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REVUE- PRATIQUE DES SOCIETES Cl VILES & COMMER CIA LES 5399. - Lai limitation du risque commercial en droit beige et la societe d'une personne A. Le Principe : « Quiconque est oblige personnellement est tenu de remplir ses engagements sur tous ses biens mobiliers ou immobiliers, presents et a venir » (art. 2092 Code Civil, actuellement l'art. 7 de la du 16 decembre 1851, dite Loi Hypothecaire). II resulte des travaux preparatoires du Code Civil que le rapporteur B1GoT .... PREAMENEU oonsiderait l'article 2092 comme « un principe fondamental » de la tradition juridique latine. Le rapporteur donne !'explication suivante de ce principe : «Si, d'une part, (les Romains) ont voulu. faire reposer la foi des engagements sur tout ce que le debiteur possede et pourra possooer' ils auraient egalement c:rn porter atteinte au droit de propriete du debiteur s'ils l'avaient prive de l'avantage d'offri,r, dans toute son etendue, la garantie qui est son pou- voir » (1). · Ce texte, et notamment la demiere partie, est interessant parce qu'il demontre que le legislateur l'a insere pour mettre sur un pied d'egalite les possibilites de credit d'une part des grands proprietaires fonciers et d'autre part des commergants dont les. possessions etaient surtout mobilieres (2). L'article 2092 C.C. a eu une influence tres importante parce qu'il a ete considere par la doctrine comme le fondement de l'inseparabilite du patrimoine qu'il soit civil ou commercial et des lors, de la respon- (1) LOCRE. Legislation civile, commerciale et criminelle. Bruxelles 1836. 8, 146. Le texte de cette disposition a ete presente au Conseil · d"Etat le 12 Pluviose XII. (2) L'on peut lire dans le rapport de M. GRENIER, presente au Tribunat le 2'6 Ventose XII : « Le credit d'un ne ressemble en rien a celui d'un simple proprietaire ; celui-ci n'a pour garantie connue que ses proprietes foncieres, mais rarement celui-la en a de considerables. Comme ses fonds employes en speculations commerciales sont beaucoup plus productifs qu'en immeubles, ses acquisitions en ce genre sont presque toujours le signal de sa detresse et !'indication du besoin d'eblouir et de fasciner les yeux ». LOCRE op. cit. 8, 257. N° 5399

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REVUE- PRATIQUE DES

SOCIETES Cl VILES & COMMER CIA LES

N° 5399. - Lai limitation du risque commercial en droit beige et la societe d'une personne

A. Le Principe : « Quiconque est oblige personnellement est tenu de remplir ses engagements sur tous ses biens mobiliers ou immobiliers, presents et a venir » (art. 2092 Code Civil, actuellement l'art. 7 de la ~oi du 16 decembre 1851, dite Loi Hypothecaire).

II resulte des travaux preparatoires du Code Civil que le rapporteur B1GoT .... PREAMENEU oonsiderait l'article 2092 comme « un principe fondamental » de la tradition juridique latine. Le rapporteur donne !'explication suivante de ce principe : «Si, d'une part, (les Romains) ont voulu. faire reposer la foi des engagements sur tout ce que le debiteur possede et pourra possooer' ils auraient egalement c:rn porter atteinte au droit de propriete du debiteur s'ils l'avaient prive de l'avantage d'offri,r, dans toute son etendue, la garantie qui est son pou­voir » (1).

· Ce texte, et notamment la demiere partie, est interessant parce qu'il demontre que le legislateur l'a insere pour mettre sur un pied d'egalite les possibilites de credit d'une part des grands proprietaires fonciers et d'autre part des commergants dont les. possessions etaient surtout mobilieres (2).

L'article 2092 C.C. a eu une influence tres importante parce qu'il a ete considere par la doctrine comme le fondement de l'inseparabilite du patrimoine qu'il soit civil ou commercial et des lors, de la respon-

(1) LOCRE. Legislation civile, commerciale et criminelle. Bruxelles 1836. 8, 146. Le texte de cette disposition a ete presente au Conseil · d"Etat le 12 Pluviose XII.

(2) L'on peut lire dans le rapport de M. GRENIER, presente au Tribunat le 2'6 Ventose XII : « Le credit d'un commer~ant ne ressemble en rien a celui d'un simple proprietaire ; celui-ci n'a pour garantie connue que ses proprietes foncieres, mais rarement celui-la en a de considerables. Comme ses fonds employes en speculations commerciales sont beaucoup plus productifs qu'en immeubles, ses acquisitions en ce genre sont presque toujours le signal de sa detresse et !'indication du besoin d'eblouir et de fasciner les yeux ». LOCRE op. cit. 8, 257.

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sabilite illimitee du commen;ant. Cette interpretation ne correspond pas au contexte historique dans lequel a ete promulgue !'article 2092 c.c.

C'est ZACHARI.IE (3), un contemporain du Code Civil, qui ecrit dans son traite de droit civil fran9ais qu'une seule et meme personne ne peut normalement posseder qu'un seul patrimoine. Mais que cette regle comporte une exception en ce qu'un seul et meme sujet peut representer plus d'une personne ( 4).

Ce qui constitue une toute autre interpretation que celle foumie par la doctrine qui a « suivi » ZACHARI.IE. Pour ZACHARIJE, le mot « personnellement » qui figure dans le texte de !'article 2092 C.C. a un sens bien defini : la qualite juridique dans laquelle un sujet prend part a la vie juridique. Cette interpretation du texte se retrouve d'ail­leurs dans les deux exemples suivants cites par ZACHARI.IE : le droit fran9ais, dit !'auteur, distingue ainsi le patrimoine d'Etat du patri­moine prive de l'empereur. et egalemerit le majorat de !'heritage que quelqu'un possede, qui sont consideres comme deux patrimoines differents (5).

Ainsi resitue dans son contexte historique !'article 2092 C.C. n'est pas un argument valable pour rayer la societe d'une personne de la vie commerciale belge.

·B. La limitation du risque commercial en droit romain.

Si le rapporteur B1coT-PREAMENEU considere !'article 2092 comme un principe fondamental issu du droit romain, cela ne signifie pas que les Romains ne toleraient aucune der9gation a cette regle. Ils connaissaient des exemples · notoires de limit'1ttion de la responsabilite precisement dans les cas ou un patrimoine civil devait supporter un risque commercial.

(3) ZACHARVE, K.-S. Handbuch des Franzosischen Zivilrechts. Heidelberg 1812. 4, 3, 490. ( 4) « Das Vermogen einer Person ist die Gesamtheit der ausseren Gegenstande,

die einer Person gehoren. Es ist mithin a) nicht etwa selbst ein ausserer Gegen­stand, so wie eine Sache oder eine Leistung ; sondern nur die Vorstellung von der rechtlichen Einheit gewisser Gegenstande. b) Diese Einheit beruht auf der Einheit des Subjectes, auf welches diese Gegenstande in rechtlicher Hinsicht zu beziehen sind. c) Ein und ebenderselbe Mensch kann in der Regel nur ein einziges Vermogen besitzen. » op. cit. ibid ..

(5) « Jedoch leidet diese Regel eine Ausnahme in so fern, als ein und eben­dasselbe Subject mehr als eine Person vorstellen kann. Daher unterscheidet z.B., das Franzosische Recht zwischen dem Staats- und dem Privatvermogen des Kaysers. Daher kand man auch dem Franzosischen Rechte nach das Lehn (das Majorat) und das Erbe, das einer besitzt, als zwey verschiedene Vermogen betrachten. » op. cit. ibid.

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11 est neanmoins vrai que le debiteur romain etait en principe res­ponsable de l'integralite de ses dettes. Cette responsabilite illimitee s'explique aisement a la lumiere des origines historiques de !'execution forcee d'une obligation en droit romain.

A. l'origine le debiteur etait responsable en personne sans qu'on puisse executer sur son patrimoine. La contrainte par corps etait la regle dans une societe essentiellement rurale. Si le debiteur ne reussit pas a trouver un « vindex. )) qui devait reprendre le proces a son propre nom, il devait subir le sort peu enviable d'etre vendu comme esclave « trans Tiberim )) OU d'etre execute, son corps etant meme, jusqu'a une certaine epoque, coupe en morceaux (6).

Cependant !'execution sur la personne a ete remplacee dans la pratique par une execution sur les biens (7). Cette pratique a ete consacree par la « venditio bonorum » introduite par le preteur RuTILius RuFJs. Les creanciers choisissaient parmi eux un « magis­ter )) ayant pour mission de vendre la masse des biens a celui qui offrait de liquider le pourcentage le plus considerable des dettes. L'acheteur etait considere comme « heredis loco)) ce qui signifie qu'il avait le meme statut qu'un legataire universe!. Ceci souligne encore le lien essentiellement personnel qui unit le patrimoine a son titulaire en droit romain. L'acheteur de ce patrimoine reassumait dans une certaine mesure les obligations du debiteur et les executait comme s'il etait son legataire universe! (8). Ce n'est que plus tard que le « magis­ter )) fut remplace par un « curator )) qui n' etait pas tenu de vendre en masse le patrimoine mais qui pouvait vendre piece par piece au plus offrant, ce qui nous amene petit a petit a !'execution actuelle (9).

Cependant le droit romain a connu deux exceptions fort importantes a la regle de l'universalite et de la personnalite du patrimoine, a savoir le patrimoine de mer et la « merx peculiaris >). La nature de ces deux patrimoines separes a ete suffisamment mise en lumiere par la doctrine belge pour que la presente etude puisse se borner a en degager les traits essentiels (10).

(6) TER HEIDE, J., Kort begrip van Romeins recht. Amsterdam/Brussel 1967. 78.

(7) BONFANTE, P., Histoire du droit romain. Traduite par J. CARRERE et F. FOURNIER 1928. 1. 518. GIFFARD, A.-E. Precis de droit romain. Paris, 1933. 1, 123 et S.

(8) TER HEIDE, J., op. cit. 79. (9) TER HEIDE, J., ibid. . (10) Pour une etude plus approfondie, i1 y a lieu de lire les theses remarquables

de GRUNZWEIG, S.F., Le f01ids de commerce et son passif propre. Bruxelles -Paris, 1938, et de SPETH, P.H., La divisibilite du patrimoine et l'entreprise d'une personne. Paris-Liege, 1958.

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En droit maritime romain, le navire et le fret constituent le seul gage des cn~anciers pour les dettes que le voyage pourrait causer. 11 semble que les Romains aient repris cette conception du, droit maritime des Rhodiens (11). Rappelons que le droit belge connalt une semblable disposition (12). ·

La seconde derogation au principe de la personnalite et de l'univer­salite du patrimoine est constituee par l'institut juridique la « merx peculiaris ». Le « pater familias » romain peut creer librement un patrimoine separe de son patrimoine personnel et conferer a ce patri­moine separe un statut d'exception. ,Ce « peculium » demeure J.ia propriete du pater familias mais la gestion en est conferee soit a son fils soit a son. esclave. Ceux-ci n'engagent que le « peculium » sans que les ~reanciers de celui-ci aient un recours contre le patrimoine de son proprietaire. ·

11 est tres interessant de noter que les exceptions a la regle generale de l'universalite et de la personnalite du patrimoine, se rencontrent exclusivement en des patrimoines assujettis a un risque commercial. La loi a voulu attenuer ce risque . chaque fois que l~ titulaire du patri­moine n'etait pas en mesure de le gerer personnellement. Il est vrai­semblable que des considerations d'equite ont engendre ces pratiques. Le meme souci a inspire le legislateur belge qui limite la responsabilite des associes commanditaires dans la mesure ou ceux-ci n'interviennent pas dans la gestion de la societe en commandite (13 ).

C. La limitation du risque commercial en droit beige.

1. Le patrimoine de mer.

L'article 11 de la Loi Hypothecaire stipule expressement que les previsions de la Loi Hypothecaire laissent · tel quel le regime special du patrimoine de mer. C'est la seule derogation au principe de l'article 2092 C.C. relative a la limitation du risque commercial, qui est

(11) RIPERT. Droit Maritime, 1929. 2, 179 et suiv. SMEESTERS et WIN­KELMOLEN. Droit Maritime et Droit Fluvial. 1, n°5 5104 et suiv.

(12) L'avocat general BONTE E. de la Cour d'Appel de Gand y a consacre la Mercuriale prononcee a l'audience solennelle de rentree le 2 septembre 1963. Le texte a ete reproduit par le Journal des Tribunaux des 6 et 13 octobre 1963. 541-550 et 561-570.

(13) Code de Commerce. Lois coordonnees sur les societes commerciales article 23. « L'associe commanditaire est solidairemerit tenu, a l'egard des tiers, de tous les engagements de la societe auxquels i1 aurait participe en contravention a la prohibition de !'article precedent. 11 est tenu solidairement a l'egard des tiers meme des engagements auxquels il n'aurait pas participe, s'il a habituelle­ment gere les affaires de la societe ou si son nom fait partie de la raison sociale.»

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expressement formulee au Code Civil (14). Ce qui signifie· que !'article 46 § II du Titre II du Code de Commerce definit valablenient la responsabilite limitee du proprietaire de navires et d'equipages (15).

Ainsi qu'il vient d'etre expose, ce texte correspond a un usage tres ancien inspire sans doute par des considerations d'equite et par le souci de developper le . commerce maritime, source de richesses ~onsiderables (l5bis).

2. La societe comnierciale a responsabilite limitee des associes.

Les lois coordonnees sur les societes commerciales prevoient quatre types de societe qui permettent aux associes ou a certains d'entre eux de limiter leur responsabilite a leurs apports moyennant respect des regles imperatives dictees par le legislateur. II s'agit par ordre d'anciennete de la societe en commandite, de la societe anonyme, de la societe cooperative et de la societe de personnes a tesponsabilite limitee (16).

(14) C.C. article 2120, actuellement article 1l de la loi dite hypoth6caire : « II n'est rien innove par le present code aux dispositions des lois maritimes concernant les navires et batiments de mer ».

(15) Texte de !'article 46 § II du Titre II du Code de Commerce : « Le proprietaire d'un navire de mer n'est responsable que jusqu'a concurrence de la valeur du navire, du fret et des accessoires du navire : » 1° Des indemnites dues a des tiers a raison de dommages causes a terre OU

sur l'eau par les faits ou fautes du capitaine, de !'equipage, du pilote ou de toute autre personne au service du navire ;

» 2° Des indemnites dues a raison des dommages causes soit a la cargaison remise au capitaine pour etre transportee, soit a tous biens et objets se trouvant a bord ;

» 3° Des obligations resultant des connaissements ; » 4° Des indemnites dues a raison d'une faute nautique commise dans !'execution

d'un contrat ; » 5° De !'obligation d'enlever l'epave d'un navire coule et des obligations s'y

rattachant, ainsi que des dommages occasionnes a des ouvrages d'art, des ports, bassins et voies navigables ;

» 6° Des remunerations d'assistance et de sauvetage ; » 7° De la part contributive incombant au proprietaire dans les avaries communes; » 8° Des obligations resultant des contrats passes ou des operations effectuees

par le capitaine en vertu de ses pouvoirs legaux, hors du port d'attache du navire, pour les besoins reels de la conservation du navire ou de la conti­nuation du voyage, pourvu que ces besoins ne proviennent ni de l'insuf­fisance, de la defectuosite de l'equipement ou de l'avitaillement au debut du voyage, et que le proprietaire du navire n'ait pas specialement autorise ou ratifie ces obligations.

» Toutefois, pour les creances prevues aux numeros 1, 2, 3, 4 et 5. la responsa­bilite visee par les dispositions qui precedent ne depassera pas une somme totale de 280 belgas ou 1.400 francs, par tonneau de jauge du navire. »

(15bis) supra 4 et 5. (16) Les dispositions limitant la responsabilite sont les suivantes : a) pour la societe anonyme, !'article 26 : « La societe anonyme est celle dans

laquelle les associes n'engagent qu'une mise determinee » ;

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a) Les origines de la limitation de la responsabilite des associes d'une societe commerciale.

Il est important de noter que ces origines ne se retrouvent nullement dans la tradition juridique romaine. En droit romain' la societe etait un contrat « intuitus personae}) sans consequence juridique a l'egard des tiers. Les parties engageaient leurs patrimoines ~espectifs sans aucune limitation ( 17).

Les premieres formes developpees de limitation du risque commer­cial des associes sont d'origine hollandaise et surtout anglaise _ (18). Elles semblent avoir ete inspirees par les memes considerations d'equite qui incitaient deja les Romains a limiter la responsabilite du proprie­taire d'un navin~ et du paterfamilias proprietaire du « peculium » (19). En effet les grandes aventures , d'exploitation commerciale des pays d'outre-mer qu'entreprirent les Hollandais et les Anglais des le debut du XVJe siecle, necessitaient d'une part la reunion de capitaux consi­derables mis en commun par plusieurs « associes » (principe de l'association) et· d'autre part la limitation de la responsabilite aux apports pour les associes qui etaient incapables d'assurer en personne la bonne gestion de ces capitaux dont le risque commercial etait

b) pour la societe en commandite par actions, !'article 105 : «La societe en commandite par actions est celle que contractent un ou plusieurs associes responsables et solidaires avec des actionnaires qui n'engagent qu'une mise determinee » ;

c) pour la societe en commandite simple, !'article 18 : «La societe en com­mandite simple est celle que contractent un ou plusieurs associes responsables et solidaires, que l'on nomme commandites, ·et un ou plusieurs associes simples bailleurs de fonds, que l'on nomme commanditaires » ;

d) pour la societe cooperative, l'article 43, 4 : «Les associes peuvent s'engager solidairement ou divisement, indefiniment ou jusqu'a concurrence d'une certaine valeur » ;

e) pour la societe de personnes a responsabilite limitee, !'article 116 : « La societe de personnes a responsabilite limitee est celle ou les associes dont le nombre est limite par la loi n'engagent que leur apport, ... ».

(17) TER HEIDE, J., op. cit. 140, 141. (18) 11 existe plusieurs ouvrages sur l'origine de la societe de capitaux. Citons

parmi les plus complets : 1. GROSS, Ch., The gild merchant. 1890. 2. SCOTT, W.R., The constitution and finance of English, Scottish and Irish

joint-stock companies to 1720-1912. 3. Introduction to select charters of trading companies, 1530-1707. 28 Selden

Society Publications. 1913. La publication de la Selden Society est peut-etre la plus interessante parce qu'on y trouve les textes originaux des actes de consti-tution. I

4. DAVIS, J .S., Essays in the earlier history of A~nerican corporation. 1917. 5. DUBOIS, A.B., The English business company ~fter the Bubble Act 1720-

1800. 1938. 6. PIRET, R .• L'evolution de la legislation beige sur les societes anonymes.

1946. (19) supra, 4 et 5.

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particulierement eleve (principe de la responsabilite limitee des associes commanditaires) (20).

II resulte clairement de la lecture des premiers actes de constitution des societes anglaises que celles-ci etaient fondees dans le double but de !'exploitation commerciale des colonies et du gouvernement de ces territoires. Ainsi l'acte de constitution etait un acte du Parlement octroyant une partie des prerogatives royales aux administrateurs de societe (21). C'est pourquoi les premieres societes anglaises etaient de veritables institutions de droit public ayant egalement pour mission !'exploitation commerciale du territoire qu'elles gouvernaient.. Dans les limites tracees par l'Acte du Parlement, le « Charter », ces societes disposaient de pouvoirs executifs, legislatifs et judiciaires (22).

