tour de france 2005
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LE TOUR DE FRANCE 2005
Montée de Courchevel
Mardi 12 juillet 2005
L’aventure commença dès le lundi soir au Chendo!
J’y avais donné rendez-vous à mes 4 compères de cette épopée,
Nicolas Dupré, Mathias Cointe, Nicolas Marcaillou et Antoine
Ludger. Mat et Nico étaient au rendez-vous, avec le plein de
charcuteries, St Marcelin et bières à gogo. Les collocs Makai et
Tonio nous attendaient tranquillement au St Ex, qu’on vienne les
chercher, tels des rois fainéants. Mais leur accoutrement ce soir
là dissipa tout doute à leur sujet: ils se donneraient à fond dans
cette aventure presque mythologique, et ils en seraient les
acteurs principaux!
Nous voilà tous les 5 dans la « Polluxmobile », chacun avec une
bière à la main et des cahuètes dans l’autre. Il est prêt de 8h00
du soir, et nous ne devrions pas mettre plus de 2 heures pour
atteindre Courchevel. C’était sans compter sur ma dilettante
naturelle, qui me fit rater la bifurcation vers Grenoble. Une fois le
mal fait, j’avais trop d’orgueil pour faire demi-tour, et nous voilà
partis pour Grenoble! Mais pour l’instant, une aire de repos nous
tend les bras pour une pause ravitaillement. On est déjà rattrapé
par le virus du Tour…
Cet arrêt sera l’occasion pour nous de faire notre première
rencontre du Tour (il y en aura bien d’autres!), une famille de St-
Etienne avec un gamin d’à peine 9 ans qui nous mis la misère
ballon au pied, et il en était pas peu fier. Sale gosse!
Heureusement, Makai le remis à sa place en battant devant le
gamin son record de jonglage. 103 contre 102. Merci Makai, tu
nous as sauvé la mise…
Nous continuons notre périple à l’ombre des premiers massifs
alpestres, dont le coucher de soleil dessine la courbure
accidentée de leurs sommets. Nous remontons vers Chambéry,
avant de nous arrêter à Albertville, pour sustenter une envie
pressante de notre ami Dupré. Nous sortons de la nationale et
trouvons refuge sous un arrêt d’autobus, lorsque qu’une voiture
inconnue s’arrête à notre hauteur. Un homme typé Europe de
l’Est sort du véhicule et nous demande abruptement dans un très
mauvais anglais: « Do you have some drugs? », avec des gestes
explicites. Makai lui répond alors avec la gentillesse qu’on lui
connaît: « No, sorry, we have only some poppers, or a cigarette if
you want… ». Mais le bulgare insiste: « you have no coke? ».
Nous sommes vraiment désolés, mais il devra aller assouvir son
manque ailleurs!
Nous remontons dans la voiture et arrivons enfin au pied de la
montée de Courchevel. C’est un moment magique!
Avec quelques heures d’avances, nous foulons les pentes sur
lesquels s’expliqueront demain ces combattants des temps
modernes que sont les coureurs du Tour de France. De
nombreux camping cars sont déjà présents sur le bord de la route
et ont déjà réservé leur place (Un habitant de Courchevel nous
confia même que certains allemands étaient sur le bord de la
route depuis samedi déjà). Nous continuons jusqu’au sommet
pour faire une première reconnaissance de l’ascension, puis
redescendons sur Courchevel 1600 pour garer la voiture et poser
la tente, que notre cher Oui-Oui (Nicolas Lagarde) nous prêta si
généreusement. Il est prêt de 00h00, le calme et la fraîcheur de
l’altitude nous engourdissent à petit feu. Seuls les cris de
quelques germaniques bien pleins viennent rompre le silence
ambiant.
Nous cassons tout de même la croûte, avalons quelques petit
jaunes pour résister au froid la nuit et nous infiltrons dans la tente.
Ayant moi-même un peu abusé du nectar anisé, je sombre
soudain et m’endors comme un bébé.
Des supporters hollandais nous réveillent pourtant vers 4h00 du
matin pour nous demander du « VFEUM ». Du feu? Du vin? Des
femmes? Nous n’avons pas bien compris et nous rendormons
après les avoir laissés repartir braucouille.
