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Paciol i N° 384 IPCF-BIBF / 28 avril-11 mai 20141
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IPCF | Institut Professionnel des Comptables et Fiscalistes agréés
SOMMAIRE
p. 1/ Tantièmes sous la loupep. 4/ Sécurisez vos relations avec vos clients :
la lettre de mission vous y aiderap. 7/ (R)EVOLUTION : le comptable(-fiscaliste)
devient le coach des entrepreneurs
Tantièmes sous la loupeLorsque l’assemblée générale approuve les comptes an-nuels, elle doit également donner une affectation au résul-tat. Le bénéfice peut être intégralement réservé ou être distribué en totalité ou en partie sous forme de dividende aux actionnaires ou aux associés, ou encore en tant que tantième au gérant ou aux administrateurs. Dans la pré-sente contribution, nous aborderons les règles applicables aux tantièmes sur le plan légal, comptable et (para)fiscal.
Règles en matière de droit des sociétés
La décision d’accorder un tantième incombe à l’assemblée
générale qui approuve les comptes annuels et donne une
affectation au bénéfi ce. Une majorité simple des voix est
donc suffi sante.
Comme c’est le cas du dividende, le tantième est unique-
ment admis dans la mesure où il y a un bénéfi ce distri-
buable. Cela signifi e qu’aucun tantième ne peut être dis-
tribué si à la date de la clôture du dernier exercice l’actif
net est, ou deviendrait à la suite de l’octroi du tantième et
d’un éventuel dividende, inférieur au montant du capital
libéré ou, s’il est plus élevé, du capital appelé, augmenté de
toutes les réserves que la loi ou les statuts ne permettent
pas de distribuer1. L’actif net ne comprend pas le montant
non encore amorti des frais d’établissement, ni, sauf cas
exceptionnels à mentionner et à justifi er dans l’annexe
aux comptes annuels, le montant non encore amorti des
frais de recherche et de développement. La présente limi-
tation du bénéfi ce distribuable n’est pas applicable aux
sociétés à la personnalité juridique dite ‘imparfaite’ (SNC,
société en commandite simple et SCRI).
Alors que le dividende doit normalement être partagé
entre les actionnaires proportionnellement au nombre
1 Art. 320 du Code des sociétés pour la SPRL, art. 617 du Code des
Sociétés pour la SA et la société en commandite par actions et art. 429
pour la SCRL.
d’actions dont ils sont porteurs, il n’existe aucune pres-
cription en matière de partage d’un tantième. Il est par
conséquent, en principe, possible d’accorder un tantième
à un gérant et pas à un autre2.
Traitement comptable
L’octroi d’un tantième est comptabilisé comme suit :
695 Administrateurs ou gérants
472 Tantièmes de l’exercice
453 Précompte retenu à verser
Déductibilité fi scale pour la société
Principe
Contrairement à la distribution de bénéfi ce sous forme de di-
vidende, la distribution de bénéfi ce sous forme de tantième
est en principe déductible pour la société. Il n’existe toute-
fois aucun consensus dans la jurisprudence concernant la
question de savoir si la déductibilité peut être confrontée
aux conditions à remplir pour la déduction de frais profes-
sionnels, reprises à l’art. 49 CIR 1992, et plus particuliè-
rement à la condition stipulant que les frais doivent avoir
été faits ou supportés en vue d’acquérir ou de conserver
des revenus imposables. Dans la pratique, cette question
sera surtout pertinente pour les tantièmes accordés à une
autre société. Le fi sc ne remet normalement pas la déduc-
tion d’un tantième par la personne physique en question3.
2 Ne perdez pas de vue que si, comme le prétend le fi sc, la déductibilité
fi scale d’un tantième (à une société) doit être confrontée à l’article 49
CIR 1992 (voir plus loin), la société doit pouvoir justifi er, dans un
pareil cas, pourquoi tel gérant ou administrateur a reçu un tantième
et tel autre non, d’autant plus si par exemple le gérant ou l’adminis-
trateur qui se voit accorder le tantième est une société et le gérant ou
l’administrateur qui n’en reçoit aucun est une personne physique.
3 Pour certains, le tantième accordé à une personne physique est tou-
jours déductible étant donné que l’article 195 § 1CIR 1992 stipule que
les rémunérations des dirigeants d’entreprises ainsi que les charges
connexes de celles-ci sont considérées comme des frais professionnels.
