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pour une renaissance philosophique Revue de Nouvelle Acropole 193 3 Numéro de mai - août 2006 Sciences Alchimie nucléaire, faut-il y croire ? Question philo Peut-on vraiment changer ? Art et symbolisme La mélancolie de Dürer Rencontre avec Mircea Eliade, Redécouvrir le sacré DOSSIER Alchimie et métamorphoses Civilisations L’alchimie et l’art des transmutations

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pou r u n e r e na i s san c e p h i l o s o ph i q u e

Revue de Nouvelle Acropole N° 193 — 3€

Numéro de mai - août 2006

SciencesAlchimie nucléaire, faut-il y croire ?

Question philo

Peut-on vraimentchanger ?

Art et symbolismeLa mélancolie de Dürer

Rencontre avec

Mircea Eliade, Redécouvrir le sacré

DOSSIER

Alchimie etmétamorphoses

Civilisations

L’alchimie et l’artdes transmutations

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Cours de philosophie d’Orient et d’Occident

La philosophie un art de vivre

La philosophie un art de vivre

L’association philosophique Nouvelle Acropole vous propose :

Programme du cycle de cours

Dialoguez avec les philosophes de tous les temps sur les questions d’aujourd’hui. Dans ce cycle de 16 séances, vous découvrirez la richesse des philosophies comparées de l’Orient et de l’Occident, présentées d’une manière accessible et vivante.

Qu’est-ce que la philosophie?

Qu’est-ce que l’homme ?L’éveil de l’âme dans la philosophie grecque.

Qu’est-ce que l’homme ?Les plans de conscience de l’être humain dans la philosophie orientale.

La réponse à ses aspirations profondes.La voie du bonheur.

Avons-nous un destin ?La voie du combat intérieur et de l’action juste dans la philosophie de l’Inde.

La souffrance a-t-elle un sens ?La voie du détachement du bouddhisme et des philosophes stoïciens.

Comment vivre les différences dans la société ?Le sens de la justice.

Les altérations de l’âme et les maladies de notre temps.

L’éducation se limite-t-elle à la transmission d’un savoir-faire ?

L’histoire a-t-elle un sens et une finalité ? Le devenir de l’humanité en question.

L’histoire se nourrit-elle de mythes ?Les liens entre mythe et histoire.

L’histoire se répète-t-elle toujours ?L’éternel retour et le besoin de progrès.

L’histoire nous permet-elle d’entrevoir le futur ?La loi des cycles dans l’histoire.

Les voies de la connaissance dans les écoles de philosophie.

Le banquet philosophiqueune initiation audialogue socratiqueautour d’un thèmephilosophique choisipar les participants.

Trois atelierspratiques(en week-end)Exercices pratiquesautour de laconnaissance de soisur le plan du corps,des énergies, du planémotionnel et du planmental.

La philosophie

s’adresse

principalement

à ceux qui jugent

plus important

d’avoir des raisons

de vivre que

des moyens

pour vivre mieux.

>> Voir au dos

de cette revue

les adresses

des centres

Nouvelle Acropole

où se déroulent

les cours.

Philosopher c’est s’interroger, car lavie est une énigme, et les apparencesnous cachent souvent l’essentiel.

C’est aussi apprendre à se connaîtrepour progresser et s’améliorer.

Philosopher c’est vivre mieux entirant parti de nos potentialités et envivant pleinement chaque instant.

C’est aussi partager avec les autres,car vivre en philosophe c’est offrir lemeilleur de nous-mêmes à tous ceuxqui nous entourent.

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Sommaire Prochain numéroN° 194 : L’Égypte symbolique

Parution septembre 2006

NOTRE COUVERTURE : L’ALCHIMISTE

Nouvelle Acropole Revue n°193 - ISSN0396-7387 - Dépôt légal mai 2006. Éditépar la Fédération Française des NouvelleAcropole, association française régie par ledécret loi du 1er juillet 1901Siège social Administration : La CourPétral, D941, 28340 Boissy-lès-PercheRédaction 13, rue Péclet 75015 Paris - 01 45 30 01 30 Internet : h t t p : / / w w w . n o u v e l l e a c r o p o l e . o r gDirecteur de Publication : FernandSCHWARZ - Rédacteur en chef : IsabelleOHMANN -Secrétariat de rédaction : Marie-Agnès LAMBERT - Maquette : Sylvie COTSET Caroline LAFITTE - Crédit photo :Nouvelle Acropole - Impression : Gabel Prix de

vente : 3 €- Reproduction interdite sansautorisation.http://www.revue-acropolis.com

pour une renaissance philosophiqueN° 193 — mai - août 2006 — 3€

5 — Editorial • La transmutation intérieure : la voie alchimiqueappliquée à l’hommePar Fernand SCHWARZ

6 — Société • Le mal mélancolique Par Fernand SCHWARZ

8 — Art et symbolisme• La mélancolie de Dürer, une œuvre alchimique Par Isabelle OHMANN

10 — Sciences • Alchimie nucléaire, les physiciens commençent à y croire Par Bernard GUEVORTS

12 — Civilisations • L’alchimie, l’homme et l’universPar Fernand SCHWARZ

16 — Civilisations • L’alchimie et l’art des transmutationsPar Fernand SCHWARZ

18 — Psychologie • Alchimie et psychologiePar Didier CARRIÉ

20 — Sagesses • Hermès TrismégistePar Marouan MOUSSA

22 — Question philo • Peut-on vraiment changer ? Par Léonie BEHLERT

23 — Rencontre avec • Mircea Eliade, Redécouvrir le sacré Par Marie-Agnès LAMBERT

27 — La page Calliope • El Desdichado de Gérard de NervalPar Marianne LEFEBVRE

28 — Philosophies • Hannah Arendt, la conscience du malPar Isabelle OHMANN

30 — À lire • Fulcanelli et Rudolf Steiner, un héritage impressionnantPar Marie-Agnès LAMBERT

31 — À lire

34— Agenda

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Prochain numéro N° 194

L’Égypte symboliqueSociété : Peut-on être heureux dans un monde en crise ?Sagesse : La maison de vieRencontre avec Fernand SchwarzArt et symbolisme : Le noeud d’Isis

Et parmi nos rubriques :Psychologie : Le jeu des atitudes et des fonctions chez JungTraditions : rites et traditions du Perche

Sortie le 1er sept 2006 - Prix du N°: 3 €

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N°175 La philosophie ésotérique de l’islam

N°176 La quête de l’universel : Alexandrie

N°177 Le temps des cathédralesN°178 Le périple du hérosN°179 Splendeurs

de l’Asie centraleN°180 Itinéraires de l’au-delàN°181 Sagesse égyptienneN°182 Les civilisations disparuesN°183 Les visages du SacréN°184 Masculin / FémininN°185 L’Inde spirituelleN°186 Les Arts martiauxN°187 La vie des plantesN°188 Philosophies de l’AmourN°189 Le retour du Moyen-AgeN°190 Rites et croyances

d’immortalitéN°191 Les énigmes du tempsN°192 Anges et démons

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EditorialLa transmutation intérieure

la voie alchimiqueappliquée à l’homme

L ’alchimie est considérée par nos contemporains comme la folle fille de la chimie.Mais un certain nombre de ses propositions se vérifient comme nous l’expliquons

dans ce numéro de notre revue. L’idée essentielle est de distinguer transformation detransmutation. La transformation est un changement de forme mais pas de nature. Ainsi, contrairementà ce que l’on pense, il ne s’agit pas d’un vrai changement, dans le sens irréversible duterme : l’eau peut se transformer en vapeur, en glace, mais c’est toujours de l’eau, etelle peut donc revenir à son état initial.Lorsque les alchimistes définissaient l’alchimie comme l’art de la transmutation duplomb en or, ils voulaient indiquer un changement de nature du métal associée à unprocessus d’accélération de l’évolution qui rendait, dans ce cas précis, la matière plusnoble et ceci de manière irréversible.

La nature même est une grande alchimiste, ce que nous pouvons constater par les différents paliers de l’évolution à travers les règnes du vivant et les mutations qui s’yproduisent. L’alchimie apparaît comme un principe naturel qui commande l’évolution.

Pour l’homme, l’alchimie a un apport véritable dans sa démarche psychologique et spirituelle. Il s’agit pour lui dene pas se laisser tenter par de simples «liftings» ou démarches cosmétiques qui n’obligent à aucune modificationen profondeur. Cette dernière réclame un vrai contact avec notre intériorité, pour parvenir à ce que les philosophesanciens appelaient une maîtrise de soi qui, loin d’être une répression ou un masque, est une voie de transmutationqui nous permet de transcender nos peurs et nos faiblesses.

Pour la société, on parle parfois aussi d’alchimie entre les gens, lorsque des relations de sympathie particulière semettent en place et que la «mayonnaise prend». Parce que, au-delà des différences, les uns et les autres partagentun lien et des finalités communes. Dans la société, comme pour chaque individu, ce lien est toujours un idéal. Il esttrès difficile de réussir l’alchimie avec de simples projets de paraître ou en s’appuyant sur des causes qui n’ontqu’une finalité matérielle. Les véritables moteurs de l’alchimie individuelle et sociale, ce sont des valeurs. C’est pourcela qu’ils réclament toujours du courage et de l’intelligence. Profitons du cycle du renouveau du printemps pouragir dans le sens de la rénovation qui transmute.

Par Fernand SchwarzPrésident de la Fédération Des Nouvelle Acropole

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pathologie ? Tout simplementparce qu’elle recherche l’éphémè-re. Elle n’a pas affronté avec discer-nement l’épreuve du temps. Ellejoue l’accélération, la fuite enavant, le jeunisme, le déracine-ment, en total combat avec letemps. Elle n’a pas accepté la mort.À l’extrême, cette vision peut nousamener à un suicide collectif. Toutle monde veut s’échapper, mais iln’y a nulle part où aller. Aucun hori-zon ne s’offre à celui qui veut fairevoyager son imagination, car onaffirme qu’il n’y a plus d’inconnu,plus de mystère. Alors, aujourd’huila mélancolie se soigne avec la pilu-le du bonheur, le Prozac parce qu’iln’y a plus de philosophie du bon-heur. En médicalisant la mélanco-lie, nous avons refusé une partie denous-mêmes. Et cette vision est

L a modernité n’a pas cerné laglobalité et la richesse du

concept de la mélancolie, commel’avaient défini les philosophes del’Antiquité. Elle l’a réduite à un étatde dépression, de tristesse vague,de dégoût de la vie. Pour la psycha-nalyse, c’est un état profond, carac-térisé par la tristesse, la crainte et ledécouragement qui prennent ounon l’aspect d’un délire, un étatmorbide et désespéré. Pour la psy-chiatrie, c’est une dépression inten-se constituant l’une des phases dela psychose maniaco-dépressive.En bref, la mélancolie devient alorsune pathologie qu’il faut soigner etéradiquer à tout prix.

Prozac contre mélancoliePourquoi la société est-elle arrivéeà traiter la mélancolie comme une

Société

LA SOCIÉTÉ ACTUELLE RÉDUIT LA MÉLANCOLIE À UNE PATHOLOGIE, À UN ÉTAT

DÉPRESSIF ALORS QU’ELLE EST BIEN AUTRE CHOSE : UNE SOURCE DE GÉNIE ET

DE FOLIE, MAIS ÉGALEMENT LA POSSIBILITÉ DE VIVRE LE DEUIL, POUR MOURIR

À SOI-MÊME, SE DÉPASSER, TROUVER UN SENS ET ŒUVRER EN QUÊTE D’UN

PERFECTIONNEMENT CONSTANT, POUR INCARNER PROGRESSIVEMENT L’IMAGI-NATION CRÉATRICE DANS LA MATIÈRE.

Le malmélancolique

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Par Fernand Schwarz

très réductrice, contrairement à ceque l’histoire peut nous enapprendre, où la mélancolie étaitnon seulement associée à la tristes-se mais au développement l’imagi-nation conduisant au génie.

De la tristesse à l’inspiration et au génieSi dans l’Antiquité, pourHippocrate, la mélancolie étaitassociée à un dérèglement deshumeurs de la rate (excès de bilenoire), provoquant tristesse, anxié-té, elle était également en relationavec les facultés d’imagination etde mémoire, développées par lesgénies. L’imagination dit Platon, estune fureur divine qui correspond àl’envol de l’âme en dehors du corps(ekstasis) vers cette connaissanceantérieure d’où elle provient, et à

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laquelle elle ne cesse d’aspirer. Au Moyen-Âge, lamélancolie est considérée comme un péché, uneœuvre de Satan, celui de la prise de conscience de seserreurs et de ses manques (Par exemple, la chuted’Adam prenant connaissance du bien et du mal enmangeant le fruit et développant un sentiment demélancolie). Par contre, la Renaissance reprend leconcept de l’Antiquité, et la mélancolie est associée àla bile blanche, une force intellectuelle noble et positi-ve qui mène à la contemplation des idées et à la ren-contre des idées inspiratrices, une alchimie qui trans-forme le plomb (état de torpeur et d’aliénation) en or(la renaissance de l’être). Au XVIIIe siècle, l’imagina-tion est réduite à la fantaisie et à la folie. La mélanco-lie devient alors une réflexion sur la vanité des choses,un sentiment d’imperfection, qui conduira au spleendes romantiques, maladie de la psyché, livrée à l’em-prise des démons dont seront atteints les grandsgénies. Et la modernité ne retiendra que l’état patho-logique dépressif.

L’absurdité de la vieSur le plan collectif, cette forme pathologique de lamélancolie affecte notre société moderne. Celle-ci arefusé la vie intérieure qui conduit à l’introspection età la remise en question, et elle a nié ses racines,comme l’histoire et les traditions, qui conduisent àl’identité. C’est pourquoi elle est devenue mélanco-lique et suicidaire, car sa tristesse n’est pas canalisée: les deuils, les pertes ne sont pas faits (perte desêtres chers, perte de la jeunesse, perte de l’emploi,etc.) et n’ont pas de sens, car ils ne s’inscrivent dansaucune perspective. Ce sentiment absurde a été ren-forcé, depuis le début du XXe siècle, par la penséenihiliste et les philosophies existentialistes. La mélan-colie devient alors une sorte d’expression de la rébel-lion de la pensée et la manifestation la plus extrêmed’un désir d’anéantissement de soi, lié à la perte d’unidéal et de tout espoir. Elle peut se manifester par l’au-to-destruction.

La mort des dieuxNietzsche a proclamé la mort de Dieu, et par consé-quent, l’absence de tout horizon spirituel. Mais entuant le dieu spirituel de leur conscience, lesmodernes ont tué l’homme et pas tué Dieu. Si on croitqu’il n’y a rien, l’absurdité du vivant devient terrible etinsupportable. On va donc développer des sociétés oudes situations où l’on s’échappe, on ne veut plus voirce qui arrive, où l’on devient hypocrite et indifférent.Au lieu de créer des valeurs, on crée du non sens.C’est ainsi que l’on voit apparaître un art désabusé,rempli des démons de chacun, où tout devient néga-tif, et les aspirations les plus profondes sont répri-mées. Seuls subsistent les désirs puérils. C’est ainsi

DOSSIER

que l’on arrive à de nouveaux obscurantismes parcette dépression due à un manque d’idéal et à l’inca-pacité d’accepter la mort des dieux et la mort del’homme.

