Études et documents du conseil d’État · – la justice administrative en pratique, nlle...

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3 Études et documents du Conseil d’État Fondateur René Cassin Comité de direction Jean-Marc Sauvé, vice-président du Conseil d’État. Yves Robineau, Y annick Moreau, Bernard Stirn, Marie-Dominique Hagelsteen, Pierre-François Racine, Michel Pinault, Olivier Schrameck, présidents de section. Christophe Devys, secrétaire général du Conseil d’État. Frédéric T iberghien, rapporteur général de la section du rapport et des études. Jean-François Debat, rapporteur général adjoint de la section du rapport et des études. Directeur de la publication : Olivier Schrameck, président de la section du rapport et des études Secrétaire de rédaction : Corinne Mathey, secrétaire de la section du rapport et des études

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    Études et documents du Conseil d’État

    Fondateur

    René Cassin

    Comité de direction

    Jean-Marc Sauvé, vice-président du Conseil d’État.

    Yves Robineau, Yannick Moreau, Bernard Stirn, Marie-Dominique Hagelsteen, Pierre-François Racine, Michel Pinault, Olivier Schrameck, présidents de section.

    Christophe Devys, secrétaire général du Conseil d’État.

    Frédéric Tiberghien, rapporteur général de la section du rapport et des études.

    Jean-François Debat, rapporteur général adjoint de la section du rapport et des études.

    Directeur de la publication : Olivier Schrameck, président de la section du rapport et des études

    Secrétaire de rédaction : Corinne Mathey, secrétaire de la section du rapport et des études

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    Publications du Conseil d’État chez le même éditeurRapports publics du Conseil d’État dans la Collection « Études et documents du Conseil d’État »

    – Les autorités administratives indépendantes (EDCE, no 52), 2001. – Collectivités publiques et concurrence (EDCE, no 53), 2002. – Perspectives pour la fonction publique (EDCE no 54), 2003. – Un siècle de laïcité (EDCE no 55), 2004. – Responsabilité et socialisation du risque (EDCE no 56), 2005. – Sécurité juridique et complexité du droit (EDCE no 57), 2006. – L’administration française et l’Union européenne : Quelles influences ? Quelles stratégies ? (EDCE no 58), 2007.

    – Le contrat, mode d’action publique et de production de normes (EDCE n° 59), 2008.

    – Droit au logement, droit du logement (EDCE no 60), 2009.

    Collection « Les études du Conseil d’État » – Aide sociale, obligation alimentaire et patrimoine, 1999. – Le cumul d’activités et de rémunérations des agents publics, 1999. – L’utilité publique aujourd’hui, 1999. – Les lois de bioéthique : cinq ans après, 1999. – La norme internationale en droit français, 2000. – L’influence internationale du droit français, 2001. – La publication et l’entrée en vigueur des lois et de certains actes administratifs, 2001.

    – Redevances pour service rendu et redevances pour occupation du domaine public, 2002.

    – Collectivités territoriales et obligations communautaires, 2004. – L’avenir des juridictions spécialisées dans le domaine social, 2004. – Le cadre juridique de l’action extérieure des collectivités locales, 2006. – Inventaire méthodique et codification du droit de la communication, 2006. – Pour une politique juridique des activités spatiales, 2006. – Pour une meilleure insertion des normes communautaires dans le droit national, 2007.

    – Le droit de préemption, 2008. – L’implantation des organisations internationales sur le territoire français, 2008. – La révision des lois bioéthiques, 2009.

    Collection « Documents d’études » – Jurisprudence du Conseil d’État – Années 1988 à 2002 (disponibles). – Année 2003-2004, Documents d’études 6.21.

    Collection « Les études de la Documentation française » – Le Conseil d’État, par J. Massot et T. Girardot, 1999.

    Hors collection – La justice administrative en pratique, nlle édition, 2001. – Guide pour l’élaboration des textes législatifs et réglementaires, nlle édition à paraître.

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    Sommaire

    ÉditorialJean-Marc Sauvé, vice-président du Conseil d’État .................................................7

    Liste des abréviations et des acronymes ................................................................15

    L’eau et son droit 21

    Introduction .....................................................................................................................23

    Première partie L’eau : son droit et sa gestion .....................................................................................27

    Deuxième partie Répondre aux nouvelles préoccupations ..............................................................107

    Conclusion ......................................................................................................................243

    Annexes 245

    Annexe 1 Flux annuels du cycle de l’eau .................................................................................247

    Annexe 2 Le droit international de l’eau .................................................................................249

    Annexe 3 Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et droit de l’eau à travers la jurisprudence .........................................................................................263

    Annexe 4 La directive-cadre sur l’eau et les autres domaines couverts par le droit communautaire de l’eau.....................................................................271

    Annexe 5 Évolution des principaux articles du code civil .................................................283

    Annexe 6 Le domaine public fluvial : d’un domaine par nature à un domaine par l’usage ......................................................................................................................287

    Annexe 7 La loi du 8 avril 1898 sur le régime des eaux .....................................................297

    Annexe 8 Jurisprudence de la Cour de cassation relative aux articles 640 à 645 du code civil ....................................................................................................................319