Seules des personnes physiques sont des ‘dirigeants d’entreprise’
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Certains défendent la position selon laquelle le tantième
est déductible de façon illimitée, même lorsqu’il est payé à
une société. Ils argumentent qu’un tantième est une dis-
tribution de bénéfi ce et qu’il ne constitue, en aucun cas, à
ce titre, une indemnisation directe des prestations four-
nies par le gérant ou l’administrateur. En effet, aucun
tantième ne pourra être accordé si malgré ces prestations
l’entreprise ne dégage aucun bénéfi ce, et à l’inverse, un
tantième plus important pourra également être accordé
si le bénéfi ce de la société a progressé, sans que le travail
fourni par les gérants ou administrateurs (à proportions
égales) ait augmenté4.
La position contraire se réfère au Rapport au Roi précé-
dant l’arrêté royal du 20 décembre 1996, qui annonçait
que la déduction de rétributions allouées à des sociétés en
rémunération d’un mandat d’administration ou de ges-
tion serait confrontée plus strictement aux conditions de
l’article 49 CIR 1992.
La jurisprudence concernant cette question est excessive-
ment limitée. Le tribunal de première instance de Namur
s’est prononcé sur la question il y a quelques années5 et
la Cour d’Appel de Liège a également rendu récemment
une décision en la matière6. Dans les deux affaires, le
juge a estimé que les conditions de l’article 49 CIR 1992
sont bien effectivement applicables au tantième accordé
à une société, mais le résultat des deux affaires était
pourtant différent parce que ces conditions n’ont pas été
interprétées de la même manière par les juges. Dans la
première affaire, le fi sc avait refusé la déduction d’un
tantième au motif que la société qui avait reçu le tantième
n’avait établi aucune facture détaillée y afférente, et le
tribunal lui donna raison. La société qui avait accordé le
tantième n’avait pas prouvé quelles prestations la société
administratrice avait consenties en contrepartie. Dans
la deuxième affaire, le juge estima que la confrontation
aux conditions de l’article 49 CIR 1992 ne signifi ait pas
qu’il faille prouver que des prestations supplémentaires
avaient été effectuées en échange du tantième. Le tan-
tième ne peut être accordé que si la société administrée
fait des bénéfi ces et que ces bénéfi ces proviennent à leur
tour de la bonne gestion de sa société administratrice.
Ceci prouve à suffi sance, pour la Cour d’Appel, que le tan-
tième est un frais fait ou supporté en vue d’acquérir ou de
conserver des revenus imposables.
(voir article 32 CIR 1992). Ce qui ne signifi e toutefois pas pour
autant, à notre avis, que la déduction ne doive plus être confrontée
aux conditions de l’article 49 CIR 1992.
4 Luc HERVE, ‘Emoluments et tantièmes. De quelques considérations au regard de l’applicabilité de l’article 49 du C.I.R./92 aux émoluments et tantièmes alloués à une société/administrateur’ dans Pacioli, 2001,
n° 104
5 Tb. Namur, 28.01.2009
6 Liège, 30.10.2013
Quand peut-on déduire ?
Un tantième n’est par défi nition accordé qu’après la date
du bilan de l’exercice d’où provient le tantième. Ainsi,
pour un tantième provenant de l’exercice 2013, il s’agira
de l’assemblée annuelle se réunissant au cours du pre-
mier semestre de 2014. Le tantième sera néanmoins
encore traité, sur le plan comptable, dans les comptes
annuels de l’année écoulée, de la même manière qu’une
affectation de bénéfi ces aux réserves ou qu’une distri-
bution de dividende, et sera donc aussi déductible pour
l’année écoulée7.
L’avantage fi scal qui en résulte consiste à permettre en-
core un réajustement du résultat imposable de la société
après la date du bilan, et plus particulièrement si le résul-
tat se révèle fi nalement plus élevé que prévu.
Vous remarquerez que le tantième ne doit pas être men-
tionné sur une fi che 281.20 pour l’année de la déduction
par la société mais seulement pour l’année au cours de
laquelle le tantième est imposable pour le gérant ou l’ad-
ministrateur, donc normalement seulement une année
plus tard8.
