simonne michel azais, « poèmes interdits », paris, la...
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Simonne Michel Azais, � Po�mes interdits �, Paris, La Goelette, 1953. [Illustrations de Madeleine Scellier]
HOMO SAPIENS
Le dieu est mortPourquoiLe bleu du ciel l’a prisEt l’a gard� pour luiIl reste aux hommes la noirceurDu goudronEt les cailloux impitoyables de la routeEt les croupes offertesA leurs phallus bandantIl reste aux hommes du printempsSans �veilEt des �t�s sans f�teEt les ventres gonfl�sDe leur pollen au vent.
S.-M. A
Simonne Michel Azais, � Po�mes interdits �, Paris, La Goelette, 1953. [Illustrations de Madeleine Scellier]
INTIMITE
Mes cheveux sont d�faitsUne rose s’effeuille l�Au bord de mon sein qu’ont effleur� tes doigtsSur mon brasTra�ne encore une amoureuse haleineEt ma cuisse s’�meut aux douceurs de la soieJe suis lasseEt pourtant je me sens �ternelleEt si belleSi belle � cet instantO� j’ai v�cu par toi.
Simonne Michel Azais, � Po�mes interdits �, Paris, La Goelette, 1953. [Illustrations de Madeleine Scellier]
NYMPHE
Quand tu vois tes deux seinsDard�s comme deux fl�chesA la fontaine aux f�esMirer leur mamelonQuand ton ventre bomb�Caress� d’ombres fra�chesAttend qu’au sexe �mu s’attarde un doigt troublantQuand l’eauTimide encoreEt lente � te conna�treEffleure ton mollet pour en r�verLongtempsQuand ta cuisse fr�mit � l’herbe qui l’arr�teEt que ton cou se gonfle aux d�sirs du printempsQuand tes cheveux d�faitsCajolent tes �paulesEt que ta l�vre enfinBaise tes bras offrantsNe crois-tu pasO nympheAttentive au myst�reEntendre de l’amourLe plus secret des chants.
Simonne Michel Azais, � Po�mes interdits �, Paris, La Goelette, 1953. [Illustrations de Madeleine Scellier]
AMOUR
Lors Tes l�vres d’amour entrouvriront ma vulveEt boiront mon d�sirComme on boit un vin fouCe d�sirQui courait au long de mon �chineEt faisait se cambrer mes reinsA ton toucher si douxLorsJe ne saurai plus si c’est moi que tu aimesOu seulement Ta joieDe me donner l’amour.
Simonne Michel Azais, � Po�mes interdits �, Paris, La Goelette, 1953. [Illustrations de Madeleine Scellier]
SOLITUDE
C’est l’heure o� je suis seule
C’est l’heure du jardinQu’on arroseEt des senteurs mouill�esQui montent des gazonsC’est l’heure o� ton d�sirVient �mouvoir ma croupeEgarer ma main blancheEt caresser mes seinsC’est l’heure o� nos parfumsD’impr�cises musiquesEt mes r�ves �parsFont jaillir de ma chairLes soupirs de la nuitC’est l’heure o� sans t�moinsQue ces riensImpalpablesJe peuxTout � loisirM’aimerDe ton amour.
Simonne Michel Azais, � Po�mes interdits �, Paris, La Goelette, 1953. [Illustrations de Madeleine Scellier]
CHANT D’AMOUR
Que nos cuisses enlac�esL’odeur de nos corps sans honteNos bouches infatigu�esEt nos sexes qui s’affrontentMes seinsTon membre dress�A l’amour qui nous harc�leNos sanglots entrecoup�sQue la jouissance appelleNotre d�sir �puis�Qui revit sous nos caressesNos chairsEmues de baisersQue des doigts plus fi�vreux pressentNos ventresEnfin soud�s � l’aube conceptionnelleFassent de ces nuits pass�esUn chant de rutEternel.
Simonne Michel Azais, � Po�mes interdits �, Paris, La Goelette, 1953. [Illustrations de Madeleine Scellier]
CONFESSION
Si donc ce soirTu m’avais priseTu aurais mang� mon parfumQue restait-ilEntre mes cuissesEt sous mes brasEt sur mes seinsPour qu’� la nuit je me confesseEt me baiseJusqu’au matin.
