrégimes de taux de change.

Dans chacun de ces domaines, il avance des recommandations stimulantes sur la façon defaire avancer la réforme. Bon nombre de ces questions devraient être examinées à l’occasion de laConférence de haut niveau sur le financement du développement qui doit se tenir l’annéeprochaine. J’espère que ce rapport apportera une contribution utile à ce débat.

Kofi A. AnnanSecrétaire général de l'Organisation des Nations Unies

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Rapport sur le commerce et le développement, 2001 v

Table des matières

Page

Avant-propos............................................................................................................................... iiiNotes explicatives ........................................................................................................................ ixSigles.......................................................................................................................................... xAperçu général............................................................................................................................ xiii

PREMIÈRE PARTIE

TENDANCES ET PERSPECTIVES MONDIALES

Chapitre premier

L’économie mondiale: résultats et perspectives ............................................................................ 3

A. Perspectives globales ................................................................................................ 3B. Les pays développés.................................................................................................. 7

1. Le refroidissement de l’économie des Etats-Unis ............................................... 72. L’Union européenne ........................................................................................ 103. Le Japon ......................................................................................................... 13

C. Pays en développement ............................................................................................. 151. Amérique latine ............................................................................................... 152. Asie ................................................................................................................ 173. Afrique ........................................................................................................... 20

D. Pays en transition ...................................................................................................... 21Notes ................................................................................................................................ 23

Chapitre II

Commerce et finances internationaux ......................................................................................... 27

A. Evolution récente du commerce international.............................................................. 27B. Le marché des produits primaires autres que le pétrole ................................................ 30C. Evolution récente et tendances sur le marché pétrolier ................................................. 32

1. Prix, offre et demande...................................................................................... 322. Les effets de la hausse du prix du pétrole ........................................................... 333. Perspectives .................................................................................................... 35

Page 5: RAPPORT SUR LE COMMERCE ET LE DÉVELOPPEMENT, 2001

vi Rapport sur le commerce et le développement, 2001

Page

D. Marché des changes et évolution de certains indicateurs financiers dans les paysémergents................................................................................................................. 36

E. Les flux de capitaux privés vers les pays émergents .................................................... 451. Evolution en 2000............................................................................................ 452. Perspectives .................................................................................................... 49

F. Financement extérieur et dette des pays les moins avancés .......................................... 50Notes................................................................................................................................. 52

DEUXIÈME PARTIE

RÉFORME DE L'ARCHITECTURE FINANCIÈRE INTERNATIONALE

Chapitre III

Vers une réforme de l’architecture financière internationale ........................................................ 57

A. Introduction.............................................................................................................. 57B. La régulation des flux de capitaux internationaux ........................................................ 58C. Le régime de taux de change ..................................................................................... 61D. Restructuration de la dette extérieure.......................................................................... 63E. La réforme du FMI ................................................................................................... 65

1. Surveillance et conditionnalité .......................................................................... 652. Fourniture de liquidités et financement en dernier recours.................................. 66

F. Gestion de la finance internationale ............................................................................ 68Notes................................................................................................................................. 70

Chapitre IV

Normes et réglementation............................................................................................................ 73

A. Introduction.............................................................................................................. 73B. Thèmes des principales normes.................................................................................. 75

1. Transparence des politiques et des données macroéconomiques.......................... 752. Contrôle bancaire ............................................................................................ 773. Paiements et règlement .................................................................................... 784. Comptabilité et audit ........................................................................................ 795. Gouvernement d'entreprise............................................................................... 806. Faillites........................................................................................................... 817. Réglementation des marchés de valeurs ............................................................ 828. Assurance ....................................................................................................... 829. Intégrité du marché et blanchiment d’argent ...................................................... 83

C. Participation à la formula tion et à l’application des normes.......................................... 84D. Application, sanctions et incitations ........................................................................... 88E. Normes, régimes financiers et stabilité financière........................................................ 92Notes................................................................................................................................. 94

Page 6: RAPPORT SUR LE COMMERCE ET LE DÉVELOPPEMENT, 2001

Rapport sur le commerce et le développement, 2001 vii

PageChapitre V

Régimes de taux de change et possibilités de coopération régionale ............................................. 99

A. Introduction.............................................................................................................. 99B. Régimes de taux de change ....................................................................................... 101

1. Parités ajustables ............................................................................................ 1012. Le flottement .................................................................................................. 1033. Parités fixes .................................................................................................... 105

C. Arrangements régionaux : le cas de l’Europe ............................................................. 107D. Le choix des pays en développement : dollarisation ou régionalisation ? ..................... 110Notes ................................................................................................................................ 116

Chapitre VI

Gestion des crises et partage du fardeau ..................................................................................... 119

A. Introduction ............................................................................................................. 119B. Mise à contribution du secteur privé et restructuration de la dette ................................ 120C. Les débats récents au sein du FMI ............................................................................. 122D. Aide officielle, risque moral et partage du fardeau ..................................................... 125E. Arrangements facultatifs et dispositions contractuelles ............................................... 128

1. Restructuration des dettes obligataires et clauses d’action collective ................... 1302. Restructuration des prêts bancaires .................................................................. 133

F. Conclusions ............................................................................................................. 136Notes ................................................................................................................................ 138

ENCADRÉS

1.1 Analyse du fléchissement de la croissance aux Etats-Unis ..................................................... 112.1 Argentine – chocs extérieurs, ajustement et crise.................................................................. 372.2 Turquie – stabilisation et crise............................................................................................. 394.1 Les ratios de fonds propres de l’Accord de Bâle ................................................................... 905.1 Coopération monétaire et financière régionale entre pays en développement........................... 1115.2 L’initiative de Chiang Mai.................................................................................................. 1146.1 Les dispositions du GATT et de l’AGCS relatives à la balance des paiements et les restrictions

de change .......................................................................................................................... 1236.2 Quelques récents accords de restructuration de la dette obligataire......................................... 1276.3 Récentes initiatives concernant les prêts du FMI en cas de crise ............................................ 129

Page 7: RAPPORT SUR LE COMMERCE ET LE DÉVELOPPEMENT, 2001

viii Rapport sur le commerce et le développement, 2001

TABLEAUX

Page

1.1 Production mondiale, 1990-2000......................................................................................... 51.2 Croissance des pays en développement, par région, 1990-2000........................................................................ 161.3 Pays en transition : quelques indicateurs économiques, 1998-2000......................................... 222.1 Exportations et importations des principaux groupes économiques et régions, 1997-1999........ 282.2 Exportations et importations des différents groupes économiques et régions, 2000 :

estimations de diverses organisations ................................................................................... 292.3 Cours mondiaux des produits primaires, 1996-2000 .............................................................. 312.4 Pays du G-7 : prix moyens à la pompe de l’essence et produit des taxes sur les produits

pétroliers............................................................................................................................ 342.5 Facture pétrolière des pays importateurs de pétrole, 1998-2000.............................................. 352.6 Flux de capitaux nets vers les pays en développement et en transition, 1997-2000 :

estimations du FMI et de l’Institute for international finance ................................................. 462.7 Créances des banques de la zone déclarante de la BRI sur les pays en développement et en

transition, 1997-2000 .......................................................................................................... 472.8 Emissions internationales de titres de créances des pays en développement et en transition,

1997-2000 ......................................................................................................................... 492.9 Flux de capitaux vers les PMA, par catégorie, et transfert net, 1990-1999............................... 504.1 Principales normes financières ............................................................................................ 74

GRAPHIQUES

1.1 Les cycles d’investissement dans les grands pays industriels, 1981-2000................................ 81.2 Etats-Unis : Epargne et investissements privés, 1999-2000.................................................... 91.3 Etats-Unis : Epargne des particuliers et épargne publique ...................................................... 92.1 Moyenne mensuelle du pr ix au comptant du pétrole brut de l’OPEP, 1998-2000..................... 332.2 Prix réels du pétrole, 1974-2000 .......................................................................................... 332.3 Indices boursiers de différents pays émergents, janvier 1999 à janvier 2001............................ 422.4 Taux de change et taux d’intérêt du marché monétaire dans certains pays émergents,

juillet 1999 à janvier 2001................................................................................................... 432.5 Ecart de rendement sur certaines obligations internationales de pays émergents, juillet 1999 à

janvier 2001....................................................................................................................... 485.1 Coût unitaire du travail dans différents pays européens après une contraction de l’offre,

1972-1976.......................................................................................................................... 1095.2 Coût unitaire du travail après une variation positive de la demande, 1987-1991 ...................... 109

RÉFÉRENCES ............................................................................................................................ 141

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Rapport sur le commerce et le développement, 2001 ix

Notes explicatives

Définition des catégories de pays et de produits

Dans le présent rapport, les pays ont été regroupés en différentes catégories uniquement à des finsd'analyse ou de présentation des statistiques et ce classement n'implique aucun jugement en ce quiconcerne le degré de développement de tel ou tel pays ou territoire.

Les principales catégories de pays sont les suivantes:

• Pays développés ou industriels : de façon générale, pays membres de l'OCDE, sauf la Républiquetchèque, la Hongrie, le Mexique, la République de Corée et la Turquie.

• Pays en transition: pays d'Europe centrale et orientale (y compris les pays issus de l'ex-Yougoslavie), pays membres de la Communauté d'États indépendants (CEI) et pays baltes. "

• Pays en développement: tous les pays, territoires ou zones autres que ceux mentionnés ci-dessus.

Le mot "pays" s'entend également, le cas échéant, des territoires ou zones.

Sauf indication contraire, dans le texte ou les tableaux, la région "Amérique latine" englobe lesCaraïbes.

Sauf indication contraire, les catégories de .produits employées dans le présent rapport sont cellesemployées dans la publication de la CNUCED intitulée Handbook on Statistics, 2000 (publication desNations Unies, numéro de vente : E/F.00.II.D.30).

Autres notes

Sauf indication contraire, le "dollar" s'entend du dollar des États-Unis.Les taux annuels de croissance et de variation sont des taux composés.Sauf indication contraire, les exportations sont indiquées en valeur f.a.b. et les importations en

valeurs c.a.f.Les périodes indiquées par deux années séparées par un tiret, par exemple 1988-1990 sont les

périodes allant du début de la première année mentionnée à la fin de la seconde.Une période indiquée par deux années séparées par une barre oblique (/), par exemple 1990/91,

désigne un exercice budgétaire ou une campagne agricole.Deux points (..) indiquent que les données ne sont pas disponibles ou ne sont pas communiquées

séparément.Un tiret (-) ou un zéro (0) indiquent que le montant est nul ou négligeable.Un point (.) signifie sans objet.La présence du signe (+) avant un chiffre indique une augmentation et la présence du signe moins

(-) une diminution.Les éventuelles différences entre les totaux et la somme des chiffres ou des pourcentages sont dues

au fait que ceux-ci ont été arrondis.

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x Rapport sur le commerce et le développement, 2001

Sigles

AGCS Accord général sur le commerce des services

ANASE Association des nations d’Asie du Sud-Est

APD Aide publique au développement

ASA Arrangement de crédit réciproque de l’ANASE

BCBS Comité de Bâle sur le contrôle bancaire

BCE Banque centrale européenne

BID Banque interaméricaine de développement

Bpj Barils par jour

BRI Banque des règlements internationaux

CAD Comité d’aide au développement (de l’OCDE)

CE Commission européenne

CEE Commission économique pour l’Europe

CEI Communauté d’Etats indépendants

CEPALC Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes

CFA Communauté financière africaine

CFR Council on foreign relations

CNUCED Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement

CNUDCI Commission des Nations Unies pour le droit commercial international

CPLG Groupe de liaison sur les principes fondamentaux (du BCBS)

CSPR Comité sur les systèmes de paiement et de règlement (de la BRI)

DTS Droit de tirage spécial

FIDA Fonds international de développement agricole

FMI Fonds monétaire international

FSF Forum de stabilité financière

FSR Facilité de réserve supplémentaire (du FMI)

GATT Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce

IAIS Association internationale des organismes de contrôle des assurances

IASC Comité international de normalisation de la comptabilité

IED Investissement étranger direct

IIF Institute for International Finance

IME Institut monétaire européen

LCP Ligne de crédit préventive

NSDD Norme spéciale de diffusion des données

OCDE Organisation de coopération et de développement économiques

OICV Organisation internationale des commissions de valeurs

OMC Organisation mondiale du commerce

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Rapport sur le commerce et le développement, 2001 xi

ONU/DAES Département des affaires économiques et sociales de l’ONU

OPEP Organisation des pays exportateurs de pétrole

PESF Programme d’évaluation du secteur financier (FMI, Banque mondiale)

PIB Produit intérieur brut

PPTE Pays pauvres très endettés

SGDD Système général de diffusion des données

SME Système monétaire européen

SWIFT Society for Worldwide Inter-Bank Financial Telecommunications

UE Union européenne

UME Union monétaire européenne

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Rapport sur le commerce et le développement, 2001 xiii

APERÇU GÉNÉRAL

En économie, la situation peut changer rapidement d'un trimestre à l'autre. Lors desréunions annuelles du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale tenues àPrague en septembre dernier, l'optimisme prévalait : l'économie mondiale avait surmontéune série de chocs financiers sur les marchés émergents, la forte croissance économique semaintenait aux États-Unis, alimentée par la "nouvelle économie", les signes d'une reprisevigoureuse apparaissaient enfin en Europe, et le Japon commençait à sortir d'une longuerécession. Les prévisions de croissance étaient revues à la hausse. La seule ombre au tableauétait la hausse des cours du pétrole.

L'état d'esprit est aujourd'hui différent, car plusieurs motifs de préoccupation sontapparus. Quels seront l'ampleur et le rythme du ralentissement de l'économie américaine ?Les instruments macroéconomiques classiques parviendront-ils à inverser rapidement latendance ? Quel est le degré de vulnérabilité du dollar ? La reprise naissante au Japonsera-t-elle une fois de plus étouffée dans l'œuf ? La locomotive européenne sera-t-ellesuffisamment puissante pour maintenir l'économie mondiale sur les rails ? Dans le cascontraire, quels seront les effets d'un ralentissement mondial sur la reprise encore fragileenregistrée en Asie ? Parmi les facteurs positifs, on note que le risque pétrolier a disparu; lescours avaient déjà atteint leur point culminant lors des réunions de Prague. L'analyseéconomique classique a semble-t-il du mal à s'adapter aux brusques revirements d'uneéconomie mondialisée.

Depuis un certain temps, le secrétariat de la CNUCED met en garde contre les excèsde la libéralisation financière, qui créent un monde où l'instabilité est systémique et les crisesrécurrentes. Une réaction générale a été d'imputer la responsabilité de ces crises à despolitiques inconsidérées et aux investissements de complaisance sur les marchés émergents.Même si des accusations semblables sont portées aux États-Unis - ce qui reste à voir -lorsque les excès financiers et les investissements stériles seront mis en évidence par leralentissement économique, elles ne seront pas plus utiles qu'au lendemain de la criseasiatique. Les marchés peuvent se tromper et ils se trompent, aussi bien dans les pays endéveloppement que dans les pays développés. Il incombe, toujours et encore, auxresponsables publics de prendre des mesures préventives et correctives.

Certes, c'est là une tâche d'autant plus difficile que l'économie mondiale est fortementintégrée. Toutefois, c'est précisément pour empêcher que se reproduisent les gravesdésordres économiques de l'entre-deux-guerres – liés à la persistance de crises de paiementet de change et à une dépendance excessive à l'égard des flux de capitaux à court terme - quedes règles et des institutions financières multilatérales ont été créées. Malheureusement,depuis l'effondrement du système de Bretton Woods, le monde est mal préparé pour faire faceà la résurgence de tels problèmes. La profonde réforme de l'architecture financièreinternationale évoquée au lendemain de la crise asiatique est restée un vœu pieux. Toujoursest-il que si la situation venait à se détériorer au Nord, les conséquences en seraient bienplus graves pour l'économie mondiale que lorsque la conjoncture s'était dégradée au Sud. Ilfaut espérer que cette menace suffira à relancer les efforts de réforme.

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xiv Rapport sur le commerce et le développement, 2001

RALENTISSEMENT ET PERSPECTIVES DE L'ÉCONOMIE MONDIALE

En 2000, l'économie mondiale a enregistré ses meilleurs résultats depuis une dizained'années. La croissance a été orientée à la hausse dans toutes les régions et la reprise enAmérique latine et dans les pays en transition a même été plus forte que prévu. De plus, cesbons résultats ont été atteints dans un contexte de forte hausse des cours du pétrole. Si lesfacteurs positifs hérités de l'année précédente, notamment l'injection de liquidités importantespour prévenir le bogue informatique de l'an 2000 et soutenir l'introduction de l'euro, ontcontribué à entretenir la dynamique, c'est la vitalité persistante de l'économie des États-Unisqui a permis à la production mondiale d'augmenter de 4 %. Pour certains observateurs, lesvieilles idées sur le fonctionnement de l'économie étaient ainsi balayées sous l'effet conjuguéde la déréglementation des marchés et de l'apparition des nouvelles technologies del'information, et nombreux étaient ceux qui anticipaient avec ferveur l'avènement d'une ère deprospérité mondiale sans précédent.

Depuis le dernier trimestre 2000, la situation a radicalement changé. La croissance del'économie américaine s'est fortement ralentie et l'atterrissage pourrait être plus brutal que nele prévoyaient les optimistes. La fin de l'engouement pour les technologies de pointe aentraîné une chute des dépenses d'investissement, aggravée par une perte de confiance desconsommateurs et par la menace de licenciements massifs, aussi bien dans la nouvelleéconomie que dans l'ancienne. La Réserve fédérale a réagi promptement en diminuant lestaux d'intérêt à deux reprises en janvier et devrait procéder à de nouvelles baisses. Laquestion est de savoir si ces mesures auront un effet positif sur le ralentissement cyclique del'économie des États-Unis et lui permettront de rebondir rapidement après deux ou troistrimestres de stagnation ou de recul pour retrouver une croissance potentielle supérieureà 3 %. Sinon, les États-Unis entreront-ils dans une phase de désinvestissement et derestructuration des dettes plus longue, comparable à la situation qu'ont connue le Japon etcertains pays européens au début des années 90 ?

Beaucoup considèrent que les États-Unis enregistreront un ralentissement de typekeynésien de courte durée qui pourra être corrigé par des mesures monétaires et budgétairesappropriées. En ce début d'année, certains indicateurs autorisent un optimisme modéré : lesprix du pétrole sont redescendus de leurs sommets; les cours des actions semblent sestabiliser; et la balance commerciale commence à s'améliorer. Les mesures rapides eténergiques prises par la Réserve fédérale sont également de bon augure. Les baisses d'impôtactuellement envisagées pourraient aussi aider à stabiliser la situation à condition que leurcalendrier et leurs bénéficiaires soient bien choisis.

Toutefois, même si la détermination des responsables reste inchangée, on peut douterque les politiques macroéconomiques classiques suffisent à rétablir la situation compte tenudu niveau élevé de l'endettement privé, des investissements excessifs réalisés pendant lapériode d'euphorie technologique et des incertitudes pesant sur le dollar. Alors que le secteurpublic s'apprête à rembourser sa dette, l'endettement du secteur privé atteint un niveau record.Quand les ménages constateront que leurs revenus n'augmentent plus, ils devront emprunterdavantage pour maintenir le même niveau de dépenses, précisément au moment où il leur seraplus difficile de rembourser leur dette. Par ailleurs, une grande partie des investissementsschumpétériens dans les technologies de pointe, soutenus par l'explosion du capital-risque etpar la bulle boursière, risquent d'être détruits par un retour à des conditions de financementnormales. Si les ménages et les entreprises devaient, simultanément, ramener leurs dépensesau niveau de leurs revenus actuels, il pourrait se produire un recul sensible du PIB.

Le fait même qu'une aussi longue période d'expansion est sans précédent dans l'histoirerécente devrait inciter à faire preuve de prudence dans l'analyse du ralentissement en cours.Toutefois, lorsque l'on considère les divers facteurs antagoniques, il est difficile de dire dequoi sera fait l'avenir, le moindre changement brutal d'état d'esprit ou de politique pourrait

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Rapport sur le commerce et le développement, 2001 xv

encore provoquer un ralentissement plus sensible que ne le prévoient de nombreuxobservateurs et compromettre les chances d'une reprise rapide.

Compte tenu du rôle que l'économie américaine a joué en tant que moteur de lademande mondiale au cours des dernières années, son évolution préoccupe le monde entier.En effet, l'intégration croissante de l'économie mondiale accélère la transmission des chocsréels et financiers entre les régions, entre les pays et entre les secteurs. En même temps,l'imbrication des activités financières et productives fait que ces chocs peuvent avoir desconséquences imprévisibles, comme l'ont montré les crises financières parties d'Asie en 1997.

Quelles que soient les perspectives immédiates des États-Unis, le sort à long terme del'économie mondiale ne saurait dépendre des mesures prises et de la conjoncture prévalantdans un seul pays. Dans un contexte d'interdépendance croissante, tous les grands paysindustriels doivent unir leurs forces pour que les bienfaits de la mondialisation soientlargement répartis et profitent en particulier aux pays en développement. Aucun responsable,dans quelque pays que ce soit, ne saurait donc faire comme si de rien n'était.

En 2000, le taux de croissance en Europe a franchi le cap des 3 % pour la première foisdepuis plus de 10 ans, mais les principaux indicateurs laissent entrevoir un ralentissementen 2001. Les déficits budgétaires étant désormais maîtrisés, les comptes courants assainis etles risques inflationnistes minimes, la voie est libre pour la mise en œuvre d'une politiquemacroéconomique expansionniste. Compte tenu de la baisse des taux d'intérêt aux États-Uniset du redressement anticipé de l'euro, qui devrait contribuer à soulager les contraintes pesantsur la politique monétaire, l'Europe semble bien placée pour assumer de nouvellesresponsabilités dans l'économie mondiale et stimuler la demande, compensant ainsi les effetsdu ralentissement aux États-Unis. L'Union européenne hésite toutefois à s'aventurer au-delàdes limites de sa croissance potentielle, comme l'ont fait les États-Unis dans la secondemoitié des années 90. Pourtant, cela est aussi indispensable pour résorber un chômagepersistant et élevé. La Banque centrale européenne soutient que rien n'indique que le potentielde croissance de la zone euro soit supérieur aux modestes 2 à 2,5 % prévus, ce qui veut direqu'elle n'entrevoit pas la possibilité, dans l'immédiat, d'assouplir la politique monétaire sansrisque inflationniste. Elle pourrait avoir à reconsidérer sa position si, comme il est probable,l'Union européenne est davantage touchée par le ralentissement aux États-Unis que ne lelaisserait supposer le faible niveau des échanges entre les deux partenaires commerciaux.

Il est peu probable que le Japon prenne la relève compte tenu de la fragilité de sareprise et de l'importance que revêt pour lui le marché des États-Unis. L'expansion –apparemment vigoureuse – amorcée au premier semestre 2000 a été alimentée par uneaugmentation des exportations nettes, mais elle a été suivie d'un nouveau recul au troisièmetrimestre. Du fait de la baisse du dollar et du ralentissement de la demande aux États-Unis,la reprise dépendra du dynamisme de la demande intérieure. Mais on peut se demander d'oùviendra l'impulsion, car l'investissement intérieur est encore étroitement lié aux exportationset le chômage est de nouveau orienté à la hausse.

Les Gouvernements japonais successifs n'ont cessé de prendre des mesures budgétairestoujours plus actives pour stimuler une croissance atone, mais aujourd'hui l'endettementpublic atteint un niveau record, et la nécessité d'assainir les finances publiques commence àpeser sur la politique macroéconomique. De grandes incertitudes planent également surl'orientation future de la politique monétaire : la Banque centrale ne semble plus disposée àmaintenir des taux d'intérêt nuls qui, selon elle, entravent la restructuration du systèmefinancier. La contraction des liquidités, les contraintes budgétaires ainsi que la détériorationdes perspectives d'exportation font que la reprise risque d'être une fois de plus étouffée dansl'œuf au moment où elle s'accélère.

* * *

Page 14: RAPPORT SUR LE COMMERCE ET LE DÉVELOPPEMENT, 2001

xvi Rapport sur le commerce et le développement, 2001

Il est prématuré de considérer que l'économie mondiale est en bonne santé, carbeaucoup dépendra des appréciations des responsables à Washington et des mesures qu'ilsprendront. Même si, en 2001, l'Europe connaissait une croissance comparable à celledes États-Unis les années précédentes, l'effet sur les pays en développement ne serait pas lemême car elle a tendance à moins importer de produits de ces pays que les États-Unis. Lesrisques de dégradation conjoncturelle sont donc considérables pour les pays endéveloppement.

Les flux commerciaux sont un vecteur de transmission du ralentissement de l'économieaméricaine. Le danger de contagion a été mis en évidence par la crise asiatique :l'essoufflement des exportations de produits de haute technologie a grandement contribué àaccroître la fragilité extérieure et l'impact du choc financier qui a suivi a été amplifié par leséchanges intrarégionaux. Une forte croissance des exportations a joué un rôle tout aussiimportant dans la reprise en Asie. En 2000, les importations des États-Unis ont enregistré uneprogression à deux chiffres pour la troisième année consécutive. Les pays en développementet les pays en transition en ont particulièrement profité, le volume total de leurs exportationsayant augmenté, selon les estimations, de plus de 10 % et 15 %, respectivement. Un autrefacteur ayant joué en leur faveur a été une amélioration de leurs termes de l'échange grâce àla hausse continue des cours du pétrole. Les perspectives sont beaucoup moins favorablespour cette année.

Les marchés financiers et monétaires sont un autre vecteur de contagion. Certes, lespays ayant un stock important de dettes libellées en dollars bénéficieront de la baisse des tauxd'intérêt aux États-Unis. Les marchés émergents pourraient également attirer des capitaux auxdétriment des États-Unis, où la diminution des profits devrait freiner les investissements dansles secteurs de haute technologie et où la baisse des taux d'intérêt devrait ralentir les entréesde capitaux à court terme faisant l'objet d'opérations d'arbitrage. Toutefois, il est égalementpossible que le ralentissement de l'économie américaine accentue l'orientation à la baisse desmarchés mondiaux de capitaux, avec une hausse de la prime de liquidité sur les actifs libellésen dollars et de la marge de risque pour les emprunts contractés sur les marchés émergentsqui annulera les effets bénéfiques d'une baisse des taux d'intérêt aux États-Unis. Si tel était lecas, les flux de capitaux à destination des pays en développement auraient peu de chances dedépasser le niveau décevant atteint en 2000.

La diversité des courroies de transmission donne à penser que le ralentissement del'activité aux États-Unis sera ressenti de manière très différente selon les régions endéveloppement. L'année dernière, l'Asie de l'Est était la région où la croissance était la plusforte. Dans la plupart des pays touchés par les turbulences financières des années 1997 et1998, la reprise a été vigoureuse en 1999 et s'est accélérée en 2000. Les exportations àdestination des États-Unis, qui représentent plus de 20 % du PIB en Malaisie, 10 %en Thaïlande et 7 % en République de Corée, ont joué un rôle décisif, en particulier lesexportations des secteurs de haute technologie. Sous l'effet de la baisse des ventesaux États-Unis et de la chute des prix des semi-conducteurs, tous ces pays ont accusé unedétérioration de leurs termes de l'échange et une diminution de leurs recettes d'exportation. Lacroissance devrait donc se ralentir dans l'ensemble de la région cette année. Les lienscommerciaux intrarégionaux pourraient une fois de plus aggraver l'impact de ces chocs etprovoquer une nouvelle vague de fluctuations désordonnées des taux de change dans larégion. En outre, le ralentissement économique se produit à un moment où la restructurationdu système financier et des entreprises se heurte à des difficultés dans un certain nombre depays.

L'économie chinoise est, elle aussi, sensible à l'évolution du marché des États-Unis,qui absorbe plus de 20 % de ses exportations. Si la croissance vigoureuse enregistrée l'andernier laisse espérer que la Chine pourra surmonter les effets du ralentissement del'économie américaine aussi bien qu'elle a supporté l'impact de la crise asiatique, il seranéanmoins d'autant plus difficile à ce pays de bien doser ses politiques que les négociationssur son adhésion à l'OMC piétinent. La perspective d'une adhésion prochaine de la Chine à

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l'OMC préoccupe également certains petits pays asiatiques exportateurs de produits à forteintensité de main-d'œuvre, qui craignent de perdre de leur compétitivité au moment même oùleurs perspectives d'exportation sont assombries par le fléchissement de la demanded'importations aux États-Unis.

Les effets d'un ralentissement de l'économie des États-Unis sur l'Amérique latine sontplus difficiles à évaluer. En 2000, la reprise a été plus forte que prévu dans la région, le tauxde croissance atteignant 4 % alors qu'il avait stagné l'année précédente. Toutefois, la sit uationest très différente selon les pays. Le Mexique, qui représente un cinquième de la productionrégionale, a enregistré une croissance de 7 % environ, en raison de ses relations économiquesétroites avec les États-Unis (qui absorbent de 85 à 90 % de ses exportations) et de la haussedes cours du pétrole, produit dont il est exportateur. Il ne sera probablement pas en mesured'échapper aux conséquences du ralentissement de son voisin, même si la baisse des tauxd'intérêt aux États-Unis peut lui être bénéfique. En outre, le Mexique redoute, comme d'autrespays d'Amérique centrale et des Caraïbes, une concurrence accrue de la part de la Chine aprèsl'adhésion de ce pays à l'OMC.

Les effets sur les autres pays d'Amérique latine seront probablement différents. Étantdonné que ces pays ont des liens commerciaux moins étroits avec les États-Unis et sontfortement tributaires des entrées de capitaux, l'amélioration des conditions financièresextérieures pourrait largement compenser l'effet sur leurs exportations d'une diminution de lademande aux États-Unis. En l'absence de hausse sensible des marges de risque, la baisse destaux d'intérêt dans ce pays devrait réduire le coût des emprunts et du service de la dette, etsoulager les contraintes pesant sur la balance des paiements et sur le budget. En outre, unedépréciation du dollar améliore la compétitivité relative des pays qui ont choisi de mettre enplace un conseil de politique monétaire ou se sont engagés dans une dollarisation de leuréconomie. L'Argentine pourrait bien gagner sur les deux tableaux, sortant ainsi du cerclevicieux de stagnation et de déflation consécutif aux chocs extérieurs de 1998 et 1999. LeBrésil devrait, lui aussi, profiter de l'amélioration des conditions financières, quoique dansune moindre mesure.

Malgré quelques motifs d'optimisme, le vrai danger qui guette l'Amérique latine estcelui d'une révision à la baisse des prévisions. Dans l'ensemble de la région, les responsablesnationaux semblent se satisfaire d'objectifs de croissance se situant dans une fourchette de 3à 4 %, ce qui est bien inférieur au taux nécessaire pour passer à l'étape suivante dudéveloppement. En outre, le nombre croissant de pays qui optent pour la dollarisation de leuréconomie renforce la dépendance à l'égard de la conjoncture aux États-Unis et des décisionsqui y sont prises. Un ralentissement plus prononcé dans ce pays, qui provoquerait denouvelles incertitudes financières et une réévaluation des risques, pourrait bien annuler lesbienfaits éventuels d'une dépréciation du dollar et d'une baisse des taux d'intérêt et, s'ajoutantà un essoufflement des exportations, entraîner une nouvelle révision à la baisse desperspectives de croissance.

Sur le continent africain, l'impact des fluctuations de l'activité économique mondialeprésente une certaine asymétrie. En raison de contraintes pesant sur l'offre, les PMA africainsqui n'exportent qu'un ou deux produits de base ne peuvent augmenter le volume de leursexportations pour tirer pleinement parti de l'expansion mondiale, alors qu'ils subissentsouvent toutes les conséquences de la chute des prix des produits de base. Dans les années 90,les prix de nombreux produits de base exportés par les pays africains étaient orientés à labaisse. La hausse des cours du pétrole a profité à certains pays en 1999 et en 2000, mais pourles autres, en particulier les nombreux pays qui sont importateurs, elle a aggravé le déficit deressources.

Dans ces circonstances, même si le taux de croissance de l'économie mondiale a étéélevé en 2000, celui de l'Afrique n'a pas dépassé 3,5 %, ce qui est inférieur au résultatenregistré avant la crise financière asiatique et nettement insuffisant pour résoudre lesproblèmes posés par l'augmentation de la pauvreté et la détérioration de la santé. Avant mêmele ralentissement de l'économie américaine, les prévisions de croissance avaient été révisées àla baisse en raison de la morosité persistante de l'activité dans certains grands pays, de

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mauvaises conditions climatiques ainsi que des désordres causés par les troubles civils etpolitiques.

Dans de telles conditions, le moindre choc mondial pourrait avoir des effetsparticulièrement préjudiciables sur les pays africains. Il n'est pas surprenant que l'aide etl'allégement de la dette continuent de figurer parmi les principales préoccupations politiquesde ces pays. La réduction de la dette bilatérale consentie par certains pays industrialisés auxpays les plus pauvres ainsi que les initiatives récentes de l'Union européenne et desÉtats-Unis visant à ouvrir leurs marchés aux pays africains les plus pauvres devraient leurêtre bénéfiques. Toutefois, devant la lenteur de la mise en œuvre de l'initiative en faveur despays pauvres très endettés (PPTE), dont on s'aperçoit en outre que les avantages financiersseront beaucoup moins importants que prévu, il est urgent d'adopter une stratégie plusaudacieuse concernant la dette multilatérale.

En 2000, les pays en transition ont tiré grand profit de conditions commercialesfavorables. Pour la première fois depuis l'effondrement du mur de Berlin, le PIB a augmentédans tous ces pays. Dans la Fédération de Russie, le taux de croissance a sensiblementprogressé, sous l'effet d'une forte demande d'exportations de matières premières, enparticulier de pétrole. Ailleurs, c'est le secteur industriel qui a contribué à l'amélioration de lasituation, notamment dans certains pays d'Europe orientale, grâce à une croissancevigoureuse de leurs exportations d'articles manufacturés vers l'Union européenne. Il n'en restepas moins que les conditions de cette reprise – faiblesse de la conjoncture initiale etdynamisme de la demande mondiale – font que de nombreux pays en transition seronttouchés par le ralentissement de l'économie mondiale; la poursuite de leur croissancedépendra dans une large mesure de la demande intérieure.

* * *

La baisse de l'activité aux États-Unis, des difficultés structurelles persistantes et unecroissance léthargique au Japon, et l'importance non justifiée que les autorités monétairescontinuent d'accorder au risque d'inflation en Europe font que dans tous les grands paysindustrialisés, l'activité économique se ralentira. En dépit de l'adoption de mesures décisives,les excès financiers associés à une période d'expansion sans précédent rendent peu probableun redressement rapide de l'économie des États-Unis. De plus, une transition ordonnée versun monde où toutes les grandes économies seraient en phase est rendue plus difficile par lesincertitudes concernant l'ajustement des taux de change aux déséquilibres commerciaux quise sont accumulés au cours des dernières années. Un affaiblissement rapide du dollar nonseulement compromettrait la capacité des autorités monétaires des États-Unis de réagirvigoureusement à une aggravation de la baisse d'activité, mais pourrait aussi révéler desfragilités financières ailleurs. Pour toutes ces raisons, le ralentissement et l'instabilité del'économie mondiale pourraient être plus prononcés que dans des conditions cycliquesnormales, et la coopération ainsi qu'une action responsable de tous les grands acteursde l'économie mondiale apparaissent d'autant plus nécessaires.

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RÉFORMER L'ARCHITECTURE FINANCIÈRE INTERNATIONALE

Entre la myopie des marchés mondiaux et le mythe d'un gouvernement mondial, lesrègles et les institutions multilatérales peuvent contribuer à réduire l'instabilité des marchés età empêcher l'adoption de mesures incompatibles entre elles face à des chocs économiques.L'histoire avait appris aux architectes du système multilatéral de l'après-guerre réunis àBretton Woods que les marchés financiers étaient une source particulièrement féconded'instabilité et de perturbations, et que la maîtrise des flux financiers internationaux était unpréalable à la stabilité de la monnaie, à la relance du commerce et de la croissanceéconomique et à la réalisation du plein emploi.

L'effondrement du système de Bretton Woods au début des années 70 a ouvert unepériode d'incertitude et d'instabilité financières et économiques qui n'est pas sans rappelercertaines caractéristiques de l'entre-deux-guerres. Diverses initiatives ont été engagées dansdifférentes instances dans l'espoir de trouver un système de gouvernance compatible avec destaux de change flexibles et des flux de capitaux privés de grande ampleur. Mais quelquesrares succès ne peuvent occulter un bilan globalement décevant, tenant en partie au faitd'avoir toujours voulu traiter séparément les problèmes des pays développés et ceux des paysen développement dans le cadre des arrangements financiers multilatéraux.

Avec la crise financière asiatique, on a pu croire que tout cela changerait. La virulencedes forces économiques qui se sont déchaînées après l'effondrement du baht thaïlandais enjuillet 1997 dans des pays affichant des antécédents avérés de bonne gouvernance et dediscipline macroéconomique a semblé confirmer le caractère systémique et l'enverguremondiale des crises monétaires et financières. Mais en dépit des appels lancés à ce moment-làpar certains décideurs dans les grands pays industrialisés quant à la nécessité de réformer lesystème, les initiatives dans ce sens se sont rapidement enlisées. Au lieu de mettre en placedes institutions et des mécanismes au niveau international pour limiter le risque de nouvellescrises de ce type et mieux gérer les crises qui surviendraient, on s'est exclusivement focalisésur une réforme des institutions et des politiques intérieures dans les pays en développement.

Les efforts de ces dernières années ont avant tout été axés sur des mesures visant àdiscipliner les débiteurs et à mettre en place de coûteux mécanismes d'autodéfense. Les paysont été vivement encouragés à mieux gérer les risques en adoptant de strictes normesfinancières, en améliorant la transparence, en appliquant des régimes de change appropriés,en se constituant d'amples réserves et en prenant des mesures pour associer les créanciersprivés au règlement des crises. Si quelques-unes de ces réformes ne sont assurément pas sansmérite, elles partent néanmoins du principe que la cause des crises tient essentiellement à desfaiblesses politiques et institutionnelles dans les pays débiteurs, qui doivent donc prendre lesmesures de réforme qui s'imposent. En revanche, très peu d'attention est accordée au rôle jouépar les institutions et les politiques des pays créanciers dans le déclenchement des crisesfinancières internationales.

* * *

Les propositions relatives à de nouvelles institutions internationales expressémentconçues pour réguler et stabiliser les flux de capitaux internationaux ont été immédiatementet sommairement rejetées par des critiques qui n'ont voulu y voir que l'œuvre d'originauxdénués de tout sens politique et de compétences techniques. La voie privilégiée des réformesa été d'instituer divers codes et normes pour contribuer à renforcer le système financiernational des pays débiteurs et améliorer la formulation des politiques macroéconomiques etfinancières dans ces pays, ainsi que la collecte et la diffusion de l'information. Les institutions

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de Bretton Woods, les organes installés à Bâle et le Forum de la stabilité financière ont déjàavancé toute une série de propositions dans ce sens.

De telles mesures présentent certes des avantages intrinsèques, mais elles ne peuventêtre correctement évaluées que dans le contexte d'un processus graduel de stabilisation desmarchés financiers mondiaux. Ce qui est plus préoccupant dans l'immédiat pour les pays endéveloppement est que ce qui a été proposé jusqu'ici en tant que codes et normes impliquel'idée que les principaux problèmes tiennent aux pays qui accueillent les flux de capitaux,sans que soient envisagés de changements fondamentaux des politiques et des pratiques dansles pays d'origine, ni d'améliorations de la transparence et de la réglementation detransactions financières internationales actuellement totalement libres. Et bien que l'on insistesur le caractère volontaire de l'adoption de ces codes et normes, le risque est tout à fait réelque les incitations et les sanctions qui y sont associées ne deviennent des éléments à partentière de la surveillance et de la conditionnalité du FMI, et que la nécessité de s'y conformerne grève davantage encore les capacités administratives de nombreux pays.

La volonté d'améliorer les codes et les normes reposant en grande partie sur l'idée queceux-ci s'appliqueront dans un système financier mondial stable et prévisible, les pays endéveloppement ne peuvent guère en attendre de protection immédiate contre des fluctuationsdes flux financiers internationaux qui dépendent fortement des politiques et des conditionsmonétaires dans les grands pays industrialisés. Presque toutes les grandes crises sur lesmarchés émergents ont été associées à des modifications des taux de change et de la politiquemonétaire dans ces pays. La cause de ce problème réside en grande partie dans l'incapacitéd'instaurer un régime stable de taux de change depuis l'effondrement des arrangements deBretton Woods. Il était escompté alors que le flottement des principales monnaies de réserveentraînerait automatiquement des ajustements ordonnés de la balance des paiements, une plusgrande stabilité des taux de change et une plus grande autonomie de la politiquemacroéconomique. Rien de tel ne s'est produit. Mais si les dommages provoqués par lesmouvements désordonnés des taux de change ont été limités pour les économies du G-3, celan'a pas été le cas pour les pays en développement débiteurs, qui sont beaucoup plusdépendants du commerce et dont les caractéristiques en tant qu'emprunteurs les exposent à unplus grand risque monétaire.

Malgré un large consensus selon lequel les institutions de Bretton Woods devraientrevenir à ce qu'elles savent faire le mieux, les discussions sur la réforme du systèmemonétaire et financier international ont jusque-là évité de s'appesantir sur la façon dont leFonds monétaire international pourrait contribuer au rétablissement d'un système de changestable entre les monnaies du G-3. Les propositions visant à assurer une plus grande stabilitépar une coordination des interventions et des politiques macroéconomiques, y comprisl'établissement de zones de référence officielles, ont été écartées, et les discussions se sontconcentrées sur les avantages et les inconvénients pour les pays en développement de régimesde taux de change fixes ou flottants et sur les politiques macroéconomiques compatibles avecl'une ou l'autre de ces "solutions fondamentales". C'est ignorer cette évidence que les paysen développement ne peuvent unilatéralement aligner et stabiliser leurs taux de change si lesprincipales monnaies de réserve restent soumises à de fréquentes fluctuations et à defréquents désalignements, et les flux financiers internationaux à d'amples variations en dehorsde tout contrôle des pays d'accueil.

* * *

En raison du peu de progrès réalisés sur les meilleurs moyens de prévenir les crisesfinancières, on s'est davantage préoccupé de la meilleure façon d'en limiter les dégâts par uneaction plus rapide et plus efficace lorsque ces crises se produisaient. Mais l'application devastes plans de sauvetage financier - option préférée, dans les pays créanciers comme dans lespays débiteurs - devient de plus en plus problématique, car non seulement ces plans créent unrisque moral pour les prêteurs, mais ils transfèrent aussi le fardeau de la crise sur lescontribuables dans les pays débiteurs. De plus, ils se heurtent à une opposition politique dans

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les pays créanciers dans la mesure où les crises deviennent plus fréquentes et plus larges, etles fonds nécessaires toujours plus importants. Aussi a-t-on recherché les moyens derééquilibrer le fardeau entre créanciers publics et créanciers privés, ainsi qu'entre débiteurs etcréanciers, en associant les créanciers privés à la gestion et au règlement des crises. Laquestion est controversée. Si la communauté internationale a fini par reconnaître que toutediscipline effective du marché impliquait nécessairement que les créanciers assument lesconséquences des risques qu'ils prennent, aucun accord sur la façon de parvenir à un telrésultat n'a pu être trouvé.

Depuis un certain temps déjà, le secrétariat de la CNUCED préconise un geltemporaire des remboursements de la dette dans les situations de crise pour empêcher unaccaparement d'actifs par les créanciers, gel combiné à des prêts dont les intérêts ne sont pascomptabilisés de façon que les débiteurs aient accès à des fonds de roulement. Bien qu'il nesoit pas nécessaire pour cela de faire appel à des procédures de faillite internationaleproprement dite, une couverture obligatoire effective au niveau international est néanmoinsnécessaire. Mais cela a suscité une vive opposition de la part de certaines grandes puissanceséconomiques et de certains acteurs du marché, qui sont plus favorables à des arrangementsvolontaires entre débiteurs et créanciers. Les gouvernements de certains pays débiteurs sesont également déclarés réservés à l'égard de cette proposition, par crainte de réduire leuraccès aux marchés financiers internationaux. Toutefois, même s'ils peuvent contribuer à larestructuration de la dette, les arrangements volontaires ne peuvent guère mettre un frein à lacourse aux actifs. Là encore, l'expérience récente en matière de règlements montre que sansprotection statutaire des débiteurs, ce sont les créanciers qui resteront en position de force.

Toute stratégie crédible visant à associer le secteur privé à la gestion et au règlementdes crises devrait combiner un gel temporaire obligatoire et de strictes limites en matièred'accès aux ressources du Fonds. Un premier pas dans cette direction consisterait à élaborerdes directives explicites conformes aux statuts du FMI, permettant de geler le contentieuxd'un créancier afin de fournir une protection statutaire à un débiteur appliquant un moratoiretemporaire. Toutefois, le principal objectif d'un prêt de crise ou d'un prêt exceptionnel étantde permettre à un débiteur d'honorer ses obligations vis-à-vis de ses créanciers, il seraitdifficile d'obtenir la participation du secteur privé sans limiter l'accès au financement du FMI.Il est effectivement de plus en plus admis qu'il est nécessaire de limiter les prêts de crise.Mais il faut pour cela reconnaître que les actuelles quotes-parts du FMI n'ont pas suivil'évolution de la croissance, de la production, du commerce et des flux financiers mondiaux etne permettent peut-être pas de ce fait d'évaluer les limites souhaitables à fixer à un accèsnormal. L'approche actuelle continue de favoriser les plans de sauvetage à grande échellepour les pays jugés présenter des risques systémiques, tandis que d'autres pays se heurteraientà des limites en matière d'accès et seraient encouragés à se placer en situation de défaut depaiement afin d'impliquer leurs prêteurs privés dans le règlement de leurs difficultésfinancières.

* * *

Ce ne sont pas les seuls changements qui doivent être apportés aux mandats et auxpolitiques des institutions de Bretton Woods. Au cours des deux dernières décennies, le refusdes pays avancés de laisser le FMI s'occuper de questions monétaires et financières litigieusestouchant directement leurs propres intérêts a vidé de toute signification réelle la surveillancepar le Fonds des politiques des plus importants acteurs du système mondial. Il y a par contreeu intensification de la surveillance exercée sur les pays en développement, désormais élargieà des questions concernant le secteur financier, conformément au diagnostic selon lequel lesprincipales carences se trouvent dans les pays débiteurs.

Une conséquence en a été la multiplication des conditionnalités associée aux prêtsaccordés par le FMI à des pays confrontés à une crise réelle ou potentielle, ce qui a suscité desérieuses inquiétudes quant à l'affaiblissement de la responsabilité souveraine, même sil'efficacité de la surveillance du FMI est de plus sujette à caution. Ces inquiétudes se sont

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amplifiées à la suite de la crise est-asiatique, des conditionnalités excessives ayant conduitdes gouvernements à prendre des mesures qui ont aggravé cette crise. D'où les appels lancés,y compris au sein même du Comité monétaire et financier international, en faveur d'unerationalisation et d'un recentrage de la surveillance conformément aux compétencesfondamentales du Fonds en matière de politique macroéconomique et de réformescorrespondantes. Toutefois, les récentes difficultés financières de la Turquie et de l'Argentinetémoignent de la réticence à rompre avec la pratique consistant à assortir d'un large éventailde recommandations de politique générale tout plan d'emprunt négocié avec le FMI.

Dans la mesure où les fluctuations des taux de change et des politiques monétaires dansles principaux pays industrialisés sont un catalyseur de crises ailleurs dans l'économiemondiale, une priorité du processus de réforme doit être de renforcer les mécanismes desurveillance afin de parvenir à un minimum de cohérence entre les politiquesmacroéconomiques de ces pays. Compte tenu de l'asymétrie des pratiques en vigueur, unepossibilité serait de lier les procédures de surveillance à un mécanisme analogue à celui quiest utilisé pour le règlement des différends en matière de commerce international, où lesdésaccords sur l'impact des politiques macroéconomiques et financières pourraient êtreexaminés et des solutions recherchées.

Des proposit ions de réforme plus radicales se sont appuyées sur le consensus selonlequel le Fonds devrait fournir des liquidités internationales non seulement aux paysconfrontés à des difficultés de compte courant, mais aussi aux pays confrontés à desproblèmes tenant au compte de capital. D'après la Commission Meltzer, le moment est venude faire du Fonds un prêteur international de dernier recours pour tout pays remplissant unesérie de conditions ex ante de solvabilité. Cette proposition présente deux grandsinconvénients. D'une part, elle risque d'entraîner l'application de plans de financementbeaucoup plus vastes que les actuels programmes de prêt de crise, avec des problèmesconnexes de risque moral pour les prêteurs et aucune incitation pour une intervention dusecteur privé. D'autre part, un changement radical de la politique de prêt du FMI en faveurd'un financement à court terme du compte de capital aboutirait à interdire aux pays endéveloppement jugés peu importants d'un point de vue systémique tout accès au financementmultilatéral. Ces propositions font trop confiance aux forces du marché pour à la foisrésoudre les crises financières et assurer le financement du développement.

L'un des objectifs initiaux du FMI était de fournir un financement à court terme auxpays confrontés à des problèmes de compte courant dus à des chocs et à des perturbationstemporaires, afin de garantir un processus d'ajustement ordonné. L'expérience ne cesse demontrer que les marchés financiers sont souvent incapables de répondre à de tels besoins,dans la mesure où ils ont tendance à être procycliques. Étant donné l'instabilité croissante del'environnement commercial et financier extérieur des pays en développement, une réformeeffective des institutions de Bretton Woods devrait viser à améliorer, et non pas à éliminer, lefinancement contracyclique et le financement d'urgence des transactions commerciales etautres transactions courantes.

* * *

La conception de mécanismes globaux raisonnablement efficaces pour parvenir à lastabilité monétaire et financière pose assurément un certain nombre de difficultésconceptuelles et techniques, dont les systèmes nationaux fournissent une illustrationfamilière. S'ajoutent, au niveau international, des problèmes politiques liés à la recherche d'unjuste équilibre entre discipline multilatérale et souveraineté nationale. De fait, les contrainteset les antagonismes politiques semblent être la principale raison pour laquelle la communautéinternationale n'a pu véritablement progresser dans la mise en place de mécanismes globauxefficaces pour la prévention et la gestion des crises financières. En particulier, le processus aété orienté dans le sens des intérêts des principaux pays créanciers, qui exercent une influenceprépondérante au sein des institutions financières multilatérales, ainsi que d'organes créésplus récemment dans le but explicite de réformer l'architecture financière internationale. C'est

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ainsi que nombre de questions d'une importance cruciale pour les pays en développement ontété exclues du programme de discussion des réformes.

Pour que les réformes des actuelles structures financières soient crédibles, il fautqu'elles fassent place à une beaucoup plus grande influence collective des pays endéveloppement et qu'elles soient empreintes d'un véritable esprit de coopération entre tous lespays. Cela exigera une refonte du programme de discussion des réformes, ainsi qu'un examenminutieux de la représentation au sein des actuelles institutions financières multilatérales etde leurs pratiques en matière de prise de décisions.

Mais il est aussi important que les pays en développement eux-mêmes parviennent à unconsensus sur la façon dont ils veulent voir évoluer le processus de réforme. Si ce consensusfait encore défaut sur plusieurs aspects, il existe néanmoins de nombreux objectifs communs,dont : un traitement plus équilibré et plus symétrique des débiteurs et des créanciersconcernant les normes, les codes, la transparence et la réglementation; une plus grandestabilité des taux de change; une surveillance plus symétrique; une conditionnalité moinsenvahissante; et surtout, des institutions et des processus multilatéraux plus démocratiques etplus participatifs. Une réforme effective du système monétaire et financier internationaldépendra en dernière analyse de la volonté des pays en développement d'organiser leursefforts autour de tels objectifs communs, et de l'acceptation par les pays développés de lanécessité de prendre en compte ces objectifs pour édifier un système plus intégré degouvernance économique mondiale.

En l'absence d'arrangements collectifs pour un système financier international stable,les pays en développement devraient éviter de prendre des engagements restreignant leurautonomie d'action en matière de lutte contre l'instabilité financière. La mise en placed'arrangements régionaux en tant que mécanismes de défense collective contre lesimperfections et l'instabilité systémiques suscite aujourd'hui un intérêt croissant, et lesmonnaies régionales sont de plus en plus considérées comme des options viables par rapportà la dollarisation. L'expérience européenne a également été montrée comme un modèled'arrangements régionaux - fourchettes de fluctuation monétaire intrarégionale, mécanismesd'intervention, régimes des mouvements de capitaux, mécanismes de soutien en matière depaiements, mécanismes régionaux de prêteur en dernier recours, notamment. De telsarrangements entre pays en développement nécessitent probablement la participation d'ungrand pays à monnaie de réserve désireux et capable de jouer un rôle clef en la matière. À cetégard, des initiatives récemment prises en Asie, associant des pays en développement et leJapon, pourraient constituer une importante étape dans la voie d'une intégration monétairerégionale plus étroite.

Le Secrétaire général de la CNUCEDRubens Ricupero

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PREMIÈRE PARTIE

TENDANCES ET PERSPECTIVESMONDIALES

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L’économie mondiale: résultats et perspectives 3

Chapitre I

L’ÉCONOMIE MONDIALE: RÉSULTATSET PERSPECTIVES

A. Perspectives globales

Les perspectives de croissance de l’économiemondiale se sont assombries vers la fin de 2000.Après une période d’expansion sans précédent, letaux de croissance des Etats-Unis a baissé auxtroisième et quatrième trimestres, notamment enraison d’une série de majorations des taux d’intérêt,de la chute des cours boursiers et de la hausse du prixdu pétrole. La contraction des investissements auquatrième trimestre a entraîné une quasi-stagnationau début de 2001, ce qui a suscité la crainte qu’unatterrissage plus brutal que prévu n’entraîne unerécession de l’ensemble de l’économie mondiale. Lefait que le ralentissement de la croissance et ses effetspossibles aient surpris de nombreux observateursconfirme une fois de plus que les décideurs de toutesles régions du monde sont mal préparés à répondreaux problèmes que cause l’intégration de l’économiemondiale 1.

En raison de cette intégration, les chocs del’économie réelle et du marché financier serépercutent beaucoup plus vite d’une région à l’autre,d’un pays à l’autre et d’un secteur à l’autre. A causedes interactions entre l’économie réelle et lesmarchés financiers, ces chocs ont des effetsinattendus. Dans un premier temps, on pensait que lacrise financière d’Asie allait entraîner une récessionmondiale; au contraire, elle a stimulé l’économie desEtats-Unis, prolongeant sa croissance, ce qui afacilité un redressement rapide de l’Asie grâce à uneaugmentation des exportations (Rapport sur lecommerce et le développement, 1999 et 2000). Enrevanche, elle a pesé sur les prix des produitsprimaires et du pétrole, ce qui a contribué à limiterl’inflation aux Etats-Unis, mais a provoqué des

difficultés de balance des paiements et des difficultésbudgétaires dans plusieurs pays en développement.Ces difficultés ont fini par déclencher une nouvellesérie de chocs financiers, qui a commencé par lasuspension du paiement des intérêts sur lesobligations de la Fédération de Russie, entraînant unefuite généralisée vers la liquidité qui a même menacéle marché financier des Etats-Unis à la fin de l’été de1998. La réduction des taux d’intérêt opérée par laRéserve fédérale aux Etats-Unis en réponse à cettemenace, suivie par d’importantes injections deliquidités visant à faciliter le passage à l’an 2000 dessystèmes informatiques et l’introduction de l’euro, araffermi la confiance, notamment aux Etats-Unis, etentraîné une accélération de la croissance mondialeen 1999 et au début de 2000.

Toutefois, le redressement de l’économiemondiale a aussi aggravé certains déséquilibresintérieurs et internationaux, de la même façon quelors de périodes précédentes d’instabilité financière etde perturbations majeures de la conjoncture. Selon leRapport sur le commerce et le développement 2000,il était inévitable et imminent que l’expansion del’économie des Etats-Unis prenne fin. Ledurcissement de la politique monétaire de la Réservefédérale, qui a commencé au milieu de 1999 et s’estachevé en mai 2000 lorsque le taux au jour le jour aatteint 6,5%, n’a pas eu des effets aussi rapides queprévu sur les dépenses des entreprises et desménages, mais ces effets sont devenus manifestes audernier trimestre de 2000. Le ralentissement del’économie devrait entraîner une réduction du déficitdes opérations courantes des Etats-Unis, actuellementsupérieur à 4% du PIB, ce qui contribuera à corriger

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4 Rapport sur le commerce et le développement, 2001

un des grands déséquilibres de l’économie mondiale,mais si l’expansion ne s’accélère pas dans le reste dumonde il entraînera un fléchissement sensible de lademande globale.

De nombreux observateurs s’attendent à ce quele ralentissement soit de courte durée, même siaujourd’hui on prévoit qu’il sera plus marqué qu’onne le pensait il y a quelques mois; selon cesobservateurs, lorsque les cours des actions, lesexcédents de capacité et les stocks reviendront à unniveau normal, l’économie des Etats-Unis devraitretrouver un rythme de croissance dynamique, grâcenotamment à la diffusion et au développement desnouvelles technologies des télé-communications et de l’informa-tion. Si tel est le cas, lacroissance de l’économie mon-diale ne devrait guère êtreaffectée par ce qui sera tout auplus une brève récession, quiaura pris fin au deuxième semes-tre de 2001.

Toutefois, pour analyser leralentissement de l’économie desEtats-Unis il ne suffit pas de seréférer aux cycles précédents, lorsqu’on mettait finaux périodes de surchauffe en resserrant la politiquemonétaire pour contenir les pressions sur les prix etles salaires et en durcissant la politique budgétairepour maîtriser la dette publique. Les analystes quicontestent la théorie selon laquelle les nouvellestechnologies de l’information et des télécomm-unications ont provoqué un saut structurel dupotentiel de production de l’économie et unemodification profonde de son comportement cycliquefont observer que l’endettement des entreprises et desménages a beaucoup augmenté, que le taux d’épargnea diminué et que le déficit budgétaire a laissé place àun excédent considérable (Godley, 2000). Si lesecteur privé décidait de se désendetter et si le tauxd’épargne revenait au niveau habituel, il en résulteraitune contraction de la demande qui pourrait provoquerune récession durable, car elle serait largementsupérieure à la relance budgétaire qu’on peut attendredes réductions d’impôts prévues2. S'ils ont raison,aucune région du monde ne peut espérer échapperaux effets d’une récession aux Etats-Unis.

Il faut donc se demander si une nouvelle régionpourra devenir la locomotive de l’économie mondialeet compenser l’effacement au moins temporaire desEtats-Unis. Contrairement à ce qui s’est passé avec lacrise d’Asie, la présente récession ne devrait pas setraduire par une stimulation notable de l’expansiondu reste de l’économie mondiale. Le début de repriseobservé au Japon, qui dépend d’une augmentationdes exportations et des bénéfices des entreprisesinduisant une relance de l’investissement, risque dene pas résister à un fléchissement de l’économie desEtats-Unis. De plus, au Japon le taux de croissance

était déjà négatif au troisième trimestre de 2000, alorsqu’il avait été assez satisfaisant durant le premiersemestre. Enfin, comme les taux d’intérêt sontproches de zéro et que le déficit public estconsidérable, les autorités japonaises n’ont qu’unemarge de manœuvre très limitée, sauf à recourir à unedévaluation massive. C’est pourquoi la plupart desobservateurs comptent sur l’UE pour soutenir lacroissance de l’économie mondiale et compenser ledéclin de la demande d’importation des Etats-Unis.

En 2000, le taux de croissance de l’UE adépassé le seuil des 3% pour la première fois depuisune décennie (tableau 1.1) et l’on considère

généralement qu’il sera supérieurà celui des Etats-Unis en 2001,étant donné que les exportationsde l’UE vers les Etats-Unis nereprésentent même pas 3% de saproduction. Toutefois, bien queles pays de l’UE aient réussi àréduire leur déficit budgétaire, àpréserver l’excédent de leursopérations courantes et à maîtri-ser l’inflation, l’accélération dela croissance observée l’année

dernière a été due à la vigueur de l’exportation, quiexplique la moitié de la progression de la production,même dans les grands pays comme l’Allemagne.Comme la contribution des exportations nettesdevrait diminuer en 2001, il faudrait une expansiondurable de la demande privée intérieure pour que lesobjectifs de croissance pourtant modestes formulésau Sommet de Lisbonne puissent être atteints.Jusqu’à présent, et en dépit de la légère stimulationrésultant des réformes budgétaires réalisées parplusieurs pays, les autorités ne semblent pas du toutdisposées à essayer d’obtenir le type de croissancetirée par la demande intérieure qu’on a observé auxEtats-Unis ces dernières années. Au contraire, alorsmême que la situation macroéconomique globaledonne à penser que l’Europe devrait enfin être prête àéprouver les limites de son taux de croissancepotentiel, comme l’ont fait les Etats-Unis dans ladeuxième moitié des années 90, la Banque centraleeuropéenne (BCE) continue d’affirmer que le taux decroissance potentiel de la zone euro (c’est-à-dire letaux qui peut être obtenu sans accélération del’inflation) reste toujours compris entre 2 et 2,5%3, cequi laisse entendre qu'elle ne voit aucune possibilitéd’assouplir sa politique monétaire dans l’immédiat.

Cette réticence à agir de façon concertée pouraccélérer la croissance est préoccupante car, selontoute probabilité, l’Europe sera plus touchée par leralentissement de l’économie des Etats-Unis que nel’affirment les autorités en arguant que les relationscommerciales entre l’Europe et les Etats-Unis sonttrès limitées. Les exportations de la zone euro vers lereste du monde représentent encore plus de 15% desa production, ce qui est une proportion beaucoup

Contrairement à ce qui s’est passéavec la crise d’Asie, la présente

récession ne devrait pas setraduire par une stimulation

notable de l’expansion du reste del’économie mondiale.

Page 25: RAPPORT SUR LE COMMERCE ET LE DÉVELOPPEMENT, 2001

L’économie mondiale: résultats et perspectives 5

Tableau 1.1

PRODUCTION MONDIALE, 1990-2000

(Pourcentage de variation par rapport à l’année précédente)

Région/pays 1990-1995a 1995-2000a 1990-2000a 1998 1999 2000b

Ensemble du monde 2,0 3,1 2,6 1,9 2,7 4,0

Pays développés à économie de marché

1,8 2,9 2,3 2,1 2,6 3,5

dont :

Etats-Unis 2,4 4,3 3,4 4,4 4,2 5,1Japon 1,4 1,1 1,3 -2,5 0,2 1,3Union européenne 1,5 2,5 2,0 2,7 2,4 3,3

dont :

Zone euro 1,6 2,4 2,0 2,8 2,4 3,4Allemagne 2,0 1,8 1,9 2,1 1,6 3,1

France 1,0 2,4 1,7 3,2 2,9 3,1Italie 1,3 1,7 1,5 1,5 1,4 2,9

Royaume-Uni 1,6 2,8 2,2 2,6 2,2 3,1

Pays en transition -6,9 1,9 -2,6 -0,6 2,3 5,6Pays en développement 5,0 4,3 4,6 1,5 3,3 5,5dont :

Afrique 1,5 3,6 2,5 3,2 2,9 3,5Amérique latine 3,6 2,9 3,3 1,9 0,1 3,7Asie 6,2 5,0 5,6 1,1 4,9 6,6

dont :

Chine 12,0 8,3 10,1 7,8 7,1 8,0Autres 4,9 4,1 4,5 -0,8 4,2 6,2

Pour mémoire :

Pays en développement, hormis la Chine

4,1 3,7 3,9 0,5 2,7 5,1

Source : Calculs du secrétariat de la CNUCED, sur la base de données exprimées en dollars de 1995.a Moyenne annuelle.b Estimations.

plus élevée qu’aux Etats-Unis ou au Japon, et commel’année dernière certains des principaux paysd’Europe ont été très tributaires de l’exportation, il ya lieu de penser qu’un fléchissement de l’économiemondiale pourrait encore les affecter durement. Deplus, en raison de l’intégration de la production àl’échelle mondiale, la rentabilité et les projetsd’investissement des entreprises peuvent être trèsrapidement perturbés par une variation de laconjoncture dans un pays où elles ont de nombreusesfiliales. Cela vaut en particulier pour les entrepriseseuropéennes de haute technologie qui ont fait desacquisitions considérables aux Etats-Unis cesdernières années. Les répercussions de la réductiondes bénéfices des filiales américaines sur les marchésboursiers européens pourraient être accentuées par

une baisse du dollar, auquel cas il serait encore plusdifficile aux pays européens de compenser le déclinde leurs exportations vers les Etats-Unis par une aug-mentation des dépenses d’investissement intérieur.

En conséquence, sauf réorientation résolue de lapolitique économique, il est peu probable que le tauxde croissance de l’UE atteigne 3% en 2001 et ilpourrait bien être en fait nettement moins élevé. Deplus, comme la propension à importer de l’UE estassez faible, il faudrait que son taux de croissancesoit plus élevé que celui enregistré aux Etats-Unis cesdernières années pour qu’elle puisse générer undéficit extérieur similaire à celui des Etats-Unis etacheter les produits que les économies en voie derétablissement d’Asie et d’Amérique latine ont leplus grand besoin d’exporter.

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6 Rapport sur le commerce et le développement, 2001

Il est d’autant plus difficile d’améliorer lacoordination des principales économies mondialesque la façon dont les taux de change réagiront pours’adapter aux déséquilibres actuels est très incertaine.La vigueur du dollar ces dernières années a été dueau fait que le taux de croissance et le niveau desbénéfices aux Etats-Unis étaient relativement élevés,à l’importance des flux de capitaux attirés par larévolution des technologies de l’information et de lacommunication, à un écart de taux d’intérêt positif età la prime de liquidités dont les actifs libellés endollars ont joui après la crise mondiale qui a étéprovoquée par le moratoire de la Russie en 1998. Sile taux de croissance de l’économie des Etats-Unisdiminue assez pour inciter laRéserve fédérale à continuerd’assouplir sa politique moné-taire, cela éliminerait deux desfacteurs qui ont soutenu le coursdu dollar. De plus, le grand mou-vement d’acquisition d’entre-prises des Etats-Unis qu’on aobservé durant la période de fortehausse des cours des actions dessociétés de haute technologie 4

paraît s’épuiser, car les entre-prises européennes préfèrentdésormais consolider leurs activités existantes plutôtque d’acquérir de nouvelles entreprises dans unmarché de plus en plus incertain5. Toutefois, l’impactde cette évolution sur le dollar n’est pas certain, carune partie des fusions et acquisitions se font paréchange d'actions et ne nécessitent donc pas d’achatde dollars6.

Quoi qu’il en soit, vu qu’on s’attendgénéralement à un ralentissement de la croissance, àune baisse des taux d’intérêt et à une diminution de larentabilité des entreprises de haute technologie auxEtats-Unis, la prime de liquidité dont jouissent lesactifs des Etats-Unis reste le principal soutien dudollar. L’expérience récente nous a appris que cesoutien n’est pas très fiable. Le risque d’une fortebaisse du dollar des Etats-Unis, induite par unralentissement des achats d’actifs libellés dans cettemonnaie, et d'une perturbation généralisée desmarchés financiers dépend sans doute en grandepartie de la façon dont les déséquilibres mondiauxseront corrigés et notamment de l'évolution du déficitdes opérations courantes des Etats-Unis. Des mesuresbrutales visant à rétablir l’équilibre, s’ajoutant à unfléchissement de la dépense privée à l’échellemondiale, pourraient provoquer une récessiongénéralisée.

Une dépréciation soudaine du dollar aggraveraitla fragilité du marché financier international, maispar contre un déclin modéré serait bon pour lacroissance de l’économie mondiale. Dans le cas del’Europe, les avantages d’un raffermissement del’euro, qui permettrait une baisse des taux d’intérêt,

seraient probablement supérieurs aux inconvénientsrésultant de la baisse de compétitivité et de ladiminution des bénéfices des entreprises européennesayant des filiales aux Etats-Unis. De plus, ilsrendraient la croissance moins tributaire de lademande extérieure et encourageraient l’Europe àjouer un rôle plus actif dans le soutien de l’économiemondiale.

Le ralentissement de la croissance aux Etats-Unis aura probablement des effets négatifs sur lespays en développement, surtout s’il n’est pascompensé par une accélération de la croissance dansles autres pays de l’OCDE, même si le déclin dudollar reste modéré. Son impact sur les différents

pays et régions dépendra del’importance relative de leursliens commerciaux et financiersavec les Etats-Unis. En Asie, oùla hausse des exportations nettesa permis de financer leredressement après la crise, unebaisse du dollar, s’ajoutant à unerécession aux Etats-Unis, entraî-nerait une contraction rapide del’excédent des opérations cou-rantes et pourrait compromettre

la restructuration des banques et des entreprises7. Lesliens avec des entreprises américaines sontparticulièrement forts dans les industries de hautetechnologie, telles que les semi-conducteurs, lesmicro-ordinateurs et les équipements detélécommunications, dans lesquelles le déclin duchiffre d’affaires et les difficultés de financement dela production entraînent directement une réductiondes importations de composantes provenant d’Asie.Une chute brutale du dollar pourrait entraîner unedépréciation des monnaies d'Asie et, s’ajoutant à labaisse du prix des semi-conducteurs, provoquer unedétérioration supplémentaire des termes de l’échangeet une contraction de la demande dans plusieurs pays.De ce fait, il pourrait être difficile de préserver lastabilité des taux de change entre les monnaies despetits pays d’Asie et celle de la Chine. Leredressement de l’économie japonaise, qui a étéfavorisé par une hausse des exportations vers l’Asie,serait aussi compromis en cas de baisse du dollar oude dépréciation des monnaies d’Asie par rapport audollar. Les entreprises japonaises seraient en outrepénalisées par le fait que leurs filiales au Mexiquesont très tributaires de l’exportation et que leurchiffre d’affaires et leurs bénéfices souffriraient aussid’une dépréciation du dollar par rapport au peso oudu peso par rapport au yen.

En revanche, la dépréciation du dollar et labaisse des taux d’intérêt pourraient aider denombreux pays d’Amérique latine qui ont rattachéleur monnaie, directement ou indirectement, audollar. Sauf dans le cas du Mexique et de quelquespetits pays des Caraïbes, les pays d’Amérique latine

Une dépréciation soudaine dudollar aggraverait la fragilité dumarché financier international,

mais par contre un déclin modéréserait bon pour la croissance de

l’économie mondiale.

Page 27: RAPPORT SUR LE COMMERCE ET LE DÉVELOPPEMENT, 2001

L’économie mondiale: résultats et perspectives 7

dépendent moins de l’exportation vers les Etats-Unisque les pays d’Asie, tandis que leurs liens financierssont plus forts. Le Brésil et surtout l’Argentinepourraient être favorisés par une baisse du dollar etdes taux d’intérêt aux Etats-Unis, en raison des effetsque cela aurait sur leurs finances publiques et leurbalance des services. Comme les grands paysd’Amérique latine ont encore une importante detteextérieure, la baisse des taux d’intérêt internationaux

leur apporterait des avantages supérieurs auxinconvénients liés au recul des exportations.Toutefois, même dans ces pays, il est probable queles courants d’échange se contracteront. En outre, sile ralentissement de la croissance aux Etats-Unisentraîne une plus grande aversion pour le risque, etdonc une augmentation des primes de rendement surles emprunts des pays émergents, l’effet global sur larégion pourrait être très négatif.

B. Les pays développés

1. Le refroidissement de l’économie desEtats-Unis

La récente expansion de l’économie des Etats-Unis a été favorisée par l’expansion de la demandeintérieure et par un processus de destruction créatricequi a entraîné une augmentation des investissementsdans les nouvelles technologies et des gains deproductivité. Grâce à plusieurs événements interna-tionaux, l’inflation est restée modérée, malgré le faitque le taux de croissance atteignait environ 5,5% etque le taux de chômage était inférieur à 4%. Lahausse du prix du pétrole en 2000 a fait monter letaux d’inflation (indice des prix à la consommation) àprès de 4% durant les trois premiers trimestres de2000, mais, pour le reste, les pressions inflationnistesrestent faibles.

Toutefois, comme le taux de croissanceenregistré ces dernières années a dépassé la plupartdes estimations, la Réserve fédérale a majoré le tauxde l’argent au jour le jour pour le porter jusqu’à 6,5%au milieu de 20008. Le dynamisme de l’économie aapparemment résisté au durcissement de la politiquemonétaire jusqu’au milieu de 2000, mais lefléchissement des troisième et quatrième trimestresde 2000 a été beaucoup plus prononcé que prévu etl’économie a stagné durant le premier trimestre de2001, ce qui donne à penser que le risque derécession est loin d’être négligeable.Rétrospectivement, on peut dire que la dernièremajoration de 50 points de base du taux au jour lejour n’était pas nécessaire, de même que peut-être lamajoration précédente qui a porté ce taux de 5,75 à6%, compte tenu du fait que la politique monétairen’agit qu’avec retard. En réponse à la chute des coursboursiers et à un net recul des indicateurs deconfiance des consommateurs, la Réserve fédérale a

réduit le taux de 50 points de base à deux reprises enjanvier 2001.

Le fait que le ralentissement de la croissance aété plus prononcé que prévu s’explique par deuxfacteurs qui se renforcent mutuellement : le déclindes dépenses d’équipement informatique et la fortebaisse de la confiance des consommateurs, qui aentraîné une réduction de la dépense des ménages.

Un des traits les plus frappants de la dernièrepériode d’expansion aux Etats-Unis a été lacroissance soutenue de l’investissement intérieurfixe, qui a duré beaucoup plus longtemps que dansles autres grands pays industriels et que dans lesprécédents cycles d’expansion aux Etats-Unis eux-mêmes (graphique 1.1). Au deuxième semestre de2000, les investissements fixes bruts des entreprisesdépassaient 18% du PIB (graphique 1.2) et leursinvestissements dans les équipements informatiqueset les logiciels dépassaient 10% du PIB. Lesinvestissements dans les technologies del’information et de la communication expliquentenviron le quart de la croissance réelle du PIB aucours des six dernières années9. Une grande partie deces investissements ont pris la forme de création denouvelles entreprises qui avaient besoin de bâtiments,d’équipements et de toutes sortes de servicestraditionnels tels que le conseil juridique et lapublicité. Une proportion considérable de cesnouveaux investissements a été financée par desfonds de capital-risque qui avaient l’intentiond’introduire en bourse les entreprises ainsi créées.Les introductions en bourse ont permis de lever prèsde 60 milliards de dollars en 1999 et autant en 2000(mais pour l’essentiel durant le premier semestre)(NVCA, 2001). Les entreprises introduites en bourseétaient portées par la bulle spéculative du marché duNASDAQ, dont l’indice a tellement monté que lescoefficients de capitalisation des bénéfices ont

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8 Rapport sur le commerce et le développement, 2001

Graphique 1.1

LES CYCLES D’INVESTISSEMENT DANS LES GRANDS PAYS INDUSTRIELS, 1981-2000

(Formation brute de capital fixe réelle des entreprises, pourcentage de variation par rapport à l’année précédente)

Source : OCDE, Perspectives économiques, diverses parutions.

dépassé 100, ce qui rendait la levée de fonds extrê-mement facile.

Il est aujourd’hui évident que bon nombre deces nouvelles entreprises n’auraient jamais pu êtrecréées sans les facilités de financement résultant de laforte expansion du capital-risque et de la spéculationboursière. Il est aussi évident que, de ce fait, lescapacités créées dans ce secteur ont été beaucoupplus importantes que si les entreprises avaient étéfinancées de façon traditionnelle, par des prêtsbancaires ou des bénéfices réinvestis. Une brutalevague de pessimisme concernant la rentabilité futurede ces entreprises a entraîné un effondrement ducours de leurs actions durant le premier trimestre de2000. L’indice NASDAQ, qui compte une grandeproportion de sociétés liées aux technologies del’information et de la communication, a terminél’année en baisse de près de 40%. On estime que,pour les titres émis en 1999 et 2000, la perte decapitalisation boursière atteint près de 300 milliardsde dollars, et les introductions en bourse ont presque

totalement cessé à la fin de 2000 et au début de 2001.En conséquence, durant le deuxième semestre de2000, les crédits dont ces entreprises avaient besoinpour couvrir leur déficit de trésorerie se sont taris etbon nombre d’entre elles ont dû fermer ou ont faitfaillite. Les dépenses d’équipement et dépensesconnexes ont brutalement chuté et, au quatrièmetrimestre, l’investissement fixe des entreprises dansles équipements informatiques et les logiciels adiminué de 4,7% en rythme annualisé.

