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ÉTATS-UNIS. UNE INJUSTICE À RÉPARER IL FAUT PRENDRE UNE DÉCISION CONCERNANT GUANTÁNAMO - EXTRAITS

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ÉTATS-UNIS. UNE INJUSTICE À RÉPARER IL FAUT PRENDRE UNE DÉCISION CONCERNANT GUANTÁNAMO - EXTRAITS

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© Amnesty International 2021 Sauf exception dûment mentionnée, ce document est sous licence Creative Commons : Attribution-NonCommercial-NoDerivatives-International 4.0. https://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/legalcode Pour plus d’informations, veuillez consulter la page relative aux autorisations sur notre site : www.amnesty.org/fr. Lorsqu’une entité autre qu’Amnesty International est détentrice du copyright, le matériel n’est pas sous licence Creative Commons.

Photo de couverture : Cette photo diffusée le 18 janvier 2002 par le ministère américain de la Défense montre un détenu du Camp X-Ray, centre de détention provisoire créé au sein de la base navale de Guantánamo (Cuba), escorté jusqu’à sa cellule par deux membres de la police militaire de l’armée des États-Unis, le 11 janvier 2002. © Photo : -/DOD / US NAVY/AFP via Getty Images)

L’édition originale en langue anglaise de cet ouvrage a été publiée en janvier 2021 par Amnesty International, Peter Benenson House, 1 Easton Street, Londres WC1X 0DW, Royaume-Uni

AMR 51/3474/2021 - EXTRAITS Janvier 2021 L’édition originale a été publiée en langue anglaise.

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RÉSUMÉ

Ce rapport est consacré au centre de détention aménagé au sein de la base navale américaine de Guantánamo, qui entre dans sa 20e année d’existence au moment où un nouveau président s’apprête à entrer à la Maison Blanche, devenant ainsi son quatrième locataire depuis l’ouverture de cette prison. Chacun de ses trois prédécesseurs a abordé la question à l’aune de ses choix politiques. Mais si la politique officielle est passée de « trouver un centre de détention et le remplir » à « examiner les cas des détenus et fermer la prison », puis à « on la laisse ouverte et on la prépare pour accueillir davantage de détenus », la question taboue a toujours été celle du droit international relatif aux droits humains, passé sous silence au nom d’un « droit de la guerre » défendu par tous les gouvernements des 19 dernières années. S’exprimant lors de la Conférence de Munich sur la sécurité en 2009, Joe Biden, alors vice-président des États-Unis, avait déclaré : « Nous respecterons les droits de ceux que nous traduisons en justice. Et nous fermerons le centre de détention de Guantánamo. » Il a souligné que « les traités et les organisations internationales que nous construisons doivent être crédibles et ils doivent être efficaces ». Presque 12 ans plus tard, alors qu’il s’apprête à accéder à la présidence des États-Unis, l’occasion lui est offerte de se montrer à la hauteur de ses propos. Il doit la saisir. Un regain d’énergie et un sens renouvelé de l’urgence sont nécessaires, ainsi qu’une volonté réelle de servir la vérité, l’obligation de rendre des comptes et le principe du droit au recours, tout en reconnaissant que cette situation ne peut plus durer. Même si elle a réduit le nombre de personnes détenues à Guantánamo, l’administration Obama a laissé le sort des hommes qui étaient encore emprisonnés sur la base s’engluer dans la bureaucratie et la politique partisane. Et bien que les choses aient changé depuis l’époque où le président Bush déclarait que les allégations de mauvais traitements étaient proférées par des gens « qui ne savent pas de quoi ils parlent »1, l’obligation de rendre des comptes pour les violations des droits humains commises n’a pas non plus été honorée par Barack Obama, qui affirmait : c’est vrai « nous avons torturé des gens », mais il faut passer à autre chose2.Celui qui a terminé son mandat à la Maison Blanche en disant que le centre de détention de Guantánamo « n’aurait jamais dû être ouvert au départ »3, l’a pourtant légué à son successeur, qui s’est empressé de réaffirmer le concept selon lequel « les terroristes ne sont pas des criminels comme les autres ; ce sont des combattants ennemis illégaux » et d’ordonner le maintien en activité de cette prison4. Des détenus dont le transfert hors de la base avait été approuvé avant l’arrivée du nouvel occupant de la Maison Blanche se sont même retrouvés bloqués sur place, dans l’impossibilité de quitter Guantánamo. Les sous-chapitres 2.1 et 2.2 proposent un historique de la question, rappelant que les détentions à Guantánamo sont la conséquence de la décision d’inscrire la réponse des États-Unis aux attentats du 11 septembre dans le cadre de la « guerre mondiale contre le terrorisme » et de contourner les protections relatives aux droits humains lors de la collecte de renseignements. Des crimes relevant du droit international, tels que la torture et les disparitions forcées, ont été commis contre des détenus délibérément soustraits à tout contrôle judiciaire dans les centres secrets gérés par l’Agence centrale du renseignement (CIA), dans d’autres pays ou sur la base navale que possèdent les États-Unis sur l’île de Cuba. Plus de la moitié des détenus

