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1 - CHARLES-ROUX (F.), France et Afrique du Nord avant 1830. ?-1t, ' ' Les accords entre le général Clauzel et Hussein Bey, pacha de Tunis par Roland Courtinat A USSI LOIN que l'on remonte dans l'Histoire, les rapports entre la France et la Tunisie ont toujours été empreints de cordialité: peu ont abouti à des aventures belli- queuses. Tunis n'a pas été le but initial de la dernière croisade menée par Saint- Louis, roi de France. Le détour par Tunis en 1270 ne devait être qu'un prologue à la croisade proprement dite, une étape sur la route de l'Orient. Les motifs qui ont déterminé Saint-Louis à cette étape restent obs- curs. Les historiens en sont réduits à des hypothèses. La première est que Saint-Louis obéissait à son frère Charles d'Anjou, comte de Provence, seigneur de Marseille, roi de Naples et de Sicile. Comme souverain italien, Charles convoitait Tunis, continuation géo- graphique de la Sicile. La seconde hypothèse prétend qu'une offre de conversion aurait été réellement faite en octobre 1269 par l'émir de Tunis Mostancir au roi de France, pourvu que les Français viennent le protéger des Infidèles qui trouveraient cno- quante sa conversion. Ces deux pré- somptions, aussi sérieuses et plau- sibles l'une que l'autre, ne peuvent à elles seules expliquer le détourne- ment de la croisade vers Tunis ('). Quoi qu'il en soit, le roi de France Louis IX, chef de la croisade, mourra de la peste à Tunis le 25 août 1270, emportant dans sa tombe la solution « Mort de Saint-Louis à Carthage », extrait de Voyages en Tunisie, de Geneviève Falgas et Sauveur Farrugia, éd. Alan Sutton.

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1 - CHARLES-ROUX (F.), France et Afrique du Nord avant 1830.

?-1t, ' '

Les accords entre le général Clauzelet Hussein Bey, pacha de Tunis

par Roland Courtinat

A USSI LOIN que l'on remontedans l'Histoire, les rapportsentre la France et la Tunisie ont

toujours été empreints de cordialité:peu ont abouti à des aventures belli-queuses.Tunis n'a pas été le but initial de ladernière croisade menée par Saint-Louis, roi de France. Le détour parTunis en 1270 ne devait être qu'unprologue à la croisade proprementdite, une étape sur la route del'Orient. Les motifs qui ont déterminéSaint-Louis à cette étape restent obs-curs. Les historiens en sont réduits àdes hypothèses.La première est que Saint-Louisobéissait à son frère Charles d'Anjou,comte de Provence, seigneur de

Marseille, roi de Naples et de Sicile.Comme souverain italien, Charlesconvoitait Tunis, continuation géo-graphique de la Sicile. La secondehypothèse prétend qu'une offre deconversion aurait été réellement faiteen octobre 1269 par l'émir de TunisMostancir au roi de France, pourvuque les Français viennent le protégerdes Infidèles qui trouveraient cno-quante sa conversion. Ces deux pré-somptions, aussi sérieuses et plau-sibles l'une que l'autre, ne peuvent àelles seules expliquer le détourne-ment de la croisade vers Tunis (').Quoi qu'il en soit, le roi de FranceLouis IX, chef de la croisade, mourrade la peste à Tunis le 25 août 1270,emportant dans sa tombe la solution

« Mort de Saint-Louis à Carthage », extrait de Voyages en Tunisie, de Geneviève Falgas et Sauveur Farrugia,éd. Alan Sutton.

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Expédition deCharles-Quintcontre Tunis.

de l'énigme. La croisade de Saint-Louis clôt une ère; mais elle annonceun développement historique et com-mercial entre les deux pays.Pendant tout le xve siècle les dynas-ties arabes du Maghreb - exceptionfaite du Maroc - s'affaiblissent, puiss'épuisent dans leurs luttes contrel'Espagne. Elles se soumettent à lasuzeraineté, au moins nominale, dusultan de Constantinople. Dès 1520Kheir Ed-Din Barberousse place sousla protection du sultan ottoman cequi devient la Régence turqued'Alger. Le pouvoir de Kheir Ed-Dinen est renforcé, et il se lance dans desopérations guerrières. II prend Bôneen août 1533 et Tunis en août 1534.Charles-Quint reprend Tunis en 1535et la rend au roi dépossédé l'annéeprécédente : Moulay Hassan. De 1535à 1574 Tunis passera plusieurs foisdes mains des Espagnols à celles desTurcs. C'est ainsi que se fondent lesRégences de Tripoli, de Tunis etd'Alger.Le premier souverain français quitiendra compte de ces changementsest François t er . II signera avec le sul-