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    Annexe 9 Droit de l’eau et grandes lois sur l’eau .................................................................331

    Annexe 10 Grande loi sur l’eau et droit de propriété ...........................................................339

    Annexe 11 La nature juridique des différents services publics locaux ...........................345

    Annexe 12 Répartition des compétences par grand domaine entre les différents services départementaux de l’État avant leur réforme ..................................353

    Annexe 13 Flux financiers en 2006 – Services collectifs d’eau et d’assainissement ...355

    Annexe 14 Les guerres de l’eau : conflits interétatiques et infraétatiques ....................357

    Annexe 15 Le régime juridique des associations syndicales autorisées (ASA) et des sociétés d’aménagement régional (SAR) .................................................367

    Annexe 16 La nature juridique de la concession d’énergie hydraulique .......................371

    Annexe 17 Des procédures complexes et à haut risque juridique ....................................377

    Notes de fin de document...........................................................................................379

    Contributions 477

    Water and Sanitation as Human Rights ..............................................................479Catarina de Albuquerque

    Le règlement des différends internationaux relatifs à l’eau ........................489Laurence Boisson de Chazournes et Mara Tignino

    Gestion privée de l’eau : où va le droit international ? ...................................515Vanessa Richard

    Flood prevention and compensation in the Netherlands. Current practice, comparison with the French system and impact of climate change ..........................................................................................................525Jennifer K. Poussin, Jeroen C.J.H. Aerts and Wouter J.W. Botzen

    Science et élaboration du droit de l’eau ...............................................................537Patrick Lavarde et Alexis Delaunay

    La trame verte et la trame bleue, ou les solidarités écologiques saisies par le droit ........................................................................................................551Philippe Billet

    Existe-t-il un droit de l’eau ? ....................................................................................567Yves Jégouzo

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    Éditorial Jean-Marc Sauvé

    Vice-président du Conseil d’État

    L’organisation et la maîtrise de l’eau sous l’égide d’une autorité centrale ont été, depuis des temps immémoriaux, au principe de plusieurs constructions politiques et administratives, de la Mésopotamie à l’Égypte en passant par la Chine.

    La maîtrise des eaux et l’approvisionnement de la population en eau potable demeurent l’une des responsabilités principales reconnues de nos jours aux États et l’un des éléments de cohésion des sociétés. Et, en plusieurs points du globe, la pénurie d’eau accélère leur déliquescence 1, voire l’avènement de la guerre civile.

    Les premiers efforts pour maîtriser l’eau d’irrigation, nécessaire au développe-ment de l’agriculture par une population qui s’est sédentarisée, datent de l’âge néolithique. Les réalisations les plus spectaculaires dont la trace nous est par-venue sont localisées en Mésopotamie et en Égypte.

    C’est un peu plus tard, à l’âge du bronze, qu’apparaissent les premiers systèmes urbains d’adduction d’eau. Les Grecs, notamment durant la période hellénis-tique, leur apportent de nombreux perfectionnements, fondés sur l’étude des sciences et la métallurgie.

    Les Romains, qui en recueillent l’héritage 2, les déploient à une très large échelle dans toutes les villes importantes de l’empire, grâce à une ingénierie sophistiquée. Rome elle-même, archétype de la ville, comporte de nombreuses fontaines publiques mais aussi un réseau d’assainissement, la cloaca maxima, et des thermes.

    1 - Delphine Dorbeau-Falchier et al., « L’accès à l’eau potable dans les États fragiles », in Jean-Marc Châtaigner, Hervé Magro (sous la dir.), États et sociétés fragiles, Paris, Karthala, 2007, p. 407-418.2 - Sur ce double héritage et son importance, on peut se reporter à Andreas N. Angelakis et al., « Urban wastewater and storm water technologies in the Ancient Greece », Water Resources, 2005, 39 (1), p. 210 ; à Demetris Koutsoyiannis et al., Hydrologic and Hydraulic Science and Techno-logy in Ancient Greece, The Encyclopedia of Water Science, edited by B.A. Stewart and Terry A. Howell, 415-417, Dekker, New York, 2003 ; Demetris Koutsoyiannis et al., « Urban water management in Ancient Greece: Legacies and lessons », Journal of Water Resources Planning and Management-ASCE, 134 (1), 45-54, 2008 ; Demetris Koutsoyiannis et Andreas N. Angelakis, Agricultural Hydraulic Works in Ancient Greece, Encyclopedia of Water Science, Second Edition, edited by S.W. Trimble, 24-27, CRC Press, 2007.

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    À la chute de l’Empire romain, ces technologies tombent dans l’oubli et, après le long intermède du Moyen Âge, ne ressurgissent en Occident qu’au moment où l’urbanisation repart, à la fin du XVIIe siècle. Le véritable décollage de l’ad-duction d’eau potable survient au XIXe siècle, au moment où l’exode rural pré-cipite vers les villes une abondante population ; celui de l’assainissement se produit un peu plus tardivement, après la décimation opérée par le choléra dans les grandes villes européennes vers 1850. Les premières stations d’épuration font leur apparition au début du XXe siècle.