1 Conférence de presse du président américain en compagnie d’Hamid Karzai, président de l’Autorité intérimaire afghane (Maison Blanche, 28 janvier 2002). 2 Voir ‘We tortured some folks’, 2 septembre 2014, https://www.amnesty.org/en/documents/AMR51/046/2014/en/ 3 Lettre du président des États-Unis au président de la Chambre des représentants des États-Unis et au président temporaire du Sénat, en date du 19 janvier 2017. 4 Président Donald Trump, Discours sur l’état de l’Union et Décret n°13823 sur la protection de l’Amérique par la détention légale de terroristes, 30 janvier 2018.

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actuellement à Guantánamo sont d’abord passés par le programme de détention de la CIA. Quatre d’entre eux étaient déjà à Guantánamo lorsque la CIA y gérait un « site noir » Le sous-chapitre 2.3 rappelle la riposte de l’administration Bush après l’arrêt de la Cour suprême qui avait invalidé en 2006 la décision du président de l’époque de ne pas appliquer l’article 3 commun aux quatre Conventions de Genève, faisant craindre au sein du gouvernement que des fonctionnaires impliqués dans la détention et l’interrogatoire de suspects ne soient poursuivis pour crimes de guerre. Le résultat a été l’adoption en 2006 de la Loi relative aux commissions militaires, une page sombre de l’histoire du droit. Le président américain a publiquement exploité les cas de détenus diabolisés et soumis à la torture et à la disparition forcée pour pousser le Congrès à adopter sa loi, pour que les prisonniers soient jugés et ceux qui les avaient capturés soient à l’abri des poursuites. La Loi relative aux commissions militaires renforçait l’impunité dont jouissaient les auteur·e·s de violations des droits humains, visait à maintenir les détenus hors de tout contrôle judiciaire, autorisait les procès non équitables devant une commission militaire et constituait un blanc-seing pour de nouvelles disparitions forcées. La Loi relative aux commissions militaires restera une tache dans l’histoire du Congrès américain. Elle continue pourtant d’être prise comme référence pour justifier le maintien en détention, au nom du « droit de la guerre », des prisonniers de Guantánamo5. L’adoption en 2006 de la Loi relative aux commissions militaires a représenté une véritable abdication du corps législatif, qui a renoncé à s’acquitter de son devoir de faire respecter les droits humains. Mais le sous-chapitre 2.4 revient sur une autre mesure adoptée quelques années plus tôt par le Congrès, trois jours après les attentats du 11 septembre. Cette mesure, c’est l’Autorisation de recours à la force armée (AUMF), votée après un débat réduit au minimum et invoquée pour justifier toute une série de violations des droits humains et légitimer aujourd’hui encore la présence de détenus à Guantánamo. Le Congrès a ensuite attendu plus de 10 ans avant de revenir sur le pouvoir de détention qu’il avait a priori accordé au président le 14 septembre 2001. Or, dans la Loi de prérogatives de la défense nationale adoptée en 2012, il conforte les placements en détention au nom du « droit de la guerre » plutôt qu’il ne les remet en question. Le président Obama avait promis en 2013 de collaborer avec le Congrès pour abroger l’AUMF et mettre un terme au « pied de guerre permanent » sur lequel elle plaçait les États-Unis. Pourtant, sept ans et demi plus tard, la situation reste la même. Il a fallu attendre 2008 pour que la Cour suprême des États-Unis, dans l’arrêt Boumediene c. Bush, autorise les détenus de Guantánamo à contester devant les tribunaux fédéraux la légalité de la mesure de privation de liberté les frappant. Ce faisant, la Cour suprême a dû annuler un jugement de 2007 de la Cour d’appel des États-Unis pour le circuit du District de Columbia, qui laissait les détenus sans protection. L’arrêt Boumediene précisait que les détenus avaient « droit à être entendus dans les meilleurs délais dans le cadre d’une procédure en habeas corpus ». Certains attendent toujours de bénéficier d’une telle mesure. Le chapitre 3 est consacré aux décisions prises après l’arrêt Boumediene par la Cour d’appel, ultime recours des détenus souhaitant déposer une requête en habeas corpus en l’absence d’une intervention de la Cour suprême des États-Unis (elle n’est pas intervenue concernant Guantánamo depuis 2008). La Cour d’appel a un peu joué le rôle de barrière bloquant les recours, en particulier depuis une décision qu’elle a prise en 2010 et dans laquelle elle annulait un jugement donnant droit à une requête en habeas corpus. Cette décision a manifestement incité par la suite les juges des tribunaux de district à accepter plus facilement les éléments de preuve sur lesquels l’exécutif entendait fonder le maintien en détention des plaignants. La situation a encore empiré en août 2020 lorsque, comme l’indique le sous-chapitre 3.1, la Cour d’appel a estimé que le droit à un procès équitable garanti par la Constitution américaine ne s’appliquait pas aux détenus, en tant qu’étrangers détenus dans un lieu échappant à la souveraineté territoriale des États-Unis (raisonnement sur lequel était fondé dès le départ le choix de Guantánamo pour y garder les prisonniers). Dans une population de détenus ayant subi de multiples violations des droits humains, les questions de santé se posent inévitablement. Il s’agit de détentions inexorablement liées à de multiples strates de conduite illégale du gouvernement au fil des ans – transferts secrets, interrogatoires au secret, alimentation forcée de grévistes de la faim, torture, disparitions forcées, procès non équitables6. Le chapitre 4 revient sur l’évolution récemment 5 Voir, par ex., Al Hela c. Trump, Cour d’appel des États-Unis pour le circuit du District de Columbia, 20 août 2020 (« Le Congrès a adopté la Loi de prérogatives de la défense nationale (NDAA) de 2012 à la lumière de normes élaborées par les pouvoirs judiciaire et exécutif en vertu de plusieurs lois antérieures relatives à la Guerre contre le terrorisme, notamment l’Autorisation de recours à la force armée (AUMF), la Loi de 2005 relative au traitement des détenus et la Loi relative aux commissions militaires de 2006 et 2009 »). 6 Pour une étude de cas de violations multiples du droit international concernant une personne détenue à Guantánamo, voir le rapport de la Commission interaméricaine des droits de l'homme (CIDH), Report No. 29/20, Case 12.865, Merits Report: Djamel Ameziane; United States of America. Avril 2020, http://www.oas.org/en/iachr/decisions/2020/uspu12865en.pdf et le communiqué de presse l’accompagnant (« Cette