Son origine comme institution de droit public explique peut-etre pourquoi la societe d'une personne et partant la limitation de la responsabilite du commer~ant · ont ete plus aisement acceptees par la jurisprudence anglosaxonne (23). En effet, si la societe a responsa­bilite limitee des associes a ete introduite en droit beige des 1807,

(20) Comparez VAN RYN, J., Principes de droit commercial. 1954. l, 316. II arrivait souvent que la fortune personnelle de la Couronne an<:>laise etait hautement interessee dans ces entreprises a risque eleve. Cfr. SCOTT, W.R., op. cit. passim. Notez la ressemblance frappante avec la « societas maris » romaine, dans laquelle les associes apportaient un navire qui etait la limite de leur risque commercial. Cfr. SPETH, F., op. cit. 89. Ces pratiques peuvent etre rapproch6es d'une coutume medievale qui permit a la femme noble d'un Seigneur mart en Croisade, de renoncer a la communaute et d'echapper par fa a toute poursuite en raison des dettes que son mari etait amene a contracter soit pour son equipement soit dans les pays lointains. Ce droit s'exer~ait par une ceremohie symbolique : la veuve se rendait sur la tombe de son mari et la, en presence de temoins, elle se defaisait de sa ceinture et de sa bourse et ne devait plus rentrer dans la maison commune. Cette pratique •est un bel exemple de la publicite qui doit necessairement accompagner la limitation de la responsabilite qu'elle soit civile ou commerciale. Cfr. CRAINE, L., Contribu­tion a l'hude du patrimoine familial dans le droit franrais. Lyon, 1943. 27.

(21) Le Roi 'intervenait frequemment pour modifier le «Charter». Le texte delimitait les pouvoirs dele~mes ce qui explique son interpretation parfois trap ri!!ide et stricte. Ainsi le conseil de la fameuse « East India Companv » interpre­tait la clause 63 des statuts' comme suit : « Je suis d'avis que !'election doit avoir lieu un dimanche le 13 du mois et qu'une election qui aurait lieu le lendemain, lundi, serait irreguliere. » Un nouvel acte du Parlement devait etre promulgue pour permettre la remise de !'election au lundi. Fait cite par du BOIS A.B., op. cit. 197.

(22) Jusqu'au debut du XIXe siecle, les tribunaux anglais et americains n'intervenaient dans les decisions judiciaires rendues par les assemblees generales des actionnaires qu'a titre tout a fait exceptionnel. L'assemblee l!enerale s'appe­lait d'ailleurs la « Cour » (the Court) de la societe. Cette jurisprudence a ete modifiee par la sentence Robinson v. Smith. N.Y. 3 Paige 222. 1832'.

(23) Ce qui ne signifie pas que la societe d'une personne a ete admise sans controverse. II suffit de lire a cet e~ard !'article de Henri Marquis, Les « One­Man Companies » et le Proces Salomon v. Salomon and Co, Ltd., in Revue des Socihes, T. XLIII (Annee· 1925), 458.

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le legislateur s'en mefiait a tel point qu'une Jutorisation prealable du gouvernement etait indispensable, necessitan~ des formalites longues et en tout cas peu encourageantes (24). Et VAN R YN signale que la refortne de la loi en 1873 fut entierement realisee au nom de la liberte cbntractuelle (25).

Pour le legislateur belge, la societe a responsabilite limitee des associes, etait avant tout une societe au sens de la « societas » romaine et cela ma1gre ses origines anglaises d'institution. II semble que c'est la la raison pour laquelle !'application du principe de la limitation du risque commercial par la constitution d'une societe s'est · toujours · heurtee en droit belge a des objections provenant d'un raisonnement juridique qui n'etait pas adapte a sa nature propre. Ainsi la societe d'une personne a ete consideree comme « une monstruosite juridique » par l'avocat-general TERLINDEN dans son avis precedant l'arret de la Cour de Cassation du 5 janvier 1911 en cause Sopron c/ Clausenbourg (26). Elle l'est effectivement lorsqu'on la considere a la lumiere de· la « societas » romaine. Elle ne l'est pas du tout lorsqu'on lui reserve dans notre droit un raisonnement juridique Conforme a ses origines (27).

Notons a la fin de ce chapitre, qu'il existe d'autres divisions au sein d'un patrimoine commercial, que la fortune de mer et la societe a responsabilite limitee des associes. Ainsi, la masse faillie tout comme la societe d'urte personne qui subsiste «pour les besoins de sa liquida­tion». Mais ces patrimoines separes n'encourent pas le risque com­mercial propre a un patrimoine engage dans le commerce et pour­suivant act.ivement un but de lucre (27bis).

(24) PIRET. R.. op. cit. n° 23. VAN RYN, J., op. cit. 317. 11 y a lieu de soµligner qu'a cette epoque la loi anglaise exigeait egalement une autorisation gouvernementale pour la constitution d'une societe anonyme. Cela etait normal dans la tradition anglaise. Cela n'etait pas normal dans la tradition latine qui considerait la societe comme un contrat.

(25) VAN RYN, J., op. cit. 1, 319. (26) Revue Pratique des Societes. 1911. 189 et suiv. (27) Les observations qui suivirent la publication de l'arret a la Revue Pratique

des Societes sont assez significatives et trahissent tant soit peu un sentiment d'indignation devant le fait qu'on avait defendu · 1a cause de la « societe » · d'une personne. Citons deux extraits :

« ••• Cela parait tellement elementaire que l'on ne peut. .. que s'etonner de voir contester chose a ce point evidente. » .

« ••• Une societe sans associes : I' expression est presque bouffonne; et une conception aussi etrange n'a pu · venir a I' esprit directement, par la seule consi­deration des realites ... )) loc. cit.199 .

(27 bis) Sous reserve de !'application de I' article 465 du Livre III du Code de Commerce contenant la legislation beige en matiere de faiUites, qui stipule que, dans certains cas, le tribunal pourra ordonner que les operations commer­ciales du failli seront provisoirement continuees par les curateurs ou par un tiers sous leur surveillance.

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b) ·La position de la jurisprudence beige.

En se basant essentiellement sur !'article 1832 C.C. la jurisprudence belges adopte les positions suivantes :

- Une societe doit avoir deux associes au moins. La societe d'une personne est contraire a .I'ordre public belge. Cass. 5.1.1911, Pas. 1911, I. 68; Comm. Brux. 4.2.1938, J.T. 1939, 173, R.P.S. n° 3842.

-- La faillite d'une societe peut etre etendue au « maitre de l'affaire » lorsqu'il est etabli que la societe n'etait que le «voile» sous lequel le maitre traitait ses propres affaires (27ter) : Comm. Courtrai 8.9.1951 et 13.10.1951, R.P.S. n° 4568; Gand 9.3.1954, R.P.S. n° 4585 ; Liege 8.6.1954, R.P.S. n° 4613 ; Gand 22.12.1954, R.P.S. rr0 4689 ; Gand 7.3.1962, R.P.S. n° 5199; Bruxelles 20.2.1963, R.P.S. n° 5152; Bruxeiles 26.6.1963, R.P.S. n° 5181; Comm. Saint-Nicolas-Waes, 18.2.1964, R.P.S. infra n° 5401 ; Liege 28 feyrier 1967, R.P.S. infra n° 5400; Comm. Liege 14 novembre 1967, R.P.S. infra n° 5402.

-:-- L'employe peut etre considere comme le maitre de l'affaire s'il est etabli qu'aucun lien de subordination ne le lie a la societe qui est alors le «voile» sous lequel l'employe traite ses propres affaires :

·cass. 17.11.1959, Pas. 1960, I, 332; Rev. fisc. 1960, 64; Bull. contr. 1960, 979 ; Cass. 8.3.1960, Pas. 1960, I, 798 ; Bull. Contr. 1960, 1484; . Cass. 27.10.1964, arr. inedit; Cass. 26.1.1965, Rev. fisc. 1965, 283 avec ohs.; Pas. 1965, I, 515; Cass. 23.2.1965, Rev. fisc. 1966, 302; Bruxelles 10.3.1966, arr. inedit; Bruxelles 20.4.1966, arr. inedit.

- L'individu qui constitue une societe avec un homme de paille ne limite pas sa responsabilite si la constitution a ete faite dans une intention frauduleuse : Comm. Brux. 27.1.1940, R.P.S. n° 3898; Gand 7.11.1951, R.W. 1951-52, col. 1229;

(27tt:!r) Voir en doctrine l'etude de P. COPPENS «La faillite personnelle du maztre de la societe » Revue Pratique des Societes, 1967, n° 5380, 195.

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Comm. Brux. 18.12.1952, R.P.S. n° 4349; Jurisp. Comm. Brux. 1953, 93 ; Comm. Brux. 21.1.1957, R.P.S. n° 4769; Bruxelles 17.4.1957, R.W. 1956-57, col. 2042; Bruxelles 8.6.1962, R.W. 1962-63, col. 434; Gand 25.3.1964, R.W. 1963-64, col. 1819.

Outre le principe de l'article 2092 C.C. (28), la jurisprudence belge base ces decisions essentiellement sur !'article 1832 C.C. qui trouve son origine dans le droit romain (29). Il est cependant contestable que !'article 1832 C.C. soit applicable aux dispositions des lois coor­donnees sur les societes commerciales.

En effet !'article 1873 du Code Civil stipule que les dispositions du titre IX du Code Civil, regissant le contrat de societe, ne s'appliquent aux societes de commerce que dans les points qui n'ont rien de contraire aux lois et usages du commerce.

A notre avis, il suffit de lire le.s actes de constitution de societes pub lies aux Annexes du Moniteur Belge, pour se rendre a l' evidence que la limitation du risque commercial d'une personne physique ou morale par la constitution d'une societe commerciale est entree defini­tivement dans les usages du commerce belge. Bon nombre de constitu­tions sont le fait d'un fondateur largement majoritaire qui « s'associe » avec des comparses souscrivant chacun une ou deux actions ·pour satisfaire pro forma aux articles 29 ou 119 des lois coordonnees sur les societes (30). Ces fondateurs encourent la responsabilite speciale prevue aux articles 35 et 123 des lois coordonnees.

(28) « Quiconque est obli!!e personnellement est tenu de remplir ses engage­ments sur tous ses biens mobiliers ou immobiliers, presents et a venir », actuelle­·ment article 7 de la Loi Hypothecaire.

(29) « La societe est un contrat par lequel deux ou plusieurs personnes conviennent de mettre quelque chose en commun, dans la vue de partager le benefice qui pourra en resulter. »

(30) Ce qui ne signifie pas que pareille constitution d'une societe doit etre consideree necessairement comme fictive. La fiction doit etre prouvee par celui qui l'invoque, ce qui n'est pas toujours facile.

Texte de !'article 29 : « La constitution d'une societe anonyme requiert qu'il y ait sept associes au moins ». .

Texte de !'article 119 : « La societe de personnes a responsabilite limitee ne peut coni.pter comme membres que des personnes physiques. Le mari et la femme peuvent etre associes dans une societe de personnes a responsabilite limitee, sous reserve de ne pas deroger aux diverses dispositions du Code touchant les conventions entre epoux.

Le nombre des associes peut etre de deux seulement. Toutefois, si la societe comprend des conjoints, le nombre des associes sera au minimum de trois. De plus, si tous les membres d'une societe de personnes a responsabilite limitee

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Cependant la jurisprudence continue d'affirmer que le nombre d'as­socies minimum prevu pour la constitution de societes ne peut descendre en dessous de deux associes, faute de quoi il n'y aurait plus de contrat de societe conformement a !'article, 1832 C.C. La non-applicabilite de !'article 1832 C.C. est d'une importance primordiale pour !'inter­pretation de l'article 104 (31) et en general pour les consequences juridiques de la reunion en une main de toutes les actions ou parts sociales d'une societe. S'il est incontestable que la loi requiert un nombre minimum d'associes fondateurs, il n'existe cependant aucune disposition des lois coordonnees sur les societes qui declare qu'une societe est dissoute de plein droit au moment ou il ne lui reste qu'un seul associe. Cette position de la jurisprudence belge entrave la consti­tution reguliere de soci~tes a plusieurs fondateurs dans le but d'en faire, apres la constitution, des societes a une personne soit par le retrait des autres fondateurs soit par la cession de toutes les actions ou parts sociales a un tiers (3lbis). Ce procede de limitation du risque commer­cial de l'individu est pourlant admis en Allemagne, au Danemark, en Espagne,. aux Etats-Unis d'Amerique, en Grece, aux Pays-Bas, en Suede, en Suisse. En Grande-Bretagne et en Italie, l'associe unique doit se porter garant des dettes de sa societe. Au Liechtenstein, il existe meme une loi organisant la constitution d'une societe a un seul fonda­teur.

c) La position de la doctrine beige. Si la jurisprudence est unanime, la doctrine ne l'est pas. Au contraire,

il se manifeste actuellement un net mouvement de doctrine en faveur de la limitation du risque commercial de l'individu. Ainsi, l'on peut distinguer dans la doctrine belge, un courant traditionnel issu des conceptions d' AUBRY et RAU et d'aritre part un mouvement plus recent mais de plus en plus pressant, en faveur de la limitation de la respon-

sont incapables, a !'exception d'un seul associe ou de deux associes conjoints, la representation de l'un des incanables au moins devra etre assuree par une personne capable prise hors de la societe. La designation eventuelle d'un adminis­trateur ad hoe sera demandee au juge de paix par voie de requete.

Le nombre des associes ne peut depasser cinquante, sans toutefois que cette limite puisse faire obstacle a la transmission de la qualite d'associe aux parents en ligne directe ou au conjoint d'un associe, pour cause de mort ou de liquidation de communaute conjugale ».

(31) « La dissolution doit etre prononcee sur la demande de tout interesse lorsque six mois se sont ecoules depuis l'epoque ou le nombre des associes a ete reduit a moins de sept. »

(31 bis) Selon la conception de la presente etude, pareille constitution n'est pas une fraude a la loi, puisque l'applicabilite des deux dispositions legales suscep­tibles d'etre fraudees, a savoir les articles 1832 C.C. et 7 de la Loi Hypothecaire, paralt contestable.

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sabilite du commergant en general et en faveur de la societe d'une personne en particulier.

La position traditionnelle _est nee danS'les travaux d'AUBRY et RAu (32) qui se disaient, a tort nous semble-t-il, les beritiers de la tbeorie du patrimoine de ZACHARIJE. En effet, la ou ZACHARIA:'.. signale expressement la possibilite pour un sujer de droit de participer a la vie juridique sous la forme de differentes personnalites juridiques et d'y engager differents patrimoines, AUBRY et R.Au nient expressem:ent cette possibilite pour le motif contestable gue le patrimoine serait « I' emanation de la personnalite ». I

L'on constate ici !'influence des origines I romaines de !'execution forcee qui est devenue une « venditio bonorum » apres avoir ete essen­tiellement une execution sur la personne (33). L'on constate egalement !'influence de la Revolution -frangaise qui avait aboli · les privileges des groupements de metiers et des familles pour poser le postulat de la liberte de l'individu et du partage du patrimoine familial (34). L'on constate en m!tre !'influence du conceptualisme d'Emmanuel KANT dont les methodes de conceptualisation de la realite etaient tres en vogue aux universites du-siecle dernier (35). L'on constate peut-etre aussi l'influen:.. ce des ecrits sur la propriete d'auteurs conservateurs tels Adolphe THIERS (36), Frederic BASTIAT (37), Paul LEROY-BEAULIEU (38) qui devaient defendre l'idee de la propriete et son lien essentiel avec l'individu contre les mouvements communistes declenches par les PROUD'HON, LASSALLE, MARX, ENGELS.

Toutes ces influences ne touchent pas le fond du probleme qui con­siste a savoir si l'industrie et le commerce ont un interet Iegitime a faire valoir contre la limitation du risque commercial de l'individu ou si, au contraire, les necessites de l'industrie et du commerce requierent que le risque commercial puisse etre limite par l'un OU l'autre procede technique du droit. J usqu'a present, la jurisprudence et la doctrine

(32) AUBRY et RAU. Cours de droit civil franr;ais. Paris, 1897-1922. 9, 333 et 573. ,

(33) C'est comme si les biens sont la personne. Supra, 3. (34) SAVATIER, J., Du domaine patriarcal it l'entreprise socialisee. Melanges

Rene Savatier. 1964. 874. LEVY-BRUHL, L., L'ame primitive. Paris. 1927. CHALLA YE, F., Histoire de la propriete, Paris 1958.

(35) ZACHARIJE expose ses vues par des concepts abstraits « unifiant » et « harmonisant » la realite selon les methodes kantiennes. De meme, AUBRY et RAU « con<;oivent » les realites juridiques par des idees et des raisonnements plutot que par !'analyse et !'organisation de donnees economiques et sociales.

(36) La propriete. 1848. (37) Les harmonies economiques. 1850. (38) Traite theorique et pratique d'economie politique. 1896.

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traditionnelle · n'ont p-as pose le probleme dans son contexte propre. Elles se sont bomees a enoncer des considerations d'un ordre plutot philologique disant notamment que le mot « societe » suppose une « as-sociation », une mise en commun par des associes (39).

J. VAN HoUTTE ( 40) resume les objections de la doctrine tradition­nelle comme suit :

- !'article 123, 4° des lois coordonnees sur les societes declare qu'une societe est nulle si elle ne remplit pas les conditions de !'article 119 lequel exige deux associes minimum pour une societe de personnes a responsabilite limitee. L'auteur ne distingue done pas entre le nombre. minimum de fondateurs- et le nombre minimum d'associes.

- les travaux preparatoires de la loi sur les societes de personnes a responsabilite limitee qui semblent vouloir condamner la societe d'une personne (41). Mais ces travaux preparatoires ne sont pas unani­mes a prendre cette attitude. Bien au contraire - et !'auteur le cite expressement - le Rapport W AUWERMANS approuve I' existence d'un patrimoine separe dans le . commerce.

- la societe est un contrat (article 1832 C.C.). Mais il a deja ete expose ci..:avant que !'article 1873 fait prevaloir l'applicabilite des usages commerciaux sur les stipulCl:tions du Code Civil (42).

- !'article 7 de la Loi Hypothecaire qui semble poser le principe de l'inseparabilite· du patrimoine commercial mais qui doit egalement ceder le pas en cas d'applicabilite de !'article 1873 et dont !'interpre­tation doctrinale et jurisprudentielle est pour le mains contestable.

Cependant, le point de vue traditionnel est notamment defendu par M. DELANGLE (43), P. NAMUR (44), J. GUILLERY (45), E. PICARD

(46), G. BELTJENS (47), P. WAUWERMANS (48), Ch. RESTEAU (49),

(39) En anglais : company. Mais egalement : corporation, ce qui indique davantage une institution. Le fran~ais n'a pas d'equivalent de « corporation ».

(40) VAN HOUTIE, J., Traite des societes de personnes a responsabilite limitee. 1950. 1, 113, 114, 115 et 122.