    En France, la fourniture d’eau s’est développée à partir de cette époque comme un service public local et l’adduction d’eau potable, d’abord réservée aux grandes villes, n’est parvenue dans toutes les campagnes qu’à la fin du XXe siècle. Il aura donc fallu environ un siècle et demi pour que tous les Français ou presque aient, enfin, accès à l’eau potable à domicile.

    L’accès à l’eau s’étant généralisé, le droit de l’eau reflète des préoccupations nouvelles. Une de ses particularités est en effet que ces préoccupations évoluent au cours du temps : assurer la fourniture de l’eau nécessaire à l’agriculture et à l’alimentation de la population, veiller à la santé publique en contrôlant la qualité de l’eau potable et en collectant et traitant les eaux usées, canaliser les voies navigables pour transporter des marchandises et favoriser le commerce, sécuriser la population contre les inondations, protéger l’environnement et lut-ter contre la pollution des milieux aquatiques… En ce début du XXIe siècle, ces préoccupations nouvelles concernent le réchauffement climatique et ses consé-quences tant sur la disponibilité de l’eau en volume et sur sa qualité que sur les risques associés à des phénomènes d’inondation ou de sécheresse désormais plus intenses. Le maintien de la biodiversité suscite également des craintes, ce qui provoque des efforts pour restaurer la continuité des milieux aquatiques. Le droit leur fait écho : l’adoption en 2004 de la Charte de l’environnement et son insertion dans la Constitution, le Grenelle de l’environnement et les deux lois qui en sont issues marquent sans doute une rupture dont on discerne encore mal la nature. En tout cas, l’eau est désormais considérée comme une ressource rare et comme un milieu à préserver pour la biodiversité qu’il abrite. Cela implique sans doute une plus forte immixtion de la puissance publique dans la gestion de cette ressource et de ce milieu. Mais jusqu’où ?

    En matière de gestion de l’eau, le retour à une gestion en régie de la distribu-tion de l’eau potable dans certaines villes, et notamment à Paris, marque-t-il en 2010 une inflexion par rapport à la tendance séculaire qui voit le poids de la gestion déléguée augmenter ? La récurrence accélérée d’épisodes de sécheresse édaphique et d’inondations plus dévastatrices inaugure-t-elle une nouvelle répartition des ressources en eau ? Les condamnations récentes de la France par la CJCE en application de plusieurs directives communautaires –  eaux résiduaires urbaines (ERU), nitrates… – témoignent-elles d’une répugnance de l’État et des collectivités territoriales à appliquer les normes communau-taires, plus exigeantes en matière de lutte contre la pollution des eaux ? L’État a-t-il pris l’exacte mesure de phénomènes tels que la multiplication des algues vertes le long du littoral ou l’eutrophisation de certains cours d’eau ? Ces ques-tions d’actualité, parmi bien d’autres, justifiaient que le Conseil d’État, dont la contribution à l’élaboration du droit de l’eau a été majeure au cours des der-nières décennies, se saisisse de cet enjeu.

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    La première partie de ces considérations générales brosse un panorama des utilisations de la ressource en eau et dresse un état des lieux du droit qui lui est applicable, de l’organisation, de la gestion, du financement et de la gou-vernance de l’eau. Le droit de l’eau est aujourd’hui majoritairement d’origine communautaire : la directive-cadre sur l’eau de 2000 notamment a renversé la perspective en fixant des objectifs à atteindre dès 2015 et institué des comptes rendus réguliers sur les résultats obtenus. Cette première partie insiste en par-ticulier sur la surabondance des textes, des organismes et des institutions char-gés de la gestion de l’eau qui appellent des simplifications. Les problèmes posés par le droit de l’eau sont d’abord des problèmes de disponibilité des moyens humains et budgétaires pour appliquer un droit foisonnant et complexe à l’excès et pour atteindre les objectifs fixés par l’Union européenne. Sont aussi recen-sés les nouveaux défis internationaux et les grands thèmes régulièrement débat-tus dans les enceintes internationales : si l’eau reste une affaire locale, d’où découle le rôle éminent des collectivités territoriales dans la gestion du ser-vice public de l’eau depuis le XIXe siècle, elle est également devenue une ques-tion globale, étroitement liée à celle du réchauffement climatique. Elle met enfin en lumière un modèle français de gestion de l’eau qui s’est exporté et qui a lar-gement inspiré la doctrine des grandes organisations internationales. Il reste à mieux l’appliquer en France même.

    La seconde partie des considérations générales est consacrée aux réponses à apporter aux préoccupations nouvelles énumérées ci-dessus. Car, même si la situation de la France est dans l’ensemble satisfaisante quant à la disponibilité en quantité et en qualité de cette ressource et quant à son prix, de nombreuses améliorations peuvent encore être apportées.

    En ce qui concerne la gestion quantitative et qualitative du grand cycle de l’eau, le Conseil d’État invite à mieux préciser les utilisations souhaitables et souhaitées des eaux pluviales et des eaux usées et les normes applicables à ces utilisations, à définir le modèle économique correspondant à l’utilisation des différentes catégories d’eaux et à conférer à ces différents services publics la nature d’un service public industriel et commercial si leur financement par l’usager s’avère possible.