Impact sur la déductibilité des primes pour une assurance-pension
Les primes pour une assurance-groupe ou une assurance-
vie individuelle (engagement individuel de pension) qui
sont versées par la société afi n de constituer une pension
complémentaire pour le dirigeant d’entreprise, ne sont
déductibles que pour autant que le plafond de 80 % ne soit
pas dépassé. Ce plafond de 80 % est calculé sur la rému-
nération annuelle brute normale9 qui doit en outre être
payée régulièrement et au moins tous les mois ou accordée
avant la fi n de la période imposable au cours de laquelle
les activités rémunérées y donnant lieu ont été effectuées
et pour autant qu’elles soient imputées au résultat de cette
période par la société10. Le tantième qui n’est pas au moins
payé ou accordé chaque mois n’intervient par conséquent
pas dans le calcul du plafond des 80 %. Si le dirigeant d’en-
treprise reçoit uniquement des tantièmes à titre de rému-
nération, aucune prime versée à une assurance-pension
n’est par conséquent déductible pour la société.
Utiliser le tantième afi n de conserver le taux réduit dans l’impôt des sociétés
Le tantième est pris en compte en tant que rémunéra-
tion pour le taux réduit de l’impôt des sociétés. L’octroi
7 Questions et Réponses, Chambre, 1999-2000, n° 34, p. 3940-3941
(Question n° 163, Van de Casteele, 17 décembre 1999).
8 Voir ‘Avis aux employeurs et débiteurs de revenus soumis au pré-
compte professionnel’
9 Art. 52, 3° b et 59 CIR 1992
10 Art. 195 CIR 1992
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d’un tantième permet éventuellement aussi de conserver
le taux réduit de l’impôt des sociétés si, au cours de l’exer-
cice, la société n’a pas accordé suffi samment de rémuné-
rations ‘ordinaires’ pour répondre à la règle de la rému-
nération minimale.
Exemple
Une SPRL a dégagé, en 2013, un bénéfi ce imposable de
30.000 euros et payé à son gérant un salaire annuel brut
de 24.000 euros. La société est donc exclue du taux réduit
étant donné qu’elle n’a pas accordé, à au moins un diri-
geant d’entreprise, une rémunération au moins égale au
bénéfi ce imposable de la société. Si l’assemblée générale
accorde par exemple en mai 2014 un tantième de 6.000
euros à son gérant, la condition de rémunération mini-
male sera alors remplie et la société ne sera plus exclue
du taux réduit (bien entendu uniquement pour autant
que les autres conditions soient également remplies).
L’économie qui aura ainsi pu être réalisée au niveau de
l’impôt des sociétés, devra néanmoins être soigneuse-
ment analysée au regard de l’impôt des personnes phy-
siques et des cotisations sociales supplémentaires sur le
tantième. Si le gérant ou l’administrateur est redevable, à
titre privé, de contributions et de cotisations sociales sur
le tantième supérieur à la réduction ainsi générée par la
société au niveau de son impôt des sociétés, cela ne sera
bien sûr pas une bonne idée de reprendre ce tantième.
Imposabilité fi scale auprès du gérant ou de l’administrateur
Le gérant ou l’administrateur est une personne physique
Pour le gérant ou l’administrateur personne physique, le
tantième est une rémunération de dirigeant d’entreprise.
Le tantième vient par conséquent s’ajouter à sa rému-
nération normale et est ensuite soumis, déduction faite
des cotisations sociales et des frais professionnels for-
faitaires ou éventuellement réels sur l’ensemble, au taux
progressif ordinaire de l’impôt des personnes physiques.
Comme toutes les rémunérations de dirigeant d’entre-
prise, le tantième est imposable au cours de la période
imposable au cours de laquelle il a été payé ou accordé,
quelle que soit l’année au cours de laquelle ces rémuné-
rations ou tantièmes ont été déduits en tant que charges
professionnelles par la société distributrice11.