Mélancolie et totalitarismeLa mort de Dieu, renvoie à une négation tragique dumonde. On subit le malheur de la condition humainedans la solitude des grandes villes qui conduit au replimélancolique sur soi, à l’isolement et à l’exclusion. Lasouffrance de cette condition mène à chercher un sou-lagement hors du modèle social. Ceci se traduit parl’existence de cercles isolés dans les sociétésurbaines, entraînant un phénomène de tribalisationavec des règles particulières, que ce soient des gangs,des fondamentalismes ou des obscurantismes. À son degré extrême, pointe l’anarchie, dont on sait,depuis Platon, qu’elle peut justifier une prise de pou-voir totalitaire. Les nouveaux totalitarismes ne serontpeut-être pas des phénomènes de masse, mais ils ger-meront dans l’esseulement et la mélancolie, terreauxde la servitude volontaire.Pour se sortir de cette impasse, la seule solution estde vivre la mélancolie jusqu’au bout, pour découvrirde nouvelles valeurs et renaître à une nouvelle réalité.

Prendre la mélancolie avec philosophie«Philosopher c’est apprendre à mourir» disait Platon.La philosophie à la manière classique permet de sur-monter les états de tristesse liés à la désillusion et devivre les processus de métamorphose alchimique quipermettent l’accouchement de l’être. C’est par lamélancolie qu’est possible l’expression du bonheur,pas celui qui est procuré artificiellement par l’avoir etles possessions matérielles, ou la dépendance del’environnement, mais celui de se posséder soi-mêmequi est le seul bien que personne ne peut nous enle-ver. La mélancolie nous fait découvrir les trésors denotre créativité et nous apprend à voir le monde autre-ment. Elle permet de faire de toute action un art, dontl’art suprême qui est l’art de vivre.

C’est pourquoi, comme le disait Jean Clair, (1) «unenouvelle vision et utopie devrait inclure la mélancolie(et le travail de deuil), comme paradoxe. Ce serait unnouveau projet historique révolutionnaire.» C’estainsi que la puissance alchimique de la mélancoliepourrait faire émerger une nouvelle renaissance.

(1) Commissaire de l’exposition «Mélancolie, génie et folie enOccident», automne 2005, Grand Palais, Paris.

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Datée de 1514, la Mélancoliereprésente une figure ailée

dans une attitude méditative, tenantun compas dans la main et entouréed’objets et d’instruments, avec, surune roue, un putto (1) ailé et unchien, tandis qu’un soleil brille dansun ciel où un arc-en-ciel côtoie unebanderole en forme de chauve-sou-ris portant le nom de l’œuvre,Mélancolie I.La mélancolie, ou bile noire, corres-pondait dans l’esprit de laRenaissance, à l’une des quatrehumeurs, héritées de la médecined’Hippocrate. Parce qu’elle exprimeles tourments de l’âme et l’inéluc-table finitude de la vie, la mélancoliestimule la réflexion et l’inspiration.La bourse, les clés et le poing serréévoquent l’avarice, traditionnelle-ment associée au mélancoliquesaturnien. Pour l’humaniste Marsile

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Ficin, la mélancolie est une fureurdivine qui favorise l’exercice de laphilosophie. À l’instar de Platonqui avait placé à l’entrée de sonAcadémie l’avertissement «que nuln’entre ici s’il n’est géomètre», lagéométrie qui fait appel aux plushautes facultés intellectuelles estlargement mise en scène : uncompas, un rabot, une équerre, unpolyèdre. Une explication plusexhaustive de l’œuvre de Dürerpeut toutefois être proposée par laclé alchimique.

L’œuvre au noirLes phases de l’œuvre alchimiquesont placées dans un réseau decorrespondances symboliques quiles relie aux éléments, auxmoments de la journée, aux cou-leurs, aux métaux, aux saisons,etc. La première phase, celle de

l’œuvre au noir ou putréfaction,est ainsi associée à la couleurnoire, au plomb, à la nuit, à l’élé-ment terre, à l’hiver, à l’humeurmélancolique, à la vieillesse et à lamort, à l’enterrement et à la putré-faction. Dürer met en scène cer-tains de ces symboles dans uneautre de ses gravures, intituléePhilosophia. Ces correspondancespermettent ainsi d’identifier lareprésentation de la mélancoliecomme la première phase del’œuvre (d’où le nombre I) ouœuvre au noir (d’où le traité auburin). L’analogie avec les étatspsychiques suggère que le travailalchimique produit une modifica-tion de l’état d’âme et engendreles transformations psychiquescorrespondantes à celles de lamatière. Dans le fond, la chauve-souris rappelle le moment corres-

Art et symbolisme

La Mélancolie de Dürer

Une œuvrealchimique

LE CARACTÈRE ÉNIGMATIQUE DE LA CÉLÈBRE

GRAVURE DE DÜRER, MÉLANCOLIE, A SUSCITÉ BIEN DES INTERPRÉTATIONS.ŒUVRE COMPLEXE, ELLE CACHE UN

PROFOND SYMBOLISME ALCHIMIQUE.

Par Isabelle Ohmann

La mélancolie de Dürer, gravure - 239 x 188mm, 1514.

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pondant à la nuit, quand le soleil est éclipsé etdevient, par conséquent, un soleil noir qui se réfèretoujours au commencement du processus alchi-mique. Sa lumière est masquée, mais resplendira à lafin de l’œuvre.

L’union des contrairesLa deuxième phase de l’œuvre est marquée parl’union des contraires. Dans son estampe, Dürermontre le soleil resplendissant, telle une comète, seprécipitant vers l’eau, signifiant l’union de l’eau et dufeu, provoquant le passage au second moment del’œuvre. Alors que la première phase est sous le signede Saturne, la seconde est présidée par Jupiter, dontla présence est signifiée par la multitude des couleurs,ici symbolisée par l’arc-en-ciel, annonce de la fin heu-reuse de l’opération.

Le carré magiqueMais Jupiter est également présent à travers le carrémagique qui, dans la clé cabalistique, est le carré deJupiter. La somme des chiffres qu’il contient, horizon-talement, verticalement ou diagonalement, est tou-jours trente-quatre. De même que l’arc-en-cielcontient l’unité à travers ses sept couleurs, le carrémagique révèle l’union des contraires à travers lasomme unique de ses composants. Près du carrémagique, on aperçoit une clepsydre (2), signe dumoment de la première phase, nocturne, comme l’in-diquent les heures qu’elle marque : de neuf heuresdu soir à quatre heures du matin.L’union des contraires est illustrée par la femme elle-même, lourdement assise sur la terre, mais toutefoisailée. Sa tête, ceinte d’une couronne végétale, faitallusion à la virilité qui couronnera le processus,fécondité spirituelle qui remplira la bourse vide à sespieds de l’or de la transmutation.Quant à la construction en forme de petite tour, à labase de laquelle la femme est assise, elle n’est autreque l’athanor au sein duquel se réalise la transmuta-tion de la matière.L’échelle à sept barreaux appuyée à l’athanor est unsymbole que l’on retrouve fréquemment dans lesillustrations alchimiques : il évoque les sept opéra-tions qui scandent la première phase de l’œuvre :comme les sept heures nocturnes de la clepsydre.Sept qui est également la résultante du trois et duquatre, comme les deux chiffres clés du carré magiquedont la somme est trente-quatre, qui correspondentrespectivement, le trois, au divin, à l’invisible et lequatre au concret et au visible.

Les instrumentsSur la gauche, au-dessus du marteau, on remarqueun petit brasier ardent, tandis que dans l’angle oppo-

sé sous le manteau en bas à droite, se cache un souf-flet, autre instrument alchimique. On découvre égale-ment des pinces, un rabot, une scie, une pelle, desclous, une règle, qui évoquent la manipulation phy-sique de la matière première : terre, métal, pierre ouautre. À la trituration mécanique correspond la disso-lution chimique. La matière subit un martyre commele Christ-Lapis, prototype de la pierre nue qui doit setransformer en pierre philosophale, dont les clous, lemarteau et les tenailles sont les instruments de la«passion».La petite balance, autre instrument alchimique,évoque le dosage de la matière. À gauche de lafemme, on voit une roue de meule, symbole desrythmes cycliques, qui évoque la trituration de lamatière. Au-dessus d’elle, trône un amour ailé et enbas est couché un chien, lui-même en forme arrondie.Les deux sont des symboles de Mercure, l’agent fon-damental de la matière qui provoque sa transforma-tion cyclique et se transforme lui-même de jeune envieux, d’ailé (le putto) en terrestre (le chien).Quant aux clés qui pendent sur le coté de la femme,elles étaient au nombre de sept sur le dessin prépa-ratoire, comme les sept opérations de l’œuvre aunoir, et sont réduites à quatre dans l’estampe finale,comme les quatre phases du cycle de l’oeuvre.

Les objets géométriquesLes différents objets disséminés à terre, comme lepolyèdre ou parallélépipède tronqué et la sphère, sontdes symboles de la matière au stade de la séparationet de l’union. Le processus trouve son achèvementdans le passage de la forme carrée ou séparée à laforme circulaire et unitaire, symbolisant la quadraturedu cercle. C’est ainsi que les plans distincts et séparésdu polyèdre se résolvent dans l’unité de la sphère,symbole du tout harmonieux. C’est la signification ducompas qui reflète le processus géométrique deconstruction de l’unité.

Mélancolie I apparaît ainsi comme une allégoriedétaillée du processus alchimique dans sa phase ini-tiale d’incubation nocturne, peut-être analogue auprocessus créateur de l’artiste, avec ses phases detravail matériel, de vision de l’unité des formes, quiconduisent à la sagesse de l’esprit.

(1) Terme italien désignant des angelots ou de petits enfants nus auxattitudes ludiques.(2) Instrument très ancien qui permet de mesurer une durée.

À lire : Mauricio Calvesi, Arte e Alchimia, Art Dossier, Giunti, Firenze

DOSSIER

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Sciences

En 1989, deux physiciens anglo-saxons, MartinFleischmann du laboratoire d’électrochimie de

l’Université de Southampton (Royaume-Uni) etStanley Pons, de l’université d’Utah (États-Unis) réali-sent une fusion froide en laboratoire, ouvrant la pos-sibilité de confirmer l’existence des travaux alchi-miques.Leur expérience consistait à transformer de l’hydrogè-ne en hélium avec en prime une production de cha-leur. À l’aide d’une électrolyse, ils obligent une solu-tion de deutérium (isotope de l’hydrogène) à sedécomposer. À partir d’une certaine concentration,les noyaux de deutérium fusionnent entre eux pour

former de l’hélium, tout en dégageant de la chaleur. Ils’agit purement et simplement d’une transmutation !Il faut savoir que dans le cœur brûlant des centralesnucléaires se produisent des transmutations bienconnues. L’uranium est transformé en déchets radio-actifs comme le césium, l’iode, le strontium. Ici, cettetransmutation s’effectue à température ambiante,comme les alchimistes d’antan. Le problème de cette expérience est que sa reproduc-tibilité n’est pas systématique et que l’explicationthéorique du phénomène n’est pas connue.

Malgré le scepticisme officiel de la communauté

10

L’alchimie nucléaire…

les physicienscommencent à y croire

Par Bernard Guevorts

TRANSFORMER LE PLOMB EN OR C’EST DE L’ALCHIMIE, QUE CERTAINS ONT

ASSIMILÉE À DE LA MAGIE OU ENCORE À UNE VASTE SUPERCHERIE. MAIS QUAND

LES PHYSICIENS NUCLÉAIRES S’INTÉRESSENT À L’ALCHIMIE, ALORS CE N’EST PLUS

UN RÊVE FOU. L’ALCHIMIE NUCLÉAIRE DEVIENDRAIT-ELLE UN NOUVEAU TERRAIN

D’EXPÉRIENCE POUR LE FUTUR ?

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DOSSIER

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scientifique, quelques dizaines dechercheurs tentent actuellementd’obtenir en laboratoire despreuves de la transmutation à tem-pérature ambiante. C’est pourbeaucoup d’entre eux une hérésieet plusieurs revues de haut niveau(Nature, Science) refusent la publi-cation de tels travaux. Cette attitu-de ne favorise pas les recherches etla démarche scientifique. «C’est unrejet de principe incompréhensiblede la part de scientifiques, ditMartin Fleischmann, […] sans publi-cation, personne ne peut avoirconnaissance des travaux, ni pourles confirmer, ni pour les infirmer, etl’échange avec le reste de la com-munauté scientifique ne fonctionnepas.»

Qu’est ce que la transmutation ?Pour répondre à cette question, ilfaut revenir aux bases de la chimieet au fameux tableau du chimisterusse Mendeleïev, qui a classé lesatomes suivant le nombre de pro-tons que contient leur noyau, défi-nissant la nature de l’élément chi-mique. Le tableau commence parl’hydrogène (H) avec un proton,ensuite l’hélium (He) qui en a deux,plus loin, le carbone avec six pro-tons, l’azote, sept, etc. Le tableaucompte actuellement cent onze élé-ments. Il existe aussi des isotopespour certains atomes. Ce sont deséléments de même nature, définispar le nombre de protons, maisdont le nombre de neutrons peutêtre modifié : par exemple, le deu-térium isotope de l’hydrogène quipossède un neutron en plus du seulproton. Le carbone possède six pro-tons et six neutrons, mais il existeun isotope qui a deux neutrons deplus, le carbone quatorze.Une transmutation consiste doncpour un atome à changer denombre de protons. Il ne s’agit plusalors d’une transformation vers unautre isotope mais d’un change-ment de nature.La transmutation peut se faire par

fission, c’est le cas de l’uranium,gros atome, que l’on «casse» endeux morceaux plus petits, dans lesréacteurs nucléaires pour fournirde l’énergie. La transmutation peut aussi s’opé-rer par la fusion : deux petits élé-ments fusionnent pour donner unplus gros. C’est le cas de deuxatomes de deutérium qui fusion-nent pour donner de l’hélium (deuxprotons, deux neutrons) et cela enproduisant de l’énergie. C’est lerêve de l’énergie inépuisable et desprojets de réacteurs super puis-sants.

Mais, finalement, pourquoi la scien-ce rejette-t-elle ce phénomène de latransmutation puisqu’il est connudans les centrales nucléaires ?

