trivium 319 1 les images acteurs majeurs de la connaissancea propos de la poiesis et de l episteme...

16
Trivium (2008) « Iconic Turn » et réflexion sociétale ................................................................................................................................................................................................................................................................................................ Sigrid Weigel Les images, acteurs majeurs de la connaissance À propos de la poiesis et de l’episteme des images langagières et visuelles ................................................................................................................................................................................................................................................................................................ Avertissement Le contenu de ce site relève de la législation française sur la propriété intellectuelle et est la propriété exclusive de l'éditeur. Les œuvres figurant sur ce site peuvent être consultées et reproduites sur un support papier ou numérique sous réserve qu'elles soient strictement réservées à un usage soit personnel, soit scientifique ou pédagogique excluant toute exploitation commerciale. La reproduction devra obligatoirement mentionner l'éditeur, le nom de la revue, l'auteur et la référence du document. Toute autre reproduction est interdite sauf accord préalable de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Revues.org est un portail de revues en sciences humaines et sociales développé par le Cléo, Centre pour l'édition électronique ouverte (CNRS, EHESS, UP, UAPV). ................................................................................................................................................................................................................................................................................................ Référence électronique Sigrid Weigel, « Les images, acteurs majeurs de la connaissance », Trivium [En ligne], 1 | 2008, mis en ligne le 08 avril 2008, consulté le 28 mai 2015. URL : http://trivium.revues.org/319 Éditeur : Fondation Maison des sciences de l'Homme http://trivium.revues.org http://www.revues.org Document accessible en ligne sur : http://trivium.revues.org/319 Document généré automatiquement le 28 mai 2015. © Tous droits réservés

Upload: emeliebonnet

Post on 16-Sep-2015

213 views

Category:

Documents


0 download

DESCRIPTION

Trivium 319 1 Les Images Acteurs Majeurs de La Connaissancea Propos de La Poiesis Et de l Episteme Des Images Langagieres Et Visuelles1

TRANSCRIPT

  • Trivium1 (2008) Iconic Turn et rflexion socitale

    ................................................................................................................................................................................................................................................................................................

    Sigrid Weigel

    Les images, acteurs majeurs de laconnaissance propos de la poiesis et de lepisteme des imageslangagires et visuelles................................................................................................................................................................................................................................................................................................

    AvertissementLe contenu de ce site relve de la lgislation franaise sur la proprit intellectuelle et est la proprit exclusive del'diteur.Les uvres figurant sur ce site peuvent tre consultes et reproduites sur un support papier ou numrique sousrserve qu'elles soient strictement rserves un usage soit personnel, soit scientifique ou pdagogique excluanttoute exploitation commerciale. La reproduction devra obligatoirement mentionner l'diteur, le nom de la revue,l'auteur et la rfrence du document.Toute autre reproduction est interdite sauf accord pralable de l'diteur, en dehors des cas prvus par la lgislationen vigueur en France.

    Revues.org est un portail de revues en sciences humaines et sociales dvelopp par le Clo, Centre pour l'ditionlectronique ouverte (CNRS, EHESS, UP, UAPV).

    ................................................................................................................................................................................................................................................................................................

    Rfrence lectroniqueSigrid Weigel, Les images, acteurs majeurs de la connaissance, Trivium [En ligne], 1|2008, mis en ligne le 08avril 2008, consult le 28 mai 2015. URL: http://trivium.revues.org/319

    diteur : Fondation Maison des sciences de l'Hommehttp://trivium.revues.orghttp://www.revues.org

    Document accessible en ligne sur :http://trivium.revues.org/319Document gnr automatiquement le 28 mai 2015. Tous droits rservs

  • Les images, acteurs majeurs de la connaissance 2

    Trivium, 1 | 2008

    Sigrid Weigel

    Les images, acteurs majeurs de laconnaissance propos de la poiesis et de lepisteme des images langagires etvisuelles

    Traduction de Denis Trierweiler

    Un dluge dimages1 De toute part, des plaintes sur lavalanche dimages qui nous assaille sont audibles. De sombres

    pronostics annoncent mme la fin proche de la littrature, si ce nest de lensemble de laculture de lcrit. Par ailleurs, il est question partout la ronde et particulirement dans lessciences, dun iconic ou pictorial turn qui a nourri des aspirations une nouvelle scienceinterdisciplinaire de limage. Mais simultanment est aussi conjure une fin de limage, parcequaujourdhui les artistes ne sexpriment plus gure travers le mdium traditionnel de laforme image, de la peinture, mais par des installations, des objets, des actions et des vidosce dont tout un chacun peut se convaincre par une visite la Biennale ou la Documenta.Quen est-il donc de limage et dans quelle mesure la situation actuelle se distingue-t-elle decirconstances plus anciennes?

    2 Il semble bien que notre quotidien soit imprgn dimages et rgl par elles. Nous sommeshabitus nous orienter selon des images dans la vie de tous les jours: des panneaux de stopet de priorit, de petits bonshommes marchants ou arrts, des indications dentre, dissuesde secours et de places de stationnement, des pictogrammes davions, de bus et de trains.Pourtant, de telles indications ou signaux, tableaux indicateurs ou dinterdiction nont que peude rapport avec ce que lon associe couramment au terme dimage. De fait, il sagit pluttde symboles du rpertoire dun code du quotidien dans lequel des reprsentations graphiquesendossent exactement le mme rle que, par exemple, des chiffres, des lettres, des couleurs oudes sons. Ils nous aident nous orienter que ce soit sous la forme de numros de domiciles, defeux de circulation ou de signaux tlphoniques. Lnorme augmentation de tels codes est lieau dveloppement de linfrastructure, elle na cess de sacclrer depuis lpoque postale. lge de la communication lectronique et du world wide web, le dveloppement de ce genre desymboles a fait un bond considrable, car ils sont comprhensibles internationalement, cest--dire de manire globale, par-del tout problme de traduction au sein dun monde de confusionbabylonienne des langues.

    3 Pourtant ce dveloppement na, vrai dire, rien voir avec un dluge dimages; on pourraittout au plus parler dun refoulement partiel de lalphabet par des symboles graphiques et desdiagrammes. Ce qui signifie que dans la communication quotidienne, la langue se trouve deplus en plus remplace par un systme de codes internationalement valable. En outre, lesnombreux graphiques diffuss tous les jours dans les journaux et la tlvision concernantles informations boursires (comme par exemple la courbe du cours des actions en bourse surune dure dun mois) montrent que lexpression dluge dimages masque le fait que notreculture devrait bien plutt tre dcrite comme une poque domine par des donnes.Mais revenons aux images.

    4 Les informations sur les vnements du monde sont, elles aussi, transmises et perues avanttout travers des images, bien que, comme on la constat depuis longtemps, seules desimages isoles ou trs souvent rptes (comme celles des avions entrant en collision avecles tours jumelles de New York) simprgnent dans la conscience, tandis que les imagesinformatives que nous voyons quotidiennement la tlvision se nivellent rciproquementpar leur succession rythmique rapide. Le cumul des images dinformation tend effacer lesimages prcdentes avant que celles-ci naient pu simprgner.

  • Les images, acteurs majeurs de la connaissance 3

    Trivium, 1 | 2008

    5 Plus il y a dimages, plus leur enchanement est rapide, et moins elles ont deffet. La validitde cette proposition est cependant limite : elle ne vaut que jusquau point o nos yeuxperoivent consciemment les images. Si le rythme temporel de lil est pris de court par desimages trop brves, celles-ci sinscrivent manifestement dans notre mmoire sans que nousen soyons conscients. Plutt que de parler dun dluge dimages, il serait donc plus justede parler du rythme des images.2 Ainsi, on peut situer une csure radicale dans lhistoirede la perception au moment prcis o les images ont appris courir. Cest linvention dufilm qui a provoqu un choc dans la conscience humaine, par la dynamite de ses diximesde seconde, comme la formul Walter Benjamin3 dans les annes 1930. Pourtant, de nosjours, ses observations ne suscitent plus quun sourire bienveillant de notre part, les images enmouvement ntant pas seulement devenues entre-temps une habitude dans nos salons et pournotre il; compares la cadence quexigent de notre attention les moyens de communicationlectroniques, elles compteraient davantage parmi les formes de perception visuelle pluttreposantes. Par consquent, y regarder de plus prs, la formule du dluge des images servle tre plutt une critique culturelle de la socit mdiatique, de la domination des massmdias. Elle a bien sr t, depuis longtemps, absorbe par les mdias eux-mmes, puisquela critique tlvisuelle sest octroye sa place attitre dans les journaux et les magazinesde tlvision. Lorsquil sagit, en revanche, du refoulement par les images de la culture deGutenberg, cest--dire dune relation modifie entre textes et reprsentations visuelles, alorsil est permis de douter du fait que les images aient vraiment pris une importance tellementplus grande dans notre culture quen des temps antrieurs. Car avant la facult de lire, quine sest mise concerner des parts importantes de la population quaux alentours de 1800( travers les programmes dalphabtisation), les impressions des feuilles volantes ntaientpas moins importantes que les textes des chanteurs ambulants qui les accompagnaient.4 Quantau journal, il nest, lui aussi, devenu peu peu un mdia de masse quavec le progrs despossibilits techniques de reproduction dimages imprimes, au XIXe sicle. Quoi quil en soit,dans lhistoire de la culture europenne, les phases au cours desquelles texte et image agissentde concert sont plus nombreuses que celles o elles sont en concurrence.