Ce phénomène ressemble fort à celui qu’on aobservé en Asie10, caractérisé par une grandeabondance de crédits bon marché et un optimismeexcessif concernant l’augmentation des bénéficesfuturs, qui ont suscité des investissementsimpossibles à rentabiliser. En Asie, la surchauffe aété suivie d’une crise boursière et d’une récession etaujourd’hui on peut s’attendre à une évolutionsimilaire aux Etats-Unis. Le déclin des coursboursiers a réduit la richesse des ménages et freiné ladépense des consommateurs, qui ont par ailleurs subit

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1981 1983 1985 1987 1989 1991 1993 1995 1997 1999 1981 1983 1985 1987 1989 1991 1993 1995 1997 1999

Etats-Unis

Allemagne

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Royaume-Uni30

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L’économie mondiale: résultats et perspectives 9

Graphique 1.2

ETATS-UNIS : EPARGNE ETINVESTISSEMENTS PRIVÉS, 1999-2000

(Pourcentage du PIB)

Source : Département du commerce des Etats-Unis,Bureau de l’analyse économique.

déjà le contre-coup de la hausse du prix de l’énergie.En particulier, la déréglementation et la libéralisationdes marchés de l’électricité et du gaz naturel, quidans certains Etats a entraîné un quintuplement ducoût de l’énergie dès que la température hivernale estretombée à la normale, ont entraîné une haussebrutale du coût du chauffage pour de nombreuxménages. Il est probable que la confiance et lesdépenses des consommateurs reculeront encorelorsque les effets des licenciements dus auxrestructurations d’entreprises et au déstockage serépercuteront dans l’économie11. Le taux decroissance des dépenses de consommation est tombéde 4,5% (rythme annualisé) au troisième trimestre à2,9% au quatrième trimestre.

Deux scénarios de base sont possibles pourl’économie des Etats-Unis : une contractionconjoncturelle normale qui entraînera un ajustementrapide des capacités de production et du niveau desstocks, c’est-à-dire un ralentissement de la croissancesur deux ou trois trimestres suivi d’un promptrétablissement, ou une période durable dedésinvestissement, se traduisant par une récessionsimilaire à celle qu’ont subie le Japon et l’Europe audébut des années 90.

Au début de 2001, certains indices donnaient àpenser que le rétablissement pourrait être rapide : lecours du pétrole était retombé à 20-25 dollars le baril,le gonflement des stocks paraissait enrayé, les coursboursiers semblaient se stabiliser et la balancecommerciale avait commencé à se redresser. Enoutre, le dollar avait perdu plus de 10% de sa valeurpar rapport à l’euro et les perspectives d’uneaugmentation des bénéfices exprimés en dollars ontsoutenu les actions des entreprises ayantd’importantes activités internationales. La Réserve

Graphique 1.3

ETATS-UNIS : EPARGNE DES PARTICULIERSET ÉPARGNE PUBLIQUE, 1990-2000

(Pourcentage du PIB)

Source : Département du commerce des Etats-Unis,Bureau de l’analyse économique.

fédérale a réduit les taux d’intérêt sans hésitation etannoncé que désormais elle considérait que laprincipale menace n’était plus l’inflation mais larécession.

Malgré ces éléments positifs, on ne peut pasexclure le risque d’une récession durable, car lesdernières années de la période d’expansion ont étédues à une augmentation sans précédent del’endettement du secteur privé, contre-partie d’unexcédent public lui aussi sans précédent(graphique 1.3). Depuis 1997, les dépenses privéessont supérieures aux revenus disponibles, alors quel’inverse avait été vrai sans interruption depuis 1952;au troisième trimestre de 2000, le déficit definancement du secteur privé atteignait 8% du PIB, letaux d’épargne des particuliers était devenu négatif etla dette des ménages représentait 110% du revenuannuel disponible. Ainsi, alors que l’Etat s’apprête àéponger sa dette, le secteur privé a accumulé unedette sans précédent par rapport à sa capacité deremboursement. Au moment même où les nouvellesentreprises des communications et de l’informatiqueont besoin d’emprunter pour survivre, les ménagesont aussi besoin d’emprunter s’ils veulent continuerde consommer autant. Un ralentissement de la haussedes revenus associé à une récession obligerait lesménages à accroître leurs emprunts alors que leurcapacité de rembourser la dette qu’ils ont déjàdiminue.

Le fait que l’expansion a été d’une durée sansprécédent devrait inciter à la plus grande prudencedans l’évaluation du ralentissement actuel. Certes, lesurinvestissement observé aux Etats-Unis ressemble àcertains égards à celui qui s’est produit en Asie audébut des années 90, mais les effets contradictoiresd’une politique macroéconomique expansionniste et

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10 Rapport sur le commerce et le développement, 2001

de facteurs structurels qui auraient plutôt tendance àprovoquer une contraction amènent à envisager unavenir plus incertain que les deux scénarios évoquésplus haut (encadré 1.1). L’économie des Etats-Unisest dans une position beaucoup plus solide que par lepassé, qui lui permet de prendre des mesuresbudgétaires et monétaires afin d’éviter une récessiondurable, mais il est peu probable qu’elle retrouvera lerythme de croissance de la dernière décennie etpresque certain qu’elle ne retrouvera pas le taux decroissance de près de 5% obtenu après la criseasiatique.

2. L’Union européenne

En 2000, l’Union européenne a enregistré un deses meilleurs résultats depuis la récession de 1990-1991 (tableau 1.1). Le taux de croissance a enfindépassé les 3% et le taux de chômage est tombé endessous de 10%. Les écarts de croissance entre lesgrands et les petits pays, qui avaient rendu difficilel’application d’une politique monétaire uniforme, sesont rétrécis. Le taux de croissance a été égal ousupérieur à 3% en France et enAllemagne et supérieur à 4% enEspagne. Parmi les petits pays,l’Irlande a continué de distancerle reste de la région, enregistrantun taux de croissance excep-tionnel de 11%. L’investissementet la dépense des consom-mateurs sont les moteurs de lareprise et, par conséquent, lazone euro paraît suivre les tracesdes Etats-Unis. L’écart decroissance d’environ 1,75 pointde pourcentage entre les Etats-Unis et la zone euro enregistré aucours des trois dernières années s’est inversé dans ledeuxième trimestre de 2000.

Le fait que l’Europe n’a pas réussi à obtenir unecroissance forte et durable après 1991 est dû en partieà l’influence de la politique monétaire des Etats-Unissur les taux d’intérêt européens, résultant del’intégration des marchés financiers. De plus, pourétablir sa crédibilité, la BCE a majoré les tauxd’intérêt lorsque la Réserve fédérale le faisait, quecela soit ou non justifié par l’évolution de lacroissance et de l’emploi en Europe. En raison de larigueur budgétaire nécessaire pour respecter lesobjectifs de convergence fixés par le Pacte pour lastabilité et la croissance, seule l'exportation pouvaitêtre une source de forte expansion de la demande. Lademande d’exportation a été très soutenue à partir de1999 en raison de la dépréciation de l’euro, qui s’estpoursuivie sans relâche jusqu’au troisième trimestrede 2000, moment auquel une intervention conjointe

des banques centrales du G-7 semble y avoir mis unterme. Le taux de croissance paraît avoir culminé aumilieu de 2000, c’est-à-dire à peu près en mêmetemps qu’aux Etats-Unis. En France, l’expansion estrestée vigoureuse grâce à la fermeté de la demandeintérieure et le taux de chômage a continué dediminuer, mais en Allemagne il y a eu unfléchissement beaucoup plus prononcé que prévu autroisième trimestre de 2000 et, d’après la plupart desindicateurs avancés, l’économie de la zone eurodevrait enregistrer des résultats médiocres en 200112.La contraction des exportations nettes devrait freinerla croissance et la grande question est de savoir sil’Europe pourra continuer d’obtenir des résultatsaussi bons que l’année dernière malgré leralentissement de la croissance aux Etats-Unis.

Le ralentissement de la croissance aux Etats-Unis aura des effets sur les autres pays, et passeulement par le biais du commerce international. En1998, les ventes de filiales d’entreprises allemandeset britanniques aux Etats-Unis représentaient environcinq fois leurs exportations vers ce pays, et laproportion est d’environ deux fois et demie dans lecas des petits pays d’Europe tels que les Pays-Bas. La

baisse de leur chiffre d’affairesréduira les bénéfices, si bien qu’ilsera peut-être plus difficile deconduire les restructurationsnécessaires et d'introduire lesméthodes d’organisation et deproduction avancées requisespour soutenir la concurrence desentreprises américaines. L’inté-gration de l’économie des Etats-Unis et de celle de l’Unioneuropéenne ne dépend passeulement de la proportion deséchanges commerciaux entre cesdeux blocs. D’après desestimations récentes, l’élasticité

de la croissance de la zone euro par rapport à celledes Etats-Unis atteindrait 0,413. Cela signifierait quela récente baisse du taux de croissance des Etats-Unis, qui représente plus de 3 points de pourcentagepar rapport à la moyenne des cinq dernières années,pourrait entraîner une baisse d’environ 1,5 point depourcentage du taux de croissance européen, ce qui leferait tomber à moins de 2%, sans parler d’unéventuel impact additionnel en cas deraffermissement de l’euro.

Néanmoins, l’Europe semble mieux placée quejamais pour devenir plus indépendante de laconjoncture des Etats-Unis. Comme les entrepriseseuropéennes ne sont pas aussi endettées que cellesdes Etats-Unis, l’investissement devrait être moinspénalisé par la pénurie de liquidités et lerenchérissement du financement sous formed’émission d’obligations ou d’actions, de même quepar les difficultés du secteur des technologies de

L’Europe semble bien placée pourgarder le dynamisme de l’annéedernière et soutenir la demande

mondiale face au ralentissement del’économie des Etats-Unis. A ceteffet, il faut que les principaux

pays de la région cessent de tropcompter sur l’exportation pour

stimuler leur croissance.

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L’économie mondiale: résultats et perspectives 11

Encadré 1.1

ANALYSE DU FLÉCHISSEMENT DE LA CROISSANCE AUX ETATS-UNIS

De nombreux observateurs s’attendent à ce que l’économie des Etats-Unis passe par une brève périodede récession de type keynésien, liée au surinvestissement et à l’accumulation de stocks, qui seraitsuivie d’un redressement assez rapide. Cela dépendra beaucoup d’un ajustement judicieux de lapolitique budgétaire et monétaire. Toutefois, plusieurs facteurs donnent à penser que le fléchissementactuel est d’une nature très différente.

L’expansion rapide et durable des investissements des entreprises a joué un rôle important dans lapériode de croissance sans précédent qu’ont connue les Etats-Unis, mais le plus frappant a étél’augmentation des investissements informatiques, qui ont progressé en moyenne de près de 50% paran entre 1995 et 2000. L’investissement total dans les logiciels et les équipements de traitement del’information a augmenté moins vite, d’environ 25% par an. Ces investissements représentaient moinsde 10% du PIB en 2000, mais c’est à eux qu’est imputable près du tiers de l’augmentation de laproduction enregistrée entre 1995 et 1999.

Cette expansion exceptionnellement rapide de l’investissement a été due essentiellement à la créationde nouvelles entreprises qui visaient à exploiter une vague d’innovations technologiques dans lesdomaines de l’informatique et des télécommunications. La multiplication des fonds de capital-risque etla spéculation boursière ont permis de financer de nouvelles entreprises n’ayant aucun bénéfice etseulement des perspectives très incertaines1. La forte hausse du cours des actions introduites en boursea réduit le coût du financement. Les fonds de capital-risque ont donc pu récupérer leur mise et financerde nouvelles entreprises. Tant que le marché boursier restait optimiste, des entreprises de hautetechnologie n’ayant aucune chance de devenir rentables ont pu continuer d’obtenir des financementspeu coûteux pour couvrir leurs pertes. Toutefois, l’existence de ces entreprises représente un excédentde capacités qui ne peut pas être absorbé même par l’augmentation de la demande liée à une surchauffeconjoncturelle. En cas de fléchissement de la croissance, la faillite est presque inévitable.

Ce processus semble désormais engagé. Il a commencé avec l’effondrement de l’indice NASDAQ aupremier trimestre de 2000, lorsque les investisseurs ont commencé à faire une distinction entre lesnouvelles entreprises qui faisaient des progrès et avaient de bonnes perspectives de rentabilité et cellesqui étaient tenues sous perfusion, sans que le cours élevé de leurs actions soit justifié par l’espoir debénéfices futurs. On peut considérer que la baisse du marché a finalement joué son rôle en éliminantles nombreuses entreprises de la "nouvelle économie" qui ne seront pas viables à long terme. Parconséquent, les excédents de capacités existants dans ce secteur de l’économie pourraient être trèsdifférents de ceux qu’on a observés dans des industries comme la sidérurgie ou l’automobile àl’occasion des récessions typiques de l’après-guerre.

Toutefois, même les entreprises de haute technologie qui ont réussi et font des bénéfices risquent de nepas être épargnées par ce processus d’élagage. Beaucoup d’entre elles ont acheté de jeunes entreprises.D’autres ont créé leurs propres fonds de capital-risque pour investir dans des start-up ou en ont financéen leur offrant des prix réduits et des crédits fournisseurs. Certaines ont accepté des bons desouscription d'actions en guise de paiement. Par conséquent, un brutal déclin des cours des actions, desproblèmes de trésorerie ou la faillite des entreprises les plus fragiles auront des effets négatifs sur larentabilité des entreprises les plus prospères.

Les établissements bancaires classiques ont pour la plupart évité de financer de nouvelles entreprisesde haute technologie, mais la part des crédits aux entreprises dans les portefeuilles bancaires aaugmenté dans la deuxième moitié des années 90. Cette expansion a été due en grande partie à l’octroide crédits à terme ou de lignes de crédit pour appuyer des émissions de billets de trésorerie ou à laprise ferme d’émissions d’obligations, en faveur d’entreprises dites traditionnelles ayant une bonnenote de crédit. Toutefois, la survie de ces entreprises est menacée par le processus de destruction

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12 Rapport sur le commerce et le développement, 2001

créative qui se produit lorsque les entreprises de haute technologie qui ont réussi adoptent desméthodes nouvelles et plus rentables. La rentabilité des entreprises traditionnelles souffrira dufléchissement global de l’activité, qui pourrait aussi créer des problèmes pour les banques qui leur ontbeaucoup prêté. Les récents accès de faiblesse du marché des obligations à haut rendement et lesdifficultés qu’ont rencontrées de nombreuses entreprises traditionnelles voulant émettre des billets detrésorerie donnent à penser que c’est bien ce qui se passe (Silverman et Hill, 2001).

Comme la situation économique actuelle des Etats-Unis est sans précédent, il faut l’évaluer avec laplus grande prudence. Toutefois, il y a de bonnes raisons de penser que le cycle actuel représenteplutôt l’interruption d’une vague d’innovation du type de celles décrites par Schumpeter qu’un simpleproblème keynésien d’insuffisance de la demande globale2. S’il en est bien ainsi, on a peut-être tort detrop faire confiance aux moyens qu’offre la politique monétaire et budgétaire pour abréger larécession. Seule une vague de faillites, d’ampleur difficile à déterminer, pourra éliminer les excédentsde capacités qui existent dans une grande partie du secteur des technologies de l’information et de lacommunication et permettre de recommencer à investir dans des entreprises plus prometteuses. Ladurée de la contraction dépendra du temps qu’il faudra pour éliminer les entreprises non viables, del’ampleur des difficultés financières que connaîtront les entreprises bénéficiaires des autres secteurs del’économie et de l’effet d’une éventuelle stimulation macroéconomique sur le reste de l’activité.

Les considérations ci-dessus ne signifient pas qu’il serait inopportun de prendre des mesures destimulation monétaire et budgétaire. Elles signifient simplement que ces mesures risquent d’êtrebeaucoup moins efficaces que par le passé car elles ne peuvent guère contribuer à recréer l'affluxd’investissements et de liquidités qui a permis toute cette efferverscence récente dans le secteur desnouvelles technologies. De nombreux observateurs comptent sur un assouplissement rapide de lapolitique monétaire pour améliorer la situation, mais cette amélioration risque de tarder beaucoup àmoins que les établissements financiers, les fonds de capital-risque et les ménages ne soient prêts àrecommencer à soutenir sans réserve des nouvelles entreprises qui ne font aucun bénéfice et n’ont quedes perspectives extrêmement incertaines, ce qui est justement l’origine première du problème.

________

1 Les fonds de capital-risque s’attendent généralement à ce que 10% des entreprises qu’ilsfinancent réussissent.

2 Certains aspects de la situation actuelle ressemblent à ce qui est décrit par von Hayek, lequel asoutenu que si le coût du capital était trop bas, on serait amené à investir dans des technologiesbeaucoup trop capitalistiques; le retour ultérieur à un coût de financement plus normal montrerait bienl’impossibilité de rentabiliser ces investissements et l’excédent de capacités ainsi créé devrait êtreéliminé par une brutale récession et de nombreuses faillites. Toutefois, même si de nombreusesentreprises ont investi beaucoup sans obtenir le chiffre d’affaires attendu, et si le ratiocapital/production a peut-être augmenté, le problème n’est pas dû à une trop forte intensité de capital,mais au fait que des conditions de financement trop généreuses ont permis de réaliser des projets nonrentables.

l’information et des communications. En outre,comme les actions représentent une plus petiteproportion du patrimoine des particuliers, lesdépenses de consommation devraient moins subir lecontre-coup de la baisse des cours boursiersmondiaux. De plus, la situation macroéconomique estdans l’ensemble favorable. La convergencenécessaire dans la région a été obtenue et lelancement de l’euro a été un succès; sa faiblesseinitiale était due à des facteurs plus conjoncturels que

structurels. La baisse des taux d’intérêt aux Etats-Unis donnera à la BCE une plus grande marge demanœuvre et la situation budgétaire est saine; lesréformes budgétaires conduites dans les principauxpays d’Europe (Italie, France et Allemagne) devraientinjecter entre 35 et 50 milliards d’euros dansl’économie en 2001, ce qui pourrait entraîner unsurcroît de croissance d’un point de pourcentage duPIB. Le reflux du prix du pétrole devrait aussi avoirune plus grande incidence positive sur l’Europe,

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L’économie mondiale: résultats et perspectives 13

puisque celle-ci importe davantage de pétrole que lesEtats-Unis, et cet effet sera renforcé par leraffermissement de l’euro, ce qui devrait accroîtreencore le pouvoir d’achat des ménages et réduire lescoûts des entreprises européennes.

Pour ces différentes raisons, l’Europe semblebien placée pour garder le dynamisme de l’annéedernière et soutenir la demande mondiale face auralentissement de l’économie des Etats-Unis. Uneexpansion rapide de la demande intérieure en Europeest aussi nécessaire pour résorber le chômage quireste élevé. A cet effet, il faut que les principaux paysde la région cessent de trop compter sur l’exportationpour stimuler leur croissance14. Cela dépendra engrande partie du degré auquel les gouvernementsseront capables et désireux d’employer lesinstruments de politique économique discrétionnairespour anticiper sur la dégradation de la situation aulieu de se contenter de réagir à posteriori.

Les modifications structurelles apportées à lapolitique budgétaire devraient soutenir les revenusréels et compenser en partie l’impact de la hausse ducoût de l’énergie et du chauffage. Toutefois, laconfiance des consommateurs européens ne semblepas s’améliorer et l’augmentation des rémunérationsréelles, qui a culminé à quelque 3% en 1999, n’aatteint que 2,5% à la fin de 2000. Les accordssalariaux actuellement en vigueur dans certains desgrands pays ont été négociés à une époque où laconjoncture était moins favorable et ne seront pasrenégociés avant la fin de 2001. Par exemple, lesaccords très modérés conclus en Allemagne en 2000sont valables pour un an encore. Là où les hausses desalaires ont été liées à un taux d’inflation anticipé,qui a été dépassé à cause de la hausse du pétrole et dela faiblesse de l’euro, il se pourrait que les revenusréels augmentent un peu.

L’appréciation de l’euro vers la fin de 2000 a eudes effets équivalant à un durcissement de lapolitique monétaire et les taux d’intérêt réels15 ontatteint un niveau élevé, passant d’environ 2% en1999 à quelque 3,75% au début de 2001. Avec labaisse du prix du pétrole, le redressement de l’euro etle ralentissement de l’expansion de la massemonétaire, qui se rapproche des objectifs de la BCE,il devrait être possible d’assouplir considérablementla politique monétaire pour accompagner une relancebudgétaire. Toutefois, les déclarations récentes desmembres de la BCE montrent que celle-ci continuerade se fixer pour objectif unique de préserver lastabilité interne des prix. Cela est plutôtcontradictoire avec l’esprit des discussionspréparatoires en vue de la création de l’UEM, durantlesquelles la plupart des pays européens se sont misd’accord sur le fait que la politique monétaire pouvaitêtre employée pour compenser des chocs externes,tels qu’une hausse du prix du pétrole ou une chute dela demande mondiale. Si l’on n’agit pas pour atténuerles effets de chocs de ce genre, cela risque de

provoquer des déséquilibres globaux entraînant desmouvements violents des taux de change, commeceux (entre le dollar et le yen) qui ont contribué àdéclencher la crise asiatique.

Le Royaume-Uni, qui ne fait pas partie del’UEM, a régulièrement obtenu une croissance plusforte que celle de la zone euro depuis la récession de1990-1991 et a été un des premiers pays à sortir de larécession. Toutefois, en 2000 son taux de croissanceétait légèrement inférieur à la moyenne de celui de lazone euro et il semble avoir culminé vers le milieu del’année. La production industrielle était en fortebaisse durant le dernier trimestre de 2000 et laconjoncture semble devoir suivre celle des Etats-Unis, à moins que des considérations électorales ouautres n’amènent les autorités à prendre des mesuresde relance.

3. Le Japon

Au Japon, la croissance, qui dépend beaucoupdes exportations, s’est accélérée durant la premièremoitié de 2000, ce qui a entraîné une hausse desbénéfices, des investissements, de la productionindustrielle et de la production globale, laissantespérer une reprise durable. Cet optimisme a étérenforcé lorsque la Banque centrale a porté le tauxd’intérêt à 0,25% en août, puisqu’elle avait affirméqu’elle ne prendrait pas une telle mesure tant que lessignes de menaces déflationnistes ne se seraient pasdissipés. Toutefois, le taux de croissance est tombé à–2,4% (en rythme annualisé) au troisième trimestre,et le taux de chômage est remonté au niveau recordde 4,8% en novembre, malgré une forte créationd’emplois. La production et la consommation privéedu deuxième semestre ont aussi été décevantes et,comme en outre les exportations ont décliné, lesstocks ont commencé à se gonfler. En conséquence,le gouvernement a revu à la baisse ses estimations decroissance pour l’exercice budgétaire qui prenait finen mars 2001, sa nouvelle estimation étant inférieureà 0,5% en prix courants16. Les données définitivesconcernant le quatrième trimestre pourraient bienfaire état d'un nouveau recul de la production, signed’une nouvelle récession.

Le fléchissement de la demande aux Etats-Uniset dans les pays en développement d’Asie a entraînéun sérieux ralentissement de la reprise tirée parl’exportation au Japon, mais il est encore trop tôtpour dire quels ont été ses effets sur les bénéfices etles investissements des entreprises17. Les commandesde machines émanant de secteurs autres que lessecteurs exportateurs et les industries destélécommunications et de l’information ontcommencé à augmenter durant le deuxième semestrede 1999 et cela devrait se répercuter sur les chiffresde la production à partir du début de 200018. Ce n’est

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14 Rapport sur le commerce et le développement, 2001

que dans la mesure où elle suffira à compenser ledéclin des exportations et de la production desindustries de l’information et de la communication,dû au ralentissement de la croissance aux Etats-Unis,que cette expansion pourra empêcher une nouvellerécession.

Depuis plusieurs années, legouvernement emploie l'arme dela relance budgétaire pourstimuler l’économie. Toutefois, ila été obligé de devenir de plus enplus prudent à cet égard en raisonde l’alourdissement de la dettepublique. En réponse aux signesde ralentissement apparus audeuxième semestre de 2000, lesautorités ont présenté ennovembre un nouveau collectifbudgétaire proposant d’accroître les dépensespubliques de 4 800 milliards de yen, mais, ce chiffreest trompeur, car la loi limite l’émission de nouvellesobligations du Trésor à 2 000 milliards de yen, lesolde devant provenir du report de l’excédentbudgétaire (c’est-à-dire des dépenses inscrites aubudget qui n’ont pas été engagées) de 1 500 milliardsde yen de l’exercice 1999 et d'une hausse estimativede 1 200 milliards de yen des recettes fiscales. Larelance résultant du budget proposé pour l’exercicequi commence en avril 2001 est à nouveau trèsmodeste et, selon toute probabilité, les autoritésdevront adopter un autre collectif budgétaire enmilieu d’année.

Les collectivités locales doivent réduire leursdépenses pour assainir leurs finances. Parconséquent, comme la contribution de l’exportationdevrait être modeste, la poursuite de la reprisedépendra essentiellement de la demande intérieureprivée. L’investissement montre des signesd’accélération, mais cela implique que les entreprisess’attendent à une hausse de la demande deconsommation, ce qui suppose que les salairesaugmentent au moins aussi vite que la productivité.

L’orientation future de la politique monétairereste très incertaine. Beaucoup d’observateurscraignent qu’un retour à une politique de tauxd’intérêt nuls ne retarde encore les mesures derestructuration des entreprises qui doivent être prisesd’urgence pour rétablir la rentabilité. Toutefois, letaux de croissance négatif enregistré au troisièmetrimestre donne à craindre qu’on se retrouve dans lamême situation que les années précédentes, la reprise

s’épuisant au bout de quelques mois19. Le fait que letaux de chômage continue d’augmenter alors mêmeque l’emploi augmente lui aussi montre que lestravailleurs découragés recommencent à chercher dutravail et que l’économie pourrait croître, sans risque

d’accélération de l’inflation, à unrythme sensiblement plus élevéque son potentiel à long terme,lequel est estimé à 1%.

Il est difficile d’évaluerl’impact de la politiquemonétaire car les prix ontdiminué presque tout au long desannées 90, si bien que les tauxd’intérêt réels sont positifs mêmelorsque les taux d’intérêtnominaux sont proches de zéro.De plus, en raison de la fragilité

des bilans des établissements financiers, il estdifficile de déterminer le montant réel des liquiditésinjectées dans l’économie. Ces dernières années, lesbanques ont amélioré leur rentabilité et renforcé leursfonds propres, mais cela ne s’est pas encore traduitpar une augmentation du crédit bancaire ou des coursboursiers. L’actif des banques commerciales quiopèrent sur le marché intérieur continue de diminuerd’environ 4% par an et les enquêtes Tankan faitesdurant l’année n’indiquent aucune modification del’attitude des banques, qui restent très réticentes àprêter.

Le durcissement de la politique monétairedepuis août 2000 a été accentué par l’appréciation duyen. Les cours boursiers ont plafonné en avril 2000et, après la baisse de l’indice NASDAQ aux Etats-Unis, ils ont brutalement chuté en avril et mai.Toutefois, au lieu de se stabiliser comme ils l’ont faitaux Etats-Unis, ils ont continué de baisser, le reculétant particulièrement prononcé au milieu dedécembre lorsqu’il est devenu évident que le rythmede croissance diminuait. Cela a ravivé lesspéculations au sujet des difficultés du secteurbancaire et suscité la proposition de créer un fonds deplacement public pour soutenir les prix des actions.Si la récente augmentation de l’investissement estconjoncturelle, due principalement au redressementde l’économie de l'Asie et à la poursuite del’expansion de celle des Etats-Unis, et ne résulte pasde facteurs microéconomiques et d’une expansion del’investissement dans les secteurs non exportateurs,elle risque de ne pas résister au fléchissement prévude la demande mondiale.

Au Japon, le taux de croissancenégatif enregistré au troisième

trimestre donne à craindre qu’onse retrouve dans la même situation

que les années précédentes, lareprise s’épuisant au bout de

quelques mois.

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L’économie mondiale: résultats et perspectives 15

C. Pays en développement

1. Amérique latine

Dans tous les pays d’Amérique latine, lasituation économique s’est améliorée en 2000(tableau 1.2). Dans certains cas, la reprise a été trèssoutenue, si bien que le taux de croissance del’ensemble de la région a atteint près de 4%, ce quiest le niveau le plus élevé enregistré depuis la criseasiatique. Toutefois, les écarts entre les différentspays observés en 1999 ont persisté en 2000.L’économie du Mexique et des pays d’Amériquecentrale et des Caraïbes ayant desliens commerciaux étroits avecles Etats-Unis a continuéd’enregistrer de meilleursrésultats que celle des pays quisont plus tributaires des expor-tations de produits primaires etdu commerce intrarégional.

Le taux de croissance abeaucoup augmenté dans lesdeux principaux pays de larégion, le Brésil et le Mexique.Grâce à la hausse du prix dupétrole, à la poursuite del’expansion aux Etats-Unis et à lavigueur de la demande intérieure,le taux de croissance del’économie mexicaine a atteint7%, ce qui ne s’était pas vudepuis de nombreuses années, etau Brésil une politique de relancemonétaire agressive a permis à lafois d’accélérer la croissance de la production (4%) etde réduire le déficit budgétaire. En dépit de la reprise,les effets de la dévaluation du début de 1999 sur lesprix sont restés modérés, mais le redressement de labalance des opérations courantes a été moins rapideque prévu. Au Chili aussi, il y a eu une forte reprise(le taux de croissance a atteint près de 6%) après larécession de 1999.

En Argentine et en Uruguay, l’économie apoursuivi sa contraction pour la deuxième annéeconsécutive, mais à un rythme plus lent. EnArgentine, l’ajustement aux chocs extérieurs de1998-1999 par la déflation s’est poursuivi, ce qui aentraîné une certaine amélioration de compétitivité et

un excédent commercial. Toutefois, comme le soldede la balance des services s’est détérioré en raison dela hausse considérable des frais financiers,l’important déficit des opérations courantes n’a quelégèrement diminué. Les marchés financiersinternationaux, dont la contribution est indispensablepour financer le déficit, ont suivi de près les effortsfaits par le gouvernement pour maîtriser la dettepublique et les hausses de salaires et de prix dans desproportions suffisantes pour rétablir la compétitivitéet assurer la viabilité du compte courant (voirchapitre II, encadré 2.1).

Dans l’ensemble, l’environ-nement extérieur des paysd’Amérique latine a étéfavorable, car la remontée desprix de certains produitsprimaires, amorcée au deuxièmesemestre de 1999, s’est confir-mée en 2000. En particulier, lahausse du prix du pétrole a aidéplusieurs pays, notamment leVenezuela, où le taux decroissance du PIB a atteint 3% en2000, après une contraction deplus de 7% en 1999. Toutefois,d'autres pays, en particulier leChili, le Paraguay et l’Uruguay,ont été très pénalisés par cettehausse.

Les prix des métaux(cuivre, aluminium, minerai defer, nickel, étain et zinc) ainsique ceux de quelques autres

produits comme le coton, la farine de poisson, la pâtede bois, le soja et la laine, se sont aussi redressés. Enrevanche, les prix des produits alimentaires et desboissons, particulièrement le cacao, le café et lesucre, ont continué de décliner. Néanmoins, lestermes de l’échange de l’ensemble de la région sesont améliorés. Comme, en outre, à cause d’unedemande intérieure relativement faible la progressiondes importations a été nettement inférieure à celle desexportations, le déficit des opérations courantes de larégion s’est légèrement réduit. Les flux d’IED ontdiminué en 2000 et le total des entrées nettes decapitaux est resté nettement moins élevé que dans lapériode 1996-1998.

Pour 2001, les perspectives de laplupart des pays dépendront

essentiellement de la réorientationde la politique monétaire et

budgétaire associée auralentissement de l’économie desEtats-Unis. Pour l’ensemble de la

région, on s’attend à unfléchissement de la croissance en

raison de la faiblesse desexportations, même si une

dépréciation du dollarcontribuerait à accroître la

compétitivité des pays dont lamonnaie est liée au dollar.

Page 36: RAPPORT SUR LE COMMERCE ET LE DÉVELOPPEMENT, 2001

16 Rapport sur le commerce et le développement, 2001

Tableau 1.2

CROISSANCE DES PAYS EN DÉVELOPPEMENT, PAR RÉGION, 1990-2000

(Pourcentage de variation par rapport à l’année précédente)

Région/pays 1990-1995a 1995-2000a 1990-2000a 1998 1999 2000b

Amérique latine 3,6 2,9 3,3 1,9 0,1 3,7dont :

Argentine 5,8 2,7 4,2 3,9 -3,2 -0,5Bolivie 4,1 3,2 3,7 4,7 0,6 2,0Brésil 3,1 2,2 2,7 -0,1 0,8 4,0Chili 8,7 4,5 6,6 3,4 -1,1 5,7Colombie 4,7 0,9 2,7 0,5 -4,5 3,0Equateur 3,4 0,1 1,8 0,4 -7,3 2,6Mexique 1,5 5,5 3,5 4,8 3,7 7,0Pérou 5,5 3,4 4,5 0,3 3,8 3,9Uruguay 3,7 2,1 2,9 4,6 -3,2 -1,0Venezuela 3,4 0,3 1,9 -0,1 -7,2 3,2

Afrique 1,5 3,6 2,5 3,2 2,9 3,5dont :

Algérie 0,1 3,5 1,8 5,1 3,3 4,3Cameroun -1,9 4,8 1,4 5,1 4,4 4,2Côte d’Ivoire 1,9 4,6 3,2 4,5 2,8 2,2Egypte 3,4 5,2 4,3 5,6 6,0 3,9Ghana 4,3 4,4 4,3 4,7 4,4 4,0Kenya 1,6 2,3 1,9 2,1 1,5 1,6Mozambique 3,3 8,7 5,9 12,0 8,8 4,5Nigéria 2,4 3,2 2,8 1,9 1,1 3,5Afrique du Sud 0,8 2,2 1,5 0,6 1,2 2,7Ouganda 7,0 6,2 6,6 5,5 7,8 5,0

Asie 6,1 5,0 5,6 1,1 4,9 6,6Nouvelles économies

industrielles6,9 5,0 6,0 -2,6 7,6 8,6

Hong-Kong, Chine 5,3 3,5 4,4 -5,1 3,1 10,4République de Corée 7,4 4,8 6,1 -6,7 10,7 9,3Singapour 8,6 6,3 7,4 0,4 5,4 10,1Province chinois e de

Taiwan6,4 5,8 6,1 4,7 5,7 6,0

ANASE-4 7,0 1,6 4,3 -9,4 2,8 5,3Indonésie 2,2 3,4 2,8 -0,6 3,2 3,5Malaisie 7,1 0,7 3,9 -13,0 0,3 5,2Philippines 8,7 4,6 6,6 -7,4 5,4 8,7Thaïlande 8,6 0,3 4,3 -10,2 4,2 4,2

ANASE-4 plusRépublique de Corée

7,2 3,2 5,2 -8,2 6,5 7,3

Asie du Sud 4,5 5,5 5,0 5,6 5,7 5,5Bangladesh 4,4 5,1 4,7 5,1 4,4 5,5Inde 4,5 6,1 5,3 6,3 6,4 5,7Népal 5,2 4,1 4,6 2,3 2,3 5,5Pakistan 4,8 3,2 4,0 2,6 2,7 4,7Sri Lanka 5,4 4,8 5,1 4,7 4,2 5,0

Asie occidentale 1,3 3,4 2,4 3,3 -0,5 4,3Chine 12,0 8,3 10,1 7,8 7,1 8,0

Source : Calculs du secrétariat de la CNUCED, sur la base de données exprimées en dollars de 1995.a Moyenne annuelle.b Estimations.

Page 37: RAPPORT SUR LE COMMERCE ET LE DÉVELOPPEMENT, 2001

L’économie mondiale: résultats et perspectives 17

Pour 2001, les perspectives de la plupart despays dépendront essentiellement de la réorientationde la politique monétaire et budgétaire associée auralentissement de l’économie des Etats-Unis. Pourl’ensemble de la région, on s’attend à unfléchissement de la croissance en raison de lafaiblesse des exportations, même si une dépréciationdu dollar contribuerait à accroître la compétitivité despays dont la monnaie est liée au dollar. La réductionde la demande d’importation des Etats-Unis gênerasurtout le Mexique et n’aura probablement que deseffets limités au Brésil, au Chili et au Pérou. Cesdeux derniers pays en particulier continueront debénéficier de la hausse des prix des métaux communset d’une croissance relativement dynamique en Asie,qui est un important débouché pour leursexportations. Les perspectives sont particulièrementincertaines dans le cas de l’Equateur, oùl’hyperinflation reste un problème majeur, ainsiqu’au Venezuela et en Colombie. Dans certains pays,notamment l’Argentine et le Brésil, le déficitbudgétaire est toujours inquiétant, alors que dansd’autres pays qui ont subi des crises financièresdurant les années 80 et 90, le système bancaire restefragile.

Les contraintes financières en Amérique latinerestent considérables. La région est toujours tributairedes capitaux étrangers et en 2000 le transfert net deressources a de nouveau été négatif. La baisse destaux d’intérêt aux Etats-Unis entraîne une réductiondu coût des nouveaux emprunts et, au bout d’uncertain temps, de celui des dettes anciennes, sauf sielle est compensée par une hausse des primes derisque. En revanche, les difficultés financièrespeuvent s'aggraver si le ralentissement de l’économiedes Etats-Unis se répercute sur l’expansion ducommerce mondial. Comme un nombre croissant depays ont opté pour la dollarisation, la région dépendrade plus en plus de la politique monétaire des Etats-Unis.

2. Asie

Pour l’ensemble des pays en développementd’Asie hormis la Chine, la croissance s’est encoreaccélérée en 2000 (6,2% d’augmentation du PIB),alors que le redressement s’était déjà amorcé en 1999après une contraction de près de 1% en 1998(tableau 1.1). Toutefois, la situation est trèscontrastée selon les sous-régions et les pays(tableau 1.2).

En Asie occidentale, après une légère baisse en1999, le taux de croissance a dépassé 4% en 2000.Echaudés par la volatilité du prix du pétrole, les paysproducteurs de pétrole de la région ont dans unepremier temps dépensé avec prudence leurs nouvellesrecettes pétrolières, préférant reconstituer leurs

réserves de change et accroître leurs avoirs àl’étranger. Toutefois, comme le prix du pétrole estresté élevé en raison de la vigueur de la demandemondiale et du faible niveau des stocks (voirchapitre II, section C), ils se sont mis à accroître leursdépenses d’infrastructure, d’éducation et de santé. Lahausse des recettes pétrolières a réduit les besoinsd’emprunt et les arriérés intérieurs. En même temps,l’assainissement de la situation budgétaire et de labalance extérieure, le retour de la confiance et ledynamisme de la demande intérieure ontconsidérablement stimulé l’activité économique, cequi a accéléré la croissance globale des paysexportateurs de pétrole de la région. En revanche, lestermes de l'échange de nombreux pays importateursde pétrole se sont détériorés.

L’économie de la Turquie s’est bien rétablieaprès les graves dommages causés par le tremblementde terre de 1999 et les répercussions de la crise russe.Toutefois, son programme de stabilisation fondé surle maintien d’un taux de change fixe a commencé àrencontrer des difficultés à la fin de 2000 et l’oncommence à douter de la durabilité de sa croissance(voir chapitre II, encadré 2.2).

Les perspectives de l’Asie occidentale pour2001 sont dans l’ensemble bonnes. Grâce à la haussedes recettes pétrolières, la croissance devraitcontinuer de s’accélérer au Koweït, en Oman, enArabie saoudite, aux Emirats arabes unis et auYémen, ainsi que, dans une moindre mesure, enRépublique islamique d’Iran, où il faut compter avecle remboursement de la dette extérieure etl’augmentation des importations de produitsalimentaires rendue nécessaire par la sécheresse. LeQatar sera en outre favorisé par l’augmentation de saproduction et de ses exportations de gaz. Dansplusieurs pays, la sécheresse annulera une partie desgains résultant de la hausse du prix du pétrole. Sur leplus long terme, dans la plupart des pays de la sous-région, la croissance restera limitée en raison del’insuffisance de l’investissement. De plus, à moinsde diversifier considérablement leur économie, cespays resteront exposés à des brutales variations destermes de l’échange. Nombre d'entre eux cherchent àaccroître l’efficience du secteur public, à privatiserdes entreprises d'Etat et à déréglementer l’activitééconomique, afin d’encourager le secteur privé et depromouvoir l’investissement national et étranger.

En Asie du Sud, la conjoncture globale est trèsinfluencée par la situation de l’Inde. Malgré les effetspersistants de la crise financière d’Asie sur lesexportations, et ceux plus récents de la forte haussedu prix du pétrole, le taux de croissance del’ensemble de la région est resté au même niveau queles deux années précédentes. Celui de l’Inde, quiavait été très élevé ces dernières années, a un peudiminué. La sécheresse qui a frappé le nord du pays aeu moins d’effet sur la production agricole qu’on nele craignait et, malgré les inondations subies par

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18 Rapport sur le commerce et le développement, 2001

l’Etat d’Andhra Pradesh fin août et début septembre,qui ont réduit la récolte de riz, l’Inde a un importantexcédent céréalier. La croissance a été soutenue parle dynamisme de l’industrie et l’augmentation rapidede la demande extérieure de services informatiques.Afin de promouvoir les exportations de services, lesautorités ont adopté des lois pour aider le secteurinformatique et développer les infrastructures decommerce électronique.

Au Sri Lanka, la croissance est restée soutenueen 2000, grâce à la vigueur des exportations, enparticulier de vêtements. La hausse du prix du thé etdu caoutchouc a aussi contribué à faire beaucoupaugmenter les recettes d’exportation. Au Bangladeshégalement, l’exportation a été le principal moteur dela croissance, dont le taux a dépassé 5%. AuPakistan, la croissance s’est accélérée, mais sansrattraper les autres pays de la région; le secteurextérieur reste fragile, les réserves déjà maigres ontcontinué de décliner et la monnaie a été attaquéeaprès la dépréciation d’autres monnaies de la sous-région.

Les perspectives à court terme de la sous-régionsont mitigées. En Inde, la croissance devrait resterassez soutenue, malgré un certain fléchissement de lademande mondiale, en raison de l’importanceconsidérable du secteur agricole, qui devrait êtrefavorisé par la libération des prix et du commerceintérieur des produits agricoles. Les industriesmanufacturières à vocation exportatrice devraientaussi être aidées par l’assouplissement du régime del’IED dans les zones économiques spéciales, etl’expansion du secteur informatique devrait soutenirle développement des services. Le Sri Lankacontinuera de bénéficier d’une forte demande de sesdeux principaux produits d’exportation, les vêtementset le thé; au Pakistan par contre, il est probable queles difficultés financières freineront la croissance.Tous les pays d’Asie du Sud et en particulier les pluspetits sont très tributaires de l’importation de produitsénergétiques et de l’exportation de produits agricoles.La dégradation des termes de l’échange due auxvariations récentes des prix des produits primairespourrait peser quelque peu sur la croissance et denouvelles réformes structurelles dans l’agriculture etl’industrie seront peut-être nécessaires pour accroîtrela compétitivité.

En Asie de l’Est, le rétablissement de la plupartdes grands pays s’est confirmée. Les cinq pays quiavaient été les plus touchés par la crise financière (lesquatre grands de l’ANASE – Indonésie, Malaisie,Philippines et Thaïlande – et la République de Corée)ont enregistré en 2000 un taux de croissance moyende plus de 7%, contre 6,5% en 1999. En dépit del’importante dépréciation des monnaies et de larapidité du redressement, les taux d’inflation sontrestés bas. En Malaisie et en Thaïlande il y a unrisque de déflation (qui est déjà une réalité en Chineet à Hong-Kong (Chine)).

La croissance a été attisée non seulement par lavigueur des exportations, mais aussi par le bas niveaudes taux d’intérêt et par des politiques monétairesexpansionnistes. Les sorties de capitaux ont continuécar les banques ont réduit leurs portefeuilles d’actifsextérieurs, mais elles n’ont pas annulé l’excédent desopérations courantes, ce qui donne à penser que ladépréciation généralisée des monnaies a été le fruitd’une politique délibérée. Le commerce intra-asiatique s’est nettement redressé et augmenteaujourd’hui plus vite que le commerce de la régionavec les Etats-Unis ou avec l’UE. Dans plusieurspays d’Asie de l’Est, les principaux facteurs dereprise ne sont plus l’ajustement des stocks et lesdépenses publiques, mais des facteurs plus durables,à savoir l’investissement des entreprises et laconsommation privée. Toutefois, l’augmentation duvolume des exportations et des prix à l’exportation aété en partie compensée par la hausse du cours dupétrole en 2000.

Parmi les quatre grands pays de l’ANASE, laMalaisie est celui qui a enregistré les meilleursrésultats, son taux de croissance étant monté jusqu’à8,7%. Toutefois, en fin d’année l’expansion de lademande intérieure s’est sensiblement ralentie et lesventes de produits manufacturés augmentaientnettement plus vite que la production, ce qui indiqueun déclin des stocks. Les prix à la production sont enbaisse et en décembre 2000 le taux annuel d’inflationdépassait à peine 1%. En Thaïlande, les exportationsont progressé de 20% en 2000, et ont apporté unecontribution plus forte à la croissance que les annéesprécédentes, durant lesquelles le principal moteur del’économie avait été la consommation intérieure. Endépit de la hausse du prix du pétrole, le tauxd’inflation est quasi-nul; le taux d’utilisation descapacités reste inférieur à 60% et il y a toujours unexcédent de main-d'œuvre. Comme en Thaïlande, auxPhilippines le rétablissement a été assez lent. Audébut de 2001, le déficit budgétaire était considérableet le peso a été attaqué malgré un très fort excédentdes opérations courantes. En Indonésie, la croissancea été assez vive pour la première fois depuis la crisefinancière, mais la demande intérieure, qui joue unrôle de plus en plus important dans les autres pays del’ANASE, reste faible.

En République de Corée, où le tauxd’augmentation des revenus par habitant a retrouvé leniveau d’avant la crise, la croissance a un peu fléchien 2000, mais est restée supérieure à 9%. L’activitééconomique est toujours stimulée par lesexportations, en particulier d’ordinateurs, et laproduction manufacturière a beaucoup augmenté,notamment dans le cas des semi-conducteurs. Unedeuxième année consécutive de forte croissance aramené les investisseurs étrangers et le taux dechange, après avoir diminué en moyenne de 10%, estremonté en fin d’année. L’inflation a commencé às’accélérer, en partie à cause de la hausse du prix du

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L’économie mondiale: résultats et perspectives 19

pétrole, car le pétrole importé couvre environ lamoitié des besoins en énergie. Cela a incité la Banquede Corée à majorer son taux au jour le jour enoctobre, pour la deuxième fois en 2000. Les prix à laconsommation ont baissé en octobre et novembre, sibien que la hausse annuelle de l’indice des prix n’aguère dépassé les 2%.

A Hong-Kong (Chine), l’économie s’estnettement redressée grâce notamment à la reprise dutourisme, et à Singapour la croissance s’est encoreaccélérée en 2000. Toutefois, dans tous les nouveauxpays industriels, les exportations ont commencé àfléchir en fin d’année. Par exemple, à Singapour, lesexportations de produits électro-niques étaient en baisse de 11%en décembre 2000 par rapport àdécembre 1999 et les expor-tations de semi-conducteurs enbaisse de quelque 17%. Lesexportations vers tous les grandsmarchés sauf la Chine et le Japonont décliné. A Hong-Kong(Chine), la consommation estrestée faible, malgré la baisse destaux d’intérêt réels et du taux dechômage et la stabilisation du marché immobilier, etdans la Province chinoise de Taiwan le redressementde la demande intérieure observé au premier trimestrede 2000 n’a pas duré.

En Chine, l’activité a continué de s’accélérer en2000, si bien que le taux de croissance de laproduction a dépassé d’un point de pourcentage celuide l’année précédente, et la pression déflationnistedue à la faiblesse de la demande intérieure cesdernières années a disparu. Des mesures de relance,la vigueur des exportations et le progrès des réformesstructurelles ont entraîné une expansion rapide de laconstruction et de l’industrie, qui a largementcompensé la médiocrité des résultats de l’agriculture.En outre, les exportations ont été stimulées par ladépréciation du renminbi en termes réels etl’allègement de la taxe à l’exportation. Lesengagements d’investissement étranger direct ontaussi beaucoup augmenté, alors qu’ils avait déclinépendant près de quatre ans. Toutefois, comme laChine est de plus en plus tributaire du marché desEtats-Unis, il est probable que le fléchissement de lacroissance dans ce pays freinera l’expansion desexportations en 2001. De plus, les exportations et lesimportations de la Chine pourraient être affectées parla perspective de son accession imminente à l’OMCet les incidences qu'elle aura sur le taux de change;les autorités envisagent déjà d’élargir la fourchette defluctuation du renminbi. Bien que la croissance desexportations risque de fléchir en 2001, l’économiedevrait être stimulée par la politique budgétaire etmonétaire actuelle. En particulier, on peut s’attendreà une augmentation des investissements d’infra-structure, notamment dans l’ouest du pays.

Les perspectives 2001 de nombreux pays endéveloppement d’Asie de l’Est dépendent beaucoupde la conjoncture dans les industries de hautetechnologie aux Etats-Unis. L’économie de cettesous-région est très tributaire de la demandeextérieure de produits électroniques et serait doncdurement touchée par une baisse de cette demande.Le taux d’augmentation des commandes de produitsélectroniques émanant des Etats-Unis avait déjàdiminué de moitié en octobre 2000. On s’attend à unepoursuite du déclin car les stocks aux Etats-Uniscontinuent de gonfler, et dès le début de 2001 onobservait des signes de baisse des prix des semi-

conducteurs. De plus, larestructuration des établissementsfinanciers et des entreprises nonfinancières qui se poursuitcontinue de peser sur lacroissance. Il est probable que letaux de croissance des nouveauxpays industriels diminuera en2001, et Singapour et la Provincechinoise de Taiwan en particulierseront affectés par le fléchis-

sement de la demande de produits électroniques. EnRépublique de Corée, le ralentissement de lacroissance sera dû en partie aux problèmes persistantsdes grands chaebols et aux difficultés que cela vaprobablement créer dans le secteur bancaire.

En Malaisie, le taux de croissance pourraitdiminuer considérablement en 2001 à cause de labaisse des exportations de produits électroniques.Cela pourrait contraindre les autorités à revoir leurpolitique de maintien d’une parité de change fixe,mais une éventuelle baisse du cours du dollarréduirait la nécessité d’une dévaluation. Pour éviter ladéflation et la décélération généralement attendues, ilfaudra une politique de relance monétaire etbudgétaire agressive. Les perspectives de laThaïlande sont aussi assombries par la probabilitéd’un fléchissement de la croissance des exportationsen 2001, et la lenteur de la restructuration de la detteet la fragilité du secteur bancaire sont une sourced'inquiétude supplémentaire. Toutefois, comme lesautorités monétaires ont une grande marge deréduction des taux d’intérêt et que le budget devraitêtre nettement expansionniste, la Thaïlande est mieuxplacée que les autres pays de la sous-région pourrésister à la décélération de l’économie des Etats-Unis. Les chocs extérieurs restent très menaçantspour l’Indonésie et les Philippines. En outre, dans cesdeux pays, la situation budgétaire est inquiétante et ilreste beaucoup à faire en matière de restructurationdes établissements financiers et des autresentreprises. Leurs perspectives sont donc trèsincertaines.

Les perspectives 2001 denombreux pays en développement

d’Asie de l’Est dépendentbeaucoup de la conjoncture dansles industries de haute technologie

aux Etats-Unis.

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20 Rapport sur le commerce et le développement, 2001

3. Afrique

Plus encore que dans les autres régions, enAfrique les perspectives de croissance et dedéveloppement dépendent considérablement defacteurs externes. Dans les pays exportateurs depétrole, l’activité a été stimulée par la hausse du prixdu baril, qui a entraîné une amélioration sensible dusolde budgétaire et de la balance des paiements. Enrevanche, les pays importateurs de pétrole ont étédurement touchés par cette hausse et par lesdifficultés de financement extérieur. Les paysd’Afrique subsaharienne en particulier ont continuéde subir à des degrés divers les séquelles de la crisede 1997-1999, car les prix de plusieurs de leursprincipaux produits d’exportation (autres que leshydrocarbures) sont restés déprimés.

Le taux de croissance de l’Afrique est passé de2,9% en 1999 à 3,5% en 2000 (tableau 1.2). C’estmoins que ce qu’on a enregistré dans les autresrégions en développement et à peine plus que le tauxde croissance démographique. Avant même laconfirmation du ralentissement aux Etats-Unis, onavait revu à la baisse les prévisions de croissance del’Afrique en raison de la dégradation de laconjoncture dans certains des principaux pays de larégion, de mauvaises conditions climatiques et detroubles civils et politiques.

La conjoncture des différentes sous-régions del’Afrique en 2000 a été très variable 20. En Afriquecentrale, en Afrique de l’Est et en Afrique de l’Ouest,le taux de croissance a été proche de la moyenne ducontinent, tandis qu’il a été plus élevé en Afrique duNord et moins élevé en Afrique australe. Lacroissance du Botswana, du Mozambique, del’Ouganda et des pays de la zone CFA a étésupérieure à la moyenne, tandis qu’en Angola, enRépublique démocratique du Congo, en Ethiopie, enSierra Leone et au Zimbabwe elle a été nettementinférieure.

En Afrique du Nord, l’Algérie et la Jamahiriyaarabe libyenne ont été favorisées par la hausse desrecettes pétrolières qui a fortement stimulé lacroissance. Toutefois, en Algérie cela a été en partiecompensé par de mauvaises conditions climatiques eten particulier par l’insuffisance des pluies, qui a aussibeaucoup affecté le Maroc et la Tunisie. Au Maroc,la production a décliné en 1999 et on estime qu’elle aaugmenté de 0,7% en 2000, malgré une chute de 17%de la production agricole, qui représente environ 40%de la production totale. La production agricole a aussichuté de 15% en Tunisie, ce qui a fait tomber le tauxde croissance à 4,2% en 2000, contre 6,2% en 1999.Si les conditions climatiques s’améliorent, lacroissance pourrait s’accélérer dans ces deux pays en2001. En Egypte, le taux de croissance est tombé àmoins de 4% en 2000 en raison du durcissement de la

politique monétaire dû à la nécessité de maîtriserl’inflation. L’expansion rapide du crédit intérieur cesdernières années et la hausse du taux de changeeffectif réel due au maintien d’une parité fixe parrapport au dollar ont exercé des pressions croissantessur le compte extérieur et entraîné un déclin sensibledes réserves internationales.

En Afrique australe, la croissance a été freinéeen 2000 par la fragilité persistante de l’économie del’Afrique du Sud. Dans la plupart des pays de la sous-région, le taux de croissance est resté élevé, maisdans ce qui demeure la principale économie del’Afrique subsaharienne, la conjoncture est toujoursmaussade. Le taux de croissance est monté à 2,6% en2000, grâce à l’amélioration de la compétitivité et àl’expansion du commerce et de la productionmondiaux, mais la dépréciation du rand, la hausse desprix alimentaires due aux inondations qui ont touchéune partie du pays et la hausse du prix du pétrole ontintensifié les pressions inflationnistes. Au Zimbabwe,la crise économique a continué de s’aggraver et l'onestime que la production a reculé d’environ 6% en2000. Au Mozambique, qui a bénéficié d’une aideinternationale généreuse et rapide pour mettre enœuvre son grand plan de reconstruction, on estimeque la production a augmenté de plus de 4% (contre8,8% en 1999), en dépit des gros dégâts causés pardes inondations au début de l’année.

En Afrique de l’Est, le taux de croissance estresté décevant, ce qui est dû en partie à des carencesde la formulation et de l’exécution des politiques eten partie à diverses infortunes. L’activité économiquea été affectée en République démocratique du Congopar la guerre et en Erythrée et en Ethiopie par lasécheresse et la guerre. En revanche, la République-Unie de Tanzanie a résisté à l’impact dufléchissement du prix de ses principaux produitsd’exportation (café et coton), mais il y a eu despénuries de produits alimentaires à cause de lasécheresse. Le Kenya, qui est un des pays d’Afriquequi a enregistré les moins bons résultats ces dernièresannées, a lui aussi été durement touché par lasécheresse et la baisse des prix à l’exportation, maisla réouverture des lignes de crédit du FMI pourraitrétablir la confiance et permettre une reprise de l’aideextérieure. L’Ouganda, gros producteur de café, acontinué d’obtenir une croissance d’environ 5%, endépit d’une nouvelle baisse du cours de ce produit.

En Afrique de l’Ouest, le Nigéria a été trèsfavorisé par la hausse du prix du pétrole, et son tauxde croissance a augmenté de plus de deux points depourcentage (3,5%). Le gouvernement a pris desmesures pour rétablir la stabilité macroéconomique etaméliorer ses relations avec ses créanciers. Le Ghanaa continué d’enregistrer une croissance supérieure à4%, comme chaque année depuis 1995. Les paysd’Afrique centrale et d’Afrique de l’Ouest membresde la zone CFA (voir aussi chapitre V, encadré 5.2)sont parmi ceux qui ont obtenu les meilleurs résultats

Page 41: RAPPORT SUR LE COMMERCE ET LE DÉVELOPPEMENT, 2001

L’économie mondiale: résultats et perspectives 21

ces dernières années. Comme leur monnaie est liée àl’euro, la faiblesse de l’euro par rapport au dollar apermis à certains d’entre eux d’accroître leurcompétitivité. Toutefois, en Côte d’Ivoire on estimeque le déclin amorcé en 1998 s’est poursuivi, enraison de la faiblesse du cours du cacao et d’unralentissement sensible des décaissements d’aideextérieure. Globalement, l’expan-sion de la zone CFA est restéeassez vigoureuse et on s’attend àce qu’elle s’accélère en 2001.

Le taux de croissance del’ensemble de l’Afrique devraitaugmenter un peu en 2001, grâceà une amélioration de laconjoncture en Afrique du Sud. Ildevrait rester particulièrementélevé au Cameroun, au Ghana, auMozambique, en Ouganda et en République-Unie deTanzanie, pays qui commencent à cueillir les fruitsdes réformes macroéconomiques et structurellesqu’ils ont entreprises. Cette amélioration suppose queles termes de l’échange des exportateurs de produitsprimaires se stabiliseront ou s’amélioreront un peugrâce à la baisse du prix du pétrole. Les pays les pluspauvres d’Afrique devraient bénéficier d’une

réduction bilatérale de la dette accordée par certainspays industriels et de la décision prise par l’UEd’ouvrir largement son marché aux exportations desPMA. De plus, quelque 80% de l’allègement de ladette prévu dans le cadre de l’initiative en faveur despays pauvres très endettés (PPTE) concernent despays d’Afrique subsaharienne. A ce jour, neuf pays

africains (Bénin, Burkina Faso,Cameroun, Mali, Mauritanie,Mozambique, Ouganda, Répu-blique-Unie de Tanzanie etSénégal) ont répondu auxconditions requises pour obtenircet allègement et plusieurs autrespays devraient atteindre le pointd’achèvement dans un procheavenir 21. Toutefois, ces mesuresinternationales n’auront pas

d’effet immédiat et de nombreux pays d’Afriquesubsaharienne continueront de souffrir dusurendettement. En outre, la plupart des paysd’Afrique restent très vulnérables en cas de baisse duprix des produits primaires et leur croissance esttoujours entravée par l’insuffisance des infra-structures de transport et de communication et del’aide publique au développement.

D. Pays en transition

La situation économique des pays en transitions’est beaucoup améliorée en 2000 (tableau 1.1) etleur taux de croissance moyen a atteint un niveausans précédent depuis 1989. Dans la plupart de cespays, la demande intérieure a continué d’augmenter,mais le principal moteur a été l’exportation.Toutefois, il est trop tôt pour dire si cette expansionsera durable dans tous les cas et si le processus derattrapage a vraiment commencé. Le rétablissementobservé en 2000 suivait une très mauvaise période etla détérioration de la conjoncture mondiale risque dese répercuter sur la demande d’exportation. Lesproblèmes immédiats que les autorités devront réglersont différents selon les pays : dans certains il fautaccélérer la mise en place de l’économie de marché,tandis que dans d’autres il faut corriger lesdéséquilibres macroéconomiques ou faire face à deschocs négatifs.

Après la crise financière dévastatrice de 1998, laFédération de Russie est un des pays qui a enregistréles plus forts taux de croissance en 2000, soit 7,6%(tableau 1.3). En raison de l’étroitesse de leurs liensavec l’économie russe, la plupart des autres pays de

la CEI ont aussi obtenu une croissance trèssatisfaisante en 2000, avec un taux supérieur à 10%au Kazakhstan et au Turkménistan. La dépréciationdu rouble et des autres monnaies des pays de la CEI astimulé l’exportation et le remplacement desimportations, ce qui a eu des effets positifs sur laproduction industrielle. Il semble donc que lesentreprises de ces pays sont en fait beaucoup plussouples et capables de répondre aux signaux dumarché qu’on ne le pense en général, même si leurrestructuration n’est pas encore achevée.

En Europe centrale, la République tchèque, laHongrie et la Slovénie ont enregistré pour les neufpremiers mois de 2000 une croissance supérieure auxprévisions. La Hongrie est le pays qui a obtenu lesmeilleurs résultats (6%). La production industrielle abeaucoup augmenté en République tchèque et enSlovaquie. La Pologne, qui avait enregistré un tauxde croissance nettement plus élevé en 1999, a donnédes signes de fléchissement durant l’année. EnRoumanie, la croissance a été positive mais on nepeut pas encore vraiment affirmer que ce pays est surla voie d’une expansion durable, et en Bulgarie

La plupart des pays d’Afriquerestent très vulnérables en cas de

baisse du prix des produitsprimaires et leur croissance est

toujours entravée parl’insuffisance des infrastructures.

Page 42: RAPPORT SUR LE COMMERCE ET LE DÉVELOPPEMENT, 2001

22 Rapport sur le commerce et le développement, 2001

Tableau 1.3

PAYS EN TRANSITION : QUELQUES INDICATEURS ÉCONOMIQUES, 1998-2000

PIB Prix à la consommation

Variation par rapport à l’année précédente a (pourcentage)

Solde des opérations courantes(pourcentage du PIB)

Région/pays

1998 1999 2000 b 1998 1999 2000 c 1998 1999 2000 d

Europe centrale et orientaledont :

Bulgarie 3,5 2,4 4,5 0,9 6,2 11,0 -0,5 -5,5 -8,1Croatie 2,5 -0,4 2,8 5,6 4,6 7,3 -7,0 -7,5 -7,7République tchèque 4,1 1,9 1,6 5,5 14,2 15,4 -9,7 -5,5 -1,6Hongrie 3,8 4,9 4,8 6,6 8,1 9,9 -0,8 -3,9 -2,7Pologne 4,9 4,5 6,0 10,4 11,3 9,2 -4,9 -4,3 -3,6Roumanie 4,8 4,1 4,2e 8,5 9,9 10,6 -4,3 -7,4 -7,4

Slovaquie -2,2 -0,8 2,7 6,7 2,5 4,2 -2,4 -1,9 -3,0

Slovénie -5,4 -3,2 1,5 40,7 54,9 41,0 -7,2 -3,8 -2,9

Pays baltesdont :

Estonie 4,7 -1,1 5,5 6,8 3,9 3,0 -9,2 -5,7 -5,5

Lettonie 3,9 0,1 4,5f 2,8 3,3 2,6 -10,7 -10,3 -5,6

Lituanie 5,1 -4,2 2,1 2,4 0,3 1,3 -12,1 -11,2 -4,2

CEIdont :

Bélarus 8,4 3,4 2,5g 181,6 251,3 190,7 -7,6 -2,4 -3,3

Fédération de Russie -4,9 3,2 7,6e 84,5 36,6 20,2 0,4 13,7 22,2Ukraine -1,9 -0,4 6,0e 20,0 19,2 30,3 -3,2 2,8 1,5

Source : ECE (2000, tableaux 1.2.1 et 1.2.2) et mises à jour ultérieures.a Pour les prix à la consommation, de décembre à décembre sauf indication contraire.b Prévision officielle en octobre, sauf indication contraire.c Juin 1999 à juin 2000.d Janvier-juin.e Estimations préliminaires.f 4 à 5%.g 2 à 3%.

l’expansion de la production s’est poursuivie pour latroisième année consécutive. Les pays baltes se sontrapidement redressés après la récession de 1999, maisleur taux de croissance a fléchi durant la deuxièmemoitié de 2000.

Les exportations de l’ensemble des pays entransition d’Europe vers le reste du monde ontaugmenté d’un tiers. Les pays de la CEI ont étéavantagés par l’expansion et la hausse du prix desexportations de produits primaires, tandis que lespays d’Europe centrale et orientale et les pays baltesont accru leurs exportations de produitsmanufacturés. Dans tous ces pays, les importationsont aussi progressé, mais généralement moins que lesexportations, ce qui a entraîné une amélioration

notable de la balance courante. Les termes del’échange se sont beaucoup améliorés dans unepoignée de pays de la CEI qui sont exportateurs deproduits primaires, tandis qu’ils se sont nettementdétériorés dans les pays qui sont importateurs nets deproduits primaires, c’est-à-dire tous les paysd’Europe centrale et orientale, les pays baltes etplusieurs pays de la CEI.

L’accélération de la croissance dans la plupartdes pays en transition s’est accompagnée d’uneintensification des pressions inflationnistes. Malgrédes gains de productivité importants et le fait que lareprise a été tirée par l’exportation, les prix à laconsommation ont dans l’ensemble augmenté plusvite que prévu, principalement à cause de l’envol du

Page 43: RAPPORT SUR LE COMMERCE ET LE DÉVELOPPEMENT, 2001

L’économie mondiale: résultats et perspectives 23

prix du pétrole. Le retour de l’inflation a incitécertains pays à durcir leur politique monétaire. Lahausse du prix de l’énergie menace la compétitivitédes exportations, car l’intensité énergétique de laproduction des pays en transition reste relativementélevée. Jusqu’à présent, cet effet négatif a été plusque compensé par les gains de productivité, mais siceux-ci diminuent tandis que les salaires nominauxsont revalorisés sur la base de l’inflation passée, lesexportations pourraient en pâtir.

La situation budgétaire a étémeilleure que prévu dans laplupart des pays en transition, enraison non seulement de lavigueur de la reprise mais ausside la forte augmentation derecettes très sensibles au niveaudes prix tels que les droits dedouane et les droits d’accise. Dans la plupart despays, la reprise n’a pas entraîné d’augmentationsensible de l’emploi, ce qui donne à penser que lesentreprises avaient encore pas mal de main-d'œuvreexcédentaire et que le processus de restructuration de

l’économie se poursuit. En fait, dans plusieurs pays letaux de chômage est resté élevé et a même augmenté.

Les facteurs qui ont stimulé la croissance en1999 et 2000 n’agissent plus en 2001. L’expansiondu commerce mondial se ralentit, les effets stimulantsde la dépréciation des monnaies consécutive à la criserusse s’estompent et les prix des produits primairesont recommencé à baisser. Il faudra donc que lademande intérieure prenne le relais. Cela sera

d’autant plus difficile quel’inflation était en hausse en2000. Plusieurs pays en transitionsont résolus à mettre en œuvreles mesures requises pourl’association avec l'UE, voirel’accession à l'UE, ce quipourrait les obliger en particulierà appliquer une politique

monétaire très restrictive pour maîtriser l’inflation.Malheureusement, cela risque d’aggraver lechômage, qui est déjà très élevé en Europe du Sud-Est où le taux de chômage dépasse 20% de lapopulation active dans plusieurs pays.

Notes

1. A la fin de septembre 2000, le Fonds monétaireinternational (FMI) a révisé à la hausse sesestimations de croissance, considérant quel’expansion de l’économie mondiale avait continuéde s'accélérer, et a projeté une augmentation de laproduction mondiale de 4,7% en 2000, soit 0,5 pointde pourcentage de plus que dans les Perspectives del’économie mondiale de mai. Selon ses projections,la croissance devrait s’accélérer dans toutes lesgrandes régions du monde, grâce à la vigueur durablede l’économie des Etats-Unis, à une forte reprise enEurope, à la consolidation du redressement de l’Asieet à un rebond des pays émergents d’Amériquelatine, du Moyen-Orient et d’Europe (FMI, 2000 : 1).

2. Les réductions d’impôts proposées par le nouveauGouvernement des Etats-Unis n’ont pas pour objectifprincipal de stabiliser à court terme la demandeintérieure. Il se peut donc qu’elles ne soient pasannulées même si la situation macroéconomique ledemandait. Si les optimistes ont raison, ellesproduiront leurs effets juste au moment oùl’économie aura retrouvé un rythme de croissanceélevé, ce qui forcera la Réserve fédérale à durcirbrutalement sa politique monétaire. Ce manque decohérence entre la politique monétaire et la politiquebudgétaire soulève des préoccupations familières aureste du monde et notamment aux pays endéveloppement. De plus, dans la mesure oùl’accroissement des revenus disponibles résultant desréductions d’impôts est consacré à la consommation

plutôt qu’à l’épargne, ces réductions entraîneraientune baisse de l’épargne nationale totale, ce quiaggraverait le déséquilibre extérieur.

3. Discours prononcé par Ernst Welteke, membre duConseil des gouverneurs de la BCE et Président de laBundesbank, à l’Université de Hohenheim le23 janvier 2001, repris dans Market NewsInternational. Cette réticence découle de l’idée que,compte tenu de tous les éléments disponibles, on nepeut pas encore conclure que le taux de croissancepotentiel de la productivité ait augmenté de façondécisive (W. Duisenberg, Conférence de presse de laBCE, 14 décembre 2000).

4. En 1999, les entreprises étrangères ont dépensé283 milliards de dollars pour acheter ou créer des en-treprises aux Etats-Unis, contre seulement 215milliards de dollars en 1998 et 70 milliards de dollarsen 1997 (Zeile, 2000 : 141). Sur les 425,5 milliardsde dollars d’investissements réalisés par l’Europe àl’étranger en 1999, 235 milliards de dol-lars l’ont étéaux Etats-Unis (CNUCED, 2000, tableaux B1 et B2de l’annexe; Zeile, 2000, tableau 16).

5. Comme les bénéfices non rapatriés de filialesd’entreprises étrangères sont comptabilisés commedes flux d’IED aux Etats-Unis, un déclin du chiffred’affaires dans ce pays réduirait le montant des fluxd’IED enregistrés et pourrait conduire les sociétésmères à rapatrier davantage de bénéfices, ce quiaccroîtrait la pression à la baisse sur le dollar.

Les facteurs qui ont stimulé lacroissance en 1999 et 2000

n’agissent plus en 2001.

Page 44: RAPPORT SUR LE COMMERCE ET LE DÉVELOPPEMENT, 2001

24 Rapport sur le commerce et le développement, 2001

6. Depuis 1997, la proportion de fusions et acquisitionstransfrontières financées par échange d’actions aconsidérablement augmenté. Pour l’ensemble despays en développement, elle n’était que de 10% en1997, mais est montée à 31% en 1998 et a atteint40% en 1999. Dans le cas des Etats-Unis, on estimeque la moitié environ des achats d’entreprises par dessociétés étrangères ont été financés par échanged’actions et qu’une grande partie des autresacquisitions ont été financées par des emprunts endollars. Par conséquent, la forte expansion des achatsd’entreprises américaines par des entrepriseseuropéennes après 1997 pourrait avoir eu un impactdirect beaucoup moins important sur le marché deschanges qu’on ne le pense en général. Néanmoins,ces opérations ont peut-être eu des effets deportefeuille indirects, car les échanges d’actionsaccroissent la proportion d’actifs libellés en devisesétrangères dans le portefeuille des investisseurs desEtats-Unis. Si ceux-ci décident de vendre leursactions étrangères, de rapatrier le produit de cettevente et de l’investir en titres libellés en dollars, celaentraîne une augmentation de la demande de dollarssimilaire à ce qui résulterait d’un achat direct detitres par des investisseurs étrangers.

7. L’économie de cette région est très tributaire de lacroissance de l’économie des Etats-Unis: lesexportations vers les Etats-Unis représentent plus de20% du PIB en Malaisie, à Singapour et à Hong-Kong (Chine), plus de 10% aux Philippines et dans laProvince chinoise de Taiwan, et 7% en Républiquede Corée.

8. En raison des gains de productivité et de l’absence deréaction des prix ou des salaires aux tensions dumarché du travail, la Réserve fédérale paraîtconsidérer désormais que le taux de croissancenaturel de l’économie des Etats-Unis est supérieur autaux de 2,0 à 2,5% généralement considéré commeun maximum dans la première moitié de la décennie,mais ne s’est pas explicitement donné un objectifprécis. D’après le dernier Economic Report of thePresident, le taux de croissance potentiel est estimé à3,8%.

9. Les investissements dans les technologies del’information et de la communication englobenttoutes les dépenses des entreprises consacrées àl’achat d’ordinateurs et de périphériques, delogiciels, d’équipements de communication,d’instruments, de matériel de reprographie et demachines de bureau. Les trois premières catégoriesreprésentent 88% du total et les logiciels à eux seulsreprésentent 43% du total. Les dépenses consacréesaux équipements de communication ne représententque la moitié des achats de logiciels.

10. Comme la surchauffe de l’investissement aux Etats-Unis a été due principalement à des entreprisescherchant à exploiter de nouveaux progrèstechniques pour créer de nouveaux marchés, ellediffère de celles observées à la fin des années 80 auJapon et au début des années 90 en République deCorée, car dans ces deux cas les investissementsvisaient essentiellement à accroître les capacités deproduction dans les industries existantes ou

correspondaient à l’arrivée de nouveaux concurrentsdans des activités déjà établies.

11. En fin d’année, l’indice du Conference Board étaitd’environ 11% moins élevé que le maximum qu’ilavait atteint en mai 2000, et l’indice de l’Universitédu Michigan avait diminué d’environ 12% parrapport à son maximum de janvier 2000. Le déclin deces deux indices a été particulièrement notable carjusqu’alors ils avaient été à un niveau très élevépendant une période prolongée. L’indice del’Université du Michigan a encore brutalement chutéentre décembre 2000 et janvier 2001.

12. Les indicateurs de confiance dans les principaux paysde l’UE sont en déclin depuis le début du troisièmetrimestre. En Allemagne, l’indicateur IFO diminuedepuis octobre 2000 et l’indicateur de confianceglobale des entreprises dans l’industrie était déjà enbaisse depuis mai 2000; en France, l’indicateur del’INSEE, qui avait culminé à 40 en juillet 2000, esttombé à 17 en janvier 2001. En Italie, l’indicateur del’ISAE est tombé de 40 en janvier 2000 à 18 ennovembre 2000 et il a continué de baisser endécembre 2000.

13. Voir Credit Suisse/First Boston, Euro Area Weekly,12 janvier 2001.

14. Dans la deuxième moitié des années 90, lacontribution de la demande intérieure au dynamismede la croissance semble avoir été plus grande danscertains petits pays d’Europe que dans les plusgrands.

15. Taux d'intérêt nominaux moins taux d’inflation debase.

16. Toutefois, vu la persistance d'une certaine déflation,le taux de croissance réel est légèrement plus élevé.

17. L’Asie absorbe plus de 40% des exportationsjaponaises et les Etats-Unis plus de 25%. La part del’UE est inférieure à 20% et les exportations versl’UE sont probablement plus sensibles aux variationsdes taux de change. En conséquence, elles devraientaugmenter si le cours de l’euro par rapport au yenremonte.

