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Retour sur les impacts de l’introduction de tramways en
Afrique du Nord
Jonathan TURGY, SYSTRA, Paris – France, [email protected]
Introduction
Les autorités nord africaines se sont lancées massivement lors de la dernière décennie
dans le déploiement de systèmes tramway dans leurs agglomérations (plus d’une
vingtaine de projets sont en cours…) pour faire face à la congestion routière soutenue
par un développement économique rapide et ses conséquences en termes de pollution
de l’air, d’émissions de gaz à effet de serre et de dégradation de la qualité de vie.
Alger, Casablanca, Rabat, Oran, Constantine sont autant d’exemples de la révolution
« tramway » en cours en Algérie et au Maroc.
SYSTRA a joué et continue de jouer un rôle majeur dans le déploiement de ses
systèmes et propose au travers de cette communication de balayer :
l’articulation du tramway au reste du système transport (VP, bus, taxis…)
et son effet levier pour améliorer l’offre globale en transport public.
les impacts de l’introduction de ce mode entre autres sur :
les pratiques de mobilité,
l’inclusion sociale,
le partage de la voirie,
le tissu urbain,
l’environnement (qualité de l'air, émissions de gaz à effet de serre, bruit,
sécurité routière....).
Ce panorama cherchera à montrer à la fois les bonnes pratiques et les pistes
d’amélioration, conclusions qui peuvent servir pour les nombreux projets encore en
cours d’instruction ou de construction dans la zone. Il s’appuiera sur des exemples
emblématiques et notamment ceux de Casablanca et d’Alger qui offrent des
caractéristiques, des contextes d’origine et des conditions de réalisation différents. Ces
exemples sont issus de la large expérience que possède SYSTRA en matière de projets
de tramway en Afrique du Nord en ayant été impliqué sur la majorité de ceux-ci tant
dans leur phase d’étude de définition / faisabilité qu’en tant que maître d’œuvre
(conception, réalisation, suivi et mise en service).
Figure 1 - Tramway de Casablanca - Source SYSTRA
Nombreuses sont les villes du Maghreb qui sont en train de se doter de projets de
transport collectifs de type tramway (voir à titre d’exemple la carte ci-après des projets
de TCSP en Algérie). Ces villes qui se dotent de systèmes de tramway voient leur
panorama urbain évoluer significativement et profitent de l’arrivée de ces
infrastructures de transport collectif performantes pour réorganiser de façon globale
leur système de transport et transformer leur ville. Ainsi, et au regard des expériences,
il s’avère déjà possible de dresser un ensemble de conclusions quant aux impacts de
l’arrivée de ces projets qui font entrer ces villes dans une nouvelle ère en matière de
mobilité et de développement urbain.
Figure 2 - Localisation des projets de tramway, métro et télécabines en Algérie
(certains sont déjà en exploitation) – Source Entreprise du Métro d’Alger
Le contexte : des villes d’Afrique du Nord en forte croissance avec un déficit
majeur d’infrastructures de transport collectif performantes
Les agglomérations d’Afrique du Nord connaissent depuis quelques décennies une
forte croissance économique et démographique qui se traduit à la fois par une
extension de l’espace urbanisé et par une augmentation de la demande de transport.
Le caractère relativement anarchique de cette croissance urbaine rend cependant
chaotiques les déplacements quotidiens de ses habitants. La situation de certaines
grandes agglomérations comme Casablanca, Alger ou encore Le Caire entraîne
désormais d’importants impacts négatifs tant sur l’économie local que sur
l’environnement.
Fort de ce constat de paralysie, beaucoup d’agglomérations ont initié depuis quelques
temps des réflexions de planification urbaine et de la mobilité afin de contrecarrer la
tendance établie. L’effort à réaliser est immense. Dans ce sens, beaucoup de villes
d’Afrique du Nord (nous nous intéresserons dans le cadre de cet exposé uniquement
aux agglomérations marocaines et algériennes) ont engagé une importante phase
d’investissements dans le domaine des transports collectifs et plus particulièrement de
systèmes tramways tel qu’ont pu le réaliser d’autres agglomérations de taille
comparable ces dernières décennies.