    Iconic Turn6 Mais quen est-il du malaise voqu quant la communication visuelle envers cette orientation

    proprement obsessionnelle qui est lie la formule de liconic turn? Comment la critique delimage saccommode-t-elle de la passion pour les images, laquelle rpondent des volumesaussi chrement conus que, par exemple, le Bilderwissen [Savoir des images]5 de B.MartinKemp, ou les nombreux projets dexposition et de manifestation dans lesquels, aujourdhui,lart et la science se tendent la main?6

    7 Ce sont avant tout les possibilits des prsentations gnres par ordinateur et les nouveauxprocds imags, dont se servent les sciences techniques et les sciences de la nature, qui ontdclench liconic turn : il sagit l, par exemple, des visualisations dans le domaine de laphysique des particules, qui, par des projections spcifiques, permettent de mettre en videncedes corrlations entre particules7, des reprsentations de champs vectoriels en mathmatique8,ou des reprsentations colores de valeurs dun radio spectromtre mesurant lintensit radiosur la base de signaux solaires9.Un autre exemple sont les cartes du cerveau rpandues dansles mass mdias ces prises de vue de couleur turquoise criante des tomographies parmission de positrons (TEP) dans lesquelles les rgions actives du cerveau des patients sontrendues visibles par injection de tissus metteurs actifs, qui agissent en tant que marqueurs deszones du cerveau actives en changement de matire, ou bien ces cartes grises du cerveau delimagerie par rsonance magntique fonctionnelle (IRMf), dans lesquelles les rgions activessont marques de couleur jaune, et qui sont la traduction visuelle de donnes (valeurs de mesuredu flux sanguin et de lactivit de loxygne selon la diffrence entre tat normal et activit,qui sont reprsentes par des valeurs colores diffrentes).

    8 Ces nouveaux procds imageants agissent comme des voyages dexploration en des terres quitaient jusque-l soustraites la visibilit. Les observe-t-on comme des images, la premirechose qui frappe le regard est la beaut des reprsentations. Beaut qui atteste quel point

  • Les images, acteurs majeurs de la connaissance 4

    Trivium, 1 | 2008

    ces procds techniques sont eux aussi marqus du sceau des habitudes visuelles qui ontt acquises par lobservation de lart. Mais leur facture esthtique masque le fait quil nesagit pas l dimages au sens conventionnel, mais essentiellement de procds de mesureet de visualisation de donnes. Car ce que ralisent les procds imageants se trouve par-del la copie et la reprsentation, par-del la mimsis et lanalogie. Les procds imageantsengendrent des prsentations [Darstellungen] auxquelles ne revient aucun caractre iconiqueou pictural. Ils ne prsentent pas des choses ou des faits, mais des fonctions, des activits, desspcificits ou des tats de faits qui ont t consigns laide dindicateurs prcis. Ils reclentmalgr tout une norme force suggestive, comme si grce eux lintrieur ou les secrets de lanature se prsentaient directement sous nos yeux. Et cet effetest fond sur le fait quils agissentcomme des images et, du coup, participent aussi la prtention de vrit des images. Ainsivu, ainsi cru.

    9 Dans cette mesure, parler diconic turn induit en erreur si lon cherche affirmer parl un tournant vers limage iconique ou picturale, car derrire cette formule se cache undveloppement qui devrait en fait tre dcrit comme un tournant vers une culture visuelle par-del les images. Il nest pas douteux que, dans la culture lectronique, les mdias traditionnelsque sont lcrit, limage et le nombre se rencontrent en un seul et unique point de fuite :dans le systme de rdaction digital. Et pourtant, il y a bien un pictorial turn, un tournementvers les images. Car et cest ma thse quil sagisse des graphiques multicolores desstructures molculaires et de la double hlice, ou des images colores du cerveau, ou encore desreprsentations de lunivers gnres par ordinateur cette plthore dimages techniques dontnous sommes entours a rveill une nostalgie pour les vieilles images. Au milieu des imagesbigarres sur papier glac, par lesquelles les gnes et le cerveau sont devenus de vritablesicnes des mdias, est n un dsir dimages graphiques et de photographies provenant deschambres aux merveilles du pass, un dsir de reprsentations venu dune poque laquellelimagination avait encore son mot dire dans les images que nous nous faisions de la nature etde ses lois.10 En ce sens, la formule de liconic turn peut se comprendre comme un symptmequi tmoigne dune renaissance, et parfois aussi dun abandon nostalgique des imagesdune poque laquelle le royaume du visible tait encore svrement spar des sphresmystrieuses de la cration, et laquelle cette ligne de dmarcation devait tre surmonte laide de la fantaisie iconographique. Cette tentative de superposition de linvisible pardu visible naura sans doute jamais t plus perceptible dans une image de lhistoire de lascience, que dans le crne colori par Franz Gall11, dont les lignes et les critures sur la surfacervlent leffort pour reprsenter lintrieur de lesprit lextrieur du crne.12 Cesttout particulirement dans la transmission des connaissances populaires acquises en mdecineet dans les sciences de la nature comme ambitionne de le faire de faon exemplaire louvrageen plusieurs volumes de Fritz Kahn sur la vie de lhomme, Das Leben des Menschen13 quelon trouve des planches o des fonctions physiologiques sont traduites en scnarios iconiques,comme dans le tableau de Kahn sur la fonction de lexcitation motrice14, qui montre une coupetransversale dun buste humain sur lequel apparat, dans le crne ouvert, latelier dun centremoteur qui est reli par des conduits aussi bien lintrieur du corps quau monde extrieur;de sorte que la mtaphore de la conduite apparat ici littralement comme limage qui reliele monde avec les figures du savoir.15

    10 Cette illustration est particulirement parlante: elle reprsente laction conjointe de la fonctioncrbrale et du mouvement moteur, la relation entre lactivit dune rgion donne du cerveauet la clbre pression sur le bouton. Il surmonte, grce limage du conduit, la black box denos connaissances sur la relation spcifique entre lactivit motrice et les processus neuronauxinvisibles qui laccompagnent: le conduit lectrique comme mtaphore du fonctionnementdes neurones qui ne sont pas, eux-mmes, visibles. La mtaphore vient donc prendre la placedes points aveugles dans le savoir. Sa fonction est double, en ce quelle veille simultanment marquer et cacher linconnu ou le provisoire dans les explications sur les lois naturelles.Cest pourquoi, dans le commerce ultrieur avec de telles images, il importera de sassurercomment lon procde avec ce double statut de la mtaphore du conduit.

  • Les images, acteurs majeurs de la connaissance 5

    Trivium, 1 | 2008

    11 Pendant des sicles, notre dsir den savoir plus sur la manire dont nous pensons et dontnous ressentons, la manire dont nos reprsentations et notre langage se forment dans latte, a t li au fantasme de pouvoir regarder lintrieur de la tte. Nous devrions nousfracturer la bote crnienne et en retirer nos penses en mme temps que les fibres crbrales,comme le faisait dire Bchner, voici un sicle et demi, son Danton de fiction sadressant sa bien-aime Julie. Ce que le psychologue Wilhelm Wundt qualifiait encore, vers 1900, defantasme du futur, savoir quun jour viendra o notre connaissance de la mcaniquecrbrale sera bien plus complte16 semble aujourdhui tre devenu ralit. La mdecineest effectivement capable aujourdhui de littralement scruter le cerveau humain. Certes, lesimages quelle trouve ne sont pas les reprsentations, les fantaisies et les rves des hommes;ce sont plutt, comme nous lavons montr, les prsentations dactivits neuronales, que lonappelle des cartes, et qui dcrivent et documentent des tats prcis de processus biochimiques.Ainsi, grce aux procds imageants, nous disposons aujourdhui dimages du cerveau, maisnous ne savons toujours pas comment fonctionnent la pense et le sentiment. Et surtout, nousignorons comment les images naissent dans la tte, et de quelle manire sont engendres dessignifications qui se lient des mouvements dhumeur spcifiques.17 En un mot: nousdisposons aujourdhui dimages de la pense, mais nous savons peu de choses sur ce que lesimages signifient pour la pense.