La transmutation est contraire aux loisphysiquesLe rejet porte sur la possibilité d’ob-tenir ces transmutations à tempéra-ture ambiante. En effet, la cohésionde l’atome, grâce à la force nucléai-re forte, nécessite une énergieimportante pour obtenir un telchangement d’état. Cette barrièreénergétique entre l’attractionnucléaire qui relie les protons entreeux et la répulsion électromagné-tique qui les repousserait (car lesprotons sont de même charge élec-trique), est appelée barrière cou-lombienne. C’est l’équivalent d’unemontagne à franchir pour passerd’une vallée à une autre. Celademande beaucoup d’énergie…Martin Fleischmann, interrogé enmai 2004 dans la revue Sciences etVie, reconnaît qu’ils ont communi-qué leurs résultats beaucoup troptôt, dans la précipitation et sansprendre la peine de tout vérifier etd’assurer la reproductibilité. Leurstravaux devaient se poursuivre jus-qu’en septembre 1990, ce quiaurait permis de mieux contrôler lafusion froide. «Les esprits étaientprédisposés à rejeter ce phénomè-ne, dit-il. Les physiciens ont une

idée très fixe de ce qui est requispour initier une réaction nucléaire.Pour eux, cela ne peut se faire qu’àde très hautes énergies. Ils ontdonc tout simplement rejeté unepossibilité qu’ils n’avaient pas envi-sagée. C’est une attitude contraireà la démarche scientifique qui doitrester ouverte aux imprévus.»Entre temps, quelques scienti-fiques courageux comme JacquesDufour, au Conservatoire Nationaldes Arts et Métiers, poursuiventleurs recherches, obtenant destransmutations et un petit dégage-ment de chaleur. Le phénomène estcependant à bas bruit, et la détec-tion est délicate.

De nouvelles hypothèsessur l’alchimie nucléairePlusieurs hypothèses commencentà apparaître. Certaines passent parla théorie quantique des champs,ce qui permet d’expliquer un com-portement particulier des atomesde palladium qui pourraient semettre à vibrer à l’unisson permet-tant ainsi aux atomes de deutériumde vibrer également à l’unisson.Cela permettrait la transmutation etle franchissement de la fameusebarrière énergétique nécessaire.Une autre théorie fait appel à unenouvelle particule magnétique quise trouve à un des pôles de l’atomeet qui pourrait déséquilibrer celui-ciet permettre la transmutation. Toutcela doit encore être approfondi etsurtout vérifié.

Bref, il faut admettre que la sciencene connaît pas encore tout de lastructure de la matière et que pouravancer et comprendre, dans lascience comme dans d’autresdomaines, il faut souvent recon-naître son ignorance et expérimen-ter sans préjugés… Tiens, n’y avait-il pas un philosophe qui nous avaitdéjà appris cela il y a deux millecinq cents ans ?

Page 12: revue193 alchimie

Civilisations

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Toutes les cosmogonies du monde considèrentl’homme comme le fils du Ciel et de la Terre, soit

de l’Essence et de la Substance universelles. Dans latradition extrême-orientale, antérieur à toute mani-festation, existe le Tai-ki, principe unitaire non diffé-rencié comparable à l’Œuf Philosophique ou àl’Androgyne Primordial. Celui-ci se polarise ensuite endeux principes, Ciel et Terre, appelés Tien et Ti, quin’appartiennent pas encore à la manifestation. Le ter-naire ainsi formé est appelé «Grande Triade» enExtrême-Orient. Il est important de noter que cesdeux pôles sont complémentaires et non opposés,puisque issus d’une même unité originelle. Nés d’unedifférenciation, Tien et Ti, que l’on peut faire corres-pondre dans la tradition hindoue à Purusha (Esprit) etPrakriti (Matière), donnent naissance à Tchenn-jen,l’homme dit «véritable».

L’homme completL’homme ainsi décrit est «complet», participant harmo-nieusement du Haut et du Bas, intégrant l’horizontalitéde Prakriti et la verticalité de Purusha. Prakriti, aucaractère passif, féminin, Yin, et Purusha, masculin,Yang, sont la substance et l’essence dont l’union pro-duit la manifestation, l’état humain n’étant qu’un casparticulier. L’homme «complet» devient ainsi un canal,un médiateur entre Ciel et Terre, un homme qui, commenous l’explique René Guénon (1), possède pleinementl’ensemble des potentialités humaines. Il est un état deperfection, synthétisant la totalité des êtres de la mani-festation. Cette conception est d’une importance extrê-me, car, en raison de son caractère totalisant, microcos-mique, chaque partie de l’univers se retrouve alors pré-sente dans chaque partie de l’homme, dans des rap-ports de correspondance et de similitude qu’ont large-

L’alchimiel’homme et l’univers

Par Fernand Schwarz

L’ALCHIMISTE ET LE PHILOSOPHE MÈNENT TOUS DEUX UNE

QUÊTE INITIATIQUE, À LA RECHERCHE DE L’ESSENTIEL, L’UN EN

PURIFIANT LA MATIÈRE DE SES IMPERFECTIONS POUR DÉCOUVRIR

LA PIERRE PHILOSOPHALE, L’AUTRE EN TENTANT DE LIBÉRER SA

DIVINITÉ OU SON ESPRIT, EMPRISONNÉE DANS LA MATIÈRE.

Icono de gauche : Monstre figurant la matière originelle, illustration tirée de Della tramutatione

metallica de Nazari, 1572.

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Dans la conception hermétique, leDivin a recours à la création pourrendre perceptible sa manifesta-tion, et sa volonté en tant qu’Esprit(ou Énergie) se cristallise ainsi dansla Matière. Le bas est à l’image duHaut, le monde est un reflet, sou-vent décrit comme illusoire, d’unmonde céleste, d’une Cité célestedirait Saint Augustin.Dans le Zohar de la Kabbale, lamatière est l’esprit devenu visible.Les alchimistes, dans leur vision dumonde, font référence au «Grand

Mystère» Mysterium Magnum,

principe essentiel non différencié.De cette expression divine naît I’Iliaster, «matière» moins subtile mais encore de nature archétypale,d’où jaillira le Chaos, matrice de lamanifestation, énergie où s’entre-mêlent ordre et désordre, appeléaussi Hyle ou Materia Prima.Fécondé par le Verbe, le Chaos sedivise en trois agents : Soufre,Mercure et Sel. Ces trois principes,structurant la matière, forment unternaire archétypal isomorphe àcelui de la triple émanation divineet à celui de l’homme dans sa divi-sion tripartite, spriritus, anima, cor-pus. Ces agents, dans une matéria-lisation croissante, génèrent lesquatre éléments, le Feu, l’Air, l’Eau

ment développés les kabbalistes etles hermétistes.

La croix du mondeCette position de l’homme estreprésentable comme une cruci-fixion au centre d’une croix sénaire(septénaire avec le centre), forméede quatre branches dans le planhorizontal et de deux branchesdans le plan vertical. Ce centre, lieu de transmutation, d’échanged’énergies, est le point d’inter-section entre le niveau horizontal,celui de l’action de l’homme dansle monde temporel, et l’axe verticalpermettant de s’élever à d’autresdegrés de conscience. Les alchi-mistes qui ont utilisé les conceptsde la Kabbale hébraïque, dénom-brent dix niveaux de consciencecorrespondant aux dixSéphiroth de l’Arbre de Vie.L’initiation, véritable cheminascensionnel, vise à la circula-tion entre entité spirituelle, psy-chique et corporelle, et repré-sente ainsi un équilibre entre tem-poralité et éternité, entre person-nalité et divinité, entre l’action et lacontemplation. Cette juste mesureest exprimée par la devise alchi-mique Ora et Labora, signifiant«prie et travaille» ou encore Espritet Matière.

L’organisation du cosmos selon les alchimistesLes hermétistes considèrent l’uni-vers comme un vaste être vivantanimé, dont toutes les partiesvivent en sympathie. Tout est danstout, disent les alchimistes, tout estné d’une même source, d’unemême mère. Cette unité de lamatière est symbolisée parl’Ouroboros, Serpent qui caudamdevoravit, le serpent qui dévore saqueue ; il est la prima materia,l’Alpha et l’Oméga de l’Œuvre. Ence sens, il est la matière androgyneprimordiale se divisant en uncouple frère-soeur dont l’unionengendrera la Pierre.

DOSSIER

et la Terre. Les termes employés icidéfinissent un état de la matière etne peuvent être assimilés aux élé-ments chimiques du même nom.

Les noces chimiquesEt c’est ainsi que se poursuit laCréation, selon Paracelse, en fai-sant apparaître par différenciationdes êtres de plus en plus individua-lisés. Certains hermétistes conçoi-vent tout d’abord la création desquatre éléments, issus de la com-binaison des quatre qualités de lamatière, le chaud, le froid, l’humideet le sec. L’interaction entre ceséléments génère ensuite les troisprincipes constitutifs de la matière.Les philosophes hermétiques, quiouvrent sur le règne métallique,

s’attachent à réintégrer la matiè-re à son unité originelle, dans unétat de perfection qui est celuide la Pierre Philosophale. Laréalisation de la Pierre nécessite

une pureté de la matière, per-mettant à l’esprit de s’y manifes-

ter, à l’Âme du monde ou Esprituniversel de se délivrer.«Que si l’âme, l’esprit et la formemétalliques sont présents, là aussidoivent se trouver l’argent vif (lemercure), le soufre et le sel métal-lique, lesquels, nécessairement, nepeuvent former rien d’autre qu’uncorps parfait» dit Basile Valentindans Les douze clefs de laPhilosophie (2).L’accomplissement de l’œuvreconsisterait donc en une conjonc-

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le serpent Ouroboros, emblème del’alchimie elle-même, abrite le cœur

conceptuel de la philosophie her-métique selon laquelle chaque

chose est liée au tout, établissantque matière et esprit sont une

seule et même chose.

Les douzes clés de la Philosophiedu Frère Basile Valentin.

Page 14: revue193 alchimie

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tion des contraires,une coincidentiaoppositorum, unmariage philoso-phique entre leprincipe masculin,

le soufre (EspritMétallique), et fémi-

nin, le Mercure.

La recherche d’unification

En lui et dans son laboratoiremicrocosmique, l’alchimiste,

tel un démiurge, reproduiraainsi, de façon accélérée, le pro-

cessus de la création du mondedans un souci d’intégration aux

rythmes et aux structures de laNature. Union des contraires, inté-gration des paradoxes, recherchede la lumière sont ainsi l’essencemême de la quête du philosophesur le chemin de l’initiation.L’alchimiste, dans sa quête, est à larecherche d’une unification, d’unetotalisation des contraires, imagede la perfection.Comme Mircéa Éliade nous le rap-pelle (3), la coïncidentia opposito-rum (4) exprime la réalité para-doxale de la divinité, et devient dece fait un modèle mythique à touterecherche d’unification de l’être».L’hermétiste est à la recherche del’absolu, de sa réintégration à l’uni-té primordiale, passant par unereconstitution de l’indifférenciationoriginelle, de la précréation à travers la réalisation de la Pierre Philosophale ou RubisPhilosophique. Notons que ceretour apparent dans les structuresinférieures n’exprime ni unerégression dans le monde chao-tique, ni un «séisme cosmolo-gique», mais plutôt une nécessitéchez l’homme, dans une démarched’action et de prière, de recouvrersa nature divine, de transcenderses imperfections et sa nature frag-mentaire, de devenir en quelquesorte son propre rédempteur. Lephilosophe réalise en quelquesorte une libération de la divinité,

du Noüs, prise dans l’étreinte de lamatière, de Physis, et devient sal-vator (sauveur) et servator (libéra-teur).L’alchimie se présente ainsicomme une quête de l’Essentiel,de ce qui est endormi au fond denous, de notre or, de notre feu, denotre roi intérieurs. Elle permet àl’homme, sur son chemin de la per-fection, de briser les chaînes aux«prisonniers» du monde souter-rain, de se délivrer de sa léthargie,de son inconscience, de son irres-ponsabilité et de son ignorance, enparticipant du monde régénérantde l’esprit. Les aventures, lesquêtes, les sacrifices, les combatsdes héros mythiques tels Jason,Hercule, Orphée ou Osiris, sontautant d’exemples incarnant l’idéemême de l’initiation.

La quête du centreLe lieu de l’unité, de la circulationdes énergies du Haut et du Bas, estle centre, point d’intersection desbranches et de l’axe vertical de lacroix senaire. La quête du centre denotre être, en tant que démarcheinitiatique, alchimique, revient à sesituer au milieu de cette croix, lieudes paradoxes, lieu de notre trans-mutation, lieu de coexistence dumonde horizontal de la multiplici-té, de la vie, de rection de l’hommedans le monde manifeste, et d’unmonde transcendant auquel nouspouvons désormais nous relier parle développement de la verticalitéle long de cet axe.

Adam et ÈveL’alchimiste s’incorpore ainsi à soncreuset, et sa crucifixion est sourcede rédemption de son Individu etde sa Pierre, qui, tous deux, ten-dent à la perfection dans une réin-tégration à son unité principielle.Dans cette perspective, l’obtentionde la Pierre Philosophale est leretour à l’union originelle oùSoufre et mercure n’étaient qu’uneseule matière, tel le premier Adamandrogyne primordial. En référen-

ce à la tradition mosaïque, les phi-losophes hermétiques font en effetdu mythe d’Adam et Ève, une inter-prétation alchimique où l’Adamus(fait de terre rouge), Adam symbo-lique devient, par dissociation,d’une part le second Adam, Pèredes hommes et Père de la Pierre, etd’autre part Ève, symbolisant res-pectivement le Soufre et leMercure. Extraits des composésissus de l’union de ces principes,Soufre et Mercure, au cours de leurmariage alchimique, engendrerontla Pierre Philosophale. Celle-ci,pour être élaborée, nécessite l’ob-tention du Mercure, dont tous lesalchimistes s’accordent à direqu’elle est la phase la plus difficilede l’Œuvre. Le Mercure est bienl’unique matière, il est la clé de l’al-chimie, sa double nature Vie-Matière ou Esprit-Matière (lesalchimistes le nomment parfoisFeu aqueux ou Eau ignée) estincarnée par Hermès, messagerdes dieux, voyageur entre ciel etterre, qui confère ainsi pleinementà l’alchimie le nom de PhilosophieHermétique. Ces doubles voyagesd’Hermès impliquent donc une cir-culation énergétique entre deuxmondes, matériel et spirituel, sen-sible et intelligible des Dissolve(dissout) et coagula (coagule) dontl’enchaînement engendre la PierrePhilosophale.(5)

(1) René GUÉNON, La Grande Triade,Gallimard, Paris, 1986(2) Frère Basile VALENTIN, Les douze clefs dela Philosophie, éd. de Minuit, Paris,1977(3) Voir article sur Mircéa Éliade page 22 (4) Mircea ELIADE, Traité d’histoire des reli-gions, Payot, Paris,1986(5) Mircea ELIADE, Traité d’histoire des reli-gions, Payot, 1986

D’après un article paru dans la revue deNouvelle Acropole n° 109

N.D.L.R. Le titre, le chapeau et les intertitresont été rajoutés par la rédaction

DOSSIERCivilisations

En haut à gauche : L’androgyne symbolise l’union des contraires, par la résolution de couples antinomiques en une troisièmeentité, produite des deux autres,mais détenant les natures harmonisées de chacune, ceci estle but principal du Grand Œuvre.