Pour planter le décor, il convient de souligner que les agglomérations marocaines et
algériennes, et à l’instar de l’Europe dans les années 60 et 70, sont depuis peu marquées
par un phénomène de motorisation galopante des ménages. Dans ce sens, et à l’échelle
des individus, le tramway et plus largement les transports collectifs ne correspondent
pas encore à une priorité à partir du moment où le principal souhait actuel des
populations est de pouvoir accéder à l’automobile et pouvoir circuler librement et en
toute fluidité en voiture. Malgré cela et en parallèle, les pouvoirs publics ont le mérite
d’avoir pris conscience des enjeux et des menaces qui pouvaient mener leurs villes à
l’asphyxie et tentent d’anticiper, voire de corriger, un problème de congestion déjà
trop présent dans les agglomérations du Maghreb.
Vers une politique de planification maîtrisée au sein de laquelle le tramway joue
désormais un rôle majeur
Avec l’évolution des outils de planification ces derniers temps (instauration des Plans
de Déplacements Urbains au Maroc, affirmation des volets mobilités des Schémas
Directeurs d’Aménagement en Algérie), les pays du Maghreb affirment haut et fort
leur volonté de mettre la mobilité au cœur des problématiques de développement
urbain et de dégager les investissements nécessaires pour la réalisation de projets
majeurs d’infrastructures.
Il faut dire qu’avec l’évolution exponentielle des taux de motorisation qui n’est pas
sans rappeler celle de l’Europe lors des années 1960-1970, les conditions de circulation
se dégradent très rapidement et les villes de congestionnent actuellement de façon
problématique pour le développement économique et l’attractivité des centres urbains.
Avec le temps, les agglomérations intègrent dans leurs stratégies de développement
les grandes infrastructures de transport collectif comme un élément fondamental dans
leur stratégie articulant de fait leur développement autour de celles-ci. Au sein des
réseaux de transport, le tramway joue un rôle clé dans la mesure où ces premiers sont
désormais organisés autour du tramway impliquant ainsi lors de la phase de conception
des projets de réorganisation de l’offre existante, pas toujours évidents mais au
combien indispensables. La réorganisation d’un réseau vise en effet avant tout à
rationaliser l’offre tout en améliorant au global la qualité de service grandement
permise par l’introduction d’un mode de transport moderne et attractif.
Le tramway comme un objet de valorisation de l’espace urbain
L’arrivée d’une infrastructure moderne de type tramway pour peu que les dispositions
architecturales aient été intégrées et pensées en amont du projet est bien souvent
l’opportunité de redynamiser voir transformer les espaces traversés et desservis. Les
projets de tramway tel qu’ils sont actuellement mis en œuvre en Algérie et au Maroc
s’appuient maintenant sur une véritable volonté politique locale de valorisation de
l’espace urbain d’autant plus qu’ils permettent de contribuer à l’identité visuelle de
chacune d’entre elles.
L’objet tramway n’est dès lors plus uniquement un système de transport mais une
icône vectrice de modernité et d’identité pour une agglomération.
Comment préparer l’arrivée et l’intégration d’un nouveau mode de transport ?
Les expériences algériennes et marocaines dans l’implémentation d’un nouveau mode
de transport urbain de type tramway sont autant d’exemples intéressants à partir du
moment où ils s’intègrent dans un paysage généralement vierge d’infrastructures de
transports collectif capacitaire et à haute qualité de service et où réside un paysage et
une organisation en matière de transport souvent peu réglementée (présence du
transport informel) et coordonnée (coexistence de modes de transport).