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enregistrée dans le dossier d’un détenu arrivé à Guantánamo un mois après l’ouverture du centre de détention. Mohammed al-Qahtani est surtout connu en tant que victime d’actes de torture et d’autres traitements cruels, inhumains ou dégradants perpétrés dans le cadre d’un « programme spécial d’interrogatoire » mis en place en 2002. Ce ressortissant saoudien a été inculpé de faits passibles de la peine de mort et devait être jugé par une commission militaire, mais les charges pesant contre lui ont été rejetées par le responsable chargé de superviser les commissions, au motif que l’accusé avait été torturé. Aucune des personnes ayant autorisé une telle atteinte au droit international, dont le ministre de la Défense de l’époque, n’a eu à rendre de comptes devant la justice. Ce que l’on sait moins, c’est que Mohammed al-Qahtani souffre de troubles psychologiques diagnostiqués bien avant qu’il n’arrive à Guantánamo. Il présente en outre des séquelles des actes de torture et des autres mauvais traitements dont il a été victime : il souffre d’un syndrome de stress post-traumatique et éprouve une profonde méfiance à l’égard du personnel médical qui travaille au centre de détention, des professionnel·le·s de la santé ayant été impliqué·e·s dans les sévices qui lui ont été infligés. Une juge d’un tribunal de district a donné droit en mars 2020 à une demande visant à ce que Mohammed al-Qahtani soit examiné par une « commission médicale mixte », comme l’autorise la réglementation militaire pour déterminer si un prisonnier est susceptible d’être rapatrié pour raisons de santé. Ce jugement constitue une lueur d’espoir de voir Mohammed al-Qahtani obtenir que son droit à la justice et à un recours soit enfin respecté. Le chapitre 5 du rapport est consacré à un autre type de commission, la commission militaire ajoutée au dispositif par l’administration Bush avant même que Guantánamo ne soit choisi comme lieu de détention. Cette instance devait servir à juger certains étrangers en dehors des règles de la preuve normalement appliquées par les tribunaux fédéraux ordinaires. Elle avait le pouvoir de prononcer des condamnations et des peines. Selon le rapport, les commissions militaires, malgré les améliorations qui leur ont été apportées (elles en sont à leur troisième incarnation depuis 2001), restent des tribunaux qui ne sont pas fondés en droit international, car elles manquent notamment de l'indépendance et de l’impartialité nécessaires pour rendre la justice. Amnesty International estime que les tribunaux militaires ne devraient pas être habilités à juger des civils, étant donné la nature de ces organes et en raison des doutes qui planent sur leur indépendance et leur impartialité. Le Comité des droits de l'homme des Nations unies considère que le jugement de civils par des tribunaux militaires ou d’exception devrait être exceptionnel, c’est-à-dire limité aux cas où l’État partie peut démontrer que le recours à de tels tribunaux est nécessaire et justifié par des raisons objectives et sérieuses et où, relativement à la catégorie spécifique des personnes et des infractions en question, les tribunaux civils ordinaires ne sont pas en mesure d’entreprendre ces procès. Or, ce n'est pas le cas ici. Les tribunaux ordinaires étaient ouverts et disponibles et ils avaient déjà jugé des affaires de terrorisme. Les commissions militaires ont en outre un caractère discriminatoire – comme d’ailleurs, plus généralement, l’ensemble du régime de détention. Le programme de torture et de disparitions forcées orchestré par la CIA était réservé aux étrangers, de même que le placement en détention à Guantánamo et les procès devant les commissions militaires. Même s’il/si elle est inculpé·e des mêmes infractions, un·e citoyen·ne américain·e ne peut pas être traduit·e devant ces instances. Tous les traitements différenciés entre ressortissants et non-ressortissants d’un État ne constituent pas des violations du droit international. Ils sont cependant contraires au droit international lorsque, comme ici, ces traitements affaiblissent les droits garantis par la Déclaration universelle des droits de l’homme, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) et d’autres instruments internationaux contraignants. Le sous-chapitre 5.1 explique que ces commissions ne peuvent échapper au contexte dans lequel elles ont été pensées. Elles ont été créées non pas parce qu’elles étaient juridiquement nécessaires, mais pour servir de cadre aux procès de personnes ayant été soumises à des actes de torture et à des disparitions forcées

