socialisme ou barbarie. epitáfio_junho de 1967

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Epitáfio escrito por Cornelius Castoriadis quando da dissolução de Socialisme ou Barbarie em 1967.

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    Le premir numro d\s~cialisrne-~bti. j~~bari~ . est paru en mars 1949 ~ Le qurant:ira; -eri juin 196:5 ;::~cciritr - ' - ~ ... ~- .- . ., -:- . ' ~ .-. \.~,-- ,._ __ ,_..._.~,-: .. ~'~: ,;_

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    ____ __,__ _ de_ notre -entreprise, sous s.. for,fne prfi~nt8;1. ~~.t devenu p_o_u.r__ __ _ . nous pr:oblm{ltique. C 1 est ce que n0us y()),Q'tp:;l'''~ci exposer brivement_ pour c~ux qui, ,abonns ou lectu.rs ~e la revue, ont suivi depis longtemps notre effort. - ..

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    Socialisme ou Barbari n'a jamais. t, une revue de pure recherche thorique. Si' l'.laboratio;n des, ides y a tou-jours occup une place ce.ntrale, elle a'i;:q.ljou;rs t guide par une vise poli tique Le . s~u:,s-e:ti tre ~e larevue : . organe de cri tique et d'orien tatien. rvolutionnaire, 'indi.q U.El- dj suffi-samment le statut du tr.vaii thorique qi. }3' y~ est e;x:prim depuis dix-h,uit ans . Se nourrissant d_i uh."atiitt rvolution-naire individue.lle e-t collective, l p~~nJ:}.:t;,_i~Naleur de ce

    qu'il tad;~ - qu pouvait, prvis:i,.:blement,' .deve-nir - pertinent pour un~

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    Or, de ce poi~t de vue, les conditions sociales rel-les - en tout cas, ce que nous en percevons - ont de plus en plus chang, Nous l'avons dj constat rie puis 19'::!9 - comme on

    peut le voir dans la srie des textes sur le mouvement rvolu-tionnaire sous le capitalisme moderne - et-l'volution qui a suivi n 1 a fait que confirmer--ce ___ d.ia;it;-ostic : dans les socits du capitali.sme moderne, l'activit politiqu.:; proprement dite tend disparaitre. Ceux qui nous ont lu savent qu'il ne s'agis-sait pas l d'une simple constatation de fait, mais du produit d'une analyse des traits notre avis les plus profonds des socits modernes.

    Ce qui nous apparaissait comme &lment compensateur de ce diagnostic ngatif, ce qui balanait, dans notre perspective, la privatisation croissante de la masse de la population, c'-tait les luttes dans la production, matriellement constates et analyses sur les cas de l'industrie anglaise et amricaine, luttes qui mettent en question les relations de travail sous le capitalisme et traduisent, sous une forme embryonnaire, la ten-dance gestionnaire des ouvriers. Nous pensions que ces luttes se dvelopperaient galement en Franc2 et, surtout, qu'elles pcurraient - non certes sans une intervention et introduction de l'lment politique vritable - dpasser les rapports imm-diats de travail, progresser vers la mise en question explicite des relations sociales gnrales.

    En cela nous nous trompions. Ce rl~veloppement n'a pas eu lieu en France, sinon une ~chelle infime (ce ne sont pas les gr~vcs de 12 derni~re priode, raDidement syndicaliscs, qui pourraient modifier cette appr~ciatioa). En Angleterre, o~ ces luttes continuent (avec des hauts et des bas invitables), leur caractre ne s'est pas modifi, ni de lui-illme, ni en fonc-tion de l'activit de nos camarades du groupe Solidarity.

    Certes, une volution diffrente dans l'avenir n'est pas exclue - bien qu'elle nous parai2se improbable pour les rai-sons que nous mentionnerons plus loin. Mais la question n 1 est pas l. Nous croyons avoir suffisa2Qent montr que nous ne som-mes pas impatients et nous n'avons jamais pens, rptons-le, que la transformation de ce type de luttes ouvrires - ou de n'importe quel autre - pourrait se faire sans le dveloppement parallle d'une organisation politique nouvelle, que notre intention a toujours t de construire.

    Or la construction d'une or~anisation politique dans les conditions qui nous entourent - et dont sans doute ce que nous sommes fait aussi partie - a t et demeure impossible,

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    en fonction d'une srie de facteurs nullement accidentels et troitement relis les uns aux autres.