Dans la majorité des exemples considérés, l’arrivée d’un tramway est généralement
vécu comme une révolution à partir du moment où il apporte un important contraste
entre l’avant et l’après sa mise en œuvre du point de vue de l’organisation des
déplacements. Il permet aux agglomérations d’apporter une touche manifeste de
modernité qui n’est pas cependant pas sans bouleverser l’ordre établi en matière
d’organisation des transports.
De fait, une réflexion sur l’ensemble des systèmes de transport est indispensable dès
les premiers stades d’études afin de faciliter l’articulation du tramway avec les modes
existants et s’assurer de sa pleine efficience. Petits et grands taxis, taxis collectifs,
lignes de transports collectifs exploitées aux risques et périls sont autant de modes de
transport « historiques » qui composent le paysage dans lequel s’inscrit le projet de
tramway et avec lequel celui-ci va devoir composer.
Dans ce sens, l’arrivée d’un projet de tramway doit être vue comme un levier et une
opportunité pour recomposer le paysage de l’offre existante. En s’assurant de la prise
en compte des avis de l’ensemble des parties prenantes (intérêts, reconversions,
transfert d’activités, vision à long terme), il est possible pour les maîtres d’ouvrages
de s’assurer de l’adhésion de la société civile et des exploitants historiques.
Au-delà de cette vision institutionnelle, il est indispensable de repenser l’organisation
générale d’un réseau de transport urbain avec l’arrivée d’une ligne de tramway. En
effet, celle-ci devient la colonne vertébrale du réseau et son articulation avec le reste
du dispositif de transport urbain doit être envisagé tout au long de sa conception
(politique tarifaire intégrée, création de pôles d’échanges, facilitation des pratiques
multimodales, information voyageurs, cheminements d’accès, accessibilité PMR,…).
Quels impacts liés à l’introduction de tramways en Afrique du Nord ?
Les échanges avec les populations des villes concernées et les retours d’expériences
des différents projets s’avèrent extrêmement riches d’enseignements. Bien souvent,
l’introduction des projets de tramway amènent un ensemble d’impacts positifs déjà
bien identifiés en amont (évolution des parts modales, partage de la voirie) et à
l’origine de la justification de leur réalisation mais bien souvent, ils vont bien au-delà
de l’escompté en apportant des effets bénéfiques relatifs à nombre d’enjeux relatifs au
développement urbain (environnement, inclusion sociale, autres effets leviers,…).
La présente documentation s’attache dans ce sens à relever les principaux impacts liés
à l’introduction de systèmes tramways dans les agglomérations pour lesquelles
SYSTRA aura joué un rôle majeur dans leur conception / réalisation et / ou mise en
service. Bien des impacts sont transférables et similaires d’une agglomération à l’autre
mais la richesse des projets concernés permet de dresser un vaste panorama des
impacts directs et indirects de ces projets qui ont considérablement fait évoluer la
qualité de vie des habitants de ces agglomérations, modifier leurs comportements en
matière de mobilité et permit à ces villes de s’inscrire dans une logique de
développement d’une politique de mobilité durable.
Les principaux sujets sur lesquels cette communication met l’accent à travers le prisme
des projets et villes considérés sont les suivants :
les pratiques de mobilité : évolution de la congestion urbaine, sur l’évolution
des parts modales, sur le développement des pratiques multimodale, sur la
mobilité dite nouvelle ou induite…
l’inclusion sociale : amélioration de l’accessibilité des territoires et plus
spécifiquement des territoires dits défavorisés, accessibilité et mobilité des
territoires initialement et traditionnellement peu mobiles, accès aux services…
le partage de la voirie : partage de l’espace public, intégration et valorisation
de nouveaux usages (modes actifs)…
le tissu urbain : (re)valorisation des espaces urbains, architecture, création
d’une identité visuelle, projets de développement urbain…
l’environnement : bruit, sécurité routière, gaz à effet de serre…
Un tramway pour une réelle évolution des pratiques de mobilité ?
