symboles de la mer chez proust et le clÉzio

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8/20/2019 SYMBOLES DE LA MER CHEZ PROUST ET LE CLÉZIO http://slidepdf.com/reader/full/symboles-de-la-mer-chez-proust-et-le-clezio 1/8 Adina Balint-Babos, Université de Toronto SYMBOLES DE LA MER CHEZ ROUST ET LE CL!Z"O La mer, élément essentiel de la cosmogonie, symbolise la dynamique de la vie et de la mort. Lieu des naissances, des transformations, des renaissances, la mer implique un état transitoire entre des réalités vivables et des mondes possibles, une situation d’ambivalence et de doute dont l’aboutissement est imprévisible ; c’est un processus qui entraîne un certain « devenir » du monde et de l’être umain. !t, si dans les conceptions mytologiques traditionnelles, le symbolisme de la mer re"oint celui de l’eau et des eau# primordiales qui "ouissent de la propriété divine de donner et de reprendre la vie $, le topos de la mer dans la littérature permet de comprendre une multitude de relations qui se tissent entre le su"et et l’univers, particuli%rement, entre la sub"ectivité umaine et les éléments de la nature. &insi, la mise en question de la mer ce' (roust et Le )lé'io, deu# auteurs dont la vision sensible du monde renferme l’imaginaire maritime, soul%ve le probl%me des rapports de l’écriture de fiction et du milieu naturel, de l’origine donnée de l’être umain et de ses capacités * se lancer dans le processus de création artistique, un développement qui suppose la représentation d’un « devenir », car, d’apr%s +illes eleu'e, -crire ce n’est certainement pas imposer une forme d’e#pression/ * une mati%re vécue. La littérature est plut0t du c0té de l’informe, ou de l’inac%vement. -crire est une affaire de devenir, tou"ours inacevé, tou"ours en train de se faire, et qui déborde toute mati%re vivable ou vécue. )’est un processus, c’est1*1dire un passage de 2ie qui traverse le vivable et le vécu. L’écriture est inséparable du devenir.)’est ce processus artistique qui implique une progression, une transformation dans la quête des essences du monde, qui me préoccupe ici, puisque l’4uvre d’art n’est pas une image mimétique du monde, mais elle fait « ri'ome »avec celui1ci. e cette mani%re, il y a une évolution aparall%le du livre et du monde, un réseau de lignes transversales se dessinant constamment entre les deu# pour mener * bout ce qu’on pourrait appeler le « devenir1monde » de l’écriture. ans ce conte#te, il convient d’interroger quelle sorte de relations s’établissent entre le contingent de la mer, comme composante du monde empirique de la nature, et l’écriture. )omment se fait le passage du vécu * l’artistique, de la vie au langage 6 7l s’agit d’un processus, selon la pensée pilosopique de eleu'e. &insi, déciffrer et interpréter les étapes de cette évolution signifie se laisser entraîner par l’apprentissage et la traduction des signes, en faire l’e#périence, parce qu’« on ne découvre aucune vérité, on n’apprend rien, sinon par déciffrage et interprétation. »8

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Adina Balint-Babos, Université de Toronto

SYMBOLES DE LA MER CHEZ ROUST

ET LE CL!Z"O

La mer, élément essentiel de la cosmogonie, symbolise la dynamique de la vie et de la mort. Lieudes naissances, des transformations, des renaissances, la mer implique un état transitoire entredes réalités vivables et des mondes possibles, une situation d’ambivalence et de doute dontl’aboutissement est imprévisible ; c’est un processus qui entraîne un certain « devenir » dumonde et de l’être umain. !t, si dans les conceptions mytologiques traditionnelles, lesymbolisme de la mer re"oint celui de l’eau et des eau# primordiales qui "ouissent de la propriétédivine de donner et de reprendre la vie$, le topos de la mer dans la littérature permet decomprendre une multitude de relations qui se tissent entre le su"et et l’univers, particuli%rement,entre la sub"ectivité umaine et les éléments de la nature. &insi, la mise en question de la merce' (roust et Le )lé'io, deu# auteurs dont la vision sensible du monde renferme l’imaginairemaritime, soul%ve le probl%me des rapports de l’écriture de fiction et du milieu naturel, del’origine donnée de l’être umain et de ses capacités * se lancer dans le processus de créationartistique, un développement qui suppose la représentation d’un « devenir », car, d’apr%s +illeseleu'e,