    Penser avec des images12 Si je pars du fait que les images jouent un rle central dans nos connaissances, dans notre

    savoir et dans nos affects, cest bien sr la condition de prsupposer que le concept dimageenglobe davantage et autre chose que les images iconiques et techniques, ou mme lensembledu champ des reprsentations visuelles. Car les archives virtuelles dimages sont bien plusvastes que celles que lon peut voir sur les murs et sur les tableaux, sur les crans de tlvisionet dans les livres, dans les muses, dans les mtros et sur les crans de cinma. Car ce quelon appelle les images dans la tte prcdent leur prsentation matrielle ou mdiale, ce quele langage dmontre trs bien: lorsque nous disons par exemple que nous nous faisons uneimage, ou lorsquil est question de reprsentations. Ce qui est en jeu cest la question de savoircomment naissent des significations spcifiques et quel est le rle quy jouent les divers sens etles perceptions concrtes, le rle quont la mmoire et le langage. Il sagit de savoir commentdes perceptions et des expriences immdiates se lient des images du souvenir.

    13 Les images, en ce sens tendu et plus fondamental, sont des condensations dans lesquellesse rejoignent des impressions passes et actuelles et se compriment en une apparencedonne, ou, pour le dire avec les mots de Walter Benjamin : Une image [] est ce enquoi lAutrefois rencontre le Maintenant dans un clair pour former une constellation. 18

    Les images sont les acteurs principaux de notre pense, parce quelles accomplissent cetteralisation prodigieuse qui consiste relier des choses et des vnements du monde extrieur,ou bien des vcus personnels, avec les archives de notre savoir. La signification littrale destermes image [Bild] et former [bilden] renvoie ce processus par lequel sont gnresdes reprsentations, en ce que, tout dabord elles se forment, prennent une apparence [Gestalt]et, pour ce faire, ont recours au rpertoire du langage disponible, aux signes et aux symbolesqui sont engrangs dans la mmoire culturelle et individuelle. Cest pourquoi le thoricien delimage amricain, W.J.T. Mitchell, dit: Limage est le concept gnral, ramifi en diversesanalogies et correspondances (convenientia, aemulatio, analogia, sympathia), qui maintientla cohsion du monde par des images du savoir.19 Limage, donc, comme agrafe entre lemonde et le savoir.

    14 Car, lencontre dun prjug persistant, la pense nest en aucune faon abstraite. L encore,la littralit nous conduit une piste intressante. Le mot thorie nous rappelle que laconnaissance dsigne tout dabord la contemplation et lintuition, car le grec theoria dsigne lorigine celui qui voit un spectacle. Il remonte la tradition des communauts festivessacrales, partir desquelles est n, par la suite, le thtre. Et si, depuis Platon, thorieest devenu le terme dsignant une connaissance pratique systmatiquement, cest que lapense est ne dune contemplation organise sous forme de rite. Cest seulement au cours

  • Les images, acteurs majeurs de la connaissance 6

    Trivium, 1 | 2008

    du dveloppement de lhistoire europenne que sest perdue la conscience que la pense estne dune scne de contemplation, tandis que simultanment les images devinrent de simplesobjets de contemplation artistique, perdant ainsi largement leur rle actif.

    15 Par consquent, penser avec des images et en images peut parfaitement signifier aujourdhuide reconqurir une culture qui pntre sur la scne de la connaissance. Cependant, ce quidterminera sa russite c'est de savoir si elle considre cette scne comme un supermarchd'images toutes faites, ou bien plutt comme un atelier de la connaissance. Les mdias et leprogrs des instruments et des procds techniques ne sont en aucune faon exclus de cettedmarche condition pourtant que leur utilisation obisse au slogan quavait dj formulFontenelle dans son Dialogue des morts de 1683: les yeux qui ont besoin de laide de nouvelleslunettes sont ceux des philosophes, cest--dire ceux de tout homme, quel que soit son activit,en tant que philosophe.

    16 Niklas Luhmann a revendiqu, une fois, quil existt une sorte de posie parallle pour desralisations thoriques ambitieuses.20 Je voudrais rfuter cela: ce qui mimporte nest pas uncte cte entre thorie et posie, mais la scne de la connaissance elle-mme, sur laquelleles images visuelles et langagires jouent les rles principaux.

    Petite histoire de limage matrielle17 Si le concept de limage nest le plus souvent li qu des images matrielles, des copies ou

    des reprsentations visuelles, il faut voir l le rsultat dune rduction de limage la toileou au tableau bidimensionnel au cours de lhistoire de la culture europenne. Alors qu vraidire, dans la tradition occidentale, limage est ne du culte, dune constellation que GeorgeDidi-Huberman a dcrite comme Devant limage.21 Lhistorien des images Hans Belting a, luiaussi, montr, dans Image et culte. Une histoire de lart avant lpoque de lartde 199022,combien la tradition image iconographique tait troitement lie au culte des morts. Lesportraits et les reprsentations des morts sur les pierres tombales ou les lieux de culte, que nousont transmis les cultures antiques et le premier christianisme, attestent que des prsentationsimages sont apparues en tant que remplaants des morts. Cest ainsi que lImago, cest--direle portrait personnel, devenu surtout dans la culture chrtienne lobjet privilgi des pratiquesreligieuses, a marqu lhistoire de limagination. Depuis lors, la facult imaginative est peuplede remplaants de personnes absentes ou mortes.

    18 Lorigine des images tant ce seuil entre la vie et la mort, on comprend que les reprsentationsde corps humains soient souvent affectes dune inquitante tranget. Cest la raison pourlaquelle les portraits colors de corps depuis longtemps dcomposs apparaissent souventcomme des revenants du royaume des morts. Cest cela que fait par exemple allusionHeinrich Heine, lorsque, au cours de son Voyage de Munich Gnes (1828), il observe devieux tableaux au Palais Durazzo, parmi lesquels un tableau de Giorgione quil qualifie defrappant par son silence [totschweigend getroffen], et quil formule, la vue de tableauxde Cornelius et de Rubens, son impression que les figures reprsentes semblent toutes porteren elles un germe de mort.23

    19 La prsentation image de personnes mortes signifie la prsence des absents in effigie. Danscette mme tradition sinscrivent aussi les portraits de souverains, et surtout les sculpturesde souverains. En tant que copies du corps du roi mortel, il leur incombait aprs sa mort dereprsenter le corps symbolique du roi, jusqu ce que le nouveau roi soit investi et intronis,afin dassurer la continuit de la royaut durant cette priode intrimaire.24 Les descendants deces corps de souverains tridimensionnels in effigie peuplent aujourdhui encore, sous formede monuments, notre paysage urbain mme si presque plus personne ne daigne les gratifierdun regard. Dj Robert Musil avait pu constater quil ny avait rien de plus invisible queles monuments, dont la caractristique la plus remarquable tait quon ne les remarquait pas.25

    Les monuments ne sont pas seulement des images iconiques transformes en pierres, maisils incarnent trs exactement la tendance de liconographie la ptrification et une pertedefficience qui crot avec le temps.

    20 Mais lintrication de limage et du culte est aussi la raison qui fait que lhistoire desimages saccompagne constamment dune oscillation entre hostilit aux images et vnration.

  • Les images, acteurs majeurs de la connaissance 7

    Trivium, 1 | 2008

    Liconoclasme, la destruction des images, appartient tout autant notre histoire que lidoltrie,ladoration des images. Ainsi nest-il pas rare que des conflits de croyance se vident selivrent sous la forme de combats dimages, comme la montr nouveau tout rcemment ladestruction des statues de Bouddha par les talibans. Dun autre cot, le moment cultuel de lareprsentation personnelle a dploy des effets tout fait nouveaux et spcifiques, par-della religion justement, dans le monde des mdias modernes. Il est aujourdhui au centre de laculture pop, qui se prsente comme un rpertoire dicnes modernes, avec, au sommet, la starportant le nom symbolique de Madonna.

    21 Moins connu, parce que moins spectaculaire, est le fait que notre histoire neut pas seulement consigner des destructions rptes dimages, mais quelle est aussi fortement marquepar une hostilit aux lettres. Le reproche dobissance la lettre est lexpression dunehostilit lcrit26, qui a souvent t dirige contre des rudits, parfois contre des juristes, etrgulirement, directement ou indirectement, contre la tradition juive. Elle ne discrimine paslcrit ou le texte en soi, mais lart de lexplication et de la lecture, elle se dirige contre cettepratique de lexactitude et du dtail qui est parfois capable de dcouvrir dans un petit signe,un accent ou une nuance davantage de signification que dans une phrase entire.