affaire concerne la détention arbitraire de M. Djamel Ameziane sur la base aérienne de Kandahar et dans le centre de détention de Guantánamo pendant près de 12 ans, pendant lesquels il a été soumis à la torture, à des conditions de détention déplorables, en l’absence de toute garantie de procès équitable, pour finalement être renvoyé de force en Algérie. La CIDH a établi l’existence d’un régime officiellement approuvé de traitements cruels et inhumains dans le cadre des interrogatoires menés à Guantánamo, qui a été appliqué à M. Ameziane et au titre duquel il a été soumis à un certain nombre de méthodes de torture physique et psychologique. La CIDH a par conséquent conclu que les États-Unis s’étaient rendus responsables, au niveau international, de violations des droits à la vie, à l’intégrité physique et à la sécurité de la personne, à l’égalité devant la loi, à la liberté de religion et de culte, à la liberté d'expression, à la protection de l’honneur, à la réputation personnelle et au respect de la vie privée et familiale, du droit à avoir une famille et à sa protection, du droit à la santé et au bien-être, du droit à un procès équitable, des droits de réunion, de propriété et de recours, du droit à ne pas être placé en détention arbitraire et du droit à un procès équitable tel que le prévoit la Déclaration américaine des droits et devoirs de l'homme. »), http://www.oas.org/en/iachr/media_center/PReleases/2020/143.asp