18. L’enquête Tankan publiée en décembre a révisé à labaisse les bénéfices du deuxième semestre et lesexcédents de capacités ont augmenté.

19. La Banque centrale paraît considérer que, dans lamesure où la hausse des taux d’intérêt force lesentreprises à se restructurer, elle entraînera, par lebiais des gains de productivité, une baisse des prix etune déflation. Toutefois, selon une étude qu’elle apubliée (6 octobre 1999 : 56, encadré E), les donnéesne permettent pas de conclure que l’innovationtechnique accroisse le nombre d’industries qui fontdes bénéfices tout en baissant leurs prix encoredavantage au Japon.

20. Les définitions des sous-régions employées dans laprésente section sont celles de la Commissionéconomique pour l’Afrique des Nations Unies : 1)Afrique centrale (Cameroun, Congo, Gabon, Guinéeéquatoriale, République centrafricaine, Sao Tomé-et-Principe, Tchad); 2) Afrique de l’Est (Burundi,Comores, Djibouti, Erythrée, Ethiopie, Kenya,

Page 45: RAPPORT SUR LE COMMERCE ET LE DÉVELOPPEMENT, 2001

L’économie mondiale: résultats et perspectives 25

Madagascar, Ouganda, République démocratique duCongo, République-Unie de Tanzanie, Rwanda,Seychelles, Somalie); 3) Afrique du Nord (Algérie,Egypte, Jamahiriya arabe libyenne, Maroc,Mauritanie, Soudan et Tunisie); 4) Afrique australe(Afrique du Sud, Angola, Botswana, Lesotho,Malawi, Maurice, Mozambique, Namibie,Swaziland, Zambie et Zimbabwe); et 5) Afrique del’Ouest (Bénin, Burkina Faso, Cap-Vert, Côted’Ivoire, Gambie, Ghana, Guinée, Guinée-Bissau,

Libéria, Mali, Niger, Nigéria, Sénégal, Sierra Leoneet Togo). La production de l’Afrique du Nord repré-sente environ 40% du total de la production africaineet celle de l’Afrique australe 35%; celle de l’Afriquede l’Ouest représente 14%, celle de l’Afrique de l’Est7% et celle de l’Afrique centrale 4%.

20. Ethiopie, Gambie, Guinée, Guinée-Bissau, Mada-gascar, Malawi, Niger, Rwanda, Sao Tomé-et-Principe, Tchad et Zambie.

Page 46: RAPPORT SUR LE COMMERCE ET LE DÉVELOPPEMENT, 2001

Commerce et finances internationaux 27

Chapitre II

COMMERCE ET FINANCES INTERNATIONAUX

A. Evolution récente du commerce international

En 1998 et 1999 (tableau 2.1), après la crisefinancière asiatique, le commerce mondial est passépar une période de faible croissance qui a pris fin en2000. D’après les estimations disponibles au début de2001, en 2000 le commerce international a progresséenviron deux fois plus vite qu’en 1999, et nettementplus vite que la production mondiale (tableau 2.2)1.La vigueur de l’économie des Etats-Unis,l’accélération de l’activité dans l’UE et au Japon, unredressement plus solide que prévu de l’Amériquelatine et des pays en transition et la poursuite de lacroissance en Asie ont contribué à stimuler leséchanges. La longue période d’expansion del’économie des Etats-Unis a laissé son empreinte surla structure du commerce mondial. En 1999,l’économie des Etats-Unis absorbait 18,5% desimportations mondiales en valeur, ce qui était sansprécédent, et en 2000 cette proportion était encoreplus grande (voir OMC, 2000, tableaux III.1 et III.2).En 2001, la progression du commerce mondialdevrait être plus modérée en raison du fléchissementde la croissance de la production industrielle et de lastabilisation du prix du pétrole.

En 2000, le volume du commerce a augmentédans toutes les grandes régions, mais en particulierdans les pays en développement et, selon certainesestimations, dans les pays en transition (tableau 2.2).Pour l’ensemble des pays en développement, onestime que le volume des importations a progressé deplus de 11% en 2000, contre moins de 6% en 1999,tandis qu’il avait diminué en 1998. Les importationsde l’Amérique latine et des pays en transition avaientdiminué en 1999 mais on estime qu’elles ontaugmenté de plus de 10% en 2000. En Asie, lesimportations ont continué de croître, parfois encoreplus rapidement qu’en 1999. La croissance duvolume des importations s’est nettement accélérée à

Hong-Kong (Chine) et dans la Province chinoise deTaiwan, mais s’est ralentie à Singapour et enRépublique de Corée. Parmi les quatre grands paysde l’ANASE, le volume des importations a progresséplus vite en 2000 qu’en 1999 dans le cas del’Indonésie et des Philippines, mais moins vite dansle cas de la Malaisie et de la Thaïlande. En Chine, levolume des importations a continué d’augmenter à unrythme très soutenu en 2000, la progressiondépassant même les 26% enregistrés l’annéeprécédente. Dans le cas de l’Afrique, qui a été moinsaffectée par la récente instabilité des marchésmondiaux, les importations ont progressé, mais pluslentement que dans les autres régions endéveloppement.

L’expansion des importations s’est aussiaccélérée dans les pays développés en 2000, maispour la première fois depuis 1997 elle a été moinsrapide que dans les pays en développement. Commel’année précédente, les importations des Etats-Unisont crû plus vite que celles des autres paysdéveloppés, et selon certaines estimations ellesauraient progressé de plus de 14% en 2000. Le faitque les Etats-Unis ont continué d’acheter beaucoupau reste du monde a contribué à soutenir le commerceinternational en 2000. Toutefois, la demanded’importations s’est aussi beaucoup améliorée dansquelques-uns des principaux pays de l’UE, en dépitde la faiblesse de l’euro; on estime que l’expansiondes importations globales de la zone euro a dépassé10% en 2000. Au Japon, le volume des importationss’est également accru à un rythme accéléré en 2000,sans toutefois atteindre celui enregistré aux Etats-Unis ou en Europe, ce qui est dû en partie à unrebond des investissements, et notamment des achatsd’équipements informatiques et de télécommuni-cations.

Page 47: RAPPORT SUR LE COMMERCE ET LE DÉVELOPPEMENT, 2001

28 Rapport sur le commerce et le développement, 2001

Tableau 2.1

EXPORTATIONS ET IMPORTATIONS DES PRINCIPAUX GROUPES ÉCONOMIQUESET RÉGIONS, 1997-1999

(Pourcentage de variation par rapport à l’année précédente)

Valeur des exportations Volume des exportationsRégion/groupe économique

1997 1998 1999 1997 1998 1999

Ensemble du monde 3,5 -1,6 3,5 10,7 5,0 4,8Pays développés à économie de marché 2,0 0,8 1,7 10,0 4,6 4,3

dont :Japon 2,4 -7,8 8,1 11,8 -1,3 2,1États-Unis 10,2 -0,9 1,9 11,9 2,3 4,3Union européenne -0,5 4,0 -1,0 9,4 6,3 3,7

Pays en transition 4,2 -4,7 -0,6 10,4 5,1 -1,7

Pays en développement 7,0 -6,9 8,7 12,5 5,6 7,1dont :Afrique 2,0 -15,9 8,7 6,7 -1,8 3,8Amérique latine 10,6 -1,3 6,4 11,7 7,6 7,5Moyen-Orient 4,7 -22,5 23,6 12,6 6,9 -3,0Asie 7,2 -4,5 7,5 13,6 5,3 10,1dont :

Nouvelles économies industrielles a 3,5 -7,5 5,3 11,6 3,8 7,0ANASE-4 b 5,1 -4,0 10,7 12,2 10,7 13,1Chine 21,1 0,4 6,3 20,6 3,5 15,5

Pour mémoire :ANASE-4 plus République de Corée 5,0 -3,5 10,2 18,0 13,7 12,6

Valeur des importations Volume des importationsRégion/groupe économique

1997 1998 1999 1997 1998 1999

Ensemble du monde 3,5 -0,9 4,0 9,9 4,3 6,0Pays développés à économie de marché 2,3 3,1 4,9 9,4 7,7 7,0

dont :Japon -3,0 -17,2 11,0 1,7 -5,3 9,5Etats-Unis 9,4 5,0 12,2 12,1 11,7 11,3Union européenne -0,3 5,9 0,8 8,9 8,3 4,2

Pays en transition 6,5 -1,8 -11,6 13,7 4,7 -8,8

Pays en développement 6,1 -10,2 4,2 10,5 -3,8 5,6dont :Afrique 5,7 1,2 0,0 10,0 5,2 -2,0Amérique latine 18,2 5,0 -3,0 21,4 8,6 -1,0Moyen-Orient 8,1 -3,2 2,6 10,8 -3,8 1,7Asie 2,2 -18,5 8,9 7,3 -10,6 12,1dont :

Nouvelles économies industrielles a 3,4 -19,5 7,3 7,4 -10,0 8,2ANASE-4 b -2,4 -27,9 7,3 4,9 -23,1 9,2Chine 2,4 -1,3 18,2 5,4 2,5 25,7

Pour mémoire:ANASE-4 plus République de Corée -3,0 -30,9 15,0 3,5 -22,2 16,4

Source : Calculs du secrétariat de la CNUCED, sur la base de statistiques de l’OMC.a Hong-Kong (Chine), République de Corée, Singapour et Province chinoise de Taiwan.b Indonésie, Malaisie, Philippines et Thaïlande.

Page 48: RAPPORT SUR LE COMMERCE ET LE DÉVELOPPEMENT, 2001

Commerce et finances internationaux 29

Tableau 2.2

EXPORTATIONS ET IMPORTATIONS DES DIFFÉRENTS GROUPES ÉCONOMIQUESET RÉGIONS, 2000 : ESTIMATIONS DE DIVERSES ORGANISATIONS

(Pourcentage de variation par rapport à l’année précédente)

Valeur desexportations Volume des exportations

Région/groupe économique

FMI ONU FMI OCDE ONU

Ensemble du monde 9,9 . 10,4a 13,3a 10,6Pays développés à économie de marché . . 10,2b 12,9 10,2dont :

Japon . . 9,7c 12,5 8,6États-Unis . . 8,8c 12,6 10,6d

Union européenne . . 9,5c 12,6 10,8e

Pays en transition . 28,4f . . 8,3 (15,8f)Pays en développement 20,4 . 10,3 . 11,9dont :

Afrique 25,6 . 6,6 . 4,7Amérique latine 17,9 20,5g 10,8 . 6,4 (4,2g)Asie 14,0 . 10.9 . .dont :

Asie de l’Est et du Sud . . . . 13,5

Chine . . . . 21,6

Valeur desimportations Volume des importations

Région/groupe économique

FMI ONU FMI OCDE ONU

Ensemble du monde . . 10,4a 13,3a 10,8Pays développés à économie de marché . . 10,4b 12,7 8,8dont :

Japon . . 6,8c 11,5 6,4États-Unis . . 13,0c 14,5 13,1d

Union européenne . . 8,7c 11,0 6,8e

Pays en transition . 13,2f . . 11,8 (17,0f)Pays en développement 15,1 . 11,2 . 15,7dont :

Afrique 9,0 . 6,2 . 7,1Amérique latine 13,9 17,5g 14,4 . 9,2 (12,3g)Asie 17,3 . 13,2 . .dont :

Asie de l’Est et du Sud . . . . 15,1

Chine . . . . 45,3

Source : FMI (2000a); OCDE (2000a); ONU/DAES-CNUCED (2001).a Moyenne des pourcentages de variation annuelle des exportations et des importations mondiales.b Y compris les nouvelles économies industrielles.c Y compris les services.d Amérique du Nord.e Europe occidentale.f CEE (janvier à septembre).g CEPALC.

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30 Rapport sur le commerce et le développement, 2001

La forte expansion de la demande mondialed’importations en 2000 a eu comme contre-partie desrésultats également très satisfaisants du côté desexportations2. Le volume des exportations s’estredressé de façon particulièrement prononcée auMoyen-Orient et dans les pays en transition. Dans lecas de ces derniers, cela s’explique en partie par lerenforcement des relations avec l’Europe occidentale(en particulier l’Allemagne), où le taux de croissancede l’économie a augmenté en 2000. La forteexpansion du volume des exportations de laFédération de Russie a aussi été due à la vigueur de lademande de produits exportés par ce pays, enparticulier le pétrole et les métaux. L’expansionaccélérée des exportations vers d’autres régions acontinué d’aider le redressement de l’Asie et d’unepartie de l’Amérique latine, grâce notamment à ladévaluation de leur monnaie. Dans le cas de l’Asie, lareprise du commerce intrarégional a aussi joué unrôle et elle a en particulier facilité la forte croissancedes exportations de la Chine3. De même, lacroissance du volume des exportations du Mexiqueest due en grande partie à l’étroitesse des liens de cepays avec les Etats-Unis. Font exception à cetteévolution générale les pays, essentiellementd’Afrique et d’Amérique latine, qui exportent surtoutun petit nombre de produits primaires autres que lepétrole. Les problèmes de ces pays ont été aggravéspar la stagnation ou le déclin du cours internationalde ces produits.

On constate également une accélération de lacroissance du volume des exportations en 2000 dans

les pays développés, notamment ceux de la zoneeuro, qui ont été avantagés par la faiblesse de leurmonnaie. Les exportations de certains des plus grandspays d’Europe, tels que l’Allemagne et la France, ontprogressé de plus de 10%. La croissance desexportations a aussi aidé à revitaliser l’économiejaponaise en 2000.

Les déséquilibres commerciaux entre lesgrandes régions économiques qui s’étaient accumulésces dernières années en raison d’un important écartde croissance entre les Etats-Unis et les autres paysdéveloppés et de la vigueur du dollar se sont encoreaggravés en 2000. Le déficit commercial des Etats-Unis a atteint un niveau record, proche de 4% duPIB4, tandis que l’excédent commercial global duJapon et de l’Union européenne n’a guère diminué endépit d’une hausse considérable de la facturepétrolière. Les pays en développement et plusieurspays en transition exportateurs de pétrole, notammentla Fédération de Russie, ont amélioré leur excédentcommercial.

Pour 2001, on s’attend à ce que l’expansion dela demande mondiale soit moins forte qu’en 2000 enraison du ralentissement de l’économie des Etats-Unis et de certains autres pays qui ont enregistréd’excellents résultats ces dernières années. Levolume des flux de capitaux privés limiteraprobablement l’accroissement de la capacitéd’importation de plusieurs pays en développement,en particulier ceux d’Amérique latine.

B. Le marché des produits primaires autres que le pétrole

En 2000, les cours des produits primaires autresque le pétrole se sont légèrement redressés aprèsavoir beaucoup baissé en 1998 et 1999. Le niveauglobal des prix de ces produits a augmenté de près de2%, alors qu’il n’avait cessé de décliner pendant cinqans (tableau 2.3), mais il est resté bien inférieur auniveau qu’il avait atteint en 1996 et 1997.L’accélération de la croissance dans toutes lesgrandes régions a entraîné une augmentation de lademande d’un grand nombre de produits primaires,ce qui s’est traduit par une baisse des stocks et unehausse des prix dans certains cas, mais n’a pas suffi àcompenser la chute brutale du cours de produitsimportants comme le café, le cacao et le riz. Leseffets négatifs de la faiblesse persistante des prix de

certains produits primaires non pétroliers d’une partet de la hausse du prix du pétrole de l’autre ont causéde graves problèmes de balance des paiements et uneperte de bien-être dans les pays en développementimportateurs de pétrole qui sont très tributaires de laproduction et de l’exportation d’une gamme étroitede produits primaires.

L’amélioration globale des prix cache desdivergences importantes entre les différentescatégories de produits. Les effets à long terme dudéclin de la demande enregistré en 1998 et 1999 ontlaissé sur les bras des producteurs et des exportateursde plusieurs produits, notamment le café, le cacao, leriz et les bois tropicaux, des stocks très excessifsqu’il faudra sensiblement réduire avant que les prix

Page 50: RAPPORT SUR LE COMMERCE ET LE DÉVELOPPEMENT, 2001

Commerce et finances internationaux 31

Tableau 2.3

COURS MONDIAUX DES PRODUITS PRIMAIRES, 1996-2000

(Pourcentage de variation par rapport à l’année précédente)

Produits 1996 1997 1998 1999 2000

Ensemble des produits a -4,2 0,0 -13,0 -14,2 1,9

Produits alimentaires et boissons tropicales 2,1 2,8 -14,3 -18,3 1,0

Boissons tropicales -15,2 33,3 -17,3 -20,9 -13,2Café -19,1 54,7 -28,5 -23,2 -16,2Cacao 1,2 11,2 3,7 -32,1 -22,2Thé b … 35,1 4,3 -7,0 6,8

Produits alimentaires 6,8 -3,5 -13,8 -18,1 5,9Sucre -9,9 -4,9 -21,2 -30,0 30,5Viande de bœuf -6,4 4,0 -7,0 6,1 5,7Maïs 25,0 -25,3 -13,4 -5,5 -1,0Blé 16,2 -22,6 -19,9 -10,9 3,5Riz 5,0 -10,7 1,3 -18,6 -18,1Bananes 7,5 4,3 -3,1 -9,9 -2,3

Graines oléagineuses et huiles végétales -4,2 -0,9 7,1 -23,3 -22,8

Matières premières agricoles -9,9 -10,3 -10,8 -10,3 -1,0Cuirs et peaux -23,7 -19,8 -22,7 -27,6 73,8Coton -14,8 -8,9 -8,3 -22,9 3,5Tabac 15,6 15,6 -5,5 -7,0 -3,4Caoutchouc -11,9 -28,3 -29,8 -12,6 7,9Grumes de bois tropicaux -20,1 -5,5 -1,2 -7,2 -4,3

Minéraux, minerais et métaux -12,1 0,0 -16,0 -1,8 12,0Aluminium -16,6 6,2 -15,1 0,3 13,8Phosphate 8,6 7,9 2,4 4,6 0,2Minerai de fer 6,0 1,1 2,8 -9,2 2,6Étain -0,8 -8,4 -1,9 -2,5 0,6Cuivre -21,8 -0,8 -27,3 -4,9 15,3Nickel -8,8 -7,6 -33,2 29,8 43,7Minerai de tungstène -17,9 -9,3 -6,4 -9,3 12,1Plomb 22,7 -19,4 -15,3 -5,0 -9,7Zinc -0,6 28,4 -22,2 5,1 4,8

Source : CNUCED, Monthly Commodity Price Bulletin, diverses parutions.a Hormis le pétrole brut..b Nouvelle série commençant en 1996.

puissent se redresser. Dans le cas de quelquesproduits, en particulier le nickel et le zinc, ledéstockage amorcé à la fin de 1999 s’est poursuivitout au long de 2000 en raison d’une forte demande.En revanche, pour ce qui est des produits agricoles,les variations du niveau des stocks ont étécontrastées.

Les prix des minerais, minéraux et métaux ontprogressé de 12% en 2000 par rapport au niveau leplus bas atteint en 1999, ce qui s’expliqueessentiellement par la hausse du prix du nickel, ducuivre, de l’aluminium et du tungstène. Néanmoins,sauf dans le cas du nickel, les prix des métaux n’ontpas retrouvé le niveau moyen de 1996-1997. Lerebond des prix des métaux communs et de certaines

autres matières premières industrielles s’explique parla vigueur de la demande et la réduction de laproduction et des stocks. Le cours de l’aluminium,qui avait commencé à remonter en 1999 après uneforte baisse en 1998 et au début de 1999, a progresséde 14% en 2000 en dépit de l’importance des stockset de l’augmentation de la production. Le prix ducuivre a augmenté de plus de 15% grâce à la vigueurde la demande qui a permis de réduire les importantsstocks accumulés en 1997-1999. Le prix du nickel aaugmenté de 44% après avoir déjà augmenté de 30%en 1999, ce qui s’explique essentiellement par lademande induite par une forte croissance de laproduction d’acier. Comme la demande a étésupérieure à l’offre, les stocks de nickel ont beaucoup

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32 Rapport sur le commerce et le développement, 2001

diminué et sont tombés à un niveau que l'on n'avaitpas vu depuis de nombreuses années. Les cours duminerai de fer et du zinc ont légèrement augmenté etceux de l’étain et du phosphate ont stagné. Pour laquatrième année consécutive, le cours du plomb acontinué de baisser en raison de l’importance desstocks et de la faiblesse de la demande.

En ce qui concerne les produits agricoles, lesvariations de cours ont été importantes, ce qui est dûà une modification du rapport entre l’offre et lademande et à des variations des stocks. Les cours deplusieurs produits agricoles majeurs sont restés basen raison de l’augmentation de la production et del’excédent des stocks. Dans le cas de produits telsque le café, le cacao et le riz, la production n'a pasdiminué, ce qui a entraîné un nouveau gonflementdes stocks et continué de faire pression sur les prix.Le prix du café a encore beaucoup baissé en 2000,après avoir chuté au total de 45% durant les deuxannées précédentes, ce qui est dû aussi en partie àl’atonie de la demande, particulièrement en Europe etaux Etats-Unis. La forte augmentation de la récoltede café du Vietnam, qui est devenu le deuxièmeexportateur mondial après le Brésil, a aussi contribuéà cette évolution négative du prix. En ce qui concernele cacao, malgré l’augmentation de la demande, les

prix sont tombés à un niveau sans précédent en 2000en raison d’une offre très excédentaire qui a entraînéun nouvel accroissement des stocks. Dans le cas duthé, la hausse de 7% a compensé la baisse de 1999 ets’explique avant tout par la réduction de l’offre,notamment celle du Kenya et de l’Inde.

En 2000, les prix des produits alimentaires ontprogressé (de 6%), pour la première fois depuis 1996,grâce à un net redressement du prix du sucre, qui aaugmenté plus que prévu en raison d’un importantdéstockage. Le prix du blé est un peu remonté, touten restant bien inférieur au niveau de 1996, et le prixdu riz a chuté d’environ 18%. En raison de l’excédentdes capacités de production des grands paysexportateurs, le prix du riz est déprimé depuisplusieurs années. Les cours des graines oléagineuseset des huiles végétales ont perdu 23% en 2000, aprèsune baisse du même ordre de grandeur en 1999.

En 2001, les variations des prix des produitsprimaires autres que le pétrole resteront contrastées.Globalement, on peut s’attendre à ce que les prixrestent faibles pour la plupart des produits et lesperspectives à court terme sont assombries par lesincertitudes qui entourent la conjoncture aux Etats-Unis et l’impact qu’aurait un ralentissement de lacroissance de ce pays sur le reste du monde.

C. Evolution récente et tendances sur le marché pétrolier

1. Prix, offre et demande

En moyenne annuelle, le prix du pétrole brut aaugmenté de 58% pour atteindre 27,6 dollars le barilen 2000, ce qui est le niveau le plus élevé enregistrédepuis 1985, et la moyenne mensuelle a culminé à31,5 dollars le baril en septembre 20005. Tout au longde 1998 et au début de 1999, le cours du pétrolen’avait cessé de baisser et il était tombé jusqu’àenviron 10 dollars le baril, ce qui est imputable engrande partie à la crise économique d’Asie, qui avaitentraîné une contraction de la demande mondiale depétrole 6. Pour enrayer cette baisse des prix, lesmembres de l’Organisation des pays exportateurs depétrole (OPEP) et quelques exportateurs de pétrolenon membres de l’OPEP (Mexique, Norvège, Omanet Fédération de Russie) ont réduit globalement leurproduction de plus de 2 millions de barils par jour(bpj) en avril 1999. Comme cette baisse de l’offre a

coïncidé avec une reprise de la demande due auredressement de l’économie en Asie de l’Est et à lapoursuite d’une forte expansion aux Etats-Unis, il y aeu un important déstockage et le cours du pétrole atriplé entre février 1999 et février 2000.

Lorsque la hausse des prix a commencé àaffecter de nombreux pays importateurs de pétrole,l’OPEP a accru le plafond de la production de 1,7million de bpj en avril 2000 et a adoptéofficieusement un mécanisme visant à maintenir leprix du baril entre 22 et 28 dollars (voir Rapport surle commerce et le développement 2000, chap. III,sect. C). En conséquence, lorsque ce prix a dépasséles 28 dollars, l’OPEP a revu à la hausse le plafondde production en juillet, puis à nouveau en octobre, lemajorant au total de 3,2 millions de bpj. Le cours aatteint des sommets en septembre et à nouveau ennovembre 2000, les négociants continuant d’être

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Commerce et finances internationaux 33

préoccupés par la baisse des stocks, notamment auxEtats-Unis. Toutefois, en décembre 2000 il abrutalement chuté et est retombé au niveau où il étaithuit mois auparavant. Soudain, la crainte d’uneenvolée du prix du pétrole a fait place à laperspective d’un effondrement. Pour éviter que lecours tombe en dessous du bas de la fourchette, endépit du fléchissement de la demande,particulièrement aux Etats-Unis, l’OPEP a réduit lesquotas de production de ses membres, au prorata, de1,5 million de bpj au total à compter de février 2001.

Graphique 2.1

MOYENNE MENSUELLE DU PRIX AU COMPTANTDU PÉTROLE BRUT DE L’OPEP, 1998-2000

(Dollars le baril)

Source : OPEP, Monthly Oil Market Report, diversesparutions.

2. Les effets de la hausse du prix du pétrole

On considère en général que la hausse du prixdu pétrole déprime l’activité économique mondiale.L’effet négatif de cette hausse sur les revenus réelsserait similaire à celui d’un impôt sur le revenu réeldes ménages et des entreprises des pays importateurs,ce qui réduirait la demande globale. Toutefois, cepoint de vue ne tient compte que des effets négatifssur les consommateurs occidentaux et ignore leseffets positifs sur les producteurs de pétrole. Toutehausse du prix qui n’est pas totalement compenséepar une baisse des quantités échangées entraîne uneredistribution de revenus des consommateurs auprofit des producteurs. Il est probable que cetteredistribution modifie la structure de la demande demarchandises sur le marché mondial mais elle neréduit pas nécessairement le niveau global de lademande et de l’activité.

Quoi qu’il en soit, même l’effet direct de larécente hausse sur les pays industriels importateursde pétrole a été nettement moins grave qu’en 1973 et1979-1980, pour diverses raisons. L’activitééconomique des pays industriels demande beaucoupmoins de pétrole qu’il y a vingt ou trente ans et, endépit de la hausse brutale du prix nominal, le prix réeldu pétrole reste relativement bas, puisqu’en 2000 ilatteignait en moyenne le tiers environ du prix de1980 et restait inférieur de 20% à celui de 1974(graphique 2.2). On voit donc que l’importance ducommerce international de pétrole a beaucoupdiminué ces deux dernières décennies, de même quel’impact d’une hausse du prix du pétrole surl’inflation dans les pays industriels. Depuis février1999, malgré le fait que le cours du pétrole brut apresque triplé, les prix finaux dans la plupart des paysindustriels n’ont augmenté que de quelque 30%, cequi s’est traduit par une hausse de l’indice des prix àla consommation de l’ordre de 0,5 point depourcentage en 1999 et en 2000 (OCDE, 2000a,tableaux I.8 et I.9).

Graphique 2.2

PRIX RÉELS DU PÉTROLE, 1974-2000

(Dollars le baril) a

Source : Calculs du secrétariat de la CNUCED, sur labase de données fournies par BP Amoco, Statistical Review ofWorld Energy 2000 , et Département du travail des Etats-Unis(www.stls.frb.org/fred/data/cpi).

a Prix en dollars courants ajustés sur la base de l’indicedes prix à la consommation des Etats-Unis, l’année de baseétant 2000.

Néanmoins, la hausse du prix du pétrole en2000 a déclenché un vaste débat dans les grands paysconsommateurs au sujet du cours du pétrole, de la

1998 1999 2000J F M A M J J A S O N D J F M A M J J A S O N D J F M A M J J A S O N D

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Dol

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2000

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34 Rapport sur le commerce et le développement, 2001

Tableau 2.4

PAYS DU G-7 : PRIX MOYENS À LA POMPE DE L’ESSENCE a ET PRODUIT DES TAXES SUR LESPRODUITS PÉTROLIERS b

Prix Taxe

(dollars par litre)Taxes Produit des taxes sur les produits

pétroliers, 1999

Royaume-Uni 1,15 0,85 73,7 59,6

Japon 1,02 0,55 53,6 79,0

Italie 0,96 0,61 63,4 47,9

France 0,94 0,64 68,0 53,2

Allemagne 0,90 0,61 67,4 58,2

Canada 0,49 0,42 40,8 14,8

Etats-Unis 0,41 0,10 24,8 95,7

Source : Calculs du secrétariat de la CNUCED, d’après Agence internationale de l’énergie, Monthly Market Report,11 décembre 2000.

a Prix moyens constatés en novembre 2000.b 1999.

fiscalité pétrolière et de la sécurité de l'approvision-nement. Le Gouvernement des Etats-Unis a décidé demettre sur le marché une partie de ses réservesstratégiques, en principe réservées aux situationsd’urgence. Les gouvernements de certains payseuropéens ont indemnisé divers groupes de pressionen réponse à la rébellion des consommateurs devantle niveau élevé des prix à la pompe. Les paysexportateurs de pétrole et en particulier les membresde l’OPEP ont souvent été accusés d’être à l’originedu niveau prétendument excessif du prix de l’essenceet du fioul. Toutefois, le prix à la consommation deces produits a augmenté même lorsque le cours dupétrole brut diminuait, principalement en raison del’impact de la fiscalité dans les pays industriels et enparticulier ceux d’Europe (tableau 2.4). Ainsi, dansl’UE, les taxes sur l’essence représentent en moyenne68% du prix final, le solde étant réparti à parts égalesentre la marge des raffineurs et des distributeurs et lesrecettes des pays exportateurs. En 1999, la recette destaxes sur les produits pétroliers dans les pays du G-7a atteint près de 358 milliards de dollars, ce qui repré-sente près du double des recettes que les pays mem-bres de l’OPEP tirent de leurs exportations de pétrole.

Pour les pays développés, la hausse du prix en1999 et en 2000 a entraîné une majoration de lafacture pétrolière inférieure à 0,5% du PIB, mais ellea aussi stimulé les exportations vers les paysexportateurs de pétrole. Les pays en développementimportateurs de pétrole, vu la structure de leursexportations, sont dans l’ensemble beaucoup moinsbien placés pour tirer parti d’un éventuel surcroît dela demande des exportateurs de pétrole. En outre,comme l’intensité énergétique de la production estplus grande dans les pays en développement que dansles pays développés, l’impact global de la hausse du

prix du pétrole depuis 1999 y a été beaucoup plusprononcé.

En fait, pour de nombreux pays endéveloppement l’impact de cette hausse a été plusfort que dans les années 70 et au début des années 80,car en raison de leur industrialisation, ils sontdevenus plus dépendants du pétrole; de plus, leurparc automobile s’est considérablement accru. Ilsemploient donc de plus en plus de pétrole et ils enconsomment presque deux fois plus que les paysdéveloppés par unité de production. D’après uneestimation récente, la dégradation des termes del’échange due à la récente hausse des cours du pétrolereprésentait entre 1,4 et 2,0% du PIB dans les paysd’Asie du Sud-Est, environ 1% en Inde et en Afriquedu Sud et 0,5% au Brésil (OCDE, 2000a : 15).

La facture pétrolière des pays en développementimportateurs de pétrole a augmenté de quelque21 milliards de dollars en 1999 et de 43 milliards dedollars en 2000 (tableau 2.5). Comme en général lesimportations de produits pétroliers représentent unegrande proportion de leurs importations totales, labalance de leurs opérations courantes s’estconsidérablement dégradée, la détériorationdépassant 1% du PIB pour la seule année 2000. Celaaura probablement des répercussions sévères sur lacroissance et le niveau de vie dans bon nombre de cespays. Dans le cas des pays importateurs de pétroled’Afrique, dont beaucoup sont des PMA, la hausse dela facture pétrolière sur ces deux dernières années aatteint quelque 6 milliards de dollars, soit 2% de leurPIB. Vu leurs difficultés de financement extérieur etl’impossibilité de compenser ce phénomène par uneexpansion des exportations, bon nombre d’entre euxont dû réduire leurs importations d’autres mar-chandises.

Page 54: RAPPORT SUR LE COMMERCE ET LE DÉVELOPPEMENT, 2001

Commerce et finances internationaux 35

Tableau 2.5

FACTURE PÉTROLIÈRE DES PAYSIMPORTATEURS DE PÉTROLE, 1998-2000

(En milliards de dollars)

Pays/région 1998 1999 2000

États-Unis 47,3 67,2 106,3

Japon 23,5 34,0 53,6

Europe occidentale 45,2 63,3 99,5

Europe centrale 5,0 7,2 11,4

Pays en développement 52,1 72,8 116,1

Afrique 5,0 7,0 11,0

Asie 41,6 58,3 91,6

Amérique latine 5,5 8,5 13,5

Source : Calculs du secrétariat de la CNUCED.

En revanche, la hausse du prix du pétrole asoulagé les difficultés de balance de paiement et definances publiques d’une grande partie des pays endéveloppement exportateurs de pétrole dont lestermes de l’échange s’étaient beaucoup détériorés en1998. Les recettes pétrolières des membres del’OPEP ont doublé de 1998 à 2000 et ont atteint unniveau sans précédent depuis 1981.

3. Perspectives

L’évolution future du prix du pétrole dépendraen grande partie de la stratégie de production del’OPEP. En dehors du Koweït, de l’Arabie saouditeet des Emirats arabes unis, dont la capacité deproduction inutilisée est estimée à quelque 3 à 4millions de bpj au total, tous les autres pays membresproduisent à pleine capacité. La principale incertitudeconcerne les exportations pétrolières de l’Iraq. Pource qui est de la demande, le rythme de la croissanceet la politique énergétique des grands pays industrielsauront une influence déterminante. Au cours des

12 prochains mois, on s’attend à une baisse de lademande mondiale de pétrole, dont l’ampleurdépendra du fléchissement de la croissance aux Etats-Unis et de ses répercussions sur l’activitééconomique mondiale. Les stocks de pétrole ontaugmenté mais sont encore relativement bas, si bienque le marché devrait rester instable et les prix trèsvolatils. Quoi qu’il en soit, sauf grave perturbation del’offre, le prix moyen du pétrole en 2001 pourraittomber en dessous de 20 dollars le baril.

A moyen et à long terme, le prix du pétrole seraen grande partie déterminé par la mise en valeur denouveaux gisements et des énergies de rechange. Lespays membres de l’OPEP fournissent 40% de l’offremondiale de pétrole et possèdent environ 78% desréserves prouvées du monde. La plupart de leursgisements peuvent être mis en valeur et exploitéspour un prix relativement faible et dans des délaisassez brefs.

En général, les investissements de prospectionet de production augmentent lorsque les prixmontent, mais l’essentiel des nouvelles capacités deproduction ne seront pas opérationnelles avant la finde 2001. En particulier, les compagnies pétrolièresinternationales et différents producteurs indépendantsont investi pour prospecter et mettre en valeur denouveaux gisements qui devraient entraîner uneaugmentation sensible de l’offre des pays nonmembres de l’OPEP. On s’attend à une hausse de laproduction de la Fédération de Russie et des paysproducteurs d’Asie centrale, ainsi que de plusieurspays d’Afrique, d’Amérique latine et du Moyen-Orient. De plus, les progrès techniques ont faitbaisser de près de moitié le coût de la prospection etde la production depuis une dizaine d’années etpermettent aux compagnies pétrolières d’explorer denouvelles zones difficiles, notamment en mer, plusefficacement que jamais. D’autre part, la hausserécente a suscité un renouveau d’intérêt pour leséconomies d’énergie, les énergies de rechange et lesnouvelles technologies telles que les moteurshybrides et les piles à combustible, si bien que lepétrole, tout en restant une source d’énergie majeure,pourrait perdre de son importance dans l’activitééconomique mondiale.

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36 Rapport sur le commerce et le développement, 2001

D. Marché des changes et évolution de certains indicateurs financiers dans les pays émergents

Dans leur analyse de l’évolution du marchéfinancier international au début de 2000, les auteursdu Rapport sur le commerce et le développement2000 ont souligné que tout pronostic étaitextrêmement incertain. En effet, la deuxième moitiéde l’année a été marquée par des crises et il a fallulancer des programmes d’aide financière en faveur del’Argentine (encadré 2.1) et de la Turquie(encadré 2.2). De plus, les variations de certainsindicateurs financiers, tels que la prime de rendementsur les obligations internationales de certains pays endéveloppement, peuvent être considérés comme dessignaux d’alerte. Toutefois, dans les autres paysémergents, la situation monétaire a dans l’ensembleévolué de façon plus progressive et il n’y agénéralement pas eu d’attaque spéculative (saufdurant de brèves périodes de troubles politiques dansquelques pays). Un des grands événements de l’annéea été la brutale chute des cours boursiers.

En Asie, il n’y a pas eu beaucoup demodifications majeures depuis le début de 2000 enmatière de politique de taux de change ou de contrôledes changes, mais en Amérique latine plusieurs paysont opté pour la dollarisation intégrale. Parconséquent, les pays en développement et entransition continuent d’avoir des régimes de changetrès divers, allant de la dollarisation (Equateur et ElSalvador) à un régime de flottement plus ou moinslibre, en passant par des systèmes de parité fixe(Argentine et Hong- Kong (Chine)). Plusieurs paysont adopté un régime de flottement depuis 1997, seréservant dans certains cas la possibilité d’intervenir,notamment pour préserver un certain ordre ou éviterune appréciation ou une dépréciation brutale de leurmonnaie 7. Le Venezuela a conservé une fourchette defluctuation de 7,5% de part et d’autre d’un tauxcentral ajustable pour le taux de change au comptantcontre le dollar. La Malaisie a préservé une paritéfixe du ringgit par rapport au dollar depuis septembre1998. En Indonésie, depuis janvier 2001, pour réduirela volatilité de la rupiah et compte tenu du risque denouvelle déstabilisation d’un secteur financier encorefragile, le gouvernement a pris diverses mesures decontrôle visant certaines transactions en capital avecdes non-résidents (personnes morales et physiquesétrangères et entités indonésiennes résidant àl’étranger), c’est-à-dire un plafonnement des

opérations sur produits dérivés et des restrictionsconcernant les emprunts, les prêts et lesinvestissements, qui pourraient avoir une influencesur le taux de change.

L’Equateur a opté pour la dollarisation en mars2000 et El Salvador en janvier 2001. En Equateur, ledollar a cours légal, mais la monnaie nationale(intégralement adossée sur des réserves de dollars)reste en circulation pour les petites transactions. Undes grands objectifs de cette stratégie est de fairetomber les taux d’intérêt à un niveau proche de ceuxdes Etats-Unis. Toutefois, ce processus risque d’êtreentravé par le risque de crédit et le risque politiquedécoulant des variations de prix associées auxmodifications du taux retenu pour l’échange dedollars contre la monnaie nationale et auxperturbations de la production et de l’emploi. Lestaux d’intérêt à court terme ont déjà beaucoup baissémais sur les instruments à long terme ils restentnettement supérieurs à ceux des Etats-Unis.

L’évolution des indices boursiers des paysémergents s’est brutalement inversée en 2000(graphique 2.3). Après avoir monté de plus de 50%dans toutes les grandes régions en 1999, ces indicesont chuté, surtout en Asie. Cette baisse était due enpartie à l’augmentation des incertitudes économiqueset à la dégradation des perspectives macroécono-miques, mais elle traduit aussi un renforcement de lacorrélation entre les marchés boursiers des paysémergents et ceux des grands pays développés. Parexemple, la corrélation quotidienne entre les indicesdes marchés émergents et l’indice du NASDAQ abeaucoup augmenté(voir IIF, 2001; Mathieson,Schinasi et al., 2000, encadré 3.3). Ce phénomènes’explique en partie par le fait que les entreprises dusecteur des technologies, des médias et destélécommunications ont de plus en plus d’importancesur les marchés boursiers des pays émergents : entrela fin de 1995 et la fin de 2000, la part de cesentreprises dans la composition des indices boursiersest passée de 18 à 32% en Amérique latine et demoins de 15% à plus de 23% en Asie 8. La corrélationest aussi due probablement au fait que lesinvestisseurs internationaux ont de plus en plustendance à assimiler les marchés boursiers émergentsaux segments les plus spéculatifs des marchésboursiers des pays développés.

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Commerce et finances internationaux 37

Encadré 2.1

ARGENTINE – CHOCS EXTÉRIEURS, AJUSTEMENT ET CRISE

Malgré les efforts considérables faits par le nouveau gouvernement pour mettre en œuvre unprogramme économique annoncé en décembre 1999 et appuyé par un accord de confirmation du FMI,les résultats enregistrés par l’économie argentine en 2000 ont été décevants et le pays n’a pas réussi àsortir de la récession provoquée par les retombées de la défaillance de la Russie.

Depuis l’adoption, en 1991, de la loi sur la convertibilité, le peso argentin se négocie à parité avecle dollar des Etats-Unis dans le cadre d’un système de caisse d’émission. Cela empêche évidemmentd’employer le taux de change ou la politique monétaire pour compenser l’appréciation du dollar ou lahausse des taux d’intérêt aux Etats-Unis, si bien que la seule possibilité d’ajustement consiste àengager un processus de déflation visant à accroître la compétitivité. Cet ajustement a compromis laréalisation des objectifs de politique économique de plusieurs manières. D’une part, la déflation aentraîné une baisse d’environ 10% du taux de change effectif réel en 2000 (si l’on se fonde sur lescoûts unitaires de travail). Comme par ailleurs les prix des produits énergétiques (qui représentent plusde 10% des exportations de marchandises de l’Argentine) ont augmenté et que la récession a freiné lacroissance des importations, le déficit commercial enregistré en 1999 a laissé la place à un excédentnotable en 2000. En revanche, le rendement de l’impôt a beaucoup diminué et le déficit budgétaire nes’est pas réduit. De plus, le taux de chômage qui, avant la récession de 1998 était tombé en dessous de13%, a recommencé à augmenter et a dépassé les 14%. Les besoins de financements nets de l’Etat ontdiminué en 2000, mais ses besoins d’emprunts extérieurs ont quelque peu augmenté.

L’amélioration de la balance commerciale et le crédit accordé par le FMI n’ont pas empêché unehausse de la prime de risque sur les obligations argentines, qui a beaucoup augmenté en mai et estrestée comprise entre 650 et 700 points de base jusqu’en août, les créanciers étant préoccupés par ladétérioration du climat social due à une nouvelle récession et par son impact sur les finances publiques.En outre, les effets d’une nouvelle hausse des taux d’intérêt aux Etats-Unis suscitaient une certaineinquiétude. Néanmoins, le gouvernement a pu mettre en œuvre son plan de financement extérieur : audébut de septembre, il avait levé plus de 14,5 milliards de dollars, soit plus de 80% du montant brut desressources nécessaires pour 2000. Toutefois, la hausse du taux d’intérêt bancaire de base, qui est passéde 9% environ à près de 20% en novembre, a aggravé la décélération de l’activité économique.

En octobre et en novembre, l’instabilité politique a perturbé le marché des capitaux et à la finnovembre la prime de rendement atteignait près de 900 points de base tandis que le montant total desréserves de change a chuté d’environ 3 milliards de dollars1. Pour éviter une nouvelle ponction sur lesréserves, la Banque centrale a décidé de limiter la possibilité pour les banques commercialesd’employer des bons du Trésor comme caution pour leurs opérations de rachat 2. En outre, l’Argentinea eu recours à l’accord de confirmation conclu avec le FMI.

A la même époque, le gouvernement a lancé un plan économique révisé et a approché le FMI pouraccroître le montant de sa ligne de crédit. Dans le programme annoncé en janvier 2001, le Fonds aporté à 13,7 milliards de dollars le plafond de son crédit à l’Argentine, ce qui correspondait à 500% dela quote-part du pays (sur ce total, 3 milliards de dollars environ doivent être fournis par le biais dumécanisme de réserve complémentaire)3. La Banque mondiale et la Banque interaméricaine dedéveloppement (BID) ont promis des crédits supplémentaires d’un montant d’environ 4,8 milliards dedollars sur deux ans et l’Espagne a apporté une contribution de 1 milliard de dollars. Les tirages sur cesressources multilatérales et bilatérales devraient couvrir environ le tiers des besoins de financementbrut de l’Etat, estimés à quelque 30 milliards de dollars pour 2001. Le solde sera financé par desaccords avec les banques locales pour la reconduction d’obligations venues à échéance et l’émission denouvelles obligations, ainsi que par les achats d’obligations que devraient faire les caisses de retraiteargentines. Enfin, le gouvernement prévoit d’autres appels au marché international des capitaux.

Se fondant sur des accords similaires conclus avec le FMI par la Thaïlande, l’Indonésie et laRépublique de Corée, dans le cadre desquels il a fallu réviser l'objectif de réduction du déficit

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38 Rapport sur le commerce et le développement, 2001

budgétaire en raison d’une récession, l’Argentine a prévu, dans sa lettre d’intention, une augmentationdu déficit budgétaire qui devrait monter à 2,2% du PIB, afin d’éviter que la contraction des financespubliques n’étouffe la reprise. Ce chiffre tient compte du coût des mesures de relance del’investissement, de dépenses additionnelles consacrées à des programmes temporaires d’emploispublics et d’autres dépenses sociales visant à atténuer les difficultés économiques des groupes les plusvulnérables. Néanmoins, le déficit primaire de l’Etat fédéral devrait diminuer de 0,5% du PIB entre2000 et 2001 et l’excédent primaire devrait passer de 1% du PIB en 2000 à 1,7% en 2001. Le déficitglobal devrait disparaître en 2005 et l’assainissement budgétaire devrait s’étendre aux provinces. Selonle calendrier, le ratio dette publique/PIB devrait diminuer à partir de 2003. Cela implique que lesdépenses fédérales autres que les paiements d’intérêts devraient rester au niveau qu’elles atteignaienten 2000 en termes nominaux et que les provinces dont le budget est déficitaire gèlent aussi leursdépenses. De plus, le FMI a imposé des conditions concernant la réforme de l’administration fiscale, lasécurité sociale, la politique industrielle, la politique de la concurrence, la politique commerciale, lesecteur financier et le gouvernement des entreprises.

Après l’adoption du nouveau programme, qui a coïncidé avec une baisse des taux d’intérêt auxEtats-Unis et une dépréciation du dollar, les cours des actions se sont redressés et l’Argentine a pulever de nouveaux fonds sur le marché international4. La conjoncture mondiale pourrait l'aider à sortirdu cercle vicieux dont elle est prisonnière, puisque la nécessité d’accroître l’excédent extérieurimplique une baisse des prix et des salaires, ce qui réduit le produit de l’impôt et empêche d’atteindrel’objectif d’assainissement budgétaire. La baisse des taux d’intérêt devrait permettre de réduire le coûtde la dette et donc le déficit budgétaire sans réduire les dépenses et la baisse du cours du dollar devraitstimuler les exportations sans qu’il soit nécessaire de faire diminuer les salaires et les prix.

Néanmoins, comme l’Argentine a une dette de 120 milliards de dollars, ce qui représente 350% deses recettes d’exportation annuelles, et que le service de la dette absorbe deux tiers des recettes endevises, la situation reste très précaire, en particulier si les investisseurs recommencent à se méfier desmarchés émergents.

_________

1 Réserves de la Banque centrale et dépôts détenus par le système financier à l’étranger.2 Il s’agit d’accords de rachat conclus avec la Banque centrale pour fournir des liquidités au système bancaire

étant donné qu’en raison de la loi sur la convertibilité, la Banque centrale ne peut pas escompter les effets desbanques commerciales.

3 L’Argentine a reçu environ 3 milliards de dollars immédiatement et trois tirages supplémentaires d’environ1,3 milliard de dollars chacun étaient programmés pour la fin de l’année 2001, sous réserve d’un processusd’examen permanent. Elle pourra disposer d’environ 4 milliards de dollars en 2002 et 1 milliard de dollars en2003.

4 En février 2001, l’Argentine a émis pour 500 millions d’euros d’obligations à six ans, assorties d’un tauxd’intérêt de 10%, ce qui représente une prime de 550 points de base par rapport aux obligations du Trésor del’Allemagne et de la France. En outre, elle a converti une dette à court terme de 3 milliards de dollars enobligations du Trésor à cinq ans et a lancé une nouvelle obligation internationale à 11 ans, en annonçant une autrepour la fin du premier trimestre.

Dans les pays émergents d’Asie, la situationmonétaire a dans l’ensemble peu changé (voirgraphique 2.4). Les principales exceptions sontl’Indonésie, où la politique monétaire a été un peudurcie en 2000, et les Philippines où elle a été durcieau dernier trimestre de l’année en partie à cause del’incertitude politique. Les monnaies de plusieurspays de la région se sont dépréciées en 2000, dansdes proportions négligeables à Singapour et dans la

Province chinoise de Taiwan mais relativementimportantes dans d’autres pays (15% en Thaïlande,24% aux Philippines et 38% en Indonésie). Lesvariations des taux de change effectifs réels ont étémoins prononcées et l’indice du taux de change réeldans la grande majorité des pays émergents d’Asieest toujours moins élevé qu’au début de 19979.

Dans les pays émergents d’Amérique latine, lasituation monétaire a été plus contrastée. L’Argentine

Page 58: RAPPORT SUR LE COMMERCE ET LE DÉVELOPPEMENT, 2001

Commerce et finances internationaux 39

a brutalement durci sa politique monétaire pour faireface à la crise financière (voir encadré 2.1). Plusieursautres pays (Brésil, Chili, Colombie et Mexique) ontadopté des objectifs d’inflation pour orienter leurpolitique monétaire (JP Morgan, 2000b : 19-22), maisla définition de ces objectifs n’est pas la même danstous les pays et par conséquent, les liens entre lapolitique monétaire et le niveau effectif de l’inflationsont différents. Le Brésil et le Chili ont eu tendance àassouplir leur politique monétaire en 2000, laColombie l’a progressivement durcie puis a adoptéune position neutre, et au Mexique les taux d’intérêt àcourt terme ont fortement fluctué (graphique 2.4). AuVenezuela, les taux d’intérêt ont fluctué dans desmarges étroites pendant une grande partie de l’annéepuis ont diminué et au Pérou également la tendancegénérale était à un assouplissement, avec toutefoisdes interruptions, dues notamment à des troublespolitiques au troisième trimestre. Dans l’ensemble,les taux de change au comptant des monnaies despays émergents d’Amérique latine sont restés assezstables, avec une légère dépréciation dans le cas duBrésil et du Chili et une dépréciation plus prononcéedans le cas de la Colombie. Les taux de changeeffectifs réels ont fluctué davantage, généralementdans le sens d’une appréciation. Depuis 1997, lacompétitivité relative telle qu’elle est mesurée par cet

indicateur s’est quelque peu améliorée au Brésil et auPérou mais a diminué en Argentine, au Chili et auMexique.

En Turquie, la perte de confiance des créanciersenvers un programme de stabilisation fondé sur lemaintien d’un taux de change fixe, qui était trèstributaire des capitaux étrangers, a provoqué unecrise financière au dernier trimestre de 2000(encadré 2.2). Dans les autres pays émergents, lestaux de change et les taux d’intérêt ont étégénéralement stables (graphique 2.4). La principaleexception est l’Afrique du Sud, qui a subi desattaques spéculatives à la fin de 2000, année durantlaquelle le rand a perdu plus de 20% de sa valeur. LaHongrie a durci sa politique monétaire à la fin de2000 et la Pologne l’a assouplie, après une période deresserrement au début de l’année; en Républiquetchèque, les conditions du marché monétaire n’ontpas beaucoup changé. Les monnaies de ces trois paysse sont dépréciées pendant une partie de l’année puisont regagné du terrain. Leur taux de change effectifréel a monté, de plus de 10% dans le cas de laPologne. Sur le plus long terme, on observe unetendance à l’appréciation des monnaies de ces paysdepuis 1997, toutefois minime dans le cas de laHongrie.

Encadré 2.2

TURQUIE – STABILISATION ET CRISE

La récente crise turque présente plusieurs caractéristiques communes aux crises subies par despays émergents qui mettent en œuvre des programmes de stabilisation fondés sur la gestion du taux dechange. La plupart de ces programmes emploient le blocage du taux de change pour réduire lesanticipations inflationnistes et s’appuient souvent sur les capitaux étrangers attirés par les possibilitésd’arbitrage pour financer un déficit extérieur en expansion, ce qui entraîne une appréciation de lamonnaie. Cela aggrave la vulnérabilité extérieure et, au bout d’un certain temps, provoque une fuiterapide des capitaux, ce qui entraîne une baisse brutale du taux de change et/ou une hausse des tauxd’intérêt. Ces alternances de surchauffe et de crise financière ont permis à certains pays comme leMexique et le Brésil d’enrayer une inflation chronique, malgré l’effondrement de leur monnaie etl’ajustement extérieur exigé par la crise. Le programme appliqué par la Turquie a connu la mêmeévolution au début, mais les difficultés ont surgi beaucoup plus tôt dans le processus de désinflation, cequi a obligé les autorités à abandonner la parité et a suscité des doutes quant aux chances de succès duprogramme. Les difficultés ont été dues en grande partie au fait que le programme avait été lancé dansun environnement caractérisé par des problèmes structurels et de nombreuses causes de fragilité,notamment dans les secteurs des finances publiques et de la banque.

Depuis le milieu des années 80, la Turquie est en proie à une inflation chronique d’un taux annuelmoyen de 70%, et en décembre 1999 le gouvernement a décidé de lancer un programme destabilisation appuyé par un accord de confirmation du FMI, se fixant pour objectif de ramener le tauxd’inflation à 25% à la fin de 2000 et à moins de 10% à la fin de 2002. Ce programme a été adopté

Page 59: RAPPORT SUR LE COMMERCE ET LE DÉVELOPPEMENT, 2001

40 Rapport sur le commerce et le développement, 2001

après de très mauvais résultats économiques en 1999 : le PNB avait chuté de 6%, ce qui était dû enpartie à un séisme dévastateur et en partie aux retombées de la crise russe. En outre, le déficit publicétait considérable (14% du PNB pour ce qui est du déficit consolidé des comptes publics),principalement en raison de la hausse des paiements d’intérêt sur la dette publique et des pertesenregistrées par les entreprises publiques. Le secteur bancaire était aussi très fragile et ses bénéficesdépendaient beaucoup du rendement élevé des bons du Trésor associé à une forte inflation. Parconséquent, le marché financier était très vulnérable en cas de désinflation et la stratégie adoptée étaitassez contradictoire puisque l’assainissement budgétaire dépendait beaucoup d’un déclin des tauxd’intérêt nominaux et réels, dont le niveau élevé était essentiel pour la viabilité de nombreusesbanques. En revanche, le compte extérieur était presque équilibré. La Banque centrale appliquait unepolitique de taux de change consistant à ajuster périodiquement le taux de référence pour éviter que lalivre turque ne s’apprécie trop en termes réels.

Le programme de stabilisation se fondait sur un régime de dévaluation progressive, annoncée àl’avance. L’objectif de taux de change était fixé par rapport au dollar et à l’euro, le dollar étantprépondérant. La contre-valeur du panier de devises en livres devait augmenter de 20% en 2000 (ce quicorrespondait à l’objectif d’inflation des prix de gros), et devait être ajustée tous les mois dans desproportions décroissantes. La dévaluation progressive devait être remplacée par un régime de taux dechange plus souple à l’intérieur d’une fourchette de fluctuation en juillet 2001. En outre, le programmeprévoyait un système très similaire à celui d’une caisse d’émission (c’est-à-dire qu’il excluait lapossibilité de créer de la monnaie sans contre-partie en devises) et prévoyait un excédent primaire dubudget. Comme la Banque centrale était déterminée à ne pas conduire d’opérations de stérilisation,l’équilibrage macroéconomique devait se faire essentiellement par la modification des taux d’intérêt :si les entrées de capitaux ne couvraient pas le déficit des opérations courantes, la Banque centraleretirerait des liquidités, ce qui ferait monter les taux d’intérêt et rétablirait l’équilibre extérieur enattirant davantage de capitaux étrangers d’une part et en freinant la demande intérieure et l’importationd’autre part.

Durant les 11 premiers mois, les objectifs concernant le taux de change nominal, le montant netdes avoirs intérieurs et l’excédent primaire du budget public ont été respectés, mais l’inflation a étéplus difficile à maîtriser : le taux annuel d’inflation n’était retombé qu’à 40% environ à la fin de 2000,contre 65% en moyenne en 1999. L’appréciation de la livre turque en termes réels qui en résultait a étéaccentuée par la hausse du dollar par rapport à l’euro. Les taux d’intérêt ont baissé beaucoup plus viteque le taux d’inflation mais sont restés très volatils. Sur une base annualisée, le taux des bons duTrésor à trois mois a atteint en moyenne moins de 40% entre janvier et novembre 2000, contre plus de100% en 1999. Malgré le durcissement de la politique budgétaire, il y a eu un très net redressement del’économie et le taux de croissance sur l’ensemble de l’année 2000 a dépassé 6%. Cette bonneconjoncture, s’ajoutant à l’appréciation de la monnaie et à la hausse de la facture pétrolière, a provoquéun doublement du déficit commercial, qui a atteint un montant estimé à 20 milliards de dollars, et a faitmonter le déficit des opérations courantes à un niveau sans précédent de 5% du PNB.

En dépit de la forte baisse des taux d’intérêt réels durant l’année, la situation turque offrait despossibilités d’arbitrage très intéressantes aux investisseurs étrangers puisque la dépréciation de lamonnaie en termes nominaux était nettement inférieure à l’écart entre les taux d’intérêt turcs et les tauxd’intérêt internationaux. C’est pourquoi, jusqu’à la crise qui s’est déclenchée en novembre, les entréesde capitaux privés et les emprunts en devises du Trésor ont été plus que suffisants pour couvrir ledéficit croissant des opérations courantes, ce qui a entraîné une augmentation des réserves et de laliquidité intérieure. Ce dernier phénomène, s’ajoutant au fait que l’Etat s’est mis à emprunterdavantage sur le marché international que sur le marché intérieur, a contribué à faire baisser les tauxd’intérêt et à soutenir la demande globale.

Comme dans la plupart des crises subies par des pays émergents, il est difficile de dire quelle a étéla cause exacte de la perte de confiance et de la fuite des capitaux qui ont commencé en novembre2000. Les facteurs les plus importants sont probablement les suivants : taux d’inflation et déficitcommercial mensuel supérieurs aux prévisions en octobre, problèmes politiques suscités par laprivatisation, détérioration des relations avec l’UE, situation économique de l’Argentine, divulgation

Page 60: RAPPORT SUR LE COMMERCE ET LE DÉVELOPPEMENT, 2001

Commerce et finances internationaux 41

d’irrégularités dans le système bancaire, et annonce d’une enquête pénale concernant plusieursbanques mises sous la tutelle du Fonds de garantie des dépôts. Il y a peut-être eu aussi des problèmesde liquidités dus à une surenchère entre certaines banques privées. Quoi qu’il en soit, le programme destabilisation avait déjà rencontré les écueils que rencontrent tous les programmes de ce type qui sonttributaires de mouvements de capitaux spéculatifs. Lorsque la confiance a disparu, les créanciersétrangers ont refusé de renouveler leurs créances sur les banques locales. Les banques ont vendu deslivres pour réduire leur position de change en fin d’exercice. La vente massive de livres a provoqué desdifficultés pour les banques qui se finançaient en devises et entraîné une crise de liquidités et une fortehausse des taux d’intérêt, en raison de l’épuisement des réserves internationales. Les banques quiavaient d’importantes positions en bons du Trésor financés par des emprunts au jour le jour ont subi delourdes pertes et ont été amenées à surenchérir pour obtenir des fonds sur le marché interbancaire touten liquidant massivement les bons du Trésor. En quelques jours, les cours boursiers se sont effondréset les taux d’intérêt au jour le jour ont dépassé les 100%. La Banque centrale s’est retrouvée face audilemme habituel en pareille situation : soit défendre la parité de la monnaie, au prix d’une aggravationde la crise financière, soit jouer le rôle de prêteur de dernier recours et sauver le système financier eninjectant des liquidités sans tenir compte de ses objectifs. Après une période d’hésitation, elle acommencé à fournir des liquidités aux banques en difficulté, mais cela n’a eu pour effet qued’accélérer l’épuisement des réserves internationales, le bradage de la livre sur le marché des changess’intensifiant.

Au bout de quelques jours, la Banque centrale est revenue sur sa position antérieure et, de touteévidence après avoir consulté le FMI et obtenu des engagements de sa part, a rétabli le régime decaisse d’émission en fixant un nouveau plafond pour les avoirs intérieurs. Comme elle a cesséd’injecter des liquidités et que les réserves suffisaient encore à couvrir les engagements extérieurs àcourt terme, la fuite des capitaux s’est arrêtée, mais le taux d’intérêt au jour le jour s'est envolé et adépassé les 1000%. Au début de décembre, la Banque centrale a conclu un nouvel accord avec le FMI,avec un volet financier d’environ 10,5 milliards de dollars. Le gouvernement a pris de nouveauxengagements, notamment en matière de réduction des dépenses et de majoration des impôts, dedémantèlement des mesures de soutien à l’agriculture, de libéralisation du marché des biens et desservices essentiels, de restructuration du secteur financier et de privatisation. En outre, il a offert desgaranties aux créanciers étrangers ainsi qu’à tous les titulaires de dépôts dans les banques turques pourrétablir la confiance envers le système bancaire.

Les réserves et les taux d’intérêt se sont certes stabilisés, mais il devenait de plus en plus évidentque le programme n’était pas viable. Le taux d’inflation restait supérieur au taux mensuel dedévaluation de la livre par rapport au panier de devises, si bien que la livre a continué de s’apprécier entermes réels. Les taux d’intérêt sont restés très élevés, environ 65% sur les nouveaux bons du Trésor,car les avoirs libellés en livres turques continuaient d’être considérés comme très spéculatifs, et larécession économique s’est installée. La goutte qui a fait déborder le vase a été une escarmouchepolitique en février 2001 (au moment de la rédaction du présent rapport), qui a déclenché une sortiemassive de capitaux et forcé le gouvernement à abandonner la parité glissante et à laisser la monnaieflotter librement, de nouveau avec l’appui des institutions de Bretton Woods. En quelques jours, lalivre a perdu environ un tiers de sa valeur par rapport au dollar et le taux d’intérêt au jour le jour adépassé 1000%.

Le gouvernement a annoncé qu’il avait l’intention de continuer d’appliquer son programme destabilisation, en se fixant directement un objectif de taux d’inflation. Cela impliquerait un retour à despolitiques de stabilisation traditionnelles, dont la réussite dépend en grande partie d’un durcissement dela politique macroéconomique. La conjugaison d’une politique d'austérité budgétaire, d’une hausse destaux d’intérêt et d’un effondrement de la monnaie pourrait plonger le pays dans une profonderécession, comme celle qu’a connue la République de Corée. Toutefois, les difficultés que celacauserait aux pauvres mettraient en péril le gouvernement, d’autant que la distribution des revenus estextrêmement inégalitaire et que le niveau de vie avait déjà tendance à baisser. Si la Turquie ne parvientpas à maîtriser rapidement l’inflation et à retrouver le chemin de la croissance, grâce à l’exportation età l’aide officielle, il lui sera probablement très difficile de persévérer dans la voie de l’austérité etl’inflation pourrait se déchaîner à nouveau.

Page 61: RAPPORT SUR LE COMMERCE ET LE DÉVELOPPEMENT, 2001

42 Rapport sur le commerce et le développement, 2001

Graphique 2.3

INDICES BOURSIERS DE DIFFÉRENTS PAYS ÉMERGENTS, JANVIER 1999 À JANVIER 2001

(Janvier 1999= 100; en monnaie locale)

Source : Primark Datastream.

Rép. tchèqueHongriePologneAfrique du Sud

ChineIndonésieMalaisiePhilippinesRép. de CoréeThaïlande

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Page 62: RAPPORT SUR LE COMMERCE ET LE DÉVELOPPEMENT, 2001

Commerce et finances internationaux 43

Graphique 2.4

TAUX DE CHANGE ET TAUX D’INTÉRÊT DU MARCHÉ MONÉTAIRE DANS CERTAINS PAYSÉMERGENTS, JUILLET 1999 À JANVIER 2001

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Juill. 1999 Janv. 2000 Juill. 2000 Janv. 2001 Juill. 1999 Janv. 2000 Juill. 2000 Janv. 2001

Juill. 1999 Janv. 2000 Juill. 2000 Janv. 2001 Juill. 1999 Janv. 2000 Juill. 2000 Janv. 2001

Juill. 1999 Janv. 2000 Juill. 2000 Janv. 2001 Juill. 1999 Janv. 2000 Juill. 2000 Janv. 2001

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Page 63: RAPPORT SUR LE COMMERCE ET LE DÉVELOPPEMENT, 2001

44 Rapport sur le commerce et le développement, 2001

Graphique 2.4 (suite)

TAUX DE CHANGE ET TAUX D’INTÉRÊT DU MARCHÉ MONÉTAIRE DANS CERTAINS PAYSÉMERGENTS, JUILLET 1999 À JANVIER 2001

Source : Primark Datastream ; JP Morgan, Global Data Watch , diverses parutions.Note: Argentine, Brésil, Mexique, Indonésie, Malaisie, Philippines, République de Corée, Singapour, Province chinoise de

Taiwan, Thaïlande, République tchèque, Hongrie et Pologne; taux à trois mois sur le marché monétaire national ou équivalent leplus proche; Venezuela : moyenne des taux médians; Afrique du Sud : taux médian de l’escompte à trois mois; Turquie : taux desbons du Trésor à trois mois.

Taux de change Taux d'intérêt du marché monétaire

Juill. 1999 Janv. 2000 Juill. 2000 Janv. 2001 Juill. 1999 Janv. 2000 Juill. 2000 Janv. 2001

Juill. 1999 Janv. 2000 Juill. 2000 Janv. 2001 Juill. 1999 Janv. 2000 Juill. 2000 Janv. 2001

Juill. 1999 Janv. 2000 Juill. 2000 Janv. 2001

Juill. 1999 Janv. 2000 Juill. 2000 Janv. 2001 Juill. 1999 Janv. 2000 Juill. 2000 Janv. 2001

Juill. 1999 Janv. 2000 Juill. 2000 Janv. 2001

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Commerce et finances internationaux 45

E. Les flux de capitaux privés vers les pays émergents

La prudence qui entourait les prévisions faitesau début de 2000 en ce qui concerne les flux decapitaux privés vers les marchés émergents s’estrévélée justifiée : durant la deuxième moitié del’année, les estimations provisoires et les nouvellesprévisions ont été sensiblement revues à la baisse.D’après les chiffres provisoires, en 2000 il n’y auraiteu guère de changement ou un certain recul parrapport à 1999. Les perspectives pour 2001 sont ànouveau très incertaines, ce qui est dû en partie aufait qu’il est très difficile de prévoir l’impact duralentissement de la croissance des grands paysindustriels, et en particulier des Etats-Unis, sur lesflux financiers (voir chapitre premier, section A), eten partie au fait que les interactions et les lignes defracture du réseau mondial que constituent désormaisles marchés financiers sont encore mal comprises.

1. Evolution en 2000

Les deux séries d’estimations récapitulées autableau 2.6 font apparaître l’une une légèreaugmentation des flux de financements extérieursprivés nets vers les pays en développement et entransition et l’autre une forte baisse10. Comme cesdeux séries sont provisoires, il est possible qu’ellessoient encore sensiblement révisées. Néanmoins,elles montrent bien que ces financements restent trèsinférieurs au niveau qu’ils atteignaient en 1996-1997.Les totaux recouvrent des divergences considérablesentre les régions. D’après les estimations du FMI, lesflux vers l’Asie, le Moyen-Orient et l’Europeauraient beaucoup diminué, les flux vers l’Amériquelatine se seraient légèrement redressés et il n’y auraitguère de changement dans le cas de l’Afrique. Si l’ontient compte des sorties de capitaux correspondantaux prêts nets des résidents et de certains autresajustements, les estimations de l’IIF ne sont guèredifférentes : légère amélioration en Amérique latine,guère de changement en Afrique, déclin en Europe etpoursuite des sorties nettes en Asie.

Un des principaux facteurs qui expliquent ledéclin des flux de financements privés nets vers lespays en transition et en développement depuis 1997est la contraction du crédit bancaire. Depuis 1998, les

remboursements aux banques ont en général étésupérieurs au montant des prêts nouveaux et lemontant total des créances des banques de la zonedéclarante de la BRI sur ces pays a baissé de plus de150 milliards de dollars depuis 1997 (tableau 2.7). Lacontraction des crédits bancaires s’est ralentie dansles deux premiers trimestres de 2000. Elle était dueprincipalement aux événements survenus en Asie del’Est et du Sud, et les remboursements nets de cetterégion expliquent en grande partie le déclin dumontant total des crédits accordés aux pays endéveloppement et en transition en 1999.

Dans le reste du monde, la situation durant lepremier semestre de 2000 a été contrastée. Lacontraction des créances des banques sur l’Europeorientale est imputable en grande partie à la baissedes prêts accordés à la Fédération de Russie. EnAmérique latine, l’augmentation des créancess’explique notamment par les prêts au Mexique, dontbeaucoup ont été associés à l’achat d’établissementsfinanciers mexicains par des banques espagnoles(BIS, 2000a). L’expansion des créances des banquesde la zone déclarante de la BRI sur l’Afrique a étépeu affectée par les crises financières des années 90.Les créances sur certains pays, comme l’Egypte, leMaroc et la Tunisie, ont beaucoup augmenté cesdernières années, mais l’ensemble de la dettebancaire de la région reste relativement modeste.

Les récentes crises financières ont modifié leprofil des échéances de l’encours des créditsbancaires aux pays concernés. Ainsi, en Indonésie, enMalaisie, aux Philippines, en République de Corée eten Thaïlande, la proportion de créances ayant unedurée résiduelle inférieure à un an est tombée de plusde 65% à la fin de 1993 à quelque 50% à la fin de199811. Depuis, l’évolution a été moins prononcée,même si la proportion de créances à court terme acontinué de diminuer aux Philippines et a augmentéen République de Corée (dans ce dernier pays, cephénomène est dû plus à l’arrivée à échéance dedettes à long terme qu’à l’octroi de nouveauxcrédits). En Fédération de Russie, la proportion descréances ayant une durée résiduelle inférieure à un anest tombée de 46% au milieu de 1998 à 26% aumilieu de 2000 (ce qui est dû en partie aux opérationsde restructuration) et au Brésil elle est tombée de 63 à54% dans le même temps. Dans le reste du monde, la

Page 65: RAPPORT SUR LE COMMERCE ET LE DÉVELOPPEMENT, 2001

46 Rapport sur le commerce et le développement, 2001

Tableau 2.6

FLUX DE CAPITAUX NETS VERS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT ET EN TRANSITION, 1997-2000 :ESTIMATIONS DU FMI ET DE L’INSTITUTE FOR INTERNATIONAL FINANCE

(Milliards de dollars)

Type de flux/région 1997 1998 1999 2000

Estimations de l’Institute for International Finance

Entrées nettes de capitaux privés

Total 269 139 148 154par catégorie:

Créanciers privésBanques commerciales 44 -54 -43 -16Créanciers privés non bancaires 84 59 28 20

Fonds propresInvestissement direct 116 119 146 128Investissements de portefeuille 25 15 18 22

par région :Afrique/ Moyen-Orient 15 6 10 7Asie/Pacifique 73 -1 31 49Europe 74 56 36 30Amérique latine 107 99 71 68

Pour mémoire:Prêts des résidents/autres, nets a

Total -197 -147 -125 -127Afrique/Moyen-Orient -4 1 -5 -6Asie/Pacifique -105 -73 -60 -73Europe -56 -26 -25 -27Amérique latine -33 -49 -36 -20

Estimations du Fonds monétaire international

Entrées nettes de capitaux privés

Total 115 66 67 36Investissements directs nets 141 152 155 142Investissements de portefeuille nets 39 0 5 17Autres flux nets b -66 -86 -92 -123

Afrique 12 7 10 9Investissements directs nets 8 7 9 8Investissements de portefeuille nets 7 7 9 5Autres flux nets b -3 -6 -7 -4

Asie 7 -41 2 -18Investissements directs nets 55 60 54 48Investissements de portefeuille nets 8 -15 4 5Autres flux nets b -57 -85 -56 -71

Moyen-Orient et Europe 23 10 1 -18Investissements directs nets 7 8 5 8Investissements de portefeuille nets -6 -17 -10 -7Autres flux nets b 21 19 6 -20

Hémisphère occidental 68 62 40 48Investissements directs nets 53 57 65 57Investissements de portefeuille nets 19 20 9 6Autres flux nets b -5 -15 -34 -15

Pays en transition 6 28 13 16Investissements directs nets 17 20 21 22Investissements de portefeuille nets 11 6 -7 8Autres flux nets b -22 2 0 -14

Source : IIF (2001); FMI (2000a).a Pour la définition de cette expression, voir la note 16.b Les autres flux nets englobent les autres flux d’investissements nets à long terme, y compris les emprunts auprès de

sources officielles et privées.

Page 66: RAPPORT SUR LE COMMERCE ET LE DÉVELOPPEMENT, 2001

Commerce et finances internationaux 47

Tableau 2.7

CRÉANCES DES BANQUES DE LA ZONE DÉCLARANTE DE LA BRI a SUR LES PAYS ENDÉVELOPPEMENT ET EN TRANSITION, 1997-2000

1997 1998 1999 2000b

Pourcentage d’augmentation c

Stock (fin juin 2000)Milliards de dollars

Total d 8,6 -7,7 -8,5 0,4 884

dont :Amérique latine 11,3 -2,8 -5,6 2,7 288Afrique 19,6 0,3 0,8 -0,9 43Asie occidentale 16,5 18,0 1,4 -0,2 78Asie de l'Est et du Sud 1,1 -21,7 -17,1 -1,5 305Asie centrale 35,5 17,6 26,9 -2,1 3Europe orientale 19,4 -0,4 -1,5 -4,4 95Autres pays d'Europe e 27,1 9,4 15,6 11,1 54

Ensemble des emprunteurs f 15,4 3,0 2,5 5,8 10 252

Source : BPI, International Banking and Financial Market Developments, diverses parutions.a Y compris certaines filiales offshore de banques des États-Unis.b Deux premiers trimestres.c Sur la base des données relatives à la fin de période, après ajustement pour variation des taux de change.d A l’exclusion des centres bancaires offshore suivants : Amérique latine – Bahamas, Barbade, Bermudes, Iles Caïman,

Antilles néerlandaises et Panama; Afrique – Libéria; Asie occidentale – Bahreïn et Liban; Asie de l’Est – Hong-Kong (Chine),Singapour et Vanuatu, mais y compris les montants résiduels qui n’ont pas pu être imputés à d’autres pays.

e Malte, Bosnie-Herzégovine, Croatie, Slovénie, ex-République yougoslave de Macédoine et Yougoslavie.f Y compris les institutions multilatérales.

proportion des créances à court terme varie selon lespays et les régions : elle est d’environ 55% dans lespays d’Afrique et d’Asie occidentale et de seulement40% en Europe orientale.

Les pays d’Amérique latine sont à nouveauceux qui ont émis le plus d’obligations et autres titresde créances internationaux, leurs émissionsreprésentant plus de 50% du total durant les troispremiers trimestres de 2000 (tableau 2.8). En outre,durant l’année plusieurs de ces pays ont échangé desobligations Brady contre des euro-obligations assortisd’un taux d’intérêt moins élevé et d’une échéanceplus longue12. D’après les données préliminaires, lemontant des émissions aurait diminué durant lequatrième trimestre (ce qui est dû notamment àl’absence de l’Argentine et de la Turquie, qui avaientprocédé à d’importantes émissions au début del’année) et il y aurait une reprise au début de 2001(due essentiellement à l’activité des emprunteursd’Amérique latine, comme en 2000). Le nombre depays en développement qui ont accès au marchéinternational des obligations reste très limité etl’encours de leurs obligations représente moins de lamoitié du total des créances des banques de la zonedéclarante de la BRI sur les pays en développement(soit un chiffre du même ordre de grandeur que celuides créances bancaires d’une durée résiduelleinférieure à un an).