    S’agissant des eaux de surface et des eaux souterraines, il suggère également d’améliorer le rendement des techniques d’irrigation et de mettre en applica-tion les méthodes généralement suivies à l’étranger pour économiser l’eau en agriculture. Il invite à revoir le régime de propriété des eaux souterraines et à poursuivre l’entreprise d’intégration du droit de l’eau qui a débuté avec le code de l’environnement.

    En ce qui concerne les cours d’eau et le transport fluvial, il propose de spécia-liser les cours d’eau, les uns comme réservoirs de biodiversité, les autres étant consacrés au transport et à l’hydroélectricité. Il recommande aussi de donner à Voies navigables de France un rôle plus important et surtout de donner à cet établissement la maîtrise de ses moyens en personnel et du domaine qui lui est confié en gestion.

    S’agissant de la production d’énergie hydroélectrique, il convient de clarifier rapidement le régime juridique de ce type de concessions et leur mode de pas-sation et de sécuriser au plan juridique le processus d’ouverture à la concur-rence, prévu au cours des prochaines années.

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    S’agissant du risque d’inondation, il faut dégager le financement nécessaire et prescrire l’élaboration de plans de prévention des risques en vue de couvrir toutes les zones vulnérables, de rendre le régime d’indemnisation des catas-trophes naturelles plus incitatif et d’élaborer une doctrine claire et partagée entre État et collectivités territoriales quant aux limites de l’urbanisation en zone inondable.

    Le Conseil d’État invite aussi à poursuivre les efforts pour mettre en place au plus vite les réseaux et les bases de données sur l’eau afin de pouvoir gérer le grand cycle de l’eau. Pour mieux maîtriser les prélèvements d’eau brute pour l’irrigation, il recommande de privilégier la gestion collective de l’eau et des infrastructures d’irrigation plutôt que les solutions individuelles.

    En ce qui concerne la gestion quantitative et qualitative du petit cycle de l’eau, le Conseil d’État recommande d’améliorer les outils de gestion de l’eau potable, de mettre en place les outils de maîtrise de la demande comme les compteurs individuels sous la réserve de l’habitat collectif ancien, de s’inspirer des expé-riences étrangères réussies pour lutter contre la mauvaise utilisation de l’eau et son gaspillage, de mettre la priorité sur la réduction des pertes dans les réseaux d’alimentation en eau potable et d’améliorer les outils et procédures de gestion des épisodes de sécheresse.

    S’agissant de l’organisation et des modes de gestion du service, le Conseil d’État suggère des pistes de travail pour que les communes puissent sortir des difficultés rencontrées dans la mise en œuvre du service public d’assainisse-ment non collectif. Il invite aussi à traiter franchement les difficultés rencon-trées par de nombreuses régies et à recourir au contrat pour fixer à celles-ci des objectifs et mesurer leur performance par des indicateurs qui doivent être identiques quel que soit le mode de gestion. Ces indicateurs doivent être analy-sés et consolidés pour pouvoir mieux comparer les performances des différents modes de gestion. La recommandation essentielle sur ce point est de contribuer à créer les conditions d’un choix libre et éclairé entre gestion en régie et ges-tion déléguée.

    S’agissant du droit à l’eau potable et à l’assainissement, il convient de garan-tir l’accès à l’eau des sans-abri et d’adopter une tarification sociale ou de créer une aide directe à la prise en charge de la facture d’eau des plus démunis. Au plan international, la France devrait promouvoir l’inscription et la définition de ce droit dans le droit interne des États, tout en maintenant le niveau de son aide publique au développement pour que puissent être atteints les « objectifs du Millénaire » dans ce domaine.

    En ce qui concerne la qualité de l’eau et la lutte contre la pollution, le Conseil d’État invite à mieux distinguer entre normes de santé humaine et normes de protection du milieu, à réaliser des études d’impact sur les normes nouvelles et à intervenir très en amont dans la discussion internationale à leur sujet.

    Pour mettre correctement en œuvre la directive ERU de 1991, il recommande de renforcer le caractère incitatif des redevances pour pollution et des aides accor-dées aux réseaux d’assainissement par les agences de l’eau.

    Le Conseil d’État suggère de recourir davantage aux incitations économiques pour lutter efficacement contre les pollutions diffuses d’origine agricole et pour maîtriser les prélèvements d’eau d’irrigation. Dans le même esprit, il

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    recommande de relever le niveau minimal de certaines redevances perçues par les agences de l’eau pour prélèvement ou pour pollution. Il conseille enfin de poursuivre la réforme de la politique agricole commune dans le sens du découplage des aides et de l’instauration d’une meilleure articulation entre les logiques économique et écologique. Il suggère aussi de renforcer le régime d’assurance récolte afin de prévenir les prélèvements excessifs d’eau pour l’ir-rigation en cas de sécheresse et de ne pas inciter à l’emploi excessif d’engrais et de pesticides.

    En ce qui concerne les institutions, le Conseil d’État recommande de renforcer le rôle du Comité national de l’eau, qui devrait en particulier jouer le rôle de forum où seraient débattues et préparées les grandes décisions publiques, celui des agences de l’eau dans la prévention des inondations et la gestion du grand cycle de l’eau et celui des établissements publics territoriaux de bassin comme maîtres d’ouvrage de droit commun au plan local.