(41) Rapport du Comite permanent du Conseil de Legislation. 4. Le Ministre fanson a la Chambre des Representants, 23.4.1931, A.P., Ch., 1037.

(42) supra 13. (43) DELANGLE, M., Des societes commerciates. Commentaire du Titre III,

Livre Jer du Code de Commerce. Bruxelles, 1844. 283. (44) NAMUR, P., Le code de commerce beige revise. Bruxelles, 1876. 2, 301. (45) GUILLERY, J., Manuel pratique des societes commerciales en Belgique.

Bruxelles, 1899. 129, 130. (46) PICARD, E., Pandectes belges. Bruxelles, 1910. 99, 410. (47) BELTJENS, G., Encyclopedie du droit commercial beige. Bruxelles-Paris,

1911. 2, 513 'et 514. (48) WAUWERMANS, P., Manuel pratique des societes anonymes. Bruxelles­

Paris, 1921. 473 et 474. (49) RESTEAU, Ch., Traite des societes anonymes. Bruxelles, 1933. 1, 152'.

4, 76 et 77. N° 5399

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M. LOIR (50), L. FREDERIQ (51), alors que J. VAN RYN fait une distinction judicieuse entre les societes civiles et les societes commer­ciales. Il est en effet indiscutable que les societes civiles sont des contrats en vertu de l'article 1832 C.C. et que les. obligations recipro­ques sont resolues des qu'elles sont entre les mains d'une seule et meme personne, ceci en vertu de l'article 1300 du Code Civil. Cet auteur ajoute que la meme regle peut valoir pour les societes commerciales de famille OU l'aspect intuitu personae joue certainement un role pre­ponderant. Mais cette conception est difficilement pensable pour les societes de capitaux puisque les actions accordent des droits a l' egard de la personne morale, et non pas a l'egard des co-actionnaires (52). La remarque est pertinente et reconnait implicitement que les societes de capitaux sont plutot des patrimoines separes que des « societes »

au sens philologique. II s'est developpe en marge de cette doctrine traditionnelle un

courant en faveur de la reconnaissance du patrimoine separe dans le commerce. Ce courant doctrinal est d'origine plus recente ·et tend a devenir de plus en plus pressant.

La premiere suggestion en ce sens semble avoir ete l'reuvre de P. W AUWERMANs dans son rapport au Parlement sur la proposition de loi tendant a la creation de la societe a responsabilite limitee en -Belgique. Dans ce rapport, P. W AUWERMANS dit expressement : « La loi permet de limiter a deux le nombre des associes. Dans bien des cas de telles societes equivaudront a la societe d'une personne, et a la realisation d'une formule de separation de pattimoines. Mais i1 est a observer que rien ne s'oppose ni en morale ni en droit a ce qu'une personne qui contracte, stipule vis-a-vis de son contractant la limitation de ses obligations ou de ses garanties » ( 5 3). Ce texte date du 31. 7. 1928 et il s'y manifeste un sens aigu des realites de la vie commerciale.

Cette these est developpee en 1938 par S.F. GRUNZWEIG dans son ouvrage : «Le Fonds de Commerce et son Passif Propre » (54). Cet auteur demontre que tout fo~ds de commerce ~onstitue en fait un patrimoine propre et partant une personne morale. 11 souligne a cet

(50) LOIR, M., Traite et formulaire des societes de personnes a responsabilite !imitee. 155, 363, 364.

(51) FREDERICQ, L., Traite de droit commercial beige. Gand, 1950. 4, 59 et s.

(52) VAN RYN, J., Principes de D1:oit Commercial, 1954. 1, 241. (53) Ch. des Repres., Seance du 31-7-1928. Rapport sur la Proposition de

Loi n° 17, Doc. Pa,rl. Ch. n° 293, 10. (54) GRUNZWEIG, S.F., Le fonds de commerce et son passif propre. Etude

de legislation et de jurisprudence fran9aises et belges. Bruxelles, 1938.

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egard « l'importance exageree que l'on a donnee a l'article 2092 du Code Civil (devenu l'article 7 de la Loi Hypothecaire belge). 11 constate que cet article « n'etait tout au plus que le corollaire de l'article 732, par lequel les auteurs du Code avaient entendu supprimer en matiere successorale les distinctions nombreuses existant sous l'ancien droit quant a la devolution des biens a raison de leur nature OU de leur origine. En tout cas, rien ne demontre qu'ils aient ete hostiles a l'idee de la personnalite de l'entreprise commerciale, si tant est qu'ils l'aient envisagee » (55).

Cet ouvrage, comme le suivant, est precede d'une preface de M. PHILONENKO qui contient un vif plaidoyer en faveur d'une demys­tification du langage jurisprudentiel et doctrinal en reclamant un retour a la realite des faits. A juste titre, nous semble-t-il, M. PHILO­NENKO y parle du « dogme abstrait de l'unite du patrimoine » et pose la question de savoir si « cette notion abstraite ne devra pas palir et peut-etre meme s'.effacer devant la conception degagee des phenomenes juridiques reels? }) (56).

En 1958 parait un ouvrage de P.H. SPETH sur «La Divisibilite du Patrimoine et l'Entreprise d'une Personne » (57). Alors que M. PHILO­NENKO constate a la fin de sa preface a la these de S.P. GRUNZWEIG, que « la pratique commerciale possede des a present. . . les elements de droit et de technique necessaires pour etablir une coutume suscep­tible de completer utilement l'edifice de notre droit prive positif »,

P.H. SPETH est nettement plus reserve et semble poser la necessite d'une initiative legislative en vue de la protection des tiers creanciers si l'on veut accepter le principe de la limitation du risque commercial de l'individu. Cette protection doit etre organisee a partir des notions de « capital suffisant » et de « publicite ».

Cette conclusion «de lege ferenda » est precedee d'un examen des patrimoines d'affectation reconnus par le droit belge tant civil que commercial. En conclusion, l'auteur est d'avis que la reconnaissance de lege ferenda du patrimoine propre de l'entreprise d'une personne ne rencontre pas d'obstacles d'ordre juridique; sa realisation depend uniquement de l'appreciation de son opportunite (58). Cette conclusion est difficilement contestable en cas d'application de l'article 104 des

(55} ibid. 293. (56) ibid. IX (57) SPETH, F.H., La divisibilite du patrimoin.e et l'entreprise d'un.e personne.

Paris-Liege, 1958. (58) ibid. 257. Voir egalement 241 : «De Lege lata, il semble difficile de

trouver une solution ... ».

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lois coordonnees sur les societes (59). Mais il. nous semble que la constitution d'une societe anonyme avec la reunion subsequente de toutes les actions en une main, ne peut causel" la dissolution de plein droit. Le cas est different pour la constitution d'une societe de person­nes a responsabilite limitee a cause de !'article 119, al. 3 qui exige expressement un minimum de deux associes. Le · cas est egalement different pour la societe cooperative a laquelle !'article 143 des lois coordonnees impose un minimum de sept associes. Le probleme se pose evidemment de fa<;on differente pour les societes en commandite dont la nature meme requiert plus d'un associe.

· En 19 65 parait ensuite une etude. de J. BAUGNIET dans le Liber Amicorum Prof. Dr L. FREDERIQ (60), reproduite en 1966 dans la Revue Pratique du Notariat Belge (61). L'auteur donne un aper~u du probleme en droit compare et conclut qu'on ne voit vraiment pas de motif valable en droit belge pour rejeter la societe d'une personne.

Dans une etude publiee recemment dans la Revue de la B~nque (62), R. ZoNDERVAN analyse l'utilite economique des diverses insti­tutions en droit etranger qui permettent 1a limitation du risque com­mercial. L' auteur souligne a juste titre que la condamnation de la societe d'une personne en droit belge procede d'un postulat mais est d'avis qu'une m.esure legislative s'impose pour remplacer « ces postu­lats desuets » (63). 11 rejoint la les theses developpees par F. SPETH.

d) Perspectives legislatives.

La premiere directive de la C.E.E. en vue de la coordination des dispositions legislatives relatives a la structure des societes anonymes ( 64) cite de maniere !imitative les causes de nullite sans exiger un nombre minimum d'associes.

(59) Supra note 31. (60) BAUGNIET, J., Liber Amicorum. Prof. Dr L. FREDERICQ. Gent,

1965. 162-168. (61) BAUGNIET, J., La socihe d'une personne, Revue Pratique du Notariat

belge. 1966, n° 2521, 205. (62) ZONDERVAN, R., Reflexfons sur la division du patrimoine. Revue de

la Banque, 1967, n°s 2, 127 et s. ; n° 6 3, 239 et s. (63) ibid. n°s 3, 265. (64) Voorstel van de Raad van de E.E.G. over het Vennootschapsrecht, De

Naamloze Vennootschap, juni 1964, 40 et s. (65) Cfr. Loi fran~aise n°6 66-537 du 24 juillet 1966 sur les societes commer­

ciales, Ree. Dalloz 1966, 28° cahier. Article 9 : « La reunibn de toutes les parts ou actions en une seule main

n'entraine pas la dissolution de plein droit de la societe. Tout interesse peut demander la dissolution de la societe si la situation n'a pas ete regularisee dans le delai d'un an»,

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En outre, la commission chargee de la reforme de la legislation belge sur les societes anonymes envisagerait de faire reconnaitre et d'orga­niser !'existence de la societe d'une personne lorsqu'elle est la conse­quence de la reunion de toutes les actions en une .main (65).

II semble que cette commission envisage egalement de faire recon­naitre la constitution d'une societe anonyme d'une personne, du moins pour les constitutions de societes filiales. La commission justifierait cette -mesure legislative par la consideration que _ dans le cas d'une societe fili:ale, le fondateur est une personne morale et que cette qualite garantirait la creation et le fonctionnement en bonne et due forme d'une personne morale « subsidiaire ». II est probable que la commission ait voulu trouver un argument valable pour detourner Jes foudres des. partisans de la position traditionnelle. Cette justification n'incitera-t-elle pas les tribunaux a negliger la personnalite morale de la filiale endettee et a permettre aux creanciers de diriger leur action contre la societe-mere solvable ? En fait la limitation du risque commercial par la constitution d'une societe anonyme d'une personne qui respecte « les regles du jeu » semble approcher enfin sa recon­naissance en -droit belge. Esperons que ce sera un premier pas vers une jurisprudence plus « commerciale->> dans le domaine de la limit~­tion du risque commercial. _

_A.H. PUELINCKX ·

Avocat -pres la Cour d'Appel de Bruxelles

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N° 5400. - Coor d'appel de Liege. - 28 fevrier 1967.

Sieg. : MM. Fievet, cons. f.f. pr., de Bidlot-Thorn et Legrand, cons., Ziane, subst. pr. gen.

Plaid. : MM. Massaux, Billon, Anciaux, Fyon, Baivier, Baudinet, Thomas et Wankenne.

(Gaye cl faillite Gaye, faillite Lainiere Jules Gaye,

1

faillite societe industrielle . textile Jules Gaye.) ,

I

Faillite de societe. - Administrateur. - Mise en faillite personnelle.

La faillite de l'administrateur d'une societe peut etre prononcee s'il a fait personnellement des actes de commerce sous le couvert de societes au point de s'identifier avec elles.

ll faut une confusion entre son patrimoine et le patrimoine social, une compta­bilite rudimentaire, l'exercice de pouvoirs absolus et la confusion de son credit avec celui de la societe.

Le fait de se porter caution des dettes sociales n'est pas relevant.

Vu le jugement rendu contradictoirement le 2'1 mai 1966 par le tribunal de commerce de Verviers ;

Vu les conclusions des parties ;

Attendu que le jugement entrepris a declare en etat de faillite le sieur Jules Gaye, administrateur deiegue-directeur general de la societe anonyn:ie Lainiere Jules Gaye et Cie (S.A.L.), president du conseil d'administration et administrateur delegue de la societe industrielle textile Jules Gaye (S.I.T.), administrateur de la societe anonyme Coditex et gerant de la S.P .R.L. Socofitex, toutes societes actuellement en faillite, au motif que : « en gerant ses differentes societes sans » avoir egard a leurs personnalites juridiques differentes, le defendeur (l'actuel » appelant) denominateur commun, a gere ainsi ses propres interets au detriment » de ceux de chacune des societes prises isolement et a effectue des actes de » commerce, que la cessation de payement et l'ebranlement du credit du defendeur » sont egalement manifestes vu les liens complexes existant entre lui-meme et » ses societes » ;

Attendu qu'il echet tout d'abord d'observer que la declaration en etat de faillite d'un non .. commer~ant apparent n'est pas prononcee a titre de peine, car elle ne figure pas parmi les sanctions que la loi prevoit a l'egard de ceux qui, notamment, outrepassent leurs pouvoirs dans la gestion des societes qu'ils diri­gent ; la faillite personnelle d'un administrateur de societe ne depend done pas du caractere eventuellement blamable des actes qu'il a poses, mais de la consta­tation dans son chef d'une activite commerciale qui le rend commer~ant de fait ;

Attendu que la question litigieuse est done de savoir si en l'espece l'appelant a, ou non, pose des actes de commerce, soit en les effectuant personnellement et ostensiblement, soit en les exer~ant sous le couvert de societes purement fictives, soit encore en agissant par le prete-nom des societes commerciales qu'il aurait dirigees en maitre absolu dans son seul interet personnel, au point· de s'identifier a ces societes dont le patrimoine et le credit se seraient confondus a vec les siens ;

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Attendu qu'il faut d'abord relever que sa qualite d'administrateur de societes ne rend pas l'appelant commer9ant meme s'il s'est porte caution d'obligations commerciales (J.T., 1955, p; 418, note NYS et refer.; FREDERICQ, t.. V, n° 418); que les intimes ne lui imputent pas non plus des actes de commerce personnels et ostensibles, et que le proces-verbal de verification des creanciers de sa faillite ne revele dans son chef que des dettes de nature civile ;

Attendu que le caractere fictif des societes gerees par l'appelant n'est allegue en termes de .conclusions qu'en ce qui concerne la S.l.T.;

Attendu qu'on ne peut cependant soutenir serieusement : 1° que « l'affectio societatis » n'aurait pas existe dans le chef des fondateurs

de cette societe parmi lesquels figurait la Societe nationale d'investissement, a laquelle il faut tout de meme faire le credit de croire qu'avant de souscrire pour 40.000 actions a la nouvelle entreprise, elle avait du s'assurer de son caractere reel ; ..

2° que le patrimoine de cette societe et celui de l'appelant n'auraient forme qu'une seule entite alors que Gaye ne possedait qu'une seule ·action contre 40.000 a la Societe d'investissement et 39.995 a la S.A.L.;

Attendu qu'il n'apparalt done pas que les conditions d'existence d'une societe commerciale aient fait defaut lors de la constitution de la S.l.T., pas plus d'ailleurs que pour les autres societes que l'appelant dirigeait et au sujet desquelles cet · argument n'est pas expressement souleve ;

Attendu que pour ne plus voir dans les diverses societes precitees que des prete-nom sous le couvert desquels Gaye aurait gere ses propres interets, il faudrait constater : des prelevements dans les caisses sociales, la confusion entre son patrimoine et le patrimoine social, une comptabilite rudimentaire, !'absence de fonctionnement effectif des organes sociaux, l'exercice de pouvoirs .absolus et la confusion de son credit avec celui de ces societes;

Attendu que les ~euls prelevements operes par l'appelant dans les caisses de la S.A.L. et de la S.l.T. etaient ses appointements mensuel&, interets et autres avantages soeiaux, et qu'il faut relever que le compte n° 4400 qui lui etait ouvert a la S.A.L. et par lequel cette societe acquittait les dettes personnelles de l'appelant, se solde par un boni en sa faveur de 1.953.497 francs:

Attendu que les curateurs de la S.A.L. lui reprochent !'operation par laquelle i1 a rachete . a la societe Socorep pour un moindre prix une creance sur la societe Lainiere qui a continue a lui payer les interets sur le montant nominal de la creance ;

Attendu qu'il faut observer a ce sujet : 1° qu'accomplie a l'egard d'un etranger cette operation n'eut constitue qu'un

legitime placement de fonds ; 2° que la S.A.L. n'a subi aucun prejudice puisqu'elle n'a fait que payer a son

nouveau creancier les me~es interets qu'elle devait au precedent; 3° qu'il n'est meme pas exclu que cette operation ait ete faite dans l'interet

de la S.A.L. pour laquelle il pouvait etre avantageux d'avoir pour creancier son propre directeur general qui avait interet a se montrer plus accommodant qu'une societe etrangere pour le remboursement de la creance ;

4° que les fonds qui ont servi a cette operation ne proviennent d'aucune <les socie~es intimees ;

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5° que c'est la « Socofitex », societe egalement en faillite et dont Gaye etait le gerant et non l'associe, qui a fourni c.es fonds apparemment sous forme de pret;

Attendu que la confusion du. patrimoine de l'appelant et des patrimoines des societes intimees ne resulte d'aucun element de fait; qu'on ne peut a cet egard tirer aucun argument determinant de la comptabilite de ces diverses societes et qu'il echet de . relever que la seule societe a l'egard de laquelle Gaye soit debiteur est la « Socofitex », a laquelle i1 doit 2.368.403 francs dans lesquels l'avance de fonds precitee (Socorep) intervient d'ailleurs pour 1.274.000 francs, mais que les curateurs de cette societe ne tentent pas de demontrer qu'il s'agirait de prelevements et non de prets, puisqu'ils n'ont pas juge bon d'intervenir a la cause;

Attendu qu'il existe certes une confusion extreme allant jusqu'a l'enchevetre­ment dans les rapports et dans les comptes des diverses societes entre elles, et qu'il ne peut etre' exclu que Gaye ait outrepasse ses pouvoirs d'administrateurs, de directeur ou de gerant ce qui pourrait eventuellement justifier des sanctions mais non pas une declaration de faillite petsonnelle, ainsi qu'il a ete dit ci-avant ;

Attendu qu'il est egalement certain que l'appelant etait, comme i1 arrive souvent dans les groupes financiers, !'element agissant et preponderant de ces societes, . sans que l'on puisse · cependant constater que leurs organes sociaux n'aient pas fonctionne (voir proces-verbaux des assemblees generales de la S.A.L. et de la S.I.T. - verifications des commissaires, etc.), ni qu'il y fut le seul maltre puisqu'a la S.I.T. il ne possedait qu'un titre sur 80.000 et y agissait sous le controle du delegue de la Societe d'investissement, qu'a la S.A.L. il possedait 10.000 titres sur 24.000. aucun a Socofitex et n'avait la majorite qu'a Coditex;

Que specialement, il est impossible de croire que Gaye n'aurait eu en vue que de maintenir les avantages qu'il retirait personnellement de ces diverses societes et qui n'etaient tout de meme pas tellement plantureux, lorsqu'il- a engage son propre patrimoine a concurrence de 35.000.000 vis-a-vis des societes Kreglinger et de 26 millions 829 .OOO francs vis-a-vis de la societe de Credit a l'industrie ;

Attendu qu'on n'aper9oit pas non plus qlie le credit des intimees se serait confondu avec celui de l'appelant ; qu'aucun creancier fournisseur ou bailleur de foilds n'a agi contre l'appelant pour des actes sociaux apparents, et que toutes les declarations de creanciers qui sont produites a son passif concernent des engagements personnels de nature civile ;

Par ces motifs : La Cour, Reformant : rapporte la faillite prononcee a charge du sieur Jules Gaye; Condamne in totum et qualitate qua les curateurs de la societe anonyme

Lainiere Jules Gaye et ceux de la societe Industrielle textile Jules Gaye a tous les depens de premiere instance et d'appel, · y compris ceux de !'intervention forcee et necessaire du curateur qui avait ete designe a la faillite Jules Gaye.

