récits initiatiques de jean-marie gustave le clezio ... · de récits, le clézio connaît un...
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Rcits initiatiques de Jean-Marie Gustave LE CLEZIO : Mondo et autres histoires
Par
Chotika Techaniyom
Mmoire d'tudes franaises
Diplme de Matrise
Dpartement de Franais
Ecole des Etudes Suprieures
Universit Silpakorn
2002
ISBN 974 - 653 - 277 - 4
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2545
ISBN 974 - 653 - 277 4
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L'Ecole des Etudes Suprieures de l'Universit Silpakorn a accept le
mmoire : Rcits initiatiques de Jean-Marie Gustave LE CLEZIO : Mondo et
autres histoires, propos par Mademoiselle Chotika Techaniyom dans le cadre
des tudes franaises de matrise.
..
(Dr. Chirawan Kongklai, matre assistant)
Doyen de l'Ecole des Etudes Suprieures
Date.mois..anne..
Directrice du mmoire
Dr. Judharat Bencharit, matre assistant
Le jury
.prsident
(Oraphin Jatarupamaya, matre assistant)
//.
...membre
(Dr. Judharat Bencharit, matre assistant)
//.
..membre
(Dr. Suthavadee Nunbhakdi, matre assistant)
//.
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K41413002 : : - / / : - (Rcits initiatiques de Jean-Marie Gustave LE CLEZIO : Mondo et autres histoires) : . . . 97 . ISBN 974-653-277-4. - 8 3 2545 . ...
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K 41413002 : Majeur : Etudes franaises
Mots cls : Jean-Marie Gustave LE CLEZIO / Mondo et autres histoires / le rite dinitiation
Chotika Techaniyom : Rcits initiatiques de Jean-Marie Gustave LE CLEZIO : Mondo et autres histoires. Directrice du mmoire : Dr.Judharat Bencharit, matre assistant. 97 pp. ISBN 974-653-
277-4.
Les huit rcits dans Mondo et autres histoires peuvent tre lus au moyen du schma
initiatique dgag par Simone Vierne dans Rite, Roman, Initiation. Les protagonistes suivent les tapes
du rite dinitiation; phase de la prparation, phase de la mort initiatique et phase de la renaissance, et se
retrouvent la fin dans un tat suprieur. Chacune des phases de linitiation est caractrise par des
motifs initiatiques de diffrents ordres. Leur prsence est tellement forte et incontournable quils
permettent de retracer prcisment litinraire initiatique de chaque rcit.
Dpartement de Franais Ecole des Etudes Suprieures, Universit Silpakorn Anne Universitaire 2002
Signature de ltudiante...
Signature de la directrice du mmoire.
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REMERCIEMENTS
Je veux dabord manifester ici ma reconnaissance la plus profonde
Mme. Judharat Bencharit, ma directrice de mmoire, pour les conseils prcieux
et la remarquable patience quelle ma accords tout au long de ce travail.
Je remercie vivement Mme. Oraphin Jatarupamaya et Mme. Suthawadi
Nunbhakdi pour leurs conseils et leur aide.
Je voudrais galement tmoigner ma reconnaissance tous mes matres
du lyce et tous les enseignants du dpartement de franais de luniversit
Silpakorn pour la formation quils mont donne. Je remercie particulirement
Mme.Amornrat Nikrodhananda et M. Bernard Wirth pour le soutien et leurs
conseils inestimables.
Je ne remercierai jamais assez Mme. Boonma Thaikao pour sa
compassion, sa disponibilit et son soutien toujours chaleureux et efficace.
Je remercie ensuite mes camarades et tous mes amis pour les
encouragements et leur prsence trs motivante.
Je tiens enfin exprimer toute ma gratitude et mon affection mes
parents et lensemble de ma famille, pour leur soutien moral et financier qui
ma permis de poursuivre et de mener bien cette recherche.
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TABLE DES MATIRES
Page
Rsum en tha .
Rsum en franais ..
Remerciements .
Introduction ......1
Chapitre
Chapitre 1 Les rites dinitiation dans Mondo et autres histoires
1. Mondo et autres histoires .....4
1.1 lauteur et sa cration littraire........4 1.1.1 les autres ouvrages de Le Clzio...5
1.1.2 la littrature pour la jeunesse...10
1.2 les personnages en qute.......16
2. Linspiration des rites dinitiation....20
2.1 la notion primitive.21
2.2 la littrature et linitiation..29
Chapitre 2 Les prparatifs initiatiques.......................32
1. Les lments initiatiques...32 1.1 la figure du rite...33
1.2 du monde profane au monde sacr.43
2. la phase de la prparation.47
2.1 la sparation...48
2.2 la purification.54
Chapitre 3 De la mort la renaissance..61
1. La phase de la mort initiatique..62
1.1 le rite dentre...62
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Chapitre 3 (suite) page
1.2 le voyage dans lau-del.. 66
2. La phase de la renaissance... 81
Conclusion 91
Bibliographie 95
Curriculum vitae ..97
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CHAPITRE I
Les rites dinitiation dans Mondo et autres histoires
Treize ans aprs la parution de La Fivre (1965), son premier recueil
de rcits, Le Clzio connat un grand succs grce son deuxime recueil
intitul Mondo et autres histoires. Le public de cet ouvrage leclzien comprend
non seulement les adultes amateurs de littrature contemporaine, mais aussi un
grand nombre de jeunes lecteurs de dix ans ou plus. En fait, cet ouvrage, qui
comprend huit rcits, sadresse tous ceux qui rvent dun ailleurs et ceux qui
aiment le voyage et laventure. Car, dans ce recueil de trois cents dix pages,
Le Clzio ne cesse pas de clbrer la beaut du monde.
Pour lcriture de cet auteur, que nous considrons comme une vraie
uvre dart, nous essayerons de montrer dans ce chapitre, la prsence du vcu
de lauteur dans son texte et les critiques sur cet ouvrage portant sur les thmes
initiatiques. Puis nous tenterons de cerner le concept dinitiation pour
lappliquer lanalyse de Mondo et autres histoires.
I Mondo et autres histoires
1.1 Lauteur et sa cration littraire
Aprs avoir publi Ha (1971), un essai sur la civilisation
amrindienne, Le Clzio a acquis limpression quand il commence crire Mondo et
3Boncenne ( Pierre ), >, Ecrire, Lire et en parler, mode demploi. Paris :
Robert Laffont, 1985, p.80.
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autres histoires. Les protagonistes des huit rcits rassembls dans ce recueil
dcouvrent donc la beaut, la douceur et le merveilleux des lments au lieu de
sen tenir lagression du monde moderne comme les personnages des
ouvrages prcdents. Cette volution de lauteur qui est bien marque dans
notre corpus contribue son succs. Cependant Le Clzio reste en qute de sa
cration littraire et na de cesse den faire ressortir loriginalit.
1.1.1 Les autres ouvrages de Le Clzio
Trs jeune, Le Clzio a dcid dtre crivain. Ainsi, faisant rfrence
son enfance, quand il avait huit ans, il raconte ceci :
Ma mre me fournissait des tickets de rationnement, rests de la
guerre; je rdigeais dessus de courtes histoires que jexpdiais mes
cousines, lle Maurice. Les thmes de ces premiers balbutiements taient
dj ceux de mes livres dadulte4.
Ds la parution de son premier ouvrage, Le Procs-Verbal (1963),
Le Clzio ne cesse de transcrire en prose le flot de sa pense pour garder son
quilibre. Son travail de cration littraire, aussi bien dans la forme que dans le
fond de chaque ouvrage, indique son volution et rvle la cohrence de son
oeuvre.
Refusant toujours la classification en genres littraires, Le Clzio
exprime clairement quil prfre crer son uvre lextrieur des rgles o
lon enferme limagination, > Il dit aussi que :
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un grand essor. Elles simposent une unit daction, de temps et de lieu. Si ces
rgles deviennent liberts, je les accepte avec bonheur6. >>
Ds la parution de La Fivre (1965), son premier recueil compos de
neuf histoires, Le Clzio annonce son refus du genre littraire : > (F.p.8). Cest pourquoi il explique plus tard que
[] nous allons vers une littrature totale qui ne sera ni tout fait
roman, ni tout fait pome ou essai. [] On sapercevra alors que ce qui
compte, cest lensemble de la forme et du personnage, cest lhomme qui
se traduit, qui sexprime8.
Le Clzio continue illustrer ce point de vue dans Mondo et autres
histoires. Le titre du recueil indique son indiffrence quant la distinction des
genres littraires avec le choix du mot > pour caractriser les huit
rcits. Il semble que ce terme qui signifie : et que Kipling, lauteur prfr de Le Clzio, utilise
souvent la fin de ses ouvrages dans la formule : >, sapplique la fois aux diffrents rcits de ce recueil et leur
conception littraire.
Au dire de Le Clzio, ses rcits racontent tous une histoire unique. Il
avoue Pierre Lhoste : > Cette
6 Arts du 10 mars 1965, p.36. 7 Les rfrences aux ouvrages de Le Clzio sont indiques par les abrviations et les sigles suivants : La Fivre (F), Terra Amata (TA), Ha (H), Le Livre des fuites (LF), Le Procs-Verbal (LP), Mondo et autres histoires (MO), LInconnu sur la terre (IT) 8 Arts du 10 mars 1965, p.36. 9 Dictionnaire de la langue franaise Le Petit Robert. Paris, Le Robert, 1093. 10 Lhoste (Pierre), Conversation avec J.M.G. Le Clzio. Paris, Mercure de France, 1971, p.61.
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seule et mme histoire est en fait celle de >.
Dans Le Procs-Verbal, Le Dluge (1966), Terra Amata (1967),
Le livre des fuites (1969), La Guerre (1970) et Les Gants (1973), Le Clzio
donne la cause de cette nostalgie, qui rside dans labsence dunit entre les
tres et les choses dans le monde. Alors, il tente de crer des liens en crivant
les histoires dont les personnages principaux se trouvent en tat de conflit avec
le monde et subissent diverses agressions :
Il y avait la mchancet des hommes, la voracit des animaux, et
lindiffrence des objets. Il y avait tous ces bruits, toutes ces lumires,
toutes ces odeurs, comme autant de coups de poignard qui frappaient tout
le temps dans la chair (TA.,p.28).