2 - De l'italienfiumare salato: rivière salée.

tan ottoman Soliman dit « leMagnifique », un traité, appelé les« Capitulations ». Cet accord allait, endéfinitive, privilégier la circulationdes personnes et des produits manu-facturés français dans tout le bassinméditerranéen. Ces Capitulationsfurent à plusieurs reprises renégo-ciées par les différents souverainsfrançais. Le dernier traité de paixentre la République française et laSublime Porte sera signé le 25 juin1802. Ces Capitulations seront à l'ori-gine de l'établissement de centrescommerciaux en Barbarie et auLevant: ce sont les Échelles, qui dure-ront, avec des fortunes diverses, jus-qu'en 1835.En 1581, Henri III avait profité de lavenue à Paris d'une ambassadeturque pour demander au sultand'accepter de mettre une compagniefrançaise en possession du cap Nègreet de Fiumare Salate (2) alors accordéeaux Génois. On sait donc qu'en 1592existait un établissement d'exploita-tion commerciale en Tunisie, et uneCompagnie du corail à Tunis exploi-tée par les Marseillais, et dont on suit

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1 •— M'aie

la trace jusqu'en 1600.Pour lutter contre la cupidité et l'in-solence des pirates, le gouvernementroyal fait bloquer et même canonnerpar une escadre française les ports deLa Goulette, Bizerte et Porto Farinaen 1672. En 1678 le consul de France àTunis et ses nationaux sont traînésdevant le bey et taxés d'une lourdeavanie (1. Mais ces humiliations n'em-pêchent pas les Français de tenir àTunis une place prépondérante, et uncommerce non négligeable pour laville de Marseille. Ils occupent àTunis un fondouk « le plus grand et le

plus beau » de la ville.L'expédition sur l'île de Tabarka,pour venger la perte du cap Nègre, setermina par un désastre en 1741. Legouvernement royal ne chercha pas àtirer parti de cette lamentable aventu-re. En 1742 un traité fut négocié quirétablit la paix entre la France et laRégence de Tunis. La CompagnieRoyale d'Afrique allait connaîtresoixante années de fructueuses activi-tés (3) .Le 14 juin 1830 les troupes françaisesdébarquent sur la plage de Sidi-Ferruch. Après la victoire de Staouéli,

les Français prennent la villed'Alger le 5 juillet 1830. Ledey Hussein, souverain de laRégence turque d'Alger, estdéposé. En France laRévolution de Juillet changede souverain. Le roi Charles Xest remplacé par Louis-Philippe, qui prend le titre de« Roi des Français ». EnAlgérie le comte deBourmont, commandant enchef du corps expéditionnaire,est relevé de son commande-ment. C'est le général Clauzelqui lui succède.Arrêtons-nous un instant surle personnage, ce Gascon vio-lemment critiqué de sonvivant, et tombé dans la trap-pe de l'oubli sitôt disparu.Bertrand Clauzel est né le12 septembre 1772 à Mirepoix.Entré dans la Garde nationalede Mirepoix en juillet 1789, ilest lieutenant de Chasseursl'année d'après, servant surles Pyrénées de 1792 à 1795.Après un passage dans l'ouest

Le Fondouk - Résidence des consuls français au xvne siècle.

* - Avanie, 1557: « imposition infligée par les Turcs aux chrétiens, rançon ».

3 - CHARLES-ROUX (E), op. cit.