Tel que précisé plus haut, un tramway n’est en général qu’un maillon du système de
transport urbain. En général, il ne fournit pas une réponse à lui tout seul aux
problématiques de mobilité urbaine et n’a de sens que s’il est pensé et mis en œuvre
dans une logique intégrant l’ensemble des modes de transport existants. Sa réponse est
donc n’ayons pas peur des mots que partielle et ce, d’autant plus que l’agglomération
concernée et grande et qu’une (voir plusieurs) ligne de tramway ne s’avère en général
pas suffisante pour apporter un changement fondamental à l’échelle de
l’agglomération du point de vue l’évolution attendue des parts modales. Il y contribue
cependant et plus sa conception est réfléchie en amont et intégrée avec l’offre existante
et réorganisée, plus ses impacts seront importants.
A Alger, le tramway ne dessert que la partie Est de l’agglomération et ne constitue
qu’un complément à la ligne de métro inaugurée en 2010-2011 qui elle dessert le
centre-ville. Une ligne de RER complète le réseau structurant de l’agglomération.
Figure 3 - Réseau TCSP d'Alger – Source Wikipedia
A Casablanca, la première ligne de tramway mise en service fin 2012 ne suffit pas à
avoir un impact significatif pour une évolution à la baisse de la congestion routière qui
augmente chaque jour un peu plus. A terme, les autorités de Casablanca souhaitent la
mise en œuvre de plusieurs lignes de tramway et probablement d’une ligne de métro,
indiquant ainsi le long chemin qu’il reste à parcourir.
Figure 4 - Réseau TCSP du Grand Casablanca à l'horizon 2030 – Source SYSTRA
Dans d’autres agglomérations de taille plus modeste (Rabat, Oran et Constantine) et
d’autres pour lesquelles un tramway est en projet ou en phase d’études de faisabilité
(Fès, Ouargla, Batna, Béchar…), le tramway dispose d’un impact plus important sur
le système de transport global de ces espaces urbains à partir du moment où ils
s’avèrent moins congestionnés et où le tramway dessert proportionnellement une
partie plus importante de la population urbaine. De ce fait et dans ces cas particuliers,
il constitue à lui seul l’armature du réseau de transport urbain autour duquel les
différents modes de transport sont (ré)organisés.
Dans la majorité des cas étudiés, les projets de tramway constitue à ce jour une réponse
aux enjeux de mobilité qui n’est que partielle étant donné qu’ils n’offrent pas une
alternative complète à l’automobile en plein développement dans ces espaces soit par
manque de couverture géographique (les « origines – destinations » ne sont que peu
couvertes) soit par manque d’intégration aux autres modes de transport urbain. Les
pratiques multimodales sont encore peu développées. L’absence de tarification
intégrée (exemples actuels du réseau bus à Casablanca ou du réseau bus et du réseau
métro à Alger) limite de fait l’attractivité générale du système de transport collectif et
donc la possibilité d’augmenter la part modale. Tel que nous l’avons vu
précédemment, les systèmes de transports sont encore peu interconnectés
physiquement et le long chemin pour relier les différents modes de transport n’est
encore qu’à moitié parcouru ; les modes historiques (taxi collectifs) disposant encore
et toujours des faveurs des populations.
La mise en œuvre de ces projets de tramway constitue donc un premier pas en avant
vers une politique de mobilité durable et une alternative crédible à la voiture
particulière qui mérite d’être affirmé à travers une intégration plus optimale de ceux-
ci au sein de la palette des modes de transports existants. Par ailleurs, les pratiques
multimodales incluant des systèmes P+R sont encore balbutiantes. Bien souvent la
réorganisation des réseaux de bus autour des projets de type tramway n’est pas
idéalement conçue en lien avec les difficultés de redéployer les kilomètres
commerciaux au gré des contrats d’exploitation existants.