Il faut souligner que ds ses premiers ouvrages, les lments et la
nature sauvage causent une agression permanente et un sentiment dinscurit
et de peur chez les personnages : > (H.,p.19).
En plus, la civilisation moderne aggrave la situation, et la ville, au lieu
dtre un refuge pour les personnages, multiplie les agressions. Ils se sentent
ainsi en danger et peroivent la froideur et la laideur de la ville moderne :
Imbcile laideur des villes rpes tales sur le sol ! Solitude des rues
de misre, des terrains vagues de misre ! Casemates ! Prisons des murs de
brique rouge, des cours lpreuses, des cabanes de tle et de carton ! Grand
tas dordures (LF., p.231).
11 Dupont-Monod (Clara), J.M.G. Le Clzio, Page n 66 novembre 2000, pp. 8-9.
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Limage de la ville qui semble anantir lhomme et le mouvement
dsordonn et inutile des hommes et des objets crent une angoisse chez les
personnages principaux. Ils tentent alors de fuir la ville, et puis apprennent
voir et comprendre les lments naturels, moyen de parvenir un tat de
calme intrieur. Ainsi, le personnage principal de Le Procs-Verbal, (LP., p.52).
Le retour un monde de paix fait alors vivre l exprience de la
communion avec lunivers chez les personnages. Cette image de la
rconciliation entre lhomme et le monde naturel chez Le Clzio est prsente
dans Mondo et autres histoires et LInconnu sur la terre, ses deux ouvrages
parus en 1978.
Dans ce recueil dhistoires et cet essai, Le Clzio explique les
changements dans son parcours littraire. Il explique que dans les ouvrages
prcdents, >. Les protagonistes de ce recueil
restent donc inertes, mais satisfaits dtre devant des espaces ouverts comme la
mer, le plateau, la montagne et le ciel.
A loccasion de la parution ces deux ouvrages, Le Clzio donne un
interview Pierre Boncenne, et dit que ces deux livres font tat dune seule et
mme histoire : >
12 Boncenne (Pierre). Op.cit., pp.81-82. 13 Ibid.p.82.
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Ces deux livres non seulement tmoignent de la mme volution de
lcriture de Le Clzio, mais ils se compltent et sclaircissent lun lautre.
Leurs parutions au cours de la mme anne ne sont pas le fait du hasard. Car ils
sont considrs comme . Cest--dire que lun
parat sous une forme narrative, lautre sous une forme explicative. De plus,
Marie Miguet-Ollagnier montre dans son tude que Mondo et autres histoires et
LInconnu sur la terre correspondent >:
Ds les premires lignes de LInconnu sur la terre, Le Clzio dclare sa
volont de nous mettre en communion avec limmensit de lespace : > (IT. p.9). Les huit rcits de Mondo et autres histoires nous y
conduisent de la mme faon.
Plus explicitement, Le Clzio souligne le lien entre ces deux ouvrages
la fin de LInconnu sur la terre :
Je veux crire pour la beaut du regard, pour la puret du langage. Je
veux crire pour essayer de rejoindre le vieil horizon, si net, pareil un fil,
et le ciel clair au-dessus de la mer. Je veux crire pour tre prs des
nuages blancs dans le ciel sombre, prs de la lumire serre du soleil, prs
des cmes des montagnes, l o seuls vont les perviers. Je veux essayer
dtre immdiatement l o il sagrandit et reoit sa joie. Je veux crire
pour tre du ct des animaux et des enfants, du ct de ceux qui voient le
monde tel quil est, qui connaissent toute sa beaut. [] Je veux crire
pour une aventure libre, sans histoire, sans issue, une aventure de terre,
14 Miguet-Ollangnier ( Marie ), Mythanalyses.Paris, Publi-Lux, 1992, p.26. 15 Ibid. p.22.
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deau et dair, o il ny aurait jamais que les animaux, les plantes et les
enfants. Je veux crire pour une vie nouvelle (IT.pp.386-388).
Cet essai lucide lambigut de la signification du titre de recueil.
Nom du protagoniste de la premire histoire, Mondo est choisi par lauteur
pour tre le titre du recueil. Dans ce rcit, Mondo est un garon qui a
lambition deffacer ou abolir (en latin mundo) la sparation entre lhomme et
le monde ( en latin mundus ). Ce vu est exprim dans LInconnu sur la terre :
> (IT.p.117). Nous voyons donc que Mondo, Lullaby,
Daniel, Jon, Alia, Petite Croix et Gaspar ralisent lidal de lauteur : > (IT. pp.142-143). Car ils savent faire
vivre le monde en eux. Le titre Mondo sapplique ainsi parfaitement
lensemble de rcits de ce recueil.
1.1.2 La littrature pour la jeunesse
Lire Le Clzio, cest exprimenter la beaut et la douceur du
monde naturel. Car nous pouvons accompagner les protagonistes jusqu
enlever les espaces de ce monde-l travers la lecture. Tout particulirement
en lisant Mondo et autres histoires, nous pouvons traverser le dsert avec
Gaspar, nous baigner au crpuscule avec Mondo ou bien marcher auprs de Jon
pour monter le mont Reydarbarmur. En plus, nous entendons le bruit de la mer
et du vent aussi bien que le >.
Ce sentiment de pouvoir vivre la mme aventure que des protagonistes
pradolescents et adolescents est peut-tre lune des raisons qui a pouss Pierre
Marchand, le fondateur du dpartement Jeunesse de Gallimard, proposer
Le Clzio la publication de certains de ces rcits dans des ditions destines
la jeunesse.
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Lullaby est le premier rcit choisi pour tre publi dans la collection
> en 1980. >.
Puis, certains rcits dans Mondo et autres histoires et La Ronde et autre faits
divers, le troisime recueil des rcits de Le Clzio paru en 1982, sont publis
par groupes de deux dans la mme collection : Celui qui navait jamais vu la
mer et La montagne du dieu vivant en 1982 , Villa Aurore et Orlamande en
1985 et La grande vie et Peuple du ciel en 1990. Peuple du ciel est aussi
publi sparment dans la collection > en 1991.
Malgr ces parutions, Le Clzio ne modifie jamais ses rcits pour les
adapter au public jeune comme Michel Tournier. Le Clzio pense que la
littrature est comme la dernire aventure des enfants vivants dans le monde
moderne. Les enfants doivent avoir la libert de choisir eux-mmes ce quils
veulent lire pour tre horrifis, rebuts ou passionns quand ils se lanent dans
la lecture. Il souhaite adresser ses textes aux enfants exactement tout comme
aux adultes.
Le Clzio reoit un vif succs chez les jeunes lecteurs. Les quatre
rcits tirs de Mondo et autres histoires entrent enfin dans les programmes
scolaires des coles en France. Cest loccasion dun dialogue entre les petits
lecteurs et Le Clzio :
Jai reu beaucoup de lettres. Jessaye de rpondre, pas toutes les
lettres mais des classes [] Ctaient souvent des questions trs
personnelles et intressantes, pas des questions artificielles [] ou bien
des questions concernant le rapport entre lcrivain et la vie relle,
cest--dire, les enfants vivent dans des villes souvent dans des situations
difficiles. [] Au fond, les questions quils posent tendent prouver cela,
16 L. Beckett (Sandra ), De grands romanciers ecrivent pour les enfants, Montral : Les Presses de lUniversit de Montral, 1997, p.293.
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cest que la littrature doit tre aussi un moyen pour eux dentrer dans la
vie, de comprendre la vie, de trouver leurs propres interrogations17.
Le nom de Le Clzio figure, aujourdhui, parmi les auteurs
contemporains pour la jeunesse, mme si ses ouvrages ne paraissent pas
souvent dans les ditions pour enfants. Aprs la parution de certains textes de
Mondo et autres histoires et La Ronde et autres faits divers que nous avons
dj cits, Voyage au pays des arbres est publi en 1984 dans la collection
> , puis dans la collection >.
Ensuite, Balaabilou, un chapitre tir de Dsert, lun des romans les plus lus de
Le Clzio, parat en 1985 dans > chez Gallimard.
Sirandanes est enfin publi chez Seghers en 1990.
Soulignant le talent de cration littraire de Le Clzio, Jacqueline
Piatier affirme que Le Clzio cre ses ouvrages > , dont les enfants >. Si nous
examinons comment les ouvrages de Le Clzio, surtout Mondo et autres
histoires, mritent la qualification de littrature pour la jeunesse, nous devons
formuler quelques rflexions gnrales.
Tout dabord, les protagonistes sont toujours de jeunes personnages
dans tous les rcits de Mondo et autres histoires. Le choix de lge des
protagonistes de Le Clzio permet aux jeunes lecteurs de sidentifier avec eux.
Ils peuvent partir en voyage avec les hros et les apprhender peut-tre mieux
que les lecteurs adultes. Car ils ont un regard pur et savent crer des liens avec
les choses, les animaux et les lments naturels comme les hros enfantins de
notre corpus. Voici quelques exemples de cette capacit qui caractrisent les
enfants.
17 Ibid., p.294. 18 Piatier ( Jacqueline ), Le Clzio au pays des merveilles, Le Monde : n 9351 , 7 fvrier 1975, p.15.
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Mondo a une relation privilgie avec un bloc de ciment, qui est
sa place prfre : > (MO.,p.18). Daniel traite
un poulpe en ami : > (MO., p.180).
Tous les jours, Petite Croix attend larrive de ses amis : (MO., p.226).
Le Clzio donne vie la lumire, au vent, aux nuages, aux animaux et
aux choses autour des protagonistes. La description du spectacle qui constitue
lentourage des protagonistes donne leur couleur aux huit rcits, surtout La
Montagne du dieu vivant, Celui qui navait jamais vu la mer, Hazaran et
Peuple du ciel, dont les protagonistes sont peu actifs. Cest pourquoi les rcits
de ce recueil nennuient pas le jeune public. Jean Onimus souligne aussi que
>
Puis, nous voyons quelques caractristiques du conte dans Mondo et
autres histoires. Il est clair que Le Clzio sadresse ses auditeurs avec le ton
de conteur : > (MO., p.187). Dailleurs,
des techniques frquentes dans les contes pour les enfants comme la rptition
dune phrase ou dun refrain est bien prsente dans les huit rcits de ce recueil.