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avant d’être inculpées. Les sous-chapitres 5.2 et 5.3 sont consacrés aux six détenus risquant la peine de mort, dans un système où toute exécution menée en application d’une décision de l’une de ces commissions constituerait une violation de l’interdiction internationale de priver arbitrairement un individu de sa vie. Amnesty International s’oppose en toutes circonstances et sans aucune exception à la peine de mort, quelles que soient la nature et les circonstances du crime commis, la culpabilité ou l’innocence ou toute autre situation de la personne condamnée, ou la méthode utilisée pour procéder à l’exécution. L’organisation considère que la peine capitale viole le droit à la vie tel que reconnu par la Déclaration universelle des droits de l’homme et constitue le châtiment le plus cruel, inhumain et dégradant qui soit. Les six personnes risquant la peine de mort sont détenues par les États-Unis depuis plus de 15 ans déjà, dont trois ans passés en détention secrète aux mains de la CIA. En 2020, la pandémie du COVID-19 est venue ralentir encore un peu plus les procédures en cours. Aucune audience n’a eu lieu entre le mois de février dernier et la fin de l’année. Dans l’un des procès où l’accusé risque la peine capitale, les arrêts prononcés pendant quatre ans par un juge militaire ont été annulés en raison de la partialité manifeste de celui-ci. Le procès de cinq détenus accusés d’avoir joué un rôle déterminant dans les attentats du 11 septembre a vu défiler six juges militaires différents au cours des deux dernières années. L’accusation a rejeté fin 2020 le juge nouvellement nommé, au motif qu’il n’avait ni les qualifications ni l’expérience nécessaires pour ce poste, et a déclaré qu’elle demanderait sa récusation s’il ne se retirait de lui-même. Elle a finalement déposé une demande en ce sens. Le juge a été remplacé à la fin de l’année. Le sous-chapitre 5.4 examine le cas de Mohammed Bin Lep, l’un des trois hommes originaires d’Asie du Sud-Est menacés depuis 10 ans de procès devant une commission militaire, mais qui n’ont toujours pas été inculpés. Un tribunal fédéral a refusé en décembre 2020 d’émettre une injonction interdisant à l’État de poursuivre la procédure de mise en accusation, les tenant·e·s d’une telle interdiction estimant que le retard accumulé et la discrimination rendaient toutes poursuites éventuelles illégales. Ce tribunal avait pourtant souligné « la description convaincante, et parfois déconcertante, de « l’état de vide juridique » dans lequel se trouvait toujours [Bin Lep], sans qu’une issue soit en vue ». Comme dans le cadre de la procédure portant sur les événements du 11 septembre, cette affaire met également en évidence une certaine pagaille en termes de ressources humaines au sein du dispositif des commissions. Le poste de chargé·e des convocations, qui sert une fonction centrale, a connu de profonds changements et bouleversements, puisque cinq personnes différentes s’y sont succédées au cours de l’année qui vient de s’écouler. Le sous-chapitre 5.5, enfin, est consacré au seul détenu de Guantánamo y purgeant effectivement une peine d’emprisonnement à laquelle il a été condamné en 2008 par une commission militaire. Deux des trois charges qui pesaient contre lui ont été rejetées en appel et la troisième est contestée. La peine d’emprisonnement à vie à laquelle il a été condamné pour les trois charges initiales n’a pourtant pas été modifiée. Ses avocat·e·s font valoir qu’il se retrouve ainsi purgeant de fait une peine d’emprisonnement à vie, sans possibilité de libération conditionnelle, les règles du Conseil d'examen périodique lui interdisant de présenter une demande en ce sens. Ils/elles estiment en outre qu’il est détenu à l’isolement, un traitement cruel, en vertu d’une politique de séparation des détenus condamnés de ceux qui ne le sont pas. Le sous-chapitre 5.6 présente le cas de Majid Khan, victime de la torture et d’une disparition forcée dans le cadre du programme de la CIA, avant d’être transféré à Guantánamo en septembre 2006. C’est l’un des détenus dont l’histoire a été utilisée par les partisans de la Loi relative aux commissions militaires pour la faire adopter. Majid Khan a plaidé coupable en 2012 en vertu de la Loi relative aux commissions militaires, aux termes d’un compromis prévoyant qu’il ne serait pas condamné tant qu’il coopérerait avec le gouvernement. En juin 2020, un juge militaire a reconnu le bien-fondé d’une requête déposée au nom de Majid Khan et demandant que celui-ci puisse disposer d’un recours concernant les actes de torture et les autres mauvais traitements qu’il disait avoir subis lorsqu’il était détenu par la CIA à Guantánamo avant le compromis trouvé avec les autorités. Dans un jugement remarquable, accompagné d’un exposé de plusieurs pages sur la prohibition absolue de la torture, bien loin des notes secrètes rédigées entre 2002 et 2007 par le ministère américain de la Justice pour légitimer la torture et les disparitions forcées, le juge militaire a estimé que, si les faits s’avéraient exacts, le traitement infligé atteignait « le niveau de la torture » et qu’il était lui-même habilité à accorder des réparations sous la forme d’une remise de peine anticipée. Le magistrat devrait maintenant se pencher sur la crédibilité des allégations formulées lors de l’audience de détermination de la peine, qui devrait durer 15 jours et se tenir en mai 2021 à Guantánamo. Le chapitre 6 revient sur l’absence de respect de l’obligation de rendre des comptes pour les atteintes au droit international commises à l’encontre des détenus. Il présente notamment le cas d’Abu Zubaydah, détenu sans inculpation ni procès depuis près de 19 ans, dont quatre ans et demi dans le cadre d’une disparition forcée. Victime en 2002 aux mains de la CIA des « techniques d’interrogatoire améliorées » que celle-ci venait d’élaborer, Abu Zubaydah est toujours détenu au Camp 7 de la base de Guantánamo dans des conditions tenues secrètes. Le tribunal de district ne s’est toujours pas prononcé sur la requête en habeas corpus déposée