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comme chef d'état-major de Grouchy,il passe en Italie et devient général debrigade en 1 799. Il participe à l'expé-dition de Saint-Domingue. Généralde division en décembre 1802, il adiverses affectations en Hollande,Italie, Dalmatie. Baron de l'Empire en1810. En 1813 il commande l'arméedu Nord, qui doit retraiter sur laFrance, où il combat jusqu'en avril.Louis XVIII le fait comte et inspecteurgénéral de l'infanterie. Grand-croixde la Légion d'honneur le 14 février1815, il est Pair de France le 2 juin. Ilse rallie pendant les Cent Jours. À ladeuxième Restauration il s'exile auxEtats-Unis et ne revient en France,amnistié, qu'en 1820. Il est élu députédes Ardennes en 1829. Ses qualités etson expérience acquises à Saint-Domingue (1804), en Illyrie (1809), etsurtout dans les guerres d'Espagne,de 1810 à 1813, le désignent pour lecommandement de l'Arméed'Afrique du 12 août 1830 au21 février 1831. Battu devantConstantine, il doit effectuer uneretraite désastreuse, ce qui lui vautd'être relevé de ses fonctions.Maréchal de France le 27 juillet 1831,il est gouverneur général des posses-sions françaises dans le nord del'Afrique le 8 juillet 1835. Il meurt àSecorrieu le 21 avril 1842.Dès sa prise de commandement àAlger, Clauzel, en bon expert desguerres napoléoniennes d'Espagne, aconscience des difficultés qu'il va ren-contrer pour la pacification de ce quin'est pas encore l'Algérie. Au mois denovembre 1830 il établit une corres-pondance avec le bey de Tunis. IIréserve un accueil amical auxenvoyés du bey, Mohamed,Mustapha Bey (frère du bey) etHassouna l'interprète.Dans une lettre, Clauzel pose la ques-

Mathieu de Lesseps.

canal de Suez) qui est chargé des trac-tations. Hussein Bey accepte en prin-cipe la proposition de Clauzel, maistrouve le montant du tribut troplourd pour ses épaules.L'organisation du pays, l'entretiend'une armée, exigeront des dépensesconsidérables, qui ne pourront êtrerécupérées sur les impôts à percevoirsur les populations. Lesseps consentune remise de 200 000 F.Dans un document sans date (4), le beyde Tunis donne ses instructions auplénipotentiaire tunisien:1 - Acceptation de la souveraineté surConstantine et la totalité de ses terri-toires au profit de son maître, notrefrère le prince Mustapha Bey, en vertud'un accord avec le général qui setrouve à Alger.2 - Le paiement au Gouvernementfrançais en Algérie, du tribut annuelconvenu dont le montant s'élève à1 million de francs, devra s'effectueren quatre tranches trimestrielles et ce,après la prise effective du pouvoir surConstantine et tous ses territoires.3 - II y aura à Constantine un repré-sentant du Gouvernement qui aura

tion de la ces-sion deConstantineau beylik deTunis, moyen-nant un tributannuel de1 200 000 F.C'est Mathieude Lesseps,consul géné-ral de Franceà Tunis (pèrede Ferdinand,qui s'illustre-ra plus tarddans le perce-ment du

4 - SALAH MZALI (Mohamed), Les beys de Tunis et le roi des Français.

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mission de protéger les Français yrésidant ou en un point quelconquede son territoire, comme Annaba,Bjaya, Skikda etc; il s'occupera desintérêts de leur commerce, de leurscultures, de leurs industries et detoutes leurs affaires en général.4 - Les commerçants français établisdans le pays paieront les mêmes taxesqu'ils auraient à payer en Tunisie autitre de la douane, des permis d'ex-portation, etc. Tout Français qui vou-dra entreprendre telle culture qu'il luiplaira pourra le faire librement à laseule condition de payer la dîmecomme les autochtones.5 - Le général résidant à Alger ne feraoccuper par ses soldats les forts deConstantine ou de sa province quesur la demande expresse du bey local.6 - Le Général précité détachera enmission auprès de nous un officier dugénie, un officier d'artillerie etquelques autres officiers instructeurs.II nous enverra également quatrepièces de canon du modèle le plusrécent.7 - Les habitants de Constantine et desa province seront soumis à la législa-tion tunisienne, religieuse et laïque.Ils ne pourront, sans motif légitime,subir d'exaction de la part de qui-conque.8 - La souveraineté de Constantinenous demeurera acquise définitive-ment à perpétuité, avec faculté pournous d'en déléguer l'exercice à quibon nous semble parmi nos prochesparents, sans avoir à craindre aucuneopposition ou contestation. Le géné-ral précité, pris comme représentantdu gouvernement français, nous endonnera la garantie formelle et s'en-gagera à protéger lesdits territoires sinous avons recours à sa protection.9 - Le Général prendra l'engagementde communiquer ces clauses à son

5 - SALAH MZALI (Mohamed), op. cit.