Observations: Voir les etudes de Pierre COPPENS, cette Revue, 1967, pp. 195 et suiv. et A.H. PUELINCKX, Revue, 1968, n° 5399.

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N° 5401. -Tribunal de commerce de Saint-Nicolas -18 fevrier 1964 Sieg. : MM. Dirix Rodolphe, pres.; Poppe F. et Van Havere E., juges supp.;

Cloquet A., Refer. Plaid. : Mes Joos Robert et Mortier Maurice (Van Steelant c/ Me Maurice Mortier qq.)

Societe fictive - Mise en faillite du maitre de l'affaire

Divers elements de fait permettent d'affirmer qu'une societi est fictive et sert a couvrir les affaires .versonnelles d'un particulier qui limite ainsi sa responsabilite personnelle;

Revu le jugement du 28 janvier 1964 declarant la faillite de Monsieur Leonard Van Steelant;

Vu l'acte d'opposition contre ce jugement du 6 fevrier 1964; Considerant que la SPRL « Sinile », constituee par acte du 3 fevrier 1950,

etait en fait une societe fictive, qui servait de voile pour les affaires personnelles de monsieur Leonard Van Steelant, qui reussit ainsi a limiter sa responsabilite personnelle ;

Qu'il resulte en effet de . cet acte que l'apport etait le fonds de commerce que le sieur Van Steelant exploitait personnellement au Paddeschootdreef, 49, a Saint-Nicolas et que le sieur Leonard Van Steelant recevait en contrepartie de cet apport 99 % des parts sociales de la societe alors que le demier pourcent etait souscrit en espece par le comptable, le sieur Van Cottem ;

Considerant que l'acte de constitution stipule egalement que le sieur Van Steelant est nomme seul gerant pour toute la duree de la societe;

Considerant que !'exploitation eut lieu dans un immeuble situe partiellement a la Paddeschootdreef 49 et partiellement rue Hugo Verriest 67;

Considerant qu'au mois de mai 1963 une autre firme de bonnetterie (La Desiree) s'etablit aux adresses precitees en creant l'apparence que le fonds de commerce fut du moins partiellement cede par le sieur Van Steelant a ladite firme;

Considerant qu'une modification du siege social de la SPRL Sinile n'a jamais ete mentionnee au registre de commerce ni publiee au Moniteur ;

Que les tiers avaient des lors le droit de considerer que le fonds de commerce avait ete cede a la firme «La Desiree», du nioins partiellement;

Considerant que le sieur Van Steelant avait !'obligation, longtemps avant que le capital social (100.000, F) ne fut totalement absorb€, de provoquer la dissolution de la societe ou de deposer son bilan s'il etait exact que la societe n'etait pas une societe fictive ;

Qu'il preferait cependant que l'affaire continue et qu'il devait a ces fins inspirer de la confiance aux fournisseurs, ceci malgre les pertes ;

Qu'il se portait garant a titre personnel ; Que cette garantie personnelle fut constituee en avalisant des creances des

, fournisseurs suivants pour des montants considerables sur lesquels i1 reste les soldes suivants :

- Filature et Moulinage Billion pour 116.140 F ~ Caulliez et -Delaoutre pour 39.328 F - La Herseautoise pour 286~778 F;

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Que l'aval d'une traite est un acte de commerce.; Consid6rant que le sieur Van Steelant avait des dettes personnelles ; . Qu'il avait re9u entre autre un pret d.e 1.250.000 F au 1 er novembre 1954

plus encore 250.000 F au 8 mai 1956, chaque fois a 9 % l'an ce qui n'est pas un interet supportable par un citoyen qui ne fait pas le commerce ;

Que les preteurs (Van Overloop) pretendent dans !'assignation qu'ils ont fait signifier au sieur Leonard Van Steelant et son epouse le 3 mai 1963, qu'il avait ete convenu verbalement entre eux que les preteurs toucheraient un interet de 20 ·% en tenant compte que ceci constituait en fait une partie du benefice ;

Considerant que, quoi qu'il en soit, cet ·engagement etait pris par le sieur Van Steelant en tant que co-debiteur de la SPRL Sinile, ce qui demontre une nouvelle fois l'identite entre la societe et le sieur Van Steelant, qui etait en fait le seul maltre de la societe ;

Considerant que le sieur Van Steelant achetait les1

machines suivantes, lesquel­les n'ont pas ete facturees au nom de la SPRL Sinile mais bien au nom du

• • I

demandeur sur oppos1t1on : I

Dubied : machine a tricoter, 18 'juillet 1960 - 420.000 F machine a tricoter, 20 septembre 1960 - 244.350 F machine a tricoter, 31 octobre 1961 - 254.196 F

Matebon : une presse a repasser, 31 juillet 1962 - 101.071 F ;

Que les factures precitees avaient ete deposees au greffo du tribunal pour preserver le privilege du vendeur ;

Considerant que le sieur Van Steelant possede des machines qu'il a laisse fonctionner dans les immeubles qu'il occupait au moment de la faillite et oil le siege social de la SPRL Sinile n'avait jamais ete etabli;

Considerant qu'il pretend cependant que .plusieurs de ces machines ainsi qu'une voiture appartiennent aux deux alnes de. ses enfants mineurs, mais que ce serait de fa!(on fictive que les objets cites, pour autant qu'ils l'aient ete, ont ete portes au nom des enfants precites ;

Que le sieur Van Steelant ne prouve pas que ses enfants ont jamais pu disposer des som;mes necessaires a l'achat de ces machines et de cette voiture ;

Qu'il a pourtant inscrit dans ses livres qu'ils ont chacun re!(u 90.000 F pour le trav~ qu'ils auraient preste a J'usine ;

Mais que les dites inscriptions semblent avoir ete faites uniquement a des fins fiscales et que les enfants n'ont jamais ete mentionnes comme membre du personnel pour ce qui concerne les charges sociales ;

Qu'il n'est meme pas prouve qu'ils auraient travaille; Considerant qu'ainsi qu'il a deja ete dit dans le jugement dont opposition,

les enfants precites ont ete inscrits comme directeurs de l'affaire qui est demeuree en realite l'affaire de leur pere;

Que lors des plaidoiries sur opposition, le curateur a declare que les dits enfants avaient ete presents a une reunion en presence de monsieur le Juge­Commissaire, et qu'ils n'ont pu repondre a aucune des nombreuses questions qui leur ont ete posees concernant leur pretendue propriete ;

Que ces enonciations du qurateur n'ont pas ete contredites; Considerant qu'il resulte des considerations precedentes que le sieur Leonard

Van Steelant conteste a tort sa qualite de commer!tant ;

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A ces causes, Le tribunal, vu les articles 2 et 30 a 42 de la loi du 15 juin 1935 qui oilt ete respectes,

Oui· monsieur Edward Van Havere, Juge-Commissaire, en son rapport ; Declare !'opposition recevable mais non fondee ; Par consequent, rejette !'opposition, confirme le jugement dont opposition et

dit que ce jugement aura tous ses effets ; Condamne le demandeur sur opposition aux depens de !'instance.

Observations : cfr. l'etude de M. PUELINCKX sous le n° 5399 et celle de Pierre COPPENS, Revue, 1967, pp. 195 et ss.

N° 5402. - Tribunal de commerce de Liege. - 14 novembre 1967 Sieg. : MM. Dalimier, pres. f.f.; Rosiere et Halbart jug.; Joseph Merken, ref.

(Mr. Rene Thiry q.q. cl M. Jacques Bonnivert).

S.P.R.L. faillie. - Extension de la faillite au gerant qui s'est livre a un commerce personnel sous le masque de la societe.

Lorsqu'il est etabli qu'un gerant de S.P.R.L., associe omnipotent, a confondu les avoirs sociaux avec les siens propres et qu'if a conduit un commerce personnel sous le prete-nom de sa societe, la f aillite de cette derniere entrdine sa faillite en nom personnel.

Vu la requete deposee par Maltre Rene Thiry, en sa qualite de curateur de la societe de personnes a responsabilite limitee Constructions metalliques de l'Ourthe, ayant son siege social a Esneux, declaree en etat de faillite par jugement du 14 octobre 1967;

Lequel expose que les investigations auxquelles il se livre en execution de son mandat ireveient que le sieur Jacques Bonnivert, gerant de la precitee, se couvre du paravent de la dite societe pour accomplir des actes de commerce personnels ; qu'il est en etat de cessation de paiement, et que son credit est ebranle; postule que l'etat de faillite de la societe soit etendu a la personne de son gerant, et qu'une masse unique passive et active sera constituee eritre le patrimoine de la Societe de personnes a responsabilite limitee et celui du sieur Jacques Bomiivert ;

Attendu qu'il est de plus en plus frequent qu'une activite commerciale exercee sous l'apparence d'une societe l'est en fait pour son seul profit par une personne physique qui, grace au statut social echappe a sa responsabilite illimitee, ce qui est permis mais, souvent, abuse de cette situation privilegiee pour obliger la societe dans une mesure disproportionnee avec les garanties qu'elle offre et causer aux tiers par une activite commerciale imprudente et, parfois doleuse, des dommages considerables ;

Attendu que le legislateur fran~ais, conscient de ce danger et eclaire par les nombreux abus, a, par l'article 437 de la loi des faillites modifie par le decret du 8 aout 1935, consacre !'evolution jurisprudentielle en stipulant que «en cas de faillite . d'une societe, la faillite pourra etre declaree commune a

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toute personne qui sous le couvert de cette societe, masquant ses agissements, a fait dans son interet personnel, des actes de commerce, dispose en fait des capitaux sociaux comme des siens propres » ;

Attendu qu'en Belgique, i1 n'existe pas de legislation permettant d'etendre la faillite au maitre de la societe ; que, ma~gre cette lacune, la jurisprudence tend a realiser cette fin, d'abord plus' timidement que ne l'osait la jurisprudence fran9aise (Revue des faillites, 1953, p. 18), puis plus hardiment : «La jurispru­dence belge parait moins timide qu'il y a quelques arnees, et i1 faut assurement ap~rouver cette evolution qui permet d'eviter certainis des abus auxquels donne lieu trop souvent, en particulier, la constitution des societes de personnes a responsabilite limitee » (Rev. critique 1962, p. 362) ;

Attendu qu'au terme de l'etude qu'il consacre au probleme de la faillite de personnes faisant le commerce par prete-nom ou sous les apparences d'une ;ocie'te (R~v. des f~illites, deja ·citee); l'auteur conclut qu'il par'ait certain qu'un gerant ou administrateur faisant des actes de commerce · dans son interet propre est commer9ant tout comme celui · qui fait des actes de commerce pour son compte par l'intermediaire d'un tiers ... Le gerant qui agit dans son interet personnel est commer9ant, la societe derriere laquelle il agit l'est aussi puisqu'elle se presente sous son nom vis .. a-vis des tiers» : et l'auteur d'opiner malgre la divergence des avis sur la question, qu'il convient d'approuver ceux qui estiment qu'il est permis de mettre en faillite et la societe et son administrateur : et de citer les jugements du tribunal de commerce de Courtrai du 8 · septembre

-et 13 octobre 1951 (Revue des faillites : 1952, pp. 221 et 224) ;

Attendu que dans l' « Examen de jurisprudence » de la Revue critique de Jurisprudence beige de 1962, citee ci~dessus; on lit : « Lorsqu'une personne physique accomplit des actes de commerce sous le couvert d'une societe mais dans son interet personnel, lorsqu'elle dispose des biens sociaux comme des siens propres, qu'elle apparait a l'egard des tiers comme le seul maitre de l'affaire, on peut admettre que la societe ne constitue qu'un masque : elle existe juridiquement, mais n'est qu'un prete-npm. On peut retenir a cet egard plusieurs elements de fait dont ·. il appartient au tribunal 'd'apprecier la pertinence : prelevements dans les caisses sociales, confusion entre le patrimoine social et le patrimoine propre, comptabilite rudimentaire, absence de fonctionnement effectif des organes sociaux. pouvoirs absolus du maitre de l'affaire, circonstance que le credit de la societe se confond avec celui du maitre de 1'affaire » : que ce texte est repris dans l'arret de la Cour d'appel de Liege du 28 fevrier 1967 (Jur. Liege, p. 26), cfr. supra n° 5400, arret qui rapporte la declaration en etat de faillite d'un administrateur de diverses societes anonymes et gerant d'une S.P.R.L. non parce qu'il ecarte. la liceite de semblable mesure, mais parce que les faits articules confre cette personne n'etablissent pas, a son avis, qu'il y la eu prete-nom;

Attendu que la Cour d'appel de Bruxelles le 20 fevtier 1963, (Jur. Comm. de Bruxelles., 1964, p. 214), cfr. Revue 5152, a de.dare la faillite de l'administra­teur-delegue' d'une societe anonyme en etat de faillite parce qu'il etait etabli qu'il y avah confusion entre son avoir personnel et celui de la societe, et que l'on pouvait dire qu'il avait fait un commerce individuel sous le masque d'une societe ; que, parmi les ·motifs de cet . arret, on releve que la societe anonyme exer9ait

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son activite dans la propriete appartenant a l'administrateur-delegue sans qu'une convention en regiat !'usage et la jouissance;

Attendu qu'en sa requete, le postulant expose toute une serie de faits qui justifieraient le bien-foncte de c;elle-ci :

I. - Le capital social de la S.P.R.L. est de 300.000 francs, represente par 300 parts de 1.000 francs chacune : elles se repartissent comme suit : 12 parts entierement liberees au sieur Bonnivert ; 262 parts liberees a concurrence de 1/5, soit 52.400 francs ; 25 parts souscrites par Madame J. Vieillevoye, epouse Bonnivert ; 1 part a un sieur Fromenteau ;

La liberation des parts du sieur Bonnivert n'est pas etablie.

2. - Le sieur Bonnivert est le gerant salarie de la societe pour une duree illimitee. Son salaire devait aux termes des statuts etre fixe par l'assemblee generale. Aucun document ne revele que les organes sociaux aient jamais reellement fonctionne.

3 . ...,..-- Aucun bilan n'a jamais ete depose au greffe du tribunal de commerce. Le bilan arrete au 31 decembre 1965 vient seulement · d'etre etabli apres des reclamations repetees de l'administra,tion fiscale. Celui de 1966 n'est pas encore dresse. II n'y a done aucun controle legal ou statutaire.

4. - Les · livres comptables ne sont pas tenus regulierement. Le seul livre cote et paraphe est le livre journal, a la date du 5 avril 1965, et les ecritures s'etalant sur. la periode du ter janvier 1965 au 31 aout 1965 ont ete inscrites apres coup. La tenue tardive ou !'absence de tenue des livres comptables rendent totalement incertain le sort des capitaux recueillis par la societe.

5. ---'- La plus grande confusion existe entre le patrimoine social et le patri­moine propre de son gerant. Des mentions etablissent que le· sieur Bonnivert a puise librement dans la caisse de la societe · soit a son profit personnel, soit

. au profit de son frere, soit a celui de son epouse. Mais l'irr~gularite des ecritures ne permet pas d'etablir avec certitude le· solde debiteur ou- crectiteur.

Des frais de deplacement considerables figurent au debit sans document justificatif.

Attendu qu'il faut souligner en outre · que la repartition des parts sociales entre lui-meme, son epouse avec laquelle il est marie sous le regime de communaute legale, et un tiers qui n'est associe que pour assurer le respect des obligations legales, le non-fonctionnement des organes sociaux, la tenue irreguliere et incomplete des livres comptables sont revelateurs de la volonte d'exe:i;cer une activite commerciale propre sous le couvert de la societe ;

Attendu que l'impetrant expose encore que le sieur Bonnivert a acquis en nom personnel, le 26 fevrier 1965, un terrain sis a Esneux, pour le prix de 146.980 francs, frais compris, sur lequel il a verse un acompte de 25.000 francs, qu'il fit niveler le terrain et edifier un vaste atelier d'environ 1.100 metres carres, aux frais de la societe ; qu'aucune facture qu compte n'a ete dresse, et qu'il n'est produit aucun document etablissant la renonciation au droit d'acC(essi'?n ; qu'il a introduit la demande d'autorisation de batir en son nom, qu'en di verses lettres, il parle de· ses · investissements et de son atelier que ce n'est que le 13 juillet 1967, posterieurement a !'assignation en faillite, que le

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dit Bonnivert invite le comptable a porter aux livres les travaux executes pour son compte en 1966, pour un montant de 1.212.300 francs qui ne corres­pondrait pas a tous les travaux executes aux frais de la societe ; que ces elements demontrent que le gerant utilisait ies fonds sociaux comme s'ils lui etaient propres;

Attendu que par ailleurs, le' sieur Bonnivert laisse croire aux creanciers de la societe que celle-ci dispose d'une garantie immobiliere; que le 2 novembre 1967, ii ecrivait une circulaire aux creanciers de la societe pour solliciter leur concours pour permettre a celle-ci de continuer !ses ' activites, suivant un plan de remboursement des creances en 4 ans : qu'il joighait a cette lettre une situation au 31 decembre 1966 dans laquelle, a l'actif, fibre un immobilise evalue a 2.744.549 francs qui n'avait jamais figure auparavant; qu'il tente done de presenter un credit fictif ; qu'un de ses creanciers R. Oblin et fils, par lettre du 7 novembre 1967, refusait le concours sollicite pour le motif que << d'apres ce que nous pouvons constater dans la situation de votre societe, nous ne voyons pas le gage important dont vous nous parlez, nous supposons done que ce gage n'entre pas dans l'actif de la societe ... » ; qu'ainsi la confusion voulue par le sieur Bonnivert est demasquee ;

Attendu que le curateur de la S.P .R.L. declare que le sieur Bonnivert a, depuis la faillite, encaisse des fonds et receptionne des marchandises ; que par contre, l'interesse a sollicite la remise du courant a !'atelier «pour mon propre compte » (lettre a !'Association Liegeoise d'Electricite du 29 octobre 1967) ; qu'en outre, le 16 octobre 1967, soit deux jours apres la mise en faillite de la societe, une confirmation d'offre de prix pour la charpente metallique d'un atelier etait remise aux Carrieres Dumont-Wautier de Hermalle­sous-Huy, sur ,un papier a firme de la societe et avec la signature de Jacques Bonnivert, gera,nt, et une autre signature R. A. illisible mais qui est celle de son frere ; que l'offre fut agreee (voir lettre du 3 novembre 1967 de S.A. Dumont-Wautier) ;

Attendu que cette piece est significative - sans que soit ici examinee la regularite de cet engagement - de la volonte du gerant de continuer des operations commerciales personnelles et, de surcroit, revelatrice que la societe n'etait que le prete-nom qui couvrait l'activite commerciale anterieure;