Page 15: revue193 alchimie

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DOSSIERS

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Civilisations

On a souvent voulu donner à l’alchimie la qualitéd’ancêtre de la chimie. Or cette conception de

l’alchimie ne peut en aucun cas nous conduire à sacompréhension, la chimie étant une toute autreapproche des phénomènes naturels. L’alchimie estavant tout, la science et l’art des transmutations. Elleapporte un changement profond à la nature deschoses tout en restant dans un cadre naturel. Elle esten ce sens une science de l’être.

Certes, dans un cas comme dans l’autre, il est ques-tion des mutations naturelles. Mais, alors que la chi-mie est basée sur l’observation des phénomènes,que sa démarche va donc de l’extérieur (observateur)vers l’intérieur de la matière (composants), l’alchimieaborde les phénomènes de l’intérieur vers l’extérieur,donc de l’essence vers l’apparence formelle.Avec la chimie, nous pouvons parler de transforma-tions, étudier le changement d’apparence des êtres etétablir une classification basée sur le principe d’iden-tité. Avec l’alchimie s’ouvrira à nous le mystère de latransmutation, accessible par le pouvoir d’analogieentre l’observateur et l’être en devenir. Il s’agit là dedeux voies complémentaires dans l’accès à la com-préhension de la vie, l’alchimie intégrant la chimie parle fait qu’elle traite, en dernier lieu, des transforma-tions inhérentes à toute transmutation.Prenons par exemple l’extraction des métaux. Pourl’homme dit «primitif», le métal est le coeur vivant dela pierre inanimée. L’extraire de sa gangue matériellen’est autre que décomposer et recomposer la naturepar une suite de purifications. Face à la pierre brute,symbole d’inertie, de «lumière morte», le métal oppo-se son extraordinaire souplesse ainsi que sa dureté,toutes deux symboles d’une matière capable d’épou-ser les formes de l’esprit.Il est aisé de comprendre, en effet, qu’un homme peutse transformer facilement s’il utilise toute sorte de

L’alchimie et l’art des transmutations

Par Fernand Schwarz

L’ART DE LA TRANSMUTATION EST CE QUI POUSSE L’ALCHI-MISTE DANS SA QUÊTE, AU-DELÀ DE L’ESPACE TEMPS ET DE

SES LIMITATIONS, MAIS SI L’ALCHIMIE EST UN PROCESSUS

PHYSICO-CHIMIQUE, N’OUBLIONS PAS SON CÔTÉ SPIRITUEL

AVEC LA PIERRE PHILOSOPHALE, QUI EST LA SYMBIOSE LA

PLUS PARFAITE ENTRE MATIÈRE ET ESPRIT.

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déguisements, du plus grossier auplus noble, mais qu’il lui coûterabien plus de changer sa nature pro-fonde pour que la noblesse lui soitplus naturelle que la grossièreté...Tel est le passionnant challengequi s’offre à celui qui désire com-prendre l’alchimie.

Le langage alchimiqueLe langage alchimique est une poé-tique qui fait appel essentielle-ment à l’imagination. On nedécrypte pas un texte alchimiquecomme un énoncé de mathéma-tiques. Bien souvent il s’agit derébus, d’histoires fantastiquesmettant en scène des créatures quin’existent que dans l’imaginaire.Ceci est déroutant et peut être unobstacle pour celui qui ne fera pasl’effort d’imaginer. Comprendre del’intérieur implique donc que sonpropre monde intérieur soit suffi-samment riche d’images symbo-liques, prêtes à entrer en résonan-ce avec les suggestions du texte.On ne pourra comprendre si on nevoit pas ce qui est suggéré.

Un art royalL’alchimie est un art avant d’êtreune technique. C’est l’art del’amour, l’art royal comme disaientles alchimistes du Moyen-Âge etson caractère hermétique n’estautre que la marque du respectpour le vivant : on peut toucherquelqu’un par un simple contactphysique mais ceci ne nous endonnera qu’une connaissancesuperficielle, passagère et aléatoi-re. Toucher son coeur nous ouvreau contraire sa véritable dimen-sion, celle de l’être dont le corpsn’est qu’un vêtement.Ainsi, pour reprendre le langagesymbolique, la connaissance alchi-mique s’établira par l’aptitude àfaire vibrer notre corde intérieureen harmonie avec celle de l’êtreque l’on désire connaître, qu’ils’agisse d’un humain, d’un animal,d’une plante ou pourquoi pasd’une pierre.

Tout est vivant pour l’alchimiste.Son souci est d’apprendre l’art dedialoguer avec ce qui est vivant enchaque chose, donc avec ce quipourra la faire muter.

L’alchimie ou l’art de la circulationNous pouvons maintenant mieuxcomprendre le credo fondamentalde l’alchimiste : «Délivrer l’espritpar la matière et délivrer la matièrepar l’esprit».Cette double délivrance s’exprimepar l’existence d’une très grandecirculation entre les régions lesplus denses de l’être et celles desplus subtiles. C’est en cela que par-ler d’alchimie matérielle ou d’alchi-mie spirituelle est un non-sens.Toute créature est une symbioseentre une idée et une substance.L’alchimie s’intéresse au rapportqui les unit, rapport qui ne peutêtre que paradoxal étant donné lecaractère antithétique de ces deuxmondes. Seule l’idée de la circula-tion peut soutenir ce paradoxe.«Solve et coagula», une autre devi-se alchimique, illustre bien cettecirculation. Dissoudre et recompo-ser autant de fois qu’il sera néces-saire jusqu’à obtenir la symbiose laplus parfaite entre matière et esprit :la pierre philosophale.Toute créature, qu’elle soit minéra-le, végétale, animale ou humainepeut ainsi devenir pierre philoso-phale.

Le pouvoir des symbolesNous parlions précédemment decordes à faire vibrer en nous-mêmes pour faire vibrer tout ce quinous entoure. Ces cordes sont nosimages intérieures, quintessencesdu monde concret qui feront parexemple d’un arbre le symboleéternel de l’axe du monde, maiselles sont aussi les puissances decondensation des idées dans nosactes. Être capable d’extraire denos actes une énergie qui dépassel’acte lui-même nous rend légerdans la plénitude de l’être. Agir

autrement n’est que source d’usu-re dont nous sortirons vides etinanimés. L’art alchimique dégageun plus, comme la transmutationde la matière dégage une énergieexcédentaire. L’important est quecette énergie puisse être contrôléepour qu’elle ne soit pas, à l’imaged’une bombe atomique, disperséeà tout vent et perdue à jamais.

Se transporter par l’enthousiasmed’un acte qui vivifie notre imagina-tion et rassembler ces énergiespour les recycler dans de nouvellesactions, tel pourrait se définir l’artroyal. Alors, le mystère de la pierrephilosophale se dévoile à nosyeux, comme l’être accompli, dansla circulation des énergies et l’artde transfigurer tout ce qu’il vient àtoucher : la pierre philosophaledans le règne minéral transmuterale plomb en or, dans le règne végé-tal elle accélérera la fabrication desélixirs et sur le plan humain ellesera cet être de lumière capable,par sa seule présence, d’ouvrir lecoeur des hommes en quête deleur propre sommet. Commentcomprendre autrement que leChrist ait pu être comparé, auMoyen-Âge, à cette fameuse pierrephilosophale ? Comment com-prendre que d’autres hommesaient pu transfigurer à ce pointl’histoire non seulement de leurscontemporains mais aussi desgénérations entières qui leur suc-cédèrent ?

D’après un article paru dans la revue deNouvelle Acropole n° 103.

À lireLa Pierre philosophale

J. ANKER LARSENÉditions Alphée, 409 pages,

20,90 €

Un roman initiatique idéa-liste écrit en 1923 quidécrit comment ons’ouvre ou l’on se fermeau monde en fonction deson état de conscience.

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DOSSIER

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Psychologie

Alchimieet psychologie

Par Didier Carrié

TOUS LES AUTEURS DE LA RENAISSANCE ET CERTAINS MODERNES

S’ACCORDENT POUR DIRE QUE CETTE SCIENCE DES TRANSMUTA-TIONS S’APPLIQUE AVANT TOUT À L’HOMME. L’ALCHIMISTE NE PEUT

EN EFFET, PROJETER DANS LE MONDE, ET DONC DANS LA MATIÈRE,QUE CE QU’IL EST. LES TRAVAUX DE CARL GUSTAV JUNG (1) SUR CE

SUJET SONT TRÈS PRÉCIEUX POUR METTRE EN ÉVIDENCE LES PHASES

DE LA TRANSMUTATION HUMAINE.

Les étapes de l’œuvre alchimiqueLe changement de palier est régi parun cycle, à l’image des cycles de laNature, composé de quatre phases,qui permet de franchir graduellementles étapes de la transmutation.

Les étapes de l’œuvre sont générale-ment associées à des couleurs, quisont celles que prend la matière aucours de sa transmutation. Bien quela littérature moderne sur l’alchimien’ait retenu que trois couleurs, le noir,le blanc et le rouge, les auteurs plusanciens en mentionnent quatre, lejaune venant s’intercaler entre leblanc et le rouge. La présence dujaune à cette étape est confortée parl’étymologie du mot aurore, aurora enlatin, qui a la couleur de l’or.Chacune de ces étapes doit permettrede remplir une condition indispen-sable pour passer à la suivante, desorte que l’échec d’une des phasesnécessite le retour à la case départ,l’automne, qui est aussi la mort.

Deux stades du cycle, le noir et leblanc sont inconscients, les deuxautres conscients. L’axe des équi-noxes partage le cycle.

L’œuvre au noir : un étatde mort symboliqueL’œuvre au noir s’illustre pour l’hom-me par un état de mort symbolique,assez semblable aux démembre-ments racontés dans les initiationschamaniques ou certains mythescomme celui d’Osiris. Cette crise (dugrec crisis, choix) se traduit dans unpremier temps par une perte de moti-vation, par une «envie de rien». Lesujet éprouve le besoin de s’isoler,voire de se cloîtrer, dans la mesure oule contact avec ses semblables ne faitqu’accentuer son état dépressif. Il estdésorienté (perte de l’orient...), tousses repères ont disparu. C’est uneétape de confusion, de dépression,de dissolution, de putréfaction psy-chique, où tout est remis en cause.Dans cette étape, la descente auxenfers se fait par gravité, comme unechute. Toute tentative pour empêchercette chute est vaine et ne peut queretarder le moment du contact avec lefond et en aggraver les effets. Il estdonc nécessaire d’accompagner la

A gauche : L’alchimiste contempledans sa structure unitaire et harmo-nique tout l’Œuvre philosophal.Illustration du manuscrit médiéval dumoine George Ripley, qui aurait vécuau XVe siècle.

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chute plutôt que de vouloir l’empêcher ou la freiner.Lorsque le mécanisme de la chute est amorcé, il fautl’accepter et utiliser cette énergie cinétique pour serelever plus vite. Le lâcher-prise est la seule issue etdans le cas contraire, la chute se prolonge aussi long-temps que nécessaire.Toucher le fond signifie être en face de la partie de soi-même que l’on n’accepte généralement pas, mais àlaquelle il est indispensable de se confronter pour setransmuter. La symbolique du labyrinthe, habité parle Minotaure, est l’illustration la plus claire decette phase. Dans le cycle de la graine,l’œuvre au noir est associée à la constitu-tion des racines. Les semailles très propicesà l’automne correspondent donc à la miseen terre de l’âme, comme l’attestent lesMystères d’Eleusis.

L’œuvre au blanc : la purificationL’œuvre au blanc qui constitue la deuxièmeétape, la purification, puise donc l’énergiede reconstruction de la conscience, à lafois dans la chute et dans la combustiondes scories de l’âme. Cette purificationse traduit par un changement de l’échel-le des valeurs, donc des priorités de lavie. Les repères de la conscience se remet-tent en place selon un nouvel agencement,un nouvel ordre intérieur.La révolution intérieure provoquée par ladéstructuration de l’âme met donc enlumière les noirceurs qui seront évacuéespar l’œuvre au blanc. Pour reprendre le cycle de lagraine, il convient d’associer l’œuvre au blanc à la sor-tie de la tige, qui doit se frayer un chemin dans la terrepour remonter vers la lumière du jour.

Si ces deux premières phases se déroulent dans laplus totale inconscience du sujet, du moins dans lavoie humide, l’œuvre au jaune est l’éclosion et donc laprise de conscience. Tout se passe comme un réveil del’âme. Le sujet se rend compte que son comportementface à des situations typiques a changé. Il se surprendà voir le monde autrement. Il prend conscience queses priorités ne sont plus les mêmes, que ses valeursont changé. Il va devoir se faire accepter par son envi-ronnement dans sa nouvelle personnalité. Cette étapeétablit la confrontation du sujet à son entourage,c’est-à-dire qu’elle conduit à une évaluation desacquis nouveaux, face à la pression extérieure quiaurait tendance à vouloir le faire revenir à son état pré-cédent. Il voudra ramener tout le monde à son palier.Dans notre exemple de la graine, cette étape corres-pond à la floraison.

Enfin, une fois consolidé, par la confrontation, le sujetdoit transmettre son acquis à son milieu. C’est laphase de restitution, où le sujet devient «morceau desucre». Symboliquement associée au sacrifice, cetteétape, aussi appelée Grand Œuvre, permet d’amorcerun nouveau cycle. Il n’est, en effet, pas possible deremplir à nouveau une coupe qui n’est pas vide.

L’ alchimie et l’histoireCe qui est applicable à l’homme l’est aussi aux sociétés

humaines, de sorte que le cycle que nous venonsde parcourir est tout à fait transposable à l’échel-

le de l’Humanité.Loin de l’imagerie populaire, qui associe l’alchi-

miste à un savant fou enfermé jour et nuit dansson laboratoire au milieu des cornues fumantes,

les grands alchimistes qui ont marqué l’histoireétaient surtout des hommes de terrain. Les Flamel,Paracelse, Bruno, et bien d’autres moins connus, se

sont illustrés par leurs prises de position publiques,leurs interventions dans les universités, ou même

en tant que conseillers des gouvernants,comme Bacon. Il est donc évident que ceshommes ont entrepris d’agir sur les collecti-vités pour tenter de les éveiller.L’époque que nous traversons constitue,

de toute évidence, une œuvre au noir pournotre humanité tout entière. Cette phase deputréfaction planétaire est pourtant propice,comme peut l’être l’humus, aux nouvellesidées qui, comme les graines, cherchent unterrain fertile pour se développer. Uneopportunité historique existe donc de pro-

mouvoir une transmutation globale de l’espèce. Maisil faut des alchimistes pour orchestrer cette œuvre.Les maîtres qui président au destin de l’espèce ontbesoin de courroies de transmission.L’alchimie n’est plus celle des laboratoires, mais celledes hommes et des sociétés, la pierre philosophaleest de forme pyramidale...