Gouvernement et de nous en remettrela ratification dans le plus bref délai.Dans une lettre à la délégation tuni-sienne du 5 décembre 1830, le secré-taire du général assure les déléguésdes bonnes dispositions qui animentle général à l'égard de Son Altesse leBey de Tunis. Il lui exprime son inten-tion, après la conclusion de cetaccord, d'en négocier un autre ausujet d'Oran. Mais il convient den'entreprendre cet examen qu'aprèsavoir réalisé l'accord sur Constantine.Dans une déclaration verbale le12 décembre 1830, le secrétaire fran-çais s'adresse à l'interprète HassounaOuardiane Bacha, consignée parcelui-ci :« Vous pouvez dire à l'ambassadeur quesi le Gouvernement français a traité avecle Gouvernement tunisien pour la cessionde Constantine et de sa province, c'estqu'il a l'intention de lui confier au boutd'un certain temps la totalité du territoi-re algérien, avec toutes les villes qu'ilcomporte, après la réalisation d'un accordà ce sujet. Vous pouvez considérer commecertain qu'avant deux ans l'Algérie entiè-re sera aux mains du Roi de Tunis, en rai-son de l'amitié qui le lie auGouvernement français » (5) .

Le même tient le lendemain à l'am-bassadeur tunisien les mêmes propostenus la veille à l'interprète tunisien,ajoutant que le Gouvernement fran-çais approuvait tout ce que le généralClauzel avait arrêté avec l'ambassa-deur; que la France et l'Angleterre nepeuvent qu'être favorables aux négo-ciations franco-tunisiennes. Il déclareen outre qu'il ne s'écoulera pas uneannée avant que le Pacha de Tunis nesoit investi de la souveraineté sur latotalité du Royaume d'Alger. Legénéral est sûr d'être rappelé prochai-nement avec ses troupes, ne laissantsur place que les effectifs nécessaires

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à l'occupation des forts. II laisseraitalors un millier de soldats et rentre-rait en France pour effectuer lesdémarches nécessaires. Après l'exé-cution de l'accord et l'occupation dupays par le Gouvernement de Tunis,on procéderait au rapatriement de cessoldats.Le 16 décembre 1830 le généralClauzel, commandant en chef de l'ar-mée française en Afrique, prend unarrêté qui prononce la déchéance dubey actuel de Constantine et statuequ'il sera incessamment pourvu à sonremplacement par Sidi MustaphaBey, prince de Tunis. Un accord inter-vient à Alger le 17 décembre entre legénéral Clauzel et Sidi MustaphaSaheb Ettabaâ, représentant du Beyde Tunis.1 - Son Altesse Hussein Pacha deTunis s'oblige à payer la contributionafférente à la ville de Constantine etaux possessions de terre et de mer quis'y rattachent et dont le montant,pour l'année 1831, s'élève à 800000 F.Le paiement du premier quart s'effec-tuera à Tunis, sous la garantie duPacha de Tunis, dans le courant dumois de juillet; le reliquat de la

contribution sera versé en troistranches successives avant le ter jan-vier qui marque le commencement del'année chez les chrétiens. En confir-mation de cette clause Si Mustapha,garde du sceau, souscrira quatrebillets de 200 000 F chacun au profitdu Trésor français d'Alger.2 - Pour les années ultérieures, lespaiements s'effectueront toujours enquatre tranches trimestrielles totali-sant pour l'année la somme d'un mil-lion. Il n'est pas exclu qu'une réduc-tion de cette somme intervienne dansl'avenir après des négociations à ceteffet.3 - Le Gouvernement français deman-de à Son Altesse Hussein Pacha deTunis de prendre sous sa protectionles bâtiments français, pêcheurs decorail ou autres, qui viendraient àmouiller dans l'île de Tabarka parsuite de fortune de mer ou pour toutautre motif sans que lesdits bâtimentsaient à acquitter quelque taxe que cesoit.4 - Dans les ports de Bône, Stora,Bougie et autres de la province deConstantine, les Français ne paierontque la moitié des droits de douane

Amiot, « Vue de Bougie ».