Dans Peuple du ciel, la phrase Quest-ce que le bleu? est rpte au long du
rcit et le refrain comme Chevaux, chevaux, petits chevaux du bleu,
19 Onimus ( Jean ). Pour lire Le Clzio , Paris, PUF,1994, p.110.
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emmenez moi en volant, emmenez moi en volant, petits chevaux du bleu
est rcit, les chevaux tant ensuite remplacs par les nuages, les abeilles, les
serpents et les animaux.
En lisant ce recueil, non seulement le jeune public prouve
limpression dtre en train dcouter le conte de la bouche mme de lauteur,
> daprs Germaine Bre20, mais il pntre aussi
dans le monde de merveilles et de magie o les protagonistes le guident. Aux
yeux de Le Clzio, > (IT.,p.45-46).
Ainsi, nous trouvons que le merveilleux et la magie dans Mondo et
autres histoires naissent du rel et du quotidien. Le bruit et les choses
regardes deviennent insolites quand les protagonistes les contemplent. Cest
pour cela que, dans Lullaby,
la jeune fille sarrta dans les rochers pour couter la mer. Elle
connaissait bien son bruit, leau qui clapote et se dchire, puis se runit en
faisant exploser lair, elle aimait bien cela, mais aujourdhui, ctait
comme ci elle lentendait pour la premire fois (MO.,p.86).
Le Clzio prcise que dans la littrature pour la jeunesse, nous pouvons
dcouvrir > Pourtant, il faut savoir regarder les choses autour
de soi avec le regard pur des enfants afin de sentir ce merveilleux. En ce qui
concerne lauteur, lui-mme, il conserve ce regard pour affaiblir sa nostalgie de
lenfance.
20 Bre ( Germaine ). Le Monde fabuleux de J.M.G. Le Clzio . Amsterdam : Rodopi, 1990, p.122. 21 L.Beckett ( Sandra ). Op.cit., p.298.
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Mais, si nous approfondissons le projet de cration chez Le Clzio du
rapport avec les ouvrages pour jeunes lectures, nous trouvons quil refuse
constamment une classification des ouvrages. Il se demande mme sil existe
une littrature pour la jeunesse. Il souligne que > si les
enfants ne peuvent choisir et lire que des ouvrages littraires quon met
sparment dans la bibliothque >.
Ainsi, il crit : >. En tout cas, un crivain
Pour le recueil Mondo et autres histoires, Le Clzio avoue que :
ctait possible de le faire lire aux enfants et peut-tre que ctait
difficile parce que cest un livre que jai crit comme une question
philosophique, ce qui sappelle un koan23 , cest--dire une question qui
doit troubler, qui doit vous interroger au plus profond de vous-mme.[]
Je ne sais pas si les enfants ont la possibilit de sinterroger sur eux-
mmes24.
Mme si le public enfantin natteint pas ce but de la cration littraire
pour ce recueil de Le Clzio, il arrive au moins connatre laventure des
protagonistes, ce qui est une des caractristiques de la littrature pour la
jeunesse et fait cho cette pense de Le Clzio : > .
22 Ibid. p.299. 23 Un koan est un terme employ dans la tradition zen. Cest une courte phrase nigmatique ou paradoxale sur laquelle on mdite et dvoile la sagesse intrieure. 24 L.Beckett ( Sandra ). Op.cit., p.297. 25 Ibid. p.293.
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1.2 Les personnages en qute
En ce qui concerne notre corpus de travail, nous avons montr que
lauteur imagine des personnages principaux qui ont la volont dtablir une
harmonie avec le monde. Ces rcits reposent sur le schma actantiel comme
nous allons lillustrer.
Les huit rcits dans le recueil Mondo et autres histoires de Le Clzio
racontent les voyages des huit jeunes protagonistes qui traversent lespace
contemporain la recherche de lailleurs.
Mondo, un garon sans famille, sans maison, vit en libert. Il se fait
des amis : Giordan le pcheur, le Gitan, le Cosaque, le Vieux Dadi et un vieil
homme qui lui apprend lire. Il rencontre Thi Chin, une femme habitant la
> sur la colline, Mondo est reu chez elle. Il
continue sa vie tranquillement jusquau jour o la police le conduit
lassistance publique. Mondo prend alors la fuite et disparat.
Quittant lcole qui lui donne limpression dtre dans une prison,
Lullaby dcide de ne plus aller en classe. Tous les matins, elle part de chez elle
pour passer ses journes au bord de la mer. L-bas, elle dcouvre une maison
abandonne o elle se met pour contempler la mer et > (MO., p.111). A la fin du
rcit, elle retourne lcole pour voir Monsieur Fillipi, un de ses professeurs
qui aime beaucoup la mer.
Dans La Montagne du dieu vivant, > guide
Jon vers le haut du mont Reydarbarmur. Peu peu, il entre dans les veines et
les plus secrtes ramifications jusque dans les profondeurs de la montagne. Jon
poursuit sa route vers le centre du plateau et trouve un trange caillou en forme
de montagne. Puis, il dcouvre trois minuscules trous reprsentant les trois
cuvettes du plateau. Il se sent sans poids, dlivr du corps et devenu nuage.
Enfin, il rencontre un >, qui devient son ami. Jon
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passe la nuit l-bas. Au matin, son ami disparat, Jon rentre donc chez ses
parents.
A laube, Juba dans La Roue deau conduit des boeufs qui mettent en
mouvement une roue eau. En regardant les boeufs, Juba a le vertige cause
du soleil. Il se sent transport dans la ville de Yol et devient le roi. A la fin de
la journe, la ville de Yol se transforme en ruines. Juba ramne alors ses boeufs
au village.
Celui qui navait jamais vu la mer est le rcit dun garon, Daniel, qui
ralise son rve. Daniel naime pas participer aux conversations sauf quand on
parle de la mer. Il prpare son voyage vers la mer et senfuit de son pensionnat
en imprimant sa marque dans la mmoire de ses camarades. Aprs un long
voyage en train, il arrive la mer et apprend petit petit une vie sauvage au
rythme des mares.
Dans Hazaran, Alia habite un bidonville. Elle aime couter les
contes raconts par Martin, surtout celui de la Petite Trfle, qui se dplace
dans le merveilleux pays d Hazaran. Alia rve de reproduire le destin de
Trfle. Quand le gouvernement dcide de dtruire le bidonville, Martin conduit
Alia et ses compagnons vers lautre rive du fleuve o > (MO., p.217).
Une petite aveugle, Petite Croix dans Peuple du ciel, aime sasseoir
sous le soleil >. Elle parle aux nuages, aux animaux et
son ami qui est soldat. Elle rencontre le roi Saquasohuh tous les jours la
mme heure. Celui-ci lui redonne la vision intrieure la fin du rcit.
Les Bergers est lhistoire de Gaspar , un garon qui quitte la ville pour
errer dans le dsert. Il rencontre un groupe de petits bergers et part mener le
troupeau avec eux jusqu Genna, une valle. L-bas, ils vivent heureusement.
Un jour, il se dispute avec un des bergers. Il senfuit et retrouve la ville.
Sans entrer dans le dtail de chaque rcit, nous voyons dj certains
traits communs qui font lunit de cet ouvrage de Le Clzio.
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Dabord, tous les personnages principaux dans Mondo et autres
histoires sont des enfants ou des adolescents. Mondo, >, est un jeune garon comme Juba et Gaspar. Aria et Petite
Croix sont des petites filles orphelines, qui adorent lune couter des contes,
lautre chanter des comptines. Lullaby, Jon et Daniel sont coliers.
Ils vivent lextrieur du contexte familial. Mondo est un vrai nomade,
> (MO., p.11). Pareil
Mondo, Gaspar ne donne aucune information sur sa famille. Pour Lullaby, elle
est loin de son pre qui travaille en Iran tandis que sa relation avec sa mre qui
est malade cause dun accident est neutre. Jon et Juba , eux aussi, chappent
la tutelle familiale. Daniel est abandonn par sa famille, qui la mis en pension.
sa disparition, ses parents se consolent vite du fait de leur pauvret. Alia
habite chez sa tante, mais nous ne trouvons pas de liens affectifs entre elles.
La tante se contente de donner manger sa nice, comme cest le cas entre
Petite Croix et le vieux Bahti dans Peuple du ciel.
Menant une vie autonome, cest--dire hors des rgles tablies par les
adultes, tous les hros tournent le dos au monde civilis. Lullaby et Daniel
quittent leurs coles et partent pour la mer. Jon et Mondo sortent de leurs
quartiers familiers et montent vers le haut de la montagne. Juba et Petite Croix
continuent leur vie quotidienne hors de leurs villages. Alia a une vie lcart
du monde civilis. Gaspar, >, est dans le
dsert .
Peu peu, les protagonistes avancent vers le monde naturel, bien que le
monde rel, le monde civilis et celui des adultes, reprsent par la
malveillance et lindolence des tres humains, apparaisse constamment tout au
long du parcours de la qute. Il sagit des femmes et du Ciapacan qui naiment
pas voir les enfants errer dans la rue, dun homme aux cheveux hirsutes et des
gens lcole de Lullaby, des policiers, des professeurs et des surveillants qui
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soccupent de la disparition de Daniel, des agents du gouvernement dans
Hazaran, des enfants du village qui chassent les couleuvres dans Peuple du ciel
et de lun des bergers, celui avec lequel Gaspar se querelle.
Dans les huit rcits, nous trouvons une unit structurale qui domine
notre corpus. Elle correspond au schma actantiel de A.-J.Greimas, qui
comprenant six ples actantiels : le sujet, lobjet, le destinateur, le destinataire,
ladjuvant et lopposant.
le destin le hasard le protagoniste linstinct (destinataire) (destinateur)
le protagoniste libert le salut
(sujet) (objet)
le monde naturel : le monde civilis, le monde des hommes la mer les rgles sociales le soleil lincommunication avec les adultes (adjuvant) (opposant)
Ce schma indique le dsir des protagonistes. Cest une lutte contre
langoisse, lagression et la violence. Selon la modalit vouloir, savoir,
pouvoir, les protagonistes veulent sortir du monde tabli par les hommes
civiliss, ( vouloir ). Ils partent donc la qute. Le destin, le hasard et linstinct
les mnent aux rencontres relles ou imaginaires avec le monde naturel. Les
protagonistes apprennent ainsi quil existe un autre monde o ils se sentent
panouis, ( savoir ). Grce la mer et le soleil, ils ont la communion avec les
lments ( pouvoir ), qui leur permettent enfin connatre le salut.