Nous nous levons au petit matin, agressés par la luminosité et
chaleur soudaine du soleil. Tonio et Mister Dupré ont un peu plus
de mal…
Finalement, tout le monde sort de la tente pour admirer ce
nouveau panorama qui nous entoure (arrivés dans la nuit la
veille, il était resté caché à nos yeux)…
…mais soudain nous nous apercevons que quelqu’un manque
à l’appel: Makai n’est pas à porter de vue!
Ce serait il fait violer par des supporters grecs bourrés? Nous
imaginons le pire et nous mettons aussitôt en branle pour le
retrouver. Je finis par tenter d’appeler son portable: une sonnerie,
deux sonneries…quelqu’un décroche enfin…mais pas de son de
sa voix! « Makai, c’est toi? ». Il finira par me répondre après 15
secondes d’un silence très lourd, d’une voix chuchotante: « je ne
peux pas parler, je dois raccrocher… ». La communication est
alors aussitôt coupée. Nous restons interloqués, ne sachant que
penser de cette histoire. Finalement, il apparaît 10 mn plus tard,
sortant de l’immeuble d’en face. Il nous jure avoir cherché à
trouver une couche plus moelleuse pour sa nuit, mais n’aurait-il
pas eu également un petit faible pour la Greta locale?
Nous n’avons pas le temps de discourir plus sur ce sujet, car
notre ventre crie famine, et le petit déjeuner avec l’équipe à la
main se fait attendre. Nous descendons à la terrasse de café du
bourg, après avoir faire un petit détour au bureau de presse local,
et nous voilà tout les 5 à dévorer l’interview de Moreau dans
l’équipe. En voici quelques morceaux choisis:
« Je suis survolté, putain »
« Le maillot jaune, ce serait fabuleux…je voudrais redire ce mot
très vite, fabuleux »
A la fin de la lecture de cette interview, nous n’avions plus qu’une
seule pulsion en tête, crier GO MOREAU GO sur le bord des
routes de France.
Mais le temps tourne et il nous faut repartir, si nous voulons
trouver une place de choix avant l’arrivée des coureurs au
sommet, c’est-à-dire à plus de 2000 mètres (nous sommes
encore, je vous le rappelle, à 1600 mètres).
Une fois à la voiture, nous prenons le stricte nécessaire pour
l’ascension (à savoir 25 bouteilles de bière, une bouteille de rhum
et une dernière de vodka) et faisons un dernier break avant
l’effort…
Notre premier objectif dans la montée est d’atteindre Courchevel
1850,où l’on nous a promis un écran géant, d’où nous pourrons
voir l’évolution ces coureurs jusqu’à notre niveau. Ces 3
kilomètres de marche jusqu’à l’écran tant convoité vont être
l’occasion de nous chauffer pour le prix de l’ambiance, et de
tester auprès de notre premier public nos rengaines phares. Très
vite, nous devon admettre que « Les Corons », de Pierre
Bachelet, a un succès fou. Va donc pour les Corons, que nous
nous époumonerons à chanter tout au long de la journée:
« Au Nord, c’était les Corons
La terre, c’était le charbon
Le ciel, c’était l’horizon
Les hommes, des mineurs de fond »
Mais le Tour, c’est avant toute de chose des rencontres, un
certain don de soi où chacun apporte quelque chose à l’autre.
Comment rester insensible à l’enthousiasme de ces étudiants en
médecine suisses, qui triment comme des bodets le reste de
l’année?
Comment ne pas s’apitoyer sur le sort de ce pauvre homme qui
vient de se faire rappeler par sa femme le matin même que c’était
leurs 19 ans de mariage?
C’est lui!
Et comment ne pas
verser une larme de
sympathie devant ce
couple de danois qui
portent encore en
eux les véritables
valeurs de l’éthique
sportive?
Mais notre plus belle rencontre fut sans aucun doute avec trois
grand-pères venus de l’Isère, fans inconditionnels des verts,
réunis chaque année pour le Tour autour d’un « p’tit jaune »,
comme ils disent. Ils nous chambraient un peu à la vue de notre
seule bouteille de kro à la main. Mais lorsqu’on a sorti le rhum, ils
nous ont aussitôt traité autrement. Une sorte de respect mutuel
s’est alors instaurée entre nous, et l’un des papys nous a alors
déballé ses souvenirs. « L’étape à St Etienne, c’était il y a 2 ans,
vous n’y étiez pas? ». « Mais non », répond un autre, « c’était pas
y a 2 ans, c’est beaucoup plus vieux que ça…et puis ils sont
encore jeunes ». « T’es sûr, moi j’aurais bien dis 2 ans…bon! ».