Jusqu’en octobre, il y a eu d’importants écartsentre les primes de rendement sur les obligations despays émergents (graphique 2.5), à cause d’unecertaine perturbation des marchés financiers, et cesprimes ont augmenté en particulier dans le cas del’Argentine, du Brésil, des Philippines et de laTurquie. Ensuite, elles se sont stabilisées ou ontlégèrement diminué vers la fin de l’année,probablement en partie grâce aux aidesinternationales apportées à l’Argentine et à laTurquie.

Après avoir été relativement importants à lasuite des crises financières de la fin des années 90, lesflux nets d’investissement étranger direct (IED) versles pays en développement et en transition ontdiminué en 2000, mais cela est imputableessentiellement à la contraction de l’IED dans unpetit nombre de pays. Dans le cas de certains paysd’Asie, l’augmentation de l’IED consécutive à lacrise financière de la région est probablement arrivéeà son terme, et dans le cas de la République de Corée,le solde net a été réduit par une expansion desinvestissements directs du pays à l’étranger; dans lecas de l’Argentine, le chiffre global a diminué aprèsavoir été gonflé l’année précédente par laprivatisation du conglomérat pétrolier YPF (voirRapport sur le commerce et le développement 2000,chap. III, sect. E.1). Les flux d’IED vers le Brésil

Page 67: RAPPORT SUR LE COMMERCE ET LE DÉVELOPPEMENT, 2001

48 Rapport sur le commerce et le développement, 2001

Graphique 2.5

ECART DE RENDEMENT a SUR CERTAINES OBLIGATIONS INTERNATIONALES DE PAYSÉMERGENTS, JUILLET 1999 À JANVIER 2001

(Points de base) b

a Ecart entre le rendement d’une obligation représentative émise par le pays emprunteur et celui d’uneobligation de même durée émise par l’Etat du pays dans la monnaie duquel l’obligation de l’emprunteur est libellée.

b Un point de base équivaut à 0,01%.

1000

900

800

700

600

500

400

300

200

100

0

Poin

ts d

e b

ase

Juill.-99 Janv.-00 Avr.-00 Janv.-01Oct.-99 Oct.-00Juill.-00

1000

900

800

700

600

500

400

300

200

100

0

Poin

ts d

e b

ase

Juill.-99 Janv.-00 Avr.-00 Janv.-01Oct.-99 Oct.-00Juill.-00

1000

900

800

700

600

500

400

300

200

100

0

Po

ints

de b

ase

Juill.-99 Janv.-00 Avr.-00 Janv.-01Oct.-99 Oct.-00Juill.-00

République tchèqueHongriePologneAfrique du Sud

ChineIndonésieMalaisiePhilippinesRép. de CoréeThaïlande

Venezuela

1000

900

800

700

600

500

400

300

200

100

0

Po

ints

de b

ase

Juill.-99 Janv.-00 Avr.-00 Janv.-01Oct.-99 Oct.-00Juill.-00

Mexique

Brésil

Argentine

Turquie

Page 68: RAPPORT SUR LE COMMERCE ET LE DÉVELOPPEMENT, 2001

Commerce et finances internationaux 49

Tableau 2.8

EMISSIONS INTERNATIONALES DE TITRES DE CRÉANCES a DES PAYS EN DÉVELOPPEMENTET EN TRANSITION b, 1997-2000

(Milliards de dollars)

Emissions brutes c Emissions nettes

1997 1998 1999 2000d 1997 1998 1999 2000d

Total 123,6 78,3 79,2 69,8 82,1 37,4 34,1 30,8

dont :Amérique latine 64,0 43,0 48,0 39,9 41,1 22,5 26,4 21,8Asie de l'Est et du Sud 39,8 10,8 16,7 15,2 25,4 -0,7 -1,1 1,9Europe 11,4 20,4 10,3 11,1 11,1 15,1 6,5 4,7

Pour mémoire

Ensemble du monde 1508,6 1657,2 2305,0 993,0 560,4 681,1 1215,4 797,7

Source : Calculs du secrétariat de la CNUCED, sur la base de BRI, International Banking and Financial MarketDevelopments, diverses parutions.

a Instruments monétaires et obligations, classés selon le domicile de l’émetteur.b Autres que les centres financiers offshore.c Emissions brutes d’instruments monétaires et émissions annoncées d’obligations internationales.d Trois premiers trimestres.

sont restés importants et, d’après les estimationspréliminaires, leur ordre de grandeur est similaire àcelui du déficit des opérations courantes de ce pays.

Les investisseurs internationaux peuvent acheterdes actions dans des entreprises de pays endéveloppement et en transition soit en souscrivant àdes émissions internationales soit en investissant surles marchés boursiers locaux. Le montant mobilisépar les émissions internationales a dépassé32 milliards de dollars dans les trois premierstrimestres de 2000, un peu plus de la moitié de cechiffre étant imputable aux émetteurs d’Asie de l’Estet du Sud (BIS, 2000a, tableau 18). On ne dispose pasencore de chiffres distincts concernant les placementsétrangers sur les bourses des pays émergents en 2000,mais d’après les estimations préliminaires de l’IIFconcernant toutes les formes d’investissement deportefeuille, le total de ces investissements pourl’année est nettement inférieur au total des émissionsinternationales pour les trois premiers trimestres, cequi signifie que les investisseurs étrangers ontprobablement beaucoup réduit leurs placements surles bourses de ces pays. Il est probable que cedésinvestissement s’est fait dans le deuxièmesemestre en raison de la chute généralisée des coursboursiers décrite à la section précédente. En fait, cesdeux phénomènes sont vraisemblablement liés entreeux, la chute des cours incitant les investisseursétrangers à se détourner de ces marchés et ledésinvestissement aggravant la chute des cours.

2. Perspectives

Les perspectives d’évolution des flux definancements privés en direction des pays endéveloppement et en transition restent incertaines.Selon certains observateurs, les pays émergents dansl’ensemble sont aujourd’hui moins exposés à deschocs financiers du fait qu’ils sont moins tributairesde crédits bancaires à court terme et qu’ils ont adoptédes régimes de taux de change plus souples.Toutefois, comme l’ont montré les crises subies parl’Argentine et la Turquie l’année dernière, celan’implique pas nécessairement que tous les payssoient à l’abri de graves problèmes de balance despaiements. De plus, l’accès des pays émergents auxfinancements extérieurs privés reste lié, par diversmécanismes, à la conjoncture mondiale. Certains deces mécanismes sont déjà bien connus, par exempleceux qui relient l’accès au financement à lacroissance de l’économie mondiale, à l’évolution ducommerce international et aux termes de l’échange13.Mais il y a aussi d’autres facteurs, très difficiles àprévoir en général, tels que la contagion entre lesmarchés émergents eux-mêmes et l’influencedéstabilisatrice que peuvent avoir les marchés duNord sur ceux du Sud.

Les liens entre les marchés financiers des paysdéveloppés et en transition d’une part et ceux despays industriels d’autre part ont évolué en raison de

Page 69: RAPPORT SUR LE COMMERCE ET LE DÉVELOPPEMENT, 2001

50 Rapport sur le commerce et le développement, 2001

divers processus associés à l’intégration financièremondiale. Dans la précédente section, nous avonsévoqué le récent renforcement de la corrélation entreles marchés boursiers des pays émergents et ceux despays développés, mais dans d’autres domaines lacorrélation a tendance à diminuer. Par exemple,durant la première moitié de 2000, la prime de risquesur la dette des pays en développement a eu tendanceà diminuer alors que la prime sur les obligations àhaut rendement d’emprunteurs de pays développéslibellées en dollars ou en euros avait tendance àaugmenter (BIS, 2000b : 5-6; IIF, 2001 : 9). De plus,l’accroissement de la volatilité de l’indice NASDAQen 2000 s’est accompagné d’un affaiblissement de sacorrélation avec le rendement de la dette des paysémergents14. Néanmoins, les turbulences sur lesmarchés financiers des pays développés pourraient

continuer d’avoir des répercussions importantes surceux des pays émergents. Du fait de l’apparition denouvelles méthodes de gestion des risques, parexemple pour la couverture des risquestransfrontières, il est devenu plus difficile de prévoirles lignes de fracture15. En conséquence, les fluxfinanciers vers les pays en développement et entransition sont influencés aujourd’hui non seulementpar les facteurs habituels ayant leur origine dans lespays industriels, tels qu’une réorientation de lapolitique monétaire ou une modification de l’aversiondes investisseurs et des créanciers pour le risque,mais aussi par des décisions de gestion deportefeuille d’établissements financiersinternationaux qui n’ont pas nécessairement derapport avec la situation fondamentale des pays dontles marchés sont affectés par ces décisions.

F. Financement extérieur et dette des pays les moins avancés

Les PMA restent la grande poche de pauvreté del’économie mondiale. Comme leur épargne intérieureest insuffisante, leur développement reste tributairedes financements extérieurs et en particulier des fluxde capitaux officiels. Toutefois, le montant global desentrées de capitaux dans ces pays a diminué dans lesannées 90, aussi bien en termes réels qu’en termesnominaux et qu’en proportion de leur PIB(tableau 2.9).

Vu leur fragilité économique et leur manque desolvabilité, la plupart des PMA n’ont pour ainsi direpas d’accès direct au marché international descapitaux. Alors que, pour l’ensemble des pays endéveloppement, les flux privés autres que les fluxd’IED représentaient près de la moitié du montantglobal net des entrées de capitaux dans les années 90,et environ 2,3% du PIB, dans le cas des PMA cesflux privés ont été négligeables tout au long desannées 90 et même négatifs en 1998 et 1999. Les fluxd’IED vers les PMA sont aussi relativementmodiques, mais rapportés au PIB de ces pays, ils sontpresque aussi importants que dans les autres pays endéveloppement. Toutefois, dans les PMAl’investissement étranger direct finance surtout desactivités primaires et se concentre sur un petitnombre de pays riches en pétrole, gaz et autresressources naturelles.

Les capitaux officiels restent la principalesource de financement extérieur des PMA. Pendant

Tableau 2.9

FLUX DE CAPITAUX VERS LES PMA, PARCATÉGORIE, ET TRANSFERT NET, 1990-1999

(En pourcentage du PNB)

Type de flux 1990-1997 1998 1999

Total net des flux 10,5 7,7 7,5Flux officiels 9,2 6,4 6,0

Dons d’APD a 6,5 4,8 4,7

Crédits officiels 2,7 1,6 1,4Bilatéraux 0,3 -0,1 -0,4Multilatéraux 2,4 1,7 1,7

Flux privés 1,3 1,3 1,5Investissement étranger direct 1,1 1,5 1,6Autres 0,2 -0,2 -0,1

Paiements d’intérêts 0,9 0,8 0,8Rapatriement de bénéfices 0,6 0,5 0,6

Transfert net b 9,0 6,4 6,1

Source : Calculs du secrétariat de la CNUCED, d’aprèsBanque mondiale, Global Development Finance 2001 , versionpréliminaire (CD-ROM).

a Cette rubrique correspond au poste « dons » tels qu’ilest défini par la Banque mondiale dans la source et necomprend pas les fonds distribués au titre de la coopérationtechnique.

b Entrées nettes de capitaux moins les paiementsd’intérêts sur la dette extérieure et les rapatriements debénéfices.

Page 70: RAPPORT SUR LE COMMERCE ET LE DÉVELOPPEMENT, 2001

Commerce et finances internationaux 51

plus d’une décennie, leur part dans le total des flux àlong terme en direction de ces pays est demeuréestable, aux alentours de 88%, alors que dans lesautres pays en développement elle n’a cessé de dimi-nuer pour tomber à quelque 20% à la fin des années90 (Rapport sur le commerce et le développement1999, tableau 5.1, et CNUCED, 2000a : 59).

Durant les années 90, les flux de capitauxofficiels vers l’ensemble des pays en développementont beaucoup diminué, en termes réels comme entermes nominaux16, et malgré tous les beaux discoursau sujet de la lutte contre la pauvreté, les dons d’APDet les crédits bilatéraux aux PMA, qui sont les paysles plus touchés par la pauvreté, ont aussi baissé.Contrairement aux autres destinataires de l’aideinternationale, les PMA n’ont pas bénéficié durétablissement partiel de l’aide publique en 1998-1999. Le montant global des flux d’aide officiels despays membres du Comité d’aide au développement(CAD) de l’OCDE aux PMA ne représentait que0,05% du PNB des pays donateurs entre 1997 et lafin de 1999, ce qui est très loin de l’objectif de 0,15%que s’étaient fixé les participants à la deuxièmeConférence des Nations Unies sur les pays les moinsavancés en 1990. De plus, cette proportion est moitiémoindre de ce qu’elle était au début des années 90,bien que les bailleurs de fonds se soient engagés àaccroître leur aide aux PMA. Parmi les membres duCAD, seuls cinq pays avaient atteint l’objectif de0,15% en 1999 : Danemark (0,32%), Luxembourg(0,16%), Pays-Bas (0,16%), Norvège (0,3%) et Suède(0,17%) (OCDE, 2000b, tableau 31).

Dans la majorité des PMA, l’insuffisance desentrées de capitaux, en particulier sous forme decrédits à long terme et de dons, est aggravée par unsérieux surendettement. En 1999, l’encours de ladette extérieure des PMA représentait globalement89% de leur PIB et en moyenne le service (effectif)de leur dette représentait 15% de leurs exportations.Plusieurs pays sont restés incapables d’honorer toutesleurs obligations et ont continué d’accumuler desarriérés.

Il est donc urgent de réduire la charge de ladette dans les PMA. Parmi les 41 pays considéréscomme pays pauvres très endettés (PPTE), 31 sontdes PMA. A la fin de 2000, 22 pays, dont 17 PMAd’Afrique, avaient atteint le « point de décision »prévu par l’Initiative PPTE, et ils devraientcommencer à bénéficier d’un allègement intérimairede la dette envers les créanciers multilatéraux et d’unallègement accru de la dette envers les créanciers duClub de Paris. L’Ouganda est le seul PMA à avoiratteint le « point d’achèvement » prévu parl’Initiative, qui lui permet de jouir de tous lesavantages prévus. Entre-temps, 11 autres PMA, dontla plupart sont en proie à des conflits, ont un niveaud’endettement jugé insupportable d’après les critèresde l’Initiative PPTE, même après prise en compte des

mécanismes traditionnels de désendettement.Toutefois, avec le processus actuel, il faudra peut-êtreplusieurs années avant que ces pays puissentsatisfaire les conditions requises pour atteindre lepoint de décision. De plus, un certain nombre dePMA surendettés ne sont pas considérés comme desPPTE (CNUCED, 1999, encadré 3).

Les attentes actuelles en ce qui concerne leseffets économiques de l’Initiative PPTE sur les paysqui ont atteint le point de décision sont irréalistes.Premièrement, leur marge de manœuvre budgétairereste étroite. L’allègement accordé peut paraîtreimportant si l’on se fonde sur la diminution de lavaleur actuelle des obligations futures de service dela dette, mais l’économie annuelle résultant del’Initiative PPTE elle-même jusqu’en 2005 resteramodeste pour la plupart des pays qui ont atteint lepoint de décision. Deuxièmement, les prévisions àmoyen terme d’un règlement durable du problème dusurendettement postulent que le taux de croissance dela production et des exportations de ces pays seraélevé, c’est-à-dire souvent supérieur à celui obtenudans les années 90, durant de nombreuses années etque l’intensité d’importation de la croissancediminuera. Troisièmement, il n’est pas certain quetoutes les ressources financières libérées parl’allègement de la dette seront vraiment nouvelles.Dans 14 des 17 PMA d’Afrique qui ont atteint lepoint de décision, les flux d’aide officiels ontconsidérablement diminué entre 1996 et 1999. Celaamène à supposer que l’Initiative PPTE pourrait setraduire par une réduction générale des flux d’aideofficielle, sauf si les bailleurs de fonds modifientradicalement leur attitude; tout au long des années 90,le montant des flux de capitaux officiels à destinationdes PMA était étroitement lié au niveau de leurendettement et du service de leur dette (CNUCED,2000a : 125-9).

En outre, le processus PPTE est devenu encoreplus complexe du fait que le désendettement a étéexpressément lié à la lutte contre la pauvreté par lebiais des stratégie pour la réduction de la pauvreté(DSRP). Comme l’a récemment suggéré le Ministrenéerlandais de la coopération, si la mise en œuvre deces stratégies exige un désendettement plus importantet plus rapide, les partenaires du développementdevront se montrer disposés à offrir des moyensadditionnels17.

Une des grandes surprises positives de 2000 estqu’un nombre croissant de pays créanciers se sontengagés, dans le cadre de l’Initiative PPTE, à annulerintégralement la dette bilatérale. Toutefois, celan’impliquera pas que la dette de tous les pays seraeffacée à brève échéance et l’annulation des dettesdépendra des progrès accomplis par ces pays enmatière de réforme de la politique économique et delutte contre la pauvreté. Il faut s’attendre à ce que lespays concernés, le calendrier de l’effacement de la

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52 Rapport sur le commerce et le développement, 2001

dette et les catégories de dettes concernées(notamment pour ce qui est des dettes postérieures àla date butoir) varient beaucoup selon les créanciers.

Les problèmes économiques de fond des PMAsont nombreux et complexes et, par conséquent,l’annulation de la dette ne suffira pas toujours à lesmettre sur la voie d’un développement durable.Toutefois, le désendettement est une conditionnécessaire et, compte tenu de la situation particulièredes PMA, il faut évaluer leurs besoins en la matièreen faisant abstraction des considérations liées àl’Initiative PPTE. Comme on ne peut pas s’attendre àce que toutes leurs dettes soient effacées rapidement,il faut envisager des solutions provisoires pour les

soulager dans l’immédiat. Pour cela, et en attendantque l’Initiative PPTE ait déployé tous ses effets, ilconvient d’étudier la possibilité de suspendre leservice de la dette de tous les PMA, sans que celaentraîne une accumulation d’arriérés supplémen-taires. Ainsi, n’ayant plus à consacrer leurs maigresressources au service de la dette, ces pays pourrontles employer pour financer des dépenses sociales etdes investissements productifs dont ils ont le plusgrand besoin. Pour la même raison, il faut aussienrayer le déclin de l’aide officielle. Faute decapitaux privés en suffisance, il est indispensabled’accroître les flux officiels pour amorcer unprocessus d’accumulation de capital dans les PMA18.

Notes

1. Il n’est pas toujours facile d’expliquer lesimportantes divergences qu’on observe dans lesséries de statistiques commerciales publiées parl’OMS, le FMI et l’ONU/DAES.

2. Au sujet des raisons qui pourraient expliquerl’écart entre le total des exportations mondiales etle total des importations, voir Rapport sur lecommerce et le développement 2000 (chap. III,note 1).

3. Pour une analyse détaillée du rôle du commerceintrarégional dans le redressement des pays d’Asiede l’Est, voir Rapport sur le commerce et ledéveloppement 2000 (chap. III).

4. D’après les estimations du FMI, le déficit deséchanges de biens et de services des Etats-Unis en2000 serait de 360 milliards de dollars environ etle déficit des opérations courantes de 420 milliardsde dollars environ (4,2% du PIB). L’estimation deJP Morgan est encore plus élevée, 439 milliards dedollars (4,4% du PIB). Voir FMI (2000,tableau I.2 et tableaux 27 à 29 de l’appendice) etJP Morgan (2000a).

5. Il s’agit de la moyenne du prix au comptant desept bruts produits par les membres de l’OPEP(graphique 2.1).

6. Dans les gisements difficiles à exploiter des paysnon membres de l’OPEP, le coût marginal de laproduction est compris entre 10 et 15 dollars lebaril. Par conséquent, dès que le cours dépasse unpeu le niveau de 15 dollars le baril, lescompagnies pétrolières devraient en principe êtreincitées à exploiter ces gisements. Toutefois,contrairement à d’autres produits, le pétrole estune ressource stratégique et son prix est aussiinfluencé par des facteurs spéculatifs. Pour une

analyse plus détaillée des facteurs qui ont influésur le marché mondial du pétrole ces dernièresannées, voir Rapport sur le commerce et ledéveloppement 1999 (première partie, chap. II,sect. E).

7. Pour une analyse du débat récent sur les différentsrégimes de taux de change, voir deuxième partie,chap. V.

8. Voir IIF (2001: 11). La part de ce secteur dans lesémissions récentes d’actions sur les marchésboursiers des pays émergents est encore plusgrande: 57% en 1999 et 77% dans la premièremoitié de 2000. Voir Mathieson, Schinasi et al.(2000, encadré 3.5).

9. Il s’agit des estimations de JP Morgan, qu’on peutconsulter à l’adresse suivante : www.jpmorgan.-com.

10. Les écarts entre les estimations des flux financiersprivés vers les pays en transition et endéveloppement sont dues essentiellement à desdifférences d’exhaustivité et de méthode. Lesestimations du FMI prennent en compte la grandemajorité de ses pays membres. Elles se fondent surla balance des paiements et donc sur les sortiesnettes de capitaux des résidents. Les estimationsde l’IIF visent 29 pays émergents et ne tiennentpas compte des ajustements correspondant auxprêts nets des résidents, aux variations du stockd’or monétaire et aux erreurs et omissions de labalance des paiements, qui représentent en généralune proportion importante du montant des fluxnets privés. Les estimations de l’IIF pour janvier2001 ont été sensiblement revues à la baisse parrapport à celles de septembre 2000, qui chiffraientà 188 milliards de dollars les flux privés nets pour

Page 72: RAPPORT SUR LE COMMERCE ET LE DÉVELOPPEMENT, 2001

Commerce et finances internationaux 53

l’ensemble de l’année, avec un montantcompensatoire de 127 milliards de dollars à larubrique « prêts des résidents/autres ».

11. Ces données proviennent des communiquésde presse que la BRI publie au sujet desstatistiques bancaires internationales consolidées.

12. Ces échanges expliquent en grande partie ladivergence importante qu’on peut constater entreles émissions brutes et les émissions nettesd’obligations internationales dans le tableau 2.10.Ils sont généralement motivés par le souhait d'em-ployer à d'autres fins les cautions (obligations duTrésor des Etats-Unis) qui garantissent les obliga-tions Brady, la possibilité de réduire l’encours dela dette (lorsque l’échange se fait avec une décote)ou la volonté d’accroître la durée moyenne desobligations internationales du pays concerné, dansla mesure où les nouvelles obligations sont à longterme.

13. Pour une analyse des divers mécanismes qui lientla conjoncture mondiale et les flux de capitaux,voir JP Morgan (2000c : 7-8).

14. Pour une analyse de cette corrélation, voirMathieson, Schinasi et al. (2000, chap. III,encadré 3.3).

15. Pour une analyse plus approfondie des effets deces méthodes, voir Cornford (2000 : 3).

16. Pour une analyse plus détaillée de l’évolution àlong terme du financement extérieur des pays endéveloppement, voir Rapport sur le commerce etle développement 1999 (deuxième partie); pourune analyse du financement extérieur de l’Afrique,où se trouvent la plupart des PMA, voir CNUCED(2000b).

17. E. Herfkens, “Bringing Solidarity to Brussels”,discours prononcé devant le Conseil du commerceet du développement de la CNUCED, Genève, 27février 2001.

18. Pour une analyse plus détaillée, voir Rapport surle commerce et le développement 1998 (deuxièmepartie), et CNUCED (2000b).

Page 73: RAPPORT SUR LE COMMERCE ET LE DÉVELOPPEMENT, 2001

DEUXIÈME PARTIE

RÉFORME DE L’ARCHITECTUREFINANCIÈRE INTERNATIONALE

Page 74: RAPPORT SUR LE COMMERCE ET LE DÉVELOPPEMENT, 2001

Vers une réforme de l’architecture financière internationale 57

Chapitre III

VERS UNE RÉFORME DE L’ARCHITECTUREFINANCIÈRE INTERNATIONALE

A. Introduction

La fréquence et la virulence croissantes descrises financières et monétaires internationales, quitouchent même des pays bien gouvernés et appliquantune politique macroéconomique rigoureuse, donnentà penser que l’instabilité est globale et systémique. Ilest certes possible d’améliorer les politiques et lesinstitutions nationales, mais cela ne suffira pas àrégler le problème, en particulier dans les pays endéveloppement très exposés à la volatilité des flux decapitaux. Il est essentiel de renforcer les institutionset mécanismes internationaux pour réduire laprobabilité de telles crises et mieux les gérerlorsqu’elles se produisent. Bien que la plupart desobservateurs considèrent aujourd’hui que l’instabilitéfinancière est de caractère global et systémique, lacommunauté internationale n’a pas encore réussi àmettre en place des mécanismes mondiaux efficacespour répondre aux préoccupations des pays endéveloppement.

Après la crise asiatique, les gouvernements, lesorganisations internationales, les milieuxuniversitaires et les agents économiques ont fait uncertain nombre de propositions de réforme del’architecture financière internationale1. Cespropositions visent quatre grands domaines : lesrègles et institutions mondiales régissant les fluxinternationaux de capitaux, le régime de taux dechange, la restructuration de la dette extérieure, et laréforme du FMI, particulièrement s’agissant de lasurveillance, de la conditionnalité, de la fourniture deliquidités internationales et du rôle du Fonds en tantqu’éventuel prêteur de dernier recours. La réalisationde ces propositions impliquerait la création denouvelles institutions et de nouveaux mécanismes

internationaux et une réforme de ceux qui existentdéjà.

Certaines de ces propositions ont été examinéesau sein du FMI lui-même et d’autres institutionsfinancières internationales, telles que la BRI et leForum de stabilité financière (FSF), récemment créé,ainsi que par les gouvernements des pays membresdu G-7. Des initiatives ont été prises, mais leprocessus de réforme, au lieu d’être axé sur desmesures internationales visant à remédier àl’instabilité et aux risques systémiques, a privilégiéles interventions à l’échelon des institutions etmécanismes nationaux. En outre, dans ce processusles débiteurs ne sont pas à la même enseigne que lescréanciers. On a surtout cherché à imposer unediscipline aux débiteurs, en définissant pour lespolitiques nationales des lignes directrices et desnormes assorties d’incitations et de sanctions. On aexhorté les pays débiteurs à adopter des normes etrèglements financiers rigoureux, à conserver desréserves internationales suffisantes, à ouvrir deslignes de crédit de secours et à conclure desarrangements contractuels avec les créanciers privéspour les faire participer au règlement des crises. Lesystème financier international reste fondé sur leprincipe du laisser-faire et l’on conseille aux pays endéveloppement de libérer le compte de capital etd'assurer la convertibilité de leur monnaie, et de necontrôler les flux de capitaux qu’à titre exceptionnelet temporaire. Tout cela a accru l’influence desmarchés financiers sans renforcement correspondantdes institutions internationales.

Ce manque de progrès est en grande partie dû àdes raisons politiques. Les propositions évoquées

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plus haut sont souvent contraires aux intérêts descréanciers, mais les gouvernements de certains paysdébiteurs s’opposent aussi à des réformes qui auraientpour effet de réduire les flux de capitaux oud’accroître le coût du financement, même lorsqu'ellespourraient limiter l’instabilité et réduire la fréquencedes crises dans les pays émergents. De nombreuxobservateurs ont affirmé que ces propositions étaientirréalistes non seulement sur leplan politique mais aussi sur leplan technique. Toutefois, tantque les défaillances systémiquescontinuent de menacer le bien-être mondial, il faut chercher àmettre en œuvre une réformeplus fondamentale de l’architec-ture financière internationale :

Il est facile de com-mettre l’erreur de penser queles transformations institution-nelles majeures sont irréali-sables, particulièrement auxEtats-Unis où les institutionsqui appliquent la politiquemacroéconomique ont dansl’ensemble peu évolué ces dernières décennies.Naguère, la perspective de l’établissement d’unemonnaie européenne unique semblait tout aussiimprobable que le démantèlement de l’empiresoviétique ou la réunification de l’Allemagne. Lesgrandes transformations institutionnelles paraissentimpossibles jusqu’à ce qu’elles se produisent, aprèsquoi elles paraissent évidentes. Même si aucun desplans ambitieux qui ont été proposés n’est réalisabledans l’environnement politique mondial actuel, il sepeut qu’après une ou deux crises de plus,l’impossible commence à paraître réaliste. (Rogoff,1999 : 28).

Dans la deuxième partie du présent rapport,nous passons en revue les principales initiativesprises jusqu’à présent pour réformer l’architecture

financière internationale, ainsi que les conseilsdonnés aux pays en développement dans desdomaines clés, tels que la réforme structurelle et lapolitique de taux de change, pour prévenir et contenirl’instabilité et les crises. Notre analyse s’appuie surcelle qui avait été faite dans le Rapport sur lecommerce et le développement 1998, en mettantl’accent sur des évènements plus récents. Dans le

présent chapitre, nous donnonsun aperçu des enjeux, encomparant brièvement ce qui aété accompli jusqu’à présent avecle genre de mesures suggéréespour remédier aux défaillancessystémiques et à l’instabilitémondiale. Dans le chapitresuivant nous passerons en revueles initiatives récentes en matièrede normes et de réglementationsinternationales et dans lechapitre V nous verrons si lespays en développement peuvent àla fois préserver la liberté ducompte de capital et préserver un

taux de change réaliste, en adoptant des régimesappropriés, alors que les cours des trois grandesmonnaies de réserve peuvent être très volatils etrester durablement à un niveau trop élevé ou trop baset que les flux de capitaux internationaux sont trèsinstables. Nous évaluerons aussi les possibilités decoopération à l’échelle régionale pour mettre en placedes mécanismes collectifs de défense contrel’instabilité financière, en nous appuyant surl'exemple de l’UE. Le dernier chapitre est consacré àla gestion des crises financières et au partage de leurcoût et nous analyserons la situation actuelle dansdeux domaines essentiels, la fourniture de liquiditésinternationales et la participation du secteur privé à lagestion et au règlement des crises.

B. La régulation des flux de capitaux internationaux

A la fin de la deuxième guerre mondiale, on aconçu un ensemble d’organisations pour gérer lestaux de change et les paiements internationaux, lareconstruction des économies détruites par la guerreet le commerce et l’investissement internationaux: leFMI, la Banque mondiale et le GATT. Toutefois, cesinstitutions ne devraient pas s'occuper des

mouvements de capitaux internationaux,essentiellement parce qu’on considérait que la libertédes mouvements de capitaux n’était pas compatibleavec la stabilité des taux de change et avecl’expansion du commerce et de l’emploi. Même aprèsle démantèlement des arrangements de BrettonWoods et malgré l’importance croissante des flux de

Le processus de réforme, au lieud’être axé sur des mesures

internationales visant à remédierà l’instabilité et aux risquessystémiques, a privilégié lesinterventions à l’échelon desinstitutions et mécanismes

nationaux. Dans ce processus, lesdébiteurs ne sont pas à la même

enseigne que les créanciers.

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capitaux privés, on n’a pas cherché à réguler cesmouvements (Akyüz et Cornford, 1999 : 1-7).

Le seul régime mondial applicable auxopérations monétaires transfrontières était celui duFMI, mais les principales obligations résultant de sesStatuts concernent les transactions courantes et nonles mouvements de capitaux. L’article IV dispose quel’un des buts essentiels du système monétaireinternational est de faciliter les mouvements decapitaux internationaux, entre autres obligationsgénérales relatives aux régimes de change. Lesdispositions plus spécifiques de l'article VIconcernant les transferts de capitaux permettentd’imposer des mesures decontrôle à condition qu’elles nerestreignent pas les transactionscourantes, et habilitent le Fonds àdemander à un pays membre deprendre de telles mesures pouréviter que le compte deressources générales ne soitemployé pour financer des sortiesde capitaux importantes oudurables. La seule initiativerécente concernant le régimeinternational est une tentative defaire de la convertibilité pour lesopérations de capital un desobjectifs du FMI.

La BRI est une organisationdont le nombre de membres estlimité et qui ne s’occupe que de certains aspects desflux de capitaux internationaux2. Depuis lesannées 70, elle assure le secrétariat de plusieursorganismes qui ont été créés pour réduire ou gérer lesrisques associés aux transactions bancaires trans-frontières. Ces organismes ne sont pas compétentspour définir des règles régissant les mouvements decapitaux internationaux en tant que tels. Leur travailvise à élaborer des accords sur les normes que lesautorités nationales doivent appliquer pour mieuxprotéger les établissements financiers, individuel-lement et collectivement, contre les risques liés auxtransactions transfrontières.

La fréquence accrue des crises financières et lamondialisation du marché financier ont récemmentsuscité des propositions relatives à la création deplusieurs institutions internationales conçues pourréguler et stabiliser les flux de capitauxinternationaux. Ces propositions se fondent sur deuxarguments. Le premier est que, comme lesétablissements financiers ont de plus en plusd’activités internationales, il faut leur appliquer uneréglementation et un contrôle unifiés et mondiaux. Ledeuxième met l’accent sur l’instabilité demouvements de capitaux obéissant à des régimes trèsdifférents, à laquelle seule une régulation mondialeplus uniforme pourrait remédier.

L’une de ces propositions consiste à créer une"superinstitution" mondiale de régulation et decontrôle financiers, une "Autorité financièremondiale" chargée de déterminer les normesapplicables à tous les établissements financiers, ycompris les établissements offshore (Eatwell etTaylor, 1998, 2000). Une autre consisterait à créer unconseil de surveillance des principaux établissementset marchés internationaux, qui serait doté de vastespouvoirs de normalisation, de contrôle et deréglementation des banques commerciales, dessociétés de négoce de titres et des compagniesd’assurance3. Une troisième proposition, axée sur la

stabilisation des prêts bancairesinternationaux, consisterait àcréer une société internationaled’assurance-crédit chargée d’em-pêcher une expansion excessivedu crédit (Soros, 1998).

Quels que soient leursavantages et leurs inconvénients,ces propositions soulignent lanécessité de mettre en place desinstitutions et mécanismesinternationaux capables d’empê-cher les établissements financiersde prendre trop de risques dansleurs activités de crédit etd’investissement transfrontières,de réduire les défaillancessystémiques et d’éliminer

plusieurs lacunes, souvent criantes, des régimesnationaux des pays créanciers et débiteurs.L’approche officielle de ces problèmes a été trèsdifférente et privilégie le renforcement du systèmefinancier des pays débiteurs dans le but de réduire lerisque de difficultés financières majeures et decontagion. Elle met aussi l’accent sur lacommunication de données financières à jour etsuffisantes au sujet du secteur public et du marchéfinancier des pays débiteurs, afin de permettre auxcréanciers internationaux d’agir de façon plus avisée,ce qui permettrait de réduire le risque de défaillanceet d’améliorer la surveillance bilatérale.

Comme nous le verrons plus en détail auchapitre IV, différents codes et normes ont étéélaborés par le biais d’institutions telles que le FMI,la BRI et le FSF, non seulement pour le secteurfinancier lui-même, mais aussi pour ce qui est de lapolitique macroéconomique et de la transparence.Leur application devrait dans l’ensemble avoir deseffets positifs, surtout à long terme, mais elle necontribuera pas nécessairement à la stabilitéfinancière et, dans de nombreux cas, aura un coûtinitial élevé. De plus, les réformes demandées auxpays destinataires des capitaux sont très ambitieuseset ne tiennent pas toujours compte des différences deniveau de développement et de ressources humaines.

Les obligations contenues dans lesnouvelles propositions de codes et

de normes semblent partir dupostulat que les principales failles

du système qui régit lesmouvements de capitaux

internationaux se trouvent dans lespays destinataires et que c’est

donc à eux qu’il incombe de fairel’essentiel des ajustements

nécessaires pour prévenir oucontenir les crises.

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Du point de vue systémique, les réformesenvisagées comportent de nombreuses lacunes etreflètent une conception asymétrique desresponsabilités des différentes parties. En particulier,elles ne répondent pas de façon satisfaisante auxpréoccupations des pays en développement en ce quiconcerne les fluctuations des flux internationaux decapitaux, qui sont souvent dues à des variations del’offre très influencées par la politique monétaire desgrands pays industriels, en particulier les Etats-Unis,la liquidité, et le comportement grégaire des agentséconomiques qui prêtent aux pays en développementou y investissent. Les obligations contenues dans lesnouvelles propositions de codeset de normes semblent partir dupostulat que les principalesfailles du système qui régit lesmouvements de capitauxinternationaux se trouvent dansles pays destinataires et que c’estdonc à eux qu’il incombe de fairel’essentiel des ajustementsnécessaires pour prévenir oucontenir les crises. En revanche,les mesures conçues pour réduirela volatilité des flux de capitaux àla source ou accroître latransparence des opérationsfinancières transfrontières, quisont aujourd’hui très peuréglementées, brillent surtout parleur insuffisance ou leur absencetotale. Les recommandationsadressées aux pays d’origine ne préconisent que desmesures limitées, qui n’entrent pas dans le champ despolitiques ou initiatives actuelles, ou impliquent unemodification des pratiques des agents économiquesallant au-delà de ce qui est déjà envisagé.

Bien qu’on insiste sur le volontariat,l’application de ces codes et normes devrait êtreappuyée par un vaste système d’incitations et desanctions, dont certaines pourraient bien devenir deséléments de la conditionnalité du FMI. Même si lesrègles et lignes directrices ont pour la plupart uncaractère assez général, il n’est pas exclu que leurapplication soit très inspirée par le modèle en vigueurdans certains pays développés, en raison de l’impor-

tance du rôle que jouent les institutions financièresmultilatérales et les organismes de contrôle des paysdu G-7 dans les évaluations. Comme l’a dit Rodrik :

… Il est dangereux d’imposer aux pays endéveloppement une politique économique fondée sur le« consensus de Washington », même si celui-ci a été mis àjour avec de nouveaux codes et normes internationaux etdes réformes de la "deuxième génération". Les risques sontmultiples. Premièrement, les nouvelles disciplinesimposées de l’extérieur sont associées à un modèle dedéveloppement économique dont l’efficacité estdouteuse… Deuxièmement, il n’est pas du tout certain queles nouvelles recommandations amélioreront beaucoup lasécurité du système international lui-même… Au contraire,

en attirant l’attention exclusivementsur les réformes structurellesintérieures dans les pays endéveloppement, l’approche actuelleincite à ne pas trop se préoccuper desflux de capitaux à court terme, ce quipourrait accroître le risquesystémique au lieu de le réduire.Enfin, on sous-estime beaucoup lesdifficultés concrètes que soulève lamise en œuvre de bon nombre desréformes institutionnelles envisa-gées. (Rodrik, 1999 : 3)

Ce qui a été proposéjusqu’à présent en matière decodes et de normes est très loinde constituer une partieintégrante d’un nouveau cadremondial visant à réduirel’instabilité financière. Il faut

rappeler qu’une des justifications essentielles de cesinitiatives est qu’elles sont la contre-partie nécessaired’une poursuite de la libéralisation du marchéfinancier, en particulier dans les pays endéveloppement. Toutefois, elles sont loin de justifierqu’on impose aux pays de nouvelles obligations en cequi concerne la convertibilité du compte de capital etla libéralisation de l’investissement transfrontière oudes services financiers en général. En l’absenced’interventions efficaces à l’échelle mondiale, c’esttoujours les Etats qui doivent faire face à l’instabilitéfinancière internationale. Il est donc essentiel qu’ilsconservent la liberté de choisir les politiquesappropriées.

… Il est dangereux d’imposer auxpays en développement une

politique économique fondée sur le« consensus de Washington »,

même si celui-ci a été mis à jouravec de nouveaux codes et normesinternationaux et des réformes de

la "deuxième génération".. Lesnouvelles disciplines imposées de

l’extérieur sont associées à unmodèle de développement

économique dont l’efficacité estdouteuse…

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C. Le régime de taux de change

Le deuxième grand volet de la réforme del’architecture financière internationale concerne lerégime de taux de change et en particulier celui destrois grandes monnaies de réserve (le dollar, l’euro etle yen). En fait, il serait plus juste de parler de lanécessité d’établir un régime mondial de taux dechange plutôt que de réformer le système existant :depuis l’effondrement du système de parités fixesmais ajustables de Bretton Woods, il n’y a en fait pasde régime mondial de taux de change. Les taux dechange flottants ont été adoptés dans l’idée que leurefficacité dépendait de conditionsfondamentales stables, mais lesmesures internationales spéci-fiées à cet effet dans les statutsdu FMI et dans la décisiond’avril 1977 sur les arrangementsde taux de change n’ont pasdéfini les obligations et lesengagements que cela implique-rait. Comme l’a fait observerRobert Triffin, les obligationssont de caractère si général etévident qu’elles paraissent plutôtsuperflues et il s'agissait pourl’essentiel de légaliser l’abandongénéralisé et illégal desengagements de Bretton Woods, sans les remplacerpar d’autres engagements contraignants (Triffin,1976 : 47-48). La décision d’avril 1977 exigeait queles membres interviennent sur le marché des changessi nécessaire pour remédier à des situationschaotiques, mais elle définissait pas ces situations etne donnait pas de lignes directrices claires pour lesinterventions. De même, les principes de surveillancedes politiques de taux de change étaient d’uncaractère tellement général que la contraintedépendait presque entièrement des procédures desurveillance (Dam, 1982 : 259), et jusqu’à présent lesmécanismes de consultation n’ont pas permis dedéfinir les règles de comportement précises quiseraient nécessaires pour qu’on puisse dire que cesarrangements constituent un « système »4.

Vu cette carence institutionnelle et l’absenced’engagement des grands pays industriels, il n’estguère surprenant que le régime de taux de change

flottants n’ait pas donné les résultats attendus : tauxde change relativement stables, ajustement de labalance des paiements sans perturbations majeures,accroissement de l’autonomie macroéconomique etélimination des déséquilibres entre pays déficitaireset excédentaires. Au contraire, la situation actuelle secaractérise non seulement par une forte volatilité àcourt terme mais aussi par des surévaluations ousous-évaluations durables des monnaies. Les grandspays industriels sont restés favorables au flottementet se sont abstenus d’intervenir sur le marché des

changes sauf en période de ten-sions et de déséquilibresextrêmes, comme celles qui ontconduit à une coordination despolitiques monétaires et à desinterventions sur le marché deschanges en 1985 (Accord duPlaza) et en 1987 (Accord duLouvre).

Les dégâts causés par lecomportement chaotique des tauxde change sont relativementlimités pour les pays dont lamonnaie est une monnaie deréserve (G-3), car leur économie

pèse beaucoup plus que celle des pays endéveloppement et est donc beaucoup moins tributairedu commerce international. De plus, leurs agentséconomiques ne sont pas trop exposés au risque dechange car ils peuvent prêter ou emprunteur dans leurpropre monnaie. Au contraire, les fortes fluctuationset la surévaluation ou la sous-évaluation desmonnaies du G-3 sont très gênantes pour les pays endéveloppement et ont joué un rôle important danspresque toutes les grandes crises qu’ont connues cespays (Akyüz et Cornford, 1999 : 31). On peut donc sedemander s’il est raisonnable de penser qu’il suffitque les pays émergents adoptent une politiquemacroéconomique et un régime de taux de changeappropriés pour stabiliser leur monnaie, alors que lesmonnaies des grands pays industriels restent aussiinstables. En fait, de nombreux observateurs(notamment P. Volcker et G. Soros) estiment qu’il nesera pas possible d’accroître la stabilité systémiquede l’économie mondiale sans une réforme du régime

On peut se demander s’il estraisonnable de penser qu’il suffitque les pays émergents adoptent

une politique macroéconomique etun régime de taux de change

appropriés pour stabiliser leurmonnaie, alors que les monnaies

des grands pays industriels restentaussi instables.

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de taux de change des trois grands et que les paysémergents resteront exposés à des crises monétairestant que les grandes monnaies de réserve restent trèsinstables.

A l’évidence, vu l’interdépendance del’économie mondiale, pour avoir un système de tauxde change et de paiements extérieurs relativementstables, il faut un minimum decohérence entre les politiquesmacroéconomiques des grandspays industriels. Toutefois, lesmodalités actuelles de lasurveillance multilatérale n’of-frent aucun moyen d’obtenircette cohérence ou de gérer lestensions dues à la politiquemonétaire ou à la politique detaux de change des Etats-Unis etdes autres grands pays industriels. A cet égard, iln’existe pas en matière de gestion macroéconomiqueet financière le genre de disciplines multilatérales quiexistent pour le commerce international.

Une des propositions qui a été formulée pourassurer une certaine stabilité et un niveau raisonnabledes taux de change consisterait à introduire des zonescibles pour les cours des trois grandes devises, lespays concernés s’engageant à défendre les parités pardes interventions coordonnées et des mesuresmacroéconomiques5. On pense qu’un tel engagementpermettrait d’obtenir la cohé-rence nécessaire pour stabiliserles taux de change sanscompromettre la croissance etpourrait modifier le compor-tement des agents qui opèrent surle marché monétaire, ce quiréduirait la nécessité d’uneintervention. Un tel régimepourrait être institutionnalisé etplacé sous la surveillance duFMI.

Une autre proposition consiste à se débarrasserdu problème des taux de change en adoptant unemonnaie mondiale unique, qui serait émise par uneautorité monétaire mondiale, laquelle ferait aussifonction de prêteur en dernier recours. Cette idéesuscite un intérêt croissant depuis la création del’euro et la multiplication des crises monétaires dansles pays émergents. Toutefois, on pense généralementque la convergence des différentes économies etl’intégration mondiale sont encore très insuffisantespour qu’un tel mécanisme puisse être efficace(Rogoff, 1999 : 33-34).

Quoi qu’il en soit, il est intéressant de constaterque le régime de taux de change n’a pas une grandeplace dans le programme de réforme de l’architecturefinancière internationale. Dans son rapport au Comitémonétaire et financier international du FMI (FMI,

2000), le Directeur général par intérim reconnaît quela plupart des pays doivent faire un choix difficileentre un taux de change flottant et une parité fixe. Ilsouligne que la forte instabilité et les gravesdésalignements des taux de change des trois grandesmonnaies sont préoccupantes, en particulier pour lespetites économies ouvertes exportatrices de produits

de base. Toutefois, il ne proposepas d’initiative que la commu-nauté internationale pourraitprendre à cet égard, laissantentendre que la question nepouvait être réglée que par lesEtats-Unis, le Japon et l’UE 6.

Comme nous le verrons auchapitre V, le débat sur les tauxde change a porté essentiellementsur le type de régime que les

pays en développement devraient adopter pourobtenir une plus grande stabilité. Le conseil le pluscourant est de choisir entre un flottement intégral etle rattachement à une monnaie de réserve au moyend’une caisse d’émission ou par la dollarisation (paritéfixe), par opposition à des régimes intermédiaires deparités ajustables ou souples. On se demande de plusen plus si l’existence d’un si grand nombre de devisesindépendantes les unes des autres a un sens dans unsystème financier mondial aussi intégré que celui quiexiste aujourd'hui.

Toutefois, il y a là un fauxdébat. Quelle que soit l’optionchoisie, elle ne permettra pas auxpays en développement destabiliser leur taux de change àun niveau approprié tant que lescours des grandes monnaies deréserve restent très instables etinadaptés et que les flux decapitaux internationaux sont trèsvolatils et ne peuvent pas êtremaîtrisés par les paysdestinataires. De plus, cette

situation obligerait les pays en développement àprendre des mesures contradictoires pour stabiliserleur taux de change. En bref, il n’y a pas de solutionunilatérale qui permettrait à un pays émergent destabiliser sa monnaie à un taux satisfaisant, enparticulier si les mouvements de capitaux sont libres.

Comme il est hors de question dans l’immédiatde mettre en place un régime mondial stable, on peutse demander si des mécanismes régionaux pourraientoffrir une solution. Les pays d’Asie de l’Est etcertains pays d’Amérique du Sud s’intéressent deplus en plus à de telles solutions régionales (paropposition à la dollarisation) pour se défendrecollectivement contre les défaillances et l’instabilitésystémiques. A cet égard, le cas de l’UE estinstructif, notamment en ce qui concerne lesmécanismes institutionnels permettant de respecter et

Les pays d’Asie de l’Est et certainspays d’Amérique du Sud

s’intéressent de plus en plus à dessolutions régionales pour se

défendre collectivement contre lesdéfaillances et l’instabilité

systémiques.

Il n’existe pas en matière degestion macroéconomique et

financière le genre de disciplinesmultilatérales qui existent pour le

commerce international.

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Vers une réforme de l’architecture financière internationale 63

d’ajuster les fourchettes de variation intrarégionaledes changes, les mécanismes d’intervention, lerégime des mouvements de capitaux et lesmécanismes conçus pour apporter aux différents paysun soutien à la balance des paiements et fairefonction de prêteurs de dernier recours à l’échellerégionale. Toutefois, la transposition de cette solutiondans les pays en développement soulève certainesdifficultés, notamment en ce qui concerne le taux dechange par rapport aux monnaies de réserve et

l’accès aux liquidités internationales, questionsessentielles en cas de contagion intrarégionale. C’estpourquoi il serait beaucoup facile de mettre en œuvredes régimes monétaires régionaux réunissant despays émergents si les principaux pays émetteurs demonnaies de réserve y étaient associés. A cet égard,les récentes initiatives prises par l’ANASE+3 (voirencadré 5.1) constituent une avancée notable dans lavoie d’une intégration monétaire régionale, quipourrait se révéler longue et difficile.

D. Restructuration de la dette extérieure

Les mécanismes de restructuration de la detteextérieure sont un troisième grand domaine duprogramme de réforme, en raison des carences desdispositifs visant à prévenir les crises financières. Laperspective d’une récurrence de ces crises, quipourraient même devenir plus fréquentes et plusgraves, crée un dilemme pour la communautéinternationale. Lorsqu’une crise est déclenchée, il estdifficile d’éviter une répudiation chaotique etgénéralisée des engagements extérieurs sans lancerdes opérations de sauvetage, ce qui a desconséquences sur la stabilité financièreinternationale. Toutefois, les opérations de sauvetageposent de plus en plus de problèmes. Elles créent unrisque moral, et elles pèsent essentiellement sur lespays débiteurs et leurs contribuables, qui doivent enfin de compte rembourser la dette officielle. De plus,les montants requis tendent à augmenter et il est deplus en plus difficile de les mobiliser. C’est pourquoiun des grands enjeux de la réforme est de trouver desmoyens d’associer le secteur privé à la gestion et aurèglement des crises, afin de répartir le fardeau pluséquitablement entre créanciers privés et officiels etentre pays débiteurs et créanciers.

Une des solutions consisterait à mettre en œuvredes programmes de restructuration inspirés duchapitre 11 du Code des faillites des Etats-Unis,proposition que le Secrétariat de la CNUCED aavancée pour la première fois (dans le Rapport sur lecommerce et le développement 1986) à l’occasion dela crise de la dette des années 80, et réexaminée (dansle Rapport sur le commerce et le développement1998) à propos des crises des marchés émergents.L’application de tels principes serait particulièrementjudicieuse dans le cas des crises monétaires et descrises d’endettement provoquées par des problèmesde liquidités, car ils sont conçus justement pour

encadrer la restructuration financière de façon àéviter la liquidation. Ils permettent une suspensiontemporaire du service de la dette, partant de l’idéeque si les créanciers se précipitent pour dépouiller ledébiteur de ses actifs, cela porte préjudice nonseulement au débiteur mais aussi à l’ensemble descréanciers. Ils donnent au débiteur accès aux fonds deroulement nécessaires pour poursuivre ses activités,les nouvelles dettes ayant un rang privilégié. Enfin,ils impliquent une restructuration de l’actif et dupassif du débiteur avec notamment une prolongationdes échéances et, si nécessaire, une conversion desdettes en fonds propres et une annulation partielle desdettes.

Un des moyens de mettre en œuvre cesprincipes serait de créer un tribunal international desfaillites qui appliquerait une version internationale duchapitre 11 (ou s’il y a lieu du chapitre 9), élaboréesous la forme d’un traité international ratifié par tousles membres de l’Organisation des Nations Unies(Raffer, 1990). Toutefois, il n’est pas nécessaired’avoir une procédure de faillite internationalecomplète pour restructurer la dette extérieure dansdes conditions satisfaisantes. Une autre optionconsisterait à établir un cadre pour appliquer auxdébiteurs internationaux les principes essentiels durèglement des faillites, à savoir la suspension duservice de la dette et l’octroi de nouveaux crédits à undébiteur ayant accumulé des arriérés. Comme il fautagir promptement pour éviter les attaquesspéculatives et la panique financière, la décision desuspension du service de la dette devrait être prise parle pays débiteur puis confirmée par un organeinternational, ce qui protégerait le débiteur devant lestribunaux nationaux des pays créanciers. On pourraitensuite restructurer la dette privée en employant lesprocédures de faillite nationales, tandis que pour la

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dette publique la négociation directe avec lescréanciers paraît être la seule solution réaliste.

Comme nous le verrons au chapitre VI, alorsqu’on reconnaît de plus en plus que la disciplineexercée par le marché ne peut fonctionner que si lescréanciers sont forcés à assumer les risques qu’ilsprennent, la communauté interna-tionale n’a pas réussi à trouver unaccord sur les moyens d’associerle secteur privé à la gestion et aurèglement des crises. Même si lesprincipes décrits plus haut ontsuscité un large appui dans denombreux pays industriels,certaines grandes puissances etcertains agents privés s’opposentfortement à des mécanismes quiobligeraient le secteur privé àassumer une partie du coût de larestructuration de la dette.Considérant que de tels méca-nismes modifieraient le rapportde force entre débiteurs etcréanciers et créerait un risquemoral, ils préconisent plutôt desarrangements contractuels volon-taires entre débiteurs etcréanciers pour faciliter larestructuration de la dette, parexemple l’inclusion dans les contrats d’émissiond’obligations de clauses d’action collective. En outre,plusieurs pays à revenus moyens, notamment ceuxqui sont très dépendants des capitaux étrangers, sontopposés tant à des moratoires obligatoires qu’àl’inclusion de clauses d’action collective dans lescontrats d’émission d’obligations de crainte que celane réduise leur accès au marché financierinternational.

Dans ses débats sur ce point, le Conseild’administration a souligné que le FMI devait jouerun rôle de catalyseur pour associer le secteur privé aurèglement des crises et que, si celui-ci refusait, lepays débiteur devrait rechercher avec les créanciersun accord sur une suspension volontaire du service dela dette. Il a reconnu que, dans des situationsextrêmes, s’il n’est pas possible de trouver un accordsur une suspension volontaire, les membrespourraient être contraints, en dernier recours, d’enimposer une de façon unilatérale. Toutefois, lesmembres du FMI ne veulent pas habiliter celui-ci, parune modification de ses statuts, à imposer unesuspension des poursuites engagées par les créanciersafin de donner une protection légale au débiteur quisuspend temporairement le service de sa dette. Il estgénéralement admis que le Fonds peut montrer qu’il

est d’accord avec un moratoire unilatéral enaccordant des prêts au débiteur, mais on n’a pasdéfini de principes directeurs explicites pourdéterminer quand et dans quelles conditions cetteaide serait fournie, ce qui laisse au Fonds et à sesprincipaux actionnaires une grande marge d’arbitraire

pour ce qui est des modalités deson intervention dans les crisesfinancières des pays émergents.

Comme dans d’autresdomaines, le processus deréforme n’a donc pas permisd’établir un cadre internationalapproprié pour associer le secteurprivé à la gestion et au règlementdes crises financières, si bienqu’une fois de plus les paysdébiteurs sont laissés à eux-mêmes. Certes, des dispositifscontractuels tels que des clausesd’action collective dans lescontrats d’émission d’obligationset des options permettantd’activer des lignes de créditinterbancaires pourraient beau-coup aider les pays qui ont degraves difficultés de service de ladette, et la crainte que ces

dispositifs entravent l’accès au marché n’est peut-êtrepas justifiée. Quoi qu’il en soit, ces questionsn’entrent pas dans le champ de la réforme del’architecture financière internationale, à moins qu’onne crée des mécanismes mondiaux pour faciliter detelles solutions. L’idée d’introduire dans les contratsdes clauses de reconduction automatique et d’actioncollective, sur la base d’un instrument international,suscite aussi de la résistance. De plus, certainescaractéristiques de la dette extérieure des pays endéveloppement, notamment la grande dispersion descréanciers et des débiteurs et l’existence de toutessortes de contrats d’endettement régis par des loisdifférentes, font qu’il est très difficile de s’appuyersur le volontariat pour obtenir rapidement unesuspension du service de la dette et unrenouvellement des prêts. Sans protection légale desdébiteurs, on ne peut pas s’attendre à ce que lanégociation avec les créanciers débouche sur unpartage équitable du fardeau. Au contraire, dans lesexemples récents de règlement négocié, les créanciersn’ont pas eu à assumer les risques qu’ils avaient priset ont réussi à forcer les gouvernements des pays endéveloppement à assumer la dette privée et à accepterune simple prolongation des échéances à des tauxdissuasifs.

Le Conseil d’administration duFMI a reconnu que, dans des

situations extrêmes, s’il n’est paspossible de trouver un accord sur

une suspension volontaire, lesmembres pourraient être

contraints, en dernier recours,d’en imposer une de façon

unilatérale. Toutefois, les membresdu FMI ne veulent pas habiliter

celui-ci à imposer une suspensiondes poursuites engagées par lescréanciers afin de donner une

protection légale au débiteur quisuspend temporairement le service

de sa dette.

Page 82: RAPPORT SUR LE COMMERCE ET LE DÉVELOPPEMENT, 2001

Vers une réforme de l’architecture financière internationale 65

E. La réforme du FMI

Bien entendu, les réformes et les récentesinitiatives examinées plus haut impliquentgénéralement une modification importante du mandatet de la politique du FMI, notamment en matière desurveillance bilatérale et multilatérale, deconditionnalité et de fourniture de liquiditésinternationales. Comme nous l’avons vu plus haut, leFonds est étroitement associé à l’élaboration de codeset normes pour les politiques macroéconomiques etfinancières et au suivi du respect de ces codes etnormes, et une surveillance efficace à l’échelonmultilatéral est indispensable pour un régime de tauxde change stable. La participation du secteur privé àla gestion et au règlement des crises dépend aussibeaucoup de la politique de crédit du FMI ainsi quede son appui et de son approbation en ce quiconcerne les moratoires et les mesures de contrôledes mouvements de capitaux et des changes. Parconséquent, la réforme de l’architecture financièreinternationale suppose aussi une réforme du FMI.

1. Surveillance et conditionnalité

Comme nous l’avons vu dans le Rapport sur lecommerce et le développement 1998, l’asymétrie dela surveillance exercée par le FMI après la crised’Asie de l’Est et les conditions très rigoureusesauxquelles les prêts du FMI ont été subordonnés sontconsidérées par beaucoup d’observateurs commedeux des raisons principales pour lesquelles ilfaudrait réformer l’architecture financièreinternationale. Toutefois, les réformes récentes ont enfait aggravé l’asymétrie de la surveillance et renforcéla conditionnalité, puisqu’elles visaient essentiel-lement à remédier aux défauts des politiques et desinstitutions des pays débiteurs.

Comme nous l’avons déjà vu, la surveillancen’a pas réussi à préserver des taux de change stableset réalistes entre les trois grandes monnaies deréserve. Elle n’a pas non plus protégé les petiteséconomies contre les répercutions négatives despolitiques monétaires et financières des grands paysindustriels. Il est vrai que le Comité intérimaire areconnu en avril 1998 la nécessité de renforcer lasurveillance exercée par le FMI en raison de

l’intégration financière mondiale et de la récurrencedes crises : « Il convient que le Fonds intensifie sasurveillance des problèmes du secteur financier et desflux de capitaux, en prêtant une attention particulièreà l’interdépendance des politiques et au risque decontagion, et veille à être pleinement informé desvues et opinions du marché » (Communiqué du16 avril 1998 du Comité intérimaire du FMI).Toutefois, malgré cette mention de l’interdépendanceet de la contagion, ces propositions n’ont jusqu’àprésent pas été appliquées de façon à remédierefficacement aux carences dues au déséquilibre desprocédures.

Ce qui s’est passé, c’est que la surveillance duFMI et la conditionnalité ont été alourdies, car lesmesures prises s'appliquent au secteur financier despays débiteurs, sur la base d’un diagnostic selonlequel c’était là qu'il faut chercher la cause des crises.Comme nous l’avons déjà indiqué, les nouveauxcodes et normes vont probablement renforcer laconditionnalité, en particulier pour le recours auxnouvelles facilités et notamment aux financementsd’urgence en cas de crise. Abstraction faite d’uneéventuelle ingérence injustifiée dans la politique d’ungouvernement souverain, qui se serait produite seloncertains observateurs dans le cas de la République deCorée (Feldstein, 1998), il faut se demander si lesmesures et institutions préconisées sont vraiment lesbonnes :

Il est assez paradoxal de voir que les conditionsimposées aux pays en développement sont durciesjuste au moment où l’on s’aperçoit que nouscomprenons très mal la façon dont fonctionnel’économie mondiale et ce dont les petits pays ontbesoin pour prospérer. (Rodrik, 1999 :2)

Le Comité monétaire et financier international(CMFI, anciennement Comité intérimaire), conscientde la nécessité de rationaliser les conditions imposéespar le FMI, a instamment demandé au Conseild’administration de poursuivre son examen de tousles aspects des conditions associées aux financementsdu Fonds pour faire en sorte, sans affaiblir laconditionnalité, que ces conditions portent sur lespoints essentiels7. Pour sa part, le nouveau Directeurgénéral du Fonds, Horst Köhler, a lui aussi concluque :

Page 83: RAPPORT SUR LE COMMERCE ET LE DÉVELOPPEMENT, 2001

66 Rapport sur le commerce et le développement, 2001

Pour accroître son efficacité et sa légitimité, leFonds doit recentrer son action. Son objectif essentieldoit être de promouvoir la stabilitémacroéconomique, condition d’une croissancesoutenue. A cet effet, il doit promouvoir despolitiques monétaires, budgétaires et de taux dechange saines, accompagnées d’un cadreinstitutionnel approprié et de réformes structurellesconnexes. Je ne doute pas que l’appropriation estencouragée lorsque les conditions du Fonds visentavant tout ce qui est essentiel pour obtenir la stabilitémacroéconomique et la croissance. On peut faire plusavec moins si l’on ouvre la voie à un processusdurable d’ajustement et de croissance. 8

Il est peut-être trop tôt pour juger dans quellemesure cette réorientation est effective, mais on peutrelever que les récents programmes du Fonds enTurquie et en Argentine ne semblent guère s’éloignerdes préceptes traditionnels (voir chapitre II, encadrés1 et 2). Ils prescrivent un large éventail de mesures,non seulement dans des domaines qui concernentd’autres organisations internationales telles quel’OMC et les banques de développement, mais aussien matière de stratégie nationale de développementéconomique et social, notamment pour ce qui est dela privatisation, de la déréglementation, de l’aide àl’agriculture, de la sécurité sociale, des régimes deretraite, de la politique industrielle, de la politique dela concurrence et de la politique commerciale.

2. Fourniture de liquidités et financementen dernier recours

L’autre grand domaine de la réforme concernela fourniture de liquidités suffisantes. Depuis unedécennie, il y a un consensus selon lequel le Fondsdevrait fournir des liquidités internationales nonseulement aux pays qui ont des difficultés de comptecourant mais aussi à ceux qui sont en proie à unecrise du compte de capital. Deux grands mécanismesont été créés à cet effet : la facilité de réservesupplémentaire (FRS) pour les pays qui ont déjà desdifficultés de paiement, et la ligne de créditpréventive (LCP) pour protéger les pays contre lacontagion financière internationale (voir chapitre VI,encadré 3). Les conditions d’accès à ces mécanismesposent quelques problèmes, mais la vraie question estde savoir si et dans quelle mesure ces financementsne sont pas en contradiction avec l’objectif consistantà associer les créanciers et investisseurs privés à lagestion et au règlement des crises dans les paysémergents.

Dans plusieurs pays débiteurs, le gouvernementparaît être favorable à l’octroi de liquidités illimitées,quels que soient les conditions et le fardeau qui finirapar être assumé par les contribuables à la suited’opérations de sauvetage internationales. Cesgouvernements répugnent à imposer une suspension

provisoire des paiements ou un contrôle des capitauxet des changes en temps de crise. D’autre part, mêmesi le Conseil d'administration du FMI n’est pasd’accord sur des dispositions contraignantes quiobligeraient le secteur privé à assumer une partie dufardeau, on a tendance à subordonner l’aide officielleà une participation du secteur privé. Toutefois, il n’ya pas de limite officielle à l’accès aux ressources duFonds à partir de laquelle cette participation seraitexigée. Comme nous le verrons au chapitre VI, enraison de l’absence d’une telle limite et d’unmécanisme de suspension obligatoire du service de ladette, il pourrait être extrêmement difficile decontraindre le secteur privé à participer au processus,ce qui forcerait le Fonds à mener des opérations degrande envergure.

En fait, comme le principal objectif d’unfinancement d’urgence à grande échelle serait depermettre aux pays débiteurs de continuer d’assurerle service de leur dette, il est difficile de voircomment cela pourrait se concilier avec uneparticipation significative du secteur privé aurèglement des crises et avec un partage du fardeau.Par conséquent, une stratégie crédible et efficacevisant à associer le secteur privé au règlement descrises devrait combiner des moratoires temporairesavec des limites rigoureuses concernant l’accès auxressources du Fonds. Un nombre croissantd’observateurs sont d’accord sur la nécessité delimiter l’accès au crédit en cas de crise, mais certainssuggèrent aussi qu’il pourrait être nécessaire,exceptionnellement, d’ouvrir largement le robinetlorsque la crise paraît « systémique ». Dans lapratique, cela se traduirait par une différenciationentre les pays débiteurs : lorsque la crise estconsidérée comme systémique, le pays débiteurpourrait bénéficier d’un apport de liquiditésconsidérable sans condition préalable relative à laparticipation du secteur privé, comme cela a été lecas récemment en Argentine et en Turquie; lorsque lacrise n’est pas considérée comme systémique, l’accèsau crédit d’urgence serait strictement limité et l'oninciterait le pays concerné à contraindre le secteurprivé à participer à la restructuration en répudiant sadette, comme cela semble avoir été fait en Equateuret au Pakistan.

Certaines propositions vont plus loin : ils’agirait de transformer le FMI en prêteurinternational de dernier recours pour les paysémergents. Des propositions en ce sens ont étéavancées par le Directeur général adjoint du FMI(Fischer, 1999) et, dans le contexte plus général de laréforme des institutions internationales definancement, par l’International Financial InstitutionsAdvisory Commission (Commission Meltzer). Cetteidée a reçu un écho beaucoup plus favorable quetoute autre proposition de modification desinstitutions mondiales, parmi des personnes qui ontde grandes divergences de vues en ce qui concerne la

Page 84: RAPPORT SUR LE COMMERCE ET LE DÉVELOPPEMENT, 2001

Vers une réforme de l’architecture financière internationale 67

réforme du FMI et ont parfois des opinions politiquestotalement opposées, mais certains aspects desrecommandations de la Commission Meltzersuscitent de fortes réserves9. La suggestion essentielleest que les pays qui répondent à certaines conditionsde solvabilité ex ante devraient avoir droit à unfinancement en dernier recours. Dans la propositionde la Commission Meltzer, l’accès aux liquiditésserait automatique pour les paysqui satisfont certaines exigencesa priori et aucune condition ounégociation supplémentaire neserait requise. Le crédit seraitplafonné à l’équivalent desrecettes fiscales annuelles dupays emprunteur. Cela corres-pondrait à des montantsbeaucoup plus importants queceux prêtés par le FMI jusqu’àprésent en cas de crise. Pourlimiter le risque moral, ondéfinirait des conditionsrigoureuses plutôt que de res-treindre davantage le montant desprêts. La proposition de laCommission Meltzer ne contient aucunerecommandation visant à associer le secteur privé aurèglement de la crise, si ce n’est qu’elle laisseentendre que, pour le moment, il faut s’en remettrepour cet aspect à la négociation entre débiteurs etcréanciers.

Toutefois, des mécanismes de ce genreaggraveraient certains des problèmes que suscitentactuellement les opérations de sauvetage du FMI.N’ayant pas la possibilité de créer ses propresliquidités, le FMI devrait s’adresser aux grands paysindustriels pour obtenir les fonds nécessaires. Dansces conditions, il est très douteux qu’il puisseréellement jouer le rôle d’un prêteur de dernierrecours impartial, c’est-à-dire un rôle similaire à celuid’une banque centrale nationale, puisque sesdécisions et ressources dépendront de l’assentimentdes principaux actionnaires, qui sont généralementcréanciers des pays ayant des difficultés financièresextérieures. On pourrait partiellement surmonter cetobstacle en autorisant le Fonds à émettre des DTSpermanents ou temporaires, mais le fait de donner unrôle aussi important au DTS susciterait une forteopposition des mêmes intéressés.

De plus, les conditions d’accès à une tellefacilité soulèvent des difficultés politiques ettechniques. La création d’un véritable prêteurinternational de dernier recours, dont le concoursserait illimité et inconditionnel (mais accordé à destaux très élevés), exigerait un contrôle mondial trèsrigoureux des emprunteurs, visant à garantir leursolvabilité, qui pourrait être difficilement compatibleavec le respect de la souveraineté nationale. De plus,le fait de définir des conditions a priori serait

incompatible avec l’attitude d’"ambiguïtéconstructive" que tous les prêteurs nationaux dedernier recours semblent avoir désormais adoptée10.En outre, cela supposerait que le FMI devienne uneagence de notation. Toutefois, il est très difficiled’établir des normes de solvabilité consensuelles, etl’évaluation d’un ensemble donné d’indicateurséconomiques peut être très variable, comme en

témoignent les différences entreles notes attribuées par lesagences de notation privées(Akyüz and Cornford, 1999 : 48).Des divergences de vues à cetégard entre les pays endéveloppement et les services duFMI pourraient susciter desconflits qui forceraient les paysconcernés à renoncer à employercette facilité et à chercherd’autres mécanismes, ce qui enréduirait l’efficacité. De plus,comme il faudrait suivre enpermanence le respect desconditions préalables et lesadapter selon les besoins (par

exemple en cas de revirement des marchés financiersou d’autres événements indépendants de la volontédu gouvernement du pays destinataire), lapréqualification n’éviterait pas les difficultés dans lesrelations entre le Fonds et le membre concerné.

Pour faire du Fonds un prêteur international dedernier recours, il faudrait abandonner certainspostulats fondamentaux du système de BrettonWoods, lequel prévoyait un contrôle des mouvementsde capitaux pour limiter l’instabilité. Dans les débatsrelatifs à cette question, on évoque souvent desmécanismes corollaires concernant les droits etobligations en matière de mouvements de capitauxinternationaux, et un engagement fondamental enfaveur de la libéralisation du compte de capital. Cetécart par rapport aux postulats du système de BrettonWoods est particulièrement notable dans le rapport dela Commission Meltzer, qui propose en fait desupprimer pour ainsi dire toutes les autres formes decrédit du FMI, y compris celles qui servent à financerle compte courant. Une réorientation aussi radicaledes crédits du FMI, qui servirait non plus à financerdes opérations courantes mais des opérations decapital, aggraverait les disparités entre les membresdu Fonds, ce qui aurait des répercussions sur sagestion et son universalité. En fait, comme l’a dit unancien secrétaire au Trésor des Etats-Unis, seul unpetit nombre de pays émergents relativementprospères auraient droit aux financements de dernierrecours11.

En outre, ces propositions excluraient la grandemajorité des pays en développement desfinancements multilatéraux. Tout au long de sonanalyse des politiques de crédit du FMI et de la

Comme le principal objectif d’unfinancement d’urgence à grandeéchelle serait de permettre aux

pays débiteurs de continuerd’assurer le service de leur dette,

il est difficile de voir comment celapourrait se concilier avec uneparticipation significative du

secteur privé au règlement descrises et avec un partage du

fardeau.

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68 Rapport sur le commerce et le développement, 2001

Banque mondiale, la Commission Meltzer a soutenuqu’en principe le financement du compte courant despays en développement devrait être assuré par lemarché. Toutefois, on ne peutpas toujours compter sur lemarché pour jouer ce rôleefficacement. Un des objectifsinitiaux du FMI était de fournirdes financements à court termeaux pays dont les réserves étaientinsuffisantes pour répondre auxbesoins de financement ducompte courant résultant d’unchoc commercial temporaire,tandis que la Banque mondialedevait être appelée à répondreaux besoins de financement àplus long terme pour la reconstruction et le dévelop-pement. Pour ce qui est des déséquilibres temporairesdes paiements, il était accepté qu’un financement àcourt terme serait nécessaire afin d’éviter une forte

contraction de la capacité d’absorption de l’économiedes pays concernés ou des dévaluations excessives.Même lorsque les effets de tels événements

paraissaient plus durables, onestimait nécessaire que le FMIfournisse des fonds afin defaciliter l’ajustement.L’expérience montre que lesmarchés financiers répondentrarement à ces besoins, puisqu’ilsont tendance à accentuer lescycles conjoncturels, c’est-à-direque les lignes de crédit sontsuspendues juste au moment oùelles sont le plus nécessaires. Vul’instabilité croissante del’environnement commercial et

financer extérieur des pays en développement, uneréforme des institutions de Bretton Woods devraitviser à améliorer, plutôt qu’à éliminer, le financementanticyclique et d’urgence du compte courant.

F. Gestion de la finance internationale

L’élaboration de mécanismes mondiauxefficaces pour la prévention et la gestion del’instabilité et des crises financières soulève sansaucun doute des difficultés théoriques et techniques.On rencontre les mêmes difficultés lorsqu’on chercheà concevoir un mécanisme de financement d’urgenceà l’échelon national, et elles expliquent pourquoi ilest impossible de concevoir un système à l’épreuvede toutes les crises. Les mécanismes internationauxsoulèvent un problème supplémentaire, dans lamesure où il faudrait concilier tout système decontrôle et d’intervention avec le respect de lasouveraineté nationale et de la diversité des pays. Lescontraintes politiques et les conflits d’intérêts, ycompris entre les membres du G-7 eux-mêmes,paraissent être, plus que les problèmes conceptuels ettechniques, la principale raison pour laquelle lacommunauté internationale n’a pas encore pu réaliserde progrès sensible dans la mise en place demécanismes mondiaux efficaces.

Jusqu’à présent, les principaux pays industrielsne se sont pas montrés très disposés à créer unsystème multilatéral fondé sur des règles pour lafinance internationale, en s’appuyant sur quelquesprincipes essentiels, et ont préféré renforcer le

système financier des pays débiteurs pour prévenirles crises et adopter une approche au cas par cas desinterventions en cas de crise. Cela a non seulementcréé une asymétrie entre débiteurs et créanciers, maisaussi laissé beaucoup trop de pouvoir aux grandspays créanciers, en raison de l’influence qu’ils ontdans les institutions internationales de financement.Cela a aussi empêché que de nombreuses questionsd’intérêt immédiat pour les pays en développement,en particulier celles qui ne sont pas liées à desmenaces systémiques, ne soient abordées dans ledébat. Cependant, pour des raisons très similaires, unsystème fondé sur des règles présente aussi desinconvénients pour les pays en développement;compte tenu de la répartition actuelle du pouvoir etde l’influence sur les institutions mondiales, il estprobable que ce système répondrait aux intérêts despays les plus grands et les plus riches et ne ferait pasgrand-chose pour rétablir l’équilibre entre créancierset débiteurs. Même dans le système commercialmultilatéral, qui est fondé sur les règles et qui estbeaucoup plus symétrique que le système financier,les pays en développement sont défavorisés.

Pour qu’une réforme de l'architecture financièreinternationale soit crédible et légitime, elle doit

Vu l’instabilité croissante del’environnement commercial etfinancer extérieur des pays en

développement, une réforme desinstitutions de Bretton Woods

devrait viser à améliorer, plutôtqu’à éliminer, le financementanticyclique et d’urgence du

compte courant.