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Ce schma de la modalit focalisant la qute des protagonistes dans
Mondo et autres histoires rvle le voyage pendant lequel les protagonistes
doivent saventurer en affrontant et en surmontant les prils considrs comme
les preuves initiatiques avant datteindre le salut. Ce voyage peut donc tre
qualifi comme un voyage initiatique qui reflte lattirance de Le Clzio lui-
mme vers le monde de linitiation.
2. Linspiration des rites dinitiation
Ds lenfance, Le Clzio coute et lit des romans daventure. Pour lui,
ce qui est intressant dans ces rcits, ce ne sont pas les aventures des hros,
mais le passage qui les fait devenir des adultes. Ce passage correspond au rite
de passage quest linitiation. Aprs la deuxime guerre mondiale, il part en
Afrique vivre avec son pre. Il dcouvre ainsi la vie exotique et le monde
primitif. Ce nest que vers la fin des annes soixante quil devient ethnologue
et spcialiste de la civilisation amrindienne. Dabord, ce sont les codex et les
chroniques concernant le monde des Indiens qui lont attir. Plus tard, il a
loccasion de partir vivre chez les Indiens du Mexique et du Prou. Aprs avoir
particip un rite initiatique, il devient membre dune tribu dIndiens. Il crit
dans Ha : > (H.,p.8).
La dcouverte de lme du peuple indien est dcisive dans la nouvelle
orientation des ouvrages de Le Clzio. Ses expriences et sa connaissance sur
linitiation sont prsentes dans ses ouvrages. Dans LExtase matrielle, il crit :
> (EM.,p.179),
phrase qui rfre la conception de linitiation primitive que nous tudierons
dans notre corpus.
Actuellement, ladjectif > tend tre utilis dans des
sens diffrents, ce qui peut provoquer des confusions. Si nous nous reportons
aux dfinitions des dictionnaires, nous trouvons pour le mot >
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les deux sens suivants : > et
> .
Quand nous parlons de rites dinitiation ou de rituels initiatiques, cela
rfre socialement et historiquement ladmission dun individu
connaissance de choses caches ou sa participation des pratiques secrtes,
marquant le commencement dune nouvelle vie. Afin de mieux saisir les
notions d> et >, nous tenterons tout dabord
dtudier les caractristiques principales des rites dinitiation que lon rencontre
dans Mondo et autres histoires. Il ne sagit pas toutefois de faire une tude
ethnologique exhaustive, notre ambition est juste de montrer ce que ces rites
ont en commun.
2.1 La notion primitive
Depuis le sicle dernier, les donnes ethnologiques permettent de
mieux saisir le droulement, lordonnancement et la symbolique des rituels
initiatiques. Les travaux dArnold Van Gennep montrent que linitiation est par
essence un >, cest--dire le fait de passer dun ge un
autre ou dune occupation une autre. Dans les socits tribales, lenfant ne
devient homme que progressivement. Il change au moins deux fois de statut :
dabord lors de son appellation, puis au moment de linitiation tribale
proprement dite, qui larrache la sphre infantile pour le faire entrer dans
celle des adultes.
Historien des religions et ethnologue, Mircea Eliade donne une
dfinition pour le mot > : >. Ces rites, qui existent ds la prhistoire, sont
observs jusqu notre poque, surtout dans les socits primitives. Car, dans
26 Dictionnaire de la langue franaise Le Petit Robert. Paris, Petit Robert, 1176. 27 ELIADE (Mircea), Initiation, rites, socits secrtes. Paris, Gallimard, 1959, p.12
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les temps reculs et dans ce type de socits, lobservation de ces pratiques est
obligatoire pour tous les membres du groupe social.
Daprs les recherches sur linitiation des sociologues, des
anthropologues et des ethnologues, les rites initiatiques de toutes les
civilisations sont fonds sur une initiation religieuse et une initiation magique.
Lune est le passage du domaine profane au domaine sacr, lautre est
lacquisition dun pouvoir surnaturel ou de secrets comme linitiation chez les
medicine-men ou les sorciers. De plus, certains rites initiatiques sont destins
un groupe social tandis que les autres sappliquent des individus. Malgr cette
varit, Mircea Eliade peut classer les crmonies initiatiques en trois grandes
catgories.
Premirement, il y a les rites de pubert, linitiation tribale ou
linitiation une classe dge, les termes utiliss par les ethnologues pour
dfinir les crmonies de passage de lenfance ou de ladolescence lge
adulte. Ces rituels sont obligatoires pour tous les membres de la communaut.
Ces rites commencent par un acte de rupture ou bien une sparation du lieu
familial pour faire quitter lunivers de lenfance aux nophytes. Puis, ils sont
projets dans un monde inconnu. Il arrive souvent quils soient envoys dans
la brousse. Dans ce contexte disolement, les nophytes ressentent la prsence
des tres mythiques. La totalit des actes se droule dans la brutalit car les
nophytes doivent faire lexprience de la mort. Ils perdent connaissance, ils
subissent la circoncision et parfois ils sont mme enterrs. Ils oublient le pass,
ce que lon obtient laide dune boisson nausabonde. Ils sont privs de
nourriture et vivent dans le silence ou dans les tnbres comme les morts. Dans
cette situation, les nophytes ont loccasion de pratiquer des exercices
asctiques et de souvrir ainsi aux valeurs de lesprit. Ils doivent poursuivre
leur parcours initiatique o ils font face diffrentes preuves comme le feu,
lengloutissement par un monstre. Vers la fin de leurs parcours, ils
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accomplissent la monte de larbre sacr qui est laxe cosmique ou bien la
monte au ciel travers le monde du sacr. La totalit de ces actes leur
permettent enfin une naissance dans ltat suprieur.
Deuximement, il y a les rites dentre dans une socit secrte, dans
un Bund ou dans une confrrie. Ces rites sont rservs un seul sexe qui est le
sexe masculin dans la majorit des cas. Pourtant, dans le monde mditerranen
ancien, les deux sexes ont indiffremment accs aux Mystres. Les rites
initiatiques de cette catgorie ne sont pas obligatoires pour tous les membres de
la socit. On peut les effectuer soit individuellement, soit collectivement. En
ce qui concerne le processus initiatique, les nophytes sont confronts aux
mme preuves et au mme processus initiatique que dans les rites de pubert.
Troisimement, il y a les rites qui sont lis une vocation mystique.
Lessentiel des rites initiatiques de cette catgorie rfre de lexprience
personnelle. Car cest elle qui donne un pouvoir surnaturel aux nophytes.
Cest ainsi linitiation des medecine-men ou des chamans. Ce type dinitiation
a un haut niveau de spiritualit. Pour devenir chaman ou medecine-men, deux
conditions sont prsupposes. Dans un cas, le nophyte a une vocation ou
reoit lappel dtres surhumains. Dans lautre cas, il prend la dcision
personnelle dune qute de pouvoirs religieux. Pendant la crmonie, le
nophyte doit rester seul. Lors quil entre en transe et devient dtach
totalement des passions et des besoins humains, il acquiert le pouvoir suprme.
Parmi toutes ces catgories de rites initiatiques, Simone Vierne, qui a
fait des recherches sur les thories de Mircea Eliade, souligne quil y a
certaines caractristiques de linitiation qui forment >. Simone Vierne montre que la structure de tous les rites
initiatiques se compose de trois sphres principales que le nophyte doit
28 Ibid., p.26.
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traverser chronologiquement. Elle dfinit ces traits en utilisant les termes de
> , > et > .
PREPARATION MORT INITIATIQUE RE-NAISSANCE
Rites dentre
Voyages dans lau-del
1. La phase de la >
Premire tape de litinraire initiatique, cette phase a pour but de
prparer le nophyte entrer dans ltat de mort initiatique. Les lments de la
> dans le classement de Simone Vierne comportent le lieu
sacr, la purification et la sparation.
Appel le lieu sacr, le terrain de linitiation ne joue un rle important
que dans certains rites qui se passent dans un endroit particulier, par exemple
une maison culturelle, un sanctuaire. Le lieu sacr peut tre un endroit o se
trouvent des objets sacrs comme un dessin reprsentant les anctres
mythiques. Dans ce cas, la dfinition de lespace sacr est >.
Pour les rites qui ont lieu dans la brousse, on la reconnat comme lieu
sacr dans la mesure o elle se trouve hors du monde profane, loin des endroits
quotidiens. Donc, le nophyte devient spar du monde des hommes pendant
quil participe la crmonie initiatique.
Ainsi, la sparation dans les rites initiatiques est par essence le passage
du nophyte de lunivers profane, surtout le monde maternel ou le monde du
pass personnel, lunivers sacr. Cet acte le fait sortir du paysage familial, du
domaine fminin et provoque
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sagisse de lunivers maternel ou du pass personnel du myste30>>. Dans
linitiation aux socits secrtes nord-amricaines, souligne Vierne : >.
Le rite de sparation parat sous des formes plus ou moins brutales
suivant les tribus. Chez les Kurnai, pendant la crmonie, les novices sassoient
devant leurs mres et ce sont les hommes qui viennent les sparer. Les femmes
de certaines tribus australiennes >.
Quelle que soit la forme que la sparation prenne, son but reste toujours
de faire mourir lenfance et faire accder les novices la participation au
sacr aux nophytes. Mais pour latteindre, ils doivent dabord se purifier.
La purification peut tre prsente par une baignade, une tonsure, une
confession, des sacrifices, des jenes ou bien un dpouillement des mtaux ;
qui symbolisent la libration spirituelle du nophyte pour un retour aux
origines. Cest au moment de la purification quil y a parfois la rencontre avec
la mer purificatrice ou avec le sang du porc, lautre agent purificateur.
A la fin de la phase de la prparation, le nophyte est prt pntrer
dans le monde de la mort initiatique, la phase la plus importante des rites. Car
les concepts dinitiation et de mort sont troitement lis. Ds lpoque
ancienne, le rapprochement est conscient dans le grecque entre ces deux
termes, comme latteste le jeu de mots populaires associant initiation
(telesthai = tre initi) et mort (teleutn = mourir). Linitiation permet une
mort, un effacement complet de lexistence prcdente pour projeter le
nophyte dans dautres rles de la vie sociale mais aussi dans lunivers du
sacr.