Simonne Michel Azais, � Po�mes interdits �, Paris, La Goelette, 1953. [Illustrations de Madeleine Scellier]
JEUX
Il attarde sa langue au creux br�lant de l’aineAvant de l’introduire en plus discret endroit
Langue
Telle un p�tale au bouton qui l’appelleEt d’un rose aussi purEt d’aussi ferme �moiLangue qui sauras mieux amignarder ma l�vreEt la vouloir perlerQue le jeu de ses doigtsLangue qui me boirasQuand je boirai la s�veAffleur�e doucement � si troublant �tatLangue qui me feras crier d’�blouissanceAmie de mon plaisirJe m’entrouvre pour toi.
Simonne Michel Azais, � Po�mes interdits �, Paris, La Goelette, 1953. [Illustrations de Madeleine Scellier]
REFLETS
Une glace
Et nous deux
Et notre amour profane qui s’y r�fl�chissaitTel un grave cantique
A l’�cho immol�.
Simonne Michel Azais, � Po�mes interdits �, Paris, La Goelette, 1953. [Illustrations de Madeleine Scellier]
DONNE-MOI
Donne-moi ta mainProfonde aux caressesEt ta bouche aussiComme un reposoirDonne-moi tes yeuxAux candeurs secr�tesEt ta voix qui valse avec mon espoirDonne-moi tes seinsDont l’�me se dresseA l’image �mue de nos souvenirsDonne-moi ta peauAux moiteurs discr�tesEt que je boirai avec ton d�sirDonne-moi tes pleursQui sont ta jouissanceEt cette ros�e qui me vient de toiA l’heure o� je sens fondre ma puissanceEn te p�n�trantToi qui n’es plus toi.
Juillet 1952.
Simonne Michel Azais, � Po�mes interdits �, Paris, La Goelette, 1953. [Illustrations de Madeleine Scellier]
LIENS
Ton sexe mouill� b�ille � la jouissanceTes seins dursDress�sDisent � mon vit le d�sir blancQui les habite
Belle
O belle
Laisse-toi baiser de tes pieds nerveuxA tes yeux d’extaseEt que coule en moi la chaleur aigu�De ton �tre.
Simonne Michel Azais, � Po�mes interdits �, Paris, La Goelette, 1953. [Illustrations de Madeleine Scellier]
SECRET
A la fen�tre de ma chambre je t’attendaisToi et ton d�sir brutQui veniez par la routeEt qui tout � l’heure me prendraientTu n’avais pasLes gestes fades du po�teEt quand tu p�n�trais la fleur brune de mon amourMon cri reconnaissantDisait la meurtrissure aux larmes de soleilLib�rant mon corps lourdTu venais par la routeEt ton d�sir avecEt ta main forte aussiQui marquerait ma peauTu venais par la routeAvec ton secret d’hommeEt lorsque tu entraisJe fermais les rideaux.
La Clusaz 1953.
Simonne Michel Azais, � Po�mes interdits �, Paris, La Goelette, 1953. [Illustrations de Madeleine Scellier]
MESSE NOIRE
Mon corps est un d�sirComme l’hostie est dieuMon amant Ce pr�tre � l’autelQui communie avec mes l�vres
L�vres de sangSangDe ma chairQu’� l’offertoire
Il baise
Sabbats hallucinantsDes nuits ensorcel�esQue le diable conduitIvre de nos cantiquesEt que le jour va
Souffleter.
Simonne Michel Azais, � Po�mes interdits �, Paris, La Goelette, 1953. [Illustrations de Madeleine Scellier]
ADULTERE
Le dernier cri hagard qu’engendraient vos deux sexesA l’extatique instant qui fait rejoindre DieuDans le d�sordre �teint d’une chambre sans f�teTu l’as jet� ce soir tel un sadique adieu
Sur ce divan r�p� d’une intimit� borgneO� geignait ta vertuEtouff�e de baisersAbus�e de champagneRegarde ton amantRegarde ces yeux fousQui buvaient ta joie fauveRegarde ces dix doigtsQue crispait le d�sir sur ton corps �mouvantRegarde ces moignonsQu’�branlaient tes caressesRegarde ce grand rire � l’hyst�rie d’amourEt voisCe qu’� pr�sent t’apporte leur fant�me
Regarde ton amant
Mais regarde-le donc.