Exemple : une SPRL n’a pas un exercice habituel (équiva-
lant à une année civile) et tient son assemblée annuelle
11 Art. 204, 3°, b) AR/CIR 1992, et Questions et Réponses, Chambre,
1999-2000, n° 34, pages 3940-3941 (Question n° 163, Van de Casteele,
17 décembre 1999).
pour l’exercice 2013 en mai 2014. Si l’assemblée générale
décide d’accorder un tantième aux gérants, il sera encore
déductible par la SPRL pour l’exercice 2013, alors qu’il
ne sera considéré comme un revenu imposable pour le
gérant que pour l’année de revenus 2014.
La société qui accorde le tantième doit retenir un pré-
compte professionnel sur le tantième. Le précompte pro-
fessionnel doit être calculé selon les règles applicables
aux rémunérations payées autrement que chaque mois.
Le tantième doit également être repris sur une fi che
281.20, comme indiqué précédemment, et ce, pour l’an-
née au cours de laquelle le tantième est imposable et non
pour l’année où il a été déduit par la société.
Le gérant ou l’administrateur est une société
Pour le gérant ou l’administrateur qui est une société, le
tantième est un bénéfi ce imposable ordinaire. Ce bénéfi ce
est imposable dès que la société gérante ou administra-
trice détient une créance certaine et liquide sur la société
qui accorde le tantième, c’est-à-dire, en principe, à la date
de l’octroi du tantième à la société administratrice par
l’assemblée générale12.
Cotisations sociales
Le gérant ou l’administrateur doit payer des cotisations
sociales sur le tantième, comme s’il s’agissait d’une ré-
munération ordinaire. On remarquera que cela ne sera
plus le cas, à partir de 2015, à la suite de la réforme du
régime des cotisations sociales, pour le tantième accordé
en 2014. La raison est qu’à partir de 2015 les cotisations
sociales défi nitives seront calculées sur les revenus im-
posables de l’année proprement dite et non plus, comme
c’est actuellement le cas, sur les revenus de trois ans au-
paravant. Les rémunérations de l’année de revenus 2014
serviront toutefois encore de revenu de référence pour
le calcul des cotisations anticipées de 2017, mais plus
pour le calcul des cotisations défi nitives de cette année.
Pour autant que cela soit (encore) possible, il est donc
à conseillé de prendre un important tantième cette an-
née. N’oubliez toutefois pas de tenir compte du fait que
le tantième sera imposable de façon ordinaire à l’ l’impôt
des personnes physiques pour l’année de revenus 2014
(année d’imposition 2015).
Felix VANDEN HEEDEJuriste-Fiscaliste
12 Gand, 08.05.2012
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Sécurisez vos relations avec vos clients : la lettre de mission vous y aidera
Une lettre de mission est un contrat écrit liant un profes-
sionnel du chiffre (ou son cabinet) à son client, indépen-
dant en personne physique ou en société.1 L’objet de cette
lettre de mission est de réaliser des missions de toutes
natures. Elle renseigne sur les modalités d’intervention,
le contenu de la mission du professionnel du chiffre et les
obligations des parties au contrat.
Les relations entre le professionnel du chiffre et son client
doivent être claires, précises et transparentes. C’est la rai-
son pour laquelle l’I.P.C.F. oblige ses membres de signer
une telle lettre avec leurs clients.
Depuis le 1er décembre 2013, lors de l’entrée en vigueur
du nouveau Code de déontologie des comptables(-fi sca-
listes) agréés, il est obligatoire de rédiger préalablement
une lettre de mission.
Article 11. §1. Le comptable IPCF externe et son client doivent établir une « lettre de mission » préalablement à l’exécution de toute prestation. Cette lettre de mission doit préciser de manière équilibrée les droits et devoirs réci-proques du client et du comptable IPCF. Le cas échéant, la lettre de mission prévoit des dispositions claires et équi-librées concernant la limitation de la responsabilité du comptable IPCF externe. La lettre de mission doit égale-ment renseigner le calcul des honoraires et les délais qui doivent être respectés.
La « lettre de mission » ne peut contenir des clauses d’in-demnités et/ou des délais de résiliation exorbitants en cas d’interruption de la mission. Cette « lettre de mission » est établie et signée en autant d’exemplaires qu’il y a de par-ties. Chaque partie recevra un exemplaire
Pour les clients pour lesquels le comptable IPCF externe fournissait déjà préalablement des prestations avant l’en-trée en vigueur de cette disposition sans qu’une lettre de mission n’ait été rédigée, le comptable IPCF externe dis-pose d’un délai de 24 mois à compter de l’entrée en vigueur de cette disposition pour rédiger une lettre de mission conforme à cet article.