    Dans une socit o le conflit politique radical est de plus en plus masqu, touff, dvi et, la limite, inexis-tant, une organisation politique suppose construite, ne pour-rait que pricliter et dgnrer rapidement. Car, d'abord, o et dans quelle couche pourrait-elle trouver ce milieu immdiat sans lequel une organisation politique ne peut pas vivre ? Nous en avons fait l'exprience ngative aussi bien pour ce qui est des lments ouvriers que pour ce qui est des lments intellec-tuels. Les premiers, lors mme qu'ils voient un groupe politique avec sympathie et reconnaissent dans ses ides l'expression de leur propre exprience, ne sont pas disposs maintenir avec lui un contact permanent, encore moins une association active, car ses perspectives politiques, pour autant qu'elles dpassent leurs propres proccupations immdiates, leur paraissent obscu-res, gratuites et dmesures. Pour les autres - les intellec-tuels - ce qu'ils semblent surtout satisfaire dans leur contact avec un groupe politique c'est la curiosit et le ';besoin d 1 in-formation1'. Nous devons dire ici clairement que nous n'avons jamais eu, de la part du public de la revue, le type de rponse quenous~esprions et qui aurait pu nous aider dans notre tra-vail ; son attitude est reste, sauf rarissimes exceptions, celle de consommateurs passifs d'ides. Une telle attitude du public, parfaitement compatible avec le Tle et les vises d'une revue de style traditionnel, rend la longue impossible l'exis-tence d'une revue comme Socialisme ou Barbarie.

    Et qui, dans ces circonstances, rejoindra une organisa-tion politique rvolutionnaire ? Notre exprience a t que ceux qui sont venus chez nous - essentiellement des jeunes - l'ont souvent fait partir, sinon d'un malentendu, du moins de moti-vations qui tenaient beaucoup plus d'une rvolte affectiv et du besoin de rompre l'isolement auquel la socit condamne au-jourd'hui les individus, que de l'adhsion lucide et ferme un projet rvolutionnaire. Cette motivation de dpart en vaut peut-~tre une autre ; l'important est que les mmes conditions d'ab-sence d 1aetivit politique proprement dite empchent qu'elle soit transforme en une autre plus solide.

    Enfin, comment dans ce contexte une organisation poli-tique suppose exister peut-elle contrler ce qu'elle dit et ce qu'elle se propose de faire, dvelopper des nouveaux moyens d'organisation et d'action, enrichir dans une dialectique vi-vante de la praxis avec :le tout social, ce qu'elle tire de sa propre substance ? Comment surtout, dans la phase historique pr-sente, aprs l'immense et profonde faillite des instruments,

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    des mthodes et des pratiques du mouvement d'autrefois, pour-rait-elle reconstruire, dans le silence total de la socit, une nouvelle praxis politique ? Au mieux, pourrait-elle tenir un discours thorique abstrait ; au pire, produire ces tranges mlanges d'obsessionnalit sectaire, d'hystrie pseudo-activis-te et de dlire d'interprtation dont, par dizaines, les gr-ou-pes d' "extrme gauche" offrent encore aujourd'hui travers le monde tous les spcimens concevables.

    Rien ne permet d'escompter une modification rapide de cette situation. Ce n'est pas ici le lieu de le montrer par une longue analyse, dont d'ailleurs les lments essentiels se trouvent dj formuls dans les dix derniers numros de Socia-lisme ou Barbarie. Mais il faut souligner ce qui pse d'un poids norme dans la ralit et la perspective prsente : la dpolitisation et la privatisation profondes de la socit moderne ; la transformation acclre des ouvriers en employs, avec les consquences qui en dcoulent au niveau des luttes dans la production ; le brouillage des contours des classes qui rend de plus en plus problmatique la concidence d'objectifs conomiques et politiques.

    C'est cette situation globale qui empche aussi que sur un autre terrain : celui de la crise de la culture et.de la vie quotidienne, souligne dans la revue depuis de nombreu-ses annes, puisse se dvelopper et prendre forme une raction collective positive contre l'alination de la socit moderne. Parce qu'une activit politique, mme embryonnaire, est impos-sible aujourd'hui, cette raction n'arrive pas prendre forme. Elle est condamne rester individuelle, ou bien drive rapi-dement vers un folklore dlirant qui n'arrive mime plus cho-quer. La dviance n'a jamais t rvolutionnaire ; aujourd'hui elle n'est plus dviance, mais complment ngatif indispensable de la publicit "culturelle".