30 Ibid., p.17. 31 Ibid., p.18. 32 Ibid., p.18. Citant d ELIADE (Mircea), Initiation, rites, socits secrtes, p.36.
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2. La phase de la >
ce stade des rites initiatiques, le nophyte entre dans le domaine
de la mort symbolique, avec par exemple lentre dans le ventre de lanimal, la
perte de conscience. Ce quil doit faire, ce sont des preuves initiatiques et des
voyages dans lau-del qui lui apprendront lendurance et le prpareront
affronter les difficults de la vie relle. Donc, durant la priode de la mort
initiatique, le nophyte recevra une partie de lenseignement qui lintgrera
une nouvelle communaut ou fera de lui un autre homme.
La phase de la mort initiatique comprend les rites dentre et le voyage
dans lau-del. Les rites dentre peuvent prendre la forme dun rapt, dune
perte de connaissance par labsorption de boissons tranges, de chants et de
jenes ou de symplgades, cest--dire des rites o lentre est rendue
impossible par des incantations magiques. Par exemple, chez les Kwakiutl, une
socit australienne de danse, le nophyte entre en transe lorsquil entend les
instruments sacrs.
En ce qui concerne le voyage dans lau-del, Vierne rpartit les formes
des voyages initiatiques en trois types : les rituels initiatiques de mise mort, le
retour ltat embryonnaire (regressus ad uterum) et la descente aux enfers ou
la monte au ciel. Ces trois types de mort initiatique peuvent coexister
dans le mme rite. En plus, il y a des rites qui rvlent une double valeur.
Daprs Vierne, lengloutissement dans la Terre-Mre, qui est un regressus ad
uterum, symbolise aussi, dans certaines cultures, une descente aux enfers.
Les rituels de mise mort saccomplissent par des preuves comme
des jenes, des veilles et mme un silence impos aux nophytes, troitement
lies lide que le voyage dans la mort est une destruction totale de ltat
antrieur et quun tre vivant peut revenir de lautre monde condition de
sabstenir de la nourriture des morts. Par ailleurs, des tortures et des mutilations
caractre sexuel comme la circoncision et la subcision, surtout dans
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linitiation de pubert, ont pour but de porter le nophyte un tat prnatal
asexu.
Le second type de voyage initiatique, le regressus ad uterum ou retour
un stade antrieur la vie, existe dans presque toutes les cultures. Cest un
motif constant dans la littrature du monde entier mme de nos jours. Ltat
embryonnaire est prsent sous diverses formes. Dans le rituel de
lupanyama en Inde, le prcepteur mtamorphose le nophyte en embryon et
le garde dans son ventre quelques jours. Chez les aborignes, laire de danse de
forme triangulaire reprsente symboliquement lutrus de la mre. Dans
certains cultes comme ceux des chamans ou des Bella Bella, lentre dans une
caverne, une grotte ou une tombe quivaut au retour ltat ftal alors que
lentre dans le ventre de lanimal donne aussi une image du regressus
ad uterum. Dans le rituel Kunappi, les nophytes entrent dans le ventre du
serpent qui est un symbole fminin. Les animaux paraissant dans cette phase de
linitiation sont souvent le dragon, la baleine, le poisson ou mme les monstres
marins.
Le dernier type de voyage dans lau-del est le voyage aux enfers ou au
ciel. Le voyage dans cet aspect se fait dans trois directions. Horizontalement, le
nophyte part pour lle de lanctre mythique comme les Iles des Bienheureux.
Vers le haut, le nophyte fait un voyage vers le ciel o sunissent les tres
Divins. Le voyage vers le bas, ou descensus ad inferos, comporte des dangers
tels que la confrontation avec la nuit ou lentre dans le labyrinthe, qui donnent
limpression du risque de ne plus pouvoir en sortir.
Soulignant encore que le principe de linitiation est de mourir pour
renatre, le nophyte qui russit la mort initiatique, parvient alors au stade de la
renaissance.
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3. La phase de la >
A la fin de laventure dans lau-del, le nophyte fait lobjet d une
nouvelle naissance qui prend diverses formes, selon le parcours dans la mort
initiatique. Celui qui devait entrer dans le ventre dun monstre en ressort la
fin du rite dans des conditions parfois brutales ou mme tragiques. Celui qui
subit des preuves telles quune mise mort ou diverses formes de voyage,
connat une sortie heureuse comme le reveil, ltat denfance ou un nouveau
nom. Chez les chamans, la renaissance est exprime par >. Dans les Mystres de la Grande Mre Phrygienne, les
nouveaux initis sont nourris de lait comme des bbs (tat denfance).
Lanalogie structurale illustre par Simone Vierne rend compte assez
prcisment de lensemble des rites initiatiques. Elle suggre galement des
rapprochements avec les thories de Gilbert Durand. Dans Les structures
anthropologiques de limaginaire, Gilbert Durand distingue deux structures
antagonistes: lune hroque et lautre mystique. La premire concerne
limagination, qui est donne par des images de lumire. Elle est
schizomorphe: elle spare, elle tranche, elle oppose. La deuxime runit les
images dans le rgime de la nuit, qui fusionne et engloutit. Elle comprend le
retour la mer et lintimit qui reprsente une invitation sunir avec les
choses. De plus, Gilbert Durand montre quil y a mme une troisime
attitude, une sorte de synthse des contraires dans laquelle la dialectique
cyclique cherche atteindre le point o les contraires sunissent. Ainsi, nous
obtenons la distinction de trois tats pour le parcours initiatique : le rgime
avant la mort initiatique, le rgime de la mort initiatique et enfin le rgime de
la nouvelle naissance.
Le rgime avant la mort initiatique peut tre considr comme un
rgime diurne car il concide en effet avec la priode des preuves ( les
33 Ibid., p.47.
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29
tonsures , les purifications) et de la sparation davec monde profane. Le
rgime de la mort initiatique se droule dans le rgime de nuit. Les images
dobscurit sont prdominantes, et le nophyte est englouti, par exemple dans
une grotte ou dans les entrailles dun monstre. La phase du regressus ad uterum
est alors accomplie. Enfin, le rgime de la nouvelle naissance est un rgime
mystique car le nophyte retrouve une vie nouvelle34.
Malgr les diffrences dans les types dinitiation, dans les
comportements initiatiques de chaque socit primitive et biensr dans les
thories sur linitiation, nous pouvons conclure que linitiation est toujours
un processus qui mne ltre au commencement dune vie nouvelle, qui sera
dsormais diffrente de celle quil a mene depuis sa naissance naturelle et
profane.
2.2 La littrature et linitiation
De nos jours, la vie des hommes modernes, surtout ceux qui vivent une
existence dsacralise, sest carte des pratiques des rituels initiatiques.
Pourtant, Mircea Eliade insiste sur le fait que la majorit des scnarios
initiatiques > Car
linitiation est en fait > Dans ses
recherches, Mircea Eliade tablit que lhomme continue prouver
lexprience initiatique en passant par des preuves relles comme les crises
spirituelles, la solitude et le dsespoir que >. Cela
veut dire quaprs avoir pass le moment difficile qui quivaut la mort
34 DURAND (Gilbert), Les structures anthropologiques de limaginaire, Paris : Bordas, 2e d. 1984, pp.40-66. 35 ELIADE (Mircea), op.cit., p.266. 36 VIERNE (Simone),op.cit., p.92. 37 ELIADE (Mircea), op.cit., p.270.
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30
initiatique, lhomme arrive commencer sa nouvelle vie, autrement dit il
devient >.
Linitiation subsiste tout particulirement dans les crations artistiques.
Nous trouvons en effet un symbolisme initiatique dans certaines oeuvres dart.
Il existe ainsi des ouvrages littraires qui y rvlent consciemment ou
inconsciemment en faisant suivre litinraire initiatique des primitifs aux hros
ou en crant explicitement lillusion et lambiance de linitiation dans le rcit.
Par exemple, dans la qute du Graal , Perceval, Lancelot et Galaad passent par
diffrentes preuves pour aboutir finalement la conqute du calice magique,
qui est le symbole dune connaissance nouvelle et dun accs des hommes au
monde des dieux, rservs une me pure. Llu, Galaad, vit une union sacre
avec lEtre Divin, exactement comme dans les initiations primitives.
Consuelo de Georges Sand raconte lhistoire dune hrone dote dun
pouvoir musical incantatoire, qui vit deux initiations grce deux descentes
aux Enfers. La premire est due au pre du personnage, lautre se fait dans un
contexte maonnique, que lauteur connat bien.
Un autre exemple douvrages littraires qui reprsentent le symbolisme
initiatique, cest Vendredi ou les limbes du Pacifique de Michel Tournier.
Renversant compltement le mythe de Defoe, lauteur cre un personnage
qui abandonne entirement les habitudes de lhomme civilis pour suivre
celles des primitifs sans prouver aucune nostalgie de la civilisation. Le
hros de Michel Tournier passe par de nombreuses preuves avant de vivre une
vie en harmonie avec la nature.
Non seulement les preuves initiatiques, tortures, jenes, purifications
de tous ordres, apparaissent souvent dans la littrature comme motifs littraires,
les qutes dans lau-del et les mtamorphoses du protagoniste tant mme de
vritables thmes littraires, mais encore certains livres savrent bien le miroir
de linitiation. La lecture devient alors un moyen pour lhomme moderne de
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31
exceptionnelles, saventurer dans lautre monde 38>> qui sont des besoins
profonds de tout tre humain. Ainsi, dit - Simone Vierne : >.
A notre poque, les thmes initiatiques existent encore dans les uvres
littraires comme dans Mondo et autres histoires. Partant du schma initiatique
tel que la mis en lumire Simone Vierne, nous allons voir, en nous attachant
aux lments initiatiques des rcits du recueil, dans quelle mesure il peut
sappliquer notre corpus.
38 ELIADE (Mircea), op.cit., p.267. 39 VIERNE (Simone),op.cit., p.275.
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32
CHAPITRE 2
Les prparatifs de l'initiation
Quand on tudie Mondo et autres histoires40 en tant que rcits
initiatiques, il est parfois malais disoler les lments essentiels qui constituent
le cadre de linitiation. C'est pourquoi nous chercherons mettre en vidence
les acteurs du rite et de lespace dans les huit rcits, qui ont un rle dans
l'initiation. Ces lments mettent en condition les personnages principaux et
suscitent chez eux la qute initiatique.