1 Il s’agit en fait d’un contrat synallagmatique par lequel les parties
s’obligent réciproquement l’une envers l’autre.
Pourquoi ne pas se contenter tout simplement de conditions générales de vente au dos des factures ?
La raison en est toute simple. Des conditions générales
de vente au dos des factures témoignent dans ce contexte
de prestations de services, d’une attitude peu commer-
ciale et d’un manque de transparence, car ces conditions
ne seront en principe connues qu’avec la réception de la
première facture. Une méconnaissance préalable de ces
conditions peut constituer une source de contestation
d’honoraires avec toutes les conséquences qui en dé-
coulent sur l’avenir des relations entre les deux parties.
A éviter donc !
Au contraire, la lettre de mission facilitera le respect de
différentes obligations concernant :
– l’identifi cation des clients ;
– la désignation d’un représentant-personne physique
agréé au sein du cabinet comptable comme titulaire du
dossier et par conséquent, responsable disciplinaire-
ment des actes comptables posés pour le client ;
– l’assurance responsabilité civile professionnelle.
Vu la complexité du renouvellement d’un bail com-
mercial, il faut remarquer qu’un sinistre causé en la ma-
tière ne sera couvert par la compagnie d’assurance que si
cette tâche avait été spécifi quement mentionnée dans la
lettre de mission.
Contenu de la lettre de mission
La lettre de mission est d’une importance capitale pour
le professionnel du chiffre car elle permet de cerner la
mission qui lui est confi ée. L’expérience démontre en effet
que la signature d’une lettre de mission est susceptible
d’éliminer beaucoup de problèmes et de limiter les risques
de contentieux.
Sa mission sera de défi nir :
– Qui fait quoi ?
– Dans quel délai ?
– À quel prix ?
Lorsque des documents contractuels existent, « la volonté
des parties » peut être clairement identifi ée. Ces docu-
ments contractuels doivent dès lors être établis avec pré-
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cision, en tenant compte de toutes les circonstances per-
tinentes de la relation nouée avec le client.
La relation entre un professionnel du chiffre et son client
est de nature contractuelle. Les conventions légalement
formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. En
cas de litige portant sur l’exécution d’un contrat, il est es-
sentiel de pouvoir constater ce que les parties ont exacte-
ment convenu. Toutefois, la rédaction d’une lettre de mis-
sion formelle est déontologiquement exigée. La lettre de
mission doit fi xer par écrit les obligations contractuelles
réciproques et régler au minimum les quatre points sui-
vants :
– l’identifi cation du client ;
– les droits et devoirs réciproques du client et du profes-
sionnel du chiffre ;
– les règles d’évaluation des honoraires ;
– les délais à respecter (remise de documents, déclara-
tions, …).
Cette lettre de mission peut évidemment être adaptée
selon les souhaits spécifi ques des parties contractantes,
et elle sera rédigée en autant d’exemplaires qu’il y a de
parties. Accessoirement, il peut être judicieux de prévoir
une clause de médiation, ce qu’on appelle en jargon de
métier un « M.A.R.C. » (Mode Alternatif de Règlement des
Confl its).
Un exemple modulable d’une telle lettre de mission se
trouve sur le site internet de l’Institut (www.ipcf.be, ru-
brique « membres et stagiaires/profession/lettre de mis-
sion »).
Quelques conseils.
– La lettre de mission ne doit être signée qu’une seule
fois par le client, sauf en cas d’avenants.
– En cas de développement de missions particulières à la
demande d’un client, une lettre de mission spécifi que
pourra être élaborée (en cas de cession ou de reprise
d’une activité, …).
– La notion de service est intangible. Ce n’est pas comme
un bien qu’on peut toucher, voir, … La lettre de mis-
sion doit rendre concret ce qui ne l’est pas à première
vue !
– Il est important d’insister sur les droits et obligations
des deux parties en veillant à un équilibre entre les
intervenants. S’il existe un déséquilibre entre les pres-
tations de l’une ou de l’autre partie, la voie est alors
ouverte au confl it à un moment ou à un autre.