-crire ce n’est certainement pas imposer une forme d’e#pression/ * une mati%re vécue. Lalittérature est plut0t du c0té de l’informe, ou de l’inac%vement. -crire est une affaire de devenir,

tou"ours inacevé, tou"ours en train de se faire, et qui déborde toute mati%re vivable ou vécue.)’est un processus, c’est1*1dire un passage de 2ie qui traverse le vivable et le vécu. L’écriture estinséparable du devenir.3 

)’est ce processus artistique qui implique une progression, une transformation dans la quête desessences du monde, qui me préoccupe ici, puisque l’4uvre d’art n’est pas une image mimétiquedu monde, mais elle fait « ri'ome »5 avec celui1ci. e cette mani%re, il y a une évolutionaparall%le du livre et du monde, un réseau de lignes transversales se dessinant constamment entreles deu# pour mener * bout ce qu’on pourrait appeler le « devenir1monde » de l’écriture.

ans ce conte#te, il convient d’interroger quelle sorte de relations s’établissent entre le

contingent de la mer, comme composante du monde empirique de la nature, et l’écriture.)omment se fait le passage du vécu * l’artistique, de la vie au langage 6 7l s’agit d’un processus,selon la pensée pilosopique de eleu'e. &insi, déciffrer et interpréter les étapes de cetteévolution signifie se laisser entraîner par l’apprentissage et la traduction des signes, en fairel’e#périence, parce qu’« on ne découvre aucune vérité, on n’apprend rien, sinon par déciffrageet interprétation. »8

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)ependant, comment parler des métamorposes qui op%rent dans le monde artistique et dansl’être umain sans faire appel * la représentation d’un su"et, d’une figure de la sub"ectivitéumaine, afin d’apercevoir et de comprendre le déplacement des umeurs face * la mer et lamani%re dont elles sont dépeintes dans un te#te littéraire 6 9uelle serait la signification desinterférences ourdies entre une composante du tempérament umain et la création artistique 6

)’est * partir de ces interrogations que "e propose d’étudier le rapport du :arrateur proustien * lamer lors de l’apparition des "eunes filles sur la digue de albec, ainsi que les réactions et lessensations d’&le#is, le éros de Le )lé'io, devant la mer de <odrigues au moment de larencontre de =uma, l’incarnation de la femme sauvage, indig%ne, dans  Le Chercheur d’Or. >necertaine cronologie ponctue le tra"et de cette réfle#ion, c’est1*1dire ? le cercle des signesmaritimes, suivi par l’e#périence du monde ou la confrontation avec la femme dans le voisinagede la mer, pour accéder * l’étape du dépassement spirituel ou créateur, de l’instauration d’uncadre nouveau qui permette le rétablissement d’un équilibre surgi de

@AB la ré1création d’une aire transitionnelle @quiB est la condition nécessaire mais nonsuffisante/ pour permettre * un individu, * un groupe de retrouver sa confiance dans sa propre

continuité, dans sa capacité d’établir des liens, entre lui1même, le monde, les autres, dans safaculté de "ouer, de symboliser, de penser, de créer .C

)es questionnements montrent qu’on ne peut pas discerner une création, voire une ré1création,en deors des « correspondances » sensibles qui se nouent entre le su"et et le monde, entre le moiet l’&utre, que la dicotomie intérieur vs. e#térieur se double ici de cette autre divisionrévélatrice ? la contemplation, la réfle#ion vs. l’action.

Lors du premier voyage * albec, le :arrateur proustien est ému par l’immensité de la mer quilui apparaît autrement qu’il ne l’a pas perDue dans les peintures ? « Eais en revance, "e n’étais plus asse' pr%s de la mer @AB, "e ne sentais plus de puissance sous ses couleurs étendues comme