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qui seront imposés aux autresnations.5 - Tous les revenus de la province deConstantine de quelque nature qu'ilssoient seront perçus par SidiMustapha Bey; il s'agit, bien entendu,des revenus de la ville de Constantineet de toute sa province: montagnes,terres cultivables, possessions deterre et de mer.6 - Le Bey de Constantine accorderatoute protection aux Français etautres Européens qui voudraients'établir sur le territoire deConstantine comme négociants, agri-culteurs, ou en toute autre qualité.7 - Les troupes françaises ne pourrontoccuper le territoire de Constantinequ'après la prise de possession decette province par Sidi Mustapha Beyet en vertu d'une demande de sa part.Au cas où il ferait appel aux ditestroupes, les dispositions nécessairesseront prises d'un commun accordavec le général pour que la mesuresoit profitable aux deux parties inté-ressées.

8 - Si le Pacha de Tunis décide de fairerevenir auprès de lui son frère le prin-ce Mustapha, il devra faire le choixd'un autre membre de sa famille oud'une famille alliée présentant lesqualités requises; il en informera aus-sitôt le général pour avoir son appro-bation(6). Le général Clauzel est presséde mettre à exécution son projet deplacer à la tête de la province del'ouest un prince tunisien désigné parle Bey, et dans les mêmes conditionsque Constantine. II envoie le navire leSphinx, porteur du projet auprès dusouverain tunisien, avec mission derevenir avec la réponse du Bey. Celui-ci demande au consul de France desurseoir d'une dizaine de jours audépart du Sphinx. L'offre d'Oran estacceptée dans les mêmes conditionsque celles de Constantine, à la réserveprès que dans le cas où l'occupationeffective de cette province ne se réali-serait pas, le beylik de Tunis ne seraittenu à aucun paiement.Le Bey précise au consul de Franceque si la province de Constantine ne

6 - SALAH MZALI (Mohamed), op. cit.

Le Sphinx, porteur du projet auprès du souverain tunisien.

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Barthélemy Lauvergne, « Vue du fort de Mers el-Kébir à Oran », (Musée national de la Marine).

se soumet pas à son autorité, il nepaiera pas la contribution prévue.Puisque les Français veulent céder« en bloc » les provinces deConstantine et d'Oran, le Bey deman-de d'attendre le retour de SahebEttabaâ pour en décider. Le consulaccepte d'attendre le retour de SahebEttabaâ.Le Bey veut désigner un hommeparmi les hauts dignitaires de songouvernement pour se rendre à Algeravec 200 soldats des troupes indi-gènes transportés sur le Sphinx. De là,il pourra atteindre Oran et en prendrepossession des mains de ses occu-pants, en attendant un renfort de2 000 hommes venus de Tunisie.Hussein Pacha Bey, qui se donne letitre « d'émir d'Ifriqia », écrit le 5 jan-vier 1831 à Clauzel. II accepte la sou-veraineté sur Oran pour son neveu leprince Ahmed Bey, aux mêmes condi-tions que Constantine, moyennantune contribution de 800 000 F pour lapremière année. Étant entendu que lepaiement de ce tribut ne sera dûqu'après la soumission de toute la

province et l'installation effective dugouvernement d'Oran dans son pou-voir. Les forts de Mers el-Kébir et deSaint-Grégoire seront exclus de laprovince d'Oran et resteront au pou-voir de la France. II rappelle à Clauzelqu'il envoie à Alger, accompagné de200 hommes, un officier de sa maisonqui aura qualité de « khalifat » du gou-vernement d'Oran. II se rendra àOran où le rejoindront 1 000 hommes.Lorsque le khalifat aura rendu comptede la pacification du pays, le princeAhmed Bey partira à son tour avec unnouvel effectif de 1 000 hommes. LeBey supplie Clauzel de ne pas exigerle paiement de la contribution avantque la Tunisie ne soit rentrée dans sesfrais.Toujours en janvier 1831, HusseinPacha Bey écrit de nouveau au géné-ral Clauzel pour l'informer de la rati-fication de l'accord pour la cession deConstantine au prince Mustapha Bey.Il rappelle cependant à Clauzel que lacontribution annuelle ne sera duequ'après la soumission de toute laprovince et l'installation du gouver-