– Les tribunaux jugeront de l’équilibre entre les droits
et obligations. Ainsi, lorsqu’un professionnel décide de
mettre fi n à la convention qui le lie à son client à la
suite d’une carence de ce dernier, il devra néanmoins le
prévenir si des actes juridiques urgents et nécessaires
doivent encore être effectués.
– En cas de suspension de l’exécution des obligations,
si des actes juridiques urgents et nécessaires pour la
sauvegarde des droits du client doivent être effectués,
le professionnel comptable se doit de le signaler au
client pour autant qu’il en ait reçu au préalable la mis-
sion.
L’identifi cation du client
Cela va sans dire, mais cela va encore mieux en le disant.
Le professionnel doit savoir pour qui il va travailler. Sur-
tout dans le contexte sécuritaire imposé par la réglemen-
tation anti-blanchiment.
Le client sera soit un indépendant (commerçant ou titu-
laire d’une profession libérale), soit une société.
S’il est indépendant :
– il faudra compléter les fi ches anti-blanchiment (voir
www.ipcf.be) ;
– il faut noter ses numéros de téléphone, de portable, de
fax, son adresse courriel et l’URL ;
– prendre connaissance de son régime matrimonial (ré-
gime légal ou autre) ;
– noter son numéro de T.V.A. et le numéro d’entreprise.
S’il s’agit d’une société :
– il faudra compléter les fi ches anti-blanchiment (voir
www.ipcf.be) ;
– prendre connaissance de la dénomination de la société
et de sa forme juridique ;
– identifi er le(s) gérant(s), les administrateurs, l’admi-
nistrateur-délégué (selon la forme juridique de la so-
ciété), les associés, … ;
– noter l’adresse du siège social et celle du siège d’exploi-
tation ;
– prendre connaissance du régime matrimonial (régime
légal ou autre) du (des) gérant(s) ;
– noter les numéros de téléphone, de portable, de fax,
l’adresse courriel et l’URL ;
– noter le numéro de T.V.A. et le numéro d’entreprise ;
– consulter le Moniteur Belge pour une vérifi cation des
données et en faire une copie.
Les droits et devoirs réciproques du client et du professionnel du chiffre
Dans la lettre de mission, le mandant (le client) déclare
confi er au professionnel qui accepte, les missions énumé-
rées ci-après (à titre d’exemple) :
– la tenue de la comptabilité ;
– l’établissement du compte de résultats et du bilan ;
– la rédaction des comptes annuels internes détaillés,
la préparation de l’assemblée annuelle, le dépôt des
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comptes annuels, y compris le paiement (attention au
respect des délais) ;
– l’accomplissement de toute une série de formalités fi s-
cales et administratives, à savoir :
• l’établissement des déclarations de T.V.A. ;
• l’établissement des déclarations d’impôts via
tax-on-web (T.O.W.) pour l’impôt des personnes
physiques et Biztax pour l’impôt des sociétés.
Précisons au passage qu’à partir de l’exercice
d’imposition 2012, il sera possible d’introduire
via cette application les déclarations à l’impôt des
personnes morales et à l’impôt des non-résidents/
sociétés ;
• l’accomplissement de toutes les obligations adminis-
tratives qui en découlent, tels les fi ches et les lis-
tings ;
• le calcul provisoire de l’impôt ;
• le suivi des paiements des versements anticipés
d’impôts ;
• répondre aux demandes d’informations et aux avis
de rectifi cation émanant de l’Administration ;
• introduire les réclamations éventuelles ;
– assurer la gestion et la défense des intérêts fi scaux du
client contribuable ;
– assister le client dans le cadre de ses obligations fi s-
cales ;
– fournir des conseils en gestion au client (personne
physique ou société) et entre autres, proposer à ce der-
nier la comptabilité en partie double pour une meil-
leure visibilité.
Tout professionnel soucieux de l’intérêt de son client
exerçant en personne physique et faisant preuve d’une
certaine expertise dans sa profession, proposera toujours
la tenue d’une comptabilité en partie double. Cette pra-
tique aura dorénavant pour corollaire l’obligation pour le client de signaler à son comptable toute diffi culté qu’il
éprouve dans le cadre de la gestion de son activité profes-
sionnelle (dès l’impossibilité de faire face à une échéance
de paiement vis-à- vis de l’ONSS, de la TVA, du Pr. P, ...).