d’une peinture. »F )’est une question de perception sensible dans un espace et dans un tempsdifférents de ceu# que l’artiste n’immortalise dans une peinture. !t devenir sensible au# signesmaritimes eu#1mêmes, veut dire assimiler leur pratique, révéler leur essence au1del* de lamatérialité, « sentir » la mer « en deors de la nature et de l’istoire. »G ans cetépanouissement, il faut d’abord éprouver l’effet violent de cette mer, et que la pensée soit forcéede cercer son sens, de la contempler. Hi ce' (roust, il y a tou"ours un désir de compréensiondu monde dans une approce analytique de ses signes, ce' Le )lé'io, il y a plut0t unee#ploration du monde * la recerce des origines. &insi, les quêtes du éros leclé'ien traversentconstamment des paysages qui s’ouvrent sur la mer ? « L’&nse au# &nglais s’ouvre largement sur la mer, de caque c0té de l’estuaire de la rivi%re <oseau#. e la oI "e suis, "e vois toute l’étenduede la vallée, "usqu’au# montagnes. »J L’accent y est mis sur le regard qui embrasse la plénitudede la sc%ne, mais il ne s’agit pas vraiment d’une perception visuelle éventuellement capabled’e#pliciter le monde, mais du regard scrutateur, mis au service de la survie K c’est le regard decelui qui cerce un « passage * descendre. » =r, si le sens matériel d’un signe n’est rien sansune essence idéale qu’il incarne, nous pouvons assumer que toute recerce de la vérité n’estconcevable en deors de la représentation d’une idée. !ntre les vocations artistiques du :arrateur  proustien et le cerceur leclé'ien, c’est l’idée qui demeure vivante. Helon Malter en"amin,l’artiste et le cerceur tentent une description du monde des idées ? l’artiste en dessine « uneimage » et le cerceur l’organise en se servant d’un concept, tous les deu# effaDant * leur

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mani%re le monde empirique.$N &lors, une fois le monde des signes maritimes décelé, dans uneétape suivante, il s’agit de les confronter ? manifestation d’une interférence qui écl0t dese#périences, des sentiments, des idées même. )’est sous la forme de l’épreuve de l’amour que se présente cette confrontation pour le :arrateur proustien ? l’apparition de la bande de "eunes fillessur la digue 1 « * l’e#trémité de la digue oI elles faisaient mouvoir une tace singuli%re, "e vis

s’avancer cinq ou si# fillettes. »$$ >ne aura de myst%re et d’inconnu entoure leur promenadetandis qu’elles éveillent l’émotion et le désir de celui qui les regarde dont l’Ome est guettée parl’amour. =r, aimer c’est cercer * e#pliquer, * déciffrer ces mondes possibles qui restentcacés dans l’être aimé. &lbertine, « une de ces inconnues »$3 s’individualise lentement dans legroupe. !lle enveloppe et amalgame « la plage et le déferlement des flots. »$5 !lle tient liées« toutes les impressions d’une série maritime. »$8 e même, il y a comme un doublemouvement qui s’y déploie ? le paysage s’enroule dans la femme, ainsi que la femme déroule des paysages et des lieu# qu’elle contient enclos dans son corps. )ela étant, nous retrouvons la pensée de eleu'e selon laquelle, l’être aimé est comme une qualité sensible, il vaut par ce qu’ilenveloppe, puisque,

Hes yeu# seraient seulement des pierres, et son corps, un morceau de cair, s’ils n’e#primaient unmonde ou des mondes possibles, des paysages et des lieu#, des modes de vie qu’il faut e#pliquer,c’est1*1dire déplier, dérouler comme les petits papiers "aponais.$C

L’essentiel c’est tou"ours d’e#pliquer, de traduire ce signe qui est l’&utre qu’on aime, d’aiguisersa sensibilité, car seule la sensibilité peut saisir le signe en tant que tel.

 :ous pouvons poser le même genre de questions dans le cas de Le )lé'io lorsque nousconsidérons encore la confrontation avec l’amour. )’est tou"ours sous la forme d’une apparitionénigmatique que la femme fait son entrée dans le paysage, et c’est le regard troublé du éros quil’accueille ? « alors que "e m’apprête * retourner vers le campement, "e vois =uma @AB ans la

lumi%re du "our qui commence, pr%s de l’eau, elle est encore plus belle, sa robe de toile et sacemise trempées d’eau de mer. »$F e nouveau, des réminiscences du paysage se retrouventenroulées dans la femme leclé'ienne. 7l s’agit d’un double mécanisme associatif ? d’une part, laressemblance entre les signes maritimes et l’être aimé ; d’autre part, la contiguPté de la sensationque le éros éprouve devant la mer et vis1*1vis de celle qu’il aime. 7l convient de remarquer qu’ily a une certaine similitude dans la mani%re dont l’apparition féminine est introduite ce' les deu#auteurs, * travers le regard ? « "e vis s’avancer cinq ou si# fillettes »$G et « "e vois =uma. »$J )’est par le verbe « voir » que s’e#prime la perception premi%re du signe d’amour ; c’est la vuequi met l’Ome en mouvement, qui mobilise l’attention et déclence une série de pensées et deréactions. =r, toute rencontre produit des sentiments, entraîne des cangements et naturellementfait partie intégrante d’un « devenir ». !n proie au# regards « obliques et rieurs » $ de la "eunefille, le :arrateur proustien, accablé par la timidité, essaie en vain de pénétrer la vie de « cette petite tribu, inaccessible inconnu »3N qui, pour l’instant, lui reste interdite. &ussi, le érosleclé'ien intimidé, retrouve1t1il * peine son souffle quand la femme « @leB regarde sans gêne, avecquelque cose de moqueur dans le regard. »3$ &u cours de cette e#périence oI le signe d’amourfait « violence », il est difficile d’accéder * « un paysage » qui n’est pas celui que nous voyons,mais au contraire, celui dans lequel nous sommes vus. evant la brune au# grosses "oues, le :arrateur proustien se demande ? « Hi elle m’avait vu, qu’avais1"e pu lui représenter 6 u sein dequel univers me distinguait1elle 6 »33 Le besoin de transpercer les pensées et les sentiments de