On a trinqué ensemble, puis nous sommes repartis, vers une
quête finalement encore inconnue, mais tant qu’elle nous offrait
d’aussi belles rencontres, nous on fonçait…
Nous arrivons enfin au terme de notre première étape:
Courchevel 1850.
En suivant les barrières posées sur le bord de la route, nous
découvrons l’écran géant. Il ne passe encore que de la pub à la
louange de Couchevel. Nous sommes un peu déçus, car l’étape a
déjà commencé et Brochard vient d’attaquer. En tout cas, c’est ce
que crache les hauts parleurs disséminés dans la ville. Par dépit,
nous accostons un gendarme, qui assure la circulation et sécurité
du carrefour. « Vous savez quand l’écran géant va retransmettre
l’étape? ». « Non ». « Tiens, pends qu’on y est, vous savez ce
qu’un spectateur risque s’il fait tomber un coureur?. « Non, mais
je ne le vous conseille pas ». « Parce que figurez vous que notre
ami déguisé en quadrupède aimerait bien tenter le coup du lapin
sur Armstrong… ». Pas de réponse de la part du gendarme.
« histoire de faire les gros titres de l’équipe, du genre Coup du
lapin sur le Tour de France, la course perd la tête après avoir été
décapitée de son leader incontesté». Toujours pas de réponse.
Nous laissons tomber, il ne veut apparemment pas rire avec nous
Sauf qu’il nous a désormais à l’œil.
Nous nous posons en face de l’écran géant, sur un petit rebord
devant la buvette. Deux bénévoles du coin à la retraite sont assis
à côté de nous. Ils sont venus avec leur petit-fils. Levés depuis
6h00 du matin pour assurer le bon fonctionnement du parking, ils
s’accordent une petite pause.
Tonio entame la discussion avec le vieux, qui se dit un ancien
grand champion de la petite reine, dans les années 50. Mais à la
tête amusée de sa femme à côté, nous comprenons qu’il n’a
jamais dépassé les courses régionales. A notre nième reprise des
Corons, il nous répond par un ancien chant révolutionnaire des
maquisards alpestres. Ce fut un moment émouvant, et plein de
noblesse…
La pub sur Courchevel devient horripilante! Je ne tiens plus en
place et pars voir du côté du camion-emmeteur pour y glaner
quelques renseignements. Je monte les escaliers en fer d’un pas
assuré, au grand étonnement de mes compagnons de route,
mais me retrouve nez-à-nez avec les vitres sans teint de la porte
du camion. Je m’apprête à faire demi-tour la queue entre les
jambes lorsque la porte s’ouvre. Le technicien apparaît, l’air un
peu hagard, comme interrompu dans une sieste. « Quand allez-
vous retransmettre l’étape sur votre écran ?». « Quand les
chaînes nationales la retransmettrons, pas avant 13h50 ». Nous
vérifions dans les pages de l’équipe. Il avait raison le bougre, pas
avant 13h50. Pour la première étape alpestre, on se fout de nous.
Et ce soleil qui tape de plus en plus fort dans notre coup…
A force de patience et quelques demis plus tard, nous sommes
enfin récompensés, Pierre-Henri Sagné apparaît à l’écran en
compagnie de Laurent Jalabert. Le grand show de l’après-midi
peut enfin commencer! Nous sortons la bouteille de rhum pour
fêter ça…mais le gendarme, qui je vous le rappelle nous avait à
l’œil depuis tout à l’heure, se jette alors sur nous avec une
jouissance rare pour s’esclaffer d’un ton presque rageant: « Il est
interdit de boire sur la voie publique, veuillez ranger votre
bouteille! »
Nous sommes piqués au vif et ne tardons pas à remballer nos
affaires pour reprendre notre chemin. Il faut aller plus haut,
toujours plus haut. L’échéance approche, et la caravane du Tour
commence son défilé ininterrompu. Tonio a un certain succès
auprès des filles sur les chars, qui n’hésitent pas à lui lancer tout
ce qu’elles ont sous la main, en guise d’appât. Serait ce le
déguisement de lapin qui les exciteraient à ce point?