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Vers une réforme de l’architecture financière internationale 69

permettre aux pays en développement d’exercer uneplus grande influence collective et refléter unvéritable esprit de coopération entre tous les pays, quiont des problèmes très différents mais partagent lesouhait d’accroître la stabilité dusystème financier et monétaireinternational. Il faut donc rien demoins qu’une réforme fonda-mentale de la gestion desinstitutions multilatérales12. Lanécessité d’une réforme estclairement montrée dans uneétude réalisée pour le compte duG-7, dont les auteurs soutiennentde façon convaincante que lagestion des institutions deBretton Woods présente plu-sieurs carences importantes,notamment en ce qui concerne la représentation,l’actionnariat, la responsabilisation, la transparence,l’adaptation et l’évolution :

La répartition des quotes-parts et des droits desmembres dans les deux institutions n’est plusconforme à l’application d’un ensemble cohérent etjustifiable de principes : les quotes-parts ne reflètentplus le niveau relatif de pouvoir économique etpolitique et ne respectent plus le principe de l’égalitédes membres, lequel était autrefois appliqué par lebiais des « voix de base », système qui est tombé endésuétude. En outre, les mécanismes de prise dedécisions n’ont pas été adaptés à l’évolution dumandat des deux institutions, qui sont aujourd’huiamenées à intervenir de plus en plus dans les choixde politique interne des pays en développement.(Woods, 1998 : 95)

Les auteurs de cette étude reconnaissent qu’on afait certains efforts pour répondre à l’exigence detransparence, de responsabilisation et departicipation, mais les modalités fondamentales deprise de décisions sont restées pour l’essentielinchangées. Ainsi, les voix des pays développés nereprésentent que 17% du total à l’ONU, 24% àl’OMC et 34% au FIDA, mais plus de 61% dans lesinstitutions de Bretton Woods. En outre, un des paysmembres a un pouvoir de veto de fait sur toutesdécisions importantes telles que les augmentations decapital ou les allocations de DTS. Comme lemontrent les processus de sélection du Directeurgénéral du FMI et du Président de la Banquemondiale, la structure réelle du pouvoir est encoreplus faussée, en faveur des grands pays industriels,alors que la raison d’être de ces institutions estaujourd’hui essentiellement d'aider les pays endéveloppement et les pays en transition. De plus,certaines décisions majeures concernant desquestions d’intérêt mondial sont prises en dehors desorganes multilatéraux compétents, dans le cadre dedivers regroupements de grands pays industriels, telsque le G-7 ou le G-10, dans lesquels aucun pays endéveloppement n’est représenté. Par conséquent, rien

d’important ne se passe dans les organisationsofficielles qui ont des moyens d'intervention (FMI,Banque mondiale, Banque des règlementsinternationaux) sans le consentement préalable et,

généralement, l’approbationexpresse des grands paysindustriels (Culpeper 2000 : 5).

En conséquence, l’associa-tion des pays en développementau débat sur la réforme del’architecture financière interna-tionale qui se tient en dehors desinstitutions de Bretton Woods,notamment dans le cadre du G-20 récemment créé, estgénéralement considérée commeun aspect important del’amélioration de la participation

à la gestion des questions financières internationales.Toutefois, même si son premier Président, le Ministrecanadien des finances Paul Martin, a déclaré que leG-20 était chargé d’explorer tous les aspects desfinances internationales et pouvait s’occuperéventuellement des aspects les plus inquiétants del’intégration de l’économie mondiale 13, jusqu’àprésent ses débats et travaux ont été très inspirés duprogramme de réforme du G-7 : bilan des progrèsaccomplis par les membres dans la réduction de lavulnérabilité face aux crises, évaluation du degré derespect des codes et normes internationaux par lesdifférents pays, rapports sur la transparence etanalyse des différents régimes de taux de change etdu degré auquel ils peuvent atténuer l’impact descrises financières internationales dans les paysdébiteurs (Culpeper, 2000 : 19). En outre, bien que leG-20 soit ouvert à de nombreux pays, il laisse encorebeaucoup à désirer sur le plan de la participation et dela responsabilisation :

Au G-20, les pays en développement les pluspauvres et les plus petits ne sont pas du toutreprésentés. On peut penser que cela est dû au faitqu’il est peu probable que ces pays soient jamais unemenace systémique. Toutefois, le financement dudéveloppement de ces pays soulève des questionsmajeures liées à l’architecture du systèmeinternational; en outre, le G-20 n’a aucun mécanismel’obligeant à rendre des comptes à la communautéinternationale, comme ceux que constituent lesassemblées générales du FMI et de la Banquemondiale, ni de dispositions permettant auxorganisations non gouvernementales de se faireentendre ou assurant une certaine transparence.(Helleiner, 2000 : 13-14)

Plusieurs propositions ont été faites en ce quiconcerne les moyens de réformer le processusmultilatéral et d’améliorer la participation et laresponsabilisation et le programme de réforme du G-20. A l’évidence, pour qu’on puisse faire des progrèsdans ces domaines, il faudra que les grands pays

Pour qu’une réforme del'architecture financière

internationale soit crédible etlégitime, elle doit permettre auxpays en développement d’exercer

une plus grande influencecollective et refléter un véritable

esprit de coopération.

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70 Rapport sur le commerce et le développement, 2001

industriels soient disposés à réduire leur emprise surle processus et le programme de réforme, mais celadépendra tout autant de la position adoptée par lespays en développement. Commenous l’avons vu plus haut, ces paysne sont pas d’accord sur plusieursaspects du programme de réforme.Bon nombre de leurs divergences devues ont trait aux modalités del’intervention officielle dans lagestion et le règlement des crisesfinancières. La plupart des paysparaissent vouloir avant tout obteniraccès à des financements d’urgenceimportants pour se protéger contrela contagion et l’instabilité, mêmes’ils ont des doutes quant àplusieurs aspects de cesfinancements. En temps de crise, de nombreux payssemblent préférer ne pas appliquer de moratoiretemporaire et demander des opérations de sauvetageofficielles, même s’ils se plaignent souvent que lesconditions dont ces opérations sont assortiesaggravent la crise, pénalisent indûment les débiteurset permettent aux créanciers de s’en tirer indemmes.Cette attitude est peut-être due à l’impression quel’application d’un moratoire fait courir des risquesexcessifs tant qu’une telle mesure reste considéréecomme une réponse aberrante à une crise (jusqu’àprésent seuls une poignée de pays y ont eu recours).

La convergence de vues et d’intérêts sembleplus grande en ce qui concerne les mesures de

prévention des crises et d’amélioration de la gestiondes institutions financières internationales. Lesobjectifs communs aux pays en développement sont

notamment d’obtenir untraitement plus équilibré etsymétrique des débiteurs etdes créanciers en ce quiconcerne l’application descodes, la transparence et laréglementation, une plusgrande stabilité des taux dechange entre les principalesmonnaies de réserve, unesurveillance efficace par leFMI des politiques appliquéespar les grands pays industriels,notamment en ce qui concerne

leurs effets sur les flux de capitaux, les taux dechange et les échanges commerciaux des pays endéveloppement, un assouplissement des conditions et,surtout, un renforcement de la démocratie et de laparticipation dans les processus et institutionsmultilatéraux. En définitive, l’efficacité de la réformedu système financier et monétaire internationaldépendra du degré auquel les pays en développementseront capables et désireux d'unir leurs efforts pouratteindre ces objectifs communs, ainsi que du degréauquel les pays développés accepteront qu’il fautrépondre aux préoccupations des pays endéveloppement pour rendre plus démocratique lagestion des affaires économiques mondiales.

Notes

1. Pour un tour d’horizon de ces propositions, voir leRapport sur le commerce et le développement 1998,première partie, chap. IV; Akyüz (2000); et Rogoff(1999).

2. Pour une description de l’histoire, de la structure, desfonctions et du statut juridique de la BRI, voirEdwards (1985 : 52-63). Jusqu’à récemment, lesprincipaux actionnaires de la BRI étaient 28 banquescentrales, en grande majorité d’Europe occidentale,celles de la Belgique, de la France, de l’Allemagne,de l’Italie et du Royaume-Uni détenant plus de 50%des droits de vote. La Réserve fédérale des Etats-Unis participe à des réunions et comités associés à laBRI sans en être actionnaire. Récemment, la BRI ainvité d’autres banques centrales de pays émergents àdevenir actionnaires.

3. Kaufman (1992: 57); et “Preventing the next globalfinancial crisis”, Washington Post, 28 janvier 2001,

A.17. Voir aussi les notes de H. Kaufman pour laréunion ministérielle extraordinaire du Groupe des24, Caracas, février 1998.

4. Voir aussi CNUCED (1987), qui analyse les résultatsdu régime de flottement des années 80. En ce quiconcerne tant les carences institutionnelles que lecomportement des taux de change, il n’y a pas grand-chose de nouveau depuis 15 ans.

5. Voir Williamson (1983), qui a été le premier àproposer cette formule.

6. Voir aussi Culpeper (2000 : 15).

7. Communiqué du Comité monétaire et financierinternational du Conseil des gouverneurs du Fondsmonétaire international, 24 septembre 2000,Washington : par. 11.

8. Horst Köhler, discours au Conseil des gouverneurs,55e réunion annuelle, Prague, 26 septembre 2000.

Pour qu’on puisse faire desprogrès, il faudra que les grandspays industriels soient disposés à

réduire leur emprise sur leprocessus et le programme de

réforme, mais cela dépendra toutautant de la position adoptée par

les pays en développement.

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Vers une réforme de l’architecture financière internationale 71

9. Voir par exemple Wolf (2000); Eichengreen et Portes(2000); Summers (2000); voir aussi la déposition deL.H. Summers devant la Commission bancaire de laChambre des représentants, 23 mars 2000; etGoldstein (2000). Pour d’autres propositionssimilaires, voir les ouvrages cités dans Rogoff(1999).

10 Cette formule est de Gerald Corrigan, cité dansRogoff (1999 : 27).

11. L.H. Summers, déposition devant la Commissionbancaire de la Chambre des représentants, 23 mars2000 : 14.

12. Pour une analyse très lucide de ces questions, voirHelleiner (2000).

13. Paul Martin, allocution à la Commission des affairesétrangères et du commerce international de laChambre des communes, Ottawa, 18 mai 2000.

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Normes et réglementation 73

Chapitre IV

NORMES ET RÉGLEMENTATION

A. Introduction

De nombreuses initiatives récentes en matièrede réforme financière internationale visent à élaboreret à mettre en œuvre des normes dans les principauxdomaines de la politique économique. La plupart deces normes ont pour objectif ultime de contribuer à lastabilité économique à l’échelon national etinternational. Dans l’immédiat, il s’agit essentiel-lement de renforcer les systèmes financiers nationauxet de promouvoir la stabilité internationale eninformant mieux les créanciers et les investisseurs, enrenforçant l’intégrité du marché et en réduisant lesrisques de détresse financière et de contagion (FSF,2001, par. 23). Les normes envisagées concernentnon seulement le secteur financier mais aussidifférents aspects de la politique macroéconomique etla transparence. Plusieurs de leurs éléments visent àrépondre aux préoccupations suscitées par lesrécentes crises financières, mais certaines résultentd’initiatives qui concernent surtout les paysindustriels et qui sont motivées par des événementsplus anciens. Les normes sont censées promouvoir lastabilité, mais leur élaboration peut être considéréecomme un aspect d’un processus devant conduire àl’acceptation universelle d’un ensemble de règles deconduite de la politique monétaire et financière.L’acceptation de ces règles pourrait être une desconditions préalables de la fourniture d’une aidefinancière internationale aux pays qui sont en proie àune crise monétaire. On peut donc les considérercomme un équivalent international des règlesnationales régissant le secteur financier, dont lerespect est une des conditions d'accès auxfinancements de dernier recours.

Le Forum pour la stabilité financière (FSF)1 aétabli une liste de normes dont il considère qu’ellessont particulièrement utiles pour renforcer lessystèmes financiers. Dans le détail, elles sont plus ou

moins approuvées à l’échelon international, mais enprincipe elles ont été considérées comme les élémentsessentiels d’une pratique saine. Comme on peut levoir dans le tableau 4.1, ces normes visent lapolitique macroéconomique, la transparence,l’infrastructure institutionnelle et de marché et laréglementation et le contrôle financiers, domaines quisont étroitement interdépendants. Par exemple, lapolitique macroéconomique peut avoir des effetsmajeurs sur les aspects sectoriels de la stabilitéfinancière par son impact sur la valeur de l’actif et dupassif des établissements financiers (et parconséquent aussi sur le contexte dans lequel se font laréglementation et le contrôle financiers). Elle peutaussi affecter le fonctionnement des systèmes depaiement et de règlement, qui sont un aspect essentielde l’infrastructure des marchés financiers. De même,l’efficacité du contrôle et de la réglementation desétablissements financiers est indissociable de celledes méthodes de comptabilité, de vérification descomptes et de règlement des faillites. Des produitsd’assurance sont souvent intégrés ou étroitementassociés à des produits de placement, ce qui multiplieles possibilités d’interaction entre les perturbationsaffectant les différents marchés financiers. Enfin, unproblème apparemment très circonscrit, comme celuidu blanchiment d’argent, peut à l’occasioncompromettre la stabilité d'établissements financiers2.

La liste des organisations mentionnées enregard des normes du tableau 4.1 n’est pas exhaustiveet ce tableau ne donne qu’une idée succincte desnombreuses initiatives en cours dans chaquedomaine. Lorsque le FSF a examiné le programmed’élaboration de normes en mars 2000, ces 12 thèmesfaisaient déjà partie d’un ensemble plus vaste dethèmes dont le nombre a fini par atteindre 64 (FSF,2000a, par. 55 à 57 et annexe 8). L’analyse de la

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74 Rapport sur le commerce et le développement, 2001

Tableau 4.1

PRINCIPALES NORMES FINANCIÈRES

Domaine Norme Organisme

Transparence des politiques et des données macroéconomiques

Transparence des politiquesmonétaire et financière

Code de bonnes pratiques pour la transparence despolitiques monétaire et financière

FMI

Transparence de la politiquebudgétaire

Code de bonnes pratiques en matière de transparence desfinances publiques

FMI

Diffusion des données Norme spéciale de diffusion des données (NSDD)Système général de diffusion des données (SGDD)a

FMI

Institutions et infrastructures du marché

Insolvabilité Principles and Guidelines on Effective InsolvencySystems b

Banque mondiale

Gouvernement d’entreprise Les principes de l’OCDE relatifs au gouvernementd’entreprise

OCDE

Comptabilité Normes comptables internationales (IAS)c IASC d

Audit Normes internationales d'audit (ISA) IFACd

Paiement et règlement Principes fondamentaux pour les systèmes de paiementd’importance systémique

CSPR

Intégrité du marché Les 40 recommandations édictées par le Groupe d’actionfinancière sur le blanchiment de capitaux

GAFI

Réglementation et contrôle des établissements financiers

Contrôle bancaire Core Principles for Effective Banking Supervision BCBS

Réglementation des valeurs Objectifs et principes de la régulation financière OICV

Contrôle de l’assurance Insurance Supervisory Principles IAIS

aLes pays qui ont ou voudraient avoir accès au marché international des capitaux sont encouragés à adopter la NSDD, plusrigoureuse, et les autres pays sont encouragés à adopter le SGDD.

bLa Banque mondiale coordonne un large effort visant à élaborer ces principes et lignes directrices. La Commission desNations Unies pour le droit commercial international (CNUDCI), qui a adopté une Loi-type sur l’insolvabilité internationale en1997, contribuera à leur diffusion.

cLe BCBS a examiné les normes comptables internationales pertinentes et un groupe d’étude conjoint BCBS-IASC poursuitl’examen d’une norme comptable concernant expressément les questions bancaires. L’OICV a examiné 30 normes comptablesinternationales et recommandé de les employer pour l’introduction en bourse à l’étranger, en les complétant au besoin par d’autresnormes d’application nationale ou régionale. L’IAIS est en train d’examiner les normes comptables internationales qui leconcernent.

dLe Comité international de normalisation de la comptabilité (IASC) et la Fédération internationale des comptables (IFAC)sont, à la différence des autres organes de normalisation, des entités du secteur privé.

section B ci-après porte sur les grandes orientationset le contenu des normes énumérées au tableau 4.1.Elle vise à mettre en évidence certaines omissions etcertains problèmes pratiques. Dans la section C, nousexaminerons le processus de formulation etd’application des normes. Cela nous conduiranaturellement à analyse les à priori de la pensée

officielle qui déterminent le choix des thèmes et del'asymétrie de la démarche. A cet égard, nousexaminerons en détail trois rapports importantsétablis par des groupes de travail du FSF. Lasection D traite de façon plus systématique desquestions d’application et de certains des problèmesdéjà mentionnés à propos de telle ou telle norme à la

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Normes et réglementation 75

section B. Nous passerons en revue diversesincitations et sanctions ainsi que les conclusionsd’une première enquête visant à faire un bilanprovisoire. Comme nous le verrons à la section E, lacontribution des normes à la stabilité financièredépend beaucoup de leur incorporation dans la pra-

tique des entreprises. Cela nous amènera à la questiondu régime de réglementation et de contrôle dans lecadre duquel ces normes et règles sont appliquées.Toutefois, sur ce front il y a des obstacles insur-montables, comme le montrent des exemples prisdans un domaine essentiel, celui du contrôle bancaire.

B. Thèmes des principales normes

Chacun des codes examinés ici vise à apporterdes améliorations tant macroéconomiques quemicroéconomiques. Les initiatives que nousanalyserons aux sous-sections 1 à 3 ci-après ont étéen grande partie motivées par des crises financières etdes perturbations systémiques, en général récentes.Leurs principaux objectifs sont macroéconomiquesou systémiques, mais elles visent aussi des aspectsspécifiques du comportement de certains agentséconomiques. Dans le cas des codes analysés auxsous-sections 4 à 9, les objectifs macroéconomiquesont moins de place. Toutefois, la plupart de ces codesont une origine déjà ancienne, antérieure aux crisesdes années 90. Ce qui est récent, c’est leur intégrationdans un programme mondial de réforme financière.

1. Transparence des politiques et desdonnées macroéconomiques

Le Code de bonnes pratiques pour latransparence des politiques monétaires et financières(FMI, 2000a) recense des pratiques souhaitables enmatière de transparence dans la conduite de lapolitique monétaire et des politiques concernant lesecteur financier : définition claire du rôle, desresponsabilités et des objectifs des banques centraleset autres organes responsables du contrôle et de lasupervision des différents sous-secteurs du secteurfinancier, transparence du processus d’élaboration etd’annonce des décisions de politique monétaire etfinancière, accès du public à l’information sur lespolitiques monétaires et financières, obligationsredditionnelles et intégrité de la Banque centrale etdes autres organes financiers et de leur personnel.

Le Code de bonnes pratiques en matière detransparence des finances publiques (FMI, 1998) se

fonde sur quatre principes : premièrement, le rôle etles responsabilités des différentes administrationspubliques doivent être transparents et cela exige uncadre juridique et administratif clair pour la gestiondes finances publiques; deuxièmement, il faut que lesgouvernements s’engagent à divulguer desrenseignements détaillés et fiables sur leurs activitésfinancières; troisièmement, il faut que le processusd’élaboration et d’exécution du budget soit clair;quatrièmement, l’information budgétaire doit fairel’objet d’un examen public et indépendant.

La Norme spéciale de diffusion des données(NSDD, peut être consultée à : http://dsbb/imf.org/-sddsindex.htm) a été élaborée par le FMI lorsqu’on aconstaté, après la crise mexicaine, qu’une grandepartie des données économiques disponiblesprésentaient d’importantes lacunes. Elle définitquelles sont les données que les pays qui veulent faireappel au marché mondial des capitaux doiventpublier en ce qui concerne l’économie réelle, lasituation budgétaire, le secteur financier et le secteurextérieur de l’économie, et fixe des exigencesminimales en matière de mise à jour de cetteinformation. Depuis son adoption, elle a été renforcéepar l’obligation de donner des renseignements nonseulement sur les actifs qui constituent les réserves,mais aussi sur les engagements, y comprisconditionnels, tels que les positions ouvertes sur desinstruments dérivés et les garanties accordées parl’Etat pour les emprunts du secteur privé en monnaieétrangère. La NSDD est complétée par le Systèmegénéral de diffusion des données (SGDD,http://dsbb.imf.org/gddsindex.htm), qui est conçupour améliorer la qualité des données divulguées partous les pays membres du FMI.

Ces codes et objectifs ont plusieurs justifi-cations. L’efficacité des politiques monétaires,financières et budgétaires peut être renforcée si leurs

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objectifs et instruments sont connus du public et si lavolonté politique de les appliquer est crédible. Defaçon plus générale, la bonne gestion des affairespubliques exige que la Banque centrale, les autresorganes responsables du secteur financier et lesadministrations budgétaires rendent des comptes.Toutefois, une des justifications les plus importantesde ces codes dépasse le champ national et intéresseles créanciers et investisseursinternationaux. L’idée maîtresseest que la transparence aide lescréanciers et investisseurs àmieux apprécier les risques et àse faire rémunérer en consé-quence, ce qui devrait inciter lespays destinataires des fonds àexercer une plus grande disci-pline. De plus, la transparencedevrait aider à éviter la contagion, c’est-à-dire le faitque la perte de confiance envers un pays touched’autres pays uniquement parce qu’ils appartiennentà la même catégorie ou à la même région3.

Il semble incontestable que la transparence desgrands volets de la politique macroéconomique peutcontribuer à leur crédibilité et à la bonne gestion desaffaires publiques de façon plus générale. Elle peutaussi faciliter la surveillance multilatérale exercée pardes organisations comme le FMI. Dans l’ensemble,les codes visent plus la forme quele fond, car les règles de conduitedes affaires publiques seraientextrêmement complexes si ellesdevaient s’appliquer à toutl’éventail des situations et despays qui existent. En outre, ilserait beaucoup plus difficile detrouver un consensus sur desrègles de fond que sur des règlesqui visent uniquement lesprocessus.

L’espoir que les différentscodes concernant la politiquemacroéconomique ou la NSDDentraînent une amélioration considérable des déci-sions des créanciers et investisseurs internationaux, etdonc de l’allocation des ressources et de la disciplinefinancière des gouvernements des pays destinataires,laisse quelque peu sceptique. Les nouvelles règles dela NSDD n’ont pas suffi à donner une alerte rapidedans le cas de la crise asiatique. En fait, la situationde la balance des paiements des pays concernés étaitbien connue, de même que les flux de financementexterne, les pratiques de leurs entreprises, l’évolutionde leurs crédits internes et l’exposition de leursbanques à un secteur immobilier spéculatif, de mêmeque les principales caractéristiques de leur actif et deleur passif externe (il y avait toutefois des lacunesdans ce qui était divulgué en ce qui concerne cedernier point, lacunes que le durcissement ultérieur

de la NSDD visait à combler). La disponibilité dedonnées pertinentes n’a pas découragé les flux decapitaux qui ont conduit dans l’impasse certains paysd’Asie, et il en va de même, à fortiori, en ce quiconcerne le comportement des créanciers et inves-tisseurs internationaux en Fédération de Russie avantla crise du milieu de 1998.

Sur un plan plus fondamental, la contributionque peut apporter la transparenceà la prévention de l’instabilitéfinancière est très limitée enraison de la très grande disparitédes situations macro-écono-miques et des différentes politi-ques appliquées par les paysconcernés, disparité qui estdevenue évidente lors desrécentes crises financières. Une

des caractéristiques communes des pays touchés parces crises était leur ouverture aux flux de capitaux,mais pour le reste il y avait d’importantes différencesconcernant de nombreux indicateurs macro-économiques et d’autres traits de leur économie :déficit extérieur, surévaluation de la monnaie, déficitbudgétaire, rôle de la consommation et del’investissement dans la surchauffe qui a précédé lacrise, endettement extérieur du secteur public et dusecteur privé et champ d’application et efficacité de

la réglementation et du contrôledu secteur financier.

L’analyse des récentescrises financières internationalesmet aussi en évidence d’autresdifficultés qui limitent le degréauquel l’amélioration de ladivulgation des données macro-économiques peut contribuer à lastabilisation financière, notam-ment pour ce qui est d’éviterl’effet de contagion. Les bilansne montrent pas toujours lestensions qui peuvent résulter del’ajustement de positions sur des

instruments dérivés, qui ne sont pas inscrites au bilanet ne sont pas toujours convenablementcomptabilisées. De plus, ces positions, même si ellessont divulguées, ont tendance à estomper lesdistinctions entre différentes catégories de risques,par exemple entre les risques à court et à long terme.Aujourd’hui, tous les observateurs s’accordent à direque les opérations de couverture transfrontières etd’autres pratiques font qu’il est difficile de repérer àl’avance les lignes de fracture du système financierinternational. On peut lire dans un récent rapport duForum de stabilité financière le passage suivant :

Certaines techniques de gestion du risqued’emploi courant peuvent accentuer la volatilité desprix et des flux sur le marché international descapitaux. En d’autres termes, les investisseurs

Les nouvelles règles de la NSDDn’ont pas suffi à donner une alerte

rapide dans le cas de la criseasiatique.

Une des caractéristiquescommunes des pays touchés par

ces crises était leur ouverture auxflux de capitaux, mais pour le resteil y avait d’importantes différences

concernant de nombreuxindicateurs macro-économiques etd’autres traits de leur économie.

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Normes et réglementation 77

achètent ou vendent des positions dont lescaractéristiques de risque et les variations passées desprix ressemblent à celles de l’actif de référence, maispour lesquelles le marché est plus liquide ou moinscontrôlé. Ces pratiques sont un des facteurs quiexpliquent l’importance des fluctuations des flux decapitaux vers l’Afrique du Sud et plusieurs paysd’Europe orientale au moment de la crise asiatique.(FSF, 2000b, par. 28)

A propos des crises les plus récentes, on aappelé l’attention sur la manière dont les obligationsbrésiliennes étaient devenues un instrumentlargement employé par les investisseurs actifs sur lesmarchés émergents pour couvrir des positions prisessur la dette d’autres pays tels que la Fédération deRussie, le Maroc ou la République de Corée.

2. Contrôle bancaire

La fragilité du secteur bancaire et l’insuffisancedu contrôle bancaire4 ont joué un rôle essentiel dansles récentes crises financières qu’ont connues despays tant développés qu’en développement. Depuisles années 70, constatant que les crises, en raison del’internationalisation de l’activité bancaire, risquaientde plus en plus d’avoir des effets déstabilisateursdans d’autres pays, on a pris des initiatives visant àaméliorer la coopération internationale en matière deréglementation et de contrôle bancaires. Dans unpremier temps, ces initiatives concernaient surtout lesbanques des pays industriels et des centres financiersoffshore, en raison de plusieurs événements quiavaient mis en évidence les carences de leurréglementation et de leur contrôle. Ces événementsont beaucoup inspiré les efforts faits par la suite pourrenforcer la coopération en matière de réglementationet de contrôle. Les normes qui en ont résulté ont finipar être largement reprises par les pays endéveloppement et en transition. Le Comité de Bâlesur le contrôle bancaire (BCBS), qui est l’organe leplus actif dans ce domaine, a de plus en plus assuméle rôle de normalisateur mondial à cet égard5.

Un des principaux résultats de l’élargissementdu champ d’activité du BCBS au-delà despréoccupations de ses pays membres est récapitulédans l’ouvrage Core Principles for Effective BankingSupervision, publié à la fin de 1997. Pour élaborer lesprincipes en question, le BCBS a collaboré avec desorganes de contrôle de pays extérieurs au Groupe des10 (dont plusieurs pays en développement et entransition). Ces principes visent sept grandsdomaines : i) les conditions préalables d’un contrôleefficace des banques; ii) l’agrément et la structure desbanques; iii) les règlements et prescriptionsprudentiels; iv) les méthodes de contrôle permanent;v) les exigences d’information; vi) les compétencesdes organes de contrôle; et vii) les activités bancairestransfrontières. En avril 1998, le BCBS a fait une

enquête sur la façon dont ces principes fondamentauxétaient appliqués dans 140 pays, qui a été complétéepar une analyse de l’application des principes dansdifférents pays réalisée par le FMI et la Banquemondiale 6. Par la suite, on a créé un Groupe de liai-son sur les principes fondamentaux (CPLG) réunis-sant 22 pays7 pour donner au BCBS des renseigne-ments sur l’application pratique des principes. Lesenquêtes sur l’application des principes et lesrenseignements fournis par le CPLG ont amené leBCBS à publier en octobre 1999 un ouvrage intituléCore Principles Methodology (BCBS, 1999a).

Cet ouvrage méthodologique a pour but dedonner des indications, sous forme de critères« essentiels » et « additionnels », pour l’évaluation durespect des règles par les différentes organisationsauxquelles cette tâche peut être confiée, telles que leFMI, la Banque mondiale, les organes de contrôlerégionaux, les banques régionales de développementet les sociétés de conseil, mais pas le BCBS lui-même. Outre les critères visant expressément lecontrôle bancaire, les organisations qui font uneévaluation sont invitées à examiner le respect decertaines conditions préalables plus générales dansles domaines suivants : i) application d’une politiquemacroéconomique saine et viable à long terme;ii) existence d’une infrastructure institutionnellepublique solide, notamment d’un corpus de loissuffisant pour ce qui concerne les contrats, lesfaillites, les garanties et le recouvrement des prêts,ainsi que de normes comptables conformes auxmeilleures pratiques internationales; iii) discipline dumarché fondée sur la transparence financière, lasurveillance efficace des entreprises et la non-intervention de l’Etat dans les décisionscommerciales des banques, si ce n’est conformémentà des politiques et lignes directrices publiées;iv) l’adéquation des méthodes de contrôle visant àrégler les problèmes bancaires; et v) l’existence demécanismes suffisants pour la protection systémique,par exemple mécanismes de crédit en dernier recoursou d’assurance des dépôts (ou les deux). Les aspectsde l’évaluation qui concernent plus directement lecontrôle bancaire englobent non seulement lesméthodes de contrôle mais aussi leur objet (lequel,bien entendu, inclut les normes prudentielles et lescontrôles internes et méthodes de gestion des risquesdes banques elles-mêmes, précisés dans lesdocuments du BCBS au fil des ans). En ce quiconcerne des aspects tels que les normes decomptabilité et d’audit et le droit des faillites, il y amanifestement un certain chevauchement entre lesprincipes fondamentaux définis par le Comité de Bâleet d’autres normes clés mentionnées dans letableau 4.1.

Pour déterminer dans quelle mesure lesprincipes fondamentaux sont respectés, il faut évaluerle respect de plusieurs prescriptions connexes,notamment la réglementation prudentielle et d’autres

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aspects du cadre juridique, les lignes directrices pourle contrôle bancaire, les méthodes d’examen surplace et sur dossier, la transparence du contrôle etd’autres aspects de la divulgation de l’information etles mesures d’application. Il faut aussi évaluer lescompétences, les ressources et la rigueur des organesde contrôle, ainsi que la façon dont ils mettent enœuvre les principes. Le tout, c’est-à-dire l’évaluationdes conditions préalables d’uncontrôle efficace (mentionnéeplus haut) et l’examen descritères concernant directementle contrôle lui-même, impliqueque l’on examine une grandepartie du droit commercial et desnormes de comptabilité et d’auditdu pays, et dans une certainemesure la qualité de sa gestionmacroéconomique.

L’évaluation des lois, règlements et méthodesde contrôle peut paraître assez simple, mais celle descapacités de contrôle et de l’efficacité de la mise enoeuvre des règles est plus délicate8. Par conséquent,et c’est peut-être compréhensible, l’annexe de CorePrinciples Methology, qui définit la structure et laméthode des rapports d’évaluation établis par le FMIet la Banque mondiale, insiste surtout sur le premierde ces aspects. En général, il n’est possible d’évaluerefficacement les capacités de contrôle et l’efficacitédu contrôle que par une enquête approfondie. Celasupposerait que l’évaluateur réside en permanencedans le pays concerné ou s’y rende souvent. Si l’onoptait pour la deuxième de ces solutions (ce quisemble plus probablement acceptable et plusconforme aux usages du FMI), une évaluation solidedu respect des principes fondamentaux pourraitprendre des années.

L’évaluation des conditions préalables plusgénérales d’un contrôle efficace n’est pas mentionnéedans l’annexe de Core Principles Methodology, maislà encore, il faudra probablement beaucoup de temps.En particulier, pour apprécier les nombreux aspectsdu régime juridique et des normes de comptabilité etd’audit d’un pays, il faut évaluer non seulement laréglementation et la législation et les principesénoncés par les associations professionnelles (tellesque l’ordre des experts-comptables), mais aussi lafaçon dont ils sont appliqués et traduits dans lapratique sous forme de règles et de normes9. Denombreux aspects du droit et des normes de conduitedes entreprises des différents pays ont des origineshistoriques et reflètent des compromis entredifférentes catégories sociales. Les normes adoptées àl’échelon international peuvent aider à renforcer lesrègles et normes nationales, mais ce processus nepeut être que progressif et il ne faut pas chercher àuniformiser les règles de tous les pays10.

Pour les pays concernés, ces opérationsd’évaluation risquent souvent de surcharger desorganismes de contrôle dont les capacités sont déjàlimitées. Avec le temps, il sera possible de renforcerces capacités, mais en général la formation d’uncontrôleur bancaire est très longue. Une fois formées,ces personnes peuvent trouver des emplois plusintéressants dans le secteur privé, voire au FMI ou à

la Banque mondiale eux-mêmes(qui ont récemment accru leurseffectifs dans ce domaine). Bienentendu, les organes tels que leBCBS, le FMI, la Banquemondiale et le CPLG sontconscients de ce problèmed’insuffisance des ressourceshumaines et ont fait des effortspour coordonner les initiatives etemployer au mieux les expertsdisponibles. Toutefois, on ne

peut pas écarter le risque que l’évaluationinternationale du contrôle bancaire des différentspays se fasse au détriment du contrôle effectif sur leterrain.

3. Paiements et règlement

Les systèmes de paiement permettent detransférer des fonds entre les établissementsfinanciers, pour leur propre compte ou pour celui deleurs clients, et peuvent donc être à l’origine d’unrisque systémique. Cela apparaît clairement lorsqu’onexamine quatre éléments essentiels du processus detransfert de fonds dans une économie : i) les activitésdes différents agents économiques; ii) le marché desinstruments financiers et des éléments d’actif et depassif; iii) les infrastructures, dont le système depaiement fait partie intégrante; et iv) les conditionséconomiques qui lient les marchés entre eux etassurent la compensation. Une défaillance dans l’undes trois premiers domaines peut perturber les liensentre les marchés et les agents économiques dontl’interdépendance réciproque s’appuie sur différentstypes de transactions et de risques. Si elles prennentde l’ampleur, ces perturbations peuvent facilementdevenir un problème systémique11. Les systèmes depaiement jouent aussi un rôle essentiel dans lesopérations en devises, qui sont l’interface entre lessystèmes de paiement des différents pays12. En raisondes liens et des similitudes qui existent entre lessystèmes de paiement et de règlement pour lestransferts de fonds et pour les opérations portant surd’autres actifs financiers, le principal organe quicoordonne les initiatives internationales dans cedomaine, c’est-à-dire le Comité sur les systèmes derèglement et de paiement (CSRP) de la BRI, nes’occupe pas seulement des transferts de fonds et sepenche aussi sur le règlement des opérations sur

Les normes adoptées à l’écheloninternational peuvent aider àrenforcer les règles et normesnationales, mais il ne faut pas

chercher à uniformiser les règlesde tous les pays.

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Normes et réglementation 79

devises et sur titres ainsi que sur les mécanismes decompensation de produits dérivés négociés en bourse(White, 1998 : 196-198). Par ailleurs, les problèmesde stabilité spécifiques que pose le règlement desopérations sur titres sont actuellement examinés parun groupe de travail conjoint du CSRP et del’Organisation internationale des commissions devaleurs (OICV) 13. Toutefois, nous nous bornerons icià examiner la norme clé mentionnée au tableau 4.1dans le domaine des paiements et des règlements.

Si l’on a décidé de mettre au point un cadreinternational de principes fondamentaux pour laconception, la gestion et la supervision des systèmesde paiement et de règlement, c’est parce qu’on serend compte de plus en plus des risques qui sontassociés à l’expansion rapide du volume despaiements (CSRP, 2000a)14. Les principaux risquessont les suivants : le risque de crédit, lorsqu’unecontrepartie est incapable d’honorer ses obligationsau sein du système, ou risque de le devenir; le risquede liquidité (qui est étroitement lié au risque de créditmais ne lui est pas identique), lorsqu’une contrepartiene dispose pas de fonds suffisants dans le systèmepour honorer ses obligations à l’échéance, même sielle peut les avoir à un moment futur; le risquejuridique, lorsqu’un cadre juridique inadapté ou desincertitudes juridiques causent ou aggravent unproblème de crédit ou de liquidité; et le risqueopérationnel, lorsque des pannes ou des erreurshumaines causent ou aggravent un problème de créditou de liquidité. Comme nous l’avons indiqué plushaut, tous ces risques peuvent avoir des effetssystémiques, car lorsqu’une ou plusieurscontreparties sont incapables d’honorer leursobligations, cela peut se répercuter sur la capacitéd’autres contreparties d’honorer leurs propresobligations et, en définitive, menacer la stabilité del’ensemble du secteur financier15. L’équipe de travailcréée pour formuler les principes fondamentauxdevait se borner à examiner les systèmes de paiementayant une importance systémique, c’est-à-dire ceuxqui pourraient déclencher ou transmettre des chocssur les marchés financiers nationaux etinternationaux.

Le premier principe fondamental concerne lerisque juridique et affirme la nécessité d’une basejuridique solide pour le système de paiement, qui estliée à d’autres aspects du droit des affaires tels que lerégime des banques, le droit contractuel et le droitdes faillites. Les deuxième et troisième principesconcernent les règles et modalités nécessaires pourque les participants puissent comprendre clairementl’impact du système sur les risques financiers. Enoutre, ils tiennent compte de la nécessité de définir lafaçon de gérer les risques de crédit et de liquidité etles responsabilités dans ce domaine. Les risquespeuvent être aggravés par le délai nécessaire pour lerèglement final ou par la nature des actifs employéspour régler les obligations. C’est pourquoi les

quatrième et sixième principes insistent sur la rapiditédu règlement et sur la nécessité d’employer pour lerèglement un actif qui soit une créance sur la banquecentrale ou un autre actif pour lequel le risque decrédit est négligeable, c’est-à-dire que le risque defaillite de l’émetteur doit être négligeable. Lecinquième principe exige un minimum de solidité dessystèmes multilatéraux de compensation16. Leseptième principe vise à limiter le risque opérationnelen renforçant autant que possible la sécurité et lafiabilité du système. Les huitième, neuvième etdixième principes traitent d’aspects plus généraux del’efficacité et de la commodité d’emploi du système(y compris la nécessité de reconnaître explicitementles compromis entre sécurité et efficacité). Ils traitentaussi de la nécessité d’avoir des critères objectifs etpublics pour la participation au système, de façon àen rendre l’accès ouvert et équitable, et d’avoir desmécanismes de gestion et de supervision efficaces,responsables et transparents. Les banques centralesont une responsabilité essentielle : c’est elles quidoivent veiller à ce que les systèmes de paiementsoient conformes aux principes.

La deuxième partie du rapport sur les Principesfondamentaux pour les systèmes de paiementd’importance systémique donne des précisions surdes questions telles que la définition des systèmes depaiement d’importance systémique, les modalités deleur examen et de leur réforme, les facteursstructurels, techniques et institutionnels à prendre enconsidération, et la nécessité de coopérer, dans leprocessus de réforme, avec les participants ausystème, les groupes d’utilisateurs et les autresintéressés (CSRP, 2000b)17. Cette deuxième partieexamine aussi certains aspects transfrontières dessystèmes de paiement. Les principes fondamentauxsont maintenant intégrés dans le Programmed’évaluation du secteur financier, qui est unprogramme conjoint du FMI et de la Banquemondiale 18. Toutefois, l’histoire des systèmes depaiement dans les pays industriels donne à penser quela modernisation requise par les principes demanderaprobablement beaucoup de temps en raison desnombreuses mesures qu’elle exige et de lamultiplicité des intéressés.

4. Comptabilité et audit

La plupart des initiatives concernant les codes etprincipes exigent une amélioration de l’informationet de la transparence financières, mais dans ledomaine de la comptabilité et de l’audit il y a enoutre un objectif explicite d’harmonisation desnormes. En raison de leurs effets sur l’information,les normes ont une influence évidente sur lapossibilité, pour les contreparties, d’évaluer le risquefinancier d’une transaction. L’harmonisation

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internationale est aussi rendue nécessaire par l’expan-sion des transactions internationales, notamment sousforme de crédits et d’investissements. Le principalorgane responsable de l’élaboration des normescomptables internationales est le Comité internationalde normalisation de la comptabilité (IASC)19. Unegrande partie de ses travauxrécents a eu pour objectif detrouver un compromis sur unensemble de normes acceptablesà la fois pour les Etats-Unis etpour les autres pays membres etrépondant aux exigences dedivulgation auxquelles sontsubordonnés l’émission et lecommerce de valeurs sur lesprincipaux marchés financiers du monde. Dans cedomaine, de nombreuses difficultés sont liées à lanécessité de concilier l’approche inévitablementpluraliste de l’IASC et les règles plus spécifiques etcontraignantes des normes comptables en vigueuraux Etats-Unis (Generally Accepted AccountingPrincipes ou GAAP)20.

Le débat concernant les normes comptablesinternationales (IAS) porte surtout sur des points trèstechniques21, mais son impact sur le systèmefinancier international dépendra probablement plusdu degré auquel il parviendra à améliorer les normesde comptabilisation et d’informa-tion financière à l’échelonmondial. Il dépendra aussi desinitiatives connexes visant àaméliorer les normes d’audit. Cesdifférentes initiatives portentaussi bien sur l’audit interne(c’est-à-dire évaluation del’ampleur et de l’efficacité ducontrôle de gestion et du contrôlecomptable des entreprises ainsique de la protection et del’emploi des actifs) que l’auditexterne (vérification des états financiers et desjustificatifs pour déterminer leur conformité auxnormes en vigueur). Aujourd’hui, de nombreux paysexigent des audits internes et les comités d’audit ontsouvent pris une plus grande importance dans lespays où la réforme du gouvernement d'entreprise aentraîné un renforcement du pouvoir du conseild’administration par rapport à celui des cadresdirigeants. Toutefois, le principal objet des initiativesinternationales est l’audit externe. Là, les problèmesd’harmonisation sont dus en partie aux divergencesdes normes comptables sur lesquelles se fondent lesétats financiers, mais aussi à des divergences dans lesprocessus d’élaboration des normes d’audit. Cesdivergences tiennent par exemple au fait que, danscertains pays, les normes d’audit sont formulées parla profession comptable alors que dans d’autres payselles sont énoncées dans la loi et la réglementation,

ou résultent d’une concertation entre la profession etles pouvoirs publics. L’organisme qui coiffel’harmonisation internationale des normes d’audit estla Fédération internationale des comptables22 quicollabore étroitement avec d’autres organismes ayantdes responsabilités essentielles dans ce domaine tels

que l’OICV et les organismescompétents de l’UE.

L’amélioration des normesde comptabilité et d’audit peutcontribuer à améliorer les déci-sions des créanciers et des inves-tisseurs, grâce à une transparenceaccrue, mais l’expérience récenteconduit à ne pas trop en attendre,surtout dans l’immédiat. En

outre, on peut se demander dans quelle mesurel’accroissement de la transparence, qui est leprincipal objectif des initiatives décrites ici, estfavorable à une plus grande stabilité financière.Comme l’a dit le célèbre investisseur Warren Buffett,le travail d’un comptable est d’enregistrer, pasd’évaluer, et le monde des affaires est toutsimplement trop complexe pour qu’un seul ensemblede règles puisse correspondre à la réalité de toutes lesentreprises (Cunningham, 2000 : 196, 202). Dans lecas des établissements financiers, les difficultés sontd’autant plus grandes que la valeur de l’actif et du

passif peut changer trèsrapidement, même lorsque desnormes comptables rigoureusessont respectées. De plus, commenous l’avons déjà relevé, mêmesi dans plusieurs des paystouchés par les crises financièresrécentes l’information financièreétait déficiente, les créanciers etinvestisseurs ne manquaient pasde renseignements sur lesprincipales variables macro-économiques et l’environnement

juridique et économique général de ces pays. Enoutre, si une bonne information financière permet deprendre de meilleures décisions, on peut se demanderpourquoi les investisseurs et les créanciers ne se sontpas montrés plus méfiants lorsqu’elle faisait défaut,en particulier si les données macroéconomiquesdisponibles auraient dû les mettre en éveil.

5. Gouvernement d'entreprise

Le gouvernement d'entreprise concerne lesrelations entre les dirigeants, le conseil d’admi-nistration, les créanciers, les actionnaires et les autresparties prenantes telles que les salariés, les clients, lesfournisseurs et la communauté. Il s’agit doncd’étudier le cadre dans lequel les objectifs de

On peut se demander dans quellemesure l’accroissement de la

transparence est favorable à uneplus grande stabilité financière.

Si une bonne informationfinancière permet de prendre demeilleures décisions, on peut se

demander pourquoi lesinvestisseurs et les créanciers nese sont pas montrés plus méfiants

lorsqu’elle faisait défaut.

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Normes et réglementation 81

l’entreprise sont déterminés et la façon dont lesmoyens d’atteindre ces objectifs et de contrôler lesrésultats de l’entreprise est définie. Les Principes del’OCDE relatifs au gouvernement d’entreprise(OCDE, 1999) traitent de cinq thèmes fonda-mentaux : i) la protection des droits des actionnaires,c’est-à-dire les règles permettant au marché ducontrôle des entreprises defonctionner de façon efficiente,transparente et équitable pourtous les actionnaires; ii) letraitement équitable des action-naires, y compris les actionnairesminoritaires et étrangers, avecdivulgation complète des infor-mations importantes et inter-diction des opérations d’initiés etdes opérations pour comptepropre; iii) le rôle des différentesparties prenantes et la protectionde l’exercice de leurs droits telsqu’ils sont définis par la loi, ainsique l’encouragement de lacoopération entre les entreprises et les partiesprenantes pour créer de la richesse et des emplois etassurer la pérennité d’entreprises financièrementsaines; iv) la trans-parence et la diffusion en tempsopportun d’informations exactes sur tous les élémentspertinents, notamment les résultats de l’entreprise,son actionnariat et son système de gouvernement, cequi doit comprendre un audit annuel fait par uncommissaire aux comptes indépendant; v) des règlesde gouvernement d’entreprise assurant l’orientationstratégique de l’entreprise, un suivi véritable de lagestion par le conseil d’administration et laresponsabilité du conseil d’administration enversl'entreprise et ses actionnaires (certaines desfonctions essentielles du conseil d’administrationsont précisées dans cette rubrique).

Le gouvernement d’entreprise fixe de règlespour des questions pour lesquelles les différences deconception entre pays ont souvent une originesociale, par exemple pour ce qui est de l’importancerelative des entreprises familiales par opposition auxsociétés anonymes, ou à l'existence de prioritésparfois contradictoires telles que la viabilité à longterme d’une part et la valeur actionnariale d’autrepart. Ces différences sont généralement dues à desdifférences historiques et au consensus socio-politique qui en résulte23. Le préambule des principesde l’OCDE reconnaît qu’il n’y a pas de modèleunique de bon gouvernement d’entreprise et que lesprincipes eux-mêmes sont de caractère assez général.Ils évitent de fixer des règles pour les aspects les pluscontroversés des relations entre les entreprises etleurs créanciers et actionnaires, tels que le niveaud’endettement approprié. De même, ils necontiennent pas de règles détaillées sur le marché ducontrôle des entreprises. Néanmoins, il n’est pas

exclu que l’assistance technique et les travauxd’évaluation liés à la mise en œuvre de ces principes,auxquels seront associées d’autres organisationscomme la Banque mondiale, soient tès influencés parcertaines conceptions du gouvernement d’entreprise,notamment celles des Etats-Unis ou du Royaume-Uni.

Pour ce qui est de lacontribution que pourrait appor-ter le gouvernement d'entrepriseà la stabilité financière, uneconclusion similaire à celle quenous avons formulée en ce quiconcerne l’audit et lacomptabilité semble s’imposer.Des améliorations dans cedomaine pourraient débouchersur des décisions plusjudicieuses, mais si elles sontfondées sur des principessimilaires à ceux énoncés parl’OCDE, elles seront proba-

blement progressives. De plus, cela n’aura peut-êtreque des effets limités sur l’instabilité, qui est due àdes causes que l’amélioration du gouvernementd’entreprise peut atténuer mais non éliminer. Cescauses sont notamment les objectifs imposés auxresponsables de crédit dans les établissementsfinanciers (il y a là un problème chronique auquel lessystèmes de contrôle interne de la plupart desétablissements ne répondent toujours pas de façonsatisfaisante), les carences des techniques même lesplus perfectionnées de gestion du risque de crédit, durisque de marché et des autres risques financiers, etles facteurs psychologiques qui favorisent descomportements grégaires dans le secteur financier.

6. Faillites

Les règles qui régissent les faillites sont d’unaspect tellement important du gouvernementd’entreprise tel qu’il a été défini plus haut qu’ellesont engendré toute une littérature spécifique. Laplupart des observateurs s’accordent sur le fait queles régimes de règlement des faillites existantsprésentent de nombreuses carences, et ils sont mêmestotalement absents dans certaines situations et danscertains pays24. A l’échelle nationale, en particulierdans de nombreux pays en développement et entransition, les principales carences concernent lesproblèmes d’exécution des contrats, l’insuffisancedes mécanismes de compensation et de règlement desobligations, le mauvais fonctionnement desmécanismes de garantie et de caution des prêts et lesconflits de lois. Tous ces facteurs peuvent rendre trèsproblématiques certains aspects de l’évaluation desentreprises et des valeurs mobilières et accroître le

Le gouvernement d’entreprise fixede règles pour des questions pour

lesquelles les différences deconception entre pays, qui ont

souvent une origine sociale, sontgénéralement dues à des

différences historiques et auconsensus socio-politique qui en

résulte

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risque financier. Par conséquent, lorsqu’ils sontprésents dans un pays émergent, cela peut dissuaderles investisseurs étrangers.

L’élaboration de règles de faillite acceptables àl’échelle mondiale a été confiée à la Banquemondiale, qui a pour objectif de mettre au point unegrille intégrée d'éléments et de critères inspirés desmeilleures pratiques existantes25.Ces éléments sont envisagéscomme un complément durégime juridique et commercialde chaque pays, accompagnésd’indications sur la façon dont ilsmodifieraient ce régime. Pourobtenir un consensus à leur sujet,il est prévu de faire une séried’évaluations et d’organiser descolloques internationaux sur lesfaillites. L’objet principal de l’initiative de la Banquemondiale est d'améliorer le régime des faillites despays en développement et en transition.

Ce processus a débouché sur l’élaboration d’unprojet consultatif structuré en trois parties :i) éléments juridiques, institutionnels et réglemen-taires, et restructuration et redressement desentreprises; ii) classification des faillites (faillitessystémiques, faillites de banques et faillitesd’entreprises); iii) dimension internationale, c’est-à-dire moyens d’encourager les pays en développementet en transition à tenir compte des meilleurespratiques internationales et à prendre enconsidération les aspects transfrontières de façon àaméliorer leur accès au marché financierinternational.

L’amélioration du régime des faillites a un lienplus direct avec la stabilité financière que bonnombre des autres thèmes énumérés dans letableau 4.1. Son principal rôle est de contenir lesproblèmes dus à la faillite de telle ou telle entrepriseet d’éviter la contagion. Cela aurait à l’évidence desavantages pour les créanciers et investisseursinternationaux. Toutefois, comme nous l’avons déjàindiqué, l’initiative conduite par la Banque mondialevise essentiellement les règles à mettre en œuvre dansles pays en transition et en développement, alors queles faillites internationales (c’est-à-dire les faillitesconcernant des entreprises qui ont des filiales dansplusieurs pays) posent de délicats problèmes decoordination et de conflits de lois dans les paysdéveloppés aussi. La faillite d’une grande entrepriseayant un vaste réseau international de filiales pourraitsérieusement perturber les transactions trans-frontières. Le cas de figure le plus menaçant seraitcelui de la faillite d’une grande banquemultinationale domiciliée dans un pays développé26.La plupart des problèmes que poserait une tellefaillite concernent les aspects internationaux de cettedernière et l'élaboration de règles internationales sefait actuellement dans d’autres cadres27.

7. Réglementation des marchés de valeurs

Le rapport intitulé Objectifs et principes de larégulation financière de l'OICV, publié par l’OICVen septembre 1998, définit trois grands objectifs : laprotection des investisseurs, la loyauté, l’efficience et

la transparence des marchés et laréduction du risque systémique.Pour atteindre ces objectifs, ilpropose une liste de 30 principesvisant les responsabilités desorganes de réglementation,l’autoréglementation, l’applica-tion de la réglementation desmarchés de valeurs, la coopé-ration entre les organes deréglementation à l’échelle natio-

nale et internationale, les responsabilités desémetteurs, les règles et normes applicables aux fondscommuns de placement, les prescriptions applicablesaux intermédiaires et les règles et normes régissant lemarché secondaire. Les principes qui concernent plusparticulièrement le risque systémique sont ceux desdeux dernières rubriques; il s’agit des normes defonds propres et des normes prudentielles applicablesaux intermédiaires, des mécanismes de gestion de ladéfaillance d’un intermédiaire et des systèmes decompensation et de règlement des transactionspropres à limiter ces risques. En d’autres termes, lesprincipes visant à réduire le risque systémiqueconcernent avant tout les mesures applicables auxentreprises et aux infrastructures.

Comme il s’agit d’un code élaboré par unefédération mondiale d’organes de réglementationspécialisés, il n’est pas surprenant que les principesconcernent essentiellement l’équité et l’efficience dufonctionnement des marchés eux-mêmes. Cesprincipes restent muets au sujet des questions plusgénérales de politiques macroéconomiques et depolitiques du secteur financier, qui ont les unes et lesautres été associées à l’instabilité systémique dans lespays en développement et en transition. Un ensembleplus complet de principes applicables aux marchés devaleurs mobilières, tenant compte des problèmes misen évidence par les crises récentes dans les pays endéveloppement et en transition, devrait sans doutetraiter de certains aspects de la politique appliquée aucompte de capital de la balance des paiements (telsque les conditions d’accès des investisseurs deportefeuille étrangers) et de la présence commercialedes sociétés d’investissement étrangères.

8. Assurance

Traditionnellement, on ne considère pasl’assurance comme une source de risque systémique.C’est pourquoi les principaux objectifs de sa

Le cas de figure le plus menaçantserait celui de la faillite d’unegrande banque multinationale

domiciliée dans un paysdéveloppé.

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Normes et réglementation 83

réglementation et de son contrôle sont la protectiondes clients et deux aspects connexes, à savoir lasolidité des compagnies d’assurance et leurdéontologie. Il s’agit donc de réglementer dans dedomaines tels que la divulgation de renseignements,l’honnêteté, l’intégrité et la compétence descompagnies et de leurs salariés, les méthodes decommercialisation et l’objectivité des conseils donnésaux consommateurs. Le principal motif pour lequelon considère que les risques systémiques liés ausecteur de l’assurance sont limités est que lesengagements des compagnies d’assurance sont desengagements à long terme, donc stables, tandis queleurs actifs sont généralement liquides. De plus, lesliens entre compagnies d’assurance ou entrecompagnies d’assurance et autres établissementsfinanciers sont limités du fait que les compagniesd’assurance n’interviennent pas dans les systèmes derèglement et de paiement et que les actifs qu’ellesvendent ou achètent sont traités sur des marchés trèsliquides (Goodhart et al., 1998 : 14).

Toutefois, depuis quelque temps on s’interrogesur le bien-fondé de cette idée. Cela est dû en partieau fait que les compagnies d’assurance jouent un rôlecroissant dans le secteur des produits d’épargne et deplacement, en raison des liens étroits qui existententre de nombreux types de polices d’assurance-vieet les instruments d’épargne ou de placement. Cetteévolution est due en partie à lacréation de conglomérats finan-ciers, résultant du fait que lescompagnies d’assurance inter-viennent de plus en plus dans lavente et la gestion de fonds deplacement d’une part et au faitque les banques s’aventurentdans le domaine de l’assuranced’autre part. Elle accroît le risquede contagion entre les com-pagnies d’assurance et d’autrestypes d’établissements financierset, si cette contagion touche desétablissements importants, l’am-pleur des dommages qui peuventen résulter. Dans le cas des paysen développement et en transition, il faut tenircompte d’un risque supplémentaire, à savoir que lafaillite d’un ou plusieurs établissements financiers, etnotamment d’établissements ayant des activitésimportantes dans l’assurance, déclenche une crisemonétaire. La dépréciation de la monnaie peut avoirdes effets négatifs bien au-delà du secteur dans lequelle problème apparaît en premier.

Le rapport intitulé Insurance Core Principles28

porte essentiellement sur l’organisation etl’application concrète du contrôle de l’assurance,ainsi que sur plusieurs thèmes spécifiques : legouvernement d’entreprise des compagniesd’assurance, leur contrôle interne, leurs règles

prudentielles, leur déontologie et la supervision del’assurance transfrontière. Les règles prudentiellesvisent la gestion de l’actif, la définition et leclassement des éléments de passif, la capitalisation,l’utilisation, la publication et le contrôle des produitsdérivés et des autres éléments hors bilan, et laréassurance en tant que moyen de limiter les risques.La supervision de l’assurance transfrontière doit êtreconçue de façon à ce qu’aucune compagnied’assurance internationale ne puisse échapper aucontrôle et à ce que les mécanismes de consultation etd’échange d’information entre les organismes decontrôle du pays de domicile et du pays d’accueilsoient suffisants. Ces principes ont doncessentiellement une orientation fonctionnelle, tandisque les questions qui relèvent expressément ducontrôle des conglomérats financiers sont laissées àd’autres organisations (IAIS, 2000a)29.

9. Intégrité du marché et blanchimentd’argent

Le blanchiment d’argent est un des sujets lesplus délicats visés par les codes et principes dont laliste est donnée au tableau 4.1. Il s’agit d’un domainedans lequel il y a des interactions directes entre lecontrôle financier et l’application de la loi,

notamment dans certaines de sesmanifestations les plus répres-sives, car le blanchiment d’argentest notamment lié au trafic dedrogue et au terrorisme. En fait,l’importance qui lui est accordéeest due en grande partie auxdifficultés que rencontrent lesgrands pays développés dans lalutte contre la toxicomanie. Laplupart des pays mettent l’accentsur la répression de la productionet de la consommation, ce quiprocure des bénéfices élevés auxtrafiquants. Le blanchimentd’argent est aussi étroitement liéà la corruption dans les pays

développés et en développement puisqu’il sert àcacher la source, le montant et la destination dessommes en jeu. Il n’y a pas d’estimation du volumemondial du blanchiment d’argent qui soitgénéralement acceptée, mais nul ne doute qu’il esttrès important. Pendant longtemps, le blanchimentd’argent était surtout considéré comme un problèmedans les relations entre les pays de l’OCDE et lescentres financiers offshore. Toutefois, certainsscandales récents montrent qu’il est probablementimportant aussi dans les centres financierstraditionnels30.

Le principal organisme international chargé delutter contre le blanchiment d’argent est le Groupe

Pendant longtemps, le blanchimentd’argent était surtout considéré

comme un problème dans lesrelations entre les pays de l’OCDEet les centres financiers offshore.

Toutefois, certains scandalesrécents montrent qu’il est

probablement important aussidans les centres financiers

traditionnels.

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84 Rapport sur le commerce et le développement, 2001

d’action financière sur le blanchiment des capitaux(GAFI)31, créé après le Sommet du Groupe des Septde 1989. Il réunit actuellement 29 pays (principa-lement développés) et deux organisationsinternationales, la Commission européenne et leConseil de coopération du Golfe. En 1990, il aélaboré une liste de 40 recommandations que sesmembres sont censés adopter. Ces recommandationsont été révisées en 1996 pour tenir compte del’expérience acquise entre-temps et de l’évolution despratiques de blanchiment des capitaux (GAFI, 1999).Pour suivre l’application de ces recommandations parles pays membres, on emploie deux moyens, uneauto-évaluation annuelle et un examen périodique pardes équipes de spécialistes des autres pays membres.Plus récemment, le GAFI a fait une étude pouridentifier les pays ou territoires non coopératifs(GAFI, 2000). Manifestement, il espère quel’identification des 15 pays et territoires concernés etla publicité qui lui est donnée inciteront ces pays etterritoires à mieux lutter contre le blanchiment. Deplus, les membres du GAFI ont décidé d'inciter lesétablissements financiers qui relèvent de leurjuridiction à être particulièrement prudents dans lestransactions avec des contre-parties des 15 pays etterritoires en question, ce qui va probablementrenchérir ces transactions.

Les 40 recommandations du GAFI prévoient lesobligations suivantes : criminalisation des actesconsistant à blanchir le produit de crimes graves;identification de tous les clients et tenue d’archivessuffisantes; obligation pour les établissementsfinanciers de signaler les opérations suspectes àl’autorité nationale compétente et d’élaborer desprogrammes de lutte contre le blanchiment d’argent,notamment en mettant en place des contrôles internesdétaillés et en formant leurs salariés; répressionsuffisante du blanchiment d’argent et échangesd’information entre les organes de contrôle et lesautres autorités nationales chargées de faire appliquer

la loi; renforcement de la coopération internationalepar l’échange d’information, l’assistance juridique etdes accords bilatéraux et multilatéraux. Il y a desliens entre les initiatives du GAFI et d’autresinitiatives visant les centres financiers offshore32. Parexemple, les techniques d’utilisation de centresfinanciers offshore pour l’évasion fiscale visées parl’initiative de l’OCDE (OECD, 2000b) sont souventidentiques ou similaires à celles employées pour leblanchiment d’argent. De même, l’obligation deconnaître ses clients, qui doit faire partie de toutrégime efficace de réglementation financière, recoupedans l’ensemble les prescriptions du GAFIconcernant l’identification des clients. Toutefois,comme dans le cas des autres codes et normesexaminés dans la présente section, la contributiondes recommandations du GAFI à la stabilitéfinancière internationale est surtout indirecte.

Parfois, c’est à l’occasion de la faillited’établissements financiers qu’on apprend qu’ilsétaient associés à des activités de blanchimentd’argent. Toutefois, le blanchiment d’argent, demême que les facilités offertes par les centresfinanciers offshore, a joué tout au plus un rôleminime dans les récentes crises financières. Quoiqu’il en soit, en rendant plus coûteuses ou plusdifficiles certaines formes de fuite des capitaux, lalutte contre le blanchiment d’argent pourraitcontribuer à limiter certains mouvements de capitauxdéstabilisateurs et l’accumulation de dettesextérieures non liées à une activité économiquelégitime, mais son efficacité dépendra de l’efficacitéde la coopération entre les pays d’origine et dedestination de l’argent blanchi. Les règles contre leblanchiment de capitaux sont donc un élémentessentiel de la réglementation des établissementsfinanciers et toute réglementation qui ne comportepas de telles règles pourrait difficilement êtreconsidérée comme efficace ou complète.

C. Participation à la formulation et à l’application des normes

Depuis que les normes sont devenues un thèmede la réforme financière internationale, on insistebeaucoup sur le fait qu’il faut que les pays concernés« s’approprient » leur adoption et leur application. Leprocessus d’évaluation de l’application des normesen cours a suscité d’abondantes consultations et l’onpeut s’attendre à ce que les résultats de cette

consultation influent sur l’élaboration future desnormes elles-mêmes. Toutefois, les différentesopérations d’évaluation sont souvent asymétriques,ce qui a parfois suscité des doutes quant à leur équité.Le manque de symétrie, notamment en ce quiconcerne le degré auquel les préoccupations des paysen développement sont prises en compte, apparaît

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Normes et réglementation 85

aussi dans le choix des points auxquels certainesnormes doivent s’appliquer. Cela semble dû en partieà des divergences de vues concernant lefonctionnement du système financier international etles domaines dans lesquels il est opportun que lespouvoirs publics interviennent.

L’appropriation dépend de l’intérêt que les paysvoient à adopter et à appliquer des normes. Pouraméliorer cette perception del’intérêt national, on peutnotamment encourager l’échangede données d’expérience dansdes cadres tels que lesinstitutions multilatérales definancement et les organismes denormalisation, en donnant auxdifférents pays la possibilité decontribuer à l’élaboration desnormes et à la coordination entreles programmes de normalisationinternationale et les programmesnationaux de réforme financière, et en encourageantet en facilitant l’auto-évaluation (FSF, 2000a : 2). Lapromotion de l’appropriation est un des objectifs desprogrammes de vulgarisation concernant l’appli-cation des normes (FMI, 2000c), par des moyens telsque l’assistance technique, l’organisation d’ateliers etde réunions régionales. Des institutions comme leFMI et la Banque mondiale, les organismes decontrôle du secteur financier des grands paysindustriels et d’autres organismes qui participent auxprocessus d’évaluation ont été associés à cesactivités.

Les asymétries dont nous avons parlé plus hautne sont pas toujours présentes et ne sont pas toujoursfaciles à déceler, car elles sont souvent intégrées dansles postulats ou les catégories sur lesquelless’appuient les normes du tableau 4.1. Le fait quecertains des codes ont tendance à insister sur despoints qui intéressent particulièrement les paysdéveloppés est souvent dû à l’origine historique desinitiatives. Traditionnellement, une grande partie desactivités transfrontières concernées se faisaient entredes entreprises de pays industriels et ce n’est quedepuis peu que des entreprises de pays endéveloppement y participent. Quoi qu’il en soit, ilsemble que certaines préoccupations des pays endéveloppement aient été négligées dans le processusde formulation des normes et que leurs intérêts aientété ignorés ou minimisés dans le suivi. De plus,certains éléments des documents directifs publiés aumoment où les initiatives de normalisation ont étéprises et qui décrivent des aspects importants de leurjustification reflètent essentiellement le point de vuedes grands pays développés, comme le montrent bienles récents rapports du FSF.

Par exemple, le rapport du Groupe des flux decapitaux du FSF (FSF, 2000b) porte essentiellementsur l’amélioration des pratiques de gestion du risque

et le renforcement de la transparence desadministrations publiques et des entreprises privéesdes pays qui reçoivent des crédits ou desinvestissements internationaux, considérés comme unmoyen essentiel de limiter l’instabilité de ces flux decapitaux33. Ce rapport décrit aussi différents défautsdes politiques des pays destinataires qui sontsusceptibles d’entraîner une trop forte dépendance à

l’égard de flux de capitaux àcourt terme et donc volatils.Toutefois, il minimise l’impor-tance du comportement descréanciers et des investisseursdes pays développés ainsi que leseffets des politiques macro-économiques de ces pays sur lesflux de capitaux destinés auxpays en développement et entransition. Il accorde une placeconsidérable à l’amélioration dela publication et de l’emploi de

statistiques officielles et de renseignements financiersfournis par les entreprises privées des paysdestinataires, mais il ne va pas jusqu’à approuverl’exigence d’une divulgation plus fréquente dedonnées sur les grandes positions à court terme enactifs libellés dans la monnaie d’un pays détenues pardes entreprises étrangères autres que des banques (ycompris les fonds spéculatifs), que plusieurs pays endéveloppement (et quelques pays développés)pensent être une menace pour la stabilité de leur tauxde change et de leur marché financier.

De même, le rapport du Groupe de travail duFSF sur les établissements utilisant un important effetde levier 34 a tendance à faire peu de cas, danscertaines de ses recommandations, de préoccupationsexprimées par certains pays (voir FSF, 2000c). LeGroupe de travail a fait une distinction entre deuxgrands types de problèmes soulevés par lesétablissements utilisant l'effet de levier : le risquesystémique (comme dans le cas de la faillite du fondsspéculatif Long Term Capital Management (LTCM)),et les problèmes de dynamique du marché, c’est-à-dire l’amplification de l’instabilité et les menaces dedésintégration du marché qui peuvent résulter desactivités de ces établissements dans les petiteséconomies ouvertes. Le risque systémique estnaturellement préoccupant pour les pays endéveloppement et en transition. Par exemple, commeles autres participants au marché financierinternational, ces pays ont été affectés parl’augmentation des primes de risque et la fortecontraction de l’offre de financements à la fin de1998, provoquées en partie par la faillite du fondsLTCM. Néanmoins, leurs préoccupations sont surtoutliées aux problèmes de dynamique du marché.

Le Groupe de travail a examiné ces problèmestels qu’ils se sont manifestés dans six pays en 199835.Il a conclu cette analyse en reprenant, avec certaines

Il semble que certainespréoccupations des pays en

développement aient été négligéesdans le processus de formulationdes normes et que leurs intérêtsaient été ignorés ou minimisés

dans le suivi.

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86 Rapport sur le commerce et le développement, 2001

réserves, les préoccupations déjà exprimées au sujetdes établissements à fort effet de levier. Il a reconnuqu’en effet ces établissements pouvaient ouvrir despositions importantes et concentrées sur des marchésde taille moyenne ou petite et que cela pouvait avoirune influence déstabilisatrice. Toutefois, le consensusn’était pas aussi clair en ce qui concerne l’importancerelative de l’influence de ces établissements et celled’autres facteurs dans les crises qu’ont subies cesdifférents pays en 1998. Le Groupe de travail aabouti à des conclusions similaires en ce quiconcerne la menace pour l’intégrité des marchés liéeà certaines pratiques très agressives imputées auxétablissements à fort effet de levier, telles que lavente massive de monnaies sur un marché peuliquide, la diffusion de rumeurs, la divulgationsélective de renseignements sur leurs positions et leurstratégie et la prise de positions corrélées sur lesmarchés de différents actifs dans un pays ou dansdifférents pays, dans le but de réaliser des arbitragestrès profitables 36. Là encore, le Groupe de travail aadmis que les établissements à fort effet de levierpouvaient se livrer à de telles pratiques, mais a étéplus réticent en ce qui concerne l’importance de cephénomène lors de différents épisodes dans différentspays.

L’orientation principale des recommandationsdu Groupe de travail vise à réduire le risquesystémique que les établissements à fort effet delevier peuvent causer, plutôt qu’à régler lesproblèmes de dynamique du marché. Elles recoupentsur de nombreux points celle des organes officiels etdes associations professionnelles de grands paysindustriels qui sont décrites de façon assez détailléedans une annexe du rapport : renforcement de lagestion du risque par les établissements à fort effet delevier et leurs contreparties, renforcement du contrôledes créanciers des fonds spéculatifs, amélioration despratiques dans des domaines tels que la mesure del’exposition et du risque de liquidité, l'évaluation dela résistance aux contraintes, la gestion des garantieset l’évaluation externe, et renforcement desinfrastructures du marché dans des domaines tels quel’harmonisation des documents, de l’évaluation et durèglement des faillites. En outre, le Groupe de travaila recommandé que les établissements financiersspéculatifs soient tenus à une plus grandetransparence, dans le cadre d’une évolution généralevers la publication d’une information plus complèteet plus comparable sur les risques courus par lesétablissements financiers en général.

Bon nombre de ces recommandations peuventavoir des effets positifs sur la dynamique du marchéet réduire le risque systémique. Toutefois, en ce quiconcerne le premier de ces points, le Groupe detravail s’est borné à deux recommandationsparticulièrement pertinentes. La première vise àrenforcer certains aspects de la surveillance del’activité sur les marchés financiers à l’échelon

national afin de déceler les phénomènesd’augmentation de l’effet de levier et d’autresphénomènes liés à la dynamique des marchés quipourraient appeler des mesures préventives. Ladeuxième vise à promouvoir des lignes directricespour les activités des cambistes, avec l’appui desprincipaux intervenants qui examineraient et, sinécessaire, réviseraient les codes et principesexistants dans ce domaine à la lumière despréoccupations récemment exprimées au sujet ducomportement des marchés.

La deuxième de ces recommandations estmotivée par le fait que, dans la plupart des paysémergents, il n’existe pas le genre de principesdirecteurs et de codes de conduite à l’intention desagents financiers que publient des associationsprofessionnelles ou autres organismes réunissant desagents qui opèrent sur les grands centres financiers. Ilest recommandé que les principaux établissementsfinanciers prennent l’initiative d’élaborer et depromouvoir de tels principes et codes pour les placesoù il n’en existe pas aujourd’hui. Pour que cetterecommandation soit efficace, il faut non seulementqu’elle suscite le genre d’initiatives suggérées, maisaussi qu’elle entraîne une modification ducomportement effectif, même lorsque les principesdirecteurs et codes n’ont pas force de loi.

En ce qui concerne la surveillance et latransparence des positions, le rapport est plusaudacieux qu’en ce qui concerne les flux de capitaux,mais il est difficile de comprendre exactement lanature des différentes solutions envisagées etl’opinion du groupe sur leurs avantages et leursinconvénients. L’idée de rassembler des donnéesexhaustives et à jour sur les positions ouvertes sur lesprincipaux marchés ne paraît pas acceptable car elleest trop complexe et coûteuse et il serait difficiled’obtenir que les intervenants respectent leursobligations37. Le Groupe de travail s’est montré plusfavorable à des initiatives nationales impliquant unesurveillance active concertée entre les autoritésmonétaires, les organes de contrôle et les opérateurs,mais en exprimant des réserves et des doutes au sujetd’aspects tels que le coût et l’utilité de laparticipation internationale nécessaire pour obtenir lapublication de données sur les positions sur lesprincipales monnaies des pays émergents. On peutpenser qu’il existe déjà une surveillance de ce genre(mais parfois souvent de caractère officieux) dansplusieurs pays, car sans cela on ne voit pas d’où leGroupe de travail aurait obtenu une partie desrenseignements qui figurent dans son rapport sur lefonctionnement des établissements à fort effet delevier dans six pays ou territoires. Les principalesréserves du Groupe de travail dans ce domaineconcernent le renforcement du contrôle de l’offre deliquidité en monnaie locale nécessaire pour lerèglement de la plupart des positions spéculativesprises contre une monnaie. Ces réserves sont

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Normes et réglementation 87

motivées essentiellement par le fait que le Groupe detravail considère que tout mécanisme officiel de cegenre serait une forme de contrôle des mouvementsde capitaux.

Lorsqu’on examine les recommandations duGroupe de travail sur les questions de dynamique dumarché, on est inévitablement amené à constater leurasymétrie. Le Groupe reconnaît la légitimité despréoccupations récemment expri-mées à propos des pratiques desétablissements à fort effet delevier, mais consacre beaucoupplus d’attention à la transparencerequise des agents économiquesdans les pays en développementet en transition, dans le cadre dela réforme financière interna-tionale.

On trouve aussi desasymétries de ce genre dans lerapport d’un autre groupe de travail du FSF (2000d),qui s’occupe des centres offshore38. En ce quiconcerne la réforme financière internationale, oncraint que les centres financiers offshore, bien qu’ilsn’aient pas été à l’origine de problèmes systémiquesmajeurs jusqu’à présent, le deviennent un jour. Cettecrainte est due à l’expansion de l’actif, du passif etdes activités hors bilan des établissements basés dansces centres, ainsi qu’au développement des relationsinterbancaires. En particulier, on craint que lescentres financiers offshore deviennent un foyer decontagion en cas de crise financière. Le Groupe detravail était chargé de faire une évaluation généralede l’utilisation des centres financiers offshore et plusparticulièrement d’analyser leurs progrès en matièrede mise en œuvre des normes prudentielles et desnormes de divulgation internationale et de respect desaccords internationaux concernant l’échange derenseignements entre organes de contrôle et d’autresrenseignements utiles pour la lutte contre la fraudefinancière et le blanchiment d’argent.