    22 Et cette hostilit lencontre du dtail27 nest pas seulement rserve aux textes, elle mergeaussi dans lhistoire des images visuelles. Par exemple, lorsque lon traitait la photographie,juste aprs son invention, avec mfiance et rejet, avec cet argument que, en ce quelle montraittous les dtails, mme ceux invisibles lil nu comme les rides dans la peau du visageet les plis dans la veste des portraits des grands hommes , elle serait trop fidle lalettre.28 Ce qui devint le motif pour lexclure du royaume de lart, car la destination de larttait de reprsenter le contexte, le grand tout.

    23 Cette identification de lart et de la vue densemble est le rsultat dune soumission desimages au cadre des tableaux et des peintures dans lhistoire de lart europenne. Lisolationde sculptures et de peintures de leur contexte cultuel, puis leur dpt dans des muses, galerieset expositions est la condition de possibilit de cette forme de contemplation de lart qui aforg le concept dimage aujourdhui dominant. Ce dveloppement est li des modificationsradicales des habitudes de voir et de lattitude quadopte lindividu vis--vis de limage.Car, dans le culte, limage et la personne sont partie intgrante dune seule et mme scne.Lobservateur sy trouve pour ainsi dire dans limage. On voit encore des retentissements parsde cette tradition au XVIIIe sicle, par exemple lorsque Wilhelm Heinse, dans ses Lettres deDsseldorf sur des tableaux [Dsseldorfer Gemldebriefe] (1776-77), dcrit le tableau deRubens La bataille des Amazones, en faisant dbuter la description non pas gauche, commenous y sommes habitus, mais en haut droite de lespace du tableau en dsignant toutefoisce ct comme tant le gauche : Le commencement, gauche du tableau, dcrit en unemle dj lointaine la fuite des femmes et des chevaux. Par-dessus, quelques chevaux decombat, dbarrasss de leurs cavaliers, quittent le pont.29 Cest l un mode de descriptionde limage par lequel lauteur lui-mme se place dans la mle de la bataille. Ce nestquavec laccrochage sriel et systmatique dimages dans les muses que sest dveloppe laconvention de la vue plongeante, qui prsuppose et promet un survol distance de la totalit delimage. Dans cette mesure, la scularisation des images est lune des conditions de possibilitcentrales de la gense du mode du voir propre lhistoire de lart.30

    24 lheure actuelle, de nombreux artistes travaillent lencontre de cette tendance la vueplongeante et globale. Par leurs sortie de limage, ils sont littralement sortis du cadrebidimensionnel. Dans leurs projets, comme par exemple les installations spatiales de DanGraham31, ou les objets de Bruce Nauman dans lesquels on peut entrer32, il sagit frquemmentet au sens le plus littral, de rendre lart nouveau pntrableet accessible dune autre manire: savoir par le corps. Ils actualisent par l une ancienne tradition, dans laquelle lobservateurse trouvait dans lespace de limage. Dans le contexte des tentatives de reconqurir une culturequi pntre sur la scne de la connaissance, cette scne est ici matrialise et incarne parlespace de limage.

    25 Eu gard lobservation des images, les possibilits de reproductibilit technique nont pasentran la rvolution qui a souvent t voque leur propos. Elles nont pas tabli de

  • Les images, acteurs majeurs de la connaissance 8

    Trivium, 1 | 2008

    nouvelles conventions mais nont fait que renforcer la tendance la vue plongeante, aveccet effet que, aujourdhui, mme de gigantesques images murales, comme la fresque deLeonard de Vinci, Ultima Cena, Milan, ou bien la peinture surdimensionne de Picasso,Guernica, Madrid, dont on ne pouvait gure avoir une vue densemble sur les lieux, sontfacilement accessibles sous forme de cartes postales. Ds lors, dans les archives digitales dela culture du CD, lhistoire de lart canonise devient disponible comme un tout, par exempleavec ces 5555 chef-duvres qui sont vendus sous forme darchives digitales dans un coffretde 10CD.33 Dans ce format, les images ont rtrci la taille dun timbre poste, lorsquonles appelle par cette fonction, qui runit chaque fois quinze images en vue globale. Par lestockage lectronique, les conventions perceptives tablies de la vue plongeante et du survolnont donc t que renforces. En revanche, les spcificits des images iconiques se sontradicalement modifies avec la technique digitale. Avec les possibilits de transformationet de manipulation des images digitales, mme le mdium technique de la photographie acompltement chang de visage. Cest ce que montre une comparaison entre des images delpoque des pionniers de lhistoire de la photographie, par exemple la scne prise dans lesannes 1840 par DavidOctavius Hill dans un cimetire auquel Walter Benjamin a renduhommage dans sa Petite histoire de la photographie, comme lieu idal de villgiature pources premiers hommes reproduits disposs la dure34 avec des exemples puiss dans lesarchives de photos digitales, tels les Fictitious Portraits de Keith Cottingham.35 Et une foisde plus, cest avant tout sur lImago, la reprsentation personnelle, que sont exprimentesdes techniques de transformation et des procds de perfectionnement. Avec les FictitiousPortraits, la facultas fingendi est entre dans une nouvelle re. Car, avec la technique desimages digitales, il semble que limagination soit congdie de son rle en tant que langagesingulier dans le royaume du virtuel, puisque de nos jours, les fictions sont transformes enreprsentations virtuelles. tant donn quau commencement de limage matrielle se trouvaitla naissance de la copie partir du culte des morts, ce nest sans doute pas un hasard si lafin de limage iconique est lie des photographies digitales dans lesquelles apparaissent desfantasmes de corps immortels.

    Texte et image: iconicit de lcriture et imageslinguistiques

    26 Souvent la concurrence entre le texte et limage sexerce comme combat pour le droitde primogniture, dans laquelle les adeptes du Au commencement tait le verbe fontirrconciliablement face aux adeptes du Au commencement tait limage. Mais, commetoutes les questions dorigine, cette lutte pour la position originelle est vaine. Dans le meilleurdes cas, on pourrait dire: Au commencement tait la trace. Car les traces prcdent les imageset les signes et ce, aussi bien dans une perspective historique que, eu gard la productionde reprsentations isoles prsentant une signification code. Cest ainsi que les peinturesarchaques de la grotte de Lascaux36 prcdent les fresques murales antiques tout autant quelempreinte prcde la sculpture.37 Et les images iconiques doivent galement leur naissance aufait quen elles, ces traces qui les prcdent sont recouvertes. Ce nest que par la transformationde ces dernires en une copie analogue au corps que la soi-disant image vraie, la Vera Icon, apu voir le jour. Ce qui veut dire que lempreinte et les restes que laisse le corps mortel viennentavant la peinture, dans laquelle ils sont (re)transforms en images analogues, en copies de laface humaine, comparables cette rsurrection autour de laquelle gravite liconographie dela culture chrtienne. Ce processus touche fondamentalement aux origines de liconographieoccidentale, ainsi que Hans Belting la dmontr dans son essai sur les premires imagesdu Christ, et qui porte le titre loquent : Face or Trace .38 Il y thmatise la gense deliconographie chrtienne partir du passage complexe entre les traces corporelles de la facedu Christ sur le suaire de Vronique jusqu la reprsentation image de ce visage partirdes nombreuses peintures du Christ. Par la conversion du suaire, cest--dire de la scne danslaquelle Vronique met sous les yeux de lobservateur en tant que tmoignage le suaire avecles restes matriels, en limage peinte dun visage du Christ, a eu lieu la transformation de

  • Les images, acteurs majeurs de la connaissance 9

    Trivium, 1 | 2008

    traces en une copie de la personne; transformation par laquelle se fonde la tradition imageiconique qui a fondamentalement model le concept dimage occidental.

    27 Cependant, lhistoire de limage iconique et matrielle neffleure quune partie de ce quedsigne le concept dimage. Car, selon Mitchell: Le vrai sens littral du mot image rsidedans une signification qui, de manire trs dcide, ne recourt pas des prsentations imagesmatrielles, qui srige plutt contre elles.39 la diffrence de Mitchell, je prsume cependantquune comprhension de limage qui ne rduit pas les images des prsentations visuelles nedoit en aucune faon se diriger ncessairement contre des images matrielles. Par oppositionau conflit qui senflamme de manire rpte entre limage et le texte et de son cho dansles escarmouches entre les sciences du texte et les sciences de limage, ce qui mintressecest plutt lhistoire de leur jeu conjugu et de leur interaction. Car le caractre imag dulangage et de la pense ne doit pas ncessairement se trouver en opposition au visuel qui, sousforme de couleur, de toile, de photo, de film et dautres mdias adapte une forme aisthetique,cest--dire sensible.