    En vue d’une meilleure application du droit communautaire, le Conseil d’État recommande d’ouvrir à l’État la faculté de se retourner contre les collectivités territoriales à l’origine des condamnations prononcées par la Cour de justice de l’Union européenne. Il estime aussi indispensable et possible une simplifica-tion du droit national dans le sens de l’unification qui devrait prioritairement porter sur les points suivants : les définitions juridiques comme celle de zone humide, les régimes de police de l’eau, les procédures pénales et les règles rela-tives à la protection des captages. Il convient aussi de ralentir l’inflation légis-lative et de cesser de légiférer par adjonction ou superposition de textes. Enfin, la multiplication en cours des documents d’aménagement ayant une incidence sur la politique de l’eau doit conduire à mieux préciser leur articulation pour ne pas multiplier demain les risques de contentieux.

    Sur la police et le droit pénal de l’eau, le Conseil d’État recommande d’évaluer régulièrement le phénomène de non-déclaration des installations, ouvrages, travaux et aménagements (IOTA) soumis à autorisation ou déclaration, de sou-mettre au régime de la déclaration tous les IOTA qui présentent des inconvé-nients sérieux pour l’environnement, d’augmenter la fréquence des contrôles, d’actualiser la liste des infractions environnementales et de revoir l’adéquation entre la gravité des infractions et les sanctions à l’occasion de la transposition de la directive du 19 novembre 2008 relative à la protection de l’environnement par le droit pénal.

    En ce qui concerne les recherches et les études amont ou appliquées, il est souhaitable d’intensifier notamment celles qui portent sur les conséquences du réchauffement climatique, sur le fonctionnement hydrologique des nappes phréatiques et l’inventaire du potentiel des aquifères ainsi que sur la modélisa-tion du grand cycle de l’eau par bassin-versant et la mise au point des outils de gestion correspondants.

    ***

    Comme chaque année, le rapport du Conseil d’État est complété par des contri-butions d’auteurs, qui sont en relation directe avec le thème retenu. Les scien-tifiques traitent de l’eau sans jamais prendre en considération sa dimension juridique et vice versa. Il existe une coupure regrettable entre science, écono-mie et droit, alors que le droit de l’eau devrait reposer en premier lieu sur une

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    analyse scientifique du cycle de l’eau et sur de solides études portant sur la meilleure valorisation économique et environnementale de l’eau. Les contri-butions ici rassemblées voudraient nouer ce dialogue dont l’absence explique en bonne partie que le droit de l’eau soit régulièrement en retard sur l’état des connaissances scientifiques et l’état de l’art et des techniques. Elles portent sur les aspects internationaux et nationaux de la gestion de l’eau.

    En ce qui concerne les sujets internationaux,

    – Mme Catarina de Albuquerque, expert indépendant désigné en mars 2008 par le Conseil des droits de l’homme des Nations unies pour animer une consul-tation publique sur les obligations en matière de droits de l’homme concer-nant l’accès à l’eau potable et à l’assainissement, fait part de ses réflexions sur « Water and sanitation as human rights » ;

    – Mme Laurence Boisson de Chazournes, professeur au département de droit international public et organisation internationale de la faculté de droit de l’uni-versité de Genève, et Mme Mara Tignino, maître assistant à la faculté de droit de l’université de Genève et visiting scholar, School of Law, George Washington University, abordent une question sensible et cruciale, « Le règlement des diffé-rends internationaux relatifs à l’eau », alors qu’une littérature volumineuse pré-dit des guerres de l’eau ;

    – Mme Vanessa Richard, chargée de recherche au CNRS, CERIC (université Aix-Marseille-III), s’intéresse aux expériences internationales de gestion déléguée de l’eau et pose la question de savoir où va le droit international : « Gestion pri-vée de l’eau : où va le droit international ? ;

    – Jennifer K. Poussin, Jeroen C.J.H. Aerts, professeur à la Amsterdam Vrije Universiteit et Wouter J.W. Botzen décrivent les outils juridiques et la pratique de la prévention et de l’indemnisation des catastrophes naturelles aux Pays-Bas, ce pays étant le plus avancé en Europe quant à la prise en compte des conséquences du réchauffement climatique sur la montée des eaux.

    En ce qui concerne les sujets nationaux,

    – Patrick Lavarde, directeur général de l’ONEMA et Alexis Delaunay, direc-teur du contrôle des usages et de l’action territoriale de l’ONEMA, nouent le dialogue entre « Science et élaboration du droit de l’eau » ;

    – Philippe Billet, professeur à l’université Jean-Moulin Lyon-III, président de la Société française pour le droit de l’environnement et directeur de la Revue juridique de l’environnement, se livre quant à lui à un exercice stimulant de pros-pective en se demandant comment deux notions nouvelles, issues du Grenelle de l’environnement, vont prendre corps dans le droit : « La trame verte et la trame bleue, ou les solidarités écologiques saisies par le droit » ;

    – Yves Jégouzo, professeur émérite à l’université Paris-I (Panthéon-Sorbonne) et directeur de l’AJDA, conclut cette série en se demandant quelle conclusion tirer du principe de la gestion intégrée par bassin hydrologique qui s’est peu à peu imposée au plan international comme une bonne pratique dans : « Existe-t-il un droit de l’eau ? ».