A cet effet, le Groupe de travail a fait uneenquête visant à déterminer dans quelle mesure lescentres financiers offshore respectaient les normesinternationales de contrôle définies par le BCBS,l’IAIS et l’OICV (c’est-à-dire les normes concernantla banque, l’assurance et le commerce de valeurs).Cette enquête a été faite au moyen de deux

questionnaires, l’un destiné aux organes de contrôlede trois grands centres financiers et l’autre à37 centres financiers offshore. Le premier avait pourbut d’obtenir l’avis des organes de contrôle sur laqualité de la réglementation et de la supervision dansles centres offshore dont ils ont une certaineconnaissance et sur la qualité de la coopération avecles organes de contrôle des centres offshore. Le

second visait à obtenir desrenseignements sur les relationsentre les centres offshore et lesorganes de contrôle du paysd’origine des fournisseurs deservices financiers qui opèrentdans ou depuis ces centres (par lebiais de filiales ou de succur-sales). L’enquête a conduit leGroupe de travail a répartir lescentres offshore entre troiscatégories : i) ceux généralement

considérés comme coopératifs, exerçant un contrôleétroit et respectant dans l’ensemble les normesinternationales; ii) ceux qui ont bien créé desmécanismes de contrôle et de coopération mais dontle fonctionnement est insatisfaisant par rapport auxnormes internationales et appelle des améliorationssensibles; iii) ceux qui sont généralement considéréscomme laxistes et non coopératifs et qui ne fontguère d’efforts pour respecter les normesinternationales. Toutefois, plusieurs organes decontrôle de centres offshore ont estimé que la façondont l’enquête avait été menée ne leur avait pasdonné une possibilité suffisante d’auto-évaluer leurréglementation et la qualité de leur contrôle, ce quiaurait été plus conforme à l’esprit du rapport en cequi concerne le programme proposé pour l’évaluationfuture de l’application des normes par les centresoffshore. L’une des étapes prévues est une auto-évaluation, conduite avec l’aide de spécialistesextérieurs du contrôle des établissements financiers(FSF, 2000d : 56-60). De façon générale, les centresfinanciers offshore ne rencontrent guère de sympathiedans la communauté internationale. Toutefois, si l’onveut faire avancer les initiatives mondiales denormalisation, il faut faire preuve d’équité en ce quiconcerne les différents aspects de l’application desnormes aux différentes parties intéressées39.

Si l’on veut faire avancer lesinitiatives mondiales de

normalisation, il faut faire preuved’équité en ce qui concerne les

différents aspects de l’applicationdes normes aux différentes parties

intéressées.

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88 Rapport sur le commerce et le développement, 2001

D. Application, sanctions et incitations

L’application des normes est un processuscomplexe qui comporte plusieurs étapes. La premièreétape définie dans la stratégie de l’équipe de travaildu FSF (FSF, 2000a, sect. 3) est d’obtenir unconsensus international sur les normes. Ensuite, ilfaut déterminer des priorités pour pouvoir gérerl’application des normes, travail qui a conduit àl’élaboration de la liste des normes essentiellesreprises au tableau 4.1. Après cela, il faut établir desplans d’action nationaux. Les principaux intervenantsà ce stade sont les gouvernements, qui peuventconsulter les institutions financières multilatérales etles organismes de normalisation et obtenir différentesformes d’assistance technique. Une fois les plans misen œuvre, ils doivent être évalués, non seulement parles autorités nationales compé-tentes, mais aussi par lesinstitutions financières multila-térales, les organismes denormalisation et peut-êtred’autres; à cette étape, il fautaussi fournir une assistancefinancière. Un autre aspect duprocessus consiste à diffuser desrenseignements sur les progrèsaccomplis, en particulier àl’intention des agents écono-miques tels que les créanciers etles investisseurs.

L’application des normes doit aussi êtreencouragée par des sanctions et des incitationsofficielles ou économiques, qui sont très liées entreelles 40. Parmi les mesures officielles, l’assistancetechnique mentionnée plus haut est importante. Onpeut aussi intégrer l’évaluation de l’application desnormes dans l’évaluation des politiques et dans lesconditions auxquelles sont subordonnés lesfinancements officiels (en particulier ceux fournis parles institutions multilatérales), et tenir compte dudegré de respect des normes dans les décisionsrelatives à l’admission à des organismesinternationaux et dans la réglementation et le contrôledes filiales étrangères d’établissements financiers.Dans certains cas, l’équipe de travail du FSF n’a faitque souscrire à des mesures déjà prises ou préconiserd’aller plus loin, mais dans d’autres les sanctions etincitations suggérées n’ont pas fait l’objet de

décisions officielles et l’équipe de travail elle-mêmeétait consciente de leurs éventuels inconvénients.

Pour ce qui est des mesures déjà prises,l’évaluation de l’application des normes financièresest maintenant intégrée dans le mécanismed’évaluation des politiques du FMI en vertu del’article IV (qui tient compte des conclusions duFSAP mentionnées à la sous-section B.2). Une desconditions qu’un pays doit remplir pour obtenir unfinancement par la ligne de crédit préventive (LCP)41

est une évaluation positive, à l’occasion des dernièresconsultations au titre de l’article IV, des progrès qu’ila accomplis en matière d’application de normesacceptées sur le plan international. Il semble parailleurs qu’on cherche à intégrer l’application des

normes dans les conditionsauxquelles sont subordonnées lesfacilités du FMI. En particulier,des mesures concernant l’appli-cation et le respect de certainesnormes ont été incluses danscertains programmes de pays duFMI. Enfin, dans plusieurs pays,l’accès au marché d'unétablissement financier étrangerest déjà subordonné à la qualitédu contrôle exercé par son paysd’origine et les incitationsproposées par l’équipe de travail

devraient probablement renforcer cette condition.

On peut envisager plusieurs sanctions etincitations officielles qui n’existent pas actuellementet ne constitueraient pas simplement une extension ouun renforcement de mesures existantes. Par exemple,on pourrait réserver la participation à des organismescomme l’OICV, les organes de Bâle qui s’occupentde réglementation et de contrôle financier ou l’OCDEaux pays qui réalisent suffisamment de progrès enmatière d’application des normes. Toutefois, commele fait observer l’équipe de travail du FSF, cela auraitun effet pervers en supprimant une formed'émulation. On pourrait aussi différencier lescoefficients de pondération appliqués aux contre-parties pour le calcul des ratios de fonds propres enfonction du degré de respect des normes des pays outerritoires dans lesquels ces contre-parties opèrent.Cela suppose une évaluation fiable du degré de

Une des conditions qu’un pays doitremplir pour obtenir un

financement par la ligne de créditpréventive est une évaluationpositive des progrès qu’il a

accomplis en matièred’application de normes acceptées

sur le plan international.

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respect des normes, qui n’existe pas encore etpourrait être difficile à réaliser dans certains cas.Néanmoins, certaines propositions actuellementexaminées vont dans ce sens (BCBS, 1999)42. Onpourrait renforcer le contrôle et prendre d’autresmesures de réglementation visant les filiales ousuccursales dont la société mère est domiciliée dansun pays où les normes sont laxistes. Par exemple, onpourrait restreindre les opérations entre sociétésaffiliées et contrôler de plus prèsl’identification des clients.Comme le relève le FSF, ilfaudrait pour cela donner auxorganes de contrôle du paysd’accueil tous les renseignementspertinents concernant le respectdes normes en question. Autredifficulté, il faudrait obtenir unecoordination suffisante pouréviter la fuite vers des centresfinanciers plus laxistes.

On a déjà commencé àévaluer l’efficacité et l’opportunité des sanctions etincitations officielles et économiques pourpromouvoir l’application des normes. Le programmed’évaluation des secteurs financiers (FSAP)43 et lasurveillance au titre de l’article IV des Statuts du FMIjoueront inévitablement un rôle essentiel dans ceprocessus. Parmi les thèmes de la surveillancefigureront les progrès accomplis en matière derespect des normes et le renforcement du secteurfinancier de façon plus générale. Ce processusexhaustif et donc coûteux d’évaluation devrait lui-même faire l’objet d’une évaluation permanente parun organe relativement indépendant. Cela pourraitdevenir un des principaux rôles du FSF, mais le faitque plusieurs organismes importants responsables del’évaluation de l’application des normes en fontpartie pourrait lui rendre la tâche plus difficile.

L’efficacité des sanctions et incitationséconomiques dépend du degré auquel les agentséconomiques emploient les renseignementsdisponibles sur le respect des normes dans un payspour évaluer les risques et déterminer en conséquencela note de crédit, la prime d’intérêt et les limitesd’exposition et prendre leurs décisions en matière decrédit et d’investissement. Il faut donc i) que lesagents économiques connaissent les normesinternationales, ii) qu’ils les jugent pertinentes pourl’évaluation des risques, iii) qu’ils aient accès à desrenseignements sur la façon dont les normes sontrespectées et iv) qu’ils emploient ces renseignementsdans leur processus d’évaluation des risques (FSF,2000a). Le rôle des pouvoirs publics pourraitconsister à promouvoir la publication desrenseignements pertinents et à exercer des pressionspour inciter les agents économiques à tenir compte durespect des normes pour prendre leurs décisions.

L’efficacité des sanctions et incitationséconomiques suppose qu’elles soient intégrées dansles pratiques des agents économiques. On ne disposeà cet égard que d’une expérience relativement brève,mais le FSF a demandé à des opérateurs de lui donnerleur avis pour faire une première évaluation,essentiellement dans le cadre d’échanges officieuxavec des représentants d’une centained’établissements financiers dans 11 pays et territoires

(FSF, 2000e, sect. III)44. Cetravail a montré que lesintéressés n’étaient pas trèsfamiliers avec les 12 normesessentielles du tableau 4.1, lesplus connues étant la normespéciale de diffusion des données(NSDD) et les normes comp-tables internationales (IAS).Rares étaient les établissementsfinanciers qui tenaient compte dudegré auquel un pays respectaitles normes pour prendre leursdécisions en matière d’investis-

sements et de crédits, même si le degré de respect dela NSDD a une certaine influence sur la note decrédit. En général, les participants considèrent que lerespect des normes est moins important quel’adéquation du cadre juridique et judiciaire du pays,le risque politique (souvent considéré comme plusimportant que le risque lié au laxisme de laréglementation ou du contrôle) et les donnéeséconomiques et financières fondamentales. Lesagences de notation, qui sont en général plusfamilières avec les normes et avec les évaluationsdéjà faites, considèrent néanmoins que le dialoguedirect avec les autorités nationales leur permet demieux comprendre la qualité de la réglementation etdu contrôle, de la politique et de l’information, ainsique de l’infrastructure du marché45.

A l’heure actuelle, on ne peut faire qu’uneévaluation très provisoire de l’application des normeset de l’efficacité des incitations. Tout le mondes’accorde sur le fait que le coût administratif del’application des normes et de son évaluation peutêtre considérable, mais en revanche l’efficacité desmesures proposées pour l’alléger reste à démontrer.La mise en place de sanctions et d’incitationsofficielles est encore au stade de l’examen préalabledans de nombreux cas et ne sera pas nécessairementdécidée. Le FMI commence seulement à intégrer lerespect des normes dans ses conditions, et cetteintégration reste très controversée. Pour que lessanctions et incitations économiques aient uneincidence sur l’application des normes, il faudraprobablement beaucoup de temps, comme le montrele fait que les établissements financiers considèrentque d’autres facteurs sont plus importants: en effet,pour les établissements financiers qui opèrent sur lesmarchés, le facteur prépondérant est la qualité du

Les participants considèrent que lerespect des normes est moins

important que l’adéquation ducadre juridique et judiciaire dupays, le risque politique et les

données économiques etfinancières fondamentales.

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Encadré 4.1

LES RATIOS DE FONDS PROPRES DE L’ACCORD DE BÂLE

L’Accord de Bâle de 1988 sur les fonds propres a été le fruit d’une initiative visant à mettre aupoint des normes prudentielles plus uniformes en ce qui concerne les fonds propres exigés pour couvrirle risque de crédit des banques. Il s’agissait de renforcer le système bancaire international et depromouvoir la convergence des ratios de fonds propres appliqués par les différents pays, afind’éliminer les inégalités entre banques résultant de différences à cet égard. Les principaux aspects del’Accord sont un instrument commun pour déterminer le montant des fonds propres à prendre encompte, un cadre commun pour évaluer les éléments d’actif des banques en tenant compte du risque decrédit (y compris pour les éléments dits hors-bilan), et un ratio de fonds propres de 8% de l’actifpondéré en fonction du risque. Depuis, l’Accord a fait l’objet de diverses modifications etinterprétations, concernait notamment la définition des fonds propres, la réduction du risque pouvantêtre obtenue par une compensation bilatérale sous certaines conditions, l’application de l’Accord auxmécanismes de compensation multilatéraux, la prise en compte des crédits garantis par des titres émispar certaines entités du secteur public de l’OCDE et la réduction du coefficient de pondération desrisques associés aux créances sur des sociétés de commerce de valeurs réglementées. En parallèle, leComité de Bâle a continué de travailler sur d’autres risques bancaires, travail dont le principal résultatconcret a été la modification de l’Accord de 1988 visant à y intégrer le risque de marché, modificationqui a été adoptée en 1996. L’Accord de 1988 avait été conçu pour s’appliquer aux banques des paysmembres du Comité de Bâle actives sur le plan international, mais ces effets ont été beaucoup pluslarges et en 1999 il faisait partie de la réglementation prudentielle des banques de plus de 100 pays, ycompris celles qui n’opèrent que sur le marché national.

Depuis 1988, l’Accord de Bâle a fait l’objet de critiques diverses : il ne tiendrait pas suffisammentcompte de la réduction du risque pouvant être obtenue par la diversification, il forcerait les banques àrestreindre le crédit et il attribuerait de façon arbitraire un coefficient de pondération non différencié àcertains risques de crédit. En ce qui concerne le risque pays, sauf rares exceptions, le coefficient depondération ne faisait de distinction qu’entre les pays membres de l’OCDE et les autres, ce quecertains pays en développement jugeaient discriminatoire et injustifié. Après les crises financières desannées 90, on a commencé à s’intéresser à la contribution de l’Accord à la stabilité financière générale.On s’est en particulier inquiété du fait que les coefficients de pondération prévus pouvaient inciter àaccroître les prêts interbancaires à court terme, qui ont joué un rôle important dans la volatilité desmouvements de capitaux durant ces crises.

En réponse, le Comité de Bâle a lancé une révision complète de l’Accord de 1988. Sa premièreproposition à cet effet, document intitulé A New Capital Adequacy Framework (ci-après dénommé lenouveau Cadre), publiée en juin 1999, s’appuie sur trois piliers : i) des ratios de fonds propres calculéssur la base de coefficients de pondération mieux liés au risque de crédit que ceux de l’Accord de 1988;ii) un contrôle prudentiel des ratios de fonds propres, sur la base de principes qualitatifs bien définis; etiii) la discipline exercée par le marché, qui suppose une information fiable et à jour. Au début de 2001(au moment de l’achèvement du présent rapport), le Comité de Bâle a publié un nouvel ensemble depropositions tenant compte des observations faites par les banques et les organes de contrôle bancairedu monde entier.

Le nouveau Cadre propose deux approches fondamentales du calcul du ratio de fonds propres :l’approche normalisée et l’approche fondée sur la notation interne. Un des éléments essentiels del’approche normalisée est qu’il est proposé de faire appel aux agences de notation pour déterminer lecoefficient de pondération à appliquer aux différents risques de crédit. L’approche fondée sur lanotation interne est encore provisoire et elle exigera des garanties suffisantes en ce qui concerne desaspects tels que le calcul des coefficients de pondération et la comparabilité.

Quoi qu’il en soit, elle sera probablement réservée, dans les propositions révisées, aux banques quiont des mécanismes assez perfectionnés de gestion du risque de crédit.

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Normes et réglementation 91

La proposition d’employer les évaluations faites par les agences de notation des débiteurs pourdéterminer les coefficients de pondération a été très controversée. La critique la plus importante estsans doute que, selon de nombreux observateurs, les résultats obtenus jusqu’à présent par lesprincipales agences de notation, notamment pour ce qui est de déterminer la probabilité d’une menacesérieuse de défaillance des Etats, ne sont pas suffisamment fiables. Une grande partie des critiquesrécentes ont été motivées par la crise asiatique de la fin des années 90, durant laquelle les agences denotation ont brutalement abaissé dans des proportions considérables la note de certains des paysconcernés. On craint donc que, si les notes attribuées par les agences ne font que refléter le sentimentdu marché voire, ce qui serait pire encore, s'alignent après coup, elles puissent accentuer la volatilité dumarché du crédit et aggraver ainsi les crises financières. Il se pourrait donc qu’en s’appuyant sur lesagences de notation pour pondérer les risques de crédit, les nouvelles normes exacerbent l’instabilitédu crédit bancaire.

Les analyses statistiques1 des effets des annonces des agences de notation sur la solvabilité ou lecoût des emprunts d’un pays font apparaître une forte corrélation entre les changements de note et laprime de rendement des obligations libellées en dollars par rapport aux obligations du Trésor des Etats-Unis de même échéance. Toutefois, cela ne nous dit pas où est la cause et où est l’effet. Ce n’est que siles modifications de note annoncées par les agences sont antérieures à la dégradation du marché qu’onpeut raisonnablement les créditer d'une véritable capacité de prévoir le risque de crédit. Toutefois, lestravaux qui ont été faits sur ce point ne confirment guère cette hypothèse. Au contraire, ils aident àexpliquer pourquoi la plupart des milieux officiels s’opposent à ce qu’on emploie les notes de créditdes grandes agences pour déterminer le ratio de fonds propres des banques, et pas seulement dans lespays en développement et en transition; il convient de relever que les agences de notation elles-mêmesparaissent assez réticentes à cet égard.

On peut aussi s’interroger sur l’utilisation des évaluations des agences de notation à des fins depolitique économique. Les notes des grandes agences jouent déjà un rôle dans la réglementation deplusieurs pays. Aux Etats-Unis par exemple, elles sont employées pour définir les titres considéréscomme spéculatifs aux fins de l’application des règles qui régissent les portefeuilles des banques et descompagnies d’assurance. Quoi qu’il en soit, les propositions contenues dans le nouveau Cadreaccroîtraient sensiblement l’influence des grandes agences de notation et pourraient facilement durcirle contrôle et la réglementation.

Autre objection, les agences de notation n'étudient qu’une petite proportion des entreprises. Mêmedans l’Union européenne, d’après une estimation provisoire de la Commission européenne, le nombred’entreprises notées par les principales agences ne dépasse pas 1 000. En Inde, pour prendre l’exempled’un pays en développement, au début de 1999, sur un total de 9 640 emprunteurs ayant une ligne defonds de roulement auprès d’une banque, 300 seulement avaient été notés (Reserve Bank of India,2000 : 13-14). Certes, comme nous l’avons indiqué, le nouveau Cadre prévoit une autre possibilité quel’utilisation des notes de crédit, à savoir la notation interne, qui serait réservée aux banques ayant descapacités suffisantes. Toutefois, les autres banques devront continuer d’employer les coefficients depondération proposés dans le nouveau cadre pour les créances sur des clients non notés. Comme cettesolution est très peu satisfaisante, différents intéressés ont demandé que, dans ses propositions révisées,le Comité de Bâle donne une plus grande place à la notation par des agences nationales (par oppositionaux grandes agences internationales), ce que le nouveau Cadre n’exclut pas à condition que cesagences répondent à certains critères.

Pour ce qui est de la stabilisation des crédits bancaires internationaux au moyen de mesures visantà mieux maîtriser l’exposition interbancaire à court terme, les propositions du nouveau Cadre sontgénéralement jugées encore insuffisantes, car selon une des options proposées pour la pondération durisque de crédit, les créances d’une durée initiale allant jusqu’à six mois, sur des banques dont la notede crédit s’inscrit dans une très large fourchette, auraient un coefficient moins élevé que les créancesd’une échéance plus longue (avec un minimum). Au vu des évènements récents, il serait peut-être bonde se montrer plus restrictif en matière de créances interbancaires à court terme.

_________1 Résumées dans Cornford (2000a, sect. VI.A).

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cadre juridique et judiciaire, dont l'amélioration estun des objectifs des normes. Cela vaut également àdes degrés divers pour le risque politique (lesparticipants ont notamment mentionné le risque denationalisation et de réorientation radicale des poli-tiques) et les données économiques et financièresfondamentales. Si l’on veut que le respect des normessoit un facteur pris en compte dans le processus dedécision des agents économiques, le problème, dumoins à moyen terme, est de savoir par où commen-

cer. En effet, c’est justement en tenant compte dudegré de respect des normes pour prendre leurs déci-sions en matière de crédit et d’investissement que lesagents économiques sont censés apporter une contri-bution importante à l’application de ces normes.Toutefois, dans un premier temps le degré de respectdes normes n’a qu’une incidence minime sur la sol-vabilité et le climat de l’investissement dans un pays.Tant qu’il en est ainsi, les intervenants continuerontde considérer cet aspect comme secondaire.

E. Normes, régimes financiers et stabilité financière

Comme nous l’avons déjà indiqué, pour denombreux pays les améliorations décrites ci-dessusnécessiteront des modifications profondes etpourraient prendre beaucoup de temps. Cela vaut enparticulier pour la réforme du cadre juridique etréglementaire et l’incorporation des normes dans lespratiques des entreprises, sans lesquelles ces réformesne pourront pas déployer tous leurs effets. Si, dans lespays en développement et en transition, ce processusne peut être que progressif et difficile, cela n’estnécessairement pas dû à une incompétence législativeou administrative ou au manque de volonté politique.Pour déréglementer le secteur financier dans les paysde l’OCDE ou mettre en place un régime unique dansl’Union européenne pour les activités bancaires etfinancières, processus qui ont tous deux rencontré desobstacles et des contraintes similaires à ceux qu’ontrouve lorsqu’on essaie de mettre en place desnormes financières uniformes à l’échelle mondiale, ila fallu plusieurs décennies46.

Les limites de l’efficacité du renforcement desnormes et des réformes juridiques et réglementairesconnexes sont dues à plusieurs facteurs. L’un d’entreeux est que les normes ont été mises en place pourrépondre à des problèmes passés, si bien qu’elles nesont pas toujours adaptées aux innovations. En outre,une grande partie des normes visées par les initiativesrécentes concernent le comportement des agentséconomiques et le fonctionnement des entreprises etdes marchés. Une amélioration de ce comportementet de ce fonctionnement pourrait réduire la fréquenceet l’ampleur des phénomènes d’instabilitésystémique, mais ne les supprimerait pas. Lerenforcement des normes permettra peut-être dedéceler plus facilement les abus et les fraudes, mais

ceux-ci ne disparaîtront pas. La faillite de la BanqueBarings au début de 1995 montre que desirrégularités commises dans un seul établissementpeuvent provoquer une déstabilisation considérable.Surtout, les crises systémiques dans le secteurfinancier sont souvent liées de très près à ladynamique macroéconomique et à des événementsinternationaux qui ne touchent pas que le secteurfinancier d’un pays. Dans l’idéal, on pourrait penserqu’il faudrait mettre en place des normes de politiquemacroéconomique visant à éviter des phénomènestels que les cycles de surchauffe qui ont souvent été àl’origine de crises financières. Toutefois, commenous l’avons déjà relevé à la sous-section B.1, lescodes de bonnes pratiques macroéconomiquesmentionnés au tableau 4.1 portent sur la transparenceet les questions de forme et non sur la teneur de lapolitique macroéconomique elle-même.

Le domaine crucial du contrôle bancaire montrebien les limites des normes. Pour commencer, il fautanalyser le processus d’agrément des banques. Danscertains pays, les critères ont longtemps été conçusavant tout pour garantir la compétence et l’intégritédes actionnaires et dirigeants. Toutefois, l’agrémentest souvent employé pour d’autres objectifs, parexemple pour éviter la prolifération de banques, pourentraver la constitution de grands conglomératsfinanciers et pour limiter le poids des banquesétrangères ou, dans le cas de filiales, pour s’assurerque la société mère soit convenablement contrôléedans son pays d’origine. L’agrément bancaire aparfois des liens, en général indirects, avec la stabilitédu secteur financier, mais ne peut pas empêcher lescrises ou les grandes déstabilisations. Laréglementation prudentielle et son application sont un

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Normes et réglementation 93

autre aspect majeur du contrôle bancaire, qui visenotamment à garantir que les banques aient unencadrement et un contrôle interne suffisants, maisaussi à les obliger à respecter certains ratios de fondspropres47. Un des buts essentiels des ratios de fondspropres est de faire en sorte que chaque établissementfinancier soit capable de supporter des pertes, defaçon à protéger les déposants. Les fonds propresexigés pour couvrir le risque decrédit et le risque de marché ontaussi manifestement pour but derenforcer la gestion du risquefinancier lié à l’actif et au passif,ainsi que d’inciter les banques àfixer convenablement le prix deleurs produits et services. Du faitqu’ils renforcent les établisse-ments financiers, les ratios defonds propres réduisent la probabilité d’une crisefinancière majeure due à la défaillance d’une seulebanque, et protègent aussi les établissementsfinanciers contre les phénomènes d’instabilitéd’origine externe. Toutefois, c’est là que s’arrête sacontribution à la stabilité financière. Il existe d’autresrègles prudentielles visant des questions telles quel’exposition au risque de change, les risques liés à descréances importantes sur une contre-partie ou sur ungroupe de contre-parties liées, la liquidité, leprovisionnement des créances improductives, laconsolidation des états financiers et le risque pays.Ces règles ont les mêmes objectifs que les ratios defonds propres et leur efficacité a les mêmes limites.

Ces limites s’expliquent en partie par lesconsidérations exposées en ce qui concerne leslimites des normes en général. La réglementationfinancière doit constamment s’adapter pour suivrel’innovation et n’y parvient pas toujours. On ne peutdonc pas exclure que de nouvelles pratiques outransactions, encore insuffisamment réglementées,provoquent une crise financière. En outre, et cela esten grande partie dû à l’innovation financière, il estdifficile d’obtenir la transparence requise pourl’efficacité de la réglementation et du contrôle, et ceproblème est devenu très important ces dernièresannées. Les bilans des établissements financiers sontde plus en plus complexes et obscurs, ce qui réduitleur utilité pour les organes de réglementation. Il estdonc peu probable que la tension entre l’innovationfinancière et l’efficacité de la réglementation desmarchés financiers modernes disparaisse. En théorie,on pourrait envisager un durcissement de laréglementation suffisant pour éliminer presque tousles risques liés à l’innovation, mais cela ne serait paspolitiquement acceptable dans un pays qui attache del’importance au dynamisme du secteur financier.

Le facteur qui contribue le plus à limiterl’efficacité de la réglementation et du contrôle estprobablement que la stabilité financière estindissociable de la stabilité macroéconomique48. La

plupart des éléments d’actifs des banques peuvent sedévaloriser lorsque la conjoncture se dégrade. Tantque le système économique reste caractérisé par descycles d’expansion et de contraction financières, lesactifs bancaires resteront exposés à ce phénomène dedétérioration imprévisible 49. Lorsque la crise bancaireest associée à une crise monétaire et que la sur-chauffe est alimentée non seulement par des

ressources intérieures mais aussipar des financements interna-tionaux (comme cela s’estproduit dans de nombreux paysen développement ces dernierstemps), le processus est attisé pardes facteurs similaires à ceuxqu’on voit à l’œuvre dans lescycles purement internes. Cesfacteurs sont notamment la

précarité des créanciers et des investisseurs, qui estdue en partie aux situations que leurs prêts et leursinvestissements ont justement contribué à créer, maisaussi la concurrence à l’intérieur du secteur financier.En outre, les investisseurs et créanciers ne sont quetrop facilement disposés à adhérer à l'illusioncollective, le risque de crédit est mal évalué (enparticulier dans le cas des opérations transfrontières,parce que les créanciers connaissent mal lesemprunteurs et l’économie du pays où ils opèrent) etles responsables de crédit sont soumis à des objectifsirréalistes de rentabilité du capital. Dans les cycles desurchauffe ayant une dimension internationale, unautre facteur macroéconomique, le taux de change,joue un rôle important. Au début, les capitaux sont engénéral attirés par des perspectives de rendement quiimpliquent qu'il n'y aura pas de dévaluation. Dans laplupart des cas, il y a un jour ou l'autre une brutaledévaluation entraînant une sortie massive de capitauxqui a souvent des effets dévastateurs surl’endettement et le revenu réels de nombreux agentséconomiques.

Pour l’analyse des interactions entre lesdifférents types d’instabilité financière et desdifficultés que soulève la gestion des risquesfinanciers, aussi bien dans le contrôle interne desbanques que dans leur contrôle externe, la notion de« risque de concentration latent » (employée danscertaines études récentes pour désigner les problèmesliés à des corrélations imprévisibles entre différentesdéfaillances) peut être pertinente. En outre, elle aide àmettre en relief les liens qui existent entrel’incertitude d’une part et les limites du contrôlebancaire d’autre part50. Traditionnellement, lesorganes de réglementation et de contrôle des banquescherchent à réduire le risque de concentration enlimitant le montant qui peut être prêté à unemprunteur donné. A cet effet, on entendgénéralement par « emprunteur » tout groupe decontre-parties liées par des participations croisées,des garanties réciproques, un actionnariat ou des

La réglementation financière doitconstamment s’adapter pour

suivre l’innovation et n’y parvientpas toujours.

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94 Rapport sur le commerce et le développement, 2001

administrateurs communs, ou une autre formed’interdépendance commerciale à court terme.Toutefois, dans les cycles de surchauffe apparaît unrisque dû à la concentration latente, du fait que lacrise entraîne une détérioration de la situationfinancière de contre-parties apparemment indépen-dantes les unes des autres en temps normal. Il semblebien que dans tous les cycles de surchauffe on assisteà une aggravation brutale de ce risque de

concentration latente, du fait que les créanciersaffluent en masse dans un secteur ou une régionpendant un certain temps, jusqu’au moment où ils seprécipitent tous vers la sortie. On peut dans unecertaine mesure limiter ce risque par des prescriptionsprudentielles, par exemple en ce qui concerne laréserve générale et les fonds propres requis pourcouvrir le risque de crédit, mais leur efficacité a deslimites.

Notes

1. Le Forum pour la stabilité financière a été créé parles Ministres des finances et les Gouverneurs desbanques centrales des pays du Groupe des sept enfévrier 1999 pour promouvoir la stabilité financièreinternationale en améliorant l’échanged’informations et la coopération en matière decontrôle des établissements financiers. Ses membressont des représentants des autorités responsables dela stabilité financière dans certains pays de l’OCDE,à Hong-Kong (Chine) et à Singapour, des principalesinstitutions internationales de financement et desorganismes internationaux de contrôle et deréglementation, ainsi que des experts des banquescentrales.

2. Ainsi, lorsqu’en 1984 la Commission présidentielledes Etats-Unis sur le crime organisé a publié unrapport concernant participation de la société Deakand Co. au blanchiment d’argent, deux des filiales decelle-ci (Deak Perera Wall Street et Deak PereraInternational Banking Corporation) ont été acculées àla faillite à cause de retraits massifs de fonds.

3. Cet aspect est souligné dans Drage, Mann andMichael (1998 : 77-78).

4. La distinction entre réglementation et contrôle desbanques, dans la littérature, n’est pas très claire. Onpeut dire en gros que la réglementation désignel’ensemble des règles, aussi bien celles qui figurentdans la législation bancaire que celles qui concernentles instruments et méthodes des autorités deréglementation. On entend par contrôle l’applicationde ces règles, par exemple l’agrément des banques, lecontrôle permanent, sur place ou sur dossier, desétablissements bancaires, la répression, la gestion descrises, le fonctionnement de l’assurance des dépôts etles procédures de règlement des faillites bancaires.Cette distinction est similaire à celle faite par Lastra(1996 : 108).

5. Le BCBS se compose de représentants des banquescentrales et des organes de contrôle des payssuivants : Allemagne, Belgique Canada, Etats-Unis,France, Italie, Japon, Luxembourg, Pays-Bas,Royaume-Uni, Suède et Suisse. Pour une analyse dela façon dont les normes du BCBS ont été acceptées

par des pays qui n’en sont pas membres, surtout pource qui est des ratios de fonds propres des banques,voir Cornford (2000a, sect. III).

6. Pour un exposé de ces évaluations, voir FMI(2000b).

7. Afrique du Sud, Allemagne, Arabie saoudite,Argentine, Australie, Brésil, Chili, Chine,Commission bancaire de l’Union monétaire ouest-africaine, Etats-Unis, Fédération de Russie, France,Hong-Kong (Chine), Inde, Italie, Japon, Mexique,Pays-Bas, République de Corée, République tchèque,Royaume-Uni et Singapour. Sont égalementreprésentés la Commission européenne, le FinancialStability Institute, le FMI et la Banque mondiale.

8. Ainsi, dans le document du FMI mentionné plus hauten ce qui concerne les résultats des premièresévaluations, on peut lire qu’en raison du manque depersonnel et de temps, les évaluations ne sont pastoujours aussi approfondies qu’il le faudrait pourdéceler toutes les carences sous-jacentes. En outre, ilest difficile d’évaluer si les effectifs et lescompétences des services de contrôle, ainsi que lescompétences des banquiers privés sont suffisants.Pour faire une évaluation valable du contrôlebancaire, il faut des enquêtes approfondies sur place,comprenant des entretiens avec les responsables ducontrôle et des banquiers et permettant de se faireune bonne idée des capacités institutionnelles et del’efficacité du contrôle (FMI, 2000b, par. 57).

9. Ainsi, en 1996, avant le déclenchement de la crisefinancière en Asie de l’Est, selon les estimationsofficielles, le ratio de fonds propres des banques enRépublique de Corée, pondéré en fonction du risque,était supérieur à 9%. Toutefois, si l’on avait employédes règles de comptabilité plus proches des normesinternationales, l’ensemble des créancesimproductives aurait été supérieur au total des fondspropres (Delhaise, 1998 : 115). Au milieu desannées 90, dans plusieurs des pays touchés par lacrise, les normes de fonds propres de l’Accord deBâle de 1988 avaient été intégrées dans le régimejuridique des banques (voir Rapport sur le commerceet le développement 1998, première partie, chap. III,

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Normes et réglementation 95

encadré 3). Toutefois, en l’absence de règlesappropriées pour l’évaluation des actifs des banques,ces normes n’avaient pas grand sens pour bonnombre des établissements auxquels elles étaientcensées s’appliquer.

10. Pour un tour d’horizon des pratiques comptables etautres règles d’information financière prévues par lerégime de réglementation de 23 pays, pour la plupartindustriels, qui met en évidence l’ampleur desinsuffisances par rapport aux pratiques considéréescomme optimales sur le plan international dans lapremière moitié des années 90, voir Cornford (1999,sect. III).

11. Ce cadre d’analyse des politiques visant à assurer lastabilité du secteur financier est souvent employé parWilliam White de la BRI (White, 1996 : 23).

12. Traditionnellement, les opérations sur devisess’appuient sur les systèmes de paiement nationauxpour le transfert de fonds entre les banquescorrespondantes des pays dont les devises sontconcernées. Par exemple, dans le cas d’un ordre depaiement international transmis entre banques par laSociété mondiale des télécommunications financièresinterbanques (réseau SWIFT), entreprise privée quitransmet des messages financiers pour le compte desbanques membres du système et des autresétablissements financiers agréés de 88 pays, lesbanques doivent s’occuper du règlement et de lacompensation elles-mêmes, soit au moyen derelations bilatérales entre banques correspondantes,soit en transmettant des ordres au système nationalde transferts interbancaires.

13. L’OICV est un groupe qui réunit des organes deréglementation des opérations sur titres (organesofficiels ou organes d’autoréglementation) de plus de90 pays. Elle a été créée en 1984 et c’est uneorganisation privée sans but lucratif dont lesprincipaux objectifs sont de coopérer pour améliorerla réglementation des marchés, l’échanged’information, la normalisation et l’assistancemutuelle afin de protéger l’intégrité du marché.

14. Pour un commentaire des principes fondamentaux etune analyse de l’historique de cette initiative, voirSawyer et Trundle (2000). (John Trundle, de laBanque d’Angleterre, a présidé l’équipe de travailqui a formulé les principes fondamentaux).

15. Plus précisément, cette initiative a été prise enréponse à la conclusion d’un groupe de travailspécial sur la stabilité financière dans les paysémergents, créé après le Sommet de 1996 du Groupedes sept, concernant le rôle essentiel de la fiabilité dusystème de paiement dans le fonctionnement deséconomies de marché, ainsi qu’aux préoccupationscroissantes des pays émergents eux-mêmesconcernant cette question. Voir document ronéotypédu Groupe de travail sur la stabilité financière dansles pays émergents : Financial stability in emergingmarket economies : A strategy for the formulation,adoption and implementation of sound principles andpractices to strengthen financial systems (avril 1997,chap. II).

16. Dans un système multilatéral de compensation,chaque participant compense ses obligations enversl’ensemble des autres participants tout au long d’unepériode déterminée (généralement un jour) et règle ledébit ou le crédit en suspens à la fin de la période parl’intermédiaire de l’agent commun du système.

17. La deuxième partie du rapport est une réponse auxnombreuses observations suscitées par la premièrepartie, selon lesquelles il fallait plus de précisionspour l’interprétation et l’application des principes.

18. Ce programme vise à évaluer la vulnérabilité dusecteur financier des différents pays et à définir lesinterventions prioritaires, en s’appuyant notammentsur les normes convenues à l’échelon internationaldans ce domaine.

19. L’IASC a été créé en 1973 par les principaux ordresd’experts-comptables et regroupe aujourd’hui plus de130 organes de ce type, qui représentent plus de100 pays. Les entités concernées par les normescomptables internationales sont non seulement lesordres d’experts-comptables, les sociétésinternationales d'experts-comptables, les sociétéstransnationales et les autres créanciers etinvestisseurs internationaux, mais aussi desorganismes comme les fédérations syndicalesinternationales qui ont leur mot à dire dans lesaffaires commerciales transfrontières.

20. Dans une étude faite en 1997, le FinancialAccounting Standards Board (FASB) des Etats-Unisa recensé 255 divergences entre les normes des Etats-Unis et les normes internationales, dont bon nombreont été jugées importantes. Voir Scott et Wellons(2000 : 67). Pour une analyse plus détaillée du IASC-US Comparison Project, travail qui a été à l’originede cette conclusion, voir Grossfeld (2000).

21. Dans la première moitié des années 90, on a fait uneenquête parmi les investisseurs institutionnels, lesentreprises, les promoteurs d’émission de titres et lesorganes de réglementation (citée dans Iqbal, Melcheret Elmallah, 1997 : 34), qui a montré que lesdomaines dans lesquels il serait le plus difficile deconcilier les pratiques des différents pays étaient lessuivants : comptabilisation des éléments incorporels,impôts différés, évaluation des stocks, méthodesd’amortissement, réserves discrétionnaires,évaluation des actifs fixes, retraites, opérations endevises, crédit-bail, consolidation des états financierset exigences de divulgation financière.

22. La Fédération internationale des comptables a étécréée en 1977 pour formuler des normesinternationales en matière d’audit et de questionsconnexes. Elle a un accord avec l’IASC qui prévoitune étroite coopération et des consultations mutuelleset les organes qui sont membres de l’une sontautomatiquement membres de l’autre.

23. Cet argument est étayé par de nombreuses études decas provenant de l’histoire des entreprises des Etats-Unis dans Kennedy (2000, part 1).

24. Les mécanismes proposés plus loin, à la section B duchapitre VI, pour un règlement ordonné desproblèmes d’endettement transfrontières, supposent

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96 Rapport sur le commerce et le développement, 2001

qu’il existe des régimes de règlement des faillitessatisfaisants à l’échelle nationale.

25. L’exposé qui suit s’appuie beaucoup sur le travail duGroupe des 30 (2000, chap. 2, sect. 1).

26. Cela a récemment été souligné dans une publicationde l’OCDE: « L’incidence des crises bancaires etleur coût pour les pays concernés est considérable etles effets systémiques de la faillite d’un grandétablissement bancaire sont d’un ordre de grandeurtrès différent de ceux de la faillite des petitsétablissements. En particulier, le coût du sauvetaged’un très grand établissement pourrait être élevé parrapport aux ressources du pays dans lequel il estdomicilié. Il est difficile de dire si l’accroissement dela taille des établissements bancaires et, peut-être,l’élargissement de leur champ d’actiongéographique, accroissent le risque de faillite. Quoiqu'il en soit, il y a des accidents et il est probable queles effets systémiques des faillites de banquesaugmenteront à mesure que les banques grandissent.En outre, la situation est plus complexe dans le casdes banques qui opèrent à l’échelle internationale. »(OCDE, 2000a : 138-139).

27. Voir Group of Thirty (2000, en particulier chap. 4-6).Les questions de politique générale sont analyséesdans Group of Thirty (1998).

28. Pour des lignes directrices plus détaillées concernantl’application de ces principes, voir Associationinternationale des organismes de contôle desassurances (IAIS, 2000b). Cette association a étécréée en 1994 et elle réunit aujourd’hui desorganismes de plus de 100 pays.

29. Le principal organisme qui s’occupe de ces questionsest le Forum mixte sur les conglomérats financiers,qui a été créé en 1996 et réunit des représentants depays développés au BCBS, à l’OICV et à l’IAIS.

30. Voir par exemple les articles sur des cas récents deblanchiment d’argent à Londres publiés dans leFinancial Times, 20 octobre 2000, et sur le rapportdu Sous-Comité du Sénat des Etats-Unis surl’utilisation des services de correspondance fournispar les banques de ce pays à des fins de blanchimentd’argent, dans International Herald Tribune,6 février 2001. Cet article reproduit un éditorial duNew York Times dans lequel on peut lire la phrasesuivante : « Il ne fait pas de doute que les banquesvoient d’un mauvais œil les restrictions légales quiaugmentent leurs coûts et dissuadent les déposants,en particulier dans l’activité très lucrative qu’est lagestion de fortune. Toutefois, les Etats-Unis nepeuvent pas condamner la corruption à l’étranger touten autorisant leurs propres banques à faire fortunegrâce à elle ».

31. Plusieurs autres organismes régionaux ouinternationaux s’occupent aussi de lutte contre leblanchiment d’argent, soit exclusivement soit dans lecadre de leurs autres travaux. Il s’agit notamment duAsia/Pacific Group on Money Laundernig (APG), dela Caribbean Financial Action Task Force (CFATF),du comité PC-R-EV du Conseil de l’Europe et duOffshore Group of Banking Supervisors.

32. Dans un entretien (Roldan, 2000: 21-22), JoséRoldan, Président du GAFI en 2000-2001, a appelél’attention sur ces liens entre les différentesinitiatives internationales visant les centres financiersoffshore.

33. Pour un commentaire plus détaillé de ce rapport, voirCornford (2000b).

34. Ce rapport concerne essentiellement d’importantsétablissements non réglementés et peu transparents,qui sont pour la plupart des fonds spéculatifs.Toutefois, il indique qu’on ne peut pas toujours faireune distinction claire entre les pratiques de ces fondset celles d’autres établissements mieux réglementés.

35. Australie, Hong-Kong (Chine), Malaisie, Nouvelle-Zélande, Singapour et Afrique du Sud.

36. Un exemple qui a beaucoup retenu l’attention en1998 est la pratique appelée « double jeu » à laquellecertains établissements financiers se seraient livrés àHong-Kong (Chine). Elle est décrite dans le rapportdu Groupe de travail (SFS, 2000c : 117) . « Seloncertains participants, des opérateurs auraient essayéde pratiquer un double jeu, intervenant à la fois sur lemarché boursier et sur le marché monétaire, encommençant par ouvrir des positions à découvert surle marché boursier, puis en vendant le dollar deHong-Kong pour faire monter les taux d’intérêt etdonc baisser le cours des actions. D’autresparticipants doutaient qu’une telle stratégie ait étéappliquée. A l’époque, une telle opération aurait étéassez facile en raison du régime de taux de changequi rendait les taux d’intérêt à court terme trèssensibles à toute variation de la masse monétaire,ainsi qu’en raison du manque de liquidité du marchédû à la crise asiatique. Parmi ceux qui ont pris despositions à découvert sur le marché boursierfiguraient quatre grands fonds spéculatifs, dontl’ensemble des positions (vente à terme et options)représentait l’équivalent d’environ 40% des positionsouvertes sur les contrats à terme d’actions au débutdu mois d’août, avant l’intervention de l’Autoritémonétaire de Hong-Kong. (A l’époque, il n’y avaitaucune limite concernant les positions à terme sur lesactions, ni d’obligation de notifier les positionsimportantes). Les statistiques relatives auxdifférentes positions font apparaître une corrélation,toutefois très imparfaite, en ce qui concerne lemoment où les positions à découvert ont étéouvertes. » Voir aussi Yam (1998).

37. Un des groupes de travail du Comité du systèmefinancier mondial concernant la transparence despositions globales, qui avait pour mission d’examinerquel genre de données globales sur les marchésfinanciers il serait possible de recueillir pouraméliorer leur fonctionnement, a été démantelé car ilavait conclu qu’il serait impossible d’obtenir desrenseignements suffisamment exhaustifs et à jour surla base du volontariat et difficile de mettre en œuvredes solutions par la voie législative (voir White,2000 : 22).

38. Comme l’indique ce rapport (FSF, 2000d: 9), il estdifficile de définir ce qu’est un centre offshore, maison peut dire qu’il s’agit en général d’une place qui

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Normes et réglementation 97

attire beaucoup d’activités de non-résidents.Traditionnellement, l’expression implique une partieou l’ensemble des caractéristiques suivantes :absence d’impôts sur les bénéfices des entreprises oules revenus de placement, ou impôts très légers;absence d’impôts à la source; régimes très libéraux etsouples en matière de création et d’immatriculationde sociétés; contrôle laxiste; grande facilité pourl’utilisation de fiduciaires et autres structuresspéciales; absence d’obligation d’avoir une présencephysique dans le cas des établissements financiers ouautres structures sociales; loi rigoureuse sur le secretbancaire; impossibilité pour les résidents debénéficier des mêmes avantages. Comme les centresoffshore visent en général à attirer des non-résidents,leur chiffre d’affaires est nettement plus importantque ce qui correspond aux activités locales. Les actifsdétenus par les établissements installés dans laplupart des centres financiers offshore sont placésdans les grands centres financiers internationaux.

39. Cet argument a été développé de façon convaincantedans un récent éditorial du périodique The FinancialRegulator : « L’intégration du système financiermondial a créé des externalités dangereuses etaujourd’hui de petits pays peuvent causer des dégâtsconsidérables. Comme il ne faut pas s’attendre àl’apparition d’un gouvernement mondial dans unavenir prévisible, il sera probablement difficile decontrôler ces externalités. Pour le moment, il n’y apas de solution autre que la coopérationinternationale. Lorsque les grands pays bousculentles petits, même si c’est pour d’excellentes raisons,ils discréditent cette coopération indispensable. Leproblème, pour ceux qui souhaitent améliorer lastabilité financière mondiale, est de trouver unmoyen de négocier une meilleure réglementation touten évitant d’exercer des contraintes injustifiables surles centres offshore, comme on a tendance à le faireaujourd’hui. » Voir « Justice for offshore centres »,The Financial Regulator, septembre 2000.

40. Le FSF emploie le mot « incitations » pour désignerdes mesures qui peuvent aussi être des sanctions.

41. Pour une description de la LCP, voir chap. VI,encadré 6.3.

42. Le BCBS a proposé dans A New Capital AdequacyFramework (voir encadré 4.1) les mesures incitativessuivantes en ce qui concerne le respect des normes :i) pour que le coefficient de pondération appliquéaux créances sur un pays soit inférieur à 100%, ilfaudrait que ce pays respecte la NSDD; ii) lecoefficient appliqué aux créances sur une banque ne

peut être inférieur à 100% que si l’organe de contrôledes banques du pays concerné a mis en œuvre ou aapprouvé et est en train de mettre en œuvre lesprincipes fondamentaux du contrôle bancaire duBCBC; et iii) le coefficient appliqué aux créances surune société de commerce de valeurs ne peut êtreinférieur à 100% que si l’organe de contrôle de cettesociété a approuvé et a entrepris de mettre en œuvreles Objectifs et principes de la régulation financièrede l’OICV (1998).

43. Voir 18 sect. B.3 ci-dessus.

44. Allemagne, Argentine, Australie, Canada, Etats-Unis, France, Hong-Kong (Chine), Italie, Japon,Royaume-Uni et Suède.

45. Néanmoins, comme nous le verrons dansl’encadré 4.1 (concernant les propositions de réformede l’Accord de Bâle sur les fonds propres), on peutencore douter que ces agences aient vraiment suemployer cette connaissance à bon escient.

46. Par exemple, dans presque tous les pays de l’OCDEsauf une petite minorité, il a fallu entre sept et plusde vingt ans pour libérer les taux d’intérêt. Il a falluplus de 30 ans pour établir dans l’UE un marchéunique des services financiers (voir Cornford etBrandon, 1999 : 11-13).

47. On attribue un rôle essentiel aux ratios de fondspropres dans la réglementation et le contrôleprudentiels. Ces ratios ont fait l’objet de plusieursgrandes initiatives internationales, la plus importanteétant l’Accord de Bâle, qui est en cours de révision.Voir encadré 4.1.

48. C’est bien sûr pour cette raison qu’il y a des liensentre les politiques sectorielles visant à promouvoirla stabilité financière et les politiquesmacroéconomiques et notamment les mesures prisesà des fins de balance des paiements (parmi lesquellesil convient d’inclure, en particulier dans les pays endéveloppement et en transition, le contrôle destransactions en capital).

49. Le raisonnement exposé ici est inspiré d’Akyüz etCornford (1999 : 30-31). Voir aussi Rapport sur lecommerce et le développement 1998 (première partie,chap. IV, sect. 3).

50. Voir par exemple Caouette, Altman and Narayanan(1998 : 91, 240). Les limites des modèles de risquede crédit pour ce qui concerne l’analyse descorrélations entre défaillances sont examinées dansBCBS (1999b, Part II, sect. 6, et Part III, sect. 3).

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Régimes de taux de change et possibilités de coopération régionale 99

Chapitre V

RÉGIMES DE TAUX DE CHANGE ET POSSIBILITÉSDE COOPÉRATION RÉGIONALE

A. Introduction

Les régimes de taux de change des pays endéveloppement et en transition ont attiré beaucoupd’attention dans le récent débat sur la réforme del’architecture financière internationale, en raison deleur influence sur la vulnérabilité extérieure et lescrises financières et monétaires. Dans les pays quisont étroitement intégrés dans le marché financiermondial, les régimes de parités ajustables sont deplus en plus considérés comme des causes majeuresdes cycles de surchauffe et de crise. C’est pourquoion conseille généralement à ces pays d’adopter soitun régime de taux de change flottant, soit des’engager de façon crédible à défendre une parité fixeen mettant en place un système de caisse d’émissionou en adoptant comme monnaie nationale une desmonnaies de réserve (dollarisation) ; en d’autrestermes, on préconise qu’ils adoptent une solutionextrême plutôt qu’un régime intermédiaire de paritésajustables1. On estime que près des deux tiers despays émergents avaient un régime intermédiaire en1991, mais en 1999 cette proportion est tombée à42%, les autres 58% appliquent soit un régime deparité fixe soit un régime de flottement plus ou moinsintégral (Fischer, 2001, fig. 2). Toutefois, si denombreux pays ayant subi une crise financière durantla dernière décennie ont ensuite opté pour un régimede parité flottante, l’aggravation de la volatilitéassociée à ce régime est devenue préoccupante. C’estpourquoi les pays en transition et en développementsemblent de plus en plus tentés par des régimes deparité fixe. De plus, dans un système financiermondial de plus en plus intégré, certains observateurss’interrogent sur la nécessité de conserver autant demonnaies indépendantes (Hausmann, 1999).

Pour les pays émergents, les régimes de paritésajustables posent des problèmes, si la liberté des

mouvements de capitaux est garantie, car ils peuventprovoquer des cycles de surchauffe et unesurévaluation excessive de la monnaie. Toutefois, nile flottement intégral ni la parité fixe ne sont dessolutions viables. La surévaluation ou la sous-évaluation de la monnaie et la forte volatilité du tauxde change associés aux régimes de flottementpeuvent avoir de graves répercussions sur un petitpays en développement dont l’économie est ouverteet qui a un stock relativement important de detteextérieure libellée en monnaies de réserve. Toutefois,pour la plupart des pays en développement et entransition, le fait de rattacher leur monnaie à unemonnaie de réserve et d’abandonner toute autonomieen matière de politique monétaire peut impliquer unsacrifice considérable en termes de croissance,d’emploi et de compétitivité internationale, dont lecoût est largement supérieur aux avantages que cerégime pourrait apporter en stabilisant les prix et letaux de change. On retrouve ces conclusions dans undocument sur les régimes de taux de change des paysémergents établi conjointement par les Ministères desfinances français et japonais à l’occasion de laRéunion des Ministres des finances d’Europe etd’Asie tenue à Kobe (Japon) en janvier 2001 :

Rien ne garantit qu’un mécanisme de caissed’émission permette d’éviter les incon-vénients desrégimes de parité fixe… Les régimes de flottementintégral de la monnaie ont aussi leurs inconvénients :volatilité excessive et spé-culation. (Ministry offinance, Japan, 2001 : 3-4)

Si l'on accepte cette recommandation, il sepourrait que des pays en développement dont lecommerce extérieur a une structure similaire seretrouvent dans des situations complètementdifférentes en matière de taux de change, certains

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100 Rapport sur le commerce et le développement, 2001

optant pour le flottement et d’autres pour une paritéfixe par rapport au dollar, même s’il y a d’importantscourants d’échange entre eux. Par conséquent, leursmonnaies respectives flotteraient l’une par rapport àl’autre et leur taux de change bilatéral serait trèsinfluencé par les variations du cours du dollar parrapport aux autres monnaies. Vu les excès etl’instabilité qui caractérisent le marché monétaire,cela entraînerait des modifica-tions aberrantes et inattendues dela compétitivité entre les pays endéveloppement. Lorsqu’il y a unimportant commerce bilatéral,comme entre le Brésil etl’Argentine, ces modificationspeuvent avoir de fortesrépercussions sur l’économie despays concernés et susciter destensions dans leurs relationscommerciales. En bref, lesrégimes de taux de changeextrêmes risquent de débouchersur une situation incohérentepour les pays en développement considérés dans leurensemble.

La question essentielle est de savoir s’il peutexister un régime de taux de change satisfaisant pourles pays en développement et en transitionétroitement intégrés dans le marché financier mondialalors que les principales monnaies de réserve sonttrès volatiles et peuvent être durablement surévaluéesou sous-évaluées, et que l’ampleur et la soudainetédes mouvements de capitaux internationaux peuventrapidement déborder les autorités nationales et limiterconsidérablement leur marge de manœuvre. Peut-ons’attendre à ce que ces pays règlent leurs problèmesde taux de change de façon unilatérale alors quel’ampleur, le sens et les conditions des flux decapitaux sont très influencés par les politiquesappliquées dans les pays dont la monnaie est unemonnaie de réserve, tandis que les marchés financierset monétaires internationaux se caractérisent par descomportements spéculatifs et grégaires ? Il est vraiqu’un certain contrôle des mouvements de capitauxpourrait aider les pays en développement et entransition à gérer leur taux de change. D’ailleurs,quelques pays, comme la Chine, ont réussi jusqu’à

présent à appliquer un régime de parité ajustablesans trop de problèmes. Toutefois, plusieurs paysémergents ont déjà opté pour une intégration étroitedans le système financier mondial et ne veulent pascontrôler les mouvements de capitaux. De plus, ilserait très difficile à un pays isolé de résister à cetteforte tendance à libéraliser les mouvements decapitaux, en particulier s’il a des liens étroits avec le

marché international par le biaisdes investissements directs et deséchanges commerciaux.

Tout cela implique quec’est à l’échelon mondial qu’ilfaudrait rechercher une solution,mais les chances d’y parvenirsont maigres étant donnél’attitude des grandes puissancesen ce qui concerne les taux dechange. Comme on ne peut pass’attendre à ce qu’un systèmemondial de taux de changestables soit mis en place dans unproche avenir, il faut se

demander si l’on pourrait trouver des solutions àl’échelon régional. A cet égard, les efforts déployéspar l’Europe depuis la fin du système de BrettonWoods pour mettre en place des mécanismes visant àstabiliser les taux de change intrarégionaux et, en finde compte, établir une union monétaire, peuvent êtreinstructifs pour les régions en développement, enparticulier l’Asie de l’Est et l’Amérique du Sud. Lesarrangements régionaux en matière de taux de changeet la coopération monétaire entre pays endéveloppement pourraient apporter certainsavantages, mais ils ne règlent pas le problème durégime de taux de change à adopter et de sastabilisation par rapport aux trois grandes monnaiesde réserve. Même s’ils parviennent à une plus grandeintégration, les pays en développement ne peuventpas négliger la question de leur taux de change parrapport à ces monnaies. Il apparaît donc que desarrangements régionaux réunissant des pays endéveloppement ne pourraient garantir une certainestabilité et éviter des crises coûteuses qu’à conditionque des pays dont la monnaie est une monnaie deréserve y soient associés ou qu’un régime communde contrôle des capitaux soit mis en place.

La question essentielle est desavoir s’il peut exister un régimede taux de change satisfaisant

pour les pays en développementet en transition étroitement

intégrés dans le marché financiermondial, alors que les principales

monnaies de réserve sont trèsvolatiles.

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Régimes de taux de change et possibilités de coopération régionale 101

B. Régimes de taux de change

1. Parités ajustables

Il est établi depuis longtemps qu’un pays résoluà garantir la liberté des mouvements de capitaux (ouincapable de contrôler efficacement ces mouvements)ne peut pas à la fois fixer son taux de change (à unevaleur précise ou dans une fourchette étroite) et avoirune politique monétaire indépendante. Tôt ou tard, ilse retrouvera dans des situations inextricables qui lecontraindront à abandonner l’un de ces deuxobjectifs. Une des solutions consisterait à fixerdéfinitivement la parité, en mettant en place unecaisse d’émission ou en adoptant la dollarisation, audétriment de l’autonomie monétaire. L’autre seraitd’adopter un flottement intégral du taux de change, sibien que la politique monétaire n’aurait plus à sesoucier de défendre telle ou telle parité. On considèreque l’effondrement du système de parités ajustablesde Bretton Woods, la crise de 1992-1993 duMécanisme de change du Système monétaireeuropéen (SME) et les récentes crises des paysémergents sont dus au fait qu’on ne peut passimultanément libéraliser le compte de capital, avoirun objectif de taux de change et mener une politiquemonétaire indépendante.

Le système de Bretton Woods s’appliquait dansun cadre caractérisé par un contrôle général desmouvements internationaux de capitaux. Toutefois,des contradictions entre la structure des taux dechange et la politique économique de plusieursgrands pays ont provoqué d’importants déséquilibresdes paiements, ce qui incitait les détenteurs decapitaux à contourner le contrôle pour placer leursfonds à l’étranger. Cela a fini par entraînerl’effondrement du système et l’adoption généraliséede taux de change flottants. Dans le cas du SME, lesparités ajustables étaient considérées comme uneétape vers l’union monétaire (parité fixe) ets’accompagnaient d’une importante coopérationmonétaire intrarégionale, mais les contradictionsentre la situation macroéconomique et la structure destaux de change ont fini par provoquer une crise et ledémantèlement du mécanisme de change en 1992-1993. L’adoption d’un régime de parités ajustablesest aussi considérée comme une des causesfondamentales des récentes crises financières qu’ont

subies des pays émergents comme le Mexique, laThaïlande, l’Indonésie, la République de Corée, laFédération de Russie et le Brésil. Le fait que par lasuite ces pays aient adopté un régime de taux dechange flottants confirmerait que les parités ajus-tables ne sont pas viables pour des pays très intégrésdans le système financier mondial.

La contribution des régimes de paritésajustables à la fragilité extérieure et audéclenchement de crises financières dans les paysémergents est bien établie 2. Dans la plupart des paysémergents, les taux d’intérêt nominaux sont plusélevés que dans les pays industriels, ce qui est dû engrande partie au fait que leur taux d’inflation est aussiplus élevé. Cette situation offre des possibilitésd’arbitrage aux investisseurs et créanciersinternationaux et incite les entreprises à réduire leurscoûts financiers en empruntant à l’étranger. D’autrepart, du fait qu’ils offrent une garantie implicite auxcréanciers et aux débiteurs internationaux, lesrégimes de parités ajustables peuvent encourager àemprunter et à prêter de façon imprudente. On netient pas compte du risque de dépréciation de lamonnaie en raison de la stabilité du taux de changenominal et de la confiance créée par la libéralisationrapide de l’économie. La crédibilité de la défense dela parité et les possibilités d’arbitrage augmententlorsque le pays applique une politique monétairerigoureuse pour maîtriser l’inflation ou prévenir lasurchauffe de l’économie.

Toutefois, si le taux de change nominal est fixéet que le taux d’inflation est plus élevé que dans lepays de référence, cela entraîne une appréciation dela monnaie en termes réels et une aggravation dudéficit courant. Si le pays tolère une forteaugmentation du déficit et des engagementsextérieurs, le risque monétaire s’accroîtra rapidement.Comme les autorités ne se sont pas fermementengagées à défendre la parité, l’aggravation de lasituation économique finit par susciter desanticipations de dévaluation et encourage la fuite descapitaux. Cela provoque une crise de liquidités etforce les autorités monétaires à durcir encore lapolitique monétaire. Tôt ou tard, la parité fixe estabandonnée et le cours de la monnaie tombe en chutelibre, tandis que les taux d’intérêt augmentent, ce quicause une grave crise économique.

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102 Rapport sur le commerce et le développement, 2001

Malgré ce risque, de nombreux pays oùl’inflation est relativement élevée ont opté pour unepolitique de maîtrise de l’inflation fondée sur lastabilisation du taux de change par rapport à unemonnaie de réserve considérée comme solide. Celavaut non seulement pour les petits pays d’Europe àl’économie ouverte, comme l’Autriche, les Pays-Baset la Suisse, mais aussi pour des pays plus grandscomme l’Italie, qui a dû faire face à plusieursattaques spéculatives et a connudes perturbations importantesdues au processus de conver-gence vers les taux d’intérêt deses principaux partenaires com-merciaux de l’UE. De nombreuxpays en développement, notam-ment en Amérique latine, ontaussi eu recours à un régime deparités ajustables pour maîtriserl’inflation. Il s’est révélé difficilede réajuster ces parités sanscauser trop de perturbations,mais il convient de relever queces pays ont réussi à éviter une reprise de l’inflationaprès la crise, malgré une importante dévaluation. Parexemple, après avoir lancé un plan de stabilisationfondé sur ce principe (Plano Real) en 1994, le Brésila réussi à faire tomber son taux d’inflation de plus de1000% à moins de 10% en 1998. Malgré plusieursajustements du taux de change et un déclinrelativement rapide de l’inflation, la monnaiebrésilienne s’était appréciée d’environ 20% à la findu processus de désinflation. Toutefois, il n’a pas étépossible d’adapter le taux de change à cette nouvellesituation et le Brésil a subi plusieurs attaquesspéculatives à la fin de 1998, dues en partie à l’ondede choc de la crise russe. Cela a entraîné une chutebrutale de la valeur du real par rapport au dollar, maisle taux d’inflation, après avoir monté dans un premiertemps, s’est stabilisé à un niveau assez bas (voirRapport sur le commerce et le développement 1999,première partie, chap. III, sect. B).

En général, lorsqu’un pays opte pour unprogramme de stabilisation fondé sur la défense d’untaux de change, il est inévitable que sa monnaies’apprécie en termes réels en raison de la viscositédes prix intérieurs. En fait, c’est justement cela enpartie qui permet de maîtriser l’inflation, carl’ouverture au commerce extérieur, qui entraîne unebaisse des prix à l’importation et une intensificationde la concurrence à l’exportation, aide à disciplinerles producteurs nationaux et à modérer lesrevendications salariales. Toutefois, ces programmessont souvent lancés sans qu’on ait suffisamment tenucompte des problèmes que pourrait poserl’appréciation de la monnaie en termes réels etpréparé une stratégie de sortie (c’est-à-dire déterminéà quel moment et de quelle façon il conviendra demodifier la parité et/ou le régime de change). Du

point de vue économique, il peut paraître simple derétablir la compétitivité internationale par unedévaluation, mais cette solution peut créer desdifficultés politiques qu’on tend à sous-estimer.Souvent, les gouvernements ne veulent pasabandonner la parité fixe et dévaluer alors qu’ils ontdû faire des efforts considérables pour convaincre lapopulation que la parité fixe lui avait fait plus de bienque de mal. En outre, ils craignent une perte de

confiance des marchés et uneinversion brutale des flux decapitaux, suivies d’un effon-drement du taux de change.

Vu le comportementgrégaire des investisseurs etcréanciers internationaux, cettecrainte d’un atterrissage encatastrophe n’est pas toujoursinjustifiée, même si, comme nousl’avons vu plus haut, une fortedévaluation a rarement pour effetd’attiser l’inflation. Il est délicatd’annoncer à l’avance la stratégie

de sortie, car il n’est pas toujours facile de prévoircombien de temps il faudra pour que l’inflationdiminue. Le programme de stabilisation appliqué parla Turquie en décembre 1999 comportait une tellestratégie. Toutefois, l’objectif d’inflation n’a pas étéatteint et, après une série de crises économiques etpolitiques, le gouvernement a été obligé d’aban-donner la parité fixe et de laisser flotter la livre avantla date annoncée (voir chap. II, encadré 2.1). EnEurope, les mécanismes institutionnels prévus dans lecadre du SME, selon lesquels les pays de référencedevaient aider les autres pays en cas de difficulté, ontpermis à plusieurs reprises d’ajuster les taux dechange sans déstabilisation ni contagion (voir plusloin). Toutefois, il est difficile à des pays émergentsde reproduire de tels mécanismes lorsqu’ils décidentunilatéralement de fixer leur taux de change. L’appuides institutions internationales de financementpourrait faciliter le retour à la normale, mais lesrésultats obtenus jusqu’à présent ne sont pas trèsencourageants3.

Les régimes de parités ajustables ne sont pasemployés uniquement pour lutter contre l’inflation.En Asie de l’Est par exemple, la stabilité du taux dechange était un élément important de la stratégie dedéveloppement tirée par l’exportation appliquée pardifférents pays et devait favoriser la division dutravail à l’échelle régionale en fonction du niveau dedéveloppement des pays. Comme une grande partiedes produits exportés par la région étaient facturés endollars, les taux de change nominaux, sans êtreabsolument fixes, avaient généralement été stabilisésdans une fourchette de fluctuation d’environ 10% parrapport au dollar depuis la fin des années 80.L’inflation étant modérée, dans la plupart des pays dela région l’appréciation de la monnaie a été limitée ou

Les programme de stabilisationfondés sur la défense d’un taux dechange.sont souvent lancés sans

qu’on ait suffisamment tenucompte des problèmes que pourraitposer l’appréciation de la monnaie

en termes réels et préparé unestratégie de sortie.

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Régimes de taux de change et possibilités de coopération régionale 103

négligeable. La conjugaison d’un taux de changenominal stable, d’une croissance économique rapideet d’un taux d’intérêt nominal relativement élevé asuscité la confiance et attiré des investisseurs etcréanciers internationaux. Toutefois, cela a entraînél’accumulation d’un risque de change considérable etaggravé la fragilité financière extérieure, jusqu’aujour où les capitaux ont pris la fuite, phénomène qui atouché tous les pays de la région. Même l’Indonésien’a pas pu ajuster son taux dechange sans perturbation ma-jeure, alors que sa situationmacroéconomique était saine etque le gouvernement n’a pashésité à élargir la fourchette defluctuation de la monnaie pouréviter la contagion spéculative(Rapport sur le commerce et ledéveloppement 1998, premièrepartie, chap. III ; Akyüz, 2000).

L’une des solutions consisterait à contrôler lesmouvements de capitaux tout en appliquant unrégime de taux de change ajustables. Les impôts etles ratios de réserve visant les capitaux étrangers, quiont pour objectif d’éliminer les possibilitésd’arbitrage à court terme, peuvent aider à préserverl’autonomie monétaire et permettent de fixer le tauxde change à un niveau assez élevé sans que cela attiredes capitaux spéculatifs et crée un risque de changeexcessif. Toutefois, tant que l’inflation reste forte, onne peut pas éviter une appréciation de la monnaie, cequi est particulièrement dangereux lorsque le régimede change est employé à des fins de désinflation.Quoi qu’il en soit, la grande majorité des pays endéveloppement n’ont pas voulu limiter l'afflux decapitaux spéculatifs durant la phase d’expansion,pour les mêmes raisons qu’ils n’ont pas vouluabandonner la parité fixe après avoir réussi àmaîtriser l’inflation. Comme nous le verrons auchapitre prochain, ils sont encore moins enclins àcontrôler les sorties de capitaux pour stabiliser le tauxde change et protéger leur politique monétaire contreles pressions qui s’exercent sur le marché deschanges en période d’attaques spéculatives et decrises.

2. Le flottement

Les régimes de flottement sont-ils une solutionviable pour les pays en développement et entransition ? Ces pays peuvent-ils vraiment laisser lavaleur extérieure de leur monnaie à la merci descaprices des mouvements internationaux de capitauxet mettre leur politique monétaire uniquement auservice d’objectifs intérieurs tels que la stabilité desprix ou le plein emploi ? Dans quelle mesure la

volatilité excessive et la surévaluation ou la sous-évaluation qui sont indissociables du flottement de lamonnaie ne risquent-elles pas de compromettre laréalisation de ces objectifs ?

Un tel régime, quel que soient ses avantages, estparticulièrement mal adapté aux pays endéveloppement et en transition, ainsi qu’aux petitspays industriels, pour plusieurs raisons. Ces pays sonttrès tributaires du commerce extérieur, et leurs

échanges sont généralementfacturés en devises étrangères.En moyenne, la part ducommerce international dans leurPIB est deux fois plus élevéequ’aux Etats-Unis, dans l’UE ouau Japon, si bien que les effetsdes variations des taux de changesur leur situation économique etnotamment sur les prix, laproduction et l’emploi sont plus

prononcés. En outre, leur dette extérieure est plusimportante et une grande proportion de cette dette estlibellée en devises. Par conséquent, une forte baissede leur taux de change a tendance à créer desdifficultés de service de la dette et des problèmes deliquidités et d’insolvabilité. Au contraire, un payscomme les Etats-Unis peut emprunter dans sa propremonnaie, si bien que ce sont les créanciers quiassument le risque de change4.

On soutient aussi que la plupart des pays endéveloppement et en transition n’ont pas d’insti-tutions crédibles, ce qui en soi est une cause devolatilité du marché et du taux de change et auraitamené la plupart des pays émergents à se méfier d’unrégime de taux de change flottants. Par conséquent,bon nombre de ces pays, qui prétendent laisser flotterleur monnaie, appliquent en fait un régime inter-médiaire et modifient leurs taux d’intérêt ouinterviennent sur le marché des changes pourinfluencer le taux de change. Cela signifie qu’il seraitfaux d’affirmer que les pays émergents ont eutendance à abandonner les régimes de paritésajustables (Calvo and Reinhart, 2000 ; Fischer, 2001 ;Reinhart, 2000).

L’histoire des grands pays industriels qui ontadopté des régimes de taux de change flottants entreles guerres mondiales et depuis l’effondrement dusystème de Bretton Woods donne à penser qu’on nepeut pas imputer la volatilité et les excès du marchédes changes uniquement à l’absence d’institutionscrédibles. Au contraire, il s’agit là de caractéristiquessystémiques d’un marché des changes sur lesquellesles mouvements de capitaux spéculatifs à court termeont une influence prépondérante. Ainsi, la situationde la France dans les années 20 est très bien décritedans un rapport établi par la Société des Nations en1944 :

La grande majorité des pays endéveloppement n’ont pas voulu

limiter l'afflux de capitauxspéculatifs durant la phase

d’expansion.

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104 Rapport sur le commerce et le développement, 2001

Les risques inhérents à de telles variationscumulatives et autoentretenues dans un régime detaux de change flottants sont bien illustrés par lasituation de la France entre 1922 et 1926. Dans unpareil régime, les taux dechange sont inévitablementtrès instables et des facteurspsychologiques peuventparfois avoir une influenceprépondérante. Les écono-mistes français ont été siimpressionnés par ce fait qu’ilsont élaboré une théorie« psychologique » des fluctua-tions des taux de change,soulignant que le taux dechange restait indéterminé tantque son niveau était influencépar un marché dominé par desanticipations spéculatives…Les brutales variations du cours du franc françaisentre 1922 et 1926 et divers autres épisodessimilaires qu’ont subis d'autres monnaies dans lesannées 30 montrent non seulement qu’il est difficilede préserver une certaine stabilité d’un taux dechange flottant, mais aussi qu’il peut être trèsdifficile à la balance commerciale des pays concernésde s’adapter à ces brutales variations. (League ofNations, 1944 : 118, 119)

Analysant les mêmes situations en 1937, vonHayek ne se contentait pas d’expliquer les variationsdes taux de change par les flux de capitaux à courtterme et soutenait que les régimes de taux de changeflottants encourageaient ces mouvements spéculatifs :

C’est parce que les mouvements de capitaux àcourt terme sont dus fréquemment non à unevariation de la demande de capitaux destinés àl’investissement mais à une variation de la demandede liquidités qu’ils ont une si mauvaise réputation, entant que cause de perturbation monétaire. Cetteréputation n’est pas entièrement injustifiée… Je nevois pas en quoi un régime de taux de changevariables devrait entraîner uneréduction du volume des fluxde capitaux à court terme, bienau contraire. Dès qu’il apparaîtprobable que le cours va varierdans un proche avenir, lesdétenteurs de capitaux auraientun motif puissant de déplacerleurs fonds du pays dont lamonnaie risque de baisser versceux dont la monnaie a deschances de monter… Celasignifie que si la causepremière est déjà unmouvement de capitaux àcourt terme, la volatilité destaux de change aura tendance àen multiplier l’ampleur et pourrait transformer ce quiaurait été un inconvénient mineur en une perturbationmajeure. (von Hayek, 1937 : 62-64)

Comme nous l’avons vu en détail dans deprécédents rapports de la CNUCED, depuis le

démantèlement du système de Bretton Woods, lavolatilité et la surévaluation ou la sous-évaluationdurables caractérisent aussi les principales monnaiesde réserve5. Malgré une nette convergence des taux

d’inflation et des coûts unitairesde la main-d'œuvre au cours de ladernière décennie, les taux dechange des monnaies du G-3 sontrestés caractérisés par de fortesvariations et des périodes dura-bles de surévaluation ou de sous-évaluation. Cela a causé degraves difficultés aux pays endéveloppement pour ce qui est dela gestion de leur monnaie et deleur dette extérieure et a souventété une des causes majeures desgrandes crises des pays émer-

gents. Toutefois, les grands pays industriels négligentgénéralement ce problème et donnent la priorité à desobjectifs intérieurs, notamment la lutte contrel’inflation. Il est rare que les Etats-Unis et le Japon,par exemple, qui sont attachés à la liberté des taux dechange, interviennent sur les marchés des changes etcoordonnent leurs politiques lorsque l’instabilité et leniveau inadapté des monnaies menacent sérieusementleurs perspectives économiques : ils l'ont fait unepremière fois dans la deuxième moitié des années 80,pour faire baisser et stabiliser le taux de change dudollar en raison des pressions protectionnistes liées àl’importance du déséquilibre commercial, et ànouveau au milieu des années 90 lorsque le yen estmonté à un niveau sans précédent par rapport audollar.

On conseille aux pays en développementd'adopter un régime de taux de change flottants aumotif que l’incertitude qui en résulterait élimineraitles garanties implicites et inciterait les créanciers et

les débiteurs à la prudence.Toutefois, l’expérience a montréque le risque de crise est toutaussi grand en régime de taux dechange flottants qu’en régime deparités ajustables (Banquemondiale, 1998). Lorsque lesmouvements de capitaux sontlibres, les taux de changenominaux n’évoluent pasautomatiquement de façon àcompenser les écarts de tauxd’inflation (en d’autres termes, laparité de pouvoir d’achat n’estpas préservée), alors quel’adaptation des taux d’intérêt au

taux d’inflation est très rapide. Par conséquent, lesmonnaies des pays à forte inflation ont tendance às’apprécier à court terme. Avec un régime de paritésajustables, les capitaux excédentaires (c’est-à-dire lesflux de capitaux supérieurs à ce qui est nécessaire

L’histoire des grands paysindustriels qui ont adopté des

régimes de taux de changeflottants donne à penser qu’on nepeut pas imputer la volatilité et les

excès du marché des changesuniquement à l’absenced’institutions crédibles.