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neur au siège de son gouvernement,avec mainmise sur les revenus dupays. Il réfute aussi la clause n° 3 del'accord relative à la protection desnavires français pêchant le corail àTabarka. En effet, l'île de Tabarka faitpartie de la Tunisie et Constantine nesaurait intervenir dans des affairesintérieures de la Tunisie.Dans sa réponse du 2 février 1831,Clauzel écrit ceci (après les compli-ments d'usage et les formules lauda-tives):« Dans l'arrangement auquel j'ai concou-ru, j'ai cherché à concilier les intérêts dela France et ceux de Tunis, persuadé queles deux pays trouveront un égal avanta-ge dans sa franche et loyale exécution. J'aila confiance que Votre AltesseSérénissime partage ma manière de voir àcet égard et qu'elle ne négligera rien deson côté, pour que le but que nous nousproposons l'un et l'autre soit atteint ».« Je donne à M. Lesseps, notre consulgénéral près de Votre AltesseSérénissime, des instructions sur l'espritdans lequel les actes relatifs aux Beyliksde Constantine et d'Oran doivent êtreinterprétés; s'il est quelques points,Prince, sur lesquels je ne puisse pas adhé-rer aux désirs manifestés par VotreAltesse Sérénissime, j'ose espérer qu'ellesaura apprécier les motifs qui m'empê-chent de me rendre à ses voeux » ( 7) .

Quelques jours après (8 février),Clauzel écrit à Hussein Bey pour l'in-former que le consul général deFrance à Tunis est chargé de fairel'échange des ratifications des arran-gements relatifs au Beylik d'Oran.Dès cette formalité remplie, Clauzelespère que le prince, à qui a été confiéle gouvernement de la provinced'Oran, prenne toutes dispositionspour se rendre à son Beylik.Le même jour (8 février), Clauzel écrit

7 - SALAH MZALI (Mohamed), op. cit., document n° 18.8 - SALAH MZALI (Mohamed), op. cit., document n° 20.

au prince Ahmed Bey pour confirmersa lettre à Hussein Bey. II lui recom-mande de prendre la mer le plus tôtpossible, car son arrivée à Oran inté-resse la France, Tunis, et surtout « lespeuples sur lesquels vous êtes appelé àexercer l'autorité » (8 ).Notre consul général de France àTunis reçoit du ministre des Affairesde France une lettre par laquelle il estpossible que le roi de France nedonne pas suite au traité relatif à laprovince de Constantine. Le19 février 1831, M. de Lesseps eninforme le souverain tunisien.Arrivé en face d'Oran le 9 février1831, le Sphinx, ayant à son bordKhérédine Agha, khalifat du Beyd'Oran, entre en rade de Mers el-Kébir le 10. Le débarquement à Oranne peut se faire laborieusement que le11. Khérédine Agha s'installe avec sestroupes dans le fort dit « El Bordj ElAhmar » et se heurte aussitôt à desdifficultés insurmontables. La plupartdes habitants avaient abandonné laville. Les magasins que Tunisescomptait bien pourvus étaientvides. La situation est tellementtrouble qu'il paraît impossible aukhalifat d'établir pacifiquement l'au-torité de son prince. II écrit à HusseinBey son désappointement. Au géné-ral Clauzel il explique que la situationest loin d'être celle qu'il croyait etréclame son rapatriement immédiat.À partir du début février 1831, unéchange de lettres s'établit entre lesouverain tunisien et le généralClauzel. Hussein Bey exhale son res-sentiment sur la situation àConstantine, où le bey de la province,El Hadj Ahmed Bey, malgré sadéchéance prononcée le 16 décembre,a refusé de faire sa soumission. À

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Le général Bertrand Clauzel.

Oran la situation n'est pas meilleurepuisque le khalifat a dû rembarqueravec ses troupes. Hussein Bey décided'envoyer auprès du gouvernementfrançais Mohamed Ben Ayed qui aurapour mission de discuter les nou-velles propositions du gouvernementfrançais. Clauzel proteste. Toutes lesexplications verbales et écrites qu'il adonnées à son gouvernement au sujetdes difficultés élevées par les conven-tions, celles-ci seront soumises à unenouvelle rédaction; mais sans rienchanger aux garanties.Entre-temps Clauzel a été relevé deson commandement. Il est remplacé àAlger par le général Berthézène, quiporte le titre de commandant la divi-sion d'occupation d'Afrique. Celui-ciest, chargé par le ministre des Affairesétrangères d'ouvrir de nouvellesnégociations relatives aux Beyliks de