(1) Carl Gustav Jung, Psychologie et Alchimie, Buchet Castel, etMystérium conjonctionis, Tome 1 et 2, Albin Michel, 1971D’après article paru dans la revue Nouvelle Acropole n° 137

À lireLa voie de l’alchimie chrétienne

Séverin BATFROILe Mercure Dauphinois, 255 pages, 18,50 €

L’alchimie a commencé avec les premiersforgerons de l’âge de fer, puis s’est répan-due ensuite en Égypte, en Grèce, dans lemonde arabe et dans le Bassin méditerra-néen. Longtemps réservée à des initiés,l’alchimie a envahi peu à peu tous lesdomaines de la connaissance y compris lareligion chrétienne dont elle s’est nourrie.

19

DOSSIER

L’Œuvre au blanc estl’état de perfectionintermédiaire de laPierre philosophale

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Sagesses

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Parler des origines de l’Égypte ancienne est tou-jours un exercice hasardeux – que l’on soit his-

torien ou simple amateur – mais sans aucun doutenécessaire. En effet, face aux temples, aux écrits et àbien d’autres merveilles conçues par ceuxqu’Hérodote appelait «les plus religieux de tous leshommes», nous nous demandons souvent commentde tels chefs d’œuvres ont pu voir le jour. D’un autrecôté, plus on remonte dans le temps à la recherchedes sources de la civilisation égyptienne et plus onvoit surgir des suppositions, des conjectures, deshypothèses, qui laissent le champ libre à toutessortes de débats.Malgré les lacunes de l’information et l’incertitude dela chronologie (1), il est quasi-unilatéralement admisque l’Égypte a connu une évolution ordinaire et conti-nue (paléolithique, néolithique, proto-civilisation),avant de parvenir à la première dynastie, aux alen-

tours de 3000 av. J.-C. L’apparition de la civilisation seréduirait donc à l’aboutissement d’une simple suc-cession de périodes historiques, marquées par unprogrès linéaire, exclusivement matériel. Cette visionnous fait toutefois courir un risque majeur : celui denégliger des pistes qui pourraient s’avérer fruc-tueuses, en condamnant toute autre tentative d’in-vestigation. Les explications en vigueur ne satisfontd’ailleurs pas tout le monde, puisque certains jugentinsuffisantes les preuves que l’on donne pour expli-quer le véritable bond de l’Égypte, d’un état primitif àune civilisation parachevée, en moins de cinq centsans.C’est là qu’intervient l’idée de l’existence d’un per-sonnage civilisateur, d’un fondateur, qui aurait faitoffice de «catalyseur», permettant à la civilisationégyptienne d’éclore si vite. Cet homme a-t-il existé ?La question soulève une grande controverse, car bien

Hermès trismégiste

FONDATEUR MYTHIQUE DE L’ÉGYPTE ANCIENNE, MESSAGER CÉLESTE, PÈRE DE

L’ALCHIMIE, DIVINITÉ DU PANTHÉON ÉGYPTIEN, LA LISTE DES ATTRIBUTS

D’HERMÈS TRISMÉGISTE SEMBLE INTERMINABLE. FABULEUSE POUR BEAUCOUP,L’EXISTENCE DE CE PERSONNAGE POUR LE MOINS MYSTÉRIEUX REMONTERAIT

SELON CERTAINES TRADITIONS À LA PLUS HAUTE ANTIQUITÉ.

Par Marouan Moussa

Dans ce pavement du Duomo de Sienne,un sage oriental et un sage occidental

rendent hommage à Hermès trismégiste.

Page 21: revue193 alchimie

que presque aucun élément tan-gible ne le corrobore, l’histoirenous rapporte effectivement leséchos d’une très vieille tradition,tournant autour de celui qu’on aappelé Hermès trismégiste,Hermès le «trois fois très grand».

Le divin «Thot-Hermès»Le nom d’Hermès nous fait surtoutpenser au dieu messager grec,mais ne nous évoque en rien l’É-gypte. Pourtant, ce qui transparaîtau travers des quelques textes quinous sont parvenus, est qu’Hermèstrismégiste a bien une origineégyptienne, puisqu’il est identifié àThot, le célèbre dieu à tête d’Ibis.La raison de cette identification estessentiellement historique : aprèsla conquête de l’Égypte parAlexandre le Grand, la nécessité derapprocher les cultes grec et égyp-tien s’est faite de plus en plus pres-sante. Les Grecs ont donc associé,en raison de la similitude de leurscaractéristiques, leur dieu Hermèsà Thot, en marquant une différence :ils qualifièrent l’Hermès égyptiende «trismégiste», du Grec tris,«trois fois» et megistos, «trèsgrand».Les Égyptiens et les Grecs pen-saient également – à tort, pour lamajorité des historiens –qu’Hermès trismégiste était unsage qui avait réellement existé,avant d’être divinisé post mortem,prenant les traits de Thot. Il seraitintéressant d’étudier les raisons decette croyance et pour se faire,commencer par examiner lesdiverses qualités du dieu Thot, quipourraient apporter de précieuxindices. La description de la totalitéde ses attributs nécessiterait desjours, on retiendra donc surtoutdeux éléments le concernant : bienqu’il soit un dieu des origines, iloccupe souvent une place d’arbitreentre les hommes et les dieux ouentre les dieux uniquement. On levoit encore secrétaire avisé de Râet d’Osiris, ou messager desdieux, autant de rôles et d’implica-

tions curieuses pour une divinité.D’un autre côté, les Égyptiensdisaient de lui qu’il était l’inventeurdes hiéroglyphes et l’auteur duLivre des Morts. Ils lui attribuaientégalement l’unification religieusede l’Égypte à travers le système de«l’ennéade divine» et la créationdes mystères osiriens, étapes quifurent le prélude à l’unificationpolitique, avec Ménès, le premierroi d’Egypte.

Un rayonnement atemporelPour que ces institutions perdurentpendant plus de trois mille ans, ilétait capital qu’il y ait des continua-teurs, ce qui était précisément lafonction des prêtres du sanctuaired’Hermopolis, responsables detransmettre, d’enseigner et deréélaborer les écrits de Thot-Hermès. Qu’advint-il de ces textes,quand les derniers prêtres égyp-tiens «païens» furent emprison-nés, au VIe siècle de notre ère ? Ilsfurent en grande partie perdus oudétruits, mais quelques-uns onttraversé le Moyen-Âge pour refairesurface presque miraculeusementau début de la Renaissance et for-mèrent la base de ce qui deviendrala «Tradition hermétique» desalchimistes. Quand les premiers textes arriventà Florence au XVe siècle et tombententre les mains de Marsile Ficin (àqui on doit la traduction latine duCorpus Hermeticum), ce derniercomprend très vite qu’il a affaire àune collection d’écrits qui diffèrentprofondément par le style et lapensée des œuvres grecques etromaines qu’il a lues auparavant.Son intuition ne le trompe pas, unephrase de l’Asclepius (autre textehermétique) désigne sans équi-voques son origine: «Nous, Égyp-tiens, honorons le dieu Atoum». Lasurprise est de taille, les consé-quences le seront également, carl’ensemble des écrits aura unretentissement immense et immé-diat auprès des lettrés et artistes

de l’époque tels que Leonard de Vinci, Copernic, Paracelse,Giordano Bruno ou encore ThomasMore, au point qu’on se demandesi ce ne sont pas les textes hermé-tiques qui, parallèlement au néo-platonisme, ont permis l’avène-ment de la Renaissance.

La prophétie d’HermèsLes concepts fondamentauxautours desquels tournent cestextes sont l’unité, l’équilibre descontraires et le mythe de «l’éternelretour», typiques de la pensée desanciens Égyptiens. Dans cetteoptique, les thèmes les plus récur-rents sont évidemment la Création,l’immortalité de l’âme du défunt,l’ordre universel et les mystères del’initiation, que l’on retrouveaujourd’hui sur les murs destemples et dans les papyrus. Maison y découvre aussi une curieuse«prophétie d’Hermès» qui, auregard de l’histoire, nous laisseperplexes : «Ô Égypte, Égypte !Rien ne restera de ta religion, hor-mis un conte vide de sens, quemême tes propres enfants ne croi-ront pas. Rien ne subsistera de taSagesse, hormis quelques inscrip-tions gravées sur de vieillespierres.» Les écrits d’Hermès, tout commel’extraordinaire profusion demythes, de symboles et d’in-fluences qui s’étendent sur unepériode de plus de cinq mille ans,émaneraient donc d’une seule etunique source ? La question resteposée et bien qu’on ne puisse yapporter une réponse définitive,on ne peut pas non plus l’ignorer,le phénomène ayant une trop gran-de portée historique. Une étudeapprofondie qui impliquerait unvaste éventail de disciplinessemble donc nécessaire pourdévoiler ne serait-ce qu’un coin devérité et tenter par la même occa-sion de nous renseigner un peuplus sur les origines de notremonde. (1) Encyclopædia Universalis, 2001

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DOSSIER

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22

Rencontre avec

Toute sa vie, Mircea Éliade (1907-1986) l’a consa-crée à l’étude des religions et des sociétés

archaïques, du phénomène religieux et du sacré. Il réhabilita le sacré au XXe siècle, en dehors de toutereligion formelle qui l’avait appauvri. Pour lui, le sacrén’est ni le signe d’une étape particulière de laconscience, comme l’entendaient les philosophespositivistes du XIXe siècle, ni le fait d’une mentalitéprimitive, et encore moins l’apanage de la religion.Bien au contraire, le sacré apparaît comme un élémentfondamental dans la conscience de l’Homo sapiens.C’est ce qui permet de donner du sens aux choses,une valeur intrinsèque qui dépasse la simple valeurmatérielle de l’objet ou de l’événement. Éliade s’estattaché à décrire la fonction du sacré comme étantessentielle pour permettre à l’individu de retrouver lapleine dimension de la conscience humaine.Le sacré s’oppose à tout ce qui est profane, comme uneexpérience radicale du «tout autre» qui fait irruption dans

Mircea EliadeRedécouvrirle sacré

Par Marie-Agnès Lambert

À L’OCCASION DU VINGTIÈME ANNIVERSAIRE

DE SA MORT, NOUS AVONS VOULU RENDRE

HOMMAGE À MIRCEA ÉLIADE, GRAND ANTHRO-POLOGUE ET HISTORIEN DES RELIGIONS, QUI

ÉTUDIA LONGUEMENT LE SACRÉ AU CŒUR DES

CIVILISATIONS ET MIT EN ÉVIDENCE LE CARACTÈRE

UNIVERSEL DES STRUCTURES MYTHIQUES.

L’âme humaine, intermédiaire entre l’esprit et le corps.

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le quotidien. Pour Mircea Éliade, aufond de chaque humain, demeure unbesoin plus ou moins en éveil desacralité et de religiosité. C’estl’Homo religiosus.

La dimension du sacré Mircea Éliade a prouvé qu’il existeune unité du sacré, dans la multi-plicité des religions, des peuples etdes temps. Et ce sacré se manifes-te dans des images, symboles etcomportements qui s’inscriventdans des formes particulières.Pour lui, qui étudia en profondeurtoutes les religions, aucune d’entreelle n’est supérieure à une autre,pas plus qu’il n’y a d’égalité entreelle. Chaque religion contient unerévélation particulière du sacrémais contient en même tempstoutes les structures du sacré.Chacune d’entre elle est une voieparticulière d’accès à une traditionmais également à une réalité glo-bale et une dimension universelle. Toute l’œuvre de Mircea Éliaderévèle, à travers l’étude des mytho-logies et du langage symbolique, letracé d’un chemin intérieur spiri-tuel pour accéder à la dimensiondu sacré. Ce n’est pas simplementl’œuvre d’un savant érudit mais levécu spirituel d’un homme quiétait capable d’entrer en résonan-ce avec tout ce qu’il étudiait. Sonœuvre offre un véritable itinérairespirituel vers le cœur intérieur del’être, grâce à une grille, permet-tant de découvrir les différentsniveaux de réalité et du vécu dusacré (archétype, mythe, symbole,rite, hiérophanie…) à travers unchemin initiatique.

L’archétype et l’êtreMircea Éliade a montré que ladimension du sacré dans laconscience est étroitement asso-ciée à la fonction symbolique.Celle-ci est l’outil essentiel pourque l’individu puisse comprendrele sacré et déchiffrer les véritésinvisibles.Toutes les civilisations et traditions

se sont attachées à exprimer cesvérités essentielles qui résidentdans l’inconscient collectif et l’ima-ginaire universel, au moyen detrois concepts importants : l’ar-chétype, le mythe et le rite.

L’archétype précède l’existence dela Création. Il est transpersonnel etne participe jamais à aucunmoment des temps historiques,bien qu’il soit paradoxalement tou-jours présent dans l’Histoire. Sonexpérience reste inconcevablepour l’homme qui vit dans lemonde manifesté. L’archétype esttrès lié à la notion de divinité dansla pensée d’Éliade. Il associe l’idéed’archétype à celle de l’être, entant que réservoir de virtualité del’existence. Un océan de virtualitéà l’intérieur duquel résident toutesles sources des modèles structu-rants révélés dans les mythes.L’archétype est une des façons depercevoir l’origine de l’existence, lemythe des origines.La conception de l’archétype d’É-liade diffère de celle de Carl GustavJung. Tandis que pour Jung, lesarchétypes sont des structures del’inconscient collectif, pour Éliadel’archétype, qui fait référence à

Platon et à Saint Augustin, est «lemodèle exemplaire révélé dans lemythe et qu’on réactualise par lerite». (1)

Le pouvoir du mythePour Mircea Éliade, toute religionporte en elle les moyens derejoindre l’archétype, qui s’expri-

me à travers le mythe. Il démontreque l’archétype reste souventcaché par le mythe. Le mythe révè-le l’archétype et le rend accessible.Si l’archétype est la source detoute création et précède l’existen-ce, le mythe est le récit des ori-gines, le modèle formel qui racontecomment les choses se sont orga-nisées et structurées entre elles,comment elles sont devenues untout cohérent, un ordre intelligible,un cosmos. Le mythe représenteun modèle structurant, qui est enfait une articulation de symboles,obéissant à des principes d’analo-gies permettant la hiérophanie,c’est-à-dire l’accès au divin, àl’émergence du contenu virtuel,archétypal et sacré au sein de lacréation.Le mythe fixe «les modèles exem-plaires de toutes les actionshumaines significatives» (2) et parlà il constitue le lieu théâtral où sejouent les conflits intérieurs etextérieurs livrés par l’homme. Lemythe ramène toujours à la réalitédu monde. Il est le lieu où l’objet secrée à partir d’une question et où,à partir de sa nature profonde, un

Les archétypes, représentés ici parles dix nombres originaux, partentdu Soleil-Un et descendent commedes rayons dans l’espace créé.

Peinture rûpestre de l’île dePâques (Pacifique Sud) illustrant

le thème de l’œuf cosmique primor-dial. Elle représente sans doute unhomme-oiseau tenant dans sa main

l’œuf du monde.

Page 24: revue193 alchimie

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objet devient création.Pour Éliade, il n’existe que quatremodèles de mythes cosmogo-niques que l’on retrouve danstoutes les traditions : la création àpartir d’un œuf cosmique, la créa-tion par démembrement, la créa-tion par sacrifice d’un être primor-dial, enfin le plongeon cosmogo-nique.