    28 Limage et le texte ont depuis toujours t unis dans la tradition de lekphrasis (en grec :description), cet art de la description qui remonte la rhtorique antique, et qui considrecomme un idal que le langage russisse prsenter une scne devant les yeux. Dans lacapacit de la littrature dessiner avec des mots, et dans la facult de lart raconter avecdes images, le texte et limage se donnent la main dans notre histoire de la culture.40

    29 Ce sont surtout les tmoignages mdivaux qui attestent dune autre forme dinteraction.Image et texte y sont les composantes dgale valeur dune criture image, dont il nestpas rare quelle apparaisse des lecteurs contemporains comme une anticipation des comicstrips non pas seulement en raison des bulles qui communiquent les discours des figuresreprsentes, mais aussi en raison de lagencement des images comme narration, qui fait natreun rcit imag.41 Ce nest quavec la culture de lre Gutenberg que le texte et limage eurenttendance se sparer, et aussi parfois saffronter et se combattre. Mais simultanment seformrent aussi des genres particuliers travers lesquels se poursuivit la tradition de liconicitde lcriture42 et de lcrit imag. En tmoigne toute la culture emblmatique du Baroque,toutes ces formes de rhtorique, de thtralit et dcriture image auxquelles Walter Benjamina consacr quelques-uns des chapitres les plus instructifs de son livre sur le drame baroque,particulirement le passage sur lcriture stimulante de lallgorie, mais aussi les rflexionssur lhistoire de lcriture, dans le fil de la doctrine de Johann Wilhelm Ritter: Toute imagenest quune image crite.43 En tmoignent aussi des genres artistiques comme les pomes surdes tableaux, les pomes de lettres et lalphabet corporel. Ces genres profitent de la polysmiedes caractres: comme dsignation des lettres dcriture et de personnes qui se distinguentpar des qualits et des attitudes particulires. Et si, dans cette criture dimages, les lettres delalphabet adoptent une forme physiognomonique ou anthropologique, cela rfre entre autres lorigine picturale de certains systmes alphabtiques, dans lesquels les caractres isols nesont pas seulement des lettres, mais reprsentent aussi des valeurs chiffres ou des objets.Ainsi, dans lalphabet hbreux, la lettre beth ne signifie pas seulement b et le chiffredeux, mais reprsente en mme temps limage et la dsignation dune maison.

    30 Cest particulirement partir du chiffre 0 qua pu se dvelopper un jeu productif avecles diverses fonctions quoccupe ce seul et unique chiffre: simultanment lomega et le zro,la lettre et le signe numrique dans le code alphanumrique, et en outre, depuis lintroductiondu 0 arabe dans le systme de rdaction europen, signe de position qui a ouvert une culture linfinie multiplication : de un dix, cent et mille, il suffit chaque fois dajouter unzro.44 Lon ne saurait pas non plus envisager sans le 0 le systme de notation des sciencesmodernes de la nature, dans lequel il figure, par exemple, le symbole de loxygne dans lesystme priodique de la chimie.

    31 En mme temps, de nombreuses associations images se lient laspect visuel du 0 :depuis la pornographique Histoire dO, jusquau jeu artistique avec la polysmie elle-mme,comme on peut le voir par exemple dans la gravure de Jasper Johns: Color Numerals (196945),en passant par limage dun foyer clos quexploite la publicit dun oprateur tlphoniqueallemand en montrant un couple qui sest install dans un 0 surdimensionn en sy sentant

  • Les images, acteurs majeurs de la connaissance 10

    Trivium, 1 | 2008

    pour ainsi dire chez soi, afin de connoter les services quelle offre par la simultanit dufoyer et du rseau global.

    32 Les jeux avec la polysmie et la pluralit des formes de lcriture ne se laissent pourtantpas seulement exprimenter sur les lettres et les textes, mais aussi sur des images, commela montr Martin Kemp lexemple dun jeu de mots visuel , en plaant la prisephotographique dune goutte deau par Arthur Worthington, A Study of splashes, ct dulogo de la firme Milk Marque.46 Dans ce jeu de mots visuel dans lequel limage dunegoutte deau se transforme en symbole dune couronne, limage est entre en mouvement. Cequi revient dire que dans lart du jeu de mots et de significations galement, la parent entrele texte et limage est plus grande que leur diffrence.

    Images actives33 Les images actives, que ce soit dans le langage ou dans le visuel, peuplent la scne des

    significations in actu de ce ct-ci ou par-del les significations fixes et codes, de cect-ci ou par-del un royaume des signes, savoir l o les traces de couleurs, de lettreset de formes jouent leur propre jeu avec les analogies et les correspondances, et de la sorte,produisent des figures et des condensations inattendues.

    34 Ce qui est en jeu par-del le monde des signes, cest de rouvrir, voire de briser des symboles etcodifications figs, linstar de ces panneaux indicateurs dans lesquels la magie originelle desnoms est non seulement sollicite sous la forme de noms de rues servant de systme citadindorientation et dadresses, mais o ces noms, en plus dindiquer le chemin, reprsententlarchive dun hritage national. Cest la raison pour laquelle les bouleversements politiquesengendrent rgulirement des projets conflictuels de changements dappellation des rues: unelutte pour matriser larchive (nationale) de la mmoire culturelle dominante. Linstallationde Raffael Rheinsberg, Gebrochen Deutsch [allemand bris], montre un tel champ de bataillepour la conqute de la mmoire nationale : la surface de linstallation est compose defragments de panneaux de rues de Berlin Est aprs leur nouvelle nomination depuis la chute duMur. partir de quelques combinaisons de lettres entires et corches, on peut reconstruiredes mots isols: Dimitro renvoie rue Dimitroff, fswald Greifswalder, Prenzl Prenzlauer, et plusieurs reprises il est possible didentifier divers fragments des mots alleou rue. Le succs du dchiffrement dpend de la connaissance du rseau des rues de BerlinEst. Plus on en est familier et plus dinfimes fragments suffisent reconstruire dautres nomsde rues. Mais leffet se produit aussi pour ceux qui connaissent moins bien les lieux; eux aussise voient placs devant le champ de ruines dune topographie symbolique qui renvoie unvnement du pass rcent de la politique de la mmoire. En outre, le titre de linstallationouvre sur une srie dassociations qui se rapportent la relation complexe entre langue etsystme de signes.47

    35 Par-del les concepts souvre un champ dans lequel la littralit de la langue fait remonter dessignifications oublies qui sont au fondement de ces concepts, dont le sens a t aplani et abraspar la familiarit et le naturel de lusage quotidien selon le mot clbre de Karl Kraus: Pluson regarde un mot de prs, plus loin il regarde en arrire. En effet, qui se souvient encoreque le fondement de nos fondations dcoule du fond concret sur lequel nous nous tenons?Devant lhorizon de cet oubli quotidien des significations littrales, d au caractre routinier etvident de la communication langagire, des modalits particulires dcriture par exemple,laccentuation par lutilisation de petites ou grandes capitales, italiques ou la sparation descomposantes dun mot doivent rappeler que, dans nombre de mots sont caches leurssignifications tangibles et intuitives, exactement comme la lettre vole dEdgar Allan Poedans le rcit ponyme: prsente aux yeux de tous, personne ne la remarque. Par exemple,Ein-Sicht (voir dedans) [inspection], Ver-Antwort-ung (faire rponse) [responsabilit], Vor-lufige (qui court devant) [provisoire] et Voraus-gesetzte (qui est pos davance) [prsuppos],ou encore ce ber-zeugen (tmoigner/engendrer par-dessus/sur) [convaincre] la polysmieduquel Walter Benjamin a consacr un magnifique aphorisme dans son Sens unique (1928):POUR HOMMES, Convaincre est infcond.48 Le fait de convaincre [berzeugen sur-tmoigner/engendrer], le sur-accomplissement du tmoin et du tmoignage, le trop-faire, est

  • Les images, acteurs majeurs de la connaissance 11

    Trivium, 1 | 2008

    une activit qui se prive elle-mme de son rsultat, tout comme la tentative de convaincrequelquun dautre de quelque chose quil refuse dadmettre.49

    36 En revanche, de ce ct-ci des concepts se trouve un vaste champ o sont avant tout chezelles les images langagires en tant que mtaphores qui prcdent les concepts forms. Cesont l des images auprs desquelles nous nous rfugions lorsque nulle dfinition univoquenest disponible, ou bien aussi des images laide desquelles nous avanons en ttonnantvers lincertain, vers ce que nous ne savons pas prcisment, et dans quoi, en dpit detout, nous voulons ou devons oprer. Le philosophe Hans Blumenberg, dans sa thorie delinconceptuabilit, lui a donn le nom de mtaphore absolue .50 la diffrence desmtaphores que lon conoit comme faons de parler non spcifiques, grce auxquellesquelque chose dtranger, dinconnu ou de nouveau est reconduit un registre familier ; la diffrence aussi de ces tropes matres et mtaphores dominantes de lesprit du tempscomme programme, Mapping, information ou stockage, la diffrence donc de formuleslangagires disponibles, les mtaphores absolues sont des images qui ne sont pas transposablesen concepts: des mots du lexique dun parler pr-spcifique. Les mtaphores absolues sontdes concepts in statu nascendi, lorsque la disponibilit dune image permet dapprocher etde parcourir une portion de terre nouvelle. Blumenberg a dvelopp le rle de ces images lexemple de la lisibilit de lorganisme ; une mtaphore grce laquelle ont tdclenches et forces les recherches sur le code gntique, et qui ont finalement conduitau dcryptage du gnome humain.51 Avec lachvement de ce projet gigantesque, loriginemtaphorique du concept est cependant trs largement tombe dans loubli.