Cette obligation d’information, qui sera imposée au client
par le biais de la lettre de mission, présente un rapport
étroit avec la LCE (Loi sur la Continuité des Entreprises).
Il faut savoir qu’un défaut de paiement d’un trimestre
dans le chef d’un client, représente déjà, aux yeux de
cette législation, un clignotant signifi catif imposant au
comptable d’attirer par écrit l’attention de son client
qu’il se doit de prendre des mesures importantes pour
résoudre cette anomalie. Cet écrit constitue le seul moyen
de détenir une preuve probante d’information (art. 10 et
12 LCE).
En effet, sans réaction opportune, le client pourrait être
contraint de déposer une requête en réorganisation ju-
diciaire voire de faire un aveu de faillite si la situation
aurait été sous-estimée, voire déjà totalement gangrénée.
Il en va également d’une mesure préventive à prendre par
le comptable en vue de se prémunir d’une mise en cause
de responsabilité.
Si la rédaction de la lettre de mission entre parties
est devenue irrévocablement une obligation dans le
chef des membres et stagiaires IPCF à compter du
01/12/2013, date d’entrée en vigueur du nouvel AR du
22/10/2013 (M.B. 21/11/2013) portant approbation du
Code de Déontologie de l’IPCF, elle emporte également
le respect de la loi anti-blanchiment dans le cadre de
l’obligation d’identifi cation du client. Signalons au passage qu’il existe une période de 2 ans (jusqu’au 30/11/2015) pour régulariser la situation à l’égard des anciens clients.
En effet, cette nouvelle mouture de la déontologie impose
également l’obligation de disposer d’un dossier perma-
nent au sein duquel fi gureront notamment, outre une
copie de la lettre de mission, les données dont la conser-
vation est imposée par la législation anti-blanchiment2.
Conclusion
La lettre de mission constitue donc une plus-value et une
marque de professionnalisme de la part des profession-
nels du chiffre et présente l’avantage de défi nir claire-
ment les engagements et les attentes réciproques de
chacune des parties. Elle représente également un outil
précieux quand les relations entre les parties prennent
une tournure diffi cile et permet d’éviter ainsi d’inutiles
confl its.
Jean-Marie CONTERComptable-fiscaliste agréé – Président de l’IPCF
2 Un modèle adapté de lettre de mission sera normalement disponible dans le courant du mois de mai 2014 sur www.ipcf.be.
Paciol i N° 384 IPCF-BIBF / 28 avril-11 mai 20147
(R)EVOLUTION : le comptable(-fi scaliste) devient le coach des entrepreneurs
C’est le thème que l’IPCF a choisi de développer à l’occa-sion de la tenue du Salon Entreprendre ces 19 et 20 mars 2014 dont l’Institut est, soit dit en passant, un partenaire assidu. Une table ronde1 sur ce sujet a d’ailleurs permis de révéler des idées intéressantes dont nous voulions faire part à nos lecteurs.
Si le terme « évolution » peut parfois s’envisager comme
une avancée linéaire sans secousse particulière, le terme
« révolution » s’accompagne d’offi ce de bon nombre d’ef-
fets collatéraux.
C’est ainsi que si les années à venir s’appréhendaient
d’abord comme une période d’évolutions informatiques
1 Etaient présents : E. DE PUE, Directeur général ASA, O. KAHN,
Conseil en stratégie, O. MURRU, professionnel du chiffre au Luxem-
bourg, K. VANDERWAEREN, M&S Directeur, BU Tax & Accounting
- Kluwer, X. SCHRAEPEN, Vice-Président IPCF et J.-M. CONTER,
Président IPCF et modérateur.
et techniques propres à faciliter le travail quotidien du
comptable, au vu du développement des nouveautés in-
cessantes et du « tout automatisé », le futur est désormais
à percevoir comme un tsunami en termes de révolution.
L’utilisation de la facturation électronique augmente
sans arrêt. Sur un milliard de factures rédigées en Bel-
gique, 33 % sont envoyées par voie électronique. Dans 6
à 7% des cas, nous pouvons parler de « vraie facture élec-
tronique »2. On doit s’attendre encore à une forte crois-
sance de cette tendance pour 2014. Cela signifi e indu-
bitablement une évolution dans le rôle et la mission du
comptable(-fi scaliste) : comme nous le pressentions il y a
1 ou 2 ans déjà, « l’aligneur de chiffres » fait place à un
véritable consultant.