Attendu que le sieur Bonnivert a ete condamne a titre personnel par jugement defaut du tribunal de commerce de Liege le premier juin mil nel.Jf cent soixante sept au paiement d'une somme de 18.189 francs au benefice de la S.P.R.L. Leduc, de Liege; que !'exploit d'opposition a cette decision ne conteste pas la competence ratione materiae du tribunal; qu'on peut en deduire que Bonnivert reconnait sa qualite de commer~ant ;

Attendu que le curateur de la societe detient egalement plusieurs traites signees par Bonnivert tant comme tire que comme donneur , d'aval, aussi bien en qualite de gerant qu'en son nom personnel;

Attendu qu'il est ainsi etabli que, independamment de la responsabilite encourue par le gerant qualitate qua :

1) La S.P .R.L. « Constructions metalliques de l'Ourthe » est en realite la chose de son gerant ;

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2) les organes sociaux n'ont jamais fonctionne;

3) les livres comptables inexistants tenus d'une maniere irreguliere, ne meritent aucun credit ;

4) la confusion est complete entre le patrimoine social et celui du gerant ;

5) l'activite commerciale de la societe se confond avec celle de Bonnivert ;

Qu'il y a un ensemble de presomptions graves, precises et concordantes qui prouvent que la societe n'etait qu'un prete-nom (Cour d'appel Bruxelles, 4-12-1926, Pas., 1927 - II p. 70 - Cour d'appel de Bruxelles, 20 fevrier 1963, lur. Com. Bruxelles 1964, p. 214 - Cour d'appel Brux., 26 juin 1963, J. T. 1964, p. 77) ; que, dans la Revue Critique de jurisprudence beige (1.965 p. 54), le redacteur de la chronique Examens de jurisprudence ecrit : « Plusieurs arrets ont exprime la position du commer9ant qui fait ses affaires sous le masque d'une societe fictive. La jurisprudence se confirme pour admettre assez facile­ment la faillite personnelle de ce commer9ant » ;

Attendu que la Revue Trimestrielle de Droit commercial, 1966, p. 394, imprime « un nouvel arret de la Chambre commerciale du 15 novembre 1965. (Bull. civ. III, n° 574, p. 516) justifie de fa9on particulierement nette cette jurisprudence liberale. En l'espece la societe avait pratiquement servi de banquier a son president, directeur-general, dont le compte-courant etait largement debiteur et qui aurait notamment utilise les fonds sociaux pour constituer une dot a sa seconde femme, ce dirigeant avait la presque totalite des actions, les autres associes n'ayant qu'un interet de · principe, pour certains exercices, il n'y eut ni rapport du conseil d'administration ni assemblee generale, et il n'existait pas de commissaires aux comptes; que devant la Cour supreme ... , le pourvoi a ete. rejete pour les motifs suivants : « Ainsi X... a dirige la societe coinme sa propre chose en negligeant de faire proceder aux controles legaux et statutaires, ce qui conduit a conclure a la confusion du patrimoine de la societe avec celui de son president qui a beneficie directement et exclusivement d'une grande partie des actes de commerce faits au nom de celle-ci ; que de ces constatations et enonciations, il ressort que sous le couvert de la societe, c'est en realite X... lui-meme qui exer9ait le commerce dans son interet personnel. On ne saurait dire plus nettement qu'il n'y a pas lieu pour les juges du fond de caracteriser les actes de commerce accomplis sous le couvert de la societe, lorsque c'est toute l'activite de cette societe qui est exercee dans l'interet personnel du dirigeant » ;

Dans la meme revue (1966 p. 650), a propos d'un arret de la Chambre com­merciale du 14 decembre 1965 (Bull. Civ. III., p. 577) qui admet que les juges d'u fond ont pu valablement etendre la faillite d'une S.P .R.L. a son gerant, en constatant que celui-ci avait 98,87 % du capital grace a un apport de son fonds de commerce, le reste appartenant a ses deux filles mineures, emancipees a cette fin, inexperimentees, et n'exer9ant aucun controle serieux. Le gerant agissait comme bon lui semblait, sans rendre compte a ses associes, sans jamais tenir d'assemblees ; i1 percevait sa remuneration qui n'avait jamais ete reguliere­ment fixee, et operait a son profit des prelevements sur les fonds de la societe. La Cour de cassation avec les juges du fond, estime qu'il s'agissait d'une societe de simple fa9ade derriere laquelle le gerant exer9ait personnellement le commerce.

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Les juges du fond n'avaient done pas a constater de fa9on plus precise les actes de commerce faits par ce gerant. Cette distinction est parfaitement justi­fiee »;

Attendu que ces references et citations montrent clairement que les tribunaux sont conscients des abus frequents et considerables qui sont pratiques sous le couvert de societes regulieres en apparence mais dont le fonctionnement est volontairement fausse par ceux qui, en fait, en. sont les ma1tres absolus et se comportent comme tels au mepris de la loi et de la bonne foi qui est a la base du droit et des conventions ; qu'il est nature! que les justiciables attendent du pouvoir judiciaire une protection aussi efficace que · Jossible - et la celerite en est un element - ; . · I

Attendu que l'ori~ntation de plus en plus nette de la . jurisprudence pour !'extension de la faillite d'une societe a la personne qui la dirige, fondee sur des faits revelateurs de . l'irnmixion personnelle dans l'activite sociale (voir Revue pratique des societes, 1967, pp. 195 et s.) est de nature a mieux assurer la protection des creanciers en attendant qu'une solution Iegale precise soit donnee a ce probleme urgent ;

Attendu que l'extension de l'etat de faillite de la S.P .R.L. a son gerant le sieur Bonnivert a qui elle servait de prete-nom .entra1ne comme consequence de !'obliger sur son patrimoine au pai~ment du passif qu~ par la confusion deliberee par l'interesse, comprend les dettes apparemment sociales et celles nees par le fait personnel du dit Bonnivert;

Par ces motifs :

Le Tribunal, faisant droit a la requete deposee le huit novembre mil neuf cent soixante sept par Maltre Rene Thiry, avocat, en sa qualite de curateur de la societe a responsabilite limitee «Constructions metalliques de l'Ourthe »,

etend la dite faillite au sieur Jacques, Victor Bonnivert ;

Fixe la date de cessation de ses paiements au quatorze mai mil neuf cent soixante sept ;

. Nomme pour. remplir les fonctions de commissaire Monsieur Georges Hal­bart, juge-suppleant, et pour remplir celles de curateur Ma1tre Rene Thiry, avocat, a Liege.

Ordonne aux creanciers du failli de faire au greffe du tribunal la declaration de leurs creances dans les vingt jours a compter du present jugement ;

Et attendu que l'actif peut etre inventorie en un seul jour ordonne qu'en presence du juge commissaire, il soit immediatement procede a l'inventaire; sans apposition prealable des scelles ;

Observations. - Outre les references de ce jugement fortement motive, cons. les etudes de Pierre COPPENS, La faillite personnelle du ma1tre de la societe, cette revue, 1967, pp. 195 et suiv. et de A.H. PuE­LINCKX, La limitation du risque commercial en droit belge et la societe d'une personne, Revue, 1968, n° 5399.

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N° 5403 •. - Cour d'appel de Bruxelles. - .28 avril 1965 (26 eh.). Sieg. : MM. Winckelmans, Pres.; Ligot et Emond, cons.; Sottiaux, av. gen.

·pla:id. : · MM0 s de Tavernier, Truyens, Loge et Beer F. (le 2° barreau de Termonde) · '

(S.A. Anc. Ets. Odilon Coppieters cl Office de recuperation economique et cts.)

I. Dissolution. - Acquisition de !'ensemble des actions par une autre societe. Pas de confusion des patrimoines.

II. Liquidateur. - Societe. - Incapacite.

I. La socihe, dissoute par ['acquisition de /'ensemble de ses actions par une autre societe, reste, a l' egard de ses creanciers, proprietaire des biens composant son actif et aucune confusion ne peut s'operer entre cet actif et le patrimoine personnel du proprietaire de toutes les actions.

II. Une S.A. ne peut remplir le . mandat de liquidateur, hors le cas ou la liquidation de societe rentre dans son objet social.

ARMT

La Cou,r; - Vu, procluits en forme reguliere, les pieces de la procedure et notamment le jugement rendu le 20 mars 1962 par le tribunal de premiere instance de Bruxelles et l'acte d'appel notifie les 16 juillet et 23 aoftt 1962, dans le delai legal ;

Attendu · que, bien que regulierement citee et reas~ignee conformement a !'article 153 du Code de procedure civile, l'intimee, societe anonyme en liquida­tion «The Ellenbee Company», n'a pas constitue avoue;

Attendu qu'il est constant a· la cause que !'Office de recuperation economique · a pratique une saisie-arret a charge d'un sieur Denidder, au siege de la societe anonyme « The Ellenbee Company » ; que cette saisie a ete regulierement validee et que la societe anonyrne « The Ellenpee Company » a etc assignee en declaration. de tiers· saisi, mais qu'elle n'a pas fait de declaration ;

Attendu qu'il est egalement constant que la societe anonyme « Anciens Etablis­sements Odilon Coppieters » est devenue la seule actionnaire de la societe anonyme {{ The Ellenbee Company », ce qui entra!na la dissolution. de celle-ci, comme ii resulte d'un acte re9u par le notaire Cool, de Zele, le 28 fevrier 1959 ; qu'il n'a pas ete nomme de liquidateur;

Attendu que !'Office de recuperation economique a assigne la societe en liquidation <<'The Ellenbee Company» pour s'entendre declarer debitrice pure et simple des causes de la saisie, et ses administrateurs les sieurs Leandre Bertouille, Jean Delbecque et Louis Bertouille, ainsi que la societe anonyme « Anciens Etablissements Odilon Coppieters », « tant en leur nom personnel que p01;ir autant . que de besoin en leur qualite de liquidateurs presumes de la societe anonyme «The Ellenbee Company», pour s'entendre declarer commun le jugement a int'ervenir ;

Quant a la recevabilite de l'appel : Attendu que, ainsi que le soutiennent les parties de Me· Jacques, l'appel forme

contre elles n'est pas recevable; Qu'en effet, l'appelante n'a point. eu d'instance Hee avec ces. parties devant le

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premier juge et le jugement dont appel ne contient aucune decision a leur profit contre l'appelante;

Que le litige n'est pas indivisible entre lesdites parties et l'appelante ; · Que, pour le surplus, la recevabilite de l'appel n'est pas contestee ; Quant a la mise en cause de l'appelante a fin de jugement Commun : Attendu que l'appelante fait rernarquer avec raison qu'une societe dissoute,

meme dans les circonstances de l'espece, reste, a l'egard de ses creanciers, proprietaire des biens composant son actif, gage exclusif desdits · creanciers, et qu'en droit, aucune confusion ne peut s'operer entre cet actif et le patrimoine personnel du proprietaire de toutes les actions ; j

Attendu, d'autre part, que c'est a tort que le 1premier juge a admis que rappelante devait etre consideree comme la liquidatrice de la societe dissoute;

Qu'en effet, hors le cas, etranger a l'espece, OU la liquidation de societe rentre dans son objet social, une societe anonyme ne peut remplir semblable mandat ;

Attendu que le jugement n'en devait pas moins etre declare commun a l'~~~; .

Attendu, en effet, que la mise en cause a fin de jugement commun tend seule­men t a inviter celui qui en est l'objet a etre present aux debats, a suivre les errements de la procedure et a faire valoir ses dires et moyens ; qu'elle n'a point pour resultat de faire prononcer contre lui une disposition executoire, mais uniquement de l'empecher d'opposer dans l'avenir la relativite de la decision judiciaire, derivant de l'article 1351 du Code civil;

Attendu que la simple possibilite d'une action ou d'un recours ulterieur constitue un interet suffisant pour faire admettre cette mise en cause ;

Attendu qu'en l'espece, la mise en cause de l'appelante est justifiee, parce qu'il n'est pas exclu que. dans l'avenir, un recours soit exerce contre elle, a raison du fait qu'elle a intimement mele les avoirs de la societe en liquidation aux siens propres ; que !'existence de tels avoirs est attestee par l'acte du 28 fevrier 1959, qui constate que la societe anonyme « Anciens Etablissements Odilon Coppieters » possede « het gehele vermogen » de la societe anonyme « The Ellenbee Company » ;

Au fond: La suite sans interet pour le droit des societes.

Observations : I cfr. Bruxelles 9-4-63. Revue, 1965 n° 5285, p . .262; comm. Bruxelles 7-3-1961, Revue, 1964, p. 105; l'avis de M. l'avocat general Ganshof van der Meersch cfr. Pas. 1962 I, p. 808 ; Cass. 22-3-1962, Revue, n° 5077, p. 249, et l'etude de J.E. RENAULD cfr. Rev. Crit. Jur. Bel., 1963, p. 49.

II. L'arret affirme notamment que « hors le cas ... ou la liquidation de societe rentre_ dans son objet social, une societe anonyme ne peut pas remplir semblable mandat ».

Cet avis. n'est-il pas trop categorique ? Marx enseigne («Manuel du liquidateur », edit. 1935, p. 23, n° 9)

qu'une societe peut remplir le role de liquidateur si cette fonction rentre

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dans la capacite de la societe, se rattache a son objet social (voir aussi les references citees par cet auteur). Cet opinion est beaucoup plus nuancee que celle emise par la ·COUf.

D'une part, pour tous actes juridiques que n'exdut pas sa nature d'etre moral, la capacite d'une societe anonyme est en principe la meme que celle d'une personne physique, et la loi ne l'a pas restreinte (cass. 31-5-1957, Pas. 1957, I, p. 1176).

D' autre part i1 y a une difference, a mes yeux, importante, entre l'activite qui rentre dans l'objet social et celle qui s'y rattache. Dans le premier cas, l'activite est enumeree parmi les objets sociaux, dans le second il suffit qu'elle le favorise OU en facilite la realisation.

II semble d'autant plus certain qu'une societe peut exercer les fonctions de liquidateur - pour autant qu'elle ne contrevienne pas, en ce faisant, a ses statuts - qu'elle est autorisee a exercer un mandat d'administrateur (cass. 17-5-62, Revue, 1962, n° 5078, p. 253 et l'avis de M. le Procureur. general Hayoit de Termicourt).

J. 'T KINT

Avocat pres la cour d'appel de Bruxelles

N° 5404. - Cour d'appel de Bruxelles (81e Ch.). - 4 mars .1967

Sieg. : MM. Verwilghen, pres.; de la Vallee Poussin et Elleboudt, cons.; M. Convent, avocat general.

Plaid. : MM05 C. de B.iseau et Fr. De Ceuleneer. (Polet cl S.A. (hollandaise) WAGA)

Societe de fait. - Autorite de la chose jugee. - Impossibilite pour une societe de sortir du cadre des art. 2 et 3 des lois coordonnees sur les societes commerciales~ - l:rrecevabilite de l'action poursuivie par les associes individuellement.

L'autorite de la chose jugee ne peut etre invoquee lorsque, dans une nouvelle contestation, l' objet et! ou la cause sont differents.

Si des commerrants se sont comportes comme associes d'une societe commer­ciale, et qu'il ne s'agit pas d'une association momentanee ou en participation, cette societe doit necessairement entrer dans l'un des cadres definis et reconnus par la Loi; dans ce cas, le seul fait de son existence con/ere a cette societe la personnalite juridique .

. L'action poursuivie par les associes a titre individuel est non-recevable.

ARR:fj,T

Attendu que l'appel, regulier en la forme et interjete dans le delai legal, est recevable;

Attendu que les appelants, demandeurs originaires, ont introduit par ajourne­ment du 25 fevrier 1965 une demande en paiement de diverses sommes a charge

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de la societe intimee avec laquelle ils etaient en . relation commerciale depuis juin 1961 en qualite de representants exclusifs de ses produits pour le territoire belge; ··

Attendu que dans leur ajournement les appelants se qualifient respectivement comme etant Polet Claude domicilie a Audergem, Luxor Park n° 11 - registre du commerce de Bruxelles n° 383 - et Polet Daniel domicilie a Uccle, avenue H. Boulariger n" 39 - registre du commerce de Bruxelles n° 252.482' - exer~ant

ensemble le commerce sous la denomination « Polet - Defay » boulevar~ Poin­care 42 a 46 a Anderlecht ;

Attendu que le premier juge a declare la demande non recevable ;

Attendu que le premier juge se meprend sur la nature exacte du. moyen de droit que l'intimee oppose aux demandeurs originaires ; que cette derniere eri effet, du moins actuellement, ne fait pas etat de l'dception de procedure prevue par !'article 11 alinea 3 des lois coordonnees sut les societes commerciales, ce qu'elle ne pourrait d'ailleurs faire n'etant pas a~signee par une societe dont l'acte constitutif n'est pas public (Cassation 17 _mai 1923. Pas. p. 316 et Cassation 10 novembre 1927. Pas. p. 3);

Attendu que l'intimee souleve simplement l'irrecevabilite. de la demande pour le motif qu'elle a contracte avec la societe en nom collectif Polet et Defay et, qu'en consequence, aucun lien juridique ne s'est noue entre elle et les appelants; que ce moyen n'est que la mise en reuvre de ce principe general du droit qui permet a la personne assignee par un tiers, d'exiger que celui-ci fasse la preuve de la realite de son droit ;

A.ttendu. que les appelants soutiennent a tort que 'la societe intimee ne peut plus opposer cette exception d'irrecevabilite a l'action des appelants pour le motif qu'au cours d'une procedure anterieure elle a considere elle-meme que Polet C. et n;, :bien qu'ils exploitaient ensemble la societe de fait Polet et Defay, pouvaient agir ~n · justice ·a titre· individuel pour les droits et interets dependant de leur activite comm~ne ; . .