La fonction symboliquede l’imaginationComme nous l’avons vu, la fonc-tion symbolique est l’outil essen-tiel permettant à la conscienced’accéder aux vérités invisibles,aux mystères des origines ouarchétypes. Quand elle est asso-ciée au développement de l’imagi-nation active ou au plan de l’«ima-ginal» cher à Henry Corbin, ellepermet de donner du sens à l’expé-rience vécue. Cette imaginationcréatrice est un intermonde entrele monde concret profane et lemonde abstrait, archétypal.

L’imagination créatrice est un lieuintérieur où s’unissent lescontraires, les paradoxes, qui per-met de relier les dimensions denature opposées, ce que Éliadeappelle la coïncidentia opposito-rum. Ce lieu relie le Ciel et la Terreau sein de l’être humain, invoquantses racines célestes et terrestres.C’est seulement en activant l’ima-gination créatrice que l’on peutrésoudre les opposés et harmoni-ser les contraires. La coïncidentia oppositorum estl’état qui favorise un contact per-manent avec les forces archéty-pales contenues dans les origines,au-delà même de la création, parcequ’elle permet de retrouver l’unitéau-delà de la dualité. Elle facilitedonc le passage à un autre niveaude réalité.

La géographie sacréeRevivre le sacré se fait dans unespace-temps très particulier etsymbolique que Mircea Éliade défi-

nit dans Le Sacré et le Profane et leMythe de l’éternel Retour (3),comme la géographie sacrée. Lacaractéristique du temps est d’êtreun temps cyclique qui ramène auxorigines et permet la régénérationindividuelle et collective. Et l’espa-ce est orienté d’une façon précise(selon les quatre points cardinauxet les deux directions verticales)pour permettre à l’homme de sesituer dans l’univers et de donnerun sens à sa vie et à ses actions.Toute civilisation pratique la géo-graphie sacrée. Elle préside entreautre à tous les rites de fondations

des temples, des cités, et mêmedes couronnements. On la retrouvedans tous les grands édifices,comme dans le calendrier qui ryth-me les actions d’une façoncyclique. Le calendrier agit commeun processus de vitalisation del’espace dans lequel les rites sontdes occasions de relier les diffé-rents plans, profanes et sacrés etdonc de revitaliser l’ensemble de lacollectivité. La géographie sacréeest un carré magique qui projettele mythe sur terre et relie tous leschemins qui conduisent du profa-ne au sacré.

Le rite médiateurPour Éliade, le monde concret

observable devient cosmiquegrâce à l’orientation dans un espa-ce consacré et surtout grâce à larépétition périodique des ritesdans cet espace. C’est la répétitiondes rites dans un cycle qui assureau monde manifesté le lien avecl’archétype. À travers le rite, l’hom-me des sociétés traditionnellesmet en marche la dynamique dusacré. Grâce aux répétitionsrituelles, l’homme est projeté àl’époque mythique où les arché-types ont été pour la première foisrévélés. Le rite en tant que fonctionmédiatrice agit dans un doublesens : d’une part, il agit comme unvéritable convertisseur des éner-gies profanes grâce auquel les réa-lités temporelles et matériellesdeviennent sacrées ; d’autre part, ilpermet l’émergence du sacré dansle profane. Il entretient les énergieset les principes primordiaux, etassure le lien entre le contenuarchétypal au-delà de toute la créa-tion et le monde créé. Par le rite,l’homme devient capable d’imiterdans la manifestation un compor-tement archétypal et peut le vivredans un espace-temps défini. «Le rite consistant toujours dans larépétition d’un geste archétypalaccompli in illo tempore (au débutdes Temps) par les ancêtres ou parles dieux, on essaie d”onticiser”(donner de l’être), par l’intermé-diaire de la hiérophanie, les actesles plus banaux et les plus insigni-fiants. Le rite coïncide, par la répé-tition, avec son “archétype”, letemps profane est aboli.» (4)

Toutefois Éliade prouve que le riteessentiel qui permettrait d’actuali-ser pleinement l’archétype seraitcelui qui ferait de chaque hommeou chaque société un centre et unaxe du monde, c’est-à-dire un lieude paradoxe où les ruptures et lescommunications entre les diffé-rents niveaux de l’univers sont pos-sibles. Cela impliquerait unedémarche conduisant au dépasse-ment du combat antagoniste de

Rencontre avec

L’itinéraire du sacré à travers le mandala.

Mandala Kalachakra, gouache,Tibet, XVIIIème siècle.

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toutes les dualités devenues ainsi complémentaires.

La géographie sacrée, Éliade l’a transposée symbo-liquement sur le plan de l’être humain en la situantdans le monde imaginal.

L’itinéraire du profane au sacré : un mandalaL’œuvre d’Éliade propose donc un véritable itinérai-re, un chemin intérieur et spirituel que l’homme par-court pour aller du profane au sacré. La pensée d’É-liade part d’un centre, où réside le monde indicible,le monde de l’Archétype et de la virtualité. Cet itiné-raire, comme l’a démontré Fernand Schwarz dansune étude consacrée à Mircea Eliade (5), peut secomparer à la forme d’un mandala dans lequel lemonde concret serait représenté par un cercle, à l’in-térieur duquel serait tracé un carré,symbolisant le monde imagi-nal ou symbolique. Dansce carré une croix repré-sentant le mondemythique avec sesquatre modèles de créa-tion, et au centre de la Croixrésiderait l’archétype.

C’est ainsi que Mircea Eliade réussit à réhabiliter lesacré, à lui redonner sa vraie dimension universelle,au-delà de toute religion ou tout dogme.Passionné par la Renaissance (notamment MarsileFicin et Giordano Bruno), Mircea Éliade rêvait d’unsavoir total, qui naîtrait de la rencontre entre les cul-tures orientales, les savoirs archaïques et tout ceque l’Occident a produit. En ce sens, il fut le véritableinitiateur d’une sagesse universelle, accessible àtous, d’un véritable retour aux origines et de la plai-doirie pour le retour de l’homme au sacré.

(1) L’épreuve du labyrinthe, p. 187(2) Traité d’Histoire des religions p. 345(3) Le Sacré et le Profane, Gallimard/folio, 1987, le mythe de l’éternelretour, Gallimard/folio, 1989(4) Traité d’histoire des religions, p.40, Payot 1949(5) Cahier homo religiosus, paru aux éditions Nouvelle Acropole(6) Interprétation de textes sacrés

Les échelons de la hiérarchie qui forment la configuration dumacrocosme correspondent auxdifférentes formes de la prise de conscience ou voies de laconnaissance chez l’homme : cela va de la perception sensibleà la compréhension profonde, en passant par l’imagination et par l’entendement.

«Ce n’est que dans la mesure oùl’historien des religions réussira par l’her-

méneutique (6), à transmuter ses matériauxen messages spirituels, qu’il remplira son rôle

dans la culture contemporaine».

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Question philo

Àmon âge, on ne me changera plus», «j’ai toujoursété comme ça, c’est dans ma nature…» «Et com-

ment le pourrais-je ?» Voilà les phrasestoutes faites et récurrentes que l’on

entend si souvent, de la part de tousceux – dont nous faisons parfoisnous-mêmes partie ! – qui sontattachés à leurs vieilles manièresde faire, à des schémas de com-portement sécurisants, autant de

vieilles peaux dont il est parfois sidifficile de se débarrasser… Mais inuti-

le de nous voiler la face ; changer estutile, et au fond de nous-mêmes, nous le savonsbien. Tout ce que nous pensons, faisons, nousne le pensons pas toujours, et ne le faisonspas toujours au mieux. Mais changer est-cepossible ? Oui, à condition de porter unregard bienveillant sur nous-mêmes, d’arri-ver à discerner où se situent nos faiblesses etd’être prêts à nous corriger.

Se corriger : une guerre quotidienneSe corriger n’est pas se fustiger ni se culpabiliser. C’estapprendre à se regarder agir, avec tout le recul néces-saire pour juger au mieux ce que nous faisons, et, sinous nous rendons compte que nous nous y prenonsmal, de recommencer, jusqu’à ce que nos paroles, nosactes, soient plus justes, plus beaux, plus naturels…Pour cela, il faut être prêt à devenir un guerrier du quo-tidien. En effet, inutile de penser que nous allons chan-ger radicalement du jour au lendemain, par le biaisd’une hasardeuse formule magique, d’une résolutionprise pour la forme, ou de quelque autre subterfugefantaisiste… Ce sont les petits changements que nousopérons en nous, parfois imperceptibles, mais qui sont

le fruit de la conscience et de la volonté, qui vont nouspermettrent de changer en profondeur. Voilà un travailqui requiert de la patience et beaucoup d’amour. Pourchanger, il faut déjà être capable de s’imaginer diffé-rent – c’est-à-dire meilleur ! – que nous ne le sommes,s’imaginer plus rayonnant, plus harmonieux, moins àl’étroit dans notre corps et dans notre tête, s’imaginerplus heureux... Quand nous cessons de geindre ausujet des soi-disant limitations qui nous empêchentd’agir, nous nous donnons l’opportunité de changer,c’est-à-dire de nous améliorer. Et voici le début d’unefantastique aventure, car c’est alors – et alors seule-ment – que nous nous situons dans le courant de la vie.

Le changement c’est la vieLe changement, c’est la vie. Héraclite etBouddha l’ont pensé bien avant nous :«Rien n’est permanent, sauf le change-ment». Alors rendons-nous service, nenous excluons pas de la vie, ne nous arrê-

tons pas sur le bas-côté en regardant lesautres avancer, changer, évoluer. Changeons !

Imaginons à présent que nous avons changé, quenous avons gommé l’un de nos défauts… nous pouvonsnous en féliciter. Et ensuite ? Et bien, attaquons-nousau prochain ! Et oui, sur la voie du changement, il y ades trêves, mais pas de repos définitif… En effet, mêmequand nous pensons être arrivés - à tort ou à raison -, lavie nous réserve encore des surprises, et ce quiconvient aujourd’hui ne conviendra peut-être plusdemain. C’est ainsi que Fernand Deligny écrit : «Quandtout marche bien, il est grand temps d’entreprendreautre chose.» Et ceci ne doit pas se comprendre commeun constat pessimiste, mais comme une invitation ànous transformer de statues de pierre (par définitionstatiques et sclérosées) en hommes de lumière.

Peut-on vraimentchanger ?

Par Léonie Behlert

LE CHANGEMENT EST À LA MODE ET LES SLOGANSFLEURISSENT DE TOUTES PARTS : «CHANGEZ DE VIE»,«CHANGEZ DE PROFESSION», «CHANGEZ VOTRE VISIONPERSONNELLE», «CHANGEZ VOS RELATIONS», «CHANGEZVOTRE STYLE DE VIE»… OUI MAIS COMMENT FAIRE ? PEUT-ON VRAIMENT CHANGER ?

«Quiveut changer

trouvera toujours une bonne raison

de changer.»

André Maurois

«Pours’améliorer, il fautchanger. Donc pour

être parfait, il faut avoirchangé souvent.»

Winston Churchill

«

Hermès bicéphale, du sanctuaire celto-ligurede Roquepertuse, Bouches-du-Rhône.

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La page Calliope

El Desdichado de Gérard de Nerval

Marianne Lefebvre

Gérard de Nerval (1808-1855), poète romantique fut leprécurseur de toutes les formes de surnaturalismemoderne. Son œuvre (Les Chimères, Les Filles du Feuet Aurélia) est marquée par le sentiment profond de ladualité de l’âme humaine, une série d’antithèsesentre la réalité et le songe, le présent et le passé, la vieet la mort, la lumière et l’obscurité, et elle exprime unequête de l’imaginaire avec une dimension fantastiquequi confine parfois à l’hermétisme et tend à rendrefloues les frontières qui séparent le réel du mer-veilleux et de la folie. Les Chimères dont est extrait le poème El desdichadorévèlent le plus profond mysticisme de l’auteur. Cespoèmes font référence aux mythes grecs et égyptiens,à la Kabbale et aux traditions chrétiennes les plusanciennes. Les traditions ésotériques permettaient aupoète de donner un sens à ces messages que l’au-delà semblait lui envoyer.

Je suis le Ténébreux, - le Veuf, - l’Inconsolé,

Le Prince d’Aquitaine à la Tour abolie :

Ma seule Etoile est morte, - et mon luth constellé

Porte le Soleil noir de la Mélancolie.

Dans la nuit du Tombeau, Toi qui m’as consolé,

Rends-moi le Pausilippe et la mer d’Italie,

La fleur qui plaisait tant à mon coeur désolé,

Et la treille où le Pampre à la Rose s’allie.

Suis-je Amour ou Phébus ?... Lusignan ou Biron ?

Mon front est rouge encor du baiser de la Reine ;

J’ai rêvé dans la Grotte où nage la sirène...

Et j’ai deux fois vainqueur traversé l’Achéron :

Modulant tour à tour sur la lyre d’Orphée

Les soupirs de la Sainte et les cris de la Fée.

Xe concours de poésie Calliope

La NatureRèglement sur le site internet : http://cercle-poésie-calliope.orgpar email : [email protected] par courrier : Cercle Calliope/Concours de poésie Nouvelle Acropole 13, rue Péclet - 75015 Parisavec le nom et l’adresse du

participant, et son adresse email.

Calliope est le cercle de poésie de l’association NouvelleAcropole, créé en hommage à son fondateur

Jorge Livraga, poète et philosophe.

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Philosophies

Juive allemande, née à Hanovre en 1906, HannahArendt, est une figure marquante de la pensée

politique contemporaine. Maîtresse d’Heidegger,élève de Karl Jaspers, elle obtient son doctorat de phi-losophie à Heidelberg. Fuyant le nazisme, elle s’instal-le en France dès 1933, puis s’évade aux Etats-Unis en1941. C’est en 1951 qu’elle publie, aux Etats-Unis, sonœuvre magistrale en trois parties sur Les origines dutotalitarisme.

Mais en France, elle eut du mal à trouver un écho : ellene fut publiée qu’à partir de 1972, et sans grand reten-tissement, bien que très connue aux Etats-Unis. C’estsans doute parce que, entre autres, réunir dans unemême analyse le nazisme et le stalinisme, comme rele-vant du totalitarisme était inacceptable par l’ailegauche, alors majoritaire de l’intelligentsia française.Le temps a fait son œuvre et nul, aujourd’hui, ne peutplus contester la pertinence et la lucidité de son travail.

Le trentième anniversaire de la disparition d’Hannah

Arendt a donné lieu à diverses publications, parmi les-quelles l’ouvrage édité chez Payot, Responsabilité etjugement, qui présente une collection d’articles, courset conférences de Hannah Arendt, postérieurs, saufun, au procès de Eichmann à Jérusalem, en 1963. Laphilosophe y reprend les conclusions de la banalisa-tion du mal dont elle avait exposé les fondements lorsde son compte rendu du procès du dignitaire nazi.