Le comptable doit apprendre à changer, il doit s’adapter,
évoluer. Il doit apprendre au client à utiliser sa compta-
bilité comme un véritable outil prévisionnel et à faire des
tableaux de bord pour mieux gérer son entreprise.
Concrètement, de quoi s’agit-il ? Tout simplement, le
comptable(-fi scaliste) doit écouter les besoins de ses
clients et les conseiller au mieux. Il ne s’agit pas de se
limiter aux matières fi scales ou comptables, il faut éga-
lement donner des conseils en gestion d’entreprise par
l’entremise des tableaux de bord cités ci-dessus.
Comment atteindre cet objectif ? Par la lecture d’ouvrages
spécialisés, l’utilisation d’Excel pour la confection des
tableaux de bord qui vous aideront à discuter avec vos
2 Pour plus d’informations sur la facture électronique, nous renvoyons
les lecteurs à l’article publié dans le Pacioli n° 378 (3-16 février 2014).
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Aucun extrait de cette publication ne peut être reproduit, introduit dans un système de récupération ou transféré électroniquement, mécaniquement, au moyen de photocopies ou sous toute autre forme, sans autorisation préalable écrite de l’éditeur. La rédaction veille à la fiabilité des informations publiées, lesquelles ne pourraient toutefois engager sa responsabilité. Editeur responsable : Jean-Marie CONTER, IPCF – av. Legrand 45, 1050 Bruxelles, Tél. 02/626.03.80, Fax. 02/626.03.90 e-mail : [email protected], URL : http://www.ipcf.be Rédaction : Jean-Marie CONTER, Gaëtan HANOT, Geert LENAERTS, Xavier SCHRAEPEN, Chantal DEMOOR. Comité scientifique : Professeur P. MICHEL, Professeur Emérite de Finance, Université de Liège, Professeur C. LEFEBVRE, Katholieke Universiteit Leuven. Réalisée en collaboration avec kluwer – www.kluwer.be
clients sur base d’un document, l’utilisation de matrices
qui les aideront à prendre une décision en matière d’in-
vestissement, d’options stratégiques, … Et surtout : pri-
vilégiez le travail en réseau ! Développez-le continuelle-
ment ! Les réglementations deviennent chaque jour plus
complexes. Un grand effort d’adaptation est nécessaire
pour rester dans la course sous peine de disparaître au
même titre que les dinosaures ! C’est un énorme défi . Mais
ce défi , vous devez à tout prix le remporter pour vous et
pour vos clients. Veillez tout particulièrement à ce que
votre réseau soit bien étoffé pour vous permettre d’accom-
pagner vos clients de la façon la plus effi cace possible.
La notion de marketing ne doit sûrement pas faire peur
au professionnel du chiffre. Choisissez un segment d’ac-
tivité dans lequel vous vous spécialiserez ! Vous devez
vous distinguer de vos concurrents pour acquérir de
nouveaux clients.
Mais si cette évolution est utile, voire fondamentale, elle
n’est cependant plus suffi sante. La révolution du métier
implique en plus pour le comptable de devenir un véri-
table consultant, un coach qui, ayant déjà tissé des liens
de confi ance avec son client dont il connaît les points
forts et les points faibles, peut désormais l’aider à les cor-
riger par des conseils en gestion dûment ciblés.
Le comptable doit donc impérativement passer de l’ana-
lyse passive au conseil stratégique actif. Le réseau évo-
qué ci-avant l’y aidera. Le comptable doit révolutionner
sa prise en charge du client pour mieux l’encadrer et
pérenniser leur relation de confi ance.
Dès lors, le comptable(-fi scaliste) sera toujours là demain,
à condition d’accepter de se positionner autrement dans
sa relation avec sa clientèle.
Le défi dont nous parlions supra ne doit pas être consi-
déré comme un handicap, mais plutôt comme une chance
à saisir. L’IPCF ne manquera pas de vous aider et de vous
accompagner en la matière.
Gaëtan HANOTResponsable des publications – Secrétaire de rédaction du
Pacioli