    37 Cest dune opration mtaphorique comparable que la nanotechnologie a reu des impulsionsdcisives, comme la dmontr linformaticien Thomas Beth avec limage du roulement billes:

    Il incite rflchir au roulement billes sur le plan molculaire. [] Ce nest que plus tard quesurgit la question de savoir si la formation doit tre aussi idale, en termes physico-mathmatiques,quelle ressemble un roulement billes ou un cristal bien propre.52

    38 laide dune mtaphore, la facult visuelle du langage en tant quexprience de pense53 setrouve active, et ainsi en vient de temps en temps gnrer des expriences de laboratoire etde nouvelles connaissances. tant donn que limage langagire relie des choses auparavantnon lies, elle peut agir, dans la science, comme un clair de connaissance auquel fait suitelexploration systmatique de champs inconnus comme un grondement longtemps aprs,selon laphorisme connu de Walter Benjamin: Dans les domaines qui nous occupent, il nya de connaissance que fulgurante. Le texte est le tonnerre qui fait entendre son grondementlongtemps aprs.54 Les domaines auxquels Benjamin fait ici allusion concernent lhistoirede la culture, mais dans les sciences de la nature par exemple, cest lexprience qui viendrait prendre la place du texte. Certes, quiconque oublie que les roulements billes molculairessont ns partir dun transfert depuis la mcanique vers lorganisme, se fermerait laconscience que les mtaphores reprsentent avant tout la possibilit de composer avec lecaractre ternellement provisoire de nos connaissances. Cest devenu le projet de nombreuxartistes que de rappeler ce caractre provisoire, en un temps o la science sest approprietoutes les possibilits des techniques visuelles.

    39 Des installations comme Genesis, dEduardo Kac, oprent sur le seuil entre la mtaphore,le concept et les pratiques matrielles. Dans son installation, lartiste a pris la lettre laformule du Livre de vie en livrant une phrase de la Bible lexprience dune traductionplurielle: de lalphabet vers lalphabet morse, puis vers lalphabet de lADN, dont le rsultat,lu comme une squence, a fini par livrer le plan de construction pour la fabrication dunebactrie. Aprs avoir modifi cette bactrie par des rayons ultraviolets, une retraduction ensens inverse fut entreprise : du code de lADN vers lalphabet des lettres, en passant parlalphabet morse. La modification sexprimait au cours du processus par le dplacementpartiel et la dformation de lcriture.55 Les diffrences produites sur cette voie entre lersultat et la phrase de dpart ont montr ceci : le statut de ce code nest comprendre nide manire purement smantique, en tant que patrimoine gntique, ni de manire purement

  • Les images, acteurs majeurs de la connaissance 12

    Trivium, 1 | 2008

    mathmatique, en tant quinstruction pour la rplication. Il se prsente plutt comme systmede rdaction dune combinatoire dans laquelle rapparat, par laction conjugue de lettres et depositions, cette criture alphanumrique qui a prcd historiquement la sparation moderneentre lettres et chiffres.56 ceci prs que, maintenant, la combinatoire ne sert plus seulement la prsentation, la disposition et la rptition du savoir, mais quelle intervient en tant quepraxis matrielle dans la structure molculaire, autrement dit quelle re-combine la matireelle-mme. Alors que bien des discussions scientifiques sur lutilit et le contenu informatif dugnome sembrouillent, en raison du double sens du code gntique, entre criture signifianteet algorithme, cest un projet artistique que revient le mrite davoir formul ici lune desrponses les plus claires. Le code de lADN reprsente un type dcriture que nous pouvonscertes manier, sur lequel nous pouvons aussi intervenir, sans en tre toutefois ni lauteur ni lecrateur: un ars combinatoria qui mme sans tre entirement lisible recle de nombreusespossibilits de maniement.Il en va de mme avec la facult poitique et pistmique des images langagires et visuelles.

    Bibliographie

    Bataille, Georges, Lascaux ou la naissance de lart , in : id., uvres compltes, tome IX, Paris,Gallimard, 1979.

    Belting, Hans, Image et culte, traduit de lallemand par Frank Muller, Paris, d. du Cerf, 1998.

    Belting, Hans, Face or Trace? Open question around the prehistory of Christs Icon, in: Paleoslavica(Hommage Ihor Sevcenko), Cambridge/Mass., 2003.

    Benjamin, Walter, Petite histoire de la photographie, in: id., Essais1 (1922-1934), trad. Maurice deGandillac, d. Denol/Gonthier, 1983, p.149-168.

    Benjamin, Walter, Sens unique, traduit de lallemand par Jean Lacoste, Paris, 10/18, 1978.

    Benjamin, Walter, Origine du drame baroque allemand, trad. de lallemand par Sybille Muller (avec leconcours de Andr Hirt), Paris, Flammarion, 1985 [coll. Champs].

    Benjamin, Walter, Le livre des passages, trad. par Jean Lacoste, Paris, d. du Cerf, 1989.

    Benjamin, Walter, Paris, Capitale du XIXe sicle, traduit de lallemand par Jean Lacoste daprs lditionoriginale de Rolf Tiedemann, Paris, d. du Cerf, 1989.

    Benjamin, Walter, Luvre dart lpoque de sa reproductibilit technique, in: uvres, vol.III,Paris, Gallimard, 2000.

    Blumenberg, Hans, Paradigmes pour une mtaphorologie, traduit de lallemand par Didier Gamelin,postface de Jean-Claude Monod, Paris, d. Vrin, 2006 [coll. Problmes& Controverses].

    Blumenberg, Hans, La lisibilit du monde, prfac par Denis Trierweiler, traduction par Pierre Rusch etDenis Trierweiler, Paris, d. du Cerf, 2007.

    Boehm, Gottfried/ Pfotenhauer, Helmut (d.), Beschreibungskunst Kunstbeschreibung, Munich, 1995.

    Bredekamp, Horst etal. (d.), Theater der Natur und Kunst. Theatrum Naturae et Artis, Berlin, 2000.

    Didi-Huberman, George, Devant limage. Question pose aux fins dune histoire de lart, Paris, Minuit,1990.

    Didi-Huberman, George, Lempreinte, Paris, d. du Centre Georges Pompidou, 1997.

    Flusser, Vilem, Die Auswanderung der Zahlen aus dem alphanumerischen Code, in: Matejovski,Dirk/ Kittler, Friedrich (d.), Literatur im Informationszeitalter, Francfort/Main/ New York, 1996.

    Gttert, Karl-Heinz, Wider den toten Buchstaben. Zur Problemgeschichte eines topos, in: Kittler,Friedrich et al. (d.), Zwischen Rauschen und Offenbarung. Zur Kultur- und Mediengeschichte derStimme, Berlin, 2002, p.93-113.

    Graham, Dan, Ausgewhlte Schriften, Stuttgart, 1994.

    Gugerli, David / Orland, Barbara (d.), Ganz normale Bilder. Historische Beitrge zur visuellenHerstellung von Selbstverstndlichkeit, Zurich, 2000.

    Hagner, Michael, Homo cerebralis. Der Wandel vom Seelenorgan zum Gehirn, Darmstadt, 1997.

    Heine, Heinrich, Die Reise von Mnchen nach Genua, in: id., Smtliche Schriften, d. par KlausBriegleb, vol.3, Munich, 1976.

  • Les images, acteurs majeurs de la connaissance 13

    Trivium, 1 | 2008

    Heinse, Wilhelm, Dsseldorfer Gemldebriefe, d. par Helmut Pfotenhauer, Francfort/Main/ Leipzig,1996.

    Heintz,B./ HuberJ. (d.), Mit dem Auge denken. Strategien der Sichtbarmachung in wissenschaftlichenund virtuellen Welten, Zurich, 2001.

    Ifrah, Georges, Universalgeschichte der Zahlen, Francfort/Main/ New York, 1986.

    Iglhaut, Stefan/ Spring, Thomas (d.), Science+ fiction. Zwischen Nanowelt und globaler Kultur, Berlin,2003.