Morale et loiDepuis Socrate, la source du mal est l’ignorance.Comme il l’affirmait, nul n’est méchant volontaire-ment, ce à quoi la tradition chrétienne rajoute : il doitêtre pardonné car il ne sait pas ce qu’il fait. Arendt pré-cise que le mal ne peut être évité que si nous en avonsconscience ; la «banalisation du mal» vient du fait quel’on n’intègre pas nos actions dans un processus deconscience et, par là, il y a absence de remords, etdonc pas de correction possible ; le mal peut alorss’étendre à l’infini et c’est une des dynamiques duprocessus totalitaire. En clair, c’est la conscience du

HannahArendt

(1906-1975)

La consciencedu mal

Par Isabelle Ohmann

HANNAH ARENDT, JUIVE ALLEMANDE ÉMIGRÉE

AUX ÉTATS-UNIS, EST UNE PHILOSOPHE

MONDIALEMENT CONNUE POUR SES ÉTUDES

SUR LE PHÉNOMÈNE TOTALITAIRE AUQUEL ELLE

CONSACRA UNE GRANDE PARTIE DE SA VIE.

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mal qui met un frein au mal.Cette conscience naît de l’apprécia-tion innée des frontières entre lebien et le mal, ou, en reprenant ladéfinition platonicienne, entre l’in-juste et le juste. Même si tous lesesprits humains sont, a priori,capables de faire cette distinction,comme l’affirme Platon, cetteappréciation est liée à laqualité d’âme quenous possédons, àsavoir notre capaci-té à capter l’idée dece qui est juste oude ce qui ne l’est pas.Pour les autres, c’est-à-dire pour les hommes qui n’ontpas encore développé cette capaci-té de captation innée des préceptesmoraux, c’est la loi qui leur sert pro-visoirement de guide extérieur enattendant qu’ils aient développé,par la pratique de la philosophie,leur boussole intérieure.

Suivre le bienCette pratique se fonde sur la pen-sée, dont Arendt rappelle qu’elle estun dialogue que l’esprit tient aveclui-même. C’est cette double naturedu je et du Soi, qui permet la pra-tique fondatrice de la philosophie, àsavoir l’examen de conscience quimène à la prise de consciencedu bien et du mal agir.Par cette conscien-ce, en vertu del’impératif caté-gorique deKant, noussommes inté-rieurement obli-gés au bien, mêmesi le philosophe dis-tingue connaissance morale etconduite morale. Car on peut savoirce que l’on doit faire, mais ne pas lefaire pour diverses raisons. Ce com-mandement impératif s’adresse à lavolonté qui se met en œuvre nonpar rapport aux inclinations mais àla raison qui détermine ce qui estbon en soi, et pas seulement bonpour soi.

Obéissance et responsabilitéLe mal est, par conséquent, unedésobéissance. Il peut être unedésobéissance à la loi extérieurecomme à sa propre conscience. Laquestion de la responsabilité sepose là : une conduite est-ellemorale lorsqu’elle est liée à l’obéis-

sance d’une loi donnée del’extérieur alors qu’el-

le contredit mani-festement laconscience du bienet du mal ? Arendt

rappelle la supréma-tie, dans toutes les tra-

ditions, de la loi morale sur lalégalité civile. Mais, on le sait,comme elle l’a démontré, les sys-tèmes totalitaires visent à suppri-mer toute vie intérieure, rendantl’homme dépendant et soumis à laseule loi extérieure, l’ordre se sub-stituant alors à la conscience. La loicivile, encore renforcée par l’obéis-sance collective, tend à s’imposer àla morale individuelle.

Peut-il y avoir responsabilité, s’il n’ya pas conscience ? C’est la ques-tion absurde qui s’est posée avecune réalité frappante à Arendt lorsdu procès Eichmann. Le confort

intellectuel de l’ordre donnéendort la conscience.

Celle-ci n’est sollici-tée que dans

l’exercice de laliberté : celle dechoisir, celled’assumer les

conséquencesde ses actions. La

liberté naît de la res-ponsabilité et l’obéissance de

la vie intérieure : c’est tout le travailde l’homme qui veut éveiller saconscience.

A lire :Hannah Arendt, responsabilité et jugement,éditions Payot, 316 pages, 22 €

Hannah Arendt énumèredans son œuvre les critères pour définir un système totalitaire :

1. La puissance des struc-tures de l’Etat comme finalité, et non la justice ou le perfectionnement des citoyens.

2. Un parti unique.

3. Une idéologie officielledogmatique.

4. Le monopole de l’informa-tion devenue propagande.

5. Un régime de terreur quiparalyse les individus etassure leur soumission.

6. La cannibalisation de sespropres concitoyens, par l’ex-termination, pour accélérerl’amélioration de la société.

7. La dénonciation hystériquede l’ennemi imaginaire.

8. La transformation de cha-cun en homme-masse, déra-ciné et isolé, qui a perdu sonindividualité.

9. L’entretien de la confusionentre le vrai et le faux, laréalité et la fiction, quiempêche de se forger desconvictions.

10. L’abolition de la vie privée par la délation, quiconduit à se méfier de sapropre famille.

«C’estdans le vide de

la pensée que s’inscrit le mal»

Hannah Arendt

«Réussisà paraître devant les

autres ce que tu souhaiteraisêtre, c’est tout ce que peuvent exi-ger de toi les juges de ce monde.»

Essai sur la révolution d’Hannah Arendt

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A lire

DEUX PERSONNAGES CÉLÈBRES ONT MARQUÉ LEUR ÉPOQUE ET ONT

LAISSÉ DE PRÉCIEUX ENSEIGNEMENTS QUI ONT ENCORE UN IMPACT

IMPORTANT DE NOS JOURS. L’UN DANS LE DOMAINE DE L’ALCHIMIE,FULCANELLI, DONT L’IDENTITÉ EST À CE JOUR INCONNUE, L’AUTRE,

RUDOLF STEINER, QUI, S’INTÉRESSANT À DE MULTIPLES DOMAINES

EN AUTODIDACTE, CRÉA LE MOUVEMENT ANTHROPOSOPHIQUE, ET

ÉCRIT DE NOMBREUX LIVRES.

Par Marie-Agnès Lambert

Fulcanelli et Rudolf Steinerun héritage impressionnant

FulcanelliQui suis-je ?

Patrick RIVIEREÉditions Pardes, 127 pages, 12 €

Quelle est l’identité véritable del’énigmatique alchimiste dusiècle dernier qui se cache sousle pseudonyme de Fulcanelli ?Qui était l’auteur du Mystèredes Cathédales et desDemeures Philosophales dontla portée demeure considérableencore de nos jours ? Fulcanellia légué dans son œuvre unenseignement très précieux surl’alchimie et le symbolisme her-métique. De Fulcanelli, quisignifie «Feu du Soleil» nousconnaissons son unique dis-ciple, Eugène Canseliet maistout porte à croire que ce mysté-rieux personnage aurait fré-quenté les milieux scientifiquesavec Marcellin Berthelot, PierreCurie mais également deshommes politiques commeFerdinand de Lesseps !

De nombreuses hypothèses ontété échafaudées sur sa véri-table identité. Patrick Rivière amené une enquête minutieuseet objective, dans le but de réta-blir la vérité.

SteinerQui suis-je ?

Christian BOUCHETÉditions Pardes,128 pages, 12 €

Né en Autriche, Rudolf Steiners’intéresse très tôt à la philoso-phie et à Goethe et a étudié enautodidacte. Il rentre dans laSociété Théosophique où ildevient disciple d’HélénaPétrovna Blavatsky puis d’AnnieBesant. Il tente de faireconnaître l’occultisme occiden-tal tant dans la société théoso-phique qu’à l’extérieur de celle-ci. Chrétien mystique hétéro-doxe, attendant le retour duChrist, convaincu que chaqueêtre est une multitude de réin-carnations, il quitte la théoso-phie pour fonder son propremouvement, l’anthroposophie,enseignement spirituel fondésur des techniques essentielle-ment méditatives et psychophy-siologiques visant à restaurerl’harmonie entre l’homme etl’Univers. Etait-ce un illuminé ?Un réformateur ? Un grand ora-teur capable de discourir surtout ? Il a laissé un héritageimpressionnant dans tous lesdomaines comme les arts (plas-tiques, lyriques, lettres, graphis-

me), décoration, agriculture bio-dynamique, architecture,recherche scientifque, médeci-ne et thérapie, pédagogie,pédagogie curative... mais cequi le caractérise surtout est sagrande capacité d’avoir mis enaction toutes ses idées :

«Ce que nous tentons de réaliserne sera complet que si ceux quiont vu, entendu et compris,retournent dans le monde pour ytravailler chacun à la place qu’iloccupe. Alors pourra s’élever legrand édifice de la vie de l’esprit,de l’art et de l’action sociale, édi-fice dont nous avons un urgentbesoin aujourd’hui pour la guéri-son de l’humanité.»

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A lire

PHILOSOPHIES

De l’utilité des vertusÉthique et alliance

Laurent SENTISBeauchesne, 412 pages, 26 €

Une approche herméneutiqueet historique des vertus à partirde l’anthropologie chrétiennede Saint Thomas d’Aquin. Unevision de l’art de vivre en chré-tien, en s’appuyant sur la façondont les philosophes del’Antiquité ont compris la vertudans le cadre de la cité, com-ment la Bible articule pratiquede la loi et vie en alliance, com-ment Saint Augustin repense lavertu dans le cadre de la relationà Dieu. Enfin la théologie entredans un dialogue bienveillant etcritique avec les recherches phi-losophiques contemporaines,pour redonner à la question desvertus un nouveau souffle. Parun directeur des études auséminaire diocesain de laCastille.

Schopenhauer, critique de Kant

Alexis PHILOMENKOLes Belles Lettres, 478 pages, 40 €

Un essai sur le philosopheSchopenhauer qui commencepar la critique de celui-ci enversKant dans critique de la philoso-phie kantienne, suivie d’uneétude, en relation avec kant, dela philosophie morale deSchopenhauer. Analyse néces-sitant une bonne connaissancede la philosophie de Kant et deSchopenhauer.

SPIRITUALITESL’esprit de solitude

Jacqueline KELENAlbin Michel, 247 pages, 15 €

Pour beaucoup, la solitude estvécue comme un isolement, unmanque, un abandon. Maisdans l’histoire, beaucoup dephilosophes, d’artistes, desaints mystiques ont été degrands solitaires ; JacquelineKelen réhabilite la solitude quioffre ainsi la clé de la vie inté-rieure et créative, de la disponi-bilité, du recueillement de lapensée et de la liberté de l’indi-vidu.

Le Dieu excentréEssai sur l’affirmation de Dieu

Henri LAUXBeauchesne, 128 pages, 14,64 €

Dieu n’est-il pas au centre ?Mais au centre de quoi ? Et àforce de lui trouver toujours uneplace centrée, depuis laquelletout rayonne d’une belle harmo-nie, ne finit-on pas par l’enfer-mer en ce lieu qui va de soi ? Leprésent essai, écrit par un pro-fesseur de philosophie à la

faculté jésuite de Paris, invite àpenser un Dieu excentré, unDieu qui s’approche dans unemultiplicité de rencontres.

Comment nous devenons Dieu

Jérôme BOURGINE et Alain BRÊTHES

Éditions du Rocher, 259 pages,21,90 €

Panorama de l’émergence et del’évolution de la consciencedans l’être humain sous laforme d’un dialogue vivant etplein d’humour entre amis.C’est une plongée dans letemps depuis les origines jus-qu’à notre destinée qui s’appuiesur la connaissance de laTradition et l’intuition spirituellede ces deux chercheurs de véri-té, journaliste écrivain et ensei-gnant spirituel, auxquels nemanquent ni le bon sens, ni l’hu-milité.

Éclats du SoleilHélène CELES

Alphée, 80 pages, 9,95 €

À travers un conte initiatiqueadmirablement illustré, l’auteurexprime son chemin de vie spiri-tuel avec l’imagination et lacréativité de l’enfant qui par-court les neuf cases de la marel-le de la terre au ciel.

PSYCHOLOGIEVivre ensembleLe petit manuel du bonheur à deux

Janet G. WOITITZÉditions Science et Culture,

176 pages, 16,50 €

Cet ouvrage, d’une grande clar-

té, s’adresse aux personnes quiont grandi dans tout type de famille dysfonctionnelle.

Comment vivre en couple en seposant les bonnes questions,en brisant les malentendus eten cherchant à créer des rela-tions harmonieuses.

Les nœuds du cœurDenise DESJARDINS

La Table Ronde, 200 pages, 16,80 €

Quinze récits révélant lesréflexions de pratiquantsconfrontés à leur maître sur unchemin de connaissance de soiet cherchant à identifier l’originede leurs difficultés psycholo-giques. Chacun s’y reconnaîtra.

ABC de la symbolique des rêves

Corinne MORELGrancher, 492 pages, 23 €

Une étude complète et clairedes mécanismes et des fonc-tions du rêve. Une méthode detravail facilitant la remémora-tion, la narration et la techniquede l’analyse. Interprétation dessymboles oniriques.

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A lire

TRADITION ET CULTURE

Romantismes français I et IIPaul BENICHOU

Éditions Quarto/Gallimard, 2025pages par volume, 24 € par volume

Une fresque détaillée, complèteen deux volumes, étudiant lecontexte de l’apparition duRomantisme et les doctrines quis’y rapportent avec de nom-breuses références sur les écri-vians tels que Lamartine, Vigny,Victor-Hugo, Sainte-Beuve,Nodier, Musset, Nerval etGautier.

Les antimodernesDe Joseph de Maistre àRoland Barthes

Antoine COMPAGNONGallimard, Bibliothèque des Idées,

464 pages, 29,50 €

Qui sont les antimodernes ? Desmodernes qui le furent à contre-cœur, des modernes déchirésou contestataires. Ils entretien-nent une relation particulièreavec la mort, la mélancolie, ledandyisme, la contre révolution,l’anti-lumières, le sublime et lacontestation.

Pour A. Compagnon «Les anti-modernes, ce sont desmodernes en liberté» et enmême temps, «Un homme del’ancien temps et un insurgé »dit Morand ou encore celui quiest «à l’arrière-garde de l’avant-garde» dit Barthes. «êtred’avant-garde, c’est savoir cequi est mort ; être d’arrière-garde, c’est l’aimer encore».

Freud et VienneSous la direction de Alain

DIDIER-WEILL,Érès, 250 pages, 25 €

Freud aurait-il inventé la psy-chanalyse s’il n’avait pas étéviennois ? Ce sont des ren-contres avec l’amour, et le trau-matisme qui ont pemis à Freudde mettre à jour l’inconscient àVienne et pas ailleurs, malgréle fait que le célèbre psychana-lyste, dont nous célébrons lecent cinquantième anniversairede sa naissance en 2006, soitresté insensible aux évène-ments et hommes de sonépoque et se soit surtoutappuyé sur les époques pas-sées. Une étude fouillée menéepar des psychanalyste, philo-sophes et historiens.