Dans ce chapitre, nous analyserons aussi les actes des protagonistes qui
relvent de la phase prparatoire de linitiation par les nophytes. Cette analyse
montrera le degr de la prparation des huit protagonistes leur voyage dans le
domaine de la mort pour parvenir une nouvelle naissance.
1. Les lments de l'initiation
Dans les rcits en gnral, les personnages s'avrent un lment
essentiel : ils agissent, et leurs actions jalonnent le droulement du rcit. Dans
notre corpus aussi, les personnages jouent un rle primordial. Leurs actions et
l'espace o ils voluent, autre lment fondamental des rcits d'initiation, nous
permettent de dgager les traits constitutifs de l'initiation. Pour suivre le
parcours initiatique des protagonistes travers les huit rcits, il nous semble
important de prciser ces deux lments qui dessinent et configurent limage de
linitiation dans ce recueil.
40 Les rfrences aux rcits dans Mondo et autres histoires sont indiques les abrviations suivants : Mondo (Md), Lullaby (Lu), La montagne du dieu vivant (Mt), La roue deau (Rou), Celui qui navait
jamais vu la mer (Cv), Hazaran (Ha), Peuple du ciel (Pc), Les bergers (Be)
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33
1.1 Les figures du rite
Dans les rites dinitiation, le myste est celui qui est lu pour subir
linitiation41. Le fait quil participe au rite initiatique est comme une preuve,
un passage important dans sa vie qui lui permettra de vivre dans une condition
suprieure. Il est donc la personne la plus importante du rite.
Pour atteindre la fin heureuse, le myste est accompagn et guid par un
ou des initiateurs dans certaines crmonies initiatiques afin de rester sur la
bonne voie pendant qu'il est dans le domaine initiatique. Il peut s'agir d'un
homme, d'une femme ge ou d'un initi de rang suprieur42. Le rle du guide
dans l'initiation est de diriger lensemble de linitiation et de transmettre > quil a acquis dans >. Vierne montre quavec ce tuteur, > Avant de prsenter limage des
diffrents guides apparaissant dans notre corpus, nous analyserons les
caractristiques des protagonistes en tant que mystes du rite initiatique.
- Les mystes
Dans Mondo et autres histoires, les huit protagonistes se prsentent
comme des nophytes prts entrer dans le monde initiatique. Tout dabord, ils
sont diffrents des enfants de leur ge et des adultes. Mondo> (Md.,p.12).
Lullaby sennuie de ses camarades. Avec eux, elle narrive pas
imaginer lherbe verte, les fleurs, les oiseaux et les rivires .Car
-
34
a personne qui sache parler de ces choses-l. Les filles sont btes pleurer!
Les garons sont niais! Ils naiment que leurs motos et leurs blousons!>>
(Lu., p.91).
Cest la mme chose chez Daniel, qui trouve que ses camarades sont
superficiels ; quand ils parlent de la mer, ils ne parlent que > (Cv., p.168). Jon na
pas peur de Reydarbarmur comme les gens de son village. Juba, non plus, na
pas peur dYol, lancienne ville, alors que > (Rou., p.156). Alia devient nophyte aprs avoir
t choisie par Martin. Le premier jour quAlia apporte du pain Martin, il lui
donne un nouveau nom, Lune, qui relve ici au nophyte qui va mourir pour
renatre comme dans le cycle de la lune. Dans Peuple du ciel, Petite Croix est
diffrente des autres enfants, car elle est aveugle. Et Gaspar, mme si nous ne
connaissons pas sa vie antrieure, est diffrent des gens du monde civilis dans
lequel il a vcu.
D'autre part, Mondo, Lullaby, Daniel et Gaspar reprsentent lesprit de
rvolte ; ils refusent le monde des adultes et la socit moderne et dcident den
sortir. Ils sont capables d'abandonner toutes les facilits que le monde civilis
peut leur offrir pour tenter des aventures dans le monde inconnu. Cette audace
qui consiste se rvolter contre les rgles tablies par les adultes et raliser
leur rve et dassouvir leur desir ; vivre au bord de la mer pour Daniel ou se
promener dans le monde inconnu pour Mondo, Lullaby et Gaspar, est l'une des
qualits ncessaires du myste. Car elle indique que, malgr les difficults et les
obstacles rencontrs dans le parcours initiatique, le courage du myste le
poussera aller jusquau bout.
Ensuite, les protagonistes nont pas de lien dattachement avec leur
famille. Dans Mondo et Les Bergers, la famille des personnages principaux est
absente, cependant que, dans les autres rcits de ce recueil elle n'est qu'un dtail
et n'a aucun rle sur l'action des protagonistes. Ainsi, Jon habite chez ses
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35
parents. Il a un frre qui sait jouer de la flte. Pourtant, sa famille ne soccupe
pas de lui. On le laisse passer la journe dehors tout seul.
Juba est pareil Jon. Il vit avec sa famille qui semble pauvre si l'on
considre l'apparence de la maison o il habite. C'est une ,
qui comporte une seule pice o tout le monde dort : > (Rou.,p.149). Cest le seul dtail sur la
famille de Juba que nous trouvons dans La Roue deau.
Pour Daniel, la maison de ses parents est si loin du lyce quil ne peut
pas y rentrer aprs les cours. Donc, il doit rester au pensionnat. Comme il
habite loin de ses parents et ses frres, ils nont aucune influence sur sa vie. On
comprend que sa famille est pauvre : > (Cv., p.168) et ses parents nont
ainsi pas les moyens de le retrouver aprs sa disparition.
Faute dune prsence familiale, les protagonistes doivent prendre soin
deux-mme pour vivre et survivre. Le fait d'tre seuls dans la vie s'avre un
acquis utile lors de leur entre dans le monde initiatique. Car ils ont eu souvent
rester seuls et faire face la solitude. L'absence de famille prpare ainsi les
protagonistes faire le voyage dans le monde inconnu.
Enfin, ces protagonistes ont le don de voir le monde qui les entoure.
Cela leur permet d'accder un ailleurs et les fait entrer dans le monde
initiatique. En regardant le ciel, Mondo est attir par la > d'un feu sur la colline. Cela lui donne envie de monter vers le haut
de la colline, qui reprsente en fait le point de dpart de son itinraire
initiatique. Pour Lullaby, cest son regard vers l'extrieur qui laide dcider
de partir vers le monde initiatique ;
[] elle carta un peu les lames des stores pour regarder dehors. Il y avait beaucoup de soleil, et en se penchant un peu, elle put voir un
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36
morceau de ciel bleu. En bas, sur le trottoir, trois ou quatre pigeons
sautillaient, leurs plumes bouriffes par le vent . Au-dessus des toits, des
voitures arrtes, la mer tait bleu sombre, et il y avait un voilier blanc qui
avanait difficilement. Lullaby regarda tout cela, et elle se sentit soulage davoir dcid de ne plus aller lcole (Lu., p.81).
Avec ce regard dirig vers le ciel et la mer, Lullaby se sent libre du
monde civilis. Elle prend ensuite le chemin qui mne la mer, lespace de son
initiation.
Dans La Montagne du dieu vivant, Jon voit Reydarbarmur tous les
jours car > (Mt.,
p.123). Mais cest la lumire du 21 juin qu'il remarque particulirement, qui lui
donne l'envie de pntrer dans ce monde inconnu.
Pour Juba, il regarde non seulement tout ce qui lentoure, mais aussi
> (M.D., p.153). Et cela lui ouvre la porte du pays des
esprits. Dans Celui qui navait jamais vu la mer, Daniel rserve son regard au
monde qu'il imagine en lisant les histoires de Sindbad. Alia aime, comme tous
les autres personnages principaux, regarder autour delle. Elle remarque, ds
son arrive la Digue, Martin, un homme g, que l'on prsente comme un
voyageur attach la lumire : il a le >. Alia trouve quil est diffrent des autres habitants. Le regard
dAlia l'amne ainsi connatre le guide qui la fera entrer dans le monde
initiatique. Pour Petite Croix, son tat de handicape ne lempche pas de
regarder le monde autour delle. Elle le dcouvre par le toucher, loue, lodorat
et par la description que lui fait le soldat.
Le pouvoir-voir est l'un des traits dterminants des mystes, avec
lesprit ouvert, capables de voir, de sentir, de toucher et d'entendre le monde
qui les entoure. En plus, ce sont des personnages des grands espaces et de la
lumire. Non seulement ils vivent au contact des grands espaces, ce qui leur
-
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permet de rver et de se sentir libre, mais aussi ils savent les contempler.
Grce ce pouvoir-voir, tous les protagonistes sont en harmonie avec le
monde, la nature ou lunivers pour leur initiation.
Nanmoins, il apparat qu'au dbut de leur voyage, certains d'entre eux
ne soient pas totalement en confiance et ne soient pas dans un tat de srnit.
Ainsi, lorsqu'il est sur le chemin initiatique, Mondo > ( Md., p.40 ) Gaspar, lui,
> (Be., p.251). Le regard apparat ici comme un lien entre le monde
profane et le monde sacr. Pourtant, ils finissent par russir quitter leur vie
dans le monde profane, pour devenir compltement prsents dans le domaine
de la mort symbolique, o ils attachent leur regard au monde prsent autour
d'eux. C'est--dire qu' ils ne considrent plus que le monde initiatique prsent
dans le rcit.
Mme si les protagonistes ont les qualits appropries pour tre
considrs comme mystes, ils courent le risque d'chouer lors des preuves
initiatiques quils affronteront dans le domaine de la mort. C'est pourquoi il
existe dans certains rcits pour les aider des personnages secondaires qui jouent
le rle de tuteurs ou guides.
- Les initiateurs : les guides
Dans Hazaran, La Montagne du dieu vivant, Les Bergers, Mondo et
Lullaby, nous trouvons plusieurs personnages qui ont le rle dinitiateurs ou de
guides des mystes.
Martin est prsent comme le guide dAlia et les habitants de la Digue
dans Hazaran. Il a un comportement asctique : il observe un jene rituel, ne
touche pas dargent, dort sur une natte, par terre et ne possde rien :
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38
rien dautre quune natte pour dormir par terre et une cruche deau sur une
caisse >> (Ha., p.195). Il mne donc une vie asctique foncirement diffrente
de celle des autres habitants.