Attendu qu'il est ~xact que le Tribunal de Commerce de Bruxelles, saisi par un ajournement du 22 mars 1966 emanant de la societe intimee, a dit pour droit dans son jugement du 13 octobre 1966 que la societe Waga, ayant introduit sa demande principale contre Polet C. et D., consideres par elle comme commer­~ants agissant individuellement, ne pouvait dans la meme cause comme defende­resse sur reconvention soutenir que la demande reconventionnelle des freres c. et D. Polet etait irrecevable au motif qu'elle n'avait jamais traite qu'avec I

la societe « Polet et Defay » ;

Attendu que le principe de l'autorite relative de la chose jugee (article 1351 du Code Civil) ne fait nul obstacle a ce que la societe intimee puisse, au cours d'une nouvelle contestation dont l'objet et/ ou la cause sont ·differents, soutenir qu'elle n'avait pas traite avec les appelants agissant en nom personnel niais avec une societe et qu'elle ignorait les premiers a defaut de lien juridique avec ceux-ci;

Attendu que les appelants exercent une activite lucrative commune sous la denomination Polet et Defay ; que leur correspondance porte ·en caractere imprime une adresse unique qui doit etre consideree comme le siege social

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puisqu'elle mentionne non seulement les objets de l'activite (tubes, robinetterie, pompes, ventilateurs ... ) mais aussi les numeros d'appel telephonique et d'inscrip­tion 1 l'Office des Cheques postaux ; que la correspondance emanee de la firme Po let et Defay est signee sans distinction aucune ·par l'un ou l'autre · des appelants;

Attendu. qu'a l'egard des tiers, les appelants se sont comportes comme associes d'une societe en nom collectif ;

Attendu qu'il ne pourrait etre pretendu qu'il s'agit d'une societe de fait depourvue de personnification morale c'est-a-dire d'une association momentanee puisque les appelants excercent le commerce de fa9on suivie et sous une raison sociale, ni d'une association en participation puisque l'activite commune des appelants, nullement occulte, est connue des tiers.,

Attendu que la societe en cause etant une societe commerciale doit necessaire­ment entrer dans l'un des cadres definis et reconnus par la loi (commentaire legislatif de Guillery J .• 2° partie II. 106 col. 2 declaration de J. Pumir),' qu'elle repond d'ailleurs a la definition de la societe en nom collectif donnee a !'article 15 du titre IX du code de commerce; que le seul fait de son existence lui confere des lors la personnalite juridique encore qu'aucun ecrit constatant sa constitution n'ait ete etabli ;

Attendu que l'intimee adressait sa correspondan~ a la firme Polet et Defay, boulevard Poincare 66 des le debut de ses relations, qu'elle a done normalement du consid6rer qu'elle traitait avec une societe en nom collectif; qu'elle est des Jor~ f qndee a sow ever l'irrecevabilite de la demande des appelants aucun. lien juridique n'etant ne entre elle et ceux-ci agissant a titre individuel (cfr. arret Bruxelles du 15 janvier 1955. Pas. 1956 p. 104 et le~ references);

Attendu que la demande de dommages-interets pour appel temeraire et vexatoire introduite par la societe intimee n'est pas une demande reconventionnelle ma.ls une demande nouvelle recevable comme telle en application de !'article 464 du code de procedure civile, que cette demande n'est pas fondee, aucune faute caracterisee n'etant etablie dans le chef des appelants;

Par ces motifs,

La Cour, Statuant contradictoirement ; Vu !'article 24 de la loi du 15 j~ 1935 ; Ecartant toute conclusion autre ; Entendu en audience publique l'avis conforme de-Monsieur l'Avocat General

Convent; Re9oit l'appel et y faisant droit ; le declare non fonde ; confirme en son

dispositif le jugement entrepris ; Statuant sur la demande nouvelle ; La declare recevable· mais non fondee ; Condamne les appelants a~x depens d'appel.

Observations. -· La revue a pub lie demierement l' arret de la cour d'appel de Bruxelles duJ3 fevrier 1967 (Revue, 1967, n° 5363, p. -106) rendu sur cassation (arret du 17-12-64, Pas. 1965. I. 391) de l'arret

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de la cour d'appel de Liege du 28 mars 1963 qui confirmait le juge­ment du tribunal de Huy du 27 mars 1962 (Revue, 1963, n°s 5164 et 5165, PP~ 271et272).

Lorsqu'est etablie !'existence d'une societe irreguliere celle-ci ne peut ester en justice (art. 11 des lois coordonnees sur les societes commer­ciales). II arrive que les tribunaux, pour permettre aux associes d'exer­cer leurs droits, se montrent d'une excessive severite pour admettre que ces associes forment entre eux une societe de fait. La declaration que deux ou plusieurs pe_rsonnes font ensemble commerce sous une raison sociale, est un des arguments pour prouver !'existence d'une societe de fait entre ces personnes (M. VAN DER MENSBRUGGHE dans la Revue, 1957, n° 4663, pp. 105 et 121).

L'arret de la cour de cassation precite, lorsqu'il declare « en ce qui concerne la raison sociale invoquee, l'arret attaque ne rencontre pas la· defense des demandeurs tiree de ce que, dans I' exploit introductif d'instance, les defendeurs declarent faire ensemble des affaires sous la firme A. et J. Duliere », ne se prononce pas sur les criteres de la societe irreguliere.

L'arret de la cour d'appel de Bruxelles du 13 fevrier 1967 deja cite, et celui de la meme cour du 4 mars 1967 qui precede la presente note, declarent que, lorsqu'une societe est commerciale, elle doit neces­sairement rentrer dans les cadres prevus aux art. 2 et 3 des lois coor­·doiinees sur les societes commerciales et que, si elle n'est pas une associaltion momentanee ou en participation, elle a la personalite juridique.

Dans l'avis precedent l'arret du 13 fevrier, M. l'avocat general SoTTIAUX est d'une opinion contraire :

Sur l'exception opposee par les appelants.

I. Dans le systeme des appelants, toute societe ayant pour objet. I'accomplisse­ment d'actes de commerce doit necessairement revetir une des formes prevues par la loi . commerciale. telles qu'elles sont enumerees par l'article 2 des lois coordonnees sur les societes, si bien qu'il ne peut exister de societes dites « de fait » denuees de la personnalite morale, autres que les associations commer­ciales momendrtees et les associations commerciales en participation, seules societes auxquelles la loi (article 3) n'a reconnu aucune individualite juridique.

Les appelants soutiennent aussi que toute societe qui satisfait aux conditions prevues par les articles 1832 et suivants du Code Civil et a pour objet l'accom­plissement d'actes de commerce constitue, par la volonte du legislateur, une societe en non1 collectif, lorsque, comme en l'espece, les associes ne lui ont

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pas attribue des caracteristiques propres a un autre type de societe et sans qu'il y ait lieu d'avoir egard au fait que les associes n'ont redige aucun acte ecrit et n'ont pas convenu d'utiliser une raison ·sociale.

Ce systeme est generalement admis en doctrine et par une partie importante de la jurisprudence, mais il n'est pas Conforme a la jurisprudence de la Cour de Cassation (Cass. 1er juin 1937:• Pas.I. 161; Cass. 20 janvier 1941, Pas. I. 13) selon laquelle la loi civile ne reconnait pas la personnalite civile a une commu­naute de fait exer~ant une industrie ou un commerce ;

Cette jurisprudence de la Cour supreme consacre d'une fa~on generate, !'existence de societes de fait sans personnalisation civile, ce que, d'autre part, la legislation fiscale reconnalt d'ailleurs explicitement.

II y a lieu, a mon avis, de se rallier a ce dernier systeme qui n'a pas pour effet ·de causer prejudice aux tiers ayant c0ntracte avec les associes.

Ceu'.x-ci sont, en effet, tenus solidairement envers les tiers, parce que ces derniers ont pu croire qu'ils traitaient non pas avec plusieurs personnes physiques, mais avec une societe en nom collectif (Fredericq, t. IV, n° 192).

Des lors. !'existence d'une societe en nom collectif est sans influence sur le gage que possedent ceux qui ont traite avec les associes, puisque le patrimoine entier des associes constitue ce gage. ·

II y a lieu aussi de considerer qu'une atteinte serait ·portee a la liberte du commerce s'il etait interdit aux personnes physiques d'exercer le commerce en association, sans constituer une societe commerciale.

II. Si la Cour decide, coffime je l'y convie, qu'une societe sans- personnalite juridique peut exister entre commer~ants, elle aura a rechercher si, en l'espece, les elements de la cause revelent que la societe constituee entre les intimes a la nature d'une societe en nom collectif irreguliere.

La societe en nom collectif est celle que contractent deux ou plusieurs person­nes et qui a pour objet de faire le commerce sous une raison sociale, les noms des assocj.es pouvant seuls faire partie de cette raison sociale.

Ainsi qu'il a ete dit. ii n'est pas conteste qu'un contrat de sqciete a ete conclu entre les intimes:. mais i1 n'a pas ete fait application par eux des articles 4, 6 et suivants des lois coordonnees. aux termes desquels la societe en nom collectif doit etre creee par acte special dont des extraits sont publies au Moniteur.

L'absence d'acte et de )publication im.plique l'i:rregularite mais non pas l'inexistence d'une societe en nom collectif - la preuve de cette existence pouvant etre faite par toutes voies de droit.

Pour faire la preuve, dont ils ont la charge, les appelants invoquent vainement !'existence d'une raison sociale, d'un siege social et d'un compte unique de cheques postaux utilise pour les affaires.

Ils invoquent tout aussi vainement que les intimes exercent une activite commune et traitent tous deux au nom de l'entreprise commune.

Ces divers elements, bien qu'il ne soit pas interdit a un particulier de faire le commerce sous une firme, revelent sans doute !'existence d'un contrat de societe entre les deux associes mais non pas !'existence d'une societe en nom collectif ou d'une autre societe jouissant d'une individualite juridique.

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Des lors, i1 n'est pas demontre que le contrat dont se prevalent les intimes aurait ete conclu par un etre juridique distinct et non par eux-memes et il suit de la que l'action a ete valablement intentee.

Com.me le dit lui-meme cet eminent magistrat, son systeme n'est gen~ralement pas admis par le jurfaprudence ni. par la doctrine (Rev. crit. jur. belge, 1955, p. 36, n°s 7 et 8, commentaires par M. HEENEN de l'arret de la cour de cassation du 18 mars 1964, et, id., 1962, n° 24, p. 285, examen de la jurisprudence pa~ MM. VAN R YN et VAN OMMESLAGHE; Revue, ~959, n" 4819, p. 124, ~ritique, par M. VAN DER MENSBRUGGHE de l'arret de Gand du 18 decembre 1957). M. VAN DER MENSBRUGGHE analyse particulierement la portee qu'il faut donner' aux arrets de la cour supreme cites a l'appui de la these de !'absence de personnalite juridique.

M. VAN OMMESLAGHE (Revue, 1963, n° 5115, p. 103, dans une note qui suit l'arret de la cour d'appel de Bruxelles du 26 mai 1961) est d'avis que, conformement a une jurisprudence habituelle au tribunal de commerce de Bruxelles, une action introduite par deux ou plusieurs personnes agissant ut singuli doit etre declaree non-fondee lorsqu'il est etabli que le debiteur a· traite avec . l~ societe de fait que ces personnes formaient ensemble. «La question de qualite cesse ainsi d'etre un prealable et elle se confond avec l'examen du fond» comme le dit M. l'avocat general. L'arret du 13 janvier statue ainsi. En revanche, l'arret du 4 .mars, confirmant le jugement du .tribunalde commerce de Bruxelles du 30 decembre 1965, declare telle action irrecevable. (cfr. aussi Comm. Bruxelles, 12-6-67, infra n° 5405).

Michel de RAmcuEs de CHENNEVIERE A vocat pres la Cour d'appel de Bruxelles

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NQ 5405. - Tribunal de commerce de Bruxelles (11 e Ch., salle B). -12 juin 1967

Sieg. : MM. Cassart, vice-president ; Debacker, 1 er referendaire adjo]nt. Plaid. : MMes De Beuckelaere (de Ninove) et J. Putzeys.

(Deltomme c/ Nerinckx)

Societe de fait. - Cession par la societe de sa creance. - Non-validite. -Action du cessionnaire non-fondee

La cession de creance consentie par une societe irreguliere a un de ses membres, dans le but d'en permettre la recuperation en justice, est faite en opposition avec l'esprit de la loi. Une telle cession est vicieuse et nulle, ayant une cause illicite, au sens de ['article 1133 C.C. Son objectif est en effet de tourner la loi en privant l' adversaire de la societe du moyen qui, dans un interet de bonne police et d' ordre general, est mis a sa disposition. Le cession­naire ne justifiant des lors d'aucun titre, son action doit etre declaree non fondee.

ARRET

Vu !'exploit introductif d'instance enregistre du 6 octobre. 1966; Vu !'article 4 de. la loi du 15 juin 1935 ; Attendu que !'action tend au reglement du solde (196.900 francs en principal)

d'une creance du chef de travaux et frais d'entreposage, lesdits travaux ayant ete executes par les freres Deltomme, dans un garage exploite par eux en societe;

Attendu que le demandeur Deltomme Willy, expose:

1) qu'une premiere assignation fut signifiee au defendeur le 8 decembre 1964, au nom de la societe de fait Deltomme freres ;

2) que le 10 fevrier 1965, Deltomme Michel et Deltomme Daniel lui cederent la creance dont i1 s'agit, la cession etant signifiee au defendeur le 4 mars 1965 ; que !'action fut biff ee ;

Que le 9 mars 1965, le demandeur, se prevalant de cette cession, a assigne le defendeur en paiement de la somme due du chef desdits travaux et frais ;

Attendu que le demandeur declare acquiescer au jugement prononce par ce Tribunal (13e Ch.) en cette cause le 16 juin 1966, jugement qui dit !'action recevable, mais non fondee ;

Attendu que ce jugement admet que le defendeur soutenait a bon droit qu'il avait contracte avec une societe et que. des lors. c'etait cette societe qui etait sa creanciere ; qu'il comporte des motifs relatifs a la cession de creance signifiee au defendeur le 4 mars 1965;

Attendu que le 15 septembre 1966, la societe de fait Deltomme freres, ainsi que, pour autant que de besoin, MM. Deltomme Michel, Detomme Daniel et ' Deltomme Willy, ont c6de a ce dernier tous leurs droits et actions concernant notamment les factures et conventions dont il s'agit au proces, ladite cession etant ensuite signifiee au defendeur le 6 octobre 1966 en meme temps que !'assignation en la presente cause;

Attendu que la recevabilite de !'action est contestee par le defendeur qui discute d'abord la validite de la nouvelle cession de creance (du 15 septembre

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1966) en raison de !'existence d'une premiere cession non annulee (du 10 fevrier 1965) et qui conclut, ensuite, que mise a part cette objection, cette derniere cession est, d'ailleurs, depourvue d'efficacite car le cessionnaire n'est, pas plus que la cedante, en droit d'agir en justice pour recouvrer cette creance ; qu'il vise ainsi la sanetion prevue par !'article 11, alinea 3, des lois coordonnees sur les societes commerciales ;

Attendu que. dans cet ordre d'idees, le demandeur se prevaut de motifs du jugement du 16 juin 1966, en suggerant qu'ayant conforme sa conduite a I' opinion (pretendue) du Tribunal, l'action devrait etre re~ue ; ·

Qu'il veut ici faire admettre que, selon ces motifs dudit jugement, la cession, telle qu'elle a ete faite en dernier lieu, serait pleinement efficace, en ce sens qu'elle permettrait au cessionnaire d'exercer des droits qui eussent ete paralyses si la societe cedante les avait elle-meme exerces;

Attendu que !'analyse ainsi faite de la motivation du jugement du 16 juin 1966 est defectueuse (cfr. conclusions des demandeurs, p. 1, avant-dernier alinea, et m.ilieu de la page 2 : « • • • jugement... declarant... qu'en ce qui concerne la cession, elle doit etre faite par la societe et, pour autant que de besoin, par les associes de fait ut singuli ») ;

Attendu que le jugement constate que la cession (la premiere) faite au demandeur Willy Deltomme etait faite non par la societe « seule creanciere possible », mais par deux de ces associes personnellement ;

Qu'il releve ensuite la doctrine trouvee dans une publication juridique de langue neerlandaise OU est posee la question si une cession de creance a un associe ou a plusieurs des associes « n'est pas la solution pour pouvoir obtenir condamnation du debiteur » ; que sans prendre parti, i1 releve que la cession, telle qu'elle est suggeree dans cet ouvrage, n'est, de toute maniere, pas celle qui a eu lieu;

Qu'en ecartant, ensuite, comme inefficace, cette premiere cession (par des non-titulaires des droits cedes, aux yeux du defendeur), le Tribunal n'a, ni expres­sement, ni implicitement, donne son adhesion a une doctrine qui permettrait, en tout cas, au cessionnaire de faire valoir, contre le cocontractant d'une societe non publiee, des droits cedes par semblable societe, alors que celle-ci eut ete empechee de les exercer, eu egard au moyen tire par ledit cocontractant de l'alinea 3 de !'article 11 des lois coordonnees sur les societes commerciales ;

Attendu que ce moyen est mis inconditionnellement par la loi a la disposition du tiers qui est aux prises avec une societe non publiee ; qu'il est certain que celui-ci, s'il entend s'en servir, n'a aucune justification, notamment d'interet, a fournir (v. cass. 7 mars 1895, Pas. I, 117) ; qu'il doit voir accueillir son exception, ce qui, est en cause etant « une mesure de bon ordre et de police indispensable au sein de toute societe bien organisee » (conclus. du proc. gen. Mesdach de ter Kiele.1 sous cet arret) ; qu'ainsi que le professe en termes energiques Fredericq (Traite, t. IV. n° 152, p. 258), la sanction dont i1 s'agit (art. 11) frappe « les associes qui violent la loi » (penalite) ; que ceux-ci « n'avaient qu'a observer les prescriptions legales )) (ibid.), le remede exclusif, la seule ressource pour echapper a la sanction etant la regularisation, c'est-a-dire la publication (meme ouvrage. n° 145, p. 249 - v. aussi etude de Van der Mensbrugghe, dans Rev, prat. soc. 1957, n° 4663, pp. 103 et s., specialement pp. 115-116, n° 22 :

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«La non-recevabilite n'est rien d'autre qu'un moyen pratique imagine par le legislateur pour contraindre les associes a publier leur acte de societe ... but d'interet general... la loi veut assurer par ce moyen la stricte execution des mesures de publicite qu'elle impose en echange des privileges qu'elle accorde ») ;

Attendu qu'il en reimlte qu'il n'appartient a personne, ni a la doctrine d'abord, ni surtout au juge de preter une main secourable aux efforts que les coupables, meritant la sanction prevue, peuvent faire afin d'echapper aux consequences de !'omission autrement que par cette regularisation, particulierement par ce procede facile d'une cession qui. n'etant autre qu'un stratageme (« un subterfuge» : Van Ryn, Examen de jurisprud., dans Rev. crit. jur. 1951, p. 136, n° 14, dut la cession etre reelle : cfr. recommandation qu'il soit fait en sorte que la cession ptlt apparaltre comme serieuse, qu'on trouve, bien inutilement, sous la plume de R. Janssens dans Alg. pract. Rechtsverzameling, Vo Vennootschappen, nr. 185 in fine), aurait pour consequence de les maintenir en situation irreguliere, con­trairement au but d'interet general que la loi tend a atteindre par un proc6de sans aucun doute original (v. Rep. prat. dr. b., v0 Societes a forme « dite com­merciale » en general, n° 242) ;

Attendu qu'il echet de remarquer que la convention conclue entre les seuls interesses pour parvenir a leurs fins, en opposition avec !'esprit de la loi, est evidemment vicieuse et nulle. ayant une cause illicite, au sens de !'article 1133 du Code Civil; qu'elle est telle parce que l'objectif vise est de tourner la loi en privant l'adversaire de la societe du moyen qui, dans l'interet de bonne police et d'ordre general susvise, est mis a sa disposition (v. comm.· Bruxelles, 4 janvier 1956, Jur. Comm. Br., 305, motifs de la p. 311 concernant la fraude aux droits des tiers, v. aussi comm. Brmc., 7 juillet 1956, ibid. p. 312, specialement motifs de la p. 315 concernant l'illiceite d'une cession de cette espece) ;

Attendu d'autre part, qu'a la supposer serieuse (non fictive) et licite, la cession dont ii s'agit n'emporterait pas, pour le cessionnaire, le pouvoir d'exercer incon­ditionnellement en justice l'action en recouvrement de la creance cedee, alors que ce pouvoir n'appartenait a la c6dante qu'a la condition, non realisee en l'occurence, que le debiteur consente a le lui voir exercer, en depit de l'irregu­larite constatee dans le chef de la societe creanciere ; que le cessionnaire qui n'est que substitue au cooant, par le fait d'une cession reguliere (v. cass. 14 fevrier 1924, Pas. I. 202) - n'a pas acquis une possibilite de faire valoir des droits a l'exercice desquels une exception fait obstacle dans le chef de la c6dante (v. outre les decisions precitees, de ce tribunal, la premiere etant particulierement motivee a ce sujet, comm. Anvers, 24 mai 1943, Pas., 1944, III, 5 et commen­taire approbatif de Van Ryn, Rev. crit. jur. b., 1951, n° 14 ·; Van Ryn et Van Ommeslaghe, comment. approbatif des decisions de 1956 precitees de ce tribunal, dans Rev. crit, jur. b., 1958, p. 70, n° 15 ; Van Ommeslaghe, Societes de fait, J.T. 1957, 709 et suiv .• specialement sous n° 20 de la page 714, la note 101. Cfr., quant aux droits et a la position d'un cessionnaire, Brux., 15 janvier 1955, Pas., 1956, II, 104, Jur. Comm. Brux., 1956, 361) ;

Qu'?n ne se trouve pas ici dans un cas ou la legislation, pour des raisons particulieres, admet que, par le fait d'une cession, des exceptions se trouvent purgees, comme en matiere cambiaire, etant, d'ailleurs, observe que, meme dans cette hypothese, la condition de bonne foi de l'acquereur du titre est une condi-

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tion de sa position meilleure que celle de son cooant (v. loi cambiaire, art. 17); que, precisement, les parties a la convention de cession du 15 septembre 1966 savaient toutes a quelle exception se heurterait, dans le chef de sa titulaire -la societe non publiee - la reclamation judiciaire fondee sur la creance cectee et qu'ainsi elles agissaient sciemment, par la cession, au detriment du debiteur dans le cadre de l'interet que le legislateur a estime devoir proteger aux fins susindiquees ;

Attendu que le demandeur ne justifie, des lors, de la possession d'aucun titre lui permettant d'exercer librement contre le defendeur - qui oqjecte !'exception qu'il lui est donne d'opposer a !'action de la societe cedante - une action en recouvrement de la dette contractee par celui-ci envers la societe Deltomme Freres;

Qu'il doit etre deboute de son action, qui sera d6claree, non pas irrecevable, mais mal fondee ;

Par ces motifs.