QUESTIONS DE SOCIÉTÉRéussir sa mort

Fabrice HADJADJPrresses de la Renaissance,

400 pages, 26 €

Ce gros ouvrage, dont le franc-parler réveille, présente laréflexion d’un chrétien d’au-

jourd’hui sur la mort. Son pro-pos peut être résumé par cettecitation qu’il fait de SœurThérésa : «…nous n’aborde-rons à la plénitude de la vie quepar une incessante mort ànous-mêmes et à nos désirségoïstes».

Einstein et le conflit desgénérations

Lewis S. FEUERÉditions complexe, 375 pages,

24,90 €

Einstein, étudiant modeste,relativement médiocre et peuassidu, a peu fréquenté lemilieu scientifique. La relativitéest née dans une académie defortune formée par des amisdont aucun n’est physicienmais ingénieur et philosopheamateur. Sa théorie naît com-plètement hors de la commu-nauté scientifique mais estentremêlée aux courants poli-tiques, idéologiques socla-listes représentés par cesscientifiques marginaux. Lascience est traitée ici commeun phénomène social. Uneapproche originale par un pro-fesseur de sociologie.

HISTOIRELes thermidoriens

Jean TULARDFayard, 524 pages, 25 €

Une présentation historiqueclaire d’une des périodes lesplus intenses mais mal connuede notre histoire, la Conventionthermidorienne et le Directoire,pendant laquelle a été inventétout ce que pérénniseront leConsulat et l’Empire l’Institut,l’École Polytechnique, laconscription, le franc, le systè-me métrique, le style Directoire,la séparation de l’Église et del’État, la fête des mères…

Le Schisme d’OrientLa papauté et les Églisesd’Orient XIe – XIIe siècles

Les Belles Lettres, 208 pages, 21 €

L’histoire de la rupture entrel’Eglise de Rome et les Églisesd’Orient et la prise en comptedu point de vue des Chrétiensd’Orient. Par un des plus grandsmédiévistes.

SCIENCESGènes et maladies

Jean-Louis MANDELCollège de France/ Fayard,

77 pages, 10 €

Présentation des études dejean-Louis Mandel, professeurde génétique humaine dont lestravaux ont permis l’identifica-tion de gênes responsables demaladies héréditaires neurolo-giques ou musculaires. Pour unlecteur scientifique.

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A lireIntelligence dans la nature

Jeremy NARBYBuchet Chastel, 286 pages, 20 €

Comme un récit de voyages, lesrencontres de l’auteur à traversle monde avec des personnessusceptibles de répondre à sesinterrogations sur le fonctionne-ment du vivant, de l’homme jus-qu’à la protéine et de l’intelli-gence existant dans la nature.La démarche d’un scientifiquecurieux et sans frontières, qui abeaucoup voyagé, rencontrédes chamanes et des scienti-fiques de pointe. Pour lui l’intel-ligence est dans la nature, ycompris dans les formes de vieles plus simples. Il nous invite àune réconcilitation avec laNature avec laquelle nousavons trop tendance à nousconsidérer comme des préda-teurs convaincus de notre supé-riorité.

BIOGRAPHIELouis XVI

Jean-Christian PETITFILSÉditions Perrin, 1114 pages, 27 €

Spécialiste des biographies his-toriques plusieurs fois couron-nées de prix littéraires, l’auteurbalaie les clichés ressasés pourrestituer le vrai visage du roiLouis XVI : un homme intelli-gent et cultivé, scientifique,passionné de marine et par lesgrandes découvertes, qui jouaun rôle déterminant dans la vic-toire sur l’Angleterre et dansl’indépendance américaine.Une interprétation nouvelle desmécanismes qui ont conduit àla destruction de l’AncienRégime.

ROMANSLa reine celteTome 3 Le rêve du chien

Manda SCOTTJC Lattes, 547 pages, 20 €

Troisième volet de l’histoire deBouddica, reine celte luttantavec son frère Ban, contre l’oc-cupation romaine.

La Croix de l’Occident,Tome 1 et 2

Max GALLOFayard, 406 pages et 365 pages,

20 € chaque volume

Les amours et les engage-ments de Bernard de Thorenc,noble de provence, qui s’estbattu pendant vingt-huit anscontre les Ottomans, pendantles Croisades et qui rentre enFrance pour être l’acteur et le témoin du déchiremententre les Catholiques et lesProtestants au moment de laSaint Barthélémy. Il va devoirlutter contre le fanatisme decette époque tragique.

NOUS AVONSÉGALEMENTRECU DESÉDITEURSLes philosophies plura-listes d’Angleterre etd’Amérique

Jean WAHLLes empêcheurs de penser en rond,

24 €

La théorie politique del’individualisme possessif

C.B. MACPHERSONFolio, 10 €

Le chevalier de l’absoluGuillaume de THIEULLOY

Gallimard, 21 €

Les grandes heures del’abbaye de Saint-Benoît-sur-Loire

Henri PIGAILLEMBeauchesne, 28 €

L’orgasme de l’Occident

Robert MUCHEMBLEDSeuil, 23 €

Passion de séduireVerena Von der HEYDEN-

RYNSCHGallimard, 25 €

Men in blackJoël MESNARD

Le Mercure Dauphinois, 15 €

Apports récents des inscriptions grecquesà l’histoire de l’Antiquité

Denis KNŒPFLERCollège de France/Fayard, 10 €

Le petit chevalThorvald STEEN

Calman Levy, 15,50 €

Le nouveau nationalismeaméricain

Arnold LIEVENJC Lattes, 21,50 €

Coup de cœurVouloir guérirL’aide au malade atteint d’un cancer

Anne Ancelin SchützenbergerLa méridienne/Desclée de Brouwer, 228 pages, 22 €

Comment lutter contre le cancer etfaire face à cette maladie qui laissesouvent désemparé le malade etson entourage. Une approche origi-nale proposée par l’auteur combi-nant techniques de visualisation,travail sur le mental, lutte contre lestress et les systèmes de croyanceserronés, et ses propres recherchessur la psycho-neuro-immunologieet la psychologie transgénération-nelle. Ce livre s’adresse non seule-ment aux malades atteints du can-cer mais à la famille, au personnelsoignant. «Si on guérit souventenvers et contre tout, lorsqu’onveut vraiment guérir, si la guérisonest en soi, la guérison est aussidans le regard de l’autre en soi». Unlivre pour retrouver l’espoir, l’enviede vivre, devenir plus actif et res-ponsable de son processus de guérison. De nombreux témoi-gnages de malades, de médecins et personnel soignant, desexercices pratiques sont proposés pour aider à la guérison ducancer, parallèlement aux soins allopathiques.

Anne Ancelin Schützenberger est psychothérapeute de renom-mée internationale, professeur émerite et elle a dirigé pendantvingt ans le laboratoire de pyschologie sociale et clinique del’Université de Nice. Elle anime des groupes de psycho-drames etest l’auteur de nombreux ouvrages dont «Aïe mes aïeux » et plusrécemment «Sortir du deuil» chez Payot.

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Agenda

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BordeauxExposition artistique

Les couleurs de feu

Jusqu’au 26 juin 2006Deux vitraux et deux cent cinquante émaux de RaymondMirande (1932-1997) racontent la vie du Christ mais égale-ment les mythes et les légendes antiques, les contes et lesfables. Poète du feu et de la lumière mais également poètetout court (l’artiste a laissé six cents poèmes inédits),Raymond Mirande a su séduire par sa technique parfaite-ment maîtrisée aux couleurs uniques, et certaines de sesœuvres ont été offertes en cadeau à des célébrités poli-tiques et religieuses (Général de Gaulle, chancelier KonradAdenauer, Jean-Paul II). L’écrivain François Mauriac a fait sonéloge dans le Figaro littéraire.

Musée des Arts décoratifs39, rue Bouffard – 33000 BordeauxTel : 05 56 00 72 53

LyonExposition artistique

Les fous de GéricaultJusqu’à la fin juin 2006Peintre romantique, Théodore Géricault (1791-1824) porte unregard extrêmement critique sur la société napoléonienne etla guerre. Cette humanité, malmenée par les soubresauts del’Empire et le retour des Bourbons, est dépeinte par l’artistecomme un peuple héroïque, souffrant et fou (de douleur).Cent quarante œuvres réparties en quatorze séquenceslivrent la vision particulière de Géricault sur le peuple militai-re, les guerres coloniales, les enfants rebelles, la sexualité,les faits divers et historiques (Radeau de la Méduse) et lesconséquences de la première révolution industrielle enAngleterre.

Musée des Beaux Arts20, place des Terreaux, 69001 LyonTel : 04 72 10 30 30

NantesExposition archéologique

L’ÉgypteJusqu’au 31 juillet 2006

L’histoire de la civilisation égyptienne du Moyen Empire à

l’époque romaine révélée grâce aux collections égyptiennesdu Musée Dobrée. Du monde des morts à la vie quotidienne.

Musée Dobrée18, rue Voltaire, 44000Tel : 02 40 71 03 50

RouenExposition artistique

Les chefs d’œuvres des Musées de FlorenceDu 19 mai au 03 septembre 2006 Quatre-vingts peintures, sculptures et objets d’art, illustrentla représentation de l’homme et de sa place dans le monde.Des portraits et des chefs-d’œuvre de la Renaissance, deMantegna, Raphaël, Andrea del Sarto, Bronzino, Titien etTintoret. Des portraits religieux (Masaccio, Fra Angelico…) etdes effigies d’hommes illustres, de princes ou de particu-liers. Des figures de l’Antiquité, et encore beaucoupd’œuvres encore…

Musée des Beaux-Arts de RouenEsplanade Marcel Duchamp - 76000 RouenTel : 02.35.71.28.40 www.rouen-musees.com

ParisExposition archéologique

Le verre dans l’Empire romainJusqu’au 27 août 2006Dès le Ier siècle après J.-C., le verre va jouer un rôle importantdans la vie romaine. Les fouilles archéologiques effectuées àPompéi et Herculanum ont permis de mettre en lumière despièces en verre mais également des vitres, des murs décorésde natures mortes avec des récipients d’une très grandetransparence. Les Romains connaissaient déjà les tech-niques des fours et du soufflage de verre, les procédés per-mettant d’imiter la pureté et la transparence du cristal deroche. Et ces techniques ne seront redécouvertes qu’auMoyen-âge, voire seize siècles plus tard. Sont exposés despièces en verre avec des formes audacieuses et des couleursoriginales, des objets avec jeux de lumière, polyèdres,prismes et verres ardents, des instruments de mesure, leplanétarium d’Archimède, un siphon, des lentilles pour lavue, des pots pour la pharmacopée et la parfumerie, desbijoux. Également des reconstitutions de vérandas de mai-son et de serre mobile. Pour couronner le tout, des citationsde Pline l’Ancien, Pétrione, Sénèque sur le verre.

Cité des Sciences et de l’industrie30, avenue Corentin Cariou – 75019 ParisTel : 01 40 05 70 00www.cite-sciences.fr

Courrier des lecteurs

Vous avez aimé un article, vous avez des critiques, dessuggestions, des propositions de thèmes ou d’articles.Faites le nous savoir :

par mail : [email protected] ou par courrier : Rédaction revue Acropolis : 13, rue

Péclet 75015 Paris.

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Du jeudi 30 novembre au dimanche 3 décembre 20064 jours - 3 nuits

Accompagnement par Isabelle Ohmann

Tomar – Batalha – Alcobaça – Lisbonne -Sintra

Le siècle d’or du Portugal fut celui desdécouvertes qui propulsa le plus vieux paysde l’Europe sur la scène mondiale. Nous ydécouvrirons Tomar, ancien quartier généraldes Templiers, le monastère de Batalha,chef d’œuvre de l’architecture gothique etmanuéline ou encore Alcobaça, monastèrecistercien, classé au patrimoine mondial del’humanité. Nous visiterons égalementLisbonne, l’une des plus anciennes capi-tales d’Europe ainsi que les palais et jardinsenchanteurs de Sintra.

Égypte symbolique Un périple à la naissance de la spiritualité

Du samedi 10 février au dimanche 18 février 20079 jours - 8 nuits

Accompagnement par Fernand Schwarz

Gizeh, Sakkarah, Louxor, Karnak, Valléedes rois, Edfou, Philae

C’est en Égypte que naît l’esprit exprimé defaçon éclatante dans d’extraordinairesmonuments qui ont traversé les millénaires.Ce circuit très complet vous mettra encontact avec les plus hautes réalisations del’homme antique en vous faisant découvrirles plus grands sites de l’Egypte pharao-nique : les pyramides de Gizeh, les templesde Karnak et Louxor, le temple de Philae,d’Edfou, la vallée des rois… En suivant leparcours de la croix de vie, vous entrerezdans le monde symbolique de cette fasci-nante civilisation.

Pour tout renseignement, consultez votrecentre Nouvelle Acropole le plus proche.

Demandez nos brochures détaillées ou consultez notre site www.nouvelleacropole.org rubrique voyages.

Portugalsur les traces des TempliersPortugalsur les traces des Templiers

Égypte symbolique Un périple à la naissance de la spiritualité

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BIARRITZ8, rue de Mirambeau 64600 Anglethttp://[email protected] 75 15 88 90

BORDEAUX68, rue Lafaurie de Monbadon 33000www.nouvelleacropolebordeaux.orgbordeaux@nouvelleacropole.org05 56 81 24 71

DIJON2 Rue de la synagogue 21 00006 22 62 42 [email protected]

LYON6, rue Saint Georges [email protected] 78 37 57 90

MARSEILLE19, Boulevard Salvator 13006 www.nouvelleacropolemarseille.orgmarseille@nouvelleacropole.org04 96 11 07 20

NANTES24, rue Kervégan [email protected] 51 81 96 07

PARIS13, rue Péclet [email protected] 45 30 01 30

ROUEN53, rue Cauchoise [email protected] 35 88 16 61

STRASBOURG4, rue des Bateliers 67000www.nouvelleacropolestrasbourg.orgstrasbourg@nouvelleacropole.org03 88 37 05 94

TOULOUSE4, rue Joutx-Aigues 31000www.nouvelleacropoletoulouse.orgtoulouse@nouvelleacropole.org05 61 32 78 97

Une philosophie à vivre

Nouvelle Acropole est une associationculturelle, dont l’objectif est la pratique de la philosophie à la manière classique,c’est-à-dire une philosophie pas seulementintellectuelle et théorique, mais unephilosophie à vivre pour une existence plushumaine et plus épanouie. Elle estégalement tournée vers l’avenir et lajeunesse. Elle aspire, comme tous ceux quise sentent responsables, à laisser un mondemeilleur aux futures générations. Inspiréepar une éthique humaniste, elle œuvredans la société pour une renaissanceculturelle fondée sur les valeurs essentiellesqui ont guidé les hommes de toutes les civilisations.

Aujourd’hui Nouvelle Acropole fait revivre la philosophie au quotidien. Pour échanger, venez nous rencontrer dans votre ville ou dialoguer sur Internet : www.nouvelleacropole.org

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