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en son nom en 2008. Ses avocat·e·s tentent actuellement d’obtenir son dossier médical concernant les années passées aux mains de la CIA. Or, les autorités américaines ont établi un calendrier pour la recherche et la rédaction des dossiers classés, selon lequel les avocat·e·s devront attendre au moins six ans avant de recevoir les informations demandées. Le nom d’Abu Zubaydah apparaît plus de 1 000 fois dans la synthèse déclassifiée du rapport de la Commission du Sénat sur le renseignement portant sur le programme de détentions et d’interrogatoires de la CIA, publiée fin 2014. Le rapport intégral reste classé au plus haut niveau du secret d’État. Long de plus de 6 000 pages, il donne des détails concernant la manière dont ont été traitées toutes les personnes connues pour avoir été détenues dans le cadre du programme, notamment Abu Zubaydah et 23 prisonniers retenus à Guantánamo, ainsi qu’une autre personne, seul détenu de la base à avoir pour l’instant été transféré aux États-Unis pour y être jugé (cette personne a été condamnée en 2010). Ce rapport devrait être déclassifié dans l’intérêt du droit individuel et collectif de connaître la vérité sur les violations des droits humains perpétrées ans le cadre du programme de la CIA, ainsi que dans un souci de garantie d’un recours et de respect de l’obligation de rendre des comptes, que les États-Unis sont l’un comme l’autre tenus d’assurer en vertu du droit international. Dans ses recommandations, Amnesty International appelle le prochain gouvernement à fermer définitivement le centre de détention de la base de Guantánamo. Toutes les personnes qui y sont encore incarcérées doivent être soit transférées et libérées, soit, s’il existe des preuves recevables suffisantes au regard du droit international, être traduites en justice pour des infractions dûment reconnues par ledit droit, dans le cadre d’une procédure judiciaire équitable, devant un tribunal fédéral et sans recourir à la peine de mort. Les personnes détenues à Guantánamo et ailleurs par les États-Unis après les attentats du 11 septembre ont été soumises à des actes de torture et à des disparitions forcées. Les États-Unis doivent enquêter sur ces atteintes au droit international et en traduire en justice les auteur·e·s présumé·e·s, quel que soit leur grade ou rang dans la hiérarchie, aujourd’hui comme à l’époque des faits. Les États-Unis viennent de connaître une période de régression dans de nombreux domaines sociaux, environnementaux et judiciaires. L’administration a manifestement du pain sur la planche, mais pas au point, cependant, de ne pas pouvoir traiter en priorité la fermeture de Guantánamo, en y mettant les moyens nécessaires, s’atteler rapidement à la recherche d’une solution légale pour chacun des détenus, et s’engager à ce que les États-Unis respectent de nouveau intégralement le droit international relatif aux droits humains. Il en va du sort de plus d’une quarantaine de personnes encore détenues à Guantánamo. Mais ce qui est en jeu, au-delà de ces personnes, ce sont les atteintes au droit international commises hier et l’absence de respect de l’obligation de rendre des comptes et de réparations. Et c’est également l’avenir qui se joue ici, à l’approche du 20e anniversaire du crime contre l’humanité perpétré en septembre 2001 et dans la période qui suivra, où les États-Unis devront tout faire pour assurer une vraie justice durable, avec la volonté d’être exemplaire en matière de droits humains.

MÉTHODOLOGIE Ce rapport vient compléter les travaux de recherche effectués depuis 19 ans par Amnesty International sur le centre de détention de Guantánamo, ainsi que sur le programme piloté par la CIA entre 2002 et 2009. Il s’appuie donc sur un impressionnant corpus et est le fruit d’un vaste travail de recherche documentaire à partir de sources accessibles : droit national, normes en matière de droits humains, décisions de justice, dossiers de défense et d’accusation devant les tribunaux fédéraux et les commissions militaires, rapports d’organisations de la société civile, actualités américaines et internationales. Des observateur·rice·s d’Amnesty International ont assisté au fil des ans à plusieurs audiences de commission militaire à Guantánamo. Amnesty International a écrit le 18 décembre 2020 aux ministères américains de la Justice et de la Défense pour leur communiquer les conclusions de ce rapport. Au moment de la publication du présent rapport, nous n’avions pas encore reçu de réponse.

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AMR 51/3474/2021 - EXTRAITS JANVIER 2021 LANGUE : FRANÇAIS

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AMR 51/3474/2021 - EXTRAITS JANVIER 2021 LANGUE : FRANÇAIS

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GUANTÁNAMO, JANVIER 2021 – QUELQUES CHIFFRES CLÉS

Il y a aujourd’hui 40 détenus à Guantánamo (voir Annexe 1). Ils sont âgés de 38 à 73 ans. On compte parmi eux 13 nationalités différentes. Deux d’entre eux sont peut-être apatrides.

Deux des personnes actuellement incarcérées sont à Guantánamo depuis l’ouverture du centre de détention (le 11 janvier 2002) et 15 depuis la première année, c’est-à-dire depuis plus de 18 ans. Ces 40 détenus sont tous retenus à Guantánamo depuis plus de 12 ans.

Tous étaient déjà détenus par les autorités américaines avant d’arriver à Guantánamo. Tous sont aux mains des autorités américaines depuis plus de 13 ans ; 36 le sont depuis plus de 15 ans.

Ces 40 détenus ont été arrêtés dans 10 pays : l’Afghanistan, Djibouti, l’Égypte, les Émirats arabes unis, la Géorgie, l’Iran, le Kenya, le Pakistan, la Thaïlande et la Turquie.

Au moins 38 détenus sur 40 étaient aux mains d’un État tiers avant d’être remis au États-Unis. Aucun de ces transferts n’a apparemment fait l’objet d’un quelconque contrôle judiciaire.