Le Tribunal.

Rejetant toutes conclusions autres, contraires ou plus amples, declare l'action mal fondee;

En deboute le demandeur ; Condamne celui-ci aux depens.

Observations. - Le present jugement conceme un aspect particulier des problemes que posent les societes de fait. Lorsqu'il est etabli que deux ou plusieurs personnes, exploitant conjointement un commerce, forment ensemble une societe et que celle-ci n'a pas respecte les obli­gations de forme et de publicife que lui impose le code de comme:rce, cet,te societe ne pourra ester en justice (art. 11 des lois coordonnees sur les societes commerciales).

La cession de creance fournit-elle a cette societe, dite « de fait »,

le moyen de tourner la fin de non-proceder instauree par !'article 11 des lois sur les societes ?

La societe de fait cede a une personne, physique ou morale, la creance pour laquelle elle ne peut agir en justice. «Si c'est le defaut de publication qui est invoque, la creance de la societe n'est plus en discussion et il pourra etre remedie a l'irrecevabilite de l'action par la publication prealable OU le transfert du droit » (Revue, 1959, n° 4797, p. 56, note P.D.). Cette opinion se retrouve chez M. VAN DER MENs­

BRUGGHE («Des societes constituees sans acte ecrit », Revue, 1957, n° 4663, p. 116, nQ 23), OU chez M. R. JANSSENS ( Algemene practische rechtverzameling, vQ Vennootschappen, n° 185), ou encore dans le juge­ment du tribunal de commerce de Brnxelles du 3 mai 1938 (Jur. comm. Brux., 1939, p. 440).

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En revanche, cette fa<;on d'agir n'est pas admise par M. VAN RYN (Rev. crit. jur. belge, 1951, examen de la jurisprudence, p. 136, n° 14), · MM. VAN RYN et VAN OMMESLAGHE (Rev. crit. jur. belge, 1958, examen de la jurisprudence, p. 70, n° 15), M. VAN OMMESLAGHE (<< les societes de fait », J. T., 1957, p. 714, note 101).

A part le jugement cite plus haut, les rares decisions judiciaires trai.:. tant de la question sont opposees a la validite de l'action intentee par le cessionnaire du droit de creance de la societe de fait.

La presente note n'a comme but que de rappeler les arguments invo­ques par ces jugements contre la validite de la cession.

1. Effet de la cession de creance.

« Nemo plus juris ad alium transferre potest quam ipse habet ».

Cet argument sert de base a l'arret de la cour d'appel de Bruxelles du 15 janvier 1955 (RelJue, 1957, n° 4676, p. 134) et aux jugements du tribunal de commerce d'Anvers du 24 mai 1943 (Pas. 1944. III. 5, ou il est reproduit in extenso) et du tribunal de commerce· de Bruxelles du 12 juin 1967 (ci-dessus).

Le debiteur cede pourra opposer au cessionnaire toutes les exceptions qu'il eut pu opposer au cedant. L'obligation transmise demeure !'obli­gation primitive, avec ses avantages et ses inconvenients. Le cession­naire ne p·eut avoir plus de droits que le cedant. Celui-ci n'a pu trans­ferer que ce qu'il possedait c'est-a-dire une creance demunie d'action en justice.

bn a parfois pretendu que seules sont opposables les exceptions inherentes a la dette et non celles qui sont purement personnelles au· cedant DE PAGE, IV, n° 378; R.P.D.B., V° Transport-cession, n° 85). Cela permettrait de soutenir que !'exception de non-proceder est attachee a la personne morale qu'est la societe de fait titulaire de la creahce et non a celle-ci.

Le jugement du tribunal de commerce deBruxelles du 4 janvier 1956 (jur. comm. Brux., 1956, p. 305) critique cette these. « Cette deroga­tion au principe de l'opposabilite des exceptions ne se justifie ni en logique, ni en equite. On n'aper<;oit pas comment un droit affecte d'un vice quelconque qui empeche de le faire valoir, pourrait grace a Sa transmission a un tiers, etre purge de ce vice. La distinction entre tares inherentes a la dette et celles inherentes a la personne du creancier cedant est arbitraire, puisque la creance, rapport juridique entre deux personnes determinees ne saurait etre « abstraite » de la personnalite des creanciers. (La decision citee a l'appui de cette distinction comm.

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Brux., 12 dee. 1905, Pas. 1906, III, 233 est rendue a propos de la transmission d'une lettre de change, c'est-a-dire d'un titre a ordre.) Enteriner cette distinction, aboutirait a aggraver sensiblement la posi­tion du debiteur puisque celui-ci serait mis dans l'impossibilite de faire valoir contre le cessionnaire certains moyens dont i1 disposait a l'egard du cedant. II serait malaise de preciser le critere entre les exceptions inherentes a la creance et celles qui sont personnelles au cedant. La majorite des auteurs n'etablit pas pareille distinction; certains la re­poussent meme formellement ; la jurisprudence ne reconnait pas davan­tage cette distinctions». (voir references nombreuses citees au jugement du 4 janvier 1956.)

Pareillement, on lit chez LAURENT (24, n° 536, p. 350) : « decider dit la cour qu'une creance nulle dans les mains du cedant devient valable entre les mains du ~es"sionnaire, ce serait donner au creancier de mauvaise foi le moyen d'assurer le "Succes du dol ou de la fraude par le transfert a un tiers de la creance viciee (Cass. Fr. 2 mai 1853, D. 1853, I, 44) ».·DE PAGE lui-meme, quelques paragraphes avant de formuler sa derogation a l'opposabilite des exceptions ecrit «le debiteur ne pourra done opposer ... meme si le vice se fonde sur un fait.person­nel du cedant (dol, violence) » (IV, n° 378).

L'article 11 des lois coordonnees n'instaurant que la sanction de la violation d'une condition de forme, la creance de la. societe de fait ne parait pas entachee d'un vice originaire. Mais sa cession, si elle est realisee dans le but de toumer cette prescription imperative, parait inefficace comme· l'enseigne le jugement rapporte (cfr. infra 3).

2. Prix.

« S'agissant de ceder une chose, fut-elle un droit incorporel, la vente ne se congoit pas sans prix, lequel doit etre determine par les parties, la principale oblig~tion de l'acquereur etant de payer le dit prix (c.c. 1582, 1591 et 1650). II en resulte que l'opera:fion vantee par la demanderesse est inexistante » (comm. Brux., 7 juillet 1956, jur. comm. Brux., 1956, p. 312). Selon le meme jugement, les conditions dans lesquelles la demanderesse serait devenue ~essionnaire interesserait la defenderesse a cause de I' article 1699. Cacher ces conditions revien­drait a empecher !'application de l'art. 1699, ce qui ne peut se faire.

A l'examen, la cession operee par la societe de fait a l'un de ses membres apparait souvent avoir ete faite sans contrepartie, ,done en violation d'une des obligations de la vente.

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En principe, cet argument n'est pas decisif puisqu'une cession de creance n'est pas necessairement une vente. Elle peut etre une donation, une dation en payement. Dans la pratique, puisque nous sommes en matiere commerciale, il y a presomption que la cession ne soit pas a titre gratuit. On pourrait repliquer que le payement du prix a ete reporte a la fin du litige qui oppose le cessionnaire et le cede. Mais cela confirmerait alors l'idee que la cession n'a d'autre but que de toumer la loi. La cause de la cession ne serait pas une liberalite ou une contrepartie mais la fraude de la loi, comme nous l'exposerons plus loin.

Cet argument concemant le prix, s'il n'est pas en lui-meme d'un grand poids, rappelle une regle importante. Il faut que la cession ne soit pas fictive et qu'elle ait les caracteristiques de l'acte juridique qu'elle pretend etre. En cas de donation, elle devra remplir les condi­tions de forme requises. En cas de transmission a titre onereux, il faudra une contre-valeur et, notamment, s'il s'agit d'une vente, un prix determine et designe par les parties.

Il arrive que les tribunaux rejettent l'action intentee par·un cession­naire, entre autres raisons a cause du caractere fictif de la cession (comm. Gand, 25 juill. 1899, Revue, 1900, p. 287; comm. Anvers, 8 janv. 1896, Revue, 1896, p. 119).

3. Fraude.

La cession de creance est critiquable pour son caractere frauduleux.

Le jugement du tribunal de commerce du 4 janvier 1956 (jur. comm. Brux., 1956, p. 305) condanme la fraude a l'egard des tiers. Selon lui, l'emploi de procedes peut-etre licites en eux-memes, mais qui ont pour but de nuire aux tiers, rend l'acte nul, ou plus exactement inopposable aux tiers (DE PAGE, I, n°s 93, 100 et 150). Du point de vue du debiteur, on ne voit pas en quoi lui faire payer une dette serait frauduleux. Mais il est un principe d~ la cession de creance que le transport ne peut nuire au debiteur ni aggraver sa position. Le maintien de la situation inchan­gee du debiteur ·est la contre-partie de son obligation de subir la cession. Meme si cette regle ne parait pas tres equitable, en matiere de societes de fait, elle est conforme a la doctrine (DE PAGE, IV, n° 378, p. 364, note 5 et p. 365, note 1) et a la jurisprudence (Cass. 14 fevrier 1924, Pas. 1924, I, 202).

Certaines decisions relevent que l'action du cessionnaire repose sur une cession fictive et condamnent la cession en raison de l'illiceite de sa cause. Nous l'avons vu precedemment.

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Enfin on a tenu la cession pour nulle parce qu'elle revele une fraude a la loi. II serait trop facile qu'il suffise a une societe de fait, chaque fois qu'elle doit agir en justice, de ceder son droit a un de ses membres. Ainsi, elle pourrait, sans respecter les conditions des lois. coordonnees sur les societes commerciales, vivre et agir exactement de la meme fa~on qu'une societe commerciale regulierement constituee. Les principes du droit commercial en matiere de societes sont que, lorsque plusieurs personnes s'associent, elles doivent le faire selon certaines formes deter­minees et en remplissant certaines conditions, notamment des obliga­tions de publicite. Ces principes ont pour raison d'etre la necessite que les societes presentent certaines garanties a l' egard des tiers qui traitent avec elles. Les obligations de forme et de publicite sont du reste' sanctionnees par les art. 4 et 11 des lois coordonnees sur les societes commerciales. Or un acte qui a pour but so it de tourner la loi, soit d'enteriner ce qui a ete fait en fraude de la loi, doit etre considere comme illicite, et tomber sous le coup de l'art. 1131 du code (comm. Brux., 12 juin 1967, ci-dessus).

Conclusion.

Les divers arguments invoques contre la cession de la creance de la societe de fait ne sont pas, pris isolement, pleinement satisfaisants. C'est probablement la raison pour laquelle on en invoque tant. Cependant ils ont chacun une certaine valeur et s'etayent: les uns les autres.

Aussi, est-ce a juste ·titre) nous semble-t-il, que les tribunaux, en general, et urre partie de la doctrine, considerent que la cession ne donne pas au cessionnaire le droit d'agir en justice droit que n'avait pas le cedant.

L'action « de in rem verso» etant ecartee depuis longtemps (FREDE­RICQ, IV, n° 152, p. 158) la solution qui reste a la societe de fait do'nt !'existence a ete reconnue et qui veut faire valoir un droit en ·justice a l'egard d'un tiers, est de prendre une existence legale, c'est-a-dire de se constituer regulierement. (FREDERICQ, IV, n° 152, p. 158; VAN RYN,

I, p. 281, n° 396). Nous disons bien se regulariser. « S'ils commettaient !'imprudence de constituer une autre societe a laquelle · 1a societe irre­guliere ferait apport de sa creance, on pourrait objecter que la nouvelle societe, n'ayant pas plus de droits que sa cedante, pourrait egalement se faire opposer la fin de non-recevoir tiree de l'art. 11. » (M. VAN

OMMESLAGHE, J.T., 1957, p. 714, note 101.) . En consequence, si la societe de fait se presentait comme une societe ·

en nom collectif, pourra-t-elle se constituer en societe de· personne a

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responsabilite limitee ou en societe anonyme? Ne sera-t-elle pas obli­gee de se constituer-en societe ·en nom collectif? (On lira avec interet a .ce sujet la critique du jugement de Turnhout du 26 decembre 1923 par M. CoART, dans la Revue, 1924, n° 2581, p. 308, et la critique de ce dernier par M. GoEDSEELS, «la personnalite ci'vile des societes et les droits des tiers» dans la Revue, 1925, n° 2590, p. 11.) II faut se de­mander cependant si cette question n'a pas perdu son acuite depuis la loi du 23 fevrier 1967 «modifiant, en ce qui concerne la transformation des societes, les lois sur les societes commerciales coordonnees le 3 0 novembre 19 3 5 ». Les societes constituees sous une des formes enumerees a l'art. 2 garderont leur personnalite si elles adoptent une autre forme. La question de la transformation des societes en nom collectif est traitee aux articles 166, 172, 173 et 174 nouveaux. (cfr. au.ssi Bruxelles 4-3-67 supra n° 5404).

Michel de RADIGUES de CHENNEVIERE

Avocat pres la Cour d'appel de Bruxelles

N° 5406. - Tribunal civil de Bmxelles. - 7 avril 1967 (9° eh.). Sieg. : MM. Kebers, juge un.; Du Jardin, Subs. Pr. Roi.

(A.S.B.L. « cercle X »)

A.S.B.L. - Modifications des statuts. - Presence insuffisante d'associes. -Seconde assemblee. - Convocation.

Ce n'est qu'apres constatation, lors de la premiere reunion, de la circonstance que les deux tiers des membres de l'association ne sont pas presents ou representes, qu~une seconde reunion peut etre convoquee qui pourra alors deliberer quel que soit le nombre des membres presents.

Attendu qu'il appert des elements de la cause que deux assemblees generates extraordinaires de !'association ont ete convoquees le 5 . ianvier 1967 pour la date du 17 janvier 1967, la premiere devant se tenir a 18 heures ayant a son ordre du jour une proposition de modification des statuts, et la seconde etant destinee a se tenir a 18 heures quinze « au cas ou la premiere assemblee . ne reunirait pas les deux tiers des membres presents )) ;

Attendu que les deux assemblees generales eurent effectivement lieu a la date et selon l'horaire prevus ; qu'au cours de la premiere, i1 fut constate, d'apres le proces-verbal, que le quorum des 2/3 impose par la loi pour deliberer valablement sur la ·modification proposee aux · statuts, n'etait pas reuni ; qu'au cours de la seconde, les modifications aux statuts furent admises apres qlie l'assemblee eut constate qu'elle etait regulierement reunie et que « de plus, c'est la deuxieme fois que la proposition de modificatidn apparalt a ' son ordre du jour » ;

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Attendu que cette derniere affirmation n'est appuyee par aucun document justificatif et qu'il ne peut des lors en etre tenu compte ;

Attendu que la requete tend a l'homologation de la deliberation de la derniere de ces deux assemblees generales par application de !'article 8 de la loi du 27 juin 1921 ;

Attendu qu'il n'y a pas lieu d'y faire droit ; Qu'en effet, au vceu de la loi (alinea 2 de !'article 8), ce n'est qu'apres

constatation, lors de la premiere reunion, de la circonstance que les deux tiers des membres de !'association ne sont pas presents ou representes, qu'une seconde reunion peut etre convoquee qui pourra alors deliberer quel que soit le nombre des membres presents (Civ. Bruxelles, 25 janvier 1952, Rev. prat. soc. 1954, 321 et la note Goedseels, J.T. 1952, 203 : Bruxelles, 30 avril 1962, Pas. 1963, II 76, Rev. prat. soc. 1963, 119 et la note 't Kint) ;

Attendu que toute autre interpretation serait contraire a un texte legal sans obscurite et contredirait au surplus le vce~ du legislateur d'apres lequel les associes qui n'avaient pu, pour quelque motif que ce fut, assister a la premiere assemblee, doivent etre mis en mesure. a !'occasion de leur convocation a la seconde les informant que le quorum legal des 2/3 n'etait pas atteint la premiere fois, d'agir en connaissance de cette situation determinee;

Attendu qu'en soumettant a l'homologation du tribunal la decision de la seconde assembtee generale extraordinaire, le legislateur a institue une mesure de garantie destinee a prevenir toute fraude dans les convocations; que l'examen du tribunal doit porter sur !'observation des formes requises par la loi, essentiellement liees a la prevention des fraudes possibles (cfr. 't Kint. Les associations sans but lucratif, ed. Larcier, 1961, n° 288);

Attendu que dans cette perspective, la disposition de !'article 8, alinea 2 4e la loi a cree une obligation dont le respect s'impose en vue d'assurer efficacement le droit egal de tous et chacun des membres effectifs de !'association a parti­ciper aux assemblees generales appelees a modifier le pacte social (cfr. Lindemans, A.P.R. V0 , « Verenigingen zonder winstoogmerk » n° 431, 1° et 434);

Attendu qu'il suit de ces considerations qu'il n'y a pas lieu d'accueillir la requete en homologation de la deliberation vantee ;

Par ces motifs,

Vu !'article 8 de la loi du 27 juin 1921 ; Vu l'avis conforme, donne par ecrit de M. Du Jardin, Substitut du Procureur

du Roi; Dit que l'assembiee generale extraordinaire de l'A.S.B.L. dont s'agit, tenue

le 17 janvier 1967, a 18 heures 15, n'a pas ete convoquee dans les formes requises par !'article 8 de la loi du 27 juin 1921 ;

En consequence dit n'y . avoir lieu d'homologuer la deliberation de ladite assemblee, dont proces-verbal produit est ci-annexe;

Observations. - Le ministere public a dit en substance La requete tend a faire homologuer, conformement aux dispositions de

!'article 8 de la loi du 27 juin 1921 sur les associations sans but lucratif, une deliberation de l"assemblee generale extraordinaire des membres de !'association

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sans but lucratif « Cercle X », tenue le 17 janvier 1967, a 18 heures 15, et ayant decide certaines modifications aux statuts de cette association, apres qu'une premiere assemblee generale extraordinaire convoquee aux memes fins pour le 17 janvier 1967, a 1.8 heures n'eilt pas reuni le nombre de presences requis par la loi ...