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l’&utre se confond ici avec le désir de connaissance et de possession de celui1ci. Eais connaîtrecet &utre, déplier ses secrets, ne serait1il pas "uste se confronter soi1même, investiguer sa propreintériorité 6 ’ailleurs, &le#is, le éros leclé'ien est lui aussi poursuivi par ce désir deconnaissance ? « Qe voudrais parler pour la retenir. »35 Rinalement, toute cette recerce del’&utre, double de la quête de soi, implique un débat entre le signe et son sens, entre le contenant

et le contenu, des rapports qui reDoivent leur réponse dans la découverte d’une mani%re desurmonter cette dicotomie, de dépasser certaines réactions tout en les mettant au service d’une production, d’une création, de retrouver « la force ascensionnelle » susceptible de déclencer le« décollage »38, comme disait (roust.

!t une reconfiguration du temps et de l’espace serait, en effet, une mani%re de dépassementcréateur. =u peut1être serait1il mieu# de parler du rétablissement d’un nouvel équilibre spirituel.)e' (roust, l’entrecroisement des aspects du temps ouvre des fenêtres sur l’éternité ; si lessignes maritimes et les signes amoureu# nous rapprocent de l’essence, mais souvent nousretombons dans le pi%ge de l’ob"et, c’est seulement au niveau de l’&rt et de la contemplation queles essences sont révélées. Huivre le fil des remémorations, la voie de la mémoire involontaire,

c’est pénétrer au c4ur du monde proustien, dans l’univers de l’entrecroisement parce que letemps s’écoule sous sa forme la plus réelle, mais le souvenir reste sa forme intériorisante K pare#emple, * la vue d’&lbertine, le :arrateur se rappelle son enfance et +ilberte dans le paysage du« petit raidillon de Sansonville »3C ; et * l’e#térieur, le passage du temps se traduit dans les Ogesde la vie et des réfle#ions sur les e#ubérances de la "eunesse ? « cette "eunesse qu’on a si grand besoin de dépenser. »3F 2ivre, accomplir des e#périences « réelles » et symboliques signifietraverser les étapes d’un apprentissage. !t non seulement un apprentissage, mais l’engagementdans un processus de production créative, car « toute production part d’un signe et suppose la profondeur de l’involontaire »,3G mécanisme qui brouille les pistes cronologiques de La Recherche. 7l y a pourtant un certain agencement dans le passage du temps proustien K la suitedes saisons K qui cange le tableau de l’espace ? au début de l’automne, la mer n’est plus aussi

lisse qu’en été ; elle « boursoufle ses vagues rondes »3J et avec la diminution des "ours, le :arrateur se retire dans sa solitude propice au# remémorations, mobile de la création. Le mondedes "eunes filles en fleurs revient * l’esprit * travers l’imagination, par une prise de conscienceque « cette fugacité des êtres qui ne sont pas connus de nous, @AB nous met dans cet état de poursuite oI rien n’arrête plus l’imagination »,3 imagination dont la force est nourrie parl’incertitude de pouvoir atteindre son but. )e "eu des possibilités et des doutes fait avancer latransformation, la recerce du sens du signe qui s’éloigne constamment d%s qu’on l’approce ;un signe qui nous force * le poursuivre afin de pénétrer son contenu. =n peut dépasser lamatérialité d’un tel signe par la pensée, car penser signifie interpréter et les essences peuvent être* la fois le signe * traduire et le processus de traduction même.