Au moins 24 détenus sur 40 ont connu une période de détention secrète par la CIA avant d’être transférés à Guantánamo. La plupart, sinon la totalité, de ces 24 personnes ont été victimes d’une disparition forcée pendant cette période. La torture et la disparition forcée sont des crimes au regard du droit international.

Ces 24 personnes ont été maintenues en détention secrète pour une durée allant d’un mois à quatre ans et demi. Elles étaient aux mains des autorités américaines, mais leur captivité s’est déroulée dans plusieurs pays, dont les noms restent couverts par le secret d’État – il s’agirait toutefois, notamment, de l’Afghanistan, de la Pologne, de la Roumanie, de la Thaïlande, de la Lituanie et du Maroc.

Quatre des 40 individus détenus à Guantánamo ont été victimes de disparition forcée alors qu’ils se trouvaient déjà sur la base, à l’époque où la CIA y disposait d’un « site noir », en 2003 et 2004.

Selon le Conseil d'examen périodique, qui est chargé au nom de l’administration d’étudier les dossiers des prisonniers, 26 des 40 détenus sont considérés comme « maintenus en détention en vertu du droit de la guerre » (les États-Unis estiment que les 40 détenus sont là dans le cadre de son effort de « guerre »).

Vingt-quatre des 40 détenus ont fait l’objet d’une « décision finale » les « déférant au parquet » à l’issue d’un examen mené par plusieurs services et achevé en janvier 2010. Onze ans plus tard, sept d’entre eux en sont au stade préliminaire de la procédure de jugement devant une commission militaire.

Sur ces sept personnes déférées au parquet pour être jugées par une commission de ce type, non conforme aux principes du droit, six sont passibles de la peine de mort. Toute exécution susceptible de survenir à l’issue d’un procès de ce genre constituerait une privation arbitraire de la vie, et donc une atteinte au droit international.

Un détenu a été reconnu coupable en 2012 aux termes d’un accord entre les parties. Sa peine devrait être prononcée en mai 2021. Trois autres détenus ont été inculpés en avril 2019, mais ils n’avaient toujours pas été déférés à la justice fin 2020.

Une personne parmi les 40 détenues à Guantánamo a été condamnée en 2008 par une commission militaire. Cette personne purge actuellement une peine d’emprisonnement à vie.

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Le transfert de six des 40 détenus a été approuvé au terme d’un examen administratif de leur dossier (en 2010 pour trois d’entre eux, en 2016 pour deux autres et en 2020 pour le dernier).

Le dernier transfert de détenu en date remonte à mars 2018. Il a eu lieu aux termes d’un accord entre les parties conclu en 2014, dans le cadre duquel l’accusé avait accepté de plaider coupable devant une commission militaire.

Personne n’a été poursuivi pour les actes de torture et les disparitions forcées commises par des agents des États-Unis contre des détenus, alors que ces agissements constituent pourtant des atteintes au droit international.

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RECOMMANDATIONS

Les autorités américaines doivent reconnaître que les États-Unis ont fait le choix de privilégier la collecte de

renseignements plutôt que les principes de la justice pénale et que, en l’absence de la volonté politique

indispensable pour éviter que des disparitions forcées, des actes de torture et d’autres traitements cruels,

inhumains ou dégradants ne soient commis, des violations des droits humains ont été perpétrées. Cette

attitude a notamment eu pour conséquence de compromettre gravement les éléments de preuve recevables

et nécessaires pour engager des poursuites et juger légalement des personnes pour des infractions

internationalement identifiables. Le gouvernement américain doit donc regarder la réalité en face. Il appartient

à l'État, et non aux détenus, d’assumer le coût de ses choix contraires au droit. Celui-ci doit aujourd’hui

prendre toutes les mesures, administratives et autres, nécessaires pour réparer les torts dont il est

responsable, dans le respect de la légalité. Il doit également prendre toutes les mesures nécessaires pour

qu’un programme de disparitions forcées, de torture et d’autres mauvais traitements sanctionné par l’État

américain ne puisse plus jamais être mis en place.

À LA FUTURE ADMINISTRATION BIDEN Promulguer dès son entrée en fonction un décret dans lequel le nouveau gouvernement s’engage à

fermer sans plus attendre le centre de détention de Guantánamo. Celui-ci doit abroger le Décret n°13823 en date du 30 janvier 2018, qui ordonne le maintien des activités de détention à Guantánamo.

S’engager à résoudre définitivement le cas de chaque détenu, en le transférant et en le libérant sans retard supplémentaire et conformément au droit international, ou bien, s’il existe des preuves recevables suffisantes au regard du droit international, en le traduisant en justice pour des infractions dûment reconnues par ledit droit, dans le cadre d’une procédure judiciaire équitable, devant un tribunal fédéral et sans recourir à la peine de mort.