    On sait que, depuis dix ans, ces phnomnes, plus ou moins clairement perus t analyss, ont pouss certains re-portor leurs espoirs sur les pays sous-dvelopps. Nous avons dit depuis longtemps dans la revue pourquoi ce report est illu-soire : si la partie moderne du monde tait irrmdiablement pourrie, il serait absurde de penser qu'un destin rvolution-naire de l'humanit pourrait s'accomplir dans l'autre partie. En fait, dans tous les pays sous-dvelopps, ou bien un mouve-ment social des masses ne parvient pas se constituer, ou bien ne peut le faire qu'en se bureaucratisant.

  • . ...

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    Qu'il s'agisse de sa moiti moderne ou de sa moiti affame, la mme question reste suspendue sur le monde contem-porain l'immense capacit des hommes de se leurrer sur ce qu'ils sont et ce qu'ils veulent s'est-elle modifie en quoi que ce soit depuis un sicle ? MARX pensait que la ralit for-cerait les hommes nvoir avec des sens sobres leur propre existence et leurs rapports leurs semblablesll. Nous savons que la ralit s'est rvle au-dessous de la tche que lui confiait ainsi le grand penseur. FREUD croyait que les progrs du savoir 1 et ce qu 1 il appelait "notre dieu logos';, permet-traient l'homme de modifier graduellement son rapport aux forces obscures qu'il porte en lui. Nous avons rappris depuis que le rapport entre le savoir et l'agir effectif des hommes -individus et collectivits - n'est rien moins que simple, et que les savoirs marxien et freudiGn aux-m6mes ont pu devenir, et redeviennent chaque jour, source de nouvelles mystifications. L'exprience historique depuis un sicle, ct cvla tous les niveaux, des plus abstraits aux plus ompiriques, interdit de croire aussi bien un automatisme positif de l'histoire qu' une conqute cumulative de l'homme par lui-wme en fonction d'une sdimentation du savoir. Nous n'en tirons aucune conclu-sion sceptique ou "pessimist2". Mais le rapport d.c;s hommes . Leurs crations thoriques ct pratiques, celui entre savoir; jU mieux lucidit, et activit relle, la possibilit de cons-titution d'une socit autonome, le sort du projet rvolution-naire et son enracinement possible dans une socit voluant comme la ntre - ces questions, et lGs multiples autres qu'el-les commandent, doivent tre profondment repenses. Une acti-vit rvolutionnaire ne redeviendra possible que lorsque une reconstruction idologique radicale pourra rencontrer un mou-vement social rel.

    Cette reconstruction - dont les lments ont t poss dj dans Socialisme ou Barbarie - nous pensions pouvoir la faire du mme mouvement que la construction d'une organisation politique rvolutionnaire. Cela s'avre aujourd'hui impossible, et nous devons en tirer les conclusions. Le travail thorique, plus ncessaire que jamais, mais qui dornavant pose d'autres exigences et comporte un autre rythme, ne peut pas tre l'axe d'existence d'un groupe organis et d 1 une revue priodique. Nous serions les derniers mconnatre les risques immanents une entreprise thorique spare de l'activit relle. Mais de cette activit, les circonstances prsentes ne nous permet-traient de 111aintenir au mieux qu'un simulacre inutile et stri-lisant.

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    Nous continuerons, chacun dans le domaine qui lui est propre, de rflchir et d'agir en fonction des certitudes et des interrogationslque Socialisme ou Barbarie nous a permis de dgager. Si nous le faisons bien, et si les conditions so-ciales s'en prsentent, -nous sommes certains que nous pourrons recommencer un jour notre entreprise sur des bases mieux assu-res, et dans un rapport diffrent avec ceux qui ont suivi notre travail.

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    Les lecteurs qui voudraient se procurer des collec-tions ou complter celles qu'ils possdent sont pris de s'a- dresser la Librairie de la Vieille Taupe, 1 rue des Fosss Saint-Jacques, Paris Vme, qui leur accordera le tarif suivant numros isols : 2 f. ; collection du n 1 au n 40 (sauf 9, ~~ et 30 puiss) : 40 F.

    En outre, toute correspondance ventuelle devra ~tre adresse aux bons soins de la Vieille Taupe qui transmettra.