    Je remercie tous ces auteurs pour l’enrichissement et l’ouverture internatio-nale qu’ils apportent aux travaux du Conseil d’État. Tous les textes ici rassem-blés forment un ouvrage de synthèse rare puisqu’il embrasse et met pour la

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    première fois en perspective les problèmes de quantité, de qualité et de risque posés par l’abondance ou l’insuffisance de l’eau. Écartant les faux problèmes et les faux débats, ces considérations générales, complétées par les contribu-tions évoquées ci-dessus, identifient avec lucidité toutes les difficultés encore à résoudre en formulant des pistes de solution. Elles viennent combler un vide au moment où il faut apporter des réponses innovantes à de nouvelles problé-matiques. Je souhaite en particulier que le 6e Forum mondial de l’eau qui se tiendra à Marseille en 2012 puisse en apporter certaines et renforce au plan international l’envie de coopérer pour rendre plus effectif un droit d’accès à l’eau, dont une partie de l’humanité reste privée. Le Conseil d’État formule le vœu que ses travaux contribuent au succès de ce rendez-vous international.

    Au-delà de cet événement, il ouvre plusieurs débats nationaux très sensibles sur l’application du principe pollueur-payeur, sur le rôle et les responsabilités des collectivités territoriales, sur les limites inhérentes en la matière du droit de propriété ou sur le modèle de développement agricole.

    Même si l’État se heurte à de multiples difficultés dans la mise en œuvre du droit de l’eau (l’Union européenne légifère, les collectivités territoriales gèrent, la législation est mal appliquée, des informations stratégiques ne sont pas encore disponibles…) dont il est seul garant à l’égard de l’Union européenne, ces considérations générales l’invitent à ne pas se désengager : il demeure en effet un acteur stratégique de cette politique et de ce droit.

    Tout en laissant la gestion du petit cycle de l’eau aux collectivités territoriales qui s’en acquittent plutôt bien, il lui revient de se saisir de la gestion de son grand cycle et de l’organiser. De nouvelles questions lui seront rapidement posées avec le réchauffement climatique, dont celle des modalités et des limites de la solidarité entre bassins-versants en matière de transfert d’eau sur une longue distance ou celle de la résolution de conflits d’usage plus nombreux et plus durs autour d’une ressource plus rare. Depuis les premiers âges de la vie en société et de la construction étatique, c’est logiquement vers l’État que se tournent tous les acteurs pour obtenir des réponses qu’il peut seul apporter. Il est permis d’espérer que ces considérations générales l’aideront à les formuler.

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    Liste des abréviations et des acronymes

    ADEME Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergieAFD Agence française de développementAFSSA Agence française de sécurité sanitaire des alimentsAFSSET Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travailAGCS Accord général sur le commerce des servicesAJDA Actualité juridique droit administratifALENA Accord de libre-échange nord-américainAMECE Assemblée mondiale des élus et des citoyens pour l’eauAMF Association des maires de FranceAMM Autorisation de mise sur le marchéANC Assainissement non collectifAPD Aide publique au développementAPL Aide personnalisée au logementASA Associations syndicales autoriséesBETCGB Bureau d’étude technique et de contrôle des grands barragesBIPE Bureau d’information et de prévision économiquesBRGM Bureau de recherches géologiques et minièresCAA Cour administrative d’appelCAF Caisse d’allocations familialesCCAS Centre communal d’action socialeCCR Caisse centrale de réassuranceCCSPL Commission consultative des services publics locauxCE Conseil d’ÉtatCEDH Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des

    libertés fondamentalesCEE Communauté économique européenneCEMAGREF Institut de recherche pour l’ingénierie de l’agriculture et de l’environ-

    nement (originellement Centre national du machinisme agricole, du génie rural, des eaux et des forêts)

    CGAAER Conseil général de l’agriculture, de l’alimentation et des espaces ruraux

    CGCT Code général des collectivités territorialesCGEDD Conseil général de l’environnement et du développement durableCGI Code général des impôtsCIADT Comité interministériel pour l’aménagement et le développement

    du territoireCICID Comité interministériel de la coopération internationale et du

    développement

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    CIJ Cour internationale de justiceCIPR Commission internationale pour la protection du RhinCIRAD Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour

    le développementCJCE Cour de justice des Communautés européennesCLCV Confédération de la consommation, du logement et du cadre de vieCNAM Caisse nationale d’assurance maladieCNARBRL Compagnie nationale d’aménagement de la région du bas Rhône et

    du LanguedocCNCDH Commission nationale consultative des droits de l’hommeCNR Compagnie nationale du RhôneCNRS Centre national de la recherche scientifiqueCNUCED Conférence des Nations unies sur le commerce et le développementCOP Céréales, oléagineux et protéagineuxCORPEN Comité d’orientation pour des pratiques agricoles respectueuses de