Constantine et d'Oran. On ne parleplus des accords conclus avecClauzel.Le 22 avril 1831, M. de Lesseps écrit àHussein Bey : « J'ai reçu de mon gouver-nement une dépêche qui m'annonce queSa Majesté le Roi des Français n'a pasjugé à propos de ratifier le traité relatif àla province de Constantine. [...] SaMajesté a pensé que la forme dans laquel-le il était conçu et même quelques-unes deses stipulations secondaires pouvaientporter une atteinte fâcheuse aux droitsque la France a acquis sur la totalité duRoyaume d'Alger ».Le chef de bataillon Huder est chargépar Berthézène de faciliter le retour àTunis des troupes tunisiennesenvoyées à Oran. Dans une lettre du2 juillet 1831 d'Hussein Pacha Beyadressée au général Berthézène, lesouverain tunisien, devant les nou-velles propositions françaises, renon-

ce aux provinces de Constantineet d'Oran. « Le bien est là où Dieul'a prédestiné ».Le 31 août 1831 le maréchalClauzel (il a été élevé à la dignitéde maréchal le 27 juillet) écrit deParis à son Altesse Royale lePacha de Tunis : « MagnifiqueSeigneur, après les désagréments quevous avez éprouvé et qui ont retardél'expédition contre Constantine, jesens la nécessité de vous faireconnaître que j'étais totalementétranger aux propositions nouvellesqui vous ont été faites, que j'ai tou-jours été ferme comme Votre Altessedans ce que j'avais conclu avec elle,et que j'étais convaincu avec lesministres français que notre traitén'éprouverait que des changementsde rédaction sans importance ».Le maréchal Clauzel est resté tou-jours convaincu de l'opportunitédes accords passés avec HusseinBey. Du point de vue tunisien,l'application des traités conclus

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Roland Courtinat a publié :

- La piraterie barbaresque en Méditerranée xvie - ne siècle , éd. Gandini,2003.- De Metz à Alger. Itinéraire d'un soldat lorrain de l'armée d'Afrique -1845-1847, éd. Gandini, 2005.

Nous adresserons de votre part à la person-ne que vous nous désignerez un exemplaire del'algérianiste ainsi que la plaquette d'infor-mations sur le Cercle algérianiste. Joignez àvotre demande la somme de 8 € par chèque ouen timbres à:

l'algérianiste

l'algérianisteBP 213 - 11 102 Narbonne cedex

avec Clauzel aurait pu soulever desproblèmes dynastiques. Que seserait-il passé en cas de mortd'Hussein Bey, si le prince héritierMustapha était déjà installé au gou-vernement de Constantine? Aurait-ilabandonné ce poste pour recueillirl'héritage tunisien ? Aurait-il étéconsidéré comme déchu de ses droitsde succession? Aurait-il été admis aucumul des deux souverainetés? Lemême problème se serait posé à Oranaprès installation du prince Ahmed(9)

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Clauzel devait se considérer commele maître de la situation. Le momentvenu, il déciderait souverainementsur les difficultés soulevées dans ceshypothèses. Le Bey de Tunis, de soncôté, se réservait de régler seul lesproblèmes de succession. C'est pour-quoi ces questions n'ont pas été sou-levées au cours des négociations.« La vanité blessée de M. Sébastiani fut laseule cause de la non-ratification des trai-

tés. Il était alors ministre des Affairesétrangères, et il trouva très mauvais quecelle-ci eût été conclue sans sa participa-tion. Il ne le cacha pas au général Clauzel,qui répondit avec raison qu'il ne s'agis-sait dans tout cela que de deux nomina-tions de bey dans les provinces acquisesen droit à la France, ce qui n'était pas dutout du ressort du ministre des Affairesétrangères; qu'il avait accepté pour l'exé-cution des clauses financières la cautiondu Bey de Tunis, mais qu'en cela encore iln'était pas sorti de son rôle de général enchef de l'armée d'Afrique. Malgré l'évi-dence de ce raisonnement, leGouvernement n'en persista pas moins àregarder comme non avenus les traitésClauzel » (10).

Le maréchal Clauzel reviendra enAlgérie comme gouverneur généraldes Possessions françaises dans lenord de l'Afrique du 8 juillet 1835 au12 février 1837.

•9 - SALAH MZALI (Mohamed), op. cit.10 - PELLISSIER DE REYNAUD (E.), Annales Algériennes.