Simonne Michel Azais, � Po�mes interdits �, Paris, La Goelette, 1953. [Illustrations de Madeleine Scellier]
DEMENCE
Emmenez-moi chez les fousL’amour a rong� ma t�teMa cervelle a bu d’un coupA suc� ma moelle avecQu’est-ce que je fais parmi vousEmmenez-moi chez les fous
Lui partiSeuleJe me baise
Alors viennent diablotinsGrima�ants en mascaradeEt dansent joyeux lutinsDes airs de danse macabreEt dansentDansent la gigue
Quand ma bouche sans saliveA l’instant o� je vais jouirSent monter le suc livide apaisant � son d�sir
Lui partiQuand je me baiseAvec le diable et la mortPour compagnons de jouissanceA tousJe vous ferais peur.
Simonne Michel Azais, � Po�mes interdits �, Paris, La Goelette, 1953. [Illustrations de Madeleine Scellier]
CADEAU
J’aime l’amourEt son odeur qui frappe aux portes de mes sensQuand je tombe �tourdi l� contre ma ma�tresseEt que je bois son sexe humide goul�ment.
J’aime l’amourEt les cheveux d�faits de ma mienne ma�tresseA genouxPour baiser mon phallus arrogant.
J’aime l’amourSon cri qui me saoule � tue-t�teEt ses mots de blasph�meAux saveurs de poison.
J’aime l’amour outr�Qui titubeEt s’arr�te au seuil creux de la mortPour se savoir vivant.
J’aime l’amourSi vrai qu’un ventre qu’il f�condeEt je te dis mon cielMerci pour le pr�sent.
Septembre 1952.
Simonne Michel Azais, � Po�mes interdits �, Paris, La Goelette, 1953. [Illustrations de Madeleine Scellier]
MOMENT
Bats-moi
Bats-moiJe disEt mords
MordsEt que mon sangCoule
C’est mon sang tout d’amourQue j’offreA ton plaisir.
Simonne Michel Azais, � Po�mes interdits �, Paris, La Goelette, 1953. [Illustrations de Madeleine Scellier]
DIABLERIE
Philtre d’amourChairs �mouvantes de la mortQuand t’arrache au plaisir la trahison du spermeDoute des soirsEspoir des nuitsEt diablerieEt diablerieA la faveurDes flambeaux qui s’�teignent.
Simonne Michel Azais, � Po�mes interdits �, Paris, La Goelette, 1953. [Illustrations de Madeleine Scellier]
AU MASQUE
RiezRiez RiezMasqueAmi de ma fi�vre d’aimerEn ma nuit solitaireAmusez-vousDe mon d�sir inassouviEt de ma chairQui appelle le m�le et suinte son odeurRiezEt que vos yeux de gnome o� luit une chandelleAvivent ma blessureEn exaltant mon corps.
Simonne Michel Azais, � Po�mes interdits �, Paris, La Goelette, 1953. [Illustrations de Madeleine Scellier]
COUPLE
Je vis sur le drap blancMarqu�s leur nezLeur bouche � l’endroit o� les dents avaient mordu le linLa bave de l’amourAvait l’odeur faroucheAcide et forteAinsi qu’un coupable destinCe fut ce lit d�faitQui m’apprit la gen�seEt que la nuitAvait �t� cr��e pour le matin.
Simonne Michel Azais, � Po�mes interdits �, Paris, La Goelette, 1953. [Illustrations de Madeleine Scellier]
L’OMBRE
L’ombre �tait monstrueuseEnorme dans ma chambreEt je la vis bouger de mes rythmes d’amourAlors je pris mon seinCaressant la d�esseAu sein �norme et fierQui n’�tait plus le mienJ’adorai cette formeAux formes gigantesquesEt pleurai
De n’avoir su d�passer l’humain.
Simonne Michel Azais, � Po�mes interdits �, Paris, La Goelette, 1953. [Illustrations de Madeleine Scellier]
VOL NUPTIAL
L’homme n’est pas venuQuand j’attendais l’empreinte de sa virilit�Pour briser mon �veilL’homme ne m’a pas priseAvec son rire d’angeAux confins monstrueux de l’enfer et du cielJe n’ai pas chancel� sous son poidsQui �crase et qui meurtrit la chairQu’il a su lib�rerEt je n’ai pas mordu sa nuque de bestiaireAvant qu’un m�le outil me force de crierJe me suis endormie avec la fi�vre p�leAbolissant l’espoir qui m’avait abus�eEt j’ai souriAu souvenir du vol nuptialQue j’avais entrevu dans un jardin d’�t�.
F�vrier 1953.