Lorsque ce' (roust, le dépassement créateur se manifeste au niveau de la pensée et de laréfle#ion analytique, dans l’écriture leclé'ienne, c’est le voyage qui devient mani%re desurmonter la matérialité des signes, dans un processus d’e#ploration du monde, plut0t qued’analyse de celui1ci. e cette faDon, l’équilibre intérieur d’&le#is se rétablit une fois qu’ilentrevoit un nouveau périple sur mer ; l’émotion se mêle * la découverte d’une autre route qui pourrait possiblement le mener vers le trésor autant cercé par sa famille depuis desgénérations ? « Qe suis tellement ému par cette découverte que "e dois m’asseoir pour reprendremes esprits. »5N Le fort émoi qui originairement poursuit le éros de Le )lé'io dans ses

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rencontres avec =uma, s’efface dans cette ypostase de la mer promettant du voyage. La merdevient ainsi l’espace d’une vraie initiation pour &le#is ? c’est un apprentissage * portée multiple K autant l’introduction du éros dans le monde sauvage de l’île <odrigues, que la communicationavec la femme indig%ne. (ar rapport * la mer poétique proustienne, la mer de Le )lé'io estl’espace de l’aventure, de la quête d’un ailleurs qui se renouvelle perpétuellement, ayant des

connotations épiques. !ntre le protagoniste et l’être aimé il y a toutes sortes de faits qui seconsomment ? les deu# pêcent au arpon « )’est elle qui saisit le arpon, puis qui tue le poisson »5$/, ils mangent ensemble « @AB elle dit ? Su as faim, "e vais te faire * manger »,33553/, et arrivent * partager des istoires d’enfance « )’est quand la lumi%re du "our déclineque la "eune fille me parle d’elle, de son enfance »/. L*, oI la vie s’écoule plut0t sous le signe dufactuel, l’imagination trouve plus rarement sa place. )’est dans un autre voyage d’e#plorationque &le#is et =uma vont se lancer bient0t ? « =uma et moi @AB. :ous fuyons sous le vent, etlongtemps apr%s que nous avons quitté les parages de l’île, nous entendons les cris stridents desoiseau#. 55» )ette fois, il s’agit d’un voyage dont le but n’est pas enti%rement connu K bien quece soit un périple qui se dirige vers un endroit identifié d’avance sur une carte, il enferme unautre voyage, indiscernable et plus profond, spirituel. )’est le voyage éternel.

&u demeurant, ce qui rel%ve avec le plus d’évidence * quel degré les signes du monde e#térieurenferment d’autres mondes possibles, insoupDonnés qui nous invitent * les dévoiler et * lesinterpréter, c’est le regard que nous avons mené sur la mer de (roust et de Le )lé'io. !t nous pouvons dire que c’est le penser, la contemplation, la quête et une certaine découverte qui fontresurgir les essences de ces signes. &ussi, * l’intérieur de ce processus de « devenir », le su"et etle monde s’entrelacent et « deviennent » sans cesse.

&dina alint1abos est doctorante au département dTétudes franDaises * lT>niversité de Soronto,)anada. Hon domaine de recerce porte sur le roman au U7Ue et au UUe si%cle, et plus particuli%rement sur (roust et Le )lé'io. !lle sT intéresse aussi au nouveau roman, * la proseapr%s $FN, * la création littéraire en tant que processus, * la pilosopie, la psycanalyse, ainsiquT au# téories de la métapore.

#otes$

$&fin de souligner la ricesse des significations cosmogoniques, mytologiques et symboliquesde la mer, "’ai fait appel au Dictionnaire des symboles: mythes, rêves, coutumes, gestes, formes, figures, couleurs, nombres de Qean )V!2&L7!< et &lain +V!!<<&:S.

3 !L!>W!, +illes. Critique et clinique, (aris, Einuit, coll. (arado#e, $5, p. $$.

5 7ci, "’ai recours au concept de livre1« ri'ome » de +illes !L!>W! et Réli# +>&SS&<7, telqu’il est défini dans leur ouvrage Rhiome. !ntroduction, car, disent les auteurs ? « dans un livrecomme dans toute cose, il y a des lignes d’articulation ou de segmentarité, des strates, des

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territorialités; mais aussi des lignes de fuite, des mouvements de déterritorialisation et dedéstratification. » o".cit., p. /

8 !L!>W!, +illes. #roust et les signes, (aris, (resses >niversitaires de Rrance, $G$, p. .

C &:W7!>, idier. Le cor"s de l’$uvre. %ssais "sychanalytiques sur le travail cr&ateur , (aris,+allimard, coll. :<R, $J$, p. 35.

F (<=>HS, Earcel. ' l’ombre des (eunes filles en fleurs, (aris, +allimard, coll. Rolio classique,$JJ, p. 3GF.