Malgré une nette convergence destaux d’inflation et des coûts

unitaires de la main-d'œuvre aucours de la dernière décennie, lestaux de change des monnaies du

G-3 sont restés caractérisés par defortes variations et des périodesdurables de surévaluation ou de

sous-évaluation.

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Régimes de taux de change et possibilités de coopération régionale 105

pour financer le compte courant) attirés par lespossibilités d’arbitrage viennent gonfler les réservesinternationales et, en régime de taux flottants, ilsentraînent une appréciation du taux de changenominal, ce qui a tendance à attirer encore plus decapitaux étrangers et à aggraver la perte decompétitivité due à l’inflation. Plus la monnaies’apprécie, plus le risque dechange augmente, mais lesinvestisseurs et spéculateursoublient ce risque lorsqu’ilssuivent leur instinct grégaire. Parexemple, si les pays d’Asie del’Est avaient laissé flotter leursmonnaies au début des années90, lorsque les entrées decapitaux étaient supérieures aux besoins definancement du compte courant, cela aurait entraînéune appréciation de leurs monnaies et uneaggravation du déficit de leurs paiements. En fait, audébut des années 90, lorsque les capitaux étrangersont afflué, la plupart ont choisi d’intervenir sur lemarché pour empêcher leur monnaie de s’apprécier(Rapport sur le commerce et le développement 1998,encadré 2).

Depuis la dernière guerre mondiale, le nombrede pays émergents qui ont adopté un régime de tauxde change flottant est assez limité et il s’agitgénéralement de pays qui venaient de subir une crisefinancière. Néanmoins, ces cas présentent un certainnombre de caractéristiques qui amènent à douter de lavalidité de cette option. En Amérique latine parexemple, les taux d’intérêt nationaux ont été plusvolatils et plus sensibles aux variations des taux desEtats-Unis dans les pays ayant un taux de changeflottant que dans ceux qui avaient un régime de paritéfixe ou ajustable, ce qui signifie que ces pays avaienten fait moins d’autonomie pour la conduite de leurpolitique monétaire et que leursystème financier était plusvulnérable (Hausmann, 1999). Lesrégimes de flottement paraissentamplifier les cycles conjoncturelspuisque les taux d’intérêt onttendance à monter en période derécession. En outre, ils entraînentune contraction du marché financieret obligent à payer des taux d’intérêtélevés car il devient plus risqué dedétenir des avoirs libellés dans lamonnaie nationale.

3. Parités fixes

Il semble donc que les pays émergents ayantlibéré les mouvements de capitaux ne peuvent pasobtenir une stabilité économique et financière durable

en optant pour un régime de taux de change flottantou de parités ajustables. Il leur reste comme solutionsla parité fixe, les systèmes de caisse d’émission ou ladollarisation pure et simple. A la fin des années 90,les monnaies de 45 pays membres du FMI avaientune parité fixe; dans 37 de ces pays (y compris les 11pays de la zone euro) il n’y avait même pas de

monnaie libératoire indépendanteet les autres (notammentl’Argentine, Hong-Kong (Chine)et des pays en transition commela Bulgarie, l’Estonie et laLituanie) avaient une caissed’émission (Fischer, 2001). Saufdans le cas des membres del’UEM, la plupart des pays ou

territoires n’ayant pas de monnaie indépendanteétaient petits. Plus récemment, l’Equateur et ElSalvador ont adopté le dollar comme monnaienationale et le Guatemala s’apprête à faire de même.

Ces solutions sont jugées particulièrementadaptées aux pays qui ont un long passé deperturbations monétaires, d’inflation et de laxismebudgétaire (c’est-à-dire là où l’on se méfieparticulièrement d’une politique monétaire discré-tionnaire) (Eichengreen, 1999 : 109). Elles impli-quent la suppression de la Banque centrale etl’abandon d’une politique monétaire autonome, ainsique de la fonction de prêteur de dernier recours. Letaux de change nominal n’a plus aucun rôle en tantque moyen d’ajustement et tous les objectifs de lapolitique économique sont subordonnés à l’impératifdu maintien du taux de change nominal fixe ou de ladollarisation. Ces contraintes sont justement ce quigarantit la crédibilité nécessaire pour qu’une tellesolution réussisse, puisqu’elles impliquent que legouvernement est prêt à se soumettre à une disciplineextérieure, notamment à celle exercée par une banque

centrale étrangère ayant unepolitique monétaire crédible.Les avantages attendus sur leplan économique sont unefaible inflation, un tauxd’intérêt peu élevé et stable,une réduction du coût desemprunts extérieurs et, en casde dollarisation, la possibilitéd’emprunter à l’étranger dansla monnaie employée dans lepays (même si ce n’est pas lamonnaie nationale). De plus,on pense que la dollarisation

devrait approfondir le secteur financier et permettred'emprunter à plus long terme. La dollarisation asouvent la faveur des entreprises privées dans lespays émergents car elle réduit l’incertitude et le coûtdes transactions.

Certains de ces avantages peuvent êtreimportants. Pour un petit pays dont l’économie est

Le risque de crise est tout aussigrand en régime de taux de change

flottants qu’en régime de paritésajustables.

Le taux de change nominal n’aplus aucun rôle en tant que moyend’ajustement et tous les objectifsde la politique économique sont

subordonnés à l’impératif dumaintien du taux de change

nominal fixe ou de la dollarisation.

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106 Rapport sur le commerce et le développement, 2001

étroitement liée à celle d’un grand pays dont lamonnaie est une monnaie de réserve, ils peuventmême compenser l’impossibilité de modifier les tauxd’intérêt ou le taux de change en réponse à des chocsextérieurs et intérieurs et pour gérer la conjoncture,ainsi que la perte du seigneuriage. Cependant, pour laplupart des pays en développement, la caissed’émission ou la dollarisation nesont pas des solutions viables àlong terme, même si ellespeuvent aider à rétablir rapide-ment la crédibilité après unelongue période de troublesmonétaires, de laxisme budgé-taire et d’inflation. Un rattache-ment unilatéral à l'une desgrandes monnaies de réserve estparticulièrement gênant du faitque ces monnaies sont sujettes àdes variations importantes etimprévisibles6.

Une parité fixe ne met pas l’économie à l’abrides chocs financiers et réels extérieurs, pas plus quene le faisait l’étalon or. A moins que le pays deréférence ne subisse des chocs très similaires et n’yréponde d’une façon qui convienne également à lasituation du pays qui a rattaché sa monnaie, lerenoncement à une politique monétaire indépendanteet la nécessité de défendre une parité fixe peuventêtre très coûteux en termes de production et d’emploi.Pour des raisons structurelles et institutionnellesévidentes, un groupe composé de pays endéveloppement et de pays industriels ne peut pasconstituer une zone monétaire optimale et ces payssont souvent exposés à des chocs asymétriques, enparticulier dans le cas des pays en développementtrès tributaires des exportations de produits primaires.De plus, en l’absence d’une intégration économiqueétroite, il est peu probable que la conjoncture desdeux pays soit synchronisée, si bien que la politiquemonétaire menée par le pays de référence risque dene pas être adaptée à l’autre pays. Ainsi, un paysayant rattaché sa monnaie à une monnaie de réserverisque de devoir augmenter ses taux d’intérêt et devoir sa monnaie s’apprécier alors que son économieest déjà en récession et perd de sa compétitivité,comme cela s’est produit en Argentine ces deuxdernières années (voir chap. II, encadré 2.2).

On soutient parfois que l’asymétrie des chocs etle manque de synchronisation de la conjoncture neposent pas de problème tant que les salaires et lesprix sont assez souples. A cet égard, la penséeorthodoxe en matière de politique de taux de changeest assez contradictoire, car un des arguments initiauxen faveur du flottement des monnaies était quejustement la viscosité des prix et des salairesempêchait l’économie de s’adapter rapidement auxchocs externes et internes sans sacrifices en termes decroissance et d’emploi (Friedman, 1953). Même

lorsque les prix et les salaires sont relativementsouples, le processus d’ajustement peut être trèscoûteux car il n’est pas instantané. Si le taux dechange est bloqué, le seul moyen de corrigerl'appréciation de la monnaie en termes réels est deréduire les salaires nominaux, mais il est impossiblede le faire sans réduire en même temps la demande

globale et aggraver le chômage.De plus, pour les raisons décritespar Keynes il y a plus de 60 ans,cette réduction des salairesnominaux réduit à son tour lademande globale et accentue lespressions déflationnistes si elle setraduit par une baisse des salairesen termes réels. Il sera donc trèsdifficile de rétablir la compé-titivité sans une déflation. Lesmesures d’austérité budgétairevisant à réduire le déficit exté-rieur ne peuvent qu’aggraver

encore la crise, si bien qu’on aboutit à une situationabsurde d’inversion des causes et des effets, décritepar Robert McKinnon il y a près de 40 ans(McKinnon, 1963 : 720). Il est étonnant quel’argument le plus important avancé en faveur destaux de change flottants, à savoir la viscosité des prixet des salaires nominaux, soit oublié par les partisansdu système de caisse d’émission ou de ladollarisation.

En outre, la caisse d’émission ne garantit pasque les taux d’intérêt resteront au même niveau quedans le pays de la monnaie de référence. Sil’économie perd de sa compétitivité et accumuled’importants déficits des paiements, la contractiondes réserves entraîne une contraction de la liquiditéqui fait monter les taux d’intérêt et déstabilise lesystème bancaire. Certains auteurs soutiennent mêmequ’un régime de caisse d’émission ne réduit le risquede crise des paiements qu’en aggravant le risque de lacrise bancaire (Chang and Velasco, 1998). De plus,les investisseurs internationaux n’ont pas néces-sairement une confiance absolue et peuvent exigerune prime de risque importante, comme on l’aconstaté dans la plupart des pays à régime de caissed’émission ces dernières années. Il peut y avoir desattaques spéculatives contre la monnaie même avecun tel régime, comme avec tout autre régime de tauxde change, et le coût de la défense d’une parité fixepeut être encore plus élevé que le coût del’effondrement d’un système de parités ajustables.Par exemple, en termes d’emploi et de production,l’Argentine et Hong-Kong (Chine) ont perdu autantou plus que les pays voisins dont le taux de change abrutalement baissé durant les récentes crises. Pourune économie dont le secteur financier est ouvert, lesdifférents régimes se distinguent moins par leuraptitude à protéger l’économie réelle que par la façondont celle-ci est endommagée

Un régime de caisse d’émission neréduit le risque de crise des

paiements qu’en aggravant lerisque de la crise bancaire, et le

coût de la défense d’une parité fixepeut être encore plus élevé que le

coût de l’effondrement d’unsystème de parités ajustables.

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Régimes de taux de change et possibilités de coopération régionale 107

Autrefois, le démantèlement des caissesd’émission se faisait généralement dans le cadre de ladécolonisation, et la monnaie de référence antérieureétait souvent la livre sterling. Contrairement à leurshomologues contemporains, les anciennes caissesd’émission n’avaient pas été instituées pour rétablir lacrédibilité: elles avaient été imposées par la puissancecoloniale pour renforcer les relations commercialesavec ses colonies. En principe, la caisse d’émissionpermet une dévaluation, voire un flottement intégral,puisqu’il existe toujours une monnaie nationale,

contrairement à ce qui se passe avec la dollarisation.Toutefois, aucune des caisses d’émissioncontemporaines n’a de stratégie de sortie connue et,en fait, la divulgation d’une telle stratégie lui ôteraittoute efficacité. C’est pourquoi il est probablementimpossible d’abandonner un régime de caissed’émission sans perturbation majeure, en particulierlorsque son coût économique nécessiterait justementqu'on l'abandonne. Et si le régime donne satisfaction,pourquoi l'abandonner?

C. Arrangements régionaux : le cas de l’Europe

Comme les pays en développement n’ont pas putrouver de solution unilatérale au problème de lagestion de leur monnaie et de la prévention des crisesfinancières, et que les grandes puissances nesouhaitent pas vraiment réformer l’architecturefinancière internationale, on s’intéresse de plus enplus aux solutions régionales (Chang, 2000 ; Mistry,1999 ; Park and Wang, 2000). A cet égard, l’exemplequi retient le plus l’attention est celui de lacoopération monétaire et desmécanismes de gestion des tauxde change mis en œuvre enEurope après l’abandon dusystème de Bretton Woods, quiont débouché sur une unionmonétaire à la fin des années 90.

Au début des années 70, lapremière réponse de l’Europe audémantèlement du système deBretton Woods a été la mise enplace du "serpent", conçu pourstabiliser les taux de changeintra-européens à l’intérieur de marges de fluctuationrelativement étroites, dans un environnementextrêmement instable. Ensuite, les pays membres dela Communauté économique européenne (CEE) ontcréé le SME en 1979 et, finalement, introduit l’euroet créé l’Union monétaire européenne (UME) en19997. Il a donc fallu une trentaine d’années pourpasser d’un système de parités ajustables à unsystème de parités fixes.

Après l’effondrement du système de BrettonWoods, les pays européens ont pu éviter d’importer

l’inflation des Etats-Unis en laissant leurs monnaiess’apprécier par rapport au dollar, et le fait de laisserle marché fixer le taux de change par rapport audollar était jugé compatible avec l’objectif de stabi-lisation de la valeur interne des monnaies euro-péennes. Toutefois, comme l’intégration régionaleétait assez forte, un libre flottement des monnaieseuropéennes les unes par rapport aux autres menaçaitde déstabiliser et de perturber le commerce et

l’allocation des ressources entreles pays de la région, enparticulier dans le cas des petitspays dont l’économie était trèsouverte. Ils ont donc considéréqu’une stabilisation des taux dechange intrarégionaux, quicollectivement seraient libres devarier par rapport au dollar, seraitune solution appropriée, puisquele commerce de l’ensemble de larégion avec le reste du mondeétait relativement modeste.

L’intégration régionale et la coopération monétaireont été conçues dans le but de faire de l’Europe unegrande zone économique, comme celle des Etats-Unis, peu tributaire du commerce avec le reste dumonde.

Chaque pays a pris unilatéralement la décisionde s’associer à ce dispositif, c’est-à-dire de se lier lesmains en matière monétaire, mais le système qui enest résulté impliquait des engagements multilatérauxà l’échelon régional. Comme le deutsche mark avaitété la monnaie européenne la plus stable après laguerre et que l’Allemagne était le poids lourd

Les petits pays européens ontcertes sacrifié une partie de leurautonomie monétaire mais leur

position sur le marché des changess’est considérablement renforcée

et ils sont devenus moinsdépendants des institutionsfinancières internationales.

Page 123: RAPPORT SUR LE COMMERCE ET LE DÉVELOPPEMENT, 2001

108 Rapport sur le commerce et le développement, 2001

économique de la région, sa monnaie estnaturellement devenue le point de référence denombreux pays européens après le démantèlement dusystème de Bretton Woods. Etant donné que les paysparticipants souhaitaient une plus grande intégration,l’Allemagne n’a pas seulement fourni la monnaie deréférence ; elle a aussi aidé les autres pays à assurerla stabilité du mécanisme, par des moyens tels quedes interventions sur le marché des changes et lafourniture de financements en dernier recours, mêmesi ce dernier rôle n’a jamais été explicite. Quant auxpetits pays, ils ont certes sacrifié une partie de leurautonomie monétaire mais leur position sur le marchédes changes s’est considérablement renforcée et ilssont devenus moins dépendants des institutionsfinancières internationales.

Dans le processus qui devait conduire àl’établissement d’une monnaie commune, le régimede parités ajustables présentait une différenceessentielle par rapport à la situation des paysémergents ces dernières années, du fait que le pays deréférence partageait avec les autres pays l’objectif deconvergence monétaire et de stabilité intérieure etextérieure des taux de change. En outre, le systèmeétait conçu pour réduire la tentation de spéculer, quiaurait pu résulter des écarts d’inflation et de tauxd’intérêt, au moyen de fourchettes de fluctuationautour de la grille de parités. Il établissait desobligations d’intervention symétrique et d’octroi decrédits à court terme illimités entre les banquescentrales afin d’éviter que les taux de changebilatéraux ne sortent de la fourchette. En outre, ilmettait à la disposition des pays membres diverstypes de soutien de la balance des paiements pourleur permettre de faire face à des situationssusceptibles de perturber le marchédes changes tout en empêchant letaux de change de leur monnaie desortir de la fourchette8. De plus, ilprévoyait des modalités précisespour l’ajustement des fourchettes defluctuation, et des modalitésparticulières de participation aumécanisme de change pour les paysles moins avancés (Grèce, Irlande,Portugal et Espagne), notammentune compensation budgétaireconsidérable, qui ont beaucoup aidéà obtenir la convergence monétaireet budgétaire souhaitée et àrespecter les critères de stabilité de l’UEM.

Ce dispositif a été complété par un régimecommunautaire des mouvements de capitaux qui,jusqu’à l’adoption de la directive de 1988, autorisaitles gouvernements à restreindre dans une certainemesure différentes catégories de transactions, tout enprévoyant quelques obligations de libéralisation quiétaient moins contraignantes pour les opérations àcourt terme susceptibles d’avoir un caractère

spéculatif. La directive de 1988 a supprimé lesrestrictions visant les mouvements de capitaux entrerésidents des pays de la Communauté, tout enpréservant le droit de contrôler les mouvements àcourt terme en période de tension financière9. Enoutre, les pays de la Communauté devaient s’efforcerde libéraliser au même degré les mouvements decapitaux avec des pays tiers. Toutefois, ilsconservaient le droit de prendre des mesures pourlutter contre les mouvements de capitaux spéculatifs.Depuis l’adoption de la monnaie unique, ces mesuresne peuvent plus être prises qu'à l'égard des capitauxprovenant de pays tiers ou destinés à des pays tiers.

Malgré la création d’institutions visant àfaciliter le fonctionnement du mécanisme de changeet l’intégration, l’union monétaire ne s’est pas faitesans difficulté et elle a souvent été perturbée par deschocs ou des erreurs politiques. Dans certains cas, lesperturbations ont été très similaires aux crisesmonétaires subies par des pays émergents qui avaientun régime de parités ajustables. Comme dans cesderniers pays, les écarts de taux d’inflation ontparfois provoqué des tensions : l’inflation était assezprononcée en Italie (puis au Royaume-Uni), moyenneen France et plutôt faible en Allemagne et enAutriche. Par conséquent, les pays à forte inflationdevaient ajuster leurs taux de change de temps à autrejusqu’à ce que leur taux d’inflation converge aveccelui du pays de référence. A plusieurs reprises, lesécarts d’inflation se sont accentués sous l’effet dechocs internes ou externes qui ont mis à l’épreuve larésistance du système et l’attachement des paysparticipants à la stabilité intérieure et extérieure. Lepremier de ces chocs, survenu peu aprèsl’effondrement du système de Bretton Woods, a été la

hausse du prix du pétrole. AuRoyaume-Uni et en Italie, lecoût unitaire du travail aaugmenté beaucoup plus viteet l’inflation a persisté pluslongtemps qu’en France, enAutriche et en Allemagne(graphique 5.1). Il a donc falluajuster les taux de change.

Toutefois, cet ajustementne s’est pas toujours fait endouceur. Les événements quiont débouché sur la crise duSME en 1992-1993 sont ins-tructifs et montrent comment

des dispositifs monétaires régionaux, même appuyéspar des institutions solides, peuvent s’effondrerlorsque les taux de change sont incompatibles avecl’inflation et le niveau des taux d’intérêt. La crise aeu son origine en 1987, lorsqu'en réponse au crashboursier mondial, les banques centrales des Etats-Unis et d’Europe ont considérablement abaissé leurstaux d’intérêt. Cela a entraîné une forte stimulation,avec un certain décalage, si bien qu’en Europe le taux

Le régime de parités ajustables aété complété par un régime

communautaire des mouvementsde capitaux qui, jusqu’à l’adoptionde la directive de 1988, autorisaitles gouvernements à restreindre

dans une certaine mesuredifférentes catégories de

transactions.

Page 124: RAPPORT SUR LE COMMERCE ET LE DÉVELOPPEMENT, 2001

Régimes de taux de change et possibilités de coopération régionale 109

Graphique 5.1

COÛT UNITAIRE DU TRAVAIL DANSDIFFÉRENTS PAYS EUROPÉENS APRÈS UNE

CONTRACTION DE L’OFFRE, 1972-1976

(Pourcentage de variation par rapport à l’annéeprécédente)

Source : Base de données Ameco, Commissioneuropéenne, 2000.

Graphique 5.2

COÛT UNITAIRE DU TRAVAIL APRÈS UNEVARIATION POSITIVE DE LA DEMANDE,

1987-1991

(Pourcentage de variation par rapport à l’annéeprécédente)

Source : Voir graphique 5.1.

de croissance a atteint ou dépassé 4%, le Royaume-Uni prenant la tête à la fin des années 80 etl’Allemagne au début des années 90 (dans le cas del’Allemagne, cela a aussi été dû aux effets de laréunification). Toutefois, cette accélération de lacroissance s’est accompagnée d’une plus grandedivergence des taux d’inflation ; le coût unitaire de lamain-d'œuvre a considérablement augmenté en Italieet au Royaume-Uni alors qu’il restait plus stable enAllemagne et en France (graphique 5.2). Malgré cela,le taux de change nominal de la lire par rapport audeutsche mark est resté à peu près inchangé entre1987 et 1992, ce qui impliquait une appréciation de23% en termes réels. Dans le cas du Royaume-Uni,qui s’était associé au mécanisme de taux de changeen 1990 avec une monnaie déjà surévaluée,l’appréciation a été encore plus prononcée. Dans cesdeux pays, la perte de compétitivité s’est traduite parune brutale détérioration du solde des opérationscourantes. Jusqu’à la crise, les déficits courants deces pays ont été financés par un afflux de capitauxextérieurs, provenant notamment d’Allemagne,attirés par des écarts de taux d’intérêt considérables.On peut donc dire que la crise du SME, qui a forcél’Italie et le Royaume-Uni à abandonner lemécanisme de change et à dévaluer leurs monnaiesen septembre 1992, était à bien des égards similaire àcelle des pays émergents. Pour ces deux pays,l’ajustement des taux nominaux était certainementpréférable à une défense des parités qui aurait exigéune déflation pour rétablir leur compétitivité. Enrevanche, comme nous l’avons vu dans le Rapportsur le commerce et le développement 1993 (deuxièmepartie, chap. I, sect. B), dans le cas de l’attaquespéculative contre le franc français, on ne peut pasdire que c’est le marché qui a fini par imposer sadiscipline, car en fait, fondamentalement, l’économiefrançaise était aussi solide que l’économie allemande.

Le cas de l’Europe montre que, à l’instar desrégimes de parités fixes ou ajustables adoptésunilatéralement, les arrangements monétairesrégionaux, même s’ils sont appuyés par desinstitutions appropriées, peuvent échouer si lesautorités ne prennent pas les mesures nécessairespour que les taux de change soient conformes à lasituation réelle de l’économie de chaque membre. Deplus, s’il est vrai que dans les arrangementsrégionaux l’hégémonie du pays de référence estcontre-balancée par des obligations qui n’existent pasdans les autres situations, cela n’empêche pas que lapolitique appliquée par le pays de référence puisseêtre trop restrictive pour les autres membres. En fait,le resserrement excessif de la politique monétaire del’Allemagne semble avoir contribué aux attaquesspéculatives qui ont visé le franc français durant lacrise du SME.

1972 1973 1974 1975 1976

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1987 1988 1989 1990 1991

Page 125: RAPPORT SUR LE COMMERCE ET LE DÉVELOPPEMENT, 2001

110 Rapport sur le commerce et le développement, 2001

Avec l’instauration d’une monnaie unique, lespetits pays membres du système devraient avoir unpeu plus d'influence sur la politique monétairecommune. De plus, l’intégration commerciale peutêtre un facteur de stabilité et de convergence, puisqueles pays dont l’économie est en expansion peuventabsorber la production de ceux qui subissent unerécession. Les chocs asymétriques et les différencesstructurelles peuvent toujours entraîner des diver-gences importantes entre les résultats économiques

des pays selon leur niveau de développement, mais iln’est plus inévitable que ces divergences causent unsérieux dilemme si les pays sont prêts à employer lesdifférents instruments qui restent à leur disposition.Toutefois, dans certaines circonstances, lescontraintes imposées en matière de politiquebudgétaire par le Pacte pour la stabilité et lacroissance pourraient faire obstacle à la réduction desécarts économiques intrarégionaux.

D. Le choix des pays en développement : dollarisationou régionalisation ?

Malgré les revers de 1992 et 1993 et les défautsde conception des politiques et des mécanismesinstitutionnels qui ont limité la marge de manœuvredes autorités, la coopération monétaire en Europe aréussi à stabiliser les taux de change intrarégionaux, àéviter la contagion financière et résister auxfluctuations par rapport au dollar et au yen. Dansquelle mesure les pays en développement peuvent-ilss’inspirer de cet exemple pour se défendrecollectivement contre l’instabilité systémique ? Cespays peuvent-ils établir des arrangements régionauxsans la participation des trois grands et s’engagerdans un processus similaire à celui de l’Europe,passant d’un système de marges de fluctuationgaranties au niveau régional à une union monétaire ?Pourraient-ils même passer directement à l’unionmonétaire en adoptant une monnaie régionale ?

La crise asiatique a suscité beaucoup d’intérêtpour les arrangements monétaires et la coopération àl’échelon régional dans les pays en développement.Ainsi, à l’occasion des assemblées annuelles du FMIet de la Banque mondiale de 1997, peu après la crise,il a été proposé de créer un Fonds monétaireasiatique. En mai 2000, les pays membres del’Association des nations d’Asie du Sud-Est(ANASE), la Chine, le Japon et la République deCorée ont lancé une initiative prévoyant des swaps etdes accords de rachat (encadré 5.1). Plus récemment,le document franco-japonais mentionné à la section Aci-dessus (Ministry of finance, Japan, 2001 : 5-6)préconisait un renforcement de la coopérationrégionale en Asie de l’Est, s’inspirant du cas del’Europe :

Le renforcement de la coopération régionaleest un moyen de garantir à la fois stabilité etflexibilité… Le processus de création de l’Unionmonétaire européenne donne un bon exemple de lafaçon dont on peut réaliser cette intégration… A cetégard, on a pris le 6 mai 2000 à Chiang Mai uneinitiative importante pour créer un arrangementfinancier régional visant à compléter les mécanismesinternationaux existants… Il convient d’intégrer lacoopération régionale dans le système monétaire etfinancier global.

L’idée de créer des monnaies régionales, paropposition à la dollarisation, a aussi suscité del’intérêt en Amérique latine. Le Président de laBanque interaméricaine de développement arécemment déclaré que :

La question (de la dollarisation) est trèscontroversée ; elle a ses partisans et ses détracteurs,mais quoi qu’il en soit, nous pensons que dans laplupart des pays la situation n’y est pas propice… Enrevanche, les principales conditions requises pourqu’on puisse envisager la création de monnaiesrégionales sont réunies. (Reproduit dans SUNS, 11janvier 2000)

La création de monnaies régionales pour desgroupes de pays en développement pourrait apporterdes avantages considérables, similaires à ceux qu’onattend de la création de l’euro. Elle peut réduire lescoûts de transaction dans la région en éliminantnotamment les commissions de change sur lestransactions liées au commerce et à l’investissementintrarégionaux. On estime que cela devrait faireaugmenter le PIB de la zone euro d’environ 0,5%. Deplus, l’adoption de l’euro devrait stimuler le

Page 126: RAPPORT SUR LE COMMERCE ET LE DÉVELOPPEMENT, 2001

Régimes de taux de change et possibilités de coopération régionale 111

Encadré 5.1

COOPÉRATION MONÉTAIRE ET FINANCIÈRE RÉGIONALE ENTRE PAYS ENDÉVELOPPEMENT

Il existe aujourd’hui peu d’arrangements de coopération financière et monétaire régionale entrepays en développement, à l’exception de ceux d’Asie de l’Est qui sont décrits à l’encadré 5.2. Ceux quiexistent prennent diverses formes : mise en commun des réserves de change comme dans le cas duFonds de réserve des pays andins et du Fonds monétaire arabe, rattachement à une monnaie deréférence (zone monétaire du rand) et création d’une monnaie régionale (Union monétaire des Caraïbesorientales). La Communauté financière africaine (CFA) a aussi une monnaie commune, mais présentececi d’unique qu’elle comporte un accord de coopération en matière de politique monétaire et depolitique de taux de change entre ses membres et un grand pays européen.

Le Fonds de réserve des pays andins a été créé en 1976 par les membres de la Communauté despays andins (Bolivie, Colombie, Equateur, Pérou et Venezuela),avec a un capital souscrit de2 milliards de dollars. Il fournit une aide financière à ses membres sous forme de prêts ou de garanties,à des fins de soutien de la balance des paiements, de prêts à court terme (liquidités), de prêtsd’urgence, de prêts à l’appui de la restructuration de la dette extérieure publique et de crédits àl’exportation. Ses conditions sont moins rigoureuses que celles du FMI. En outre, il a pour objectif decontribuer à l’harmonisation des politiques de taux de change et des politiques monétaires etfinancières des pays membres. Il est donc censé promouvoir la stabilité financière et économique de larégion et le processus d’intégration de l’Amérique latine1.

Le Fonds monétaire arabe a été créé en 1976, avec une structure similaire à celle du FMI, et ilregroupe tous les membres de la Ligue des Etats arabes (sauf les Comores). Son capital souscrit est de326 500 dinars comptables, ce qui représente environ 1,3 milliard de dollars. Il a pour objectif depromouvoir la stabilité des taux de change entre les monnaies des pays arabes et d’assurer leurconvertibilité mutuelle, et il fournit un appui financier aux membres qui ont des difficultés de balancedes paiements. Il est aussi censé contribuer à la coopération des membres en matière de politiquemonétaire et à la coordination de leurs politiques face aux problèmes financiers et économiquesinternationaux. Son but ultime est de promouvoir la création d’une monnaie commune.

Dans la Zone monétaire du rand, le Lesotho et le Swaziland, dont l’économie est très liée à cellede l’Afrique du Sud, ont fixé la valeur de leur monnaie par rapport au rand sud-africain, sanscoordination officielle des politiques monétaires.

L’Union monétaire des Caraïbes orientales est un système monétaire fondé sur une monnaiecommune des membres de l’Organisation des Etats des Caraïbes orientales, qui réunit des petits paysen développement insulaires2. Le dollar des Caraïbes orientales a une parité fixe par rapport au dollardes Etats-Unis, mais contrairement à ce que fait la France avec le franc CFA (voir plus loin), les Etats-Unis ne jouent pas de rôle actif dans la gestion de la parité.

La création de la Communauté financière africaine remonte à 1948, mais les accords qui régissentactuellement le fonctionnement de la zone CFA ont été signé en 1973. Il y a deux groupes régionaux,possédant chacun sa propre banque centrale : l’Union économique et monétaire ouest-africaine etl’Union économique et monétaire de l’Afrique centrale3. Les 14 pays concernés ont une monnaiecommune, le franc CFA, qui n’est pas traité sur le marché des changes, mais peut être converti enfrancs français à parité fixe. Les mouvements de capitaux à l’intérieur de la zone CFA sont libres, demême qu’entre les pays de la CFA et la France, et les réserves des membres sont mises en commun. LeTrésor français garantit la convertibilité du franc CFA en francs français à parité fixe et joue le rôle deprêteur en dernier recours. En contre-partie, il y a un mécanisme qui limite l’indépendance des deuxbanques centrales régionales et le Trésor français peut influer sur la politique monétaire de la zone etsur la détermination du taux de change par rapport au franc français.

Les deux banques centrales régionales ont un compte auprès du Trésor français, sur lequel ellesdoivent déposer 65% de leurs réserves de change, mais bénéficient d’une possibilité de découvert (au

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112 Rapport sur le commerce et le développement, 2001

taux d’intérêt du marché) en principe illimitée. Elles doivent respecter deux règles conçues pour limiterl’offre de francs CFA : i) leurs engagements à vue doivent être couverts par une contre-partie endevises d’au moins 20% et ii) elles ne peuvent pas prêter aux Etats membres plus de 20% de leursrecettes publiques de l’année précédente. La France siège au Conseil d’administration des deuxbanques centrales4. Apparemment, ce dispositif a aidé les pays membres de la CFA à avoir un tauxd’inflation nettement inférieur à la moyenne de l’Afrique et, entre 1975 et 1985, leur revenu parhabitant a aussi augmenté plus vite que la moyenne. Toutefois, en raison de chocs extérieurs et d’unedétérioration de la situation macroéconomique (Hadjimichael and Galy, 1997), il a été mis à rudeépreuve à partir de 1985. Les pays membres de la CFA ont subi une forte détérioration de leurs termesde l’échange car les cours mondiaux de certains de leurs principaux produits d’exportation (cacao,café, coton et pétrole) ont chuté et le franc français s’est notablement apprécié par rapport au dollaraprès l’Accord du Plaza de 1985. En conséquence, le taux de change effectif nominal du franc CFA aaugmenté de près de 7% par an entre 1986 et 1993. Les exportations de la zone ont perdu leurcompétitivité sur le marché mondial car il s’est révélé impossible de contenir les prix intérieurs ; ledéficit courant et le déficit budgétaire de la zone ont augmenté de 6,5% du PIB, et plusieurs pays ontlargement dépassé la limite de 20% fixée pour la monétisation de la dette publique.

En 1994, on a décidé de modifier la parité du franc CFA qui est passée de 50 à 100 francs CFApour 1 franc français (voir aussi Rapport sur le commerce et le développement 1995, chap. I,encadré 1 ; Clément, 1996). C’était la première dévaluation du franc CFA depuis 1948, et il n'y en apas eu d'autre depuis, mais elle a montré la vulnérabilité du dispositif, due notamment à l’absence d’unmécanisme qui permettrait un ajustement progressif des taux nominaux en fonction de l’évolution de lasituation macroéconomique et de la balance des paiements. La probabilité de divergence entre lasituation macroéconomique de pays en développement tributaires de l’exportation de produitsprimaires et celle du pays développé dont la monnaie sert de référence est assez grande étant donnéque leur réaction à des chocs extérieurs est très différente.

La stabilité et le niveau du taux de change du franc CFA par rapport aux monnaies des partenairescommerciaux et des concurrents des pays de la zone ont une influence considérable sur leur situationéconomique globale. Premièrement, le commerce extérieur représente une très grande proportion duPIB dans ces pays. Deuxièmement, le commerce intra-CFA ne représente en moyenne que 8% ducommerce total des membres5. Troisièmement, en raison de différences structurelles, les pays de laCFA et ceux de l’UE ne constituent pas une zone monétaire optimale. Bien que le commerce avecl’UE représente la moitié du commerce total des pays CFA, la structure de leurs importations et deleurs exportations est très différente et les pays CFA sont en concurrence avec des pays tiers pour leursexportations de produits primaires tant sur le marché de l’UE que dans le reste du monde. Parconséquent, une politique consistant à bloquer le taux de change par rapport au franc français (puis parrapport à l’euro) tout en le laissant varier librement par rapport aux autres monnaies, même si elleapporte une certaine discipline monétaire et une certaine protection contre les attaques spéculatives,crée des problèmes de compétitivité.

_________1 Pour plus de précisions, voir FLAR (2000).2 Les Etats membres sont Antigua et Barbuda, la Dominique, Grenade, Montserrat, Saint-Kitts-et-Nevis,

Sainte-Lucie, Saint-Vincent et les Grenadines. Les Iles Vierges britanniques et Anguilla sont membres associés.3 L’Union économique et monétaire ouest-africaine regroupe le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, la

Guinée-Bissau, le Mali, le Niger, le Sénégal et le Togo. La Communauté économique et monétaire de l’Afriquecentrale regroupe le Cameroun, la République centrafricaine, le Tchad, le Congo, la Guinée équatoriale et leGabon. Ces deux groupes ont des monnaies distinctes, mais comme celles-ci ont la même parité par rapport aufranc français, elles sont régies dans le même cadre. En outre, comme les mouvements de capitaux entre les deuxzones sont libres, on peut considérer que la zone du franc CFA est une zone monétaire unique. Les Comores ontun dispositif similaire mais conservent leur propre banque centrale.

4 Pour un exposé détaillé des aspects institutionnels de la CFA, voir Banque de France (1997).5 La part du commerce intra-CFA va de 1,5% du commerce total au Congo à 23,2% au Mali. En revanche,

les liens avec l’Europe sont très étroits : 50% des exportations et 66% des importations dans le cas de laCommunauté économique et monétaire de l’Afrique centrale et 49,3 et 46,3% respectivement dans le cas del’Union économique et monétaire ouest-africaine.

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Régimes de taux de change et possibilités de coopération régionale 113

commerce intrarégional, principalement en induisantun détournement du commerce avec le reste dumonde (Rapport sur le commerce et ledéveloppement 1999, première partie, chap. III).Enfin, une banque centrale supranationale peutlimiter l’influence de politiques nationales populistessur la conduite des affaires monétaires, tout en restantcomptable devant les pays membres. Contrairement àla dollarisation, une telle solutionévite aux pays concernés deperdre l’avantage du seigneu-riage (Sachs and Larrain, 1999 :89).

La mise en place d’arran-gements régionaux, et notam-ment la création de monnaiesrégionales, réunissant des paysen développement aurait aussipour avantage de réduire lerisque de décalage conjoncturelet de chocs asymétriques dans la mesure où lesinstitutions et les structures économiques des paysconcernés sont similaires. En d’autres termes, il estprobable qu’un groupe ne comptant que des pays endéveloppement sera plus proche d’une zonemonétaire optimale que si des pays développés enfont partie.

Toutefois, si l’on veut appliquer l’exemple del’Europe aux pays en développement, il faut tenircompte des différences. La situation de l’Europe amontré que les petites économies très ouvertes ayantdes liens commerciaux étroits à l’échelon régionalpeuvent créer et préserver un système de taux dechange stables par rapport à une monnaie de réservetant qu’il y a des lignes directrices claires en ce quiconcerne le maintien et l’ajustement des fourchettesde fluctuation, la répartition des responsabilités et lerôle des institutions et des politiques d’accom-pagnement. Ces mécanismes peuvent fonctionnerassez longtemps sans grandes perturbations et ilsaident à approfondir l’intégration (encadré 5.2).Toutefois, dans le cas de pays plus grands et de poidséconomique similaire, la mise en place et lapréservation d’un tel système pourraient poser desproblèmes considérables, en particulier si le groupene contient pas de pays dont la monnaie est unemonnaie de réserve.

C’est pourquoi, à moins de s’organiser autourd’un pays dont la monnaie est une monnaie deréserve, des pays en développement de taillecomparable pourraient avoir du mal à former ungroupe capable de créer et de défendre une grille detaux de change similaire au mécanisme de changeeuropéen et à faire en sorte que les politiquesmonétaires et financières appliquées par chacun despays soient compatibles entre elles et avec la stabilitédes taux de change. De plus, si aucun des grands paysdont la monnaie est une monnaie de réserve n’estassocié au système, il pourrait être difficile de mettre

en place des mécanismes efficaces pour se défendrecontre les attaques spéculatives visant les différentesmonnaies du groupe. Dans ces conditions, le passagedirect à l’union monétaire, avec l’adoption d’unemonnaie régionale, pourrait paraître préférable, maisil poserait les mêmes problèmes concrets que la miseen place d’un mécanisme de taux de change. Pourque les pays en développement réussissent à former

des groupes monétaires régio-naux capables d'accroître lastabilité des taux de change et lastabilité financière, il estindispensable de tenir compte deces difficultés et de mettre enplace des mécanismes appropriéspour les surmonter.

L’absence d’une monnaiede réserve dans un arrangementrégional pose aussi un problèmede crédibilité. Il peut être

particulièrement difficile à des pays ayant un longpassé de désordre monétaire et d’inflation de formerune union monétaire crédible sans y associer ungrand pays dont la monnaie est une monnaie deréserve et qui a une solide réputation de discipline etde stabilité monétaire. A cet égard, il est évident quel’Amérique latine est en moins bonne posture quel’Asie de l’Est.

De façon plus fondamentale, pour les pays endéveloppement, la gestion du taux de change parrapport aux trois grandes monnaies de réserve est unetâche extrêmement ardue, qu’elle se fasse dans lecadre d'une union monétaire ou d’un mécanisme typeSME. Ils ne peuvent pas laisser leurs monnaies flotterlibrement par rapport aux autres monnaies du monde,même si l’intégration régionale est très poussée. Parexemple, en Asie de l’Est, le commerce intrarégional(ANASE, nouveaux pays industriels et Chine) estimportant et ne cesse de croître, mais il ne représenteencore que moins de la moitié du commerce total(Rapport sur le commerce et le développement 1996,deuxième partie, chap. I, sect. E), contre deux tiersdans l’UE. Rapporté au PIB, le commerce des paysen développement d’Asie de l’Est avec le reste dumonde est deux fois plus important que celui desEtats-Unis, de l’UE ou du Japon. Par conséquent, letaux de change de leurs monnaies par rapport à cellesdes trois grands peut avoir une influence considérablesur leur situation économique. En outre, lesarrangements régionaux ne les protégeraient pascontre les chocs financiers, puisqu'ils ont presquetous une lourde dette extérieure libellée dans unemonnaie de réserve.

En raison de ces différents facteurs, il n’est passouhaitable que les pays en développement laissentleurs monnaies flotter par rapport à celles des troisgrands et il faut donc se demander quel régime detaux de change ils doivent adopter au niveau régional.L’une des options consiste à établir une parité

Les pays en développementpeuvent-ils établir des

arrangements régionaux sans laparticipation des trois grands et

s’engager dans un processussimilaire à celui de l’Europe ?

Page 129: RAPPORT SUR LE COMMERCE ET LE DÉVELOPPEMENT, 2001

114 Rapport sur le commerce et le développement, 2001

Encadré 5.2

L’INITIATIVE DE CHIANG MAI

Avant même la crise financière de 1997, l’Asie de l’Est manifestait un intérêt croissant pour lacoordination des politiques et la coopération monétaire à l’échelon régional. Divers accords d’échangeet de rachat avaient été adoptés et ces initiatives se sont multipliées durant la crise mexicaine au milieudes années 90. Toutefois, elles n’ont pas préparé la région à faire face aux crises monétaires de 1997 et1998.

Dans une déclaration conjointe sur la coopération en Asie de l’Est, publiée au Sommet « ANASEplus 3 » (c’est-à-dire les 10 membres de l’ANASE plus la Chine, le Japon et la République de Corée)en novembre 1999, il a été convenu de renforcer la concertation, la coordination et la collaborationpour les questions financières, monétaires et budgétaires d’intérêt commun (Ministry of Finance,Japan, 2000a : 8). En mai 2000, les Ministres des finances de la région ont lancé l'initiative dite deChiang Mai, visant à établir des réseaux de coopération financière à plusieurs niveaux pouraccompagner l’interdépendance économique croissante des pays d’Asie et pour essayer d’éviter quedes chocs financiers se propagent à l’ensemble de la région1. Cette initiative prévoit d’employer lecadre constitué par l’ANASE et les trois autres pays pour améliorer l’échange d’informations sur lesflux de capitaux et de créer un observatoire économique et financier régional. Le cœur de l’initiativeest un mécanisme financier qui renforcerait le soutien intrarégional pour lutter contre les attaquesspéculatives. Ce mécanisme, qui s’appuie sur l’ancien Arrangement de crédit réciproque de l’ANASE(ASA), est censé compléter les autres mécanismes existants de coopération financière internationale. Ildevrait aussi contribuer à la stabilité des taux de change dans la région.

L’ancien ASA, qui remonte à 1977, réunissait cinq pays seulement (Indonésie, Malaisie,Philippines, Singapour et Thaïlande). Les fonds engagés étaient de 200 millions de dollars, ce qui estnégligeable comparé aux 17 milliards de dollars de réserve de change que les cinq pays concernés ontperdus entre juin et août 1997.

Le nouveau dispositif prévu par l’Initiative de Chiang Mai englobe le Brunéi-Darussalam etprévoit une intégration progressive des quatre autres pays de l’ANASE (Cambodge, Républiquedémocratique populaire lao, Myanmar et Vietnam). Son élément le plus important est qu’il comportedes accords bilatéraux de crédit réciproque et de rachat entre les pays de l’ANASE et la Chine, leJapon et la République de Corée. Le montant disponible serait de 1 milliard de dollars. Toutefois, il estprobable que les engagements des trois pays non membres de l’ANASE en matière de créditsréciproques bilatéraux dépasseront sensiblement ce montant ; ils seront déterminés par le niveau deleurs réserves de change et les montants des accords antérieurs conclus entre le Japon et la Républiquede Corée (5 milliards de dollars) d’une part et entre le Japon et la Malaisie (2,5 milliards de dollars)d’autre part. Les conditions de tirage et plusieurs aspects techniques doivent encore être réglés aumoyen de négociations entre les pays concernés, mais il semble que le recours aux arrangementsbilatéraux sera en principe subordonné à un appui du FMI (Ministry of Finance, Japan, 2000b).

___________

1 Pour plus de renseignements sur cette initiative, voir Ministry of Foreign Affairs of the Kingdomof Thailand (2000) ; Ministry of Finance, Japan (2000a et 2000b); “Asia finance: Central banks swapnotes”, The Economist, 16 mai 2000.

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Régimes de taux de change et possibilités de coopération régionale 115

ajustable par rapport à un panier composé des troisgrandes monnaies de réserve, avec une fourchette defluctuation10. Le document franco-japonais précitésuggère qu’un tel régime intermédiaire pourraitouvrir la voie à une union monétaire :

Une solution envisageable pour de nombreuxpays émergents consisterait à adopter un régime detaux de change à paritésajustables, avec une fourchettede fluctuation implicite ouexplicite autour d’un tauxcentral déterminé par rapport àun panier de devises… Un telrégime peut être accompagné,pendant un certain temps etdans certaines circonstances,par des mesures visant àempêcher un afflux excessif decapitaux. (Ministry of finance,Japan, 2001 : 3-4)

Les auteurs de ce documentsoutiennent qu’un groupe de paysayant des liens financiers et commerciaux étroitsdevrait adopter un mécanisme qui fasseautomatiquement varier les taux de change de larégion dans le même sens et dans des proportionssimilaires. Cela impliquerait une grille de parités fixepour les monnaies des membres, comme dans leSME. Toutefois, comme l’a montré l’expérience del’Europe, il restera nécessaire d’ajuster de temps àautre les parités, par exemple en raison d’écartsd’inflation. Un tel régime, appliqué collectivement,devra peut-être être complété par un système collectifde contrôle des mouvements de capitaux. Pour lesraisons déjà exposées, le contrôledes mouvements de capitaux(dans les deux sens) peut êtreplus facile lorsque les paysagissent collectivement. Dans untel dispositif, les mouvements decapitaux intrarégionaux pour-raient être libres, comme dansl’UEM, tandis que les mouve-ments de capitaux provenant depays non membres ou àdestination de pays non membresseraient contrôlés, comme dansles premiers temps du SME, defaçon à limiter les mouvements à court termesusceptibles de déstabiliser le système.

Tout dispositif monétaire régional doit êtrecomplété par des mécanismes de soutien de lamonnaie régionale ou des monnaies des paysmembres pour éviter que les taux de change sortentdes fourchettes de fluctuation et pour décourager lesattaques spéculatives. Depuis la crise de l’Asie del’Est, on a avancé plusieurs propositions concernantla création de mécanismes régionaux d’interventionsur les marchés des changes et de fourniture deliquidités internationales aux pays victimes d’une

fuite des capitaux. La proposition, faite en 1997, decréer un mécanisme asiatique disposant de100 milliards de dollars a été rapidement combattuepar le Trésor des Etats-Unis et le FMI, quicraignaient que cela ne réduise le rôle et le pouvoirde ce dernier et ne rende encore plus difficilel’obtention de l’approbation par le Congrès de la

contribution des Etats-Unis à ladernière augmentation desquotes-parts du FMI (Mistry,1999 : 108)11. Une autreproposition consisterait à mettreen commun les réservesnationales pour défendre lesmonnaies contre les attaquesspéculatives et fournir desliquidités internationales, sansimposer aux pays visés lesconditions rigoureuses générale-ment imposées par les insti-tutions internationales de finan-

cement. Par exemple, à la veille de la crisethaïlandaise de 1997, les réserves nettes de tous lespays d’Asie de l’Est, y compris le Japon, dépassaient500 milliards de dollars et en 2000 elles atteignaientenviron 800 milliards de dollars (Park et Wang,2000). La mise en commun des réserves pourrait êtrecomplétée par des accords régionaux d’emprunt entreles banques centrales de la région, inspirés desaccords généraux d’emprunt (AGE) du FMI, commel’a récemment proposé Singapour.

Des arrangements tels que la mise en commundes réserves nationales ou des mécanismes d’échange

entre banques centrales peuventcertainement beaucoup contri-buer à stabiliser les taux dechange, même lorsqu’ils n’asso-cient que des pays endéveloppement. Toutefois, il estprobable qu’ils seront plusefficaces pour limiter la volatilitéà court terme et répondre à desattaques spéculatives isolées quepour éviter les crisessystémiques. Vu le compor-tement grégaire des investisseurs

et des spéculateurs, et la rapidité et l’ampleur de lacontagion, il pourrait être impossible de préserver undispositif de ce type en temps de crise uniquement enpuisant dans les réserves nationales des membres s’iln’y a pas de possibilité de faire appel à un prêteur endernier recours à l’échelon régional. De plus, il seraittrès coûteux de conserver des réserves internationalesconsidérables à cet effet pour se prémunir contre lespaniques financières. Comme nous le verrons auprochain chapitre, il serait peut-être plus judicieux derecourir à des moratoires unilatéraux et à des mesuresde contrôle des changes et des mouvements decapitaux en cas d’attaques spéculatives.

Tout dispositif monétaire régionaldoit être complété par des

mécanismes de soutien de lamonnaie régionale pour éviter que

les taux de change sortent desfourchettes de fluctuation et pour

décourager les attaquesspéculatives.

Pour les pays en développement, lagestion du taux de change par

rapport aux trois grandesmonnaies de réserve est une tâche

extrêmement ardue, qu’elle sefasse dans le cadre d'une unionmonétaire ou d’un mécanisme

type SME.

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116 Rapport sur le commerce et le développement, 2001

Dans un monde caractérisé par une instabilitéfinancière systémique globale, tout arrangementrégional conçu pour stabiliser les taux de change etéviter les crises, et mieux les gérer si elles seproduisent quand-même, doit êtrecomplété par d’autres méca-nismes visant à renforcer lasurveillance régionale, à amé-liorer l’information et à donnerune alerte rapide. Des réformesnationales resteraient nécessairesdans bon nombre des domainesexaminés au chapitre précédentpour donner à la coopérationrégionale des bases solides. Demême que des mesures internes,si elles ne sont pas complétéespar des arrangements mondiaux,ne suffiront jamais à assurer uneplus grande stabilité financière, des arrangementsrégionaux risquent de ne pas réussir si les paysconcernés n’appliquent pas des politiques judicieuseset n’ont pas des institutions nationales solides.

Comme l’a montré le cas de l’Europe, la miseen place d’une union monétaire peut être unprocessus long et ardu, qui exige une volontépolitique forte et une "culture de l’intégration

régionale". Des arrangementsrégionaux liant plusieurs mon-naies nationales dans une grillede taux de change peuventrencontrer de sérieuses difficultésmême lorsque les institutionsnéces-saires existent. Il ne serapas facile aux pays en dévelop-pement de reproduire le modèleeuropéen, avec ou sans l’aide destrois grands. Toutefois, lamenace de crises financièresvirulentes et l’absence de progrèsréels dans la réforme de l’archi-tecture financière interna-tionaleont créé un sentiment d’urgence

dans les pays émergents, notamment en Asie de l’Est,qui jugent nécessaire de se doter de mécanismes dedéfense collectifs à l’échelon régional. Dans cesconditions, les initiatives et propositions récentes, simodestes soient-elles, sont les bienvenues.

Notes

1. Par exemple, dans son rapport, la Commissionconsultative sur les établissements financiersinternationaux créée par les Etats-Unis (ce rapport estgénéralement appelé « Rapport Meltzer »),recommande que les pays évitent les paritésajustables. Le FMI, dans le cadre de ses consultationssur les politiques à mener, devrait recommander soitune parité absolument fixe (caisse d’émission oudollarisation), soit un régime de flottement intégral(IFIC, 2000 : 8). Un ancien Secrétaire au Trésor desEtats-Unis a exprimé une opinion similaire : « Dansle cas des pays ayant accès au marché internationaldes capitaux, il faut de plus en plus éviter les régimesintermédiaires de parités ajustables au profit de deuxoptions extrêmes, le flottement intégral ou une paritéfixe, éventuellement appuyée par l’engagement derenoncer à avoir une politique monétaire indé-pendante » (Summers, 2000 : 8).

2. Pour une description de ce processus avantl’expansion récente des flux de capitaux vers les paysémergents, voir Rapport sur le commerce et ledéveloppement 1991 (deuxième partie, chap. III,sect. F) ; Rapport sur le commerce et le

développement 1998 (première partie, chap. III,sect. B); et Rapport sur le commerce et ledéveloppement 1999 (deuxième partie, chap. VI).

3. Par exemple, le programme convenu en 1998 par leBrésil avec le FMI prévoyait un abandon de la paritéfixe au moyen d’une série de dévaluationsprogressives en 1999, ainsi qu’un financementd’urgence, mais cela n’a pas empêché la crise.

4. Cette impossibilité pour un pays d’emprunter dans sapropre monnaie a été qualifiée de « péché originel »(Hausmann, 1999 ; Eichengreen and Hausmann,1999). Son corollaire est que, par définition,l’exposition extérieure globale du pays ne peut pasêtre couverte contre les variations de change.Supposer qu’il soit possible de la couvrir revient àconsidérer que ce pays pourrait emprunter àl’étranger dans leur propre monnaie mais décide dene pas le faire, alors qu’en fait il n’y a toutsimplement pas de marché qui le lui permettrait(Eichengreen and Hausmann, 1999 : 25).

5. Pour une analyse de la situation des années 80 à cetégard, voir Secrétariat de la CNUCED (1987) ;

Comme l’a montré le cas del’Europe, la mise en place d’une

union monétaire peut être unprocessus long et ardu, qui exigeune volonté politique forte et une

"culture de l’intégrationrégionale". Dans ces conditions,

les initiatives et propositionsrécentes, si modestes soient-elles,

sont les bienvenues.

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Régimes de taux de change et possibilités de coopération régionale 117

Akyüz and Dell (1987) ; et Rapport sur le commerceet le développement 1990 (deuxième partie, chap. I).Pour une analyse des situations plus récentes, voirRapport sur le commerce et le développement 1993(deuxième partie, chap. I), Rapport sur le commerceet le développement 1994 (deuxième partie, chap. II),Rapport sur le commerce et le développement 1995(deuxième partie, chap. I), Rapport sur le commerceet le développement 1996 (deuxième partie, chap. I)et Rapport sur le commerce et le développement1999 (chap. III).

6. Pour une analyse des coûts et avantages de la paritéfixe et du flottement, voir Hausmann (1999) et Sachsand Larrain (1999).

7. La première grande initiative politique en faveurd’une union monétaire européenne a été prise en1969 avec l’adoption du Rapport Werner, quiproposait plusieurs étapes : premièrement, uneréduction des marges de fluctuation entre lesmonnaies des Etats membres de la Communauté ;deuxièmement, la libération complète desmouvements de capitaux et l’intégration des marchésfinanciers ; troisièmement, une fixation irrévocabledes taux de change entre les différentes monnaies. En1971, tentant pour la première fois de créer une zonede stabilité monétaire, la CEE a cherché à limiter lamarge de fluctuation entre les monnaies européennes,mais en gardant une certaine souplesse (le serpent).Le serpent n’a pas survécu longtemps àl’effondrement du système de Bretton Woods mais aété ressuscité en 1972 sous l’appellation de « serpent

dans un tunnel », système qui réduisait les marges defluctuation entre les monnaies de la Communauté(serpent), à l’intérieur de marges plus larges defluctuation entre ces monnaies et le dollar (tunnel).Durant la crise monétaire qui a accompagné la crisepétrolière de 1973, ce mécanisme a montré seslimites et différents pays l’ont quitté, jusqu’à lacréation du SME en 1979. Le Royaume-Uni étaitmembre du SME mais n’a participé au mécanisme dechange qu’à partir de 1990. Pour une histoire del’intégration monétaire européenne et une descriptiondu fonctionnement du SME, voir Bofinger andFlassbeck (2000).

8. Pour une analyse utile des mécanismes de soutiendes paiements externes dans la CEE, voir Edwards(1985 : 326-346). Dans le cadre de la création del’Union économique et monétaire, le Fonds européende coopération monétaire, organisme qui administraitles facilités à court terme au titre du soutien financiermutuel, a été liquidé et ses fonctions ont été reprisespar l’Institut monétaire européen (IME).

9. En outre, elle obligeait les pays à prendre les mesuresnécessaires pour assurer le bon fonctionnement dusystème fiscal, du contrôle prudentiel, etc. Pour plusde précisions, voir Akyüz and Cornford (1995).

10. Ce régime est désigné en anglais par le sigle BBC(basket, band and crawl) (Williamson, 2000).

11. On trouve aussi dans ce document une analysedétaillée d’autres propositions de dispositifsrégionaux.

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Gestion des crises et partage du fardeau 119

Chapitre VI

GESTION DES CRISES ET PARTAGE DU FARDEAU

A. Introduction

Un nombre croissant d’observateurs pensentque pour gérer efficacement les crises financièresdans les pays émergents il faut combinerjudicieusement trois types d’intervention : desmesures macroéconomiques à l’échelon national, enparticulier sur le plan monétaire et budgétaire et enmatière d’ajustement du taux de change, la fourniturerapide de liquidités internationales suffisantes,assorties de conditions appropriées, et la mise àcontribution du secteur privé, en particulier lescréanciers internationaux. Rétrospectivement, onconvient aujourd’hui que la réponse internationale àla crise asiatique était loin d’être optimale, en tout casau début. On a trop attendu des mesures nationales, etles hausses de taux d’intérêt et l’austérité budgétaire,plutôt que de rétablir la confiance et de stabiliser lesmarchés, n’ont fait qu’aggraver la récession et lesproblèmes financiers des débiteurs privés. Lesprogrammes de sauvetage internationaux ont étéconçus moins pour protéger les monnaies contre lesattaques spéculatives ou pour financer lesimportations que pour répondre aux exigences descréanciers et préserver la liberté des mouvements decapitaux. Plutôt que de faire contribuer les créanciersprivés à la gestion et au règlement des crises,l’intervention internationale coordonnée par le FMIles a tirés d’affaire1.

Cette forme d’intervention est de plus en pluscritiquée pour des raisons de risque moral et d’équité.On considère qu’elle empêche le marché d’exercer sadiscipline et qu’elle encourage les créanciers à êtreimprudents, puisqu’ils finissent par être rembourséspar des fonds officiels et n’ont pas à assumer lesconséquences des risques qu’ils prennent. Même

lorsque la dette extérieure est une dette privée, cesont en définitive les contribuables du pays débiteurqui paient, car les Etats sont souvent obligés de seporter garants. Parallèlement, les montants querequièrent ces interventions ne cessent de croître etatteignent les limites de ce qui est politiquementacceptable. La mise à contribution du secteur privé apour principal objectif de mieux répartir le fardeau durèglement de la dette entre les créanciers privés etofficiels ainsi qu’entre les débiteurs et les créanciers.

C'est pourquoi les questions de la participationdu secteur privé et de la fourniture d’une aideofficielle pour la gestion et le règlement des crisesfigurent en bonne place dans le débat sur la réformede l’architecture financière internationale depuis lacrise de l’Asie de l’Est. Toutefois, malgré desdiscussions prolongées et une prolifération deréunions et autres forums, la communautéinternationale n’a pas pu se mettre d’accord sur lafaçon de faire participer le secteur privé au règlementdes crises et d’optimiser les prêts officiels en cas decrise. Comme le reconnaît le FMI, on a obtenucertains succès en ce qui concerne la concertationavec le secteur privé, mais il devient de plus en plusclair que la communauté internationale ne disposepas de tout l’éventail des instruments qui seraientnécessaires pour assurer une mise à contributionraisonnable, coordonnée et rapide des créanciersprivés (IMF, 2000a : 10). Dans le présent chapitre,nous étudierons ce problème en décrivant la situationactuelle, en examinant les questions qui restent ensuspens et en évaluant les différentes optionsproposées.

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120 Rapport sur le commerce et le développement, 2001

B. Mise à contribution du secteur privé et restructuration de la dette

Mettre le secteur privé à contribution pour lerèglement des crises financières, c’est faire en sorteque les créanciers internationaux maintiennent ouaccroissent leurs concours aux pays débiteurs qui ontde sérieuses difficultés à s’acquitter de leursobligations financières extérieures, et créer desmécanismes pour modifier les conditions de cesconcours, notamment en ce qui concerne le report deséchéances et les annulations de dette2. A cet égard, ilest utile de faire une distinctionentre les mécanismes visant àéviter les retraits massifs defonds qui rendent la criseinévitable et les mécanismesconçus pour mieux répartir lefardeau du règlement de la criseentre débiteurs et créanciersd’autre part. Dans la mesure oùla mise à contribution du secteurprivé aiderait à empêcher lechacun pour soi et le dépeçage dudébiteur, elle réduirait aussi lefardeau à répartir. Par exemple, un moratoire suivid'un report des échéances peut empêcher qu’une crisede liquidités provoque des faillites généralisées enaidant à stabiliser la monnaie et les taux d’intérêt. Laparticipation du secteur privé au règlement des crisesfinancières n’est donc pas toujours un jeu à sommenulle. Elle peut en outre aider à régler les conflitsd’intérêts entre les créanciers eux-mêmes en assurantun traitement plus équitable.

Les investisseurs étrangers soutiennent souventqu’ils doivent presque toujours assumer leur justepart du règlement des crises financières dans les paysémergents. D’après eux, les banques internationalessubissent des pertes en raison des accumulationsd’arriérés et des faillites, les détenteurs d’obligationsinternationales sont pénalisés parce que les difficultésfinancières des pays débiteurs se répercutent sur lecours des obligations et la plupart des investisseursprivés évaluent leurs positions au prix du marché(Buchheit, 1999 : 6). Les pertes subies sur lesmarchés nationaux des obligations et des actions sontaussi mentionnées en tant qu’exemple de mise àcontribution des investisseurs privés3.

Pour évaluer les pertes subies par les créanciers,il importe de ne pas oublier que, tant que la valeur de

la créance reste inchangée, la perte correspondant à labaisse du cours de l’actif ne représente en fait qu’uneredistribution entre les investisseurs. D’autre part, lespertes nettes des créanciers sont souvent compenséespar les primes de risque sur les prêts aux paysémergents. Par exemple, à la veille de la criseasiatique, la dette bancaire totale des pays émergentsétait de près de 800 milliards de dollars. Si l’onretient une moyenne modeste de 300 points de base,

le rendement de ces créances auseul titre de la prime de risquereprésente plus de 20 milliards dedollars par an, alors qu’on estimeque les pertes subies par lesbanques étrangères sur la base dela valeur marchande de leursactifs4 totalisent quelque60 milliards de dollars pourl’ensemble des crises des paysémergents depuis 1997.

Les investisseurs étrangerssont directement mis à

contribution lorsque leurs créances sont libellées dansla devise du pays débiteur et qu’ils les vendent encatastrophe. Cela les pénalise d’une part endéclenchant une forte chute du cours des actifs etd’autre part en dépréciant la monnaie du paysdébiteur. C’est pourquoi les pays qui empruntentdans leur propre monnaie (ou adoptent commemonnaie une des monnaies de réserve) devraient êtremoins exposés à des crises monétaires et à des crisesd’endettement puisque le montant des perteséventuelles dissuaderait les ventes massives d’actifset les attaques spéculatives.

Toutefois, le fait que la dette extérieure soitlibellée dans la monnaie du pays débiteur n’éliminepas le problème dit de l’action collective : même sicollectivement les créanciers ont intérêt à conserverleurs positions, individuellement, ils ont intérêt à seretirer le plus vite possible, de peur que les autres lefassent avant eux. C’est la raison pour laquelle lescréanciers, en se précipitant en masse vers la sortie,rendent la crise inévitable, ce qui est la principalejustification des moratoires. La chute du prix desactifs et de la valeur de la monnaie est coûteuse nonseulement pour les créanciers, mais aussi pourl’économie du pays débiteur. Dans certains cas, il

La mise à contribution du secteurprivé a pour principal objectif de

mieux répartir le fardeau durèglement de la dette entre les

créanciers privés et officiels ainsiqu’entre les débiteurs et les

créanciers.

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Gestion des crises et partage du fardeau 121

arrive également que les déposants retirent leursfonds des petites banques et des banques à capitauxlocaux, ainsi que des autres établissements financierssimilaires, pour les placer dans des filiales debanques étrangères solidement capitalisées. C’estpour ces raisons que les gouvernements des paysdébiteurs sont souvent forcés de prendre des mesuresafin d’éviter que les investisseurs étrangers prennentla fuite. Ces mesures peuventaller au-delà d’un durcissementde la politique monétaire. Ainsi,au Mexique en 1994, sous lapression du marché, le gouver-nement a dû remplacer les bonsdu Trésor libellés en pesos(cetes) par des bons indexés surle dollar (tesebonos), dansl’espoir que l’élimination durisque de change persuaderait lescréanciers étrangers de rester.Toutefois, cela n’a pas empêchéune fuite généralisée, uneffondrement du peso et une hausse des tauxd’intérêt. C’est pourquoi, même lorsque la detteextérieure est libellée dans la monnaie nationale, desmécanismes visant à mettre à contribution lescréanciers privés par un moratoire et unrenouvellement automatique des prêts peuvent jouerun rôle important dans la stabilisation financière.

Comme nous l’avons vu en détail dans leRapport sur le commerce et le développement 1998,les avantages et les principes fondamentaux d’unerestructuration concertée de la dette sont à la base desprocédures nationales de règlement des faillites. Lechapitre 11 du Code des faillites des Etats-Unis est laréférence la plus souvent citée, mais les autres grandspays industriels appliquent des principes similaires,qui combinent trois éléments essentiels : i) gelautomatique du service de la dette, qui empêche lescréanciers de chercher à dépouiller le débiteur de sesactifs; ii) maintien d’un crédit pour que le débiteurdispose du fonds de roulement nécessaire pour lapoursuite de ses activités; et iii) dispositions relativesà la restructuration de l’actif et du passif du débiteur,telles que renouvellement des crédits, report deséchéances et annulation ou conversion de créances.La manière dont ces différents éléments sontcombinés varie selon les cas, mais l’objectif généralest de répartir le fardeau entre les débiteurs et lescréanciers et d’assurer un partage équitable du coûtdu règlement entre les créanciers.

Ces procédures donnent aux débiteurs le sursisnécessaire pour formuler un plan de restructurationde la dette. En principe, on cherche à obtenirl’assentiment des créanciers pour la restructuration,mais il y a des dispositions visant à éviter lesblocages en prévoyant que le plan de restructurationpuisse être approuvé par une majorité des créanciers,sans que l’unanimité soit nécessaire. Le tribunal des

faillites joue un rôle d’arbitre et de médiateur et, sinécessaire, peut imposer un règlement contraignantpour les créanciers et le débiteur.

Evidemment, l’application des procédures defaillite nationales à des dettes internationales soulèveplusieurs questions complexes. Toutefois, il n’est pasindispensable de mettre en place des procédures defaillite internationale très détaillées pour pouvoir

restructurer les dettes interna-tionales de façon rationnelle.L’essentiel est que le débiteurpuisse imposer un moratoireapprouvé à l’échelon interna-tional. Dans certains cas, il estpossible de trouver un accordavec les créanciers pour unmoratoire volontaire, mais,comme le reconnaît le FMI, encas de sortie massive de capitaux,il peut être difficile de conclureun accord avec tous lesinvestisseurs concernés, tant

résidents que non résidents (IMF, 2000a : 10). Lespays débiteurs ont bien la possibilité d’imposer unesuspension unilatérale des paiements, mais sans baselégale une telle mesure peut créer des incertitudesconsidérables et empêcher une restructurationrationnelle de la dette. De plus, les pays débiteurspeuvent hésiter à appliquer une telle mesure decrainte que les créanciers n’engagent des actions enjustice et ne fassent saisir leurs actifs, et par peurd’endommager durablement leur réputation.

Dans le cas de la dette publique, le moratoireimplique simplement que l’Etat suspende sespaiements, alors que dans le cas de la dette extérieureprivée, il faut imposer un contrôle des changestemporaire qui restreint les paiements à l’étrangerpour certaines opérations, notamment les paiementsd’intérêts. Il peut aussi être nécessaire d’appliquerdes restrictions supplémentaires aux opérations encapital des résidents et des non-résidents (telles quel’achat d’actifs à l’étranger ou le rapatriement defonds détenus par des non-résidents). A l’évidence, lanécessité de prendre de telles mesures additionnellesdépend de l’ampleur des restrictions visant lesmouvements de capitaux qui existent déjà.

Comme la suspension des paiements et lecontrôle des changes doivent être imposés etappliqués dans les plus brefs délais, la décisiondevrait appartenir au pays concerné, sous réserve d'unexamen ultérieur par un organisme international, parexemple le FMI. A l’évidence, pour que le débiteurjouisse de la protection du régime des faillites, ilfaudrait que cette décision ait un caractère exécutoiredevant les tribunaux nationaux. Cela exigerait uneinterprétation assez souple de l’article VIII 2) b) desStatuts du FMI, qui pourrait être faite par le Conseild’administration du FMI, ou une modification desStatuts de façon que cet article s’applique aussi à la

Les pays débiteurs ont bien lapossibilité d’imposer unesuspension unilatérale des

paiements, mais sans base légaleune telle mesure peut créer desincertitudes considérables etempêcher une restructuration

rationnelle de la dette.

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122 Rapport sur le commerce et le développement, 2001

suspension des paiements au titre de la dette. LeCanada a proposé que les membres du FMI s’enten-dent sur une « disposition moratoire d’urgence »(Ministère des finances du Canada, 1998).

Toutefois, comme nous l’avons souligné dans leRapport sur le commerce et le développement 1998,le Conseil d’administration du FMI n’est pas unorgane neutre et on ne peut doncpas s’attendre à ce qu’il joue lerôle d’un arbitre indépendant, carles pays concernés par sesdécisions sont aussi parmi sesprincipaux actionnaires. De plus,comme le Fonds est lui-mêmecréancier et est habilité à imposerdes conditions aux pays emprun-teurs, il peut y avoir un conflitd’intérêts entre lui et lesdébiteurs ainsi que les autrescréanciers. Il conviendrait doncde créer un organe indépendantchargé d’approuver les moratoires. Ce mécanismeserait à bien des égards similaire à celui de l’OMCqui autorise les pays en développement à prendre desmesures d’urgence en cas de difficulté de la balancedes paiements (encadré 6.1).

En ce qui concerne la restructuration des dettesdes emprunteurs privés, on devrait en principe s’enremettre aux procédures de faillite nationales.Toutefois, dans la plupart des pays en développementces procédures sont très insuffisantes (voir chap. IV,

sous-section B.6), et il est essentiel que ces paysmettent en place des procédures appropriées pour larestructuration des dettes privées. Les procéduresordinaires de règlement des faillites peuvent êtreinadaptées et difficilement applicables en cas de crisegénéralisée et il peut devenir nécessaire d’offrir uneprotection générale aux débiteurs lorsque les faillites

prennent un caractèresystémique. Certains auteurs ontproposé d’offrir une protectionquasi-automatique aux débiteursen cas d’alourdissement de leurdette dû à une dévaluationdépassant un certain seuil (Millerand Stiglitz, 1999 : 4). A l’évi-dence, la nécessité d’une telleprotection dépendra du degréauquel les moratoires et lecontrôle des changes permettentd’éviter une brutale dépréciationde la monnaie. Pour la dette

publique, il est difficile d’envisager des procéduresde faillite officielles à l’échelon international, maison pourrait aussi donner aux Etats débiteurs unecertaine protection en cas d’augmentation de la dettedue à l’effondrement de la monnaie. Au-delà, lanégociation entre débiteurs et créanciers paraît être laseule option réaliste. Comme nous le verrons plusloin, cette négociation pourrait être facilitée parl’inclusion de diverses clauses dans les contrats decrédit ainsi que par des interventions appropriées desinstitutions multilatérales de financement.

C. Les débats récents au sein du FMI

Malgré l’intérêt qu’elle présente pour lesdébiteurs comme pour les créanciers, la mise àcontribution du secteur privé au règlement des crisesa été l’un des thèmes les plus controversés du débatsur la réforme de l’architecture financièreinternationale. La communauté internationalereconnaît de plus en plus que le marché ne peutexercer une discipline réelle que si les créanciersdoivent assumer les risques qu’ils prennent, mais ellea été incapable de se mettre d’accord sur la façon d’yparvenir. Selon certains, une approche fondée sur levolontariat, au cas par cas, serait le moyen le plusefficace d’associer le secteur privé au règlement descrises. Pour d’autres, il est préférable d’adopter uneapproche contraignante, fondée sur des règles, dans

l’intérêt de la stabilité financière et de l’équité. Il y adivergence de vues non seulement entre les paysdébiteurs et les pays créanciers, mais aussi parmi lesprincipaux pays créanciers eux-mêmes.

Le principal argument en faveur d’une approchecontraignante fondée sur des règles est quel’approche au cas par cas pourrait déboucher sur untraitement asymétrique, non seulement des débiteurset des créanciers, mais aussi des différents types decréanciers. En outre, elle laisserait aux grands paysindustriels qui ont une influence considérable dansles institutions internationales de financement unemarge de discrétion considérable pour déterminer lanature de l’intervention qu’appellent les crises despays émergents. Les investisseurs et créanciers

La communauté internationalereconnaît de plus en plus que le

marché ne peut exercer unediscipline réelle que si les

créanciers doivent assumer lesrisques qu’ils prennent, mais elle a

été incapable de se mettred’accord sur la façon d’y parvenir.

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Gestion des crises et partage du fardeau 123

Encadré 6.1

LES DISPOSITIONS DU GATT ET DE L’AGCS RELATIVES À LA BALANCEDES PAIEMENTS ET LES RESTRICTIONS DE CHANGE

Les dispositions des articles XII et XVIIIB du GATT de 1994 relatives à la balancedes paiements autorisent les Membres à se soustraire aux obligations qui leur incombenten vertu de l’Accord et à imposer des restrictions à l’importation pour faire face à unebaisse importante de leurs réserves monétaires ou pour y mettre fin, ou pour se garantirun niveau de réserve suffisant pour mettre en œuvre leur programme de développementéconomique1. Les dispositions de l’article XVIIIB (c’est-à-dire la section de l’articleXVIII qui traite de l’aide publique au développement) visent en particulier les difficultésde paiement qui proviennent principalement des efforts faits par un pays pour élargir sonmarché intérieur ou de l’instabilité des termes de l’échange. Les mesures autorisées sontles restrictions quantitatives et des mesures fondées sur les prix. Les Membres peuventappliquer ces mesures à des produits ou groupes de produits bien déterminés. Ilsprennent leurs décisions de façon unilatérale, en en notifiant le Secrétariat de l’OMC, ettiennent ensuite des consultations avec les autres Membres dans le cadre du Comité desrestrictions appliquées à des fins de balance des paiements. Ces restrictions sonttemporaires et sont censées être levées dès que la situation s’améliore. Toutefois, on nepeut pas obliger un Membre à modifier sa politique de développement pour supprimerles restrictions.

L’article XII de l’Accord général sur le commerce des services (AGCS) contient desdispositions similaires : en cas de sérieuses difficultés de la balance des paiements et definancement extérieur, ou de menaces de difficultés de ce genre, un Membre peutadopter ou appliquer des restrictions au commerce des services dans les secteurs danslesquels il a pris des engagements spécifiques, y compris des restrictions visant lespaiements ou transferts associés à des transactions couvertes par ces engagements. Làencore, les restrictions doivent notamment permettre de maintenir un niveau de réservesfinancières suffisant pour la mise en œuvre du programme de développement ou detransition économique du Membre. Les conditions et modalités d’application de cesrestrictions sont similaires à celles qui figurent dans les dispositions du GATT de 1994relatives à la balance des paiements.