Nous trouvons finalement notre spot tant convoité pour admirer
les coureurs. Sur notre petit rocher, nous avons à nos pieds une
grande ligne droite nous permettant de voir arriver les coureurs
de loin. Et en nous retournant, nous les voyons avaler les
derniers lacets de l’ascension.
L’attente se fait de plus en plus pesante, on voit les visages se
crisper…
Soudain, c’est la délivrance!
Les hélicoptères se
rapprochent
irrésistiblement dans les
airs…
…et nous les contemplons
ébahis, comprenant que la
tête de la course se trouve
au pied de ses machines
volantes.
La tensions monte aussitôt d’un cran. Les clameurs commencent
à gronder autour de nous,même si nous ne voyons pas encore de
coureurs à l’horizon.
Lorsque les 4 premiers points multicolores apparaissent au loin,
entourés de motards et véhicules de course, c’est l’explosion!
Nous tentons de reconnaître chacun des coureurs pour pouvoir
crier leur nom à leur passage. Le groupe de tête n’est plus alors
composé que de Armstrong (sans surprise), Rasmussen (le
maillot à poix), Valverde et Mancebo. Notre préférence de cœur
va ce jour-là à Rasmussen, le pauvre casaque Vinokourov étant
au bord du gouffre, quelques kilomètres plus bas.
Nous supportons chaque coureur avec une spontanéité et joie
immense. Tonio et Makai sont au comble du bonheur…
Finalement, le temps de passage des coureurs passe en une
fraction de seconde, même pour une étape de montagne.
L’excitation étant à son comble, les minutes ont défilées à une
vitesse folle. A peine le temps de reprendre son souffle, et le
gruppetto vient de fermer la marche devant nous, emmenant
triomphalement jusqu’au sommet notre héros tragique Nicolas
Jalabert (petit frère de Laurent), alias Trompette.
Mais ce paroxysme que fut le passage des coureurs n’était
finalement que le reflet pâle de notre quête. L’essentiel avait été
ailleurs, construite dans l’attente, sur le bord des routes, en
compagnie d’autres Hommes attendant la même chose que nous.
Ce que nous étions venus chercher ? Nous le savions
désormais…
L’effervescence retombe d’un coup. Désormais, chacun pense à
rentrer chez lui, des rêves plein son occiput. Nous redescendons
tout doucement jusqu’à Courchevel 1600, où la voiture nous
attend. En passant par Courchevel 1850, nous pouvons cotoyer
les techniciens d’équipe, déjà à l’œuvre sur les vélos de leurs
champions.
Pour l’anecdote, nous avons mis plus de 2h00 pour redescendre
les 20 km de la route de Courchevel, tant les bouchons étaient
importants. A titre comparatif, les coureurs du jour ont mis moins
d’une heure pour la monter…
ALORS VIVE LE VELO, ET VIVE LE TOUR DE FRANCE
Charles-Louis Mazerolles, le 14 juillet 2005
ANNEXE: Quelques citations prises sur le vif
« Vous inquiétez plus, moreau est survolté.
Je voudrais vous dire un mot très vite: Fab(u)leux!!!!!! »
Matias Cointe
« Je suis survolté putain !
N'oubliez pas cependant qu'au nord c'était les corons... »
Antoine Ludger
« ALLEZ TROMPETTE !!! »
Antoine Ludger
« Allez Vino, allez pereiro!!!!!! »
Mathias Cointe
“GO VINO GO !!!”
Antoine Ludger
« MAIS OUI !!!
LE TOUR DE FRANCE A VALLOIRE, SUR LES TRACES DU RAID HANNNIBAL !!!
ET CA PASSE DEVANT LE CAMPING !!!
ET CA MONTE JUSQU'A PLAN LACHAT !!!
ALLEZ VINO !
GO MOREAU GO !!”
Antoine Ludger
« Moreau, Moreau,
Petit coureur cycliste, cliste
Tu dévores la piste, piste
Avec ton drôle de vélo,
Momomoreau! »
Mathias Cointe
« Vino a l'air très chaud!!!!!!!! J'espère qu'il n'est pas survolté putain! »
Matias Cointe
phrase de moreau ce matin dans l'Equipe:
" je n'étais pas forcément impérial hier [...] j'avais un petit coin de ciel jaune dans la tête."
Qui c'est le plus fort évidemment c'est Vino!!!!!!!!
Trompette dans le grupetto...
Nicolas Dupré