En plus, il incarne la rsistance la socit de consommation en
refusant de toucher de largent. Il rpare >
(Ha., p.194). Pour le remercier, les gens lui apportent de la nourriture. Cest par
cette aide, il vit modestement la Digue.
Dans La Montagne du dieu vivant, le guide est reprsent par le
personnage de l'enfant. Il est dieu et prophte la fois. Au dbut, il a
l'apparence de Dieu rpandant son illumination sacre : il est > et > (Mt.,p.136). Cet enfant est visionnaire par sa soudainet et la
parole quil adresse Jon :
Quand il (Jon) ouvrit les yeux nouveau, il vit tout de suite lenfant au visage clair qui tait debout sur la dalle de lave, devant le rservoir
deau.[]. Jon! dit lenfant. Sa voix tait douce et fragile, mais son
visage clair souriait (Mt., p.136).
Par ailleurs, il sait que les parents de Jon ne sont pas inquiets au sujet
de la disparition de fils, quand Jon lui dit que ses parents lattendent la
maison. > (Mt., p.142).
Cet enfant est une sorte de rescap du pass car son histoire, quil a
raconte Jon, remonte des temps trs anciens :
Il y a longtemps, trs longtemps, beaucoup dhommes sont arrivs,
ils ont install leurs maisons sur les rivages, dans les valles, et les
maisons sont devenues des villages, et les villages sont devenus des villes.
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39
Mme les oiseaux ont fui. Mme les poissons avaient peur. Alors moi
aussi jai quitt les rivages, les valles, et je suis venu sur cette montagne,
et les autres viendront aprs moi (Md., p.138).
Avec sa connaissance minente de lpoque primitive ainsi que son
apparence et ses gestes, qui le rendent mystrieux, cet enfant accompagne et
guide Jon la faon dun initiateur. Il marche devant Jon pour le guider dans
l'ascension. Quand linitiation est accomplie, nous les trouvons allongs cte
cte comme sil ny avait plus de diffrence de statut.
Dans Les Bergers, les bergers reprsentent limage du guide. Pour eux,
il sagit avant tout du contrle dun territoire naturel. Ils vivent en harmonie
avec leur environnement. Ils savent sadapter vivre dans les conditions
extrmes comme le dsert. Ils sont nomades et connaissent le chemin quils
doivent prendre avec leur troupeau danimaux. Dans le dsert, les guides de
Gaspar se confondent de mimtisme, avec les minraux sur lesquels ils vivent :
normalement >, mais, quand ils sont en plein soleil, > (Be., p.257). Quand ils sapprochent de Genna, leur apparence
est encore changeante : > (Be., p.260).
Les bergers sont la fois les guides que Gaspar doit suivre pas pas et
les initiateurs qui dispensent dun savoir. Ainsi, Gaspar marche, au dbut du
rcit, derrire Abel qui est comme le chef dinitiation : > (Be., p.257). Les phrases indiquant la marche derrire le
guide sont rptes pendant quAbel prsente Genna Gaspar.
Khaf, une petite fille dans le groupe des bergers, joue aussi le rle du
guide de Gaspar. Mme si elle est rserve et silencieuse, elle manifeste une
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grande gentillesse dans ses gestes. Quand Gaspar a soif, elle > (Be., p.257).
Dans Mondo, cest Thi Chin qui joue le rle de guide auprs de
Mondo. Elle soccupe de lui ds quils font connaissance. Elle vit seule dans un
quartier abandonn sur la colline. Elle est prsente comme un prophte, elle
sait que Mondo doit arriver chez elle, donc elle laisse la porte ouverte :
Tu as bien fait dentrer, dit simplement Thi Chin. Tu vois, javais laiss la porte ouverte pour toi.
Alors vous saviez que jallais venir? dit Mondo. Cette ide le rassurait.
Thi Chin faisait oui de la tte [] (Md., p.47).
Thi Chin ne parle pas autant que les autres guides du recueil :
> (Md., p.48). Mais elle
soccupe de Mondo comme sil tait son enfant. Elle lui prpare ses repas, lui
raconte des histoires afin quil sendorme.
Pour Dadi, il fait des reprsentations dans la rue avec le Cosaque et le
Gitan. Les sobriquets de ces deux hommes sont donns par les gens, qui en fait
ignorent leurs vrais noms :
Le Gitan ntait pas gitan, mais on lappelait comme cela cause de son teint basan, de ses cheveux trs noirs et de son profil daigle ; mais il
devait sans doute son surnom au fait quil habitait dans une vieille
Hotchkiss noire gare sur lespanade et quil gagnait sa vie en faisant des
tours de prestidigitation. Le Cosaque, lui, ctait un homme trange, de
type mongol, qui tait toujours coiff dun gros bonnet de fourrure qui lui
donnait lair dun ours. [] dans la journe il tait compltement ivre
(Md., p.25-26).
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Cette description nous apprend quils sont en marge de la socit ; ils
vivent dans une voiture et sont considrs comme des trangers. Pourtant, ce
sont des hommes qui font tat de la violence et des guerres dans le monde :
> (Md., p.29). Mme si Mondo rencontre
souvent le Cosaque et le Gitan et discute souvent avec eux, ils n'ont pas le rle
de guides pour Mondo, car ils le considrent comme leur ami :
Le Cosaque buvait la bire et sexclamait trs fort :
Cest ton fils Gitan?
Non, cest mon ami Mondo.
Alors, ta sant, mon ami Mondo! (Md., p.28).
Dadi est un homme qui sait raconter des histoires comme le vieil
homme indien qui apprend les lettres Mondo. Tous les deux rvent dailleurs,
dun monde o les gens vivent dans le bonheur et la paix. En regardant la mer,
le vieil homme > (Md., p.63).
Pour le vieil homme, il est prsent comme un prophte. Mondo veut
lui demander de lui apprendre lire et crire, mais ce vieil homme >. Il > (Md., p.60) quand Mondo lui pose la question.
Ces personnages possdent la connaissance, les expriences et le rve
quils transmettent Mondo. Nous tudierons cet enseignement avec les
diffrentes phases initiatiques de Mondo.
Dans Lullaby, Monsieur Filippi et le garon lunettes jouent le rle de
guides du protagoniste. En ce qui concerne Monsieur Filippi, professeur de
physique, il est physiquement absent du voyage initiatique de Lullaby.
Pourtant, cest sa voix qui laccompagne :
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Cest trs bien, trs bien, mademoiselle, disait la voix de M. Filippi
dans son oreille.
La physique est une science de la nature, ne loubliez jamais. Continuez
comme cela, vous tes sur la bonne voie (Lu., p.49).
En ce qui concerne le garon lunettes, il connat bien les endroits au
bord de la mer comme sil y avait dj fait plusieurs tapes initiatiques : pour
montrer la voie initiatique Lullaby, il la laisse entrer et affronter seule le
surnaturel du monde de lau-del.
Les personnages de guides des novices dans Mondo et autres histoires,
se ressemblent par un certain nombre de traits communs. Ils sont tous avares de
mots et prfrent guider les protagonistes par leurs gestes. De plus, ces
personnages sintressent la nature autour deux. Ils savent regarder les
choses et rver, qualits perdues chez les adultes forms par la socit
moderne. Lautre trait commun ces guides est quils ont les yeux brillants.
Martin a les yeux qui > (Ha, p.194). Khaf a les yeux noirs > (Be., p.255). Les yeux
bleus de Monsieur Filippi >. En fait, les yeux
brillants des guides refltent la connaissance quils possdent. Lauteur
souligne ce point en disant que Martin > (Ha.,
p.195). Nous analysons le rle de ces guides et la connaissance qu'ils
transmettent aux mystes en examinant les phases initiatiques.
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1.2 Du monde profane au monde sacr
Au nombre des composantes majeures du rcit, lespace est, dans
Mondo et autres histoires, dcrit si minutieusement que nous avons
l'impression de contempler de vritables tableaux. Les dtails spaciaux
indiquent que les lieux apparaissant dans chaque rcit sont bien plus quun
simple dcor. Ils possdent bien au contraire un rle dynamique et des
significations qui permettent de mieux apprhender linitiation.
Dans les rcits, le contraste entre l'espace urbain et lespace naturel est
constant, comme s'il s'agissait des deux ples permettant de rpondre au besoin
profond des hommes. En tant qu'tre social, l'homme ne peut en effet vivre
dans lisolement de la nature, mais c'est la nature qui constitue lespace de
repos susceptible de les apaiser et de leur redonner des forces. En mme, ces
deux mondes l'oppos l'un de l'autre apparaissent aussi comme des lieux
hostiles :
Ils (les gens) sont partis comme des insectes caparaonns sur leur route, au milieu du dsert, et on nentend plus leurs bruits. Ou bien ils
roulent dans les camionnettes en coutant la musique qui sort des postes de
radio, qui chuinte et crisse comme les insectes. Ils vont droit sur la route
noire, travers les champs desschs et les lacs des mirages, sans regarder
autour deux (Pc., p.223).
Lespace naturel est souvent dlaiss et oubli par les habitants des
socits modernes, qui ressemblent > (Pc.,
p.223), des (Lu., p.112). Ils mnent une vie de "morts-
vivants" dans le monde profane qui rvent de libert en raison d'une situation
dshumanise et du carcan du monde civilis et pour qui le monde naturel est
un lieu mystique de refuge et de paix.
Le monde naturel apparat dans ce recueil sous la forme dun espace
ouvert. Dans son travail sur lespace littraire, Michel Issacharoff crit :
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lobscurit, dedans, contrainte45.>> Suivant cette dfinition de lespace, nous
voyons que les protagonistes, qui aiment lespace du dehors, connaissent aussi
bien l'espace ouvert que l'espace clos. Pour lespace ouvert, il sagit de la mer,
de la montagne et du dsert.
La mer est prsente dans tous les rcits par son tendue illimite ou par
sa voix. Dans Lullaby, la mer est dcrite comme > (Lu.,
p.106). Elle incarne limage de leau > (Cv., p.174).
La couleur changeante de la mer selon la lumire sduit les
protagonistes. Alia demande au soldat de lemmener la mer, car le vieux
Bahti lui a dit que la mer est > (Be., 228). Le bleu de la mer est soulign et rpt
trs souvent dans ce recueil. Parfois, il est associ la couleur du ciel : > (Lu.,p.97), > (Lu.,p.92),
>.