G !bidem.

J L! )L-W7=, Qean1Earie +ustave. Le Chercheur d’or , (aris, +allimard, coll. Rolio, $JC, p.$$ .

 !bidem.

$N ans L’origine du drame baroque allemand , notamment, dans la « (réface épistémo1critique », Malter !:Q&E7: e#pose les tOces du cerceur, par une mise en rapport avec letravail du pilosope et de l’artiste, en soulignant que tous les trois s’engagent * « effacer lasimple réalité empirique » ? « le cerceur organise le monde pour le disperser dans le domainede l’idée en le divisant de l’intérieur dans le concept. Hon point commun avec le pilosope,c’est l’intérêt qu’il prend * effacer la simple réalité empirique, et avec l’artiste, la tOce de la présentation. » o".cit., p. 3/

$$ (<=>HS, Earcel. ' l’ombre des (eunes filles en fleurs, (aris, +allimard, coll. Rolio classique,

$JJ, p. 5C8.$3 (<=>HS, Earcel. ' l’ombre des (eunes filles en fleurs, (aris, +allimard, coll. Rolio classique,$JJ, p. 5C8.

$5 !bidem.

$8 !bid., p. 5CF.

$C !L!>W!, +illes. #roust et les signes, (aris, (resses >niversitaires de Rrance, $G$, pp.$3J13.

$F L! )L-W7=, Qean1Earie +ustave. Le Chercheur d’or , (aris, +allimard, coll. Rolio, $JC, p.3$.

$G (<=>HS, Earcel. ' l’ombre des (eunes filles en fleurs, (aris, +allimard, coll. Rolio classique,$JJ, p. 5C8.

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$J L! )L-W7=, Qean1Earie +ustave. Le Chercheur d’or , (aris, +allimard, coll. Rolio, $JC, p.3$ .

$ (<=>HS, Earcel. ' l’ombre des (eunes filles en fleurs, (aris, +allimard, coll. Rolio classique,$JJ, p. 5CG.

3N !bidem.

3$ L! )L-W7=, Qean1Earie +ustave. Le Chercheur d’or , (aris, +allimard, coll. Rolio, $JC, p.3$ .

33 (<=>HS, Earcel. ' l’ombre des (eunes filles en fleurs, (aris, +allimard, coll. Rolio classique,$JJ, p. 5FN.

35 L! )L-W7=, Qean1Earie +ustave. Le Chercheur d’or , (aris, +allimard, coll. Rolio, $JC, p.33N.

38 ans ' l’ombre des (eunes filles en fleur  de Earcel (<=>HS, la métapore filée del’automobile, « capable de convertir en force ascensionnelle sa vitesse ori'ontale est l’embl%medu « décollage » créateur de ergotte qui, grOce * l’écriture, réussit * « prendre son vol » o".cit., p.$3C/ de l’emprise de ses semblables et du monde et, ainsi, de s’en différencier.

3C (<=>HS, Earcel. ' l’ombre des (eunes filles en fleurs, (aris, +allimard, coll. Rolio classique,$JJ, p. 5F$.

3F !bid., p. 5CG.

3G !L!>W!, +illes. #roust et les signes, (aris, (resses >niversitaires de Rrance, $G$, p. $FN.3J (<=>HS, Earcel. ' l’ombre des (eunes filles en fleurs, (aris, +allimard, coll. Rolio classique,$JJ, p. 5CG.

3 !bid. , p. 5F3.

5N L! )L-W7=, Qean1Earie +ustave. Le Chercheur d’or , (aris, +allimard, coll. Rolio, $JC, p.35F.

5$ L! )L-W7=, Qean1Earie +ustave. Le Chercheur d’or , (aris, +allimard, coll. Rolio, $JC, p.

333.53 !bid., p. 335.

55 !bid., pp. 38N18$.

Biblio%ra&'ie $

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&:W7!>, idier. Le cor"s de l’$uvre. %ssais "sychanalytiques sur le travail cr&ateur , (aris,+allimard, coll. :<R, $J$.

!:Q&E7:, Malter. Origine du drame baroque allemand, trad. Hibylle Euller, (aris,Rlammarion, $JC.

)V!2&L7!<, Qean et &lain +V!!<<&:S. Dictionnaire des symboles: mythes, rêves,coutumes, gestes, formes, figures, couleurs, nombres , (aris, Hegers, $GC.

!L!>W!, +illes. Critique et clinique, (aris, Einuit, coll. (arado#e, $5.

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