La loi du 27 juin 192'1 dispose en son article 8, alinea 3, que « si les deux tiers des membres ne sont pas presents ou representes a la premiere reunion, i1 peut etre convoque une seconde reunion qui pourra deliberer quel que soit le nombre de membres presents ».

Le texte legal exprime clairement et d'une maniere formelle que la convocation a la seconde reunion ne peut etre envoyee que s'il est constate, au moment de la convocation, qu'une premiere reunion a eu lieu, a laquelle les deux tiers des membres presents n'etaient pas presents ou representes.

(Civil Bruxelles, 9e chambre, 25 janvier 1952 - Revue pratique des societes civiles et commerciales - 1954 - page 231).

Toute autre interpretation irait a l'encontre, non seulement du texte de la loi, mais encore du vreu du legislateur qui a entendu que les associes qui n'avaient pu, pour quelque motif que ce soit, assister a la premiere assemblee, soient, a !'occasion de leur convocation a la seconde, avises de ce que les deux tiers des membres n'etaient pas presents ou representes a la premiere, et qu'ils puissent ainsi agir en connaissance de cette situation determinee.

Le tegislateur, en soumettant a l'homologation du tribunal civil la decision de la second~ assemblee generale statutaire, a institue une mesure de garantie destinee a prevenir toute fraude OU dol eventuels dans Jes convocations.

Pour que cette mesure de garantie ait toute son efficacite, le controle du tribunal doit porter sur deux points distincts :

1. !'observation des formes requises par la loi et considerees comme essentielles par le legislateur pour prevenir toute fraude ;

2. si les formes ont ete observees, !'absence de tout autre indice de fraude.

En l'espece, les deux assemblees ont ete convoquees par un seu1 et meme avis, date du 5 janvier 1967, done anterieur au 17 janvier 1967, pour l'assemblee du 17 janvier 1967 : pareille maniere de proceder est contraire a la lettre comme a l'esprit de la loi.

Pour ces raisons. je conclus qu'il n'y a pas lieu pour le Tribunal d'homologuer la deliberation 'de . I'assemblee generale extraordinaire du 17 janvier 1967 de !'association sans but lucratif denommee « Cercle X », visee a la requete.

Le jugement et cet avis confirment heureusement une jurisprudence, rare sans doute, conforme au texte de la loi et aux interets des associes. Outre les references citees cfr. ; aussi civ. Bruxelles 29-4-1961, JT 1961, p. 741.

No 5406

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BIBLIOGRAPHIE

N~ 5407. Recueil annuel de jurisprudence beige, contenant les sommaires de toute la jurisprudence et de tous les articles de doctrine parus en Belgique, fonde par Charles VAN REEPINGHEN (t) ancien batonnier de l'ordre des avocats a la Cout d'appel de Bruxelles, avec le concours de MMrs Robert PmsoN, professeur a l'universite de Bruxelles, Cyr CAMBIER, avocat pres' la Cour d'appel de Bruxelles, professeur a l'universite de Louvain, Robert HENRION, professeur a l'universite de Bruxelles, Jacques LEPAFFE, avocat pres la Cour d'appel de Bruxelles et Christian VANDERVEEREN, avocat pres la Cour d'appel de Bruxelles; jurisprudence de l'aimee 1966 un volume in quarto, 508 pages, 1780 F (Bruxelles, Maison F. Larcier).

L'reuvre de Monsieur le Batonnier VAN REEPINGHEN continue, ici aussi, pour le plus grand avantage des juristes.

En attendant l'ordinateur electronique le « Recueil Annuel » est, depuis sa fondation, le moyen de documentation le plus complet mis a la disposition du praticien. Les auteurs l'ont perfectionne, au cours des ans, en augmentant non seulement les decisions recensees, mais aussi la division des matieres. C'est ainsi que la Jable de !'edition actuelle contient de nombreux nouveaux mots de ref6rence. . . .

La documentation relative aux societes atteint, dans cette edition, presque le double de la documentation fournie l'annee precedente. Si la jurisprudence de 1965 n'avait donne lieu qu'au recensemment d'une decision en matiere d'ASBL, l'annee .1966 la depasse largement avec 8 references ; la qualite d'une legislation se reconnait-elle a la quantite ou au contraire a !'absence de litige ?

Jacques 'T KINT

N° 5407

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N° 5408. - Comite National Luxembourgeois de I' Association Internationale des Sciences juridiques - Bibliographie du Droit Lnxembourgeois - un volume in 8° - 1967 - 240 pages - 275 F (Maison Ferd. Larcier, S.A., Bruxelles 1).

Quel n'est pas l'etonnement du juriste qui compulse le recueil de bibliographie du droit luxembourgeois publie par !'association internationale des sciences juridiques. II n'imagine pas que les ouvrages juridiques de ce petit etat puissent e~re si nombreux surtout lorsque l'inventaire exclut deliberement les ecrits des juristes Juxembourgeois · ne se rattachant pas au droit de leur pays, les ouvrages perimes et les etudes de peu d'importance.

La nomenclature des livres et etudes est tres opportunement precedee d'un ap~r9u general sur le droit luxembo.urgeois qui permet aux juristes etrangers de s'initier aux grands principes de ce droit dont les particularites sont succintement soulignees. L'on constate ainsi que si le droit luxembourgeois est fort proche des droits fran9ais et beige, il s'en distingue neanmoins en de nombreuses matieres. Des exposes ont ete consacres a !'organisation judiciaire, aux droits civil, commercial, administratif, economique etc... Quelques pages ont ete plus particulierement consacrees au droit du travail et de la securite sociale, au droit fiscal qui different plus profondement du droit etranger que les autres disciplines juridiques.

Le comparatiste · trouve dans ces notes un guide de recherches et des rensei­gnements precieux.

Mr. Pierre WERNER salue la parution de cette bibliographie dans une preface au i1 se rejouit du travail accompli et espere que ce recueil encouragera les juristes a reprendre la plume en vue de nouvelles recherches.

Georges CARLE

N° 5409. - Antoine COLENS : « Le contrat d'emploi » - 4,e edition -un volume in 8° - 1967 - 400 pages - 450 F - Maison Fernand Larcier, S.A., Bruxelles.

Le traite de Monsieur COLENS sur le contrat d'emploi en est a sa quatrieme edition. Le succes de cet ouvrage est le meilleur garant de Sa qualite.

La nouvelle edition · contient des commentaires detailles concernant la loi du 12 avril 1965 relative a la protection de la remuneration des travailleurs et s'est enrichie de nombreuses references de doctrine et de jurisprudence recentes, particulierement dans la deuxieme partie de l'ouvrage consacree au statut des representants de commerce.

Les lecteurs de la revue s'interesseront specialement a l'examen que l'auteur reserve aux problemes poses par le cumul, dans le chef d'une meme personne,

N° 5409

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des qualites d'organe et d'employe d'une societe commerciale et aux theses developpees par l'Office National de Securite Sociale, en la matiere.

L'rei:ivre de Monsieur COLENS merite certes !'excellent accueil que les praticiens lui ont fait jusqu'a present.

Michel GODIN

N° 5410. - L'evolution du regnne contraictuel des dirigealits et, cadres d'entreprise - Faculte de droit de l'Universite de Liege -Commission droit et vie des affaires - seminaire organise a Chaud­fontaine les 9, 10 et 11 juin 1966 - edition Martinus Nijhoff, La Haye, 1967.

Cet ouvrage est l'aboutissement des travaux du seminaire organise, en 1um 1966, par la commission droit et vie des aiffaires de la Faculte de droit de l'Universite de Liege, dont on connalt par ailleurs les nombreuses activites, sous la direction de Monsieur le Professeur Paul HORION.

Ce 17° seminaire fut consacre a l'etude d'un sujet d'une brftlante actualite : !'evolution du regime contractuel des dirigeants et des cadres des entreprises privees.

L'etude est veritablement exhaustive. Tous les problemes essentiels qui se posent tant a !'occasion de la conclusion qu'au cours 'de !'execution et a la fin des contrats d'emploi de cadres, font l'objet de developpements souvent fort importants, toujours tres interessants.

L'attention des lecteurs de la revue sera sans doute specialement attiree par les pages dues a la plume de Madame Helene FUNCK.EN-SCHYNTS, qui traite la question de !'application de la legislation de la securite sociale aux dirigeants qui cumulent les fonctions d'administrateur et de directeur de societe, particu­lierement en matiere d'allocations familiales et de pensions.

Les interventions du legislateur sont frequentes dans le domaine social. La pauvrete, pour ne pas dire l'inexistence, de la legislation visant les cadres n'en est que plus apparente. Puisse cet excellent ouvrage determiner le legislateur a se pencher sur les problemes, tels notamment celui des inventions d'employe, souleves par ce que certains n'hesitent pas a appeler « le malaise des cadres ».

Michel GODIN

N° 5410

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N° 5411. - (R.Au - DURRWACHTER) Die Mehrwertsteur - Verlag Dr.

Otto Schmidt KG. KOln, ge ed., 1967.

_ La Republique f ederale, comme la Belgique, percevait une taxe de transmission a toils les stades du processus de vente, a un taux atteignant normalement 4 % Cette taxation « en cascade» produisait l'effet cumultatif bien connu sur le prix des produits. transmis, a differents stades dy la distribution,) d'un proprietaire a un autre et favorisait la concentration des entreprises (Organschaft).

Un groupe de petites entreprises avait meme introduit devant la Cour Constitutionnelle federale un. recours fonde sur l'inegalite ainsi creee entre contribuables. Repondant au vceu emis par le Parlement le 13 decembre 1956, le Gouvernement soumit le probleme de la reforme de la taxe sur. le chiffre d'affaires a une commission technique presidee par le Dr. Hiibschmann, puis a un groupe de. travail dirige par l'ex-secretaire d'Etat Hartmann. Un projet de loi officiel fut depose le 5 fevrier 1964. Pour la premiere fois d~ns la pratique parlementaire allemande, il donna lieu a !'audition de representants des organi­sations professionnelles interessees, inspiree de !'usage americain de~ (( hearings ». Entretemps, le Conseil. des Ministres de la C.E.E. emit le 14 avril 1967 deux directives. recommandant et decrivant le systeme de la taxe sur la valeur ajoutee. La loi allemande preparee de longue date, et votee le 12 mai 1967, entra en vigueur le 1 er janvier 1968.

Les auteurs exposent, exemples chiffres a l'appui, le mecanisme de la nouvelle taxe : il s'agit, au sens propre du terme, non d'une taxe sur la valeur ajoutee, mais d'une taxe sur le chiffre d'affaires assortie d'un credit d'impot egal au montant des taxes payees aux Stades anterieurs. Les autres concepts de base de la legislation ancienne, tels les definitions de J'entrepreneur et du chiffre d'affaires, ne sont guere modifies.

Afin d'atteindre en 1968 un chiffre egal au rendement prevu de la taxe ancienne (30,1 milliards· DM), un taux d'imposition de 12 % aurait du etre adopte. II aurait entralne une sensible augmentation de la charge supportee par le consommateur final. Le taux du nouvel impot a done ete momentanement fixe a 10 %. De plus, certaiqs produits, beneficiant jadis d'exemptions, seront taxes a 5 % . Enfin, les petites entreprises, dont le chiffre d'affaires est inffaieur a 60.000 DM, pourront opter pour une taxation du type ancien, a 4 % . La loi reserve au Ministre la possibilite d'introduire des taux forfaitai:fes da.ns certains secteurs.

Les auteurs examinent de fa~on detaillee les modifications comptables et les consequences economiques qu'entraine la legislation· nouvelle, ainsi que son application aux importations et aux exportations. Un expose des dispositions transitoires termine l'ouvrage, dont !'annexe contient le texte de la· loi du 29 mai 1967. Ce commentaire concis et clair sera suivi, annonce l'editeur, de publications complementaires sur le meme sujet, dont l'une en textes anglais et allemand juxtaposes.

J.· MALHERBE

No 5411

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N° 5412. - Le fonds de commerce - I. Theorie generale - La cession des fonds de commerce et des baux commerciaux, par MMes. Marcel VERCRUYSSE et Edouard LAUWERS, avocats pres la cour d'appel de Bruxelles, un volume in-8°, 1967, 324 pages, 600 F, Maison Ferd. Larcier, S.A., Bruxelles.

La notion de Fond!! de Commerce a, jusqu'a present, ete fort meconnue. Elle l'est par le legislateur, a de rares exceptions pres (loi du 25 aout 1919 sur la mise en gage du fonds de commerce; Ioi du 30 avril 1951 sur les baux commerciaux). Elle l'est par beaucoup de juristes. A part deux traites, publies en Belgique avant la guerre, on ne trouve sur ce sujet que des ouvrages generaux, OU des etudes sur des points particuliers.

MMes. VERCRUYSSE et LAUWERS ant voulu combler cette lacune et viennent de publier le premier volume d'un travail dont on espere voir prochaine­ment la suite.

Les auteurs elaborent d'abord une « theorie generale » du fonds de commerce. Il ne semble pas encore exister de definition satisfaisante de cette entite juridique. Mais un long chapitre passe en revue tout ce qui peut etre inclu dans la notion de fonds de commerce, ses elements indisp_ensables, ceux qui ont un caractere adventice.

Le fonds de commerce comprend de nombreux, elements : la clientele et l'achalandage ; un bail ; parfois un immeuble ; normalement le nom commercial ; l'enseigne; generalement les marques ; les dessins et modeles ; la propriete artis­tique et litteraire ; les breyets ou licences ; les contrats en cours ; les polices d'assurance ; le mobilier d'exploitation ; les marchandises ; le telephone etc ... On consid~re que, sauf stipulation contraire, il n'englobe pas les creances et Jes dettes en cas de cession; ni, pour le cessionnaire, !'obligation de reprendre le pe!sonnel.

L'enumeration de tous ses elements permet de voir ce dont se compose un fonds de commerce et, par la meme occasion, de toucher du doigt ·· l'etendue et la complexite de la matiere.

La deuxieme partie du volume, traite de la « vente des fonds de commerce ».

'Pourquoi cette partie est-elle intitulee « vente » et non «cession» du fonds de commerce, comme dans le sous-titre de l'ouvrage? Paree que, expliquent les auteurs, le terme (( cession)) peut egalement s'appliquer a d'autres operations que la vente proprement dite, aux transmissions a titre gratuit, aux. apports en societe etc ... ; alors que le present livre ne traite que des cessions repondant aux conditions de la vente.

Si la premiere partie de ce traite, « theorie generale », est assez succinte; il n'en est pas de meme de la seconde. Il s'agit de l'essentiel de l'ouvrage. Tout ce qui concerne la vente est passe en revue : validite, obligations reciproques, competence etc ... Un chapitre special est consacre a !'incidence. de la_ cession du bail commercial sur la vente du fonds de commerce et a ses modalites.

L'ouvrage est ext~ement bien doc~ente. ~en df ce qui a ete ecrit et juge au sujet des fonds de commerce n'a echappe aux fl.Uteurs.

Le livre est d'une lecture agreable. Il est clair et d'un acces facile. Une table detaillee et un indexe alphabetique en completent la compulsion.

Michel de RADIGUES de CHENNEVIERE

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SOMMAIRE Nos 1 - 2'

No 5399. - Les limitation du risque commercial en droit beige et la societe d'une personne, par A.H. PUELINCKX. 1

N° 5400. - Cour d'appel de Liege. - 28 fevrier 1967. - Faillite de societe. -Administrateur. - ·Mise en faillite personnelle. 18

N° 5401. - Tribunal de commerce de Saint-Nicolas. 18 . fevrier 1964. Societe fictive. - Mise en faillite du maitre de l'affaire. 21

N° 5402. -'- Tribunal de commerce de Liege. - 14 novembre 1967. S.P.R.L. faillie. - Extension de la faillite au gerant qui s'est livre a un commerce personnel sous le masque de la societe. 23

N° 5403. - Cour d'appel de Bruxelles. - 28 avril 1965 (2° eh.). - I. Dissolu­tion. - Acquisition de !'ensemble des actions par une autre societe. - Pas de confusion des patrimoines. - II. Liquidateut. - Societe. --:- Incapacite. Observations par J. 't KINT. 29

N° 5404. - Co~ d'appel de Bruxelles (8° Ch.). - 4 mars 1967. - Societe de fait. - Autorite de la chose jugee. .:___ Impossibilite pour une societe de sortir du cadre des art. 2 et 3 des lois coordonnees sur les societes co:rnmer­ciales. - Irrecevabilite de !'action poursuivie par les ass()cies individuellement, Observation par Michel de Radigues de Chenneviere. 31

N° 5405. - Tribunal de commerce de Bruxelles (11° Ch., salle B). - 12 juin 1967. - Societe de fait. - Cession par la societe de sa creance. - Non­validite. - Action du cessionnaire non-fondee. Observation par Michel de Radigues de Chenneviere. 37

N° 5406. - Tribunal civil de Bruxelles. - 7 avril 1967 (9° Ch.). - A.S.B.L. -Modifications des statuts. - Presence insuffisante d'associes. Seconde assemblee. - Convocation. 45

BIBLIOGRAPHIE

N° 5407. - Recueil annuel de jurisprudence beige, par Jacques 't KINT. 48

N° 5408. - Bibliographie du Droit Luxembourgeois, par Georges CARLE. 49

N° 5409. - «Le contrat d'emploi », par Michel GODIN. 49

N° 5410. - « L'evolution du regime contractuel des dirigeants et cadres d'entre-prise .,,, par Michel GODIN. SO

No 5411. - Die Mehrwertsteur, par J. MALHERBE. 51

N° 5412. - Le fonds de commerce - I. Theorie generate - La cession des fonds de commerce et des baux commerciaux, par MM08 Marcel VERCRUYS­SE et Edouard LAUWERS. 52

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