    l’environnementCREDOC Centre de recherches pour l’étude des conditions de vieCSHPF Conseil supérieur d’hygiène publique de FranceCSP Conseil supérieur de la pêcheDALO Droit au logement opposableDCE Directive-cadre sur l’eau de 2000DDAF Direction départementale de l’agriculture et de la forêtDDASS Direction départementale de l’action sanitaire et socialeDDEA Direction départementale de l’équipement et de l’agricultureDDPPCS Direction départementale de la protection de la population et de la

    cohésion socialeDDRM Dossier départemental des risques majeursDDSV Direction départementale des services vétérinairesDDT Direction départementale des territoiresDGCCRF Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la

    répression des fraudesDGF Dotation globale de fonctionnementDGPR Direction générale de la prévention des risquesDICRIM Document d’information communal sur les risques majeursDIREN Direction régionale de l’environnementDISE Délégations interservices de l’eauDOM Département d’outre-merDOS Document d’orientation stratégiqueDRASS Direction régionale des affaires sanitaires et socialesDREAL Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du

    logementDRIRE Direction régionale de l’industrie, de la recherche et de l’environnementDSP Délégation de service publicDUDH Déclaration universelle des droits de l’hommeDUP Déclaration d’utilité publiqueEJP Effacement des jours de pointe

  • 17

    EPCI Établissement public de coopération intercommunaleEPIC Établissement public à caractère industriel et commercialEPTB Établissement public territorial de bassinERU Directive eaux résiduaires urbaines de 1991ETP Équivalents temps pleinFAO Food and Agriculture OrganizationFCTVA Fonds de compensation pour la TVAFFSA Fédération française des sociétés d’assurancesFMI Fonds monétaire internationalFNCCR Fédération nationale des collectivités concédantes et régiesFNDAE Fonds national de développement des adductions d’eauFNE Fonds national de l’eauFNGCA Fonds national de garantie des calamités agricolesFNSE Fonds national de solidarité pour l’eauFP2E Fédération professionnelle des entreprises de l’eauFPRNM Fonds de prévention des risques naturels majeursFSL Fonds de solidarité logementGEC Groupements eurorégionaux de coopérationGECT Groupement européen de coopération territorialeGIEC Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climatGIRE Gestion intégrée des ressources en eauGRET Groupe de recherche et d’échanges technologiquesHCR Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiésIFEN Institut français de l’environnementIFREMER Institut français de recherche pour l’exploitation de la merIFT Indicateur de fréquence de traitementIGAS Inspection générale des affaires socialesIGD Institut de la gestion déléguéeIGE Inspection générale de l’environnementIIT Indicateur d’intensité de traitementIOTA Installations, ouvrages, travaux ou activitésINERIS Institut national de l’environnement industriel et des risquesINRA Institut national de la recherche agronomiqueINSEE Institut national de la statistique et des études économiquesINSERM Institut national de la santé et de la recherche médicaleIPPC Integrated Pollution Prevention and Control  : directive relative à la

    prévention et à la réduction intégrées de la pollution de 1996IRD Institut de recherche pour le développementIRIS Institut de relations internationales et stratégiquesIRSN Institut de radioprotection et de sûreté nucléaireISO International Standards OrganizationLMR Limites maximales de résidusLOLF Loi organique relative aux lois de financesMEDAD Ministère de l’Écologie, du Développement et de l’Aménagement

    durables

  • 18

    MEEDDAT Ministère de l’Écologie, de l’Énergie, du Développement durable et de l’Aménagement du territoire

    MIE Mission interministérielle de l’eauMINEFI Ministère de l’Économie, des Finances et de l’IndustrieMISE Missions interservices de l’eauMRH Contrat multirisque habitationNODU Nombre de doses « unités »OBA Output-based aidsOCDE Organisation de coopération et de développement économiquesOECD Organisation for Economic Co-operation and DevelopmentOFIVAL Office national interprofessionnel des viandes, de l’élevage et de

    l’avicultureOFWAT Office of Water ServicesOIE Office international de l’eauOMC Organisation mondiale du commerceOMS Organisation mondiale de la santéONCFS Office national de la chasse et de la faune sauvageONEMA Office national de l’eau et des milieux aquatiquesONF Office national des forêtsONG Organisation non gouvernementaleONN Office national de la navigationONU Organisation des Nations uniesONUDI Organisation des Nations unies pour le développement industrielOUI Organisme unique de gestion de l’eau d’irrigationPAC Politique agricole communePAPI Programmes d’action pour la prévention des inondationsPCB PolychlorobiphénylesPCS Plan communal de sauvegardePER Plan d’exposition aux risques naturels prévisiblesPERR Partnership for European environmental researchPFE Partenariat français pour l’eauPGRI Plan de gestion des risques d’inondationPIRRP Plan interministériel de réduction des risques liés à l’utilisation des

    pesticidesPLU Plan local d’urbanismePMBE Plan de modernisation des bâtiments d’élevagePMPOA Plan de maîtrise des pollutions d’origine agricolePNB Produit national brutPNSE Plan national santé environnementPNUD Programme des Nations unies pour le développementPNUE Programme des Nations unies pour l’environnementPOS Plan d’occupation des solsPPE Périmètre de protection éloignéePPI Périmètre de protection immédiatePPP Partenariat public-privéPPR Périmètre de protection rapprochée