    Jones, CarolineA./ Galison, Peter (d.), Picturing Science, Producing Art, New York/ Londres, 1998.

    Johns, Jasper, Prints from the Leo Castelli Collection, Bruxelles, 1991.

    Kac, Eduardo, Genesis, Maison europenne de la Photographie, Paris, 2002.

    Kahn, Fritz, Das Leben des Menschen, 5vol., Stuttgart, 1923-1931.

    Kantorowicz, ErnstH., Les deux corps du roi, Paris, Gallimard, 1989.

    Kemp, Martin, Bilderwissen. Die Anschaulichkeit naturwissenschaftlicher Phnomene, Cologne, 2003.

    Kemp, Wolfgang(d.), Theorie der Fotografie, I. 1839-1912, Munich, 1999.

    Lipp, Carola (d.), Medien popularer Kultur. Erzhlung, Bild und Objekt in der volkskundlichenForschung, Francfort/Main/ New York, 1995.

    Mitchell, W.J.T., Was ist ein Bild?, in: Bohn, Volker (d.), Bildlichkeit. Internationale Beitrgezur Poetik, Francfort/Main, 1990.

    Musil, Robert, Denkmale, in: id., Gesammelte Werke, d. par Adolf Frise, Reinbek prs Hambourg,1981.

    Nauman, Bruce, Image/ Text 1966-1996, Wolfsburg, 1997.

    Rotman, Brian, Signifying Nothing. The Semiotics of Zero, Houndsmills/ Basingstoke/ Londres, 1987.

    Schffner, Wolfgang et al. (d.), Der liebe Gott steckt im Detail . Mikrostrukturen des Wissens,Munich, 2003.

    Schmitz, Ulrich/ Enzel, Horst (d.), Wissen und neue Medien. Bilder und Zeichen von 800 bis 2000,Berlin, 2003.

    Schwartz, Heinrich, David Octavius Hill. Der Meister der Photographie, avec 80 illustrations, Leipzig,1931.

    Stafford, Barbara, Kunstvolle Wissenschaft. Aufklrung, Unterhaltung und der Niedergang der visuellenBildung, Dresde, 1998.

    Weigel, Sigrid, Entstellte hnlichkeit. Walter Benjamins theoretische Schreibweise, Francfort/Main,1997.

    Weigel, Sigrid (d.), Genealogie und Genetik. Schnittstellen zwischen Biologie und Kukturgeschichte,Berlin, 2002.

    Weigel, Sigrid (d.), Literatur als Voraussetzung der Kulturgeschichte. Schaupltze von Shakespearebis Benjamin, Munich, 2004.

    Weigel, Sigrid, Das Gedankenexperiment Nagelprobe auf die facultas fingendi in Wissenschaftund Literatur, in : Macho, Thomas / Wunschel, Annette (d.), Science und Fiction. berGedankenexperimente in Wissenschaft, Philosophie und Literatur, Francfort/Main, 2004, p.183-205.

    Weigel, Sigrid, Phantombilder zwischen messen und deuten. Bilder von Hirn und Gesicht in denInstrumentarien empirischer Forschung von Psychologie und Neurowissenschaft, in: Jagow, Bettina/Steger, Florian (d.), Reprsentationen. Medizin und Ethik in Literatur und Kunst der Moderne,Heidelberg, 2004, p.159-198.

    Weigel, Sigrid, Die innere Spannung im alphanumerischen Code (Flusser). Buchstabe und Zahl ingrammatologischer und wissenschaftsgeschichtlicher Perspektive, in : Dotzler, Bernhard / Weigel,Sigrid (d.), Flle der Combination. Literaturforschung und Wissenschaftsgeschichte, Munich, 2005,p.357-380.

    Wettengl, Kurt(d.), Gedchtnis der Kunst. Geschichte und Erinnerung in der Kunst der Gegenwart,Francfort/Main, 2000.

    Wundt, Wilhelm, Lehre von den Gemthsbewegungen, in : id., Philosophische Studien, Leipzig,1891.

  • Les images, acteurs majeurs de la connaissance 14

    Trivium, 1 | 2008

    Zielinski, Siegfried, Archologie der Medien. Zur Tiefenzeit des technischen Hrens und Sehens,Reinbek prs Hambourg, 2002.

    Notes

    1 Bien que la reproduction des images visuelles doive malheureusement faire dfaut ici, je voudraistout de mme remercier Sabine Flach (Centre de recherches littraires) pour son aide dans la recherchedexemples appropris.2 Sur le temps des mdias, cf. Siegfried Zielinski, Archologie der Medien. Zur Tiefenzeit des technischenHrens und Sehens, Reinbek prs Hambourg, 2002.3 Walter Benjamin, Luvre dart lpoque de sa reproductibilit technique, in : uvres, vol. III,Paris, Gallimard, 2000, p.305.4 Cf. par ex. Carola Lipp (d.), Medien popularer Kultur. Erzhlung, Bild und Objekt in dervolkskundlichen Forschung, Francfort/Main/ New York, 1995.5 Martin Kemp, Bilderwissen. Die Anschaulichkeit naturwissenschaftlicher Phnomene, Cologne, 2003.6 Comme la srie de manifestations organise par le Centre pour la recherche littraire sous letitre WissensKnste, cf. Trajekte 3/2001 et 7/2003, ou bien lexposition de lArs Electronica etlexposition Science+ fiction. Zwischen Nanowelt und globaler Kultur, d. sur commande de la fondationVolkswagen par Stefan Iglhaut/ Thomas Spring, Berlin, 2003.7 Cf. la reproduction in : B. Heintz / J. Huber (d.), Mit dem Auge denken. Strategien derSichtbarmachung in wissenschaftlichen und virtuellen Welten, Zurich, 2001, p.118.8 Heintz/Huber (2001), p.147.9 Heintz/Huber (2001), p.73.10 Cf. par exemple Barbara Stafford, Kunstvolle Wissenschaft. Aufklrung, Unterhaltung und derNiedergang der visuellen Bildung, Dresde, 1998. Caroline A. Jones / Peter Galison (d.), PicturingScience, Producing Art, New York/ Londres, 1998. Horst Bredekamp etal. (d.), Theater der Natur undKunst. Theatrum Naturae et Artis, Berlin, 2000. David Gugerli/ Barbara Orland (d.), Ganz normaleBilder. Historische Beitrge zur visuellen Herstellung von Selbstverstndlichkeit, Zurich, 2000.11 Cf. rep. in: Iglhaut/ Spring (2003), p.41.12 Michael Hagner, Homo cerebralis. Der Wandel vom Seelenorgan zum Gehirn, Darmstadt, 1997, p.99.13 Fritz Kahn, Das Leben des Menschen, 5vol., Stuttgart, 1923-1931.14 Cf. rep.in: Iglhaut/ Spring (2003), p.229.15 W.J.T. Mitchell, Was ist ein Bild?, in: Bohn, Volker (d.), Bildlichkeit. Internationale Beitrgezur Poetik, Francfort/Main, 1990, p.21.16 Wilhelm Wundt, Lehre von den Gemthsbewegungen, in: id., Philosophische Studien, Leipzig,1891.17 Cf. Sigrid Weigel, Phantombilder zwischen messen und deuten. Bilder von Hirn und Gesichtin den Instrumentarien empirischer Forschung von Psychologie und Neurowissenschaft, in: Jagow,Bettina/ Steger, Florian (d.), Reprsentationen. Medizin und Ethik in Literatur und Kunst der Moderne,Heidelberg, 2004, p.159-198.18 Walter Benjamin, Le livre des passages, traduit de lallemand par Jean Lacoste, Paris, d. du Cerf,1989, p.478.19 Mitchell (1990), p.21.20 Cit daprs Iglhaut/ Spring (2003), Textes et interviews, p.15.21 George Didi-Huberman, Devant limage. Question pose aux fins dune histoire de lart, Paris,Minuit, 1990.22 Hans Belting, Image et culte. Une histoire de lart avant lpoque de lart, traduit de lallemand parFrank Muller, Paris, d. du Cerf, 1998.23 Heinrich Heine, Die Reise von Mnchen nach Genua, in: id., Smtliche Schriften, d. par KlausBriegleb, vol.3, Munich, 1976, p.386 et 389.24 ErnstH. Kantorowicz, Les deux corps du roi, Paris, Gallimard, 1989.25 Robert Musil, Denkmale, in: id., Gesammelte Werke, d. par Adolf Frise, Reinbek prs Hambourg,1981, vol.7, p.505.26 Cf. Karl-Heinz Gttert, Wider den toten Buchstaben. Zur Problemgeschichte eines topos, in:Kittler, Friedrich etal. (d.), Zwischen Rauschen und Offenbarung. Zur Kultur- und Mediengeschichteder Stimme, Berlin, 2002, p.93-113.