A Casablanca, l’arrivée du tramway a cependant constitué une opportunité intéressante
pour remettre à plat le réseau complémentaire bus en « éliminant » les petites sociétés
exploitantes qui d’une certaine manière ne jouer pas le jeu en matière d’évolution de
qualité de service. De plus, l’arrivée du tramway a permis de redistribuer les cartes
vis-à-vis des taxis blancs interurbains qui d’une certaine façon ont pu être repoussés
au-dehors de la zone d’influence du tramway. A Rabat, le constat est différent avec
des taxis toujours présents le long de la ligne de tramway qui ne jouit pas d’une
politique tarifaire suffisamment attractive. A Alger, le coût du tramway qui est
déterminé en fonction de la distance parcourue est un frein au développement de son
usage à partir du moment où les trajets identiques sont encore réalisables en bus pour
un tarif souvent à hauteur de 50% du prix du tramway pour un trajet équivalent. Le
constat est d’ailleurs le même pour la ligne de métro.
Le transport collectif : un élément important du dispositif d’inclusion sociale
Le transport collectif poursuit un objectif social à partir du moment où il permet aux
populations non-motorisées de se déplacer pour un tarif généralement modeste. Ainsi
il permet de développer l’accessibilité de territoires à des personnes qui n’avaient
jusqu’alors pas la possibilité de pouvoir s’y rendre. Au final, le transport collectif et
ce, d’autant plus si il s’agit d’un de mode de transport performant de type tramway,
permet de créer des liens entre les populations, facilite l’accès à l’emploi et aux
services,…
En Algérie, au Maroc et comme partout ailleurs, les projets de tramway sont dans la
majorité des cas conçus pour desservir les quartiers d’habitation denses et souvent
défavorisés en leur offrant une véritable offre de transport vers le centre-ville et autres
zones de services.
Pour citer l’exemple de Casablanca, l’arrivée du tramway a permis à des populations
dont la mobilité était réfrénée par manque de choix et de moyens, de pouvoir accéder
aux zones les plus attractives de la ville et ainsi contribuer à la création d’un véritable
lien social entre les habitants de la cité.
A Alger, de même, le tramway via sa connexion avec la ligne de métro qui dessert le
centre-ville constitue également un trait d’union entre les différents espaces urbains et
les populations qui y résident et y vivent.
Ainsi, et même si pour des raisons expliquées plus haut, les impacts des projets de
tramway sont encore limités en termes de pratiques de mobilité, il doit être souligné à
ce stade l’importance du volet social de tels projets pour des agglomérations où la
mobilité de certaines populations est souvent contrainte par des problématiques de
moyens financiers et d’éloignements aux zones de services et d’emploi.
Une intégration souvent difficile au cœur du réseau viaire
De par leur développement rapide et récent (à l’exception des cœurs historiques –
Médina), les villes du Maghreb ont généralisé la création de longues et larges avenues
au cœur d’espaces urbains qui se sont rapidement densifiés. Avec le développement
exponentiel de l’automobile et l’absence jusqu’alors d’alternatives crédibles, le réseau
de voirie s’est très rapidement congestionné et donne souvent lieu à des scènes
d’embouteillages incroyables. Dès lors, l’intégration d’un système de transport de
surface de type tramway n’est pas chose aisée. En effet, une des principales
préoccupations des populations et des autorités locales quant à l’arrivée d’un tramway
est bien souvent de savoir dans quelle mesure l’intégration de ce nouveau mode va-t-
il empirer la congestion déjà présente et de voir quelle espace prendra-t-il à la voiture
particulière.
Figure 5 - Circulation à Casablanca – Source SYSTRA
Redessiner le réseau de voirie avec l’arrivée d’un système tramway n’est pas chose
aisée dans ces agglomérations où les conditions de circulation sont souvent
compliquées et où la notion de partage de l’espace public n’est encore
qu’embryonnaire.