Veiller à ce que toute procédure engagée tienne compte de la durée de la détention, des actes de torture et des autres mauvais traitements subis et de toute autre violation des droits humains dont aurait été victime la personne concernée.

Demander au ministère de la Justice de s’abstenir de prendre en matière de procédure judiciaire des positions susceptibles d’exclure l’exercice de recours efficaces ou d’empêcher que soit appliquée l’obligation de rendre des comptes pour les violations des droits humains perpétrées à Guantánamo et ailleurs dans le cadre du programme américain de détention, et de ne pas refuser aux détenus le droit d’être jugés équitablement.

Nommer une personne de haut niveau et possédant les qualifications nécessaires pour superviser la fermeture du centre de détention et la résolution légale des cas de tous les détenus.

Rétablir le Bureau de l’envoyé·e spécial·e chargé·e de la fermeture de Guantánamo au sein du Département d’État.

S’abstenir de requérir la peine de mort contre tout détenu, en toutes circonstances, et, plus généralement, s’efforcer de mettre un terme à la peine capitale dans le cadre des tribunaux militaires et fédéraux.

S’engager à publier rapidement le rapport intégral de la Commission du Sénat sur le renseignement sur le programme de détention et d’interrogatoire de la CIA, sans l’expurger des informations susceptibles d’attester que des violations des droits humains ont été commises (dans le Volume III dudit rapport, notamment).

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Reconnaître que la torture et les disparitions forcées constituent depuis longtemps des atteintes au droit international, qui doivent donner lieu à une enquête et à des poursuites, et faire tout le nécessaire pour que les auteur·e·s présumé·e·s de tels actes soient traduit·e·s en justice, quel que soit leur grade ou rang dans la hiérarchie, aujourd’hui comme à l’époque des faits.

S’engager à procéder à un examen des relations que les États-Unis entretiennent avec le droit international et accepter toutes les recommandations formulées à l’intention du pays par les organes spécialisés de suivi indépendant mis en place par les différents traités relatifs aux droits humains auxquels les États-Unis sont partie, notamment la Convention des Nations unies contre la torture, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) et la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

Les États-Unis doivent, dès qu’ils le peuvent, retirer toutes les réserves, interprétations et déclarations formulées lors de leur ratification des différents traités relatifs aux droits humains, comme le lui demandent les organes de suivi de ces traités.

Ratifier sans réserve et mettre en œuvre la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et le Statut de Rome de la Cour pénale internationale, étape nécessaire pour que les États-Unis ne soient plus jamais à l’origine d’un programme de torture et de disparitions forcées organisées.

AU CONGRÈS Abroger l’Autorisation d’utilisation de la force militaire de 2001 et les alinéas 1021–1022, titre X,

sous-titre D de la Loi de prérogatives de la défense nationale (NDAA) de 2012, interprétée comme autorisant la détention illimitée.

Abroger le cadre législatif permettant que des civils soient jugés par des tribunaux militaires.

Approuver les mesures financières permettant de fermer rapidement le centre de détention de Guantánamo et de financer la réinsertion des personnes qui y sont détenues, en prenant en compte tous leurs besoins physiques et psychologiques.

Lever les restrictions qui pèsent actuellement sur le transfert des détenus depuis Guantánamo vers les États-Unis ou vers des pays tiers où leurs droits seront assurés.

Mettre en œuvre un programme législatif national et de ratifications internationales permettant de renforcer le rapport qu’entretiennent les États-Unis avec le droit international relatif aux droits humains.

AU MINISTÈRE DE LA JUSTICE Ne pas s’opposer aux requêtes en habeas corpus soumises par des détenus de Guantánamo qui

n’ont pas été et qui ne seront pas inculpés devant un tribunal fédéral d’une infraction dûment reconnue par le droit international sur la foi d’éléments de preuve suffisants et recevables au regard dudit droit.

AU MINISTÈRE DE LA DÉFENSE Dans l’attente de la fermeture du centre de détention de Guantánamo, autoriser les procédures

spéciales des Nations unies – notamment les rapporteur·se·s sur la torture, sur la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste, et sur le droit qu'a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale possible – à se rendre sur place comme elles le souhaitent.

Autoriser le Comité international de la Croix-Rouge à s’entretenir avec les détenus avant leur transfert.

Faciliter les transferts en fournissant à chaque détenu (par l’entremise de son avocat pour ceux qui en ont un) son dossier médical complet, ainsi qu’aux représentants des pays étrangers – dossier déclassifié si nécessaire et sous réserve de l’accord de l’intéressé.

Impliquer les avocat·e·s dans les négociations relatives aux transferts.

En coordination avec le Département d’État, collaborer avec les États d’accueil pour garantir que les détenus réinstallés bénéficieront d’un statut juridique solide et reconnu.