shoah et bande dessinee – tal...
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Stage formateurs PLP Lettres-‐histoire -‐ Shoah
A. LULKA Février 2019
SHOAH ET BANDE DESSINEE TAL BRUTTMANN
La BD a longtemps été dénigrée en raison de son caractère populaire. Bien que le 9e art ne bénéficie pas d’une forte exposition médiatique, ses ventes dépassent de loin celles de la littérature. Littérature et cinéma ont traité à de multiples reprises de la Shoah, mais elle n’a été le sujet que de 4 bandes dessinées de 1944 aux années 1980. • La Bête est morte !, Dancette, Zimmermann et Calvo, 1944. Le récit se présente sous la forme d’une allégorie de la Seconde Guerre mondiale, chaque animal y représentant une nationalité. Le premier volume (Quand la Bête est déchainée) est publié à l’automne 1944, le second (Quand la Bête est terrassée) en 1945 ce qui implique que leur conception s’est faite durant l’Occupation. Aujourd’hui, la bande dessinée est publiée en un seul volume de 71 planches. Cette œuvre peut donc être considérée comme un acte résistant et un témoignage ; les auteurs ayant sélectionné les faits qui leur semblaient alors importants. Elle a longtemps été oubliée avant d’être redécouverte dans les années 1970 alors que ses auteurs n’étaient plus là pour expliquer leurs choix.
Sur les 28 planches consacrées aux violences de l’Occupation en France, deux cases sont consacrées au sort des Juifs.
1ère case : Les auteurs y font référence aux scènes vues par les Français en 1942 : l’arrestation de familles entières, la séparation des femmes et des enfants… Le motif du wagon sert ici de marqueur à l’événement. On peut souligner dans le texte les expressions de « plans de destruction » et d’ « anéantissement total » définissant indirectement la notion de génocide. On peut également constater que les Juifs y sont représentés par des lapins, comme le sont tous les Français. 2e case : Elle fait directement référence à l’Affiche rouge et montre la résistance des populations juives alors que longtemps, l’idée de passivité face aux persécutions a été retenue (jusqu’aux années 1980).
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A. LULKA Février 2019
• Seconde Guerre mondiale, nazisme et Shoah dans les comics Origine des comics Bien que les comics soient souvent considérés comme des ouvrages nationalistes, leur création est avant tout liée à l’histoire de l’immigration et à une représentation du rêve américain. De fait, dans les années 1930, les meilleurs dessinateurs américains travaillent pour les revues dessinées, fleurons des publications dessinées, alors réservées aux seuls WASP. Les immigrés juifs ou italiens créent alors les comics. Ainsi, Bob Kane (Robert Kahn), né dans une famille juive d’Europe de l’Est, crée le personnage de Batman alors que Jack Kirby (né Jacob Kurtzberg) crée le personnage de Captain America. Ce dernier voit le jour en 1940 et incarne une figure patriotique représentant les valeurs démocratiques. Il défend le monde libre face au Troisième Reich à une époque où ces valeurs et revendications politiques sont minoritaires aux USA. Dès 1941, les comics multiplient les références à la guerre sur leur couverture sans pour autant aborder le sort des Juifs d’Europe. Bien qu’informés par leur famille, les dessinateurs font le choix de taire ce qu’ils savent pour faciliter leur intégration. Master Race, Bernie Kriegstein, 1955
Publiée en 1955 dans ce qui est alors considéré comme « le pire du comic », Master Race (la grande course/la race supérieure) présente un Allemand réfugié aux Etats-‐Unis après la Seconde Guerre mondiale dont le trajet de métro ravive les souvenirs des camps nazis. La chute de ce récit de 8 pages permet de comprendre qu’il a lui même été chef de l’un de ces camps. Ce récit, juste historiquement, est créé alors qu’il n’existe pas encore de documentation. Il a marqué Art Spiegelman.
Comics et Shoah Dans les années 1950, le Comics Code vide ces publications de tout ce qui est politique. Cette censure est cependant détournée à travers le choix des personnages. Ainsi, dans X-‐Men (créé en 1963), les personnages sont des mutants rejetés par le reste de la population. Si l’identification reste possible pour toute forme de discrimination, les auteurs Jack Kirby et Stan Lee (Stanley Lieber) ont en tête l’antisémitisme. L’épisode Days of future past, publié en 1981, est clairement ancré dans la Shoah. Par ailleurs, le mauvais mutant Magneto évoluera au cours de la série jusqu’à ce qu’un épisode révèle qu’il est un rescapé de la Shoah.
Version originale disponible en ligne : https://fromdusktilldrawnblog.wordpress.com/2016/05/02/master-‐race-‐by-‐bernie-‐krigstein-‐usa-‐1955/#jp-‐carousel-‐131 Version traduite : Shoah et bande dessinée, L’image au service de la mémoire, J. Kotek et D. Pasamonik (dir.), coéd. Denoël / Mémorial de la Shoah, p. 38-45, 2017
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A. LULKA Février 2019
• Maus, Art Spiegelman, 1980-‐1991
Une BD autobiographique Dès 1972, Art Spiegelman réalise une première bande dessinée Prisoner on the Hell Planet à la suite du suicide de sa mère. S’inspirant d’un point de vue esthétique de Frans Masereel, il s’agit alors de la première bande dessinée à caractère autobiographique. Les planches seront ensuite intégrées à Maus. Une BD hors normes Art Spiegelman crée avec sa femme la revue RAW de manière à pouvoir publier progressivement les chapitres de Maus. Figure de l’Underground, il ne souhaite pas se conformer au format classique de la BD américaine qui tient alors en 23 planches. Il produit aussi d’autres dessins alimentaires tels que la Bande des Crados. Cette publication étalée dans le temps est cependant indécelable graphiquement car Art Spiegelman maintient son trait du premier au dernier chapitre. Cette cohérence, rare, est à souligner. La structuration du récit Cette autobiographie appartient au récit de 2e génération. Art Spiegelman est un enfant de rescapé qui veut raconter l’histoire de ses parents mais qui met parallèlement en récit le témoignage de son père. Il indique ainsi à son lecteur les conditions de l’enregistrement du témoignage et évoque régulièrement ses réflexions sur son projet même. L’auteur s’éloigne ainsi d’une démarche d’historien tout en se documentant (lecture d’ouvrages historiques, dessins de prisonniers, …). Cette œuvre a longtemps été perçue à tort comme une fiction (le New York Times l’avait ainsi classée parmi les œuvres de fiction).
• Autres bandes-‐dessinées
-‐ Auschwitz, P. Croci, 2012 Historiquement et graphiquement peu intéressant
-‐ Yossel, J. Kubert, 2003 L’auteur imagine ce qu’il aurait vécu si ses parents n’avaient pas émigré.
-‐ Achtung Zelig !, Achtung Zelig !, K. Gawronkiewicz, K. Rosenberg, 2005 Récit complexe mais qui aborde la question sous l’angle polonais.
-‐ Seules contre tous, Miriam Katin, 2014 Unique BD autobiographique d’une survivante de la Shoah.