Ainsi, d’importants efforts doivent être employés pour intégrer au mieux le système
tramway dans son environnement immédiat avec notamment un système de priorité
aux feux adaptés, une refonte des systèmes de carrefours, des plans de circulation
adaptés (sens uniques, report de la circulation automobile sur d’autres axes…).
Dans les villes citées dans cet exposé, il peut être indiqué que la majorité des actions
décrites ci-dessus ont plus ou moins bien été réalisées. Il reste cependant du chemin à
parcourir quand on considère qu’il est également important de traiter également les
problématiques de stationnement et de permettre le développement de bonnes
conditions de circulation aux modes actifs (piétons, vélos).
Le tramway : un objet d’identité affirmé
Une ligne de tramway n’est désormais plus uniquement vue ni perçue juste comme un
mode de transport. Avec le temps, la dimension architecturale des projets de tramway
a pris de l’importance et a marqué l’entrée de ce mode de transport dans une nouvelle
ère, celle du tramway moderne où en plus de fournir une réponse efficace aux
problématique de mobilité, il contribue à l’embellissement des espaces traversés et à
l’affirmation voire à la définition de l’identité la ville.
La réalisation d’une mode de transport guidé en surface de type tramway est bien
souvent l’opportunité pour les pouvoirs publics de s’attacher à valoriser voire
revaloriser les espaces urbains qu’ils traversent. Pour ne citer qu’eux, les tramways de
Casablanca et d’Alger ont permis de redonner un cachet architectural manifeste aux
quartiers Art Déco de leur centre-ville et retrouver leur charme d’antan. Le traitement
dit de « façade à façade » est en général aujourd’hui de rigueur et permet un traitement
d’ensemble de l’espace public concerné (trottoirs, bordures, voiries, plate-forme
tramway, engazonnement, mobilier urbain…).
Figure 6 - Tramway au centre-ville de Casablanca – Source SYSTRA
Par ailleurs, le tramway dessine et façonne la ville. Dans bien des cas, le tramway
constitue une forte opportunité pour créer de la ville autour du tramway, celui-ci
devenant le catalyseur des projets urbains qui l’entourent.
La dimension urbanistique des projets de tramway ne peut être discutée tant ils ont
contribué au Maghreb et ailleurs à donner aux villes qui en ont fait le choix une image
de modernité et de développement urbain harmonieux.
Enfin, les villes souhaitent faire de leur tramway un objet d’art unique qui se démarque
des villes voisines. Tant les prescriptions architecturales du projet que les possibilités
offertes par les constructeurs de matériel roulant contribuent à faire de chaque projet
de tramway un élément unique.
A Rabat, d’importants efforts ont été réalisés pour préparer l’arrivée du tramway du
point de vue de son intégration visuelle. Nouveau trait d’union entre les communes de
Rabat et de Salé, il est désormais un élément de fierté indéniable des habitants de
l’agglomération.
Figure 7 - Identité visuelle du tramway de Rabat – Source SYSTRA
Figure 8 - Le tramway, un trait d'union entre les communes de Rabat et de Salé –
Source SYSTRA
Par ailleurs, le tramway est également l’occasion de végétaliser les espaces urbains. A
Casablanca, 2000 palmiers ont été plantés tout au long de la ligne de tramway.
Des impacts sur l’environnement encore difficile à mesurer
L’arrivée d’un tramway n’apporte pas bien entendu du jour au lendemain
d’amélioration substantielle dans le domaine de la qualité de l’air. Elle y contribue
mais son impact est limité et de surcroît difficilement mesurable. Les bilans carbone
réalisés autour de ce type d’opérations fournissent des indices mais ne permettent pas
d’apprécier pleinement les effets liés à la diminution des émissions de GES. De plus
les effets secondaires liés à l’implémentation d’un tramway tel les reports de
circulations, les embouteillages liés à la présence du tramway sont autant d’éléments
qui peuvent fausser la bonne appréciation des impacts de l’arrivée d’un tramway sur
l’environnement du point de vue des rejets de CO2 et GES.