  • Les images, acteurs majeurs de la connaissance 15

    Trivium, 1 | 2008

    27 Sur le rle du dtail pour la science de la culture, voir: Wolfgang Schffner etal. (d.), Der liebeGott steckt im Detail. Mikrostrukturen des Wissens, Munich, 2003.28 Ainsi John Leighton en 1853 lors dune discussion la Photographic Society of London, in:Kemp, Wolfgang(d.), Theorie der Fotografie I. 1839-1912, Munich, 1999, p.91.29 Wilhelm Heinse, Dsseldorfer Gemldebriefe, d. par Helmut Pfotenhauer, Francfort/Main/ Leipzig,1996, p.69.30 Cf. plus explicitement sur ce point Sigrid Weigel, Die Richtung der Bilder. Zum Links-Rechts vonBilderzhlung und Bildbeschreibung in kultur- und mediengeschichtlicher Perspektive, in : Weigel(2004a), p.196-232.31 Cf. par exemple Public Space / Two Audiences, 1976, in : Dan Graham, Ausgewhlte Schriften,Stuttgart, 1994.32 Cf. par exemple Dream Passage, 1983, in: Bruce Nauman, Image/ Text 1966-1996, Wolfsburg, 1997.33 5555 Meisterwerke, Directmedia, Berlin, 2000.34 Walter Benjamin, Petite histoire de la photographie , in : id., Essais, 1922-1934, traduit delallemand par Maurice de Gandillac, Paris, d. Denol/Gonthier, 1983, p.154. La reproduction de laphotographie se trouve dans Heinrich Schwartz, David Octavius Hill. Der Meister der Photographie.Avec 80 illustrations, Leipzig, 1931. Cf. aussi Sigrid Weigel, Das Detail in Benjamins Theorie photo-und kinematographischer Bilder. Zur Verschrnkung von Kultur- und Mediengeschichte, in: Weigel(2004a).35 Keith Cottingham, Fictitious Portraits. Studies for the Fictitious Portraits Series 1992 , in :Amelunxen, Hubertus von (d.), Photography after Photography. Memory and Representation in theDigital Age, Amsterdam, 1996.36 Georges Bataille, Lascaux ou la naissance de lart, in: id., uvres compltes, tomeIX, Paris,Gallimard, 1979.37 Cf. Georges Didi-Huberman, Lempreinte, Paris, d. du Centre Georges Pompidou, 1997.38 Selon Belting, limage du Christ se distingue des types dimages connues dans le monde antique,parce quelle nest ni limage dun corps mort, absent comme cest le cas dans les reprsentationsfunraires traditionnelles et ne peut pas non plus tre range dans la srie des images divines, de laprsentation de divinits non visibles, surnaturelles, non corporelles. Bien plutt limage du Christ doit-elle se rapporter au statut nigmatique dun corps certes mortel, mais ressuscit, dont il ne peut y avoirde prsentation, tandis que les traces qui ont t laisses par le corps mort sont le seul tmoignage. Danscette mesure, le projet consistant transformer ces traces en une image du visage du Christ est interprtpar Belting comme nigme de limage du Christ, par laquelle en viennent sexprimer les contradictionsdu christianisme lui-mme. Voir Hans Belting, Face or Trace? Open question around the Prehistory ofChrists Icon, in: Paleoslavica (Hommage Ihor Sevcenko), Cambridge, Mass., 2003.39 Mitchell (1990), p.43.40 Cf. Gottfried Boehm/ Helmut Pfotenhauer (d.), Beschreibungskunst Kunstbeschreibung, Munich,1995.41 Cf. lexemple dune Biblia pauperum in: Ulrich Schmitz/ Horst Wenzel (d.), Wissen und neueMedien. Bilder und Zeichen von 800 bis 2000, Berlin, 2003, p.86. Sur lcriture image du Moyen-ge,cf. galement lexemple, discut par Horst Wenzel, du sermon cinq doigts, ibid., p.126.42 Sur le concept de limage crite cf. Sybille Krmer, Kann das geistige Auge sehen? Visualisierungund die Konstitution epistemischer Gegenstnde, in: Heintz/ Huber (2001), p.350.43 Walter Benjamin, Origine du drame baroque allemand, traduit de lallemand par Sybille Muller (avecle concours de Andr Hirt), Paris, Flammarion, 1985 [coll. Champs], p.231.44 Georges Ifrah, Universalgeschichte der Zahlen, Francfort/Main/ New York, 1986. Sur la smiotiquedu zro, cf. galement Brian Rotman, Signifying Nothing. The Semiotics of Zero, Houndsmills /Basingstoke / Londres, 1987. Et sur la relation entre chiffres et lettres, cf. Sigrid Weigel, Dieinnere Spannung im alphanumerischen Code (Flusser). Buchstabe und Zahl in grammatologischer undwissenschaftsgeschichtlicher Perspektive, in : Dotzler, Bernhard / Weigel, Sigrid (d.), flle dercombination. Literaturforschung und Wissenschaftsgeschichte, Munich, 2005, p.357-380.45 Jasper Johns, Prints from the Leo Castelli Collection, Bruxelles, 1991.46 Kemp (2003), p.121sq.47 Cf. Kurt Wettengl(d.), Gedchtnis der Kunst. Geschichte und Erinnerung in der Kunst derGegenwart, Francfort/Main, 2000, p.168.48 FR MNNER, berzeugen ist unfruchtbar. Cf. Walter Benjamin, Sens unique, traduit delallemand par Jean Lacoste, Paris, 10/18, 1978, p.112.

  • Les images, acteurs majeurs de la connaissance 16

    Trivium, 1 | 2008

    N.d.T.: le lecteur aura compris que le caractre agglutinant, et transparent, de la langue allemande permetde retrouver le lexique le plus simple partir duquel le miracle de la langue confectionne ensuite dessignifications complexes. Do la ncessit ici de traduire mot mot.49 Cf. sur ce point le chap.VII in: Sigrid Weigel, Entstellte hnlichkeit. Walter Benjamins theoretischeSchreibweise, Francfort/Main, 1997, p.147sq.50 Hans Blumenberg, Paradigmes pour une mtaphorologie, traduit de lallemand par Didier Gamelin,postface de Jean-Claude Monod, Paris, d. Vrin, 2006 [coll. Problmes& Controverses].51 Hans Blumenberg, La lisibilit du monde, prfac par Denis Trierweiler, traduit de lallemand parPierre Rusch et Denis Trierweiler, Paris, d. du Cerf, 2007, p.377-412 : Le code gntique et seslecteurs. Cf. sur ce point: Sigrid Weigel, Der Text der Genetik. Metaphorik als Symptom ungeklrterProbleme wissenschaftlicher Konzepte, in: id. (d.), Genealogie und Genetik. Schnittstellen zwischenBiologie und Kukturgeschichte, Berlin, 2002.52 Thomas Beth/ Karlheinz Steinmller, Naturwissenschaft zwischen Publicity und Sciencefiction.Ein Gesprch mit Stefan Iglhaut und Thomas Spring, in: Iglhaut/ Spring (2003), p.237.53 Cf. Sigrid Weigel, Das Gedankenexperiment Nagelprobe auf die facultas fingendi inWissenschaft und Literatur, in: Macho, Thomas/ Wunschel, Annette (d.), Science und Fiction. berGedankenexperimente in Wissenschaft, Philosophie und Literatur, Francfort/Main, 2004, p.183-205.54 Walter Benjamin, Paris, Capitale du XIXe sicle, traduit de lallemand par Jean Lacoste daprsldition originale de Rolf Tiedemann, Paris, Les ditions du Cerf, 1989, p.473.55 Eduardo Kac, Genesis, Maison europenne de la Photographie, Paris, 2002.56 Cf. la contribution de Vilem Flusser, Die Auswanderung der Zahlen aus dem alphanumerischenCode, in : Matejovski, Dirk / Kittler, Friedrich (d.), Literatur im Informationszeitalter, Francfort/Main/ New York, 1996. Sur ce point, ma lecture de Flusser, note 44.

    Pour citer cet article

    Rfrence lectronique

    Sigrid Weigel, Les images, acteurs majeurs de la connaissance, Trivium [En ligne], 1|2008, mis enligne le 08 avril 2008, consult le 28 mai 2015. URL: http://trivium.revues.org/319

    propos de lauteur

    Sigrid WeigelProfesseur de littrature, Universit Technique, Berlin

    Droits dauteur

    Tous droits rservs

    Entres dindex

    Mots-cls :image, information, mdias, texteSchlsselwrter :Bild, Information, Medien, Text

    Notes de la rdaction Nous tenons remercier chaleureusement Sigrid Weigel ainsi que lesditeurs de la publication originale de nous avoir accord le droit de traduire son article.