(Lu.,p.106),
(Cv., p.172), > (Pc., p.220).
Cette couleur bleue de la mer signifie > daprs Gilbert Durand, cest pourquoi elle
reprsente comme un refuge pour Mondo, Lullaby et Daniel qui vont la
contempler. Le bleu apaise le tumulte que les protagonistes doivent affronter
dans la socit.
Mme dans le dsert, la mer nest pas absente : > (Be., p.248). Ainsi, les protagonistes ne sont jamais loin de la mer.
45 ISSACHAROFF (Michel), Lespace et la nouvelle. Paris : Jos Corti, 1975, p.78. 46 DURAND (Gilbert), op.cit, p.165.
-
45
La description de la mer est accompagne dans certains rcits par celle
des rochers qui impliquent des espaces escarps. Le chemin des contrebandiers
que Lullaby suit, > ( Lu., pp.85-86 ). Elle doit
grimper et escalader les rochers pour aller jusqu la pointe du cap. Dans Celui
qui navait jamais vu la mer, Daniel habite dans une grotte creuse dans le cap
noir au bout de la baie d'o il peut regarder la mer tout le temps.
Comparables aux rochers dont l'ascension est difficile, les collines et la
montagne apparaissent dans Mondo et La Montagne du dieu vivant comme les
lieux les plus importants du rcit. La belle colline qui se trouve > (Md.,p.42), que Mondo escalade,
possde un chemin qui mne son sommet. Il est sinueux et se transforme en
escalier qui zigzague travers elle.
Dans La Montagne du dieu vivant, Reydarbarmur est remarquable par
sa hauteur. Il est comme > (Mt., p.124). Reydarbarmur se situe en
marge du monde des tres vivants. Il est > ( Mt., p.123 ). Pour y monter, le
protagoniste doit escalader les blocs dont chacun forme > (Mt., p.128). Nous retrouvons ici aussi les notions de chemin
escarp et de monte difficile.
Les chemins menant vers le haut des rochers de Lullaby, et vers les
sommets de la colline de Mondo et du mont Reydarbarmur de Jon sont des
mtaphores d'une ascension de lme. Cest dire quils permettent aux dfunts
daccder lau-del. Car les chelles ou les escaliers servent aux dfunts pour
monter au ciel47. Nous pouvons ainsi considrer que les protagonistes agissent
47 ELIADE (Mircea). Images et symboles. Paris, Gallimard, 1952, p. 63.
-
46
comme des morts. Ils sont les morts qui meurent du monde profane par la mort
symbolique du rite initiatique. La montagne symbolise donc lascension et
louverture au monde initiatique, le passage une nouvelle vie.
Symbole de la pauvret et de la scheresse, le dsert est lespace le plus
important dans Les Bergers. Son tendue illimite connote laspiration
profonde de ltre humain toujours en qute de linfini : > (Be., p.248).
Malgr la scheresse, le dsert a aussi des richesses caches, qui lui confrent
lquilibre du monde naturel. Ainsi, Gaspar et les bergers retrouvent la
fracheur Genna. Cet espace vert enchante les bergers : >
(Be.,p.265).
Genna est reprsent comme un paradis terrestre pour les enfants par sa
fcondit. Cest un pays de cocagne o sunissent les quatre lments : la terre
par le sol, leau par le lac, le vent par lair et le feu par le soleil. On a limage
d'une exubrance exprime par le vert du monde vgtale :
lespace dherbes hautes ondulait dans le vent, et les arbres se
balanaient, beaucoup darbres lancs, aux troncs noirs et aux larges
frondaisons vertes ; des amandiers, des peupliers, des lauriers gants ; il y
avait aussi de hauts palmiers dont les feuilles bougeaient (Be., p.265).
Pour vivre Genna, les enfants construisent au bord du lac une maison
dont un ct est laiss ouvert pour entrer. Cette maison qui est lespace clos
contribue faire du dsert un espace sacr, car elle apparat comme un centre
de couvergence o les enfants doivent se ressourcer chaque retour de chasse
ou daventure. Cela sapparente ce que dit Eliade propos de lespace sacr,
-
47
qui est
-
48
phase prparatoire est >.
La phase de la prparation consiste, le plus souvent, sparer le myste
de sa mre et de son milieu familial, labandonner dans la brousse ou dans
une zone spcifique et sacre et enfin le purifier. Nous commenons notre
tude par lanalyse de la sparation initiatique.
2.1 La sparation
Comme le monde fminin, cest--dire la prsence maternelle, est
presque absente des rcits, les protagonistes ne ressentant aucune attache de cet
ordre, la sparation dans sa dimension pathtique entre le myste et le monde
fminin est secondaire dans notre tude. Pourtant, la sparation que connaissent
les protagonistes est celle o ils se trouvent spars de leur vie antrieure ou
du monde ordinaire. En mme temps, cette sparation symbolise la sortie du
monde profane pour entrer dans le monde inconnu qui est en fait le domaine
sacr de linitiation.
Dans Mondo, Lullaby et Celui qui navait jamais vu la mer, la
sparation des protagonistes avec le monde o ils ont vcu, est fait avec
dtermination. Car ils ont limpression que ce monde est dsagrable.
Pour Mondo, il vit au dbut du rcit dans le monde civilis, o il y a
>. Il travaille avec les
marachers quand il y a le march. Il rencontre les gens de la ville qui sont
sympathiques comme Rosa la marchande de fruits qui lui donne des pommes et
des bananes, Ida la boulangre qui lui donne rgulirement un morceau de pain,
Giordan, le pcheur, qui partage avec lui son sandwich, la jeune fille qui
laccompagne prendre lascenseur et lhomme au cerf-volant qui lui enseigne
lart de tirer le cerf-volant.
49 Vierne (Simone). Op.cit., p.13.
-
49
Peu peu, il trouve la plupart des gens de la ville antipathiques.
Enfants ou adultes, ils ne savent pas partager, ils ne savent pas non plus
regarder les choses et les tres autour deux. Le petit-fils du rempailleur ne sait
pas partager les jouets. Il se garde pour lui seul le jouet que Mondo lui prte. La
foule, elle, se hte. Les gens marchent vite > (Md.,p.37), sans faire attention
Mondo. Leur manque de bont leur donne des dimensions qui rlvent du
fantastique :
Les gens autour de lui devenaient hauts comme des arbres, avec des
visages lointains, comme les balcons des immeubles. Mondo se faufilait
parmi tous les gants, qui faisaient des enjambes considrables. Il vitait
des femmes hautes comme des tours dglise, vtues dimmenses robes
pois, et des hommes larges comme des falaises, vtus de complets bleus et
de chemises blanches (Md., p.38).
Rejetant cette socit inhumaine, Mondo sexclut de ce monde profane
pour franchir les collines. Elles sont couvertes de la lumire irradie par le
soleil, qui symbolise la connaissance recherche par les candidats linitiation :
> (Md., p.39). Lambiance sacre
de cette colline est accentue par le chemin qui > (Md., 42). Cet espace isol est emblmatique du chemin de
lascension du myste.
Pour Lullaby, la ville, surtout lcole, parat comme une prison. Elle
lavoue son pre : > (M.D.,p.91). La ville dcrite dans ce rcit ressemble celle dans
Mondo. C'est un monde o les hommes se soumettent aux rgles quils ont
tablies. Quand les gens voient que Lullaby ne va pas lcole comme les
-
50
enfants de son ge, ils > (Lu.,
p.85) pour la rprimander. De plus, ces hommes sont toujours presss comme
sils vivaient dans un monde de concurrence :
Ils roulaient vite dans leurs autos, le long de lavenue, dans la
direction du centre de la ville. Les vlomoteurs faisaient la course avec des
bruits de roulements billes. Dans les autos neuves aux vitres fermes, les
gens avaient lair press (Lu., p.85).
Limage de ces gens enferms dans leurs voitures illustre la perte de
contact avec les lments. Les hommes deviennent individualistes, gostes,
froids et indiffrents. Le fait que Lullaby ne peut plus rester dans ce monde
presque carcral tout seul voudrait dire qu'elle est vraiment en prison. Elle le
quitte sans hsitation : > (Lu., p.85). Cette
dmarche reprsente la sparation davec le monde de sa vie profane. Car elle
arrte de suivre le quotidien de sa vie.
Le monde vers lequel Lullaby avance correspond au lieu initiatique
chez les primitifs qui, selon Simone Vierne, doit tre > : en effet > (Lu., p.86-87). Donc, elle
sort du monde profane et entre dans le domaine sacr.
Etant pensionnaire, Daniel dans Celui qui navait jamais vu la mer est
dj coup du lieu familial. En plus, son caractre inactif le spare des gens de
lcole. Il aime rester > (Cv., p.167). Car il
nest pas satisfait > (Cv., p.167). Comme
50 VIERNE (Simone), op.cit., p.14.
-
51
Daniel na pas damis lcole >, il quitte le monde civilis sans tristesse. La sparation s'effectue
sur le mode de la fuite: il choisit ainsi de la faire dans la nuit, qui est ici le
symbole de la mort de la vie profane : > (Cv., p.169).
Dans Les Bergers, nous voyons que lapparence du protagoniste au
dbut du rcit indique quil fait partie des gens de la ville : > (Be., p.251). Sans rien savoir de son pass,
nous comprenons que Gaspar quitte la ville o il vivait cause de ses
vtements. Son apparition dans le dsert, o il est un tre seul dans lespace
infini, donne limage dun isolement complet. Il est ainsi spar du monde
profane et se dirige vers le monde sacr, qui est lespace inconnu, infini et isol
o habitent ses guides initiatiques que sont les bergers.
Dans La Montagne du dieu vivant, Jon mne une vie denfant
ordinaire. Il va lecole. Il sait sduire les filles en leur adressant la parole avec
la guimbarde comme les autres garons. Il na jamais approch Reydarbarmur
de mme les gens de son village. Jon nest pas insatisfait de sa vie et le monde
autour de lui, comme le sont Daniel et Lullaby. Pourtant, il part faire son
voyage initiatique comme eux, attir qu'il est par la lumire du soleil brillant au
plus lors de l'anne. Cest le 21 juin, jour du so