En revanche, il est certain que l’arrivée d’un système tramway possède des impacts
positifs certains sur la sécurité routière et les nuisances sonores (du moins le long de
son tracé). En effet, intégré au sein d’un nouveau plan de circulation, le tramway
permet entre autres la remise à plat du système de fonctionnement des carrefours qui
s’avère souvent chaotique dans les villes du Maghreb. Cela représente au final et
malgré une phase d’appropriation un peu « douloureuse » d’importants efforts en
faveur d’une meilleure discipline des automobilistes et donc d’une amélioration de la
sécurité routière. Pour le bruit et l’évolution des nuisances sonores, des impacts
remarquables sont à noter avec une diminution drastique des nuisances le long du tracé
des différentes lignes de tramways. Cependant, ce propos doit être modéré par les
reports de circulations sur les axes parallèles au tramway où la situation en termes de
nuisances sonores peut avoir tendance à se dégrader.
Pour compléter ce propos sur les impacts environnementaux des projets modernes de
tramway au Maghreb, il convient de signaler que ceux-ci sont généralement conçus du
point de vue végétal avec des essences peu ou pas consommatrices d’eau. Par ailleurs
et en ce qui concerne l’approvisionnement en matériaux de construction, la tendance
générale est à une diminution des matériaux importés, permettant ainsi de soutenir
l’économie locale et de tendre à diminuer les coûts de réalisation de ces projets.
Enfin, il ne pourrait être omis de ce propos le grand pas en avant effectuer par les
agglomérations maghrébines se dotant d’un projet de tramway en termes
d’accessibilité pour les Personnes à Mobilité Réduite. Les dernières lignes de tramway
sont « 100% PMR compliant ». Néanmoins, l’accessibilité à la ligne de tramway est
souvent rendue compliquée de par l’absence de traitement PMR en-dehors de l’espace
tramway proprement dit, rendant au final presque marginal les efforts effectuées pour
rendre les lignes de tramway accessibles aux PMR.
Figure 9 - Rampe d'accès PMR au tramway d'Alger – Source RATP
Conclusion
A ce jour, la « flambée » du nombre de projets de tramways dans les villes du Maghreb
indique une volonté affirmée des autorités locales à prendre à bras le corps la
problématique désormais plus que prégnante et préoccupante de la congestion urbaine.
Le tramway constitue en général comme toute infrastructure de transport collectif de
qualité une réponse ou du moins une partie de la réponse à ce sujet qui peut par ailleurs
être élargi aux questions d’intégration sociale, d’environnement ou encore de qualité
de vie. Néanmoins, de la qualité de la conception de ces projets et nous l’avons vu à
travers la présente communication dépendra grandement l’atteinte des objectifs
affichés. Ceci n’est pas particulièrement spécifique aux villes du Maghreb mais dans
ces espaces urbains en important développement plus qu’ailleurs, les infrastructures
de transport collectif doivent être pensées et conçues en intégrant un ensemble de
spécificités locales (modes de transports existants, réseau routier et niveaux de
congestion, intégration physique du tramway en vue du développement des pratiques
multimodales). Même si les projets de tramway tendent à y atteindre leurs principaux
objectifs, il existe encore d’importantes améliorations à apporter (gestion du
stationnement, intégration tarifaire et donc diminution du coût du transport,…) afin de
donner à ces villes en forte croissance les moyens de se développer durablement et de
fournir à leurs habitants les services qu’ils sont en droit d’exiger.
Les exemples étudiés à travers ce texte sont autant de leçons qu’il convient de retenir
afin d’apprendre des bonnes et mauvaises pratiques de chacun d’entre eux, c’est du
moins à ce vaste objectif que SYSTRA essaie de contribuer dans son rôle de
concepteur de projets de transport collectif.