A l’évidence, ces dispositions sont conçues pour éviter que des pays soient forcés desacrifier leur croissance et leur développement en raison de difficultés temporaires de labalance des paiements courants, et notamment de la balance commerciale. Les paysn’ont pas le droit d’invoquer ces dispositions directement pour restreindre les opérationsde change et imposer un moratoire temporaire du remboursement de la dette lorsqu’ilsont de graves difficultés de paiement dues à une fuite rapide des capitaux (et qu’ilssubissent donc une crise du compte de capital), mais le fait d’offrir une telle possibilitédans de telles circonstances serait parfaitement conforme à l’esprit de ces dispositions.

________

1 Pour une analyse plus détaillée, voir Jackson (1997, chap. 7) ; et Das (1999,chap. III.3).

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124 Rapport sur le commerce et le développement, 2001

privés, de même que quelques grands paysindustriels, sont de façon générale opposés à desmécanismes contraignants au motif qu’ils créent unrisque moral, qu’ils renforcent indûment le pouvoirde négociation des débiteurs, qu’ils retardent lerétablissement de l’accès aux marchés et qu’ilspeuvent être employés pour renvoyer à plus tard lesajustements nécessaires5.

Le récent débat au sein du FMI concernant laparticipation du secteur privé au règlement des crisesa été axé sur trois mécanismes. Premièrement, il estgénéralement admis que le FMIdevrait s’efforcer, lorsque c’estpossible, d’inciter d’autrescréanciers à prêter à un paysayant des difficultés de balancedes paiements. Si cela n’est pasopportun ou si le secteur privérefuse de participer, le paysdébiteur devrait chercher àconclure avec ses créanciers unaccord sur un moratoirevolontaire. Enfin, on admet qu’endernier recours le pays débiteurpuisse juger nécessaire d’imposerun moratoire unilatéral s’il n’estpas possible de trouver un terrain d’entente. Toutesces mesures devraient être accompagnées par undurcissement de la politique monétaire et budgétaireet un ajustement du taux de change. On peut lire dansle rapport de la réunion du Conseil d’administrationdu FMI consacrée à la participation du secteur privéau règlement des crises financières le passagesuivant :

Les administrateurs sont convenus que, dans lecadre suggéré pour la mise à contribution du secteurprivé, le Fonds devrait adopter une approche souple,et qu’en raison de la complexité des situations, ildevrait soigneusement peser tous les élémentspertinents… Lorsque les besoins de financement dumembre concerné sont relativement modestes oulorsque, même s’ils sont relativement importants, lemembre a de bonnes chances de pouvoir à nouveaufaire appel au marché dans un proche avenir, on peuts’attendre à ce que la conjugaison de mesuresd’ajustement énergiques et de l’appui du Fonds joueun rôle de catalyseur pour inciter le secteur privé às’engager. Toutefois, dans les autres cas, c’est-à-direlorsqu’il est irréaliste de s’attendre à unrétablissement rapide de l’accès au marché à desconditions compatibles avec la viabilité extérieure àmoyen terme, ou lorsque le surendettement estexcessif, il peut être nécessaire d’obtenir un appuiplus concerté des créanciers privés, éventuellementen les faisant participer à la restructuration de ladette…

Les administrateurs ont relevé que les mots« moratoire » ou « gel » désignent un large éventailde mesures visant à réduire le montant net du servicede la dette ou les sorties de capitaux lorsqu’un paysn’a plus accès au marché international des capitaux.

Il peut s’agir aussi bien d’arrangements volontairesconclus avec les créanciers pour limiter le montantnet des sorties de capitaux que de diversesinterventions concertées visant à atteindre cetobjectif.

Les administrateurs ont souligné que laméthode adoptée pour régler les crises ne doit paspermettre aux pays de se soustraire à l’obligation des’acquitter ponctuellement de l’intégralité de leurdette. Néanmoins, dans les situations extrêmes, s’iln’est pas possible de conclure un accord de moratoirevolontaire, les membres peuvent se trouver dans la

nécessité d’imposer un moratoireunilatéral. Les administrateurs ontsouligné qu’une telle mesurerisquerait de déclencher une fuite descapitaux. Ils ont reconnu que si ledurcissement de la politiquefinancière et la flexibilité du taux dechange ne suffisaient pas à mettre unterme à la fuite des capitaux, lemembre concerné devrait sedemander s’il ne serait pasnécessaire de recourir à des mesuresplus restrictives de contrôle deschanges ou des mouvements decapitaux. (IMF, 2000c)6

Certes, il reste toujours lapossibilité d’envisager une vaste opération desauvetage. Certains pays auraient cherché à exclurecette possibilité, mais n’ont pas pu obtenir unconsensus :

Plusieurs administrateurs pensaient que lacontribution du secteur privé devrait être liée auniveau de l’accès du membre concerné auxressources du Fonds. D’après eux, une approchefondée sur des règles donnerait plus de prévisiblitéau cadre suggéré pour la mise à contribution dusecteur privé, et limiterait le risque que lesfinancements publics à grande échelle facilitent ladésertion des investisseurs privés. Toutefois, denombreux autres administrateurs ont souligné que lefait de fixer un plafond pour l’accès aux ressourcesdu Fonds, plafond au-dessus duquel une mise àcontribution concertée du secteur privé seraitautomatiquement requise, pourrait dans certains casempêcher le rétablissement de l’accès au marché d'unmembre ayant de bonnes chances d’obtenir uneparticipation volontaire du secteur privé.

La proposition d’habiliter le FMI à imposer unesuspension des poursuites engagées par les créancierspour donner une protection légale aux débiteurs quiimposent un moratoire temporaire n’a pas non plussuscité l’accord des administrateurs :

La plupart des administrateurs considéraientque, pour montrer qu’il acceptait un moratoireimposé par un membre, le Fonds devrait prendre ladécision de prêter aux pays ayant accumulé desarriérés envers des créanciers privés… Quelquesadministrateurs étaient favorables à une modificationdu paragraphe 2b) de l’article VIII qui permettrait auFonds d’offrir à un membre une certaine protectioncontre le risque de poursuite, en imposant une

La situation actuelle laisse trop dediscrétion au Fonds et à ses

principaux actionnaires en ce quiconcerne les décisions relatives aucalendrier et à l’ampleur de l’aideofficielle que le Fonds apporte aux

pays en crise, ainsi que lesconditions auxquelles cette aide est

subordonnée.

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Gestion des crises et partage du fardeau 125

suspension temporaire des actions engagées par lescréanciers. Les autres administrateurs ne partageaientpas cet avis et ont fait observer que, dans des casrécents, l’engagement de poursuites n’avait pasempêché les débiteurs de trouver un terrain d’ententeavec les créanciers privés.

Il faut certainement une grande souplesse dansla gestion des crises financières car leurs carac-téristiques et leur gravité varient selon les cas.Toutefois, la situation actuelle laisse trop dediscrétion au Fonds et à ses principaux actionnairesen ce qui concerne les décisions relatives aucalendrier et à l’ampleur de l’aide officielle que leFonds apporte aux pays en crise, ainsi que les

conditions auxquelles cette aide est subordonnée, ledegré de participation du secteur privé qu’il convientde rechercher et les circonstances dans lesquelles leFonds devrait approuver des moratoires unilatérauxet des mesures de contrôle des mouvements decapitaux. De façon générale, le cadre proposé nerépond pas aux principales préoccupations des paysdébiteurs concernant le partage du coût du règlementdes crises et les modalités et conditions de l’appui duFMI. De plus, il ne comporte pas de principes clairsvisant à influencer les attentes et le comportementdes débiteurs et des créanciers dans le but de garantirune plus grande stabilité.

D. Aide officielle, risque moral et partage du fardeau

L’exposé ci-dessus donne à penser qu’onaccorde aujourd’hui plus d’importance à la mise àcontribution du secteur privé dans la conception desprogrammes d’aide officiels aux pays ayant desdifficultés financières. Les principaux éléments de lastratégie consistent notamment à employer les fondsofficiels pour inciter les investisseurs et créanciersprivés à apporter un concours, à continuer de prêteraux pays ayant accumulé des arriérés afin de faciliterla conclusion d’un accord entre débiteurs etcréanciers et à subordonner l’aide officielle à uneparticipation préalable du secteur privé. En fait,certains de ces principes ont été appliqués pour lerèglement de la crise de la dette dans les années 80,même si leurs objectifs n’ont jamais été entièrementatteints. Par exemple, dans le cadre du Plan Baker,les crédits officiels aux pays en développementsurendettés étaient censés jouer un rôle de catalyseur,mais les banques commerciales ont refusé de jouer lejeu et de prêter à ces pays. La pratique du FMIconsistant à accorder des prêts à des débiteurs qui ontaccumulé des arriérés sur la dette envers descréanciers privés remonte au Plan Brady de 1989,lorsque les banques commerciales, ayant constituédes provisions suffisantes et réduit leurs créances surles pays en développement, n’étaient plus disposées àcollaborer à une restructuration de la dette du tiersmonde. Par une décision prise en septembre 1998, leConseil d’administration du FMI a officiellementreconnu que ce type de prêt faisait partie de la

politique du FMI, et il a élargi cette pratique de façonqu’elle s’applique également aux obligations et auxcrédits non bancaires, dans l’espoir que cela aideraitles pays qui mettent en œuvre un programmed’ajustement approuvé par le Fonds à restructurerleur dette envers le secteur privé7.

L’importance qu’on accorde aujourd’hui au faitde subordonner l’aide officielle à une participation dusecteur privé impliquerait que les institutionsofficielles s’engagent à ne pas prêter davantage ouannuler une partie de la dette à moins que lescréanciers privés ne fassent eux aussi un effort enreportant les échéances, en accordant de nouveauxcrédits ou en restructurant leurs créances. Cettestratégie vise non seulement à limiter le risque moral(dans le cas des créanciers privés), mais aussi àrépartir équitablement le fardeau entre les créanciersprivés et les créanciers officiels. Son principefondamental est qu’aucune aide publique ne doit êtrefournie si les débiteurs n’obtiennent pas certainsaménagements des créanciers privés et que toutes lescatégories de créanciers privés doivent assumer leurpart du fardeau8. En 1999, les créanciers du Club deParis ont expressément demandé au Pakistan dechercher à obtenir un traitement comparable de sescréanciers privés (porteurs d’obligations) enrééchelonnant ses euro-obligations. Toutefois, ceprincipe ne semble pas avoir été appliqué dans le casdu récent plan d’aide officielle à l’Equateur, le FMIn’ayant pas exigé que ce pays conclue un accord de

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126 Rapport sur le commerce et le développement, 2001

restructuration avec les porteurs de ses obligationsBrady avant de pouvoir obtenir une aide officielle(voir encadré 6.2; et Eichengreen and Ruhl, 2000 :19).

Il ne fait pas de doute que l’importanceaccordée au partage du fardeau et à l’égalité detraitement des créanciers privés et officiels constitueun progrès majeur par rapport aux stratégiesappliquées dans les années 80 etdans les crises les plus récentesdes pays émergents. A cesoccasions, les interventionsofficielles ont été conçuesessentiellement pour faire ensorte que les Etats débiteurscontinuent d’assurer le service deleur dette envers les créanciersprivés et la priorité de la dettemultilatérale n’a pas étécontestée. Toutefois, le fait d’insister sur un partageéquitable du fardeau entre les créanciers n’améliorepas nécessairement la situation en ce qui concerne unaspect plus important encore, celui de la répartitiondu fardeau entre débiteurs et créanciers.

A cet égard, il est essentiel de se demander siune stratégie qui subordonne l’aide officielle à uneparticipation du secteur privé pourrait faciliter unerestructuration plus rationnelle de la dette envers lescréanciers privés. La principale justification de cettestratégie est que, si le Fonds refusait de prêter à unpays en difficulté à moins que les créanciers privés necommencent par prolonger leurs créances, cesderniers s’exposeraient à une cessation de paiementpure et simple, ce qui les encouragerait à négocieravec le débiteur pour conclure un accord. Sonprincipal défaut est que, si la cessation de paiementn’est pas très coûteuse, les créanciers n’auront guèreintérêt à restructurer leurs créances. En revanche, si lecoût risque d’être très élevé, le FMI ne peut pas resterpassif, car la crise menacerait sérieusement lastabilité financière internationale, sans parler de celledu pays concerné. Le refus d’intervention du FMI neserait pas plus crédible que, par exemple, l’annoncepar un gouvernement qu’il n’interviendra pas poursauver les personnes qui ont construit leur maisondans une plaine inondable 9. Ce dilemme est unargument très fort en faveur de règles explicitesinterdisant de construire dans les plaines inondablesou interdisant aux créanciers de « dépecer » ledébiteur10.

Il semble donc qu’une stratégie crédible visant àfaire participer le secteur privé au règlement descrises devrait combiner un moratoire temporaire etune limitation rigoureuse de l’accès aux ressourcesdu Fonds. D’ailleurs, ces dernières années, unnombre croissant d’observateurs se sont prononcés enfaveur d’une telle stratégie 11. Selon certains, onpourrait limiter l’accès aux ressources du Fonds endemandant des taux d’intérêt prohibitifs. Toutefois,

comme il est peu probable que cela suffise à limiterles emprunts d’urgence en cas de crise, il faudracompléter cette mesure par des limites quantitatives.Dans un rapport récent sur la réforme del’architecture financière internationale, le Council onForeign Relations (CFR) des Etats-Unis a soutenuque le FMI devrait appliquer systématiquement unelimite d’accès égale à 100% de la quote-part par an et

à 300% au total, et que les paysdevraient pouvoir imposer unmoratoire unilatéral lorsque cefinancement ne suffit pas àstabiliser le marché financier etla balance des paiements. Lesmontants engagés dans derécentes interventions dans despays émergents en crise, àcommencer par celles menées enfaveur du Mexique en 1995, ontlargement dépassé ces limites,

étant compris entre 500 et 1900% des quotes-parts.

Toutefois, si l’on fixe de telles limites, il faudratenir compte du fait que les quotes-parts du FMI ontaugmenté moins rapidement que la production et lecommerce mondiaux et les flux financiersinternationaux, et que leur niveau actuel n’est peut-être pas adapté pour déterminer le montant desopérations de sauvetage du FMI. D’après uneestimation, si l’on voulait ajuster les quotes-parts enleur appliquant le taux de croissance de la productionou du commerce mondiaux depuis 1945, il faudraitles multiplier par trois ou par neuf respectivement(Fischer, 1999). Dans une proposition antérieureformulée par le FMI à la veille de la crise mexicaine,consistant à créer une facilité de financement à courtterme pour les interventions en cas de crisefinancière, on avait évoqué la possibilité d’unplafonnement à 300% des quotes-parts (voir Rapportsur le commerce et le développement 1998, chap. IV,sect. B.4). Ces montants paraissent plus réalistes queles actuelles limites d’accès ordinaires.

Les ressources du FMI ne sont pas la seulepossibilité de financement d’intervention en cas decrise et, dans de nombreux cas, les concours apportéspar les grands pays créanciers ont été encore plusimportants. Cela a souvent permis à ces pays de faireprévaloir leurs intérêts dans la conception desprogrammes de sauvetage, notamment en ce quiconcerne les conditions dont les prêts sont assortis. Ilest très probable que les grands pays créancierscontinueront d’agir de la sorte dès que leurs intérêtsleur paraissent être en jeu et il se peut même quecertains pays débiteurs préfèrent conclure des accordsbilatéraux avec eux plutôt que de passer par la voiemultilatérale. Toutefois, le plafonnement de l’accèsaux ressources du Fonds devrait être respectéabstraction faite des prêts bilatéraux accordés auxpays en crise. En outre, il est souhaitable deconserver une séparation entre ces arrangements

Une stratégie crédible visant àfaire participer le secteur privé au

règlement des crises devraitcombiner un moratoire temporaire

et une limitation rigoureuse del’accès aux ressources du Fonds.

Page 141: RAPPORT SUR LE COMMERCE ET LE DÉVELOPPEMENT, 2001

Gestion des crises et partage du fardeau 127

Encadré 6.2

QUELQUES RÉCENTS ACCORDS DE RESTRUCTURATIONDE LA DETTE OBLIGATAIRE

Plusieurs accords récents de restructuration de la dette obligataire de pays émergents ont étélargement salués par la communauté internationale au motif qu’ils auraient amené certainsinvestisseurs à abandonner l’idée fallacieuse que les obligations internationales émises par des Etatsétaient à l’abri de toute restructuration (IMF, 2000a : 10). Toutefois, ils montrent aussi que le dispositifinstitutionnel actuel ne comporte pas de mécanisme permettant une restructuration concertée de ladette obligataire des Etats et que le processus peut être complexe et épuisant1. Il n’est pasindispensable que les documents contractuels contiennent une clause d’action collective pour forcer lesporteurs d’obligations à s’asseoir à la table des négociations. Une menace crédible de non-paiementpeut être tout aussi efficace. Toutefois, même ainsi, il n’est pas sûr que les débiteurs obtiennent unallègement sensible de la dette, surtout par rapport à sa valeur au prix du marché.

Le Pakistan a restructuré sa dette obligataire internationale à la fin de 1999 sans invoquer lesclauses d’action collective qui figuraient dans ses contrats, préférant une offre facultative d’échange deses euro-obligations en circulation contre un nouvel instrument d’une durée de six ans, offre qui a étéacceptée par la majorité des porteurs. Les problèmes de communication étaient limités car lesobligations étaient détenues par une poignée d’investisseurs pakistanais. On pense que l’existence declauses d’action collective et d’un trustee, ainsi que le fait que le Club de Paris a demandé au Pakistand’appliquer aux euro-obligations un traitement comparable, s’ajoutant à la menace crédible d’unecessation de paiement, a beaucoup contribué à dissuader les porteurs d’obligations de refuserl’échange2 . Toutefois, les conditions de l’échange étaient plus favorables aux porteurs que le prix dumarché du moment et les nouvelles obligations étaient plus liquides. D’après le FMI, les créanciers ontdû accepter une perte par rapport à la valeur nominale de leurs titres mais pas par rapport à leur valeurmarchande, et même si l’impact initial de la restructuration sur le profil de l’endettement du Pakistan aété légèrement positif, en 2001, on estime que le niveau du service de la dette sera aussi élevé qu’avantla restructuration et il restera plus élevé jusqu’à l’échéance de la nouvelle obligation (IMF, 2000b : 137et tableau 5.2).

L’Ukraine a invoqué les clauses d’action collective incluses dans quatre de ses contratsd’émission d’obligations pour une restructuration qui s’est conclue en avril 2000. Contrairement auxobligations émises par le Pakistan, les obligations ukrainiennes étaient largement réparties dans lepublic, notamment en Allemagne, mais l’Ukraine a néanmoins réussi à obtenir l’accord de plus de 95%des porteurs d’obligations encore en circulation. Comme au Pakistan, l’échange n’a entraîné qu’uneprolongation de la durée de remboursement du principal et aucun allègement de la dette puisque le prixd'échange était en fait supérieur au cours du marché (IMF, 2000b, tableau 5.2).

L’Equateur a commencé à avoir de sérieuses difficultés à verser les intérêts sur ses obligationsBrady à partir du milieu de 1999 et a suspendu ses paiements durant le deuxième semestre. Comme unreport des échéances n’aurait pas suffi, il a cherché à obtenir une importante réduction du montant dela dette en offrant d’échanger les obligations en circulation contre des obligations internationalesémises au cours du marché mais avec une durée de 20 ans. Les porteurs ont refusé cette offre et ont aucontraire voté en faveur d’un remboursement anticipé. Après plusieurs tentatives infructueuses,l’Equateur a invité huit des principaux investisseurs institutionnels détenteurs d’obligations à formerun groupe consultatif, chargé d’offrir un cadre officiel de communication avec les porteursd’obligations mais pas de négocier les conditions d’un échange. A la mi-août, les porteurs ont acceptéd’échanger les obligations Brady que l’Equateur avait cessé de rembourser contre des obligations à 30ans, avec une réduction de 40% du principal, alors qu’à l’époque elles se traitaient sur le marché avecune décote supérieure à 60%. Par conséquent, sur la base de la valeur marchande, les créanciers ontréalisé un gain3.

__________1 A propos de ces restructurations, voir de la Cruz (2000) ; Eichengreen and Ruhl (2000) ; Buchheit (1999) ; et IMF

(2000b ; encadré 5.3).2 On trouvera dans Eichengreen and Ruhl (2000 : 26-28) un point de vue différent sur les effets de la demande du

Club de Paris.3 Pour une analyse de la restructuration de la dette équatorienne, voir Acosta (2000).

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128 Rapport sur le commerce et le développement, 2001

bilatéraux ad hoc et les crédits multilatéraux afin delimiter l’influence de quelques-uns des principauxactionnaires du Fonds sur la politique menée parcelui-ci.

Une des questions fondamentales est de savoirs’il conviendrait de dépasser les limites d’accès danscertaines situations. Par exemple, tout en seprononçant en faveur de limites strictes, le CFRsuggère dans son rapport que dans les rares cas danslesquels la crise paraît systémique (c’est-à-direlorsqu’il y a une crise qui concerne plusieurs pays etque la non-intervention pourrait être une menace pourl’économie mondiale, et qu’en outre les investisseurset créanciers privés ne parviennent pas à faire ladistinction entre les emprunteurs solvables et lesautres), le FMI pourrait recourir à des mécanismes desauvetage « systémiques » (CFRTF, 1999 : 63). LeCFR proposait de créer un mécanisme afin d’éviter lacontagion, qui serait financé par une allocationexceptionnelle de droits de tirage spéciaux (DTS)12 etremplacerait les mécanismes existants du FMI pourles crédits en cas de crise (voir encadré 6.3).

Les préoccupations qui motivent les différentespolitiques de crédit en cas de crise systémique ou non

systémique peuvent être justifiées, mais dans lapratique le dépassement des limites de créditordinaires laisserait une marge de manœuvreconsidérable pour le montage de grandes opérationsde sauvetage et donnerait au FMI un pouvoirdiscrétionnaire excessif. Cela impliquerait notam-ment que, dans le cas des crises qui ne sont pasconsidérées comme systémiques, l’accès des paysconcernés aux ressources du Fonds serait strictementlimité, mais ces pays auraient la possibilité d’imposerun moratoire unilatéral. Toutefois, dans les crisestouchant de grands pays émergents, on continueraitde préférer les opérations de sauvetage multilatéral aumoratoire. Cette hypothèse tendrait à être confirméepar quelques crises récentes : dans le cas du Pakistanet de l’Equateur, les pays en crise ont répudié leurdette (voir encadré 6.2), tandis que dans le cas del’Argentine et de la Turquie le FMI a monté uneopération de sauvetage (voir chapitre II). Dans cesdifférents cas, la crise était due essentiellement aurégime de taux de change appliqué par les paysconcernés et non à un effet de contagioninternationale. Toutefois, on considère généralementqu’en l’absence d’interventions ces crises auraient puse propager à d’autres pays émergents.

E. Arrangements facultatifs et dispositions contractuelles

Comme nous l’avons vu plus haut, on attacheaujourd’hui beaucoup d’importance aux mécanismesincitatifs visant à amener le secteur privé à contribuerà la gestion et au règlement des crises. Toutefois, enraison de certaines caractéristiques de la detteextérieure des pays en développement, il estextrêmement difficile de faire fond sur de telsmécanismes, en particulier lorsqu’il s’agit d’obtenirrapidement une suspension des paiements et unrenouvellement des créances. En particulier, lescréanciers et les débiteurs sont très dispersés et ilexiste une multitude de contrats de crédit, quiprolifèrent en raison de l’intégration et dudéveloppement du marché international des capitauxainsi que d’innovations dans les moyens d’obtenirdes capitaux étrangers. De ce fait, l’efficacité decertains des mécanismes facultatifs employés par lepassé a beaucoup diminué.

L’évolution la plus importante à cet égard estprobablement le fait que les émissions d’obligationsinternationales ont supplanté les crédits bancairesconsortiaux dans le financement des pays émergents;en effet, pour les raisons que nous verrons plus loin,il est beaucoup plus difficile de restructurer une detteobligataire qu’une dette bancaire. Dans l’entre-deux-guerres, époque durant laquelle les pays émergentspouvaient assez facilement accéder au marchéobligataire, il était fréquent que les Etats émettent desobligations. Toutefois, la crise financière mondiale dela fin des années 20 et du début des années 30 aprovoqué de nombreuses cessations de paiement et,par la suite, jusqu’aux années 90, les pays émergentsn’ont plus guère eu recours au marché obligataire. Lapart des obligations dans la dette à long termepublique ou garantie par l’Etat des pays endéveloppement était d’environ 6,5% en 1980, mais

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Gestion des crises et partage du fardeau 129

Encadré 6.3

RÉCENTES INITIATIVES CONCERNANT LES PRÊTS DU FMI EN CAS DE CRISE

Le FMI a pris récemment des mesures pour renforcer sa capacité de financement des pays en crise,même si cette capacité reste inférieure à ce qu’on attendrait d’un véritable prêteur international endernier recours1. La Facilité de réserve supplémentaire (FRS), dont la création a été approuvée par leConseil d’administration du FMI en réponse à l’aggravation de la crise d’Asie de l’Est en décembre1997, est conçue pour apporter aux pays ayant des difficultés de paiement exceptionnelles desconcours illimités, mais dans le cadre d’un accord de confirmation ou d’un accord élargi assorti deconditions très rigoureuses (IMF, 1998 : 7). Toutefois, les moyens de la FRS dépendront desressources du Fonds qui, si l’on en juge d’après les cas récents, sont probablement insuffisantes pourdes interventions de grande ampleur.

La Ligne de crédit préventive (LCP), créée au printemps 1999, est conçue comme une ligne depremière défense sous forme de financements à court terme, qui seraient mis à la disposition des paysayant des problèmes de balance des paiements dus à une contagion financière internationale (IMF,1999). Ainsi, contrairement à la FRS, qui est conçue pour les pays en crise, la LCP est un mécanismepréventif. Les pays peuvent y accéder s’ils remplissent au préalable des conditions concernantdifférents indicateurs macroéconomiques et financiers et respectent des normes internationales dansdes domaines comme la transparence, le contrôle bancaire, la qualité des relations bancaires et desmécanismes de financement du secteur privé. Il faut que les pressions subies par le compte de capital etles réserves internationales du pays demandeur résultent d’une perte soudaine de confiance parmi lesinvestisseurs, déclenchée essentiellement par des facteurs externes. De plus, même s’il n’y a pas delimite expresse quant au montant des fonds disponibles, comme la FSR, la LCP dépend du niveau desressources du Fonds. Au départ, on pensait que son caractère préventif limiterait le montant des tirageseffectifs, et en fait jusqu’à présent aucun pays n’a demandé à en bénéficier. Selon certainsobservateurs, les conditions initiales n’incitaient pas les pays à demander la préqualification car lescommissions et intérêts perçus par le FMI étaient les mêmes pour la LCP que pour la FSR. De plus,l’accès n’était pas automatique, mais subordonné à une évaluation des politiques appliquées par le payset des risques de contagion faite par le Conseil d’administration. En septembre 2000, celui-ci a décidéde réduire les commissions et de permettre un accès automatique dans certains cas, afin d’accroîtrel’utilité potentielle de la LCP (IMF, 2000e), mais celle-ci semble souffrir de problèmes de conceptionplus sérieux. En particulier, les pays semblent vouloir éviter d’y recourir de crainte que les marchésfinanciers internationaux n’interprètent cela comme un signal d’alerte et ne ferment le robinet ducrédit2.

______

1 Pour une analyse de ces mesures, voir IMF (2000d). Pour une analyse des questions que soulève la mise enplace d’un prêteur international en dernier recours, voir Rapport sur le commerce et le développement 1998(chap. IV, sect. B.4), et Akyüz and Cornford (1999).

2 Pour une évaluation antérieure qui va dans le même sens, voir Akyüz and Cornford (1999 : 36). Pour uneévaluation plus récente, voir Goldstein (2000 : 12-13).

par la suite elle a rapidement augmenté pour atteindrequelque 21% en 1990 et près de 50% en 1999 (WorldBank, 2000). Dans le cas de la dette privée nongarantie par l’Etat, la proportion est moins élevée,mais elle a aussi beaucoup augmenté, passantd’environ 1% en 1990 à quelque 24% en 1999.D’après l’Institute of International Finance (IIF),entre 1992 et 1998, sur un total d’environ 1 400

milliards de flux de capitaux nets dans 29 grandspays émergents, 23% provenaient de banquescommerciales et 27% d’autres créanciers privés,essentiellement sous forme d’obligations (IIF, 1999,tableau 1).

Autre évolution importante, les prêts au secteurprivé représentent une proportion croissante des prêtsinternationaux aux pays émergents. Dans les années

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130 Rapport sur le commerce et le développement, 2001

80, la part des dettes publiques ou garanties par l’Etatdans le total de la dette à long terme des pays endéveloppement dépassait 75%, mais elle était tombéeà moins de 60% en 1999. En conséquence, lesdébiteurs sont aujourd’hui beaucoup plus dispersésqu’autrefois. Une grande partie des emprunts dusecteur privé sont des crédits interbancaires, maisdans certains pays émergents les prêts directs auxentreprises ne sont pas négligeables. En Indonésie parexemple, ces prêts représentaient plus de trois quartsde la dette privée. De plus, dans les pays endéveloppement, les crédits bilatéraux représententune proportion croissante de la dette extérieure dusecteur privé, tandis que la proportion des créditsconsortiaux a diminué, ce qui implique aussi une plusgrande dispersion des créanciers. L’univers descréanciers est encore élargi par les mécanismes derefinancement et les produits dérivés, qui permettentde céder l’intérêt économique correspondant à lacréance initiale à un tiers (Yianni, 1999 : 81-84).

D’autres caractéristiques de la dette des paysémergents ont tendance à faciliter la désertion rapidedes créanciers, ce qui réduit les possibilités desolutions concertées. La plus importante est sansdoute le raccourcissement de la durée des créditsbancaires. Au milieu des années 80, les crédits d’unedurée inférieure à un an représentaient quelque 43%du total des crédits bancaires, mais cette proportionest montée jusqu’à près de 60% à la veille de la criseasiatique, avant de retomber ensuite à 50% environ.De même, la multiplication de clauses de défaillancecroisée et de remboursement anticipé, ainsi que lesoptions de remboursement intégrées dans les contratsde prêt permettent à un nombre croissant decréanciers de refuser de participer au règlement d’unecrise, si bien qu’il est plus difficile aux débiteurs etaux créanciers de se mettre d’accord sur un moratoireet une restructuration volontaires 13.

Plusieurs propositions visent à faciliter laparticipation volontaire du secteur privé au règlementdes crises. Pour les analyser, il est utile de faire unedistinction entre les clauses des contrats d'émissiond’obligations et les autres arrangements contractuelsou concertés conçus pour faire contribuer le secteurprivé au règlement des crises.

1. Restructuration des dettes obligataires etclauses d’action collective

Comme nous l’avons déjà signalé, ce n’est quedepuis peu que la communauté internationale (maispas nécessairement tous les acteurs des marchésfinanciers) accepte l’idée qu’il pourrait êtrenécessaire de restructurer non seulement les créditsbancaires mais aussi les obligations émises par lesEtats. Les pays émergents qui avaient émis desobligations dans les années 70 et 80 ont généralement

continué de payer les intérêts et de rembourser leprincipal durant la crise de la dette des années 80,tout en restructurant leur dette envers les banquescommerciales, et ce facteur semble avoir beaucoupcontribué à l’expansion rapide des émissionsd’obligations dans les années 90, qui ont souvent étépréférées au crédit bancaire. En raison de cetteexpansion et de la multiplication de crises financièresaiguës, la restructuration de la dette obligataire estamenée à jouer un rôle plus important, en particulierdans le cas des obligations émises par les Etats.

Toutefois, la restructuration d’obligationssoulève de sérieuses difficultés qu’on ne rencontrepas lorsqu’il s’agit de restructurer ou de rééchelonnerdes crédits consortiaux. Premièrement, il y a unproblème de représentation collective qui estbeaucoup plus délicat dans le cas des obligations quedans celui des prêts bancaires. Ce problème est liéaux difficultés de communication entre l’émetteur etles porteurs; en général, les porteurs d’obligationssont anonymes et très diversifiés, et l’on trouve parmieux aussi bien des investisseurs institutionnels quedes particuliers. Cette difficulté de communicationest aggravée par le fait que les obligations sontéchangées sur le marché secondaire. De plus, il y ales obstacles légaux à la création de circuits decommunication entre émetteurs et porteurs, et letraitement des porteurs d’obligations qui neparticipent pas à la restructuration pose desproblèmes délicats, qui varient selon le droitappliqué. Comme les contrats d’émissionsd’obligations sont régis par des législationsdifférentes, il est difficile d’appliquer une procédurede restructuration uniforme. De plus, les dispositionsactuelles encouragent les porteurs à refuser departiciper au règlement et à engager des poursuitescar, contrairement à ce qui se pratiquait dans l’entre-deux-guerres, les Etats qui émettent des obligationssont souvent tenus de renoncer à l’immunitésouveraine. Les Etats débiteurs ne jouissent pas de laprotection accordée aux débiteurs privés par lesprocédures nationales de faillite, qui interdisentsouvent la dissidence des créanciers.

Quelles que soient les dispositionscontractuelles et légales qui régissent une obligation,l’Etat émetteur, lorsqu’il a de graves difficultésfinancières, peut toujours offrir d’échanger lesobligations déjà émises contre de nouvellesobligations assorties de conditions différentes.Toutefois, en raison des problèmes decommunication et du refus de coopération de certainscréanciers, il est difficile de mettre en œuvre de tellessolutions. C’est pourquoi, depuis la crise mexicaine,on incite de plus en plus les pays émergents quiémettent des obligations internationales à incluredans le contrat une clause dite d’action collective,pour améliorer la communication avec les porteurs etfaciliter la restructuration14. Ces clauses paraissentparticulièrement souhaitables dans le cas des Etats,

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Gestion des crises et partage du fardeau 131

qui ne bénéficient pas de la protection du code desfaillites. On peut distinguer trois grands types declauses d’action collective :

• Les clauses de représentation collective, pourdésigner un représentant des créanciers chargé decoordonner les négociations entre l’émetteur et lesporteurs;

• Les clauses de décision àla majorité, qui permettent à unemajorité qualifiée (souvent 75%)des porteurs d’approuver unemodification des conditions deremboursement contraignantepour tous les porteurs, ce quiempêche qu’une minorité bloquela situation; et

• Les clauses de partage,qui visent à faire en sorte quetous les paiements effectués parle débiteur sont répartis entre lesporteurs d’obligations au prorata,et doivent éviter des actions enjustice isolées.

Il convient de signaler quel’inclusion de telles clauses dans les contratsd’émissions d’obligations, là où elles sont autoriséespar la loi, est facultative et dépend souvent desusages. En général, les émetteurs adoptent les usagesen vigueur dans le pays du for. Les émissionsd’obligations régies par le droit anglais ou le droit deNew York ne comportent généralement pas declauses de représentation collective. Les émissionsrégies par le droit anglais contiennent systéma-tiquement une clause de décision à la majorité, maispas celles qui sont régies par le droit de New York,même si celui-ci ne les interdit pas dans le cas desobligations d’Etat. De même, les émissions régies parle droit allemand ou japonais ne contiennent engénéral pas de clauses de décision à la majorité. Enpareil cas, toute modification des conditions deremboursement exige une décision unanime desporteurs. Cela vaut aussi pour les obligations Brady,même lorsqu’elles sont régies par le droit anglais.Apparemment, l’inclusion d’une règle d’unanimitéest la principale raison pour laquelle le plan Brady adû être mis en œuvre sous forme d’un échange decréances contre des obligations, plutôt qu’au moyend’une modification des contrats de prêt existants(Buchheit, 1999 : 9). Les contrats de prêts bancairesconsortiaux contiennent presque toujours des clausesde partage, mais celles-ci sont rares dans lesémissions d’obligations car les investisseursconsidèrent souvent qu’elles empêchent le créancierde faire valoir sa créance15. En raison de l’absence declause de partage et de la renonciation à l’immunitésouveraine, les porteurs d’obligations ont d’amplespossibilités de résister à une restructuration etd’engager des actions en justice pour obtenir unrecouvrement individuel.

D’après les données disponibles, le tiers environdes obligations émises par les pays émergents dansles années 90 étaient régies par le droit anglais; laproportion d’obligations régies par le droit de NewYork était moins élevée, mais supérieure à 25%, etvenaient ensuite le droit allemand (un peu moins d’uncinquième) puis le droit japonais (environ 13%). Ilsemble que les pays émergents d’Asie et surtout

d’Amérique latine ont généra-lement préféré le droit de NewYork à celui de l’Angleterre. Ledroit japonais régit rarement lesémissions d’obligations des paysd’Amérique latine, mais il régitenviron le quart des émissions depays asiatiques, et c’est lecontraire pour le droit allemand.Entre 1995 et 2000, la proportiond’obligations régies par le droitde New York a augmenté, mais ilest difficile de savoir si cela estlié à la multiplication des crisesfinancières dans les paysémergents (Dixon and Wall,2000 : 145-146; Eichengreen and

Mody, 2000a, tableau 1).

On estime que la moitié environ des obligationsinternationales en circulation, y compris celles despays industriels, ne comportent pas de clausesd’action collective, et la proportion est encore plusgrande dans le cas des obligations émises par despays émergents. Les pays émergents craignent queces clauses limitent leur accès au marché etrenchérissent leurs emprunts car elles impliqueraientune plus grande probabilité de défaillance, et insistentdonc pour qu’elles soient introduites d’abord dans lesémissions des pays industriels. Certains paysindustriels, comme le Canada et le Royaume-Uni, ontrécemment décidé d’inclure ou d’élargir les clausesd’action collective dans leurs émissions d’obligationsinternationales, pour encourager les autres pays et enparticulier les pays émergents à y recourir pluslargement. Les organismes représentant lesinvestisseurs internationaux du secteur privéconsidèrent que les clauses de décision à la majoritésont acceptables, à condition que le seuil soit fixéentre 90 et 95%, mais préfèrent les offres d’échangefacultatives, et ils sont opposés à ce que l’on imposel’inclusion d’une clause d’action collective dans lescontrats d’émissions d’obligations (IMF, 2000b :tableau 5.2; Dixon and Wall, 2000 : tableau 2).

L’analyse des données ne permet pas de tirerune conclusion quant à l’incidence des clausesd’action collective sur le coût des obligationsinternationales (BIS, 1999; Eichengreen and Mody,2000b; Dixon and Wall, 2000). En fait, ces clausespourraient avoir deux effets contraires. D’une part,elles peuvent accroître la probabilité de défaillanceaux yeux des investisseurs, puisqu’elles peuvent créer

Les pays émergents craignent queles clauses d'action collective nelimitent leur accès au marché et

renchérissent leurs emprunts, carelles impliqueraient une plus

grande probabilité de défaillance,mais l’analyse des données ne

permet pas de tirer une conclusionquant à l’incidence de ces clauses

sur le coût des obligationsinternationales.

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132 Rapport sur le commerce et le développement, 2001

un risque moral, ce qui impliquerait uneaugmentation de la prime. D’autre part, en cas dedéfaillance, elles aident les investisseurs à recouvrerleurs créances en facilitant la restructuration. L’effetglobal dépend du poids que les investisseursaccordent à ces deux facteurs. Dans le cas des paysayant une bonne note de crédit, l’effet positif pourraitêtre prépondérant si bien que l’inclusion d’une claused’action collective pourrait enfait réduire le coût du finan-cement. En revanche, pour lespays jugés peu solvables, cesclauses pourraient bien accroîtreconsidérablement la prime derisque sur les nouvelles émis-sions d’obligations.

Faute d’une expériencesuffisante, il est difficile de diresi l’introduction de clausesd’action collective dans les contrats d’émissionsd’obligations aurait une grande influence sur larestructuration de la dette16. Quoi qu’il en soit, mêmesi les pays émergents introduisaient rapidement detelles clauses dans leurs nouvelles émissionsd’obligations, cela n’aurait dans un premier tempsqu’une incidence limitée étant donné qu’il existe unstock considérable d’obligations déjà émises qui necomportent pas de telles clauses. En outre, les paysémergents ont rarement invoqué ces clauses, mêmelorsqu’elles figuraient dans les contrats d’émissions,en partie de peur que les assemblées de porteursd’obligations puissent être employées pour mobiliserune opposition contre les tentatives de restructurationde la dette et pour exiger le remboursement immédiat(lequel nécessite en général l’approbation de 25% desporteurs). Il est clair que ces risques ne sont pasnégligeables, car la décision définitive concernant larestructuration appartient aux porteurs d’obligationset l’Etat emprunteur ne peut pas demander auxtribunaux d’approuver le plan de restructuration,comme peuvent le faire par exemple les entreprisesqui ont émis des obligations en vertu de certainesdispositions du Code des faillites des Etats-Unis.

Pour évaluer le rôle que pourraient jouer lesclauses d’action collective dans la mise à contributiondu secteur privé au règlement des crises, il importe defaire une distinction entre les moratoires et larestructuration de la dette. En ce qui concerne lesémissions d’obligations, la pratique actuelle ne laisseguère de possibilités d’obtenir rapidement unmoratoire volontaire17. Pour pouvoir obtenir une telledécision, il faut avoir un interlocuteur représentatif,tel qu’un trustee ou un comité de représentants desporteurs, ainsi que des clauses qui interdisent auxporteurs d’engager des poursuites individuelles et/oudes clauses de partage. Comme on l’a déjà vu, lesinvestisseurs privés sont très opposés à l’inclusion detelles clauses dans presque tous les pays et il est peuprobable qu'elles puissent être introduites sur la base

du volontariat. Les clauses de décision à la majorité àelles seules ne permettent pas d’obtenir un moratoirevolontaire dans des délais relativement brefs nid’imposer cette décision aux porteurs dissidents, carleur application implique une procédure lourde quilaisse aux dissidents largement le temps d’étrangler ledébiteur.

Les investisseurs privés font souvent observerque les grandes crises financièresdans les pays émergents n’ontpas été déclenchées par desinitiatives telles que poursuitesen justice ou par des tentatives dedépeçage émanant des porteursd’obligations de l’Etat, mais parla fuite de capitaux fébriles(Buchheit, 1999 : 7). Cela estcertainement vrai dans le cas del’Asie de l’Est, où la dette

obligataire publique était généralement négligeable.Toutefois, en raison de l’expansion rapide du marchéobligataire, le fait d’accorder aux porteursd’obligations une possibilité illimitée d’engager despoursuites ou d’obtenir la saisie des actifs pourraitêtre une source d’instabilité considérable. Commenous l’avons déjà vu, la volonté actuelle descréanciers officiels de faire participer le secteur privéau règlement des crises ne suffira probablement pas àinciter les créanciers privés à accepter un moratoirevolontaire et un report des échéances en temps decrise.

Les conséquences d’une suspension unilatéraledu remboursement des obligations pourraient êtreplus sérieuses que le fait de ne pas rembourser ladette bancaire, car elles se répercuteraientimmédiatement sur les marchés secondaires. Uneforte hausse de la prime de risque et une chute brutaledu cours des obligations offriraient alors desoccasions extrêmement profitables aux investisseursdits « vautours », qui pourraient acheter lesobligations avec une décote importante et engagerdes poursuites pour s’approprier des actifs18. D’autrepart, comme l’ont montré certaines opérationsrécentes de restructuration de la dette obligataire,même lorsqu’un moratoire unilatéral débouche sur unaccord de restructuration, le processus estgénéralement chaotique et il n’apporte pas toujoursun soulagement notable au débiteur (voir encadré6.2).

Par conséquent, une solution pourrait être decombiner un moratoire contraignant, approuvé àl’échelon international, et des clauses de décision à lamajorité pour empêcher le dépeçage du débiteur etfaciliter la restructuration volontaire. Buiter et Silbert(Buiter and Silbert, 1999) préconisent une approchecontractuelle du moratoire, laquelle exigerait que tousles accords de prêts internationaux comportent uneoption de renouvellement automatique et universel dela dette, moyennant une pénalité. Toutefois, il est peu

En ce qui concerne les émissionsd’obligations, la pratique actuelle

ne laisse guère de possibilitésd’obtenir rapidement un moratoire

volontaire.

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Gestion des crises et partage du fardeau 133

probable qu’une telle clause puisse être introduite surla base du volontariat et cela exigerait donc uninstrument international contraignant. Une autrepossibilité consisterait à habiliter le FMI à imposerou à approuver une suspension du remboursementdes obligations dès le début d’une crise (voir parexemple Miller and Zhang, 1998). Le Fonds pourraitcompléter cette mesure en continuant d’accorder descrédits, si nécessaire, pour éviterque les pays débiteurs soientétranglés par le manque deliquidités et pour encourager unestructuration rapide. Larestructuration elle-même devraitêtre régie par un accordvolontaire entre les porteurs etl’émetteur, sous réserve desobligations figurant dans lecontrat d’émission. Il n’est nipossible ni souhaitabled’habiliter le FMI ou tout autreorganisme international àimposer une restructuration de la dette des Etats, defaçon analogue à ce qui se pratique dans le cas descréanciers privés en vertu des dispositions du chapitre11 du Code des faillites des Etats-Unis. Néanmoins,le Fonds pourrait exercer une influence considérablesur le processus par le biais des conditions auxquellesil subordonne ses prêts.

Selon certains observateurs, des propositionstelles que l’inclusion de clauses d’action collective etla création de comités de porteurs d’obligations sontjudicieuses si la plupart des pays qui subissent unecrise ont des problèmes de fond qui exigent unerestructuration de la dette même en l’absence d’uneopération de sauvetage, tandis que des optionsautomatiques de renouvellement universel de la detteavec pénalités et des moratoires sanctionnés àl’échelon international seraient préférables si aucontraire la plupart des crises sont dues à la fuite descapitaux, ce qui impliquerait pour rétablir l’ordre surle marché financier il suffit de calmer le jeu pendantun certain temps (Eichengreen and Ruhl, 2000 : 4,note 4). Toutefois, les considérations ci-dessusdonnent à penser qu’il faut disposer de ces deux typesd’instruments car le règlement des crises exige à lafois une période de refroidissement et unerestructuration de la dette. Même lorsque la crise estdue à des facteurs fondamentaux, les débiteurs ontbesoin de pouvoir respirer un moment, car lesmarchés ont tendance à réagir de façon excessive, sibien que la dévalorisation des actifs et la baisse dutaux de change vont plus loin que ce qui est justifié,ce qui aggrave les difficultés financières desdébiteurs. Dans ces conditions, un moratoirepermettrait de disposer du temps nécessaire pourconcevoir et mettre en œuvre une solution concertée.

2. Restructuration des prêts bancaires

Pour les raisons que nous avons déjà évoquées,on considère généralement qu’il est plus facile derestructurer la dette bancaire internationale que ladette obligataire publique des pays émergents, étantdonné que dans ce cas il y a plus de possibilités de

concertation et de volontariat. Deplus, la restructuration des créditsconsortiaux dans les années 80 etle renouvellement des créditsbancaires lors des crises récentesde la République de Corée et duBrésil sont souvent mentionnéscomme exemples de succès de larestructuration de la dette ban-caire19. Toutefois, une analyseplus fouillée de ces cas montreque les procédures présentaientde nombreuses lacunes et qu’endéfinitive le secteur privé, loin

d’être mis à contribution, a pu s’en tirer à boncompte.

Un des principaux facteurs qui a facilité lesnégociations avec les banques commerciales dans lesannées 80 est qu’il existait des comités dereprésentants des banques, choisis principalement enfonction de l’importance de leurs créances sur le paysconcerné. A l’évidence, cela a aidé à régler leproblème de la représentation en fournissant un cadrede négociation. De plus, le fait que les contrats decrédits consortiaux comportaient des clauses departage et l’immunité des Etats ont dissuadé lescréanciers d’engager des poursuites contre les paysdébiteurs. Toutefois, les décisions devaient seprendre à l’unanimité des membres du comité, qui enoutre était censé conclure un accord acceptable pourles banques qui n’en faisaient pas partie. Cela laissaiten fait aux banques dissidentes une grande marge demanœuvre, un peu de la même façon que dans le casd’une émission d’obligations ne comportant pas declause de décision à la majorité. Cette dissidence aprolongé les négociations et créé des tensions nonseulement entre les débiteurs et les créanciers maisaussi parmi les créanciers eux-mêmes. Comme l’a ditun des observateurs de la restructuration des dettespubliques dans les années 80, du point de vue del’emprunteur, le principe de l’unanimité entraînetoujours l’adoption du plus petit commundénominateur, c’est-à-dire d’une solution acceptablepour tous les membres du comité, après consultationde leurs mandants. En d’autres termes, chaquebanque participante pouvait empêcher l’adoptiond’un règlement global si elle désapprouvait un seulde ses aspects (de la Cruz, 2000 : 12).

Une solution pourrait être decombiner un moratoire

contraignant, approuvé à l’écheloninternational, et des clauses de

décision à la majorité pourempêcher le dépeçage du débiteur

et faciliter la restructurationvolontaire.

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134 Rapport sur le commerce et le développement, 2001

L’objectif essentiel de ces négociations étaitd’éviter la cessation de paiement et de faire en sorteque le débiteur ait suffisamment de liquidités pourcontinuer d’assurer le service desa dette. L’argent nécessaire étaitfourni par les banquescréancières dans le cadre duprocessus de rééchelonnement,ainsi que par des créanciersofficiels. Cela permettait auxbanques de conserver les actifsdans leur bilan sans violer laréglementation relative à lavaleur des créances. Les prêtsétaient renouvelés lorsqu’ilsarrivaient à échéance, mais il n'yavait ni bonification des tauxd’intérêt ni allègement de la dette envers les banquescommerciales.

Comme nous l’avons indiqué dans le Rapportsur le commerce et le développement 1988, ils’agissait d’un processus concerté, dans le cadreduquel chaque banque rééchelonnait sa créance etapportait des fonds additionnels au prorata de sonexposition, le montant global étant égal à ce qui étaitjugé nécessaire pour éviter l’accumulation d’arriérés.En outre, le FMI subordonnait l’octroi de ressourcesaux pays débiteurs (pour leur permettre de continuerde verser les intérêts dus aux banques commerciales)à une mise à contribution des banques commerciales.En somme, l’intervention officielle consistait àemployer de l’argent public pour payer les banquescréancières, même si elle était en théorie conçue pourles faire participer au règlement de la crise. A l’issuedu processus de restructuration, la dette des pays endéveloppement envers les banques commerciales etles créanciers officiels augmentait, car ils devaientemprunter pour pouvoir continuer de payer desintérêts (Rapport sur le commerce et ledéveloppement 1988, première partie, chap. V).

Ces règlements négociés ont aussi entraîné unenationalisation de la dette privée dans les pays endéveloppement lorsque l’Etat a été forcé à assumerles pertes, si bien qu’en définitive c’est lecontribuable qui a payé. Par exemple, dans le cas duChili, on a fait observer que les dettes privées ont étéincluses dans le rééchelonnement négocié entre l’Etatet le comité des banques créancières étrangères.Apparemment, le gouvernement a cédé à la pressiondu comité. Pour que leurs intentions soientabsolument claires, les banques étrangères ontapparemment limité l’octroi de crédits commerciauxà très court terme au Chili durant le premier trimestrede 1983, comme elles l’avaient déjà fait avec uncertain succès une dizaine d’années auparavant. LeFonds monétaire international, qui a participé auprocessus de rééchelonnement de la dette, n’a pascritiqué en public cette menace (Diaz Alejandro,1985 : 12). Pour l’ensemble de l’Amérique latine,

avant la crise de 1982, les deux tiers environ des prêtsaccordés par des banques des Etats-Unis l’avaient étéà des emprunteurs du secteur privé. En 1983,

première année de larestructuration, la proportion dela dette garantie par l’Etat despays emprunteurs est montéejusqu’à deux tiers et en 1985 ellea atteint 85% (UNCTC, 1991).

Ce processus denégociation interminable entrebanques et débiteurs, avec lamédiation des institutionsinternationales de financement, aduré plusieurs années sansparvenir à résoudre même

partiellement le problème et à éliminer lesurendettement. Les pays en développement trèsendettés contestaient de plus en plus ces acrobatiesfinancières qui les obligeaient à continuerd’emprunter pour assurer le service de leur dette, etqui ont fini par contraindre certains d’entre eux àcesser de verser les intérêts et à engager une bataillejudiciaire avec les banques. De leur côté, lescréanciers aussi commençaient à douter de l’intérêtde jeter de l’argent dans un puits sans fond et se sontmis à revendre leurs créances sur le marchésecondaire dès qu’ils avaient accumulé desprovisions suffisantes. Le Plan Brady a fini parassocier le secteur privé au règlement de la crise,mais le développement des pays débiteurs avait prisdix ans de retard.

Dans les crises financières plus récentes qui onttouché des pays émergents, les banques créancièresont de nouveau pu s’organiser et se regrouper pournégocier avec les débiteurs (avec la République deCorée en janvier 1998 et le Brésil en mars 1999). Làencore, dans les deux cas, la négociation n’a avancéet des accords n’ont pu être conclus qu’après uneaggravation de la crise. Au Brésil, les banques nevoulaient pas reporter les échéances à la fin de 1998et n’ont fini par y consentir qu’après l’effondrementde la monnaie. En République de Corée, legouvernement avait déjà suspendu les paiements à lafin de 1997 et, comme le reconnaît le FMI, l’accordvisant à stabiliser les créances interbancaires sur laCorée a été conclu lorsque la plupart des participantsont compris que les réserves étaient presque épuiséeset que sans accord la cessation de paiement seraitinévitable (IMF, 2000a : note 26). Plusieurs banquesavaient déjà déserté, ce qui a aggravé la panique surle marché des changes.

Dans ces deux cas, la restructuration de la dettea permis de souffler un peu, mais le résultat obtenuest beaucoup moins satisfaisant que si l’on avaitappliqué un moratoire plus tôt. Comme l’a indiqué leGouvernement de la République de Corée dans unrapport ultérieur au G-20, bon nombre desobservateurs qui ont analysé la crise en 1997 et 1998

"Bon nombre des observateurs quiont analysé la crise en 1997 et1998 soutiennent que la Corée

aurait pu régler ses problèmes deliquidités plus tôt si l’on avait

imposé un moratoire au momentoù elle a demandé l’aide du FMI."

Page 149: RAPPORT SUR LE COMMERCE ET LE DÉVELOPPEMENT, 2001

Gestion des crises et partage du fardeau 135

soutiennent que la Corée aurait pu régler sesproblèmes de liquidités plus tôt si l’on avait imposéun moratoire au moment où elle a demandé l’aide duFMI (Ministry of Finance and Economy, Republic ofKorea, 1999 : 13), c’est-à-dire à la fin de novembre199720. En Indonésie, la restructuration s’est faiteencore plus tard qu’en République de Corée (près dehuit mois après le premier programme du FMI) et n’aguère contribué à stabiliser l’économie 21.

Il convient surtout de souligner que cesrestructurations n’ont pas contraint le secteur privé àassumer les risques qu’il avait pris. Dans le cas de laRépublique de Corée, les dettes privées ont éténationalisées par le biais d’une garantie de l’Etat. Ceprocédé a également été employé plus tard pour larestructuration de la dette en Thaïlande et enIndonésie. De plus, les créanciers se sont retrouvés enmeilleure posture après le rééchelonnement : il n’y apas eu d’annulation de créances mais simplement uneprolongation de leur durée, avec une augmentation dela marge d’intérêts. La marge supplémentaire étaitconsidérée comme relativement modeste, notammenten comparaison avec les intérêts demandés par laFacilité de réserve supplémentaire du FMI, mais il nefaut pas oublier que les prêts initialement consentiscomportaient déjà une prime de risque22.

Malgré tous leurs défauts, on s’est aperçu queces opérations de rééchelonnement ne pouvaient pasêtre reproduites dans d’autres pays. D’après le FMI,le succès du rééchelonnement de la dette coréenne aété dû à deux caractéristiques qu’on n’a guère dechances de retrouver dans d’autres cas.Premièrement, la Corée appliquait un régime assezrestrictif au compte de capital, ce qui forçait unegrande partie de l’épargne étrangère importée àpasser par l’intermédiaire des banques coréennes.Deuxièmement, au moment où la crise a éclaté, ladette extérieure de l’Etat coréen était très faible, sibien qu'il a pu se permettre de garantir les dettesprivées (IMF, 1999 : 41-42). Il est donc admis que larestructuration de la dette envers des banquesétrangères peut devenir très difficile lorsque lesdébiteurs sont très dispersés et que les mouvementsde capitaux sont libres. Cette dernière caractéristiquepourrait même dissuader les banques créancières departiciper à la restructuration, car cela permettrait à

d’autres investisseurs de déserter à leur détriment. Ilest aussi admis qu’une restructuration concertée de ladette privée envers les banques internationales dansles pays émergents exige une garantie de l’Etat(pratique héritée des années 80, comme on l’a vu plushaut), alors que cela ne fait pas partie des principesétablis pour le rééchelonnement concerté des dettesprivées.

Le rééchelonnement concerté pose une autredifficulté : il faut que les organes de contrôle desbanques créancières exercent une certaine pressionmorale. En conséquence, les grands pays industrielsont une influence considérable qu’ils n’appliquerontpas toujours de façon prévisible et équitable dans lesdifférentes crises. Comme le reconnaît le FMI, il estprobable que les organes de contrôle bancairehésiteront beaucoup à exercer une pression moralesur les banques qui sont placées sous leur tutelle, saufdans les circonstances extrêmes, en particulier si lacrise du débiteur ne constitue pas une menacesystémique pour le système bancaire national ouinternational (IMF, 1999 : 41-42). Une fois de plus,cela signifie que les pays dont les crises n’ont pas decaractère systémique n’auraient pas d’autre choix qued’imposer un moratoire unilatéral.

On voit donc que, dans le cas des créditsbancaires internationaux aussi, il est très difficile deréaliser une restructuration concertée et rapide pourempêcher que la désertion des créanciers n’entraîneune crise et pour faire en sorte que les créanciersassument les risques qu’ils prennent. Comme dans lecas des dettes obligataires, certaines clausescontractuelles ex ante pourraient faciliter lerééchelonnement. Une des possibilités consisterait àintroduire dans les contrats de crédit interbancairesdes options qui permettraient un renouvellementautomatique dans certaines conditions, par exemple sile pays débiteur demande l’aide du FMI. Toutefois, àmoins que tous les contrats de crédit comportent unetelle clause, le fait de l’inscrire dans les seuls contratsinterbancaires pourrait avoir des effets pervers endéclenchant une fuite des capitaux dès que le paysdébiteur a des difficultés financières et engage desnégociations avec le FMI. Quoi qu’il en soit, il estpeu probable que de telles clauses soient adoptéesvolontairement.

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136 Rapport sur le commerce et le développement, 2001

F. Conclusions

En conséquence, on peut dire que le seul moyenefficace et viable de faire contribuer le secteur privéau règlement des crises dans les pays émergentsserait de combiner des mécanismes volontairesconçus pour faciliter la restructuration de la dette etdes moratoires temporaires, sous réserve d’appro-bation internationale, auxquels le pays débiteurpourrait recourir en cas de besoin. Ces mécanismesdevraient être complétés par la fourniture deliquidités internationales visant essentiellement àaider les pays débiteurs àcontinuer d’importer et àmaintenir leur activitééconomique, et non à leurpermettre de préserver la libertédes mouvements de capitauxpour que les créanciers et lesinvestisseurs privés puissentretirer leurs billes sans subir depertes. En principe, l’accèsordinaire aux mécanismes definancement du FMI, à conditionque les montants pouvant êtremobilisés soient ajustés pour tenir compte del’expansion de la production et du commercemondiaux, devrait suffire à répondre à ces besoins.Dans certains cas des financements additionnelspourraient être nécessaires, mais il ne faut pas oublierque, dès lors qu’on admet des exceptions pour éviterles répercussions à l’échelle mondiale et l’instabilitésystémique, ces exceptions peuvent facilementdevenir la règle, ce qui aggraverait le problème durisque moral. En conséquence, il faudrait auminimum exiger une participation du secteur privé, àpartir du moment où les financements officielsdépassent les limites de prêt normales ou un certainseuil, comme l’ont suggéré certains des admini-strateurs au Conseil d’administration du FMI.

On a écrit beaucoup de choses à propos desavantages et des inconvénients d’une suspensionofficiellement approuvée des paiements pour lerèglement des crises financières dans les paysémergents. Certains grands pays créanciers ainsi quedes investisseurs privés sont très opposés à unesuspension temporaire des poursuites au motif quecela créerait un risque moral et affaiblirait ladiscipline exercée par le marché. Toutefois, cesobjections ont été réfutées de façon convaincante parle Gouverneur adjoint de la Banque d’Angleterre:

Selon certains observateurs, le fait de prévoirexpressément un moratoire pourrait avoir des effetspervers en affaiblissant le principe selon lequel lesdébiteurs doivent s’acquitter ponctuellement del’intégralité de leurs obligations. Toutefois, unmoratoire bien organisé devrait compléter et nonremplacer les forces et la discipline du marché. Ledroit des faillites des entreprises privées s’estdéveloppé lorsqu’il est devenu évident que les forcesdu marché ne faisaient pas que des gagnants et qu’ilfallait régler rationnellement la situation des

perdants. C’est ainsi que le droit desfaillites soutient les mécanismes dumarché.

Lorsque les débiteurs sont desEtats, la situation n’est pasdifférente. Un cadre bien défini pourrégler les problèmes de liquidités desEtats devrait réduire l’inefficience etl’inéquité dues au fait que lesmoratoires et les suspensions depoursuites se font dans le désordre. Ilrenforcerait le marché internationaldes capitaux. Il n’inciterait pas plusles débiteurs à répudier leur detteque le droit des faillites n’incite les

entreprises à se mettre en faillite. (Clementi, 2000)

On craint aussi que la menace d’un moratoireaccélère la fuite des capitaux et aggrave donc la crise.En fait, c’est justement la raison pour laquelle lesmoratoires et les mesures de contrôle des changesdoivent être imposés très rapidement, ce qui impliqueque la décision doive appartenir au pays concerné. Deplus, comme nous l’avons vu plus haut, la menaced’une suspension des paiements devrait inciter lescréanciers à rechercher des solutions concertées, enparticulier pour la dette des Etats, ce qui éviteraitjustement la nécessité d’imposer un moratoire.

Certains soutiennent que les moratoiresempêcheraient les pays débiteurs de retrouverrapidement le chemin des marchés financiersinternationaux et les forceraient à une réductiondraconienne de leurs importations, les forçant àcompter uniquement sur les financements officiels,mais c’est justement pour cela qu’on peut s’attendre àce qu’ils ne recourent à un tel expédient qu’avecprudence. Après tout, les pays qui pourraient avoirbesoin d’imposer un moratoire temporaire sontprobablement ceux qui sont les plus intégrés dans lemarché financier mondial et qui auraient le plus àperdre s’ils prenaient une telle décision à la légère. A

La menace d’une suspension despaiements devrait inciter lescréanciers à rechercher des

solutions concertées, en particulierpour la dette des Etats, ce quiéviterait justement la nécessité

d’imposer un moratoire.

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Gestion des crises et partage du fardeau 137

cet égard, le cas récent de la Malaisie est instructif.La Malaisie a notamment décidé une suspensiontemporaire et sélective des paiements, afin d’éviterune aggravation de la crise monétaire et unemultiplication des faillites. Il n’y a pas eu de sortiesmassives de capitaux lorsque les restrictions ont étélevées en septembre 1999, et en décembre de lamême année la note de crédit de la Malaisie pour sadette en devises a été revue à lahausse et ses relations avec lemarché international des capitauxse sont normalisées23.

Les responsables decertains pays émergentscraignent qu’en incluant dansl’arsenal des mesures prévuespour régler les crises financièresdes moratoires approuvés par lacommunauté internationale, et ensubordonnant la fourniture definancements d’urgence à grandeéchelle à une plus grande mise àcontribution du secteur privé, onlimiterait leur accès au marché international descapitaux. Cette préoccupation est particulièrementcourante dans les pays à revenus moyens dont le tauxd’épargne et le taux d’investissement sont faibles etdont la croissance est irrégulière, et qui ont du mal àattirer des investissements étrangers de création dansle secteur exportateur et à renforcer ce secteur. Cespays sont très tributaires des flux de capitauxétrangers pour couvrir le déficit de leurs opérationscourantes, qui a tendance à se creuser rapidement dèsque la demande intérieure augmente.

Les mesures préconisées ici auraient presquecertainement pour effet de réduire quelque peu lemontant global des flux financiers vers les paysémergents en dissuadant les placements spéculatifs àcourt terme. Toutefois, cela serait plutôt bénéfique,car ces capitaux spéculatifs ne contribuent guère aufinancement du développement, peuvent être trèsdéstabilisateurs et provoquentdes à-coups dans la croissance(voir Rapport sur le commerce etle développement 1999, chap. V,et Rapport sur le commerce et ledéveloppement 2000, chap. IV).Ces mesures se justifient pourdes motifs similaires à ceux quijustifieraient la réglementation etle contrôle des flux de capitauxspéculatifs. Il est souvent tentantpour un pays de s’appuyer surune vague de capitaux étrangerssans tenir suffisamment comptede ses effets à long terme.Toutefois, il est difficile d’obtenir une croissancesoutenue et durable sans faire les réformesnécessaires pour remédier aux obstacles structurels et

institutionnels qui s’opposent à l’accumulation decapital et aux gains de production, réformes quiaideraient aussi à réduire la dépendance à l’égard descapitaux étrangers.

Comme nous l’avons vu plus haut, les risquesde contagion touchant d’autres pays émergentssemblent être la principale raison pour laquelle lesinstitutions internationales de financement ne veulent

pas encourager les pays qu’ellespensent être d’une importancesystémique à imposer des mora-toires. Les effets de contagionmentionnés à cet égard sontnotamment la réduction descréances sur d’autres pays, laliquidation d’actifs sur d’autresmarchés pour couvrir les appelsde marge ou un reflux généraldes fonds placés dans les paysémergents (IMF, 2000a : 22).Toutefois, en faisant dumoratoire un outil normal derèglement des crises, on

influerait sur le comportement des créanciers et desinvestisseurs et la composition des portefeuilles, cequi pourrait réduire ces interactions déstabilisatrices.Surtout, comme nous l’avons déjà indiqué, un telmécanisme de restructuration concertée de la detteperturbe beaucoup moins le fonctionnement dumarché financier international qu’un moratoireunilatéral sauvage.

L’un des plus importants avantages que pourraitapporter la mise à contribution du secteur privé estque cela pourrait influencer les politiques appliquéespar les grands pays créanciers. La politique de tauxd’intérêt et la politique de taux de change de ces paysa un impact considérable sur la compétitivité, labalance des paiements et les mouvements de capitauxdans les pays en développement débiteurs, qu’il n’estpas toujours possible de compenser par des mesuresd’ajustement intérieur. D’ailleurs, la plupart des

grandes crises financières despays émergents ont été associéesà de brutales variations des tauxde change, des taux d’intérêt oude la liquidité dans les grandspays industriels. Ces derniers nes’inquiètent pas toujours desrépercussions mondiales de leurspolitiques, principalement parceque les effets négatifs des crisesdes pays émergents sur leurmarché financier ont pu êtrecontenus, grâce en grande partieaux opérations de sauvetage. Demême, le FMI n’a pas été

capable d’atténuer les effets des brutales variations dela politique monétaire ou de taux de change desEtats-Unis et des autres grands pays de l’OCDE, ce

Les mesures préconisées iciauraient presque certainement

pour effet de réduire quelque peule montant global des flux

financiers vers les pays émergentsen dissuadant les placements

spéculatifs à court terme.Toutefois, cela serait plutôt

bénéfique.

Des mécanismes efficacespermettant d’associer le secteur

privé au règlement des crises dansles pays émergents inciteraient lesgrands pays industriels à mieux

tenir compte des répercussions deleurs politiques, ce que la

surveillance multilatérale n’a paspermis d’obtenir jusqu’à présent.

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138 Rapport sur le commerce et le développement, 2001

qui est dû principalement à l’insuffisance desmodalités actuelles de la surveillance multilatérale(Akyüz and Cornford, 1999 : 31-33). Par conséquent,une meilleure répartition entre les créanciers du coûtdes crise des pays émergents pourrait inciter lesresponsables des grands pays industriels à tenircompte de l’impact que pourraient avoir leurs déci-sions sur ces pays. D’ailleurs, il apparaît que le risquede retombées de la crise en Fédération de Russie ajoué un rôle essentiel dans la décision prise par laRéserve fédérale des Etats-Unis à la fin de 1998 deréduire les taux d’intérêt, alors qu’avant la crise on

s’attendait généralement à ce qu'elle les augmente.Comme chacun sait, le moratoire imposé par laRussie a fait subir des pertes considérables aux créan-ciers et aux investisseurs occidentaux et a menacé decréer un précédent incitant les pays émergents à répu-dier leurs obligations extérieures. On peut doncs’attendre que des mécanismes efficaces permettantd’associer le secteur privé au règlement des crisesdans les pays émergents incitent les grands paysindustriels à mieux tenir compte des répercussions deleurs politiques, ce que la surveillance multilatéralen’a pas permis d’obtenir jusqu’à présent.

Notes

1. Pour une analyse de la réponse à la crise asiatique,voir Rapport sur le commerce et le développement1998 (chap. III); et Rapport sur le commerce et ledéveloppement 2000 (chap. IV).

2. Dans un sens plus large, il s’agit aussi d’accroître latransparence des politiques et d’améliorer ladiffusion des données, car ces mesures semblentessentielles pour que les créanciers et investisseurspuissent évaluer convenablement les risques et sefaire rémunérer en conséquence (voir IMF, 2000b,chap. V).

3. D’après l’Institute of International Finance, les pertessubies par les investisseurs privés depuis 1997 dansles crises des pays émergents ont atteint240 milliards de dollars pour les actionnaires,60 milliards de dollars pour les banquesinternationales et 50 milliards de dollars pour lesautres créanciers privés, si l’on se fonde sur la valeurmarchande des actifs (Haldane, 1999 : 190). Lespertes subies par les banques étrangères dans la criseasiatique sont estimées à quelque 20 milliards dedollars (Zonis et Wilkin, 2000 : 96).

4. Il s’agit des pertes correspondant à l’ajustement aujour le jour en fonction du prix des actifs sur lemarché, par opposition à la valeur comptable ouhistorique.

5. Au sujet de la position du secteur privé, voir IIF(1999), et IMF (2000b).

6. Sauf indication contraire, toutes les citationssuivantes proviennent de la même source (IMF,2000c). Pour une analyse plus détaillée, voir IMF(2000a). Dans un rapport antérieur du G-10, lasolution de la suspension temporaire avait étéenvisagée : « … Dans certains cas exceptionnels, lasuspension du paiement de la dette peut être unélément indispensable du processus de règlement dela crise » (Group of Ten, 1996 : 3). Cette propositiona ensuite été appuyée par le Council on ForeignRelations Task Force (CFRTF); voir CFRTF (1999).

7. Cette mesures avait aussi été proposéeantérieurement par le Groupe de travail du G-10 :« De tels prêts peuvent à la fois être un signe deconfiance envers la politique appliquée par le paysdébiteur et ses perspectives à long terme et unmessage indiquant aux créanciers non remboursésqu’ils ont tout intérêt à conclure rapidement unaccord avec le débiteur » (Group of Ten, 1996 : 3).

8. A propos de ce principe et de son application récente,voir Buchheit (1999); de la Cruz (2000); et IMF(2000b).

9. Pour une analyse de ce problème, voir Kydland andPrescott (1977).

10. Voir Miller and Zhang (1998). Des argumentssimilaires à propos de l’inefficacité des politiquesd’aide officielle pour faire contribuer le secteur privéau règlement des crises ont été employés pourpréconiser l’introduction de clauses d’actioncollective dans les contrats d’émission d’obligations,de manière à faciliter les restructurations (voirEichengreen and Ruhl, 2000).

11. Exception notable, le rapport Meltzer (voirInternational Financial Institutions AdvisoryCommission, 2000) préconise une réduction desconcours du FMI. Pour une analyse du débat sur lesprêts du FMI en période de crise, voir Goldstein(2000).

12. En créant ce mécanisme, tous les membres du Fondsaccepteraient de céder leur part de l’allocation deDTS et se mettraient d’accord sur le fait que seuls lespays en développement auraient droit à y recourir. Acet égard, cette proposition se distingue nettementd’une autre consistant à autoriser le Fonds à émettredes DTS annulables en sa propre faveur, pourfinancer des opérations de prêt en dernier recours (end’autres termes les DTS alloués seraient rachetés unefois la crise passée). Voir Ezekiel (1998); UnitedNations (1999); et Ahluwalia (1999).

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Gestion des crises et partage du fardeau 139

13. Les clauses de remboursement anticipé permettentaux créanciers d’exiger le remboursement immédiatdu principal en cas d'arriéré. Les clauses dedéfaillance croisée leur permettent de réclamer unremboursement anticipé si le débiteur n’a pas honoréd’autres dettes. Les options de remboursement leurpermettent d’exiger le remboursement avant la datecontractuelle sous certaines conditions.

14. Voir par exemple Group of Ten (1996). Cetterecommandation a été répétée après la crise asiatique(voir Group of Twenty-Two, 1998). Pour une analysedes problèmes de restructuration des dettesobligataires et des clauses d’action collective, voirEichengreen and Portes (1995); Sixon and Wall(2000); et Buchheit (1999).

15. Dans le cas des obligations régies par le droit anglaiset émises en vertu d’une convention de fiducie, le"trustee" représente les intérêts de tous les porteurs etpartage tous les fonds recouvrés au prorata.Toutefois, ce dispositif est rarement employé pourles émissions d’obligations d’Etat (voir Yianni,1999 : 79-81; Dixon and Wall, 2000, encadré 1).

16. Au sujet de certains cas récents de restructurationd’obligations émises par des pays émergents, voirencadré 6.2.

17. Ce constat est aussi fait dans IMF (2000a: 16).

18. La crise bulgare de 1996-1997 est souvent citée enexemple de telles situations (Miller and Zhang,1998 : 16).

19. Voir par exemple IMF (1999: 41-42; et 2000b,chap. V) ; et Eichengreen and Ruhl (2000 : 5, note7).

20. Pour des arguments en faveur de cette position,fondés sur l’analyse du régime de contrôle desmouvements de capitaux appliqué en Malaisie, voirKaplan and Rodrik (2000, en particulier p. 27 et 28).

21. Pour une description de la restructuration de la detteen Asie de l’Est, voir Radelet (1999: 66-67).

22. L’accord a porté sur un total de 21 740 millions dedollars de prêts dus à 13 banques, dont la durée a étéprolongée de un à trois ans, avec une majoration dutaux d’intérêt comprise entre 225 et 275 points debase. La marge d’intérêt sur les prêts de la Facilité deréserve supplémentaire était de 300 points de base,soit moins que la marge maximale sur les prêtsrenouvelés mentionnés dans la précédente note(Ministry of Finance and Economy, Republic ofKorea, 1999 : 14).

23. Voir Rapport sur le commerce et le développement2000, encadré 4.1. Le FMI a reconnu qu’en effet lesrestrictions imposées par la Malaisie ne paraissentpas avoir eu d’incidence notable à long terme sur lecomportement des investisseurs (IMF, 2000f, note28). Il suggère que le contrôle des mouvements decapitaux a peut-être entraîné un déclin de l’IED enMalaisie, alors que l’IED a augmenté en Républiquede Corée et en Thaïlande (ibid. : 24), mais il est trèsprobable que le net redressement de l’IED dans cesderniers pays en 1999 a été dû à une vagued’investissements et de rachats d’entreprises déclen-chée par l’effondrement du prix des actifs et du tauxde change.

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