  • 19

    PPRN Plans de prévention des risques naturelsPPRNi Plans de prévention des risques naturels d’inondationPPRNL Plans de prévention des risques naturels littorauxPSS Plan de surface submersiblePVE Plan végétal pour l’environnementRFDA Revue française de droit administratifRGPP Révision générale des politiques publiquesRIOB Réseau international des organismes de bassinRNDE Réseau national des données sur l’eauROCA Réseau d’observation de crise des assecs de cours d’eauSAGE Schéma d’aménagement et de gestion des eauxSAGEP Société anonyme de gestion des eaux de ParisSANDRE Service d’administration nationale des données et référentiels sur

    l’eauSAR Société d’aménagement régionalSATESE Service d’assistance technique aux exploitants de stations d’épurationSAU Surface agricole utileSCHAPI Service central d’hydrométéorologie et d’appui à la prévision des

    inondationsSCOT Schéma de cohérence territorialeSDAGE Schéma directeur d’aménagement et de gestion des eauxSDAU Service départemental d’aménagement et d’urbanismeSDPC Schéma directeur de prévision des cruesSEDIF Syndicat des eaux d’Île-de-FranceSEEE Système d’évaluation de l’état des eauxSEIS Système de partage d’informations sur l’environnementSEM Société d’économie mixteSIAAP Syndicat interdépartemental pour l’assainissement de l’aggloméra-

    tion parisienneSIDEN Syndicat intercommunal de distribution d’eau du NordSIE Système d’information sur l’eauSIEG Service d’intérêt économique généralSIG Service d’intérêt généralSISE Système d’information sur l’eauSIVOM Syndicat intercommunal à vocation multipleSPA Service public administratifSPANC Service public d’assainissement non collectifSPC Service de prévision des cruesSPDE Syndicat professionnel des distributeurs d’eauSPIC Service public industriel et commercialSRU Loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains du

    13 décembre 2000STEEGB Service technique de l’énergie électrique et des grands barragesSTEP Station de transfert d’énergie par pompage ou station d’épurationTA Tribunal administratifTBT Peintures antisalissures à base d’organostanniques

  • 20

    TCE Traité instituant la Communauté européenneTGAP Taxe générale sur les activités polluantesTGI Tribunal de grande instanceTUE Traité sur l’Union européenneTWh Térawatt-heureUDI Unité de distributionUE Union européenneUNESCO United Nations Educational, Scientific and Cultural OrganizationUNICEF United Nations Children’s Emergency FundUNSGABWS Conseil consultatif du secrétariat général des Nations unies pour

    l’eau et l’assainissementVNF Voies navigables de FranceWOP Water operators partnershipsWSC Water and severage companiesZNIEFF Zone naturelle d’intérêt écologique, floristique et faunistiqueZRE Zone de répartition des eaux

  • L’eau et son droit

  • Avertissement

    Pour faciliter la lecture du document, les notes relatives aux considérations générales figurent en fin de document à la rubrique « Notes de fin de document ». En revanche, les notes relatives aux annexes figurent en pied de page dans chacune des annexes.

    Les considérations générales du Conseil d’État sur « L’eau et son droit » ont été rédigées par M. Frédéric Tiberghien, rapporteur général de la section du rapport et des études, avec le concours de M. Emmanuel Vernier, administrateur civil en détachement au Conseil d’État, Émilie Bokdam, Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, Jean Lessi et Aurélien Rousseau, auditeurs au Conseil d’État.

    Elles ont été adoptées par l’assemblée générale du Conseil d’État le 18 février 2010.

    Capucine des Ligneris, Benoît Marejus et Thibaud Troublaiewitch, stagiaires au Conseil d’État, ont contribué aux recherches documentaires menées en vue de ce rapport. Qu’ils en soient vivement remerciés.

  • 23Introduction

    Introduction

    Située dans une zone de climat tempéré, occupant une superficie moyenne, béné-ficiant d’une pluviométrie suffisante et bordée ou traversée par plusieurs grands fleuves, la France n’a jamais connu, hormis quelques épisodes de sécheresse locale ou passagère – comme en 1976, 1989, 1990, 1991 ou durant la canicule de l’été de 2003 –, de graves problèmes d’accès à l’eau. Il n’en va pas néces-sairement ainsi sur tous les continents, y compris en Europe où plusieurs États rencontrent de sérieuses difficultés d’approvisionnement et où l’on constate une baisse du niveau des nappes phréatiques, un tarissement de certains fleuves et des inondations aux conséquences de plus en plus catastrophiques. Car l’eau pose partout, selon les moments ou les saisons, deux problèmes distincts mais liés entre lesquels il faut jongler en permanence, celui de sa quantité qui peut osciller entre le trop (inondation) et le trop peu (sécheresse) et celui de sa qua-lité, ces problèmes se posant à deux niveaux distincts, le global et le local, et selon deux logiques à différencier, la gestion de la ressource et celle du milieu.

    Malgré cette situation a priori favorable, des inquiétudes croissantes s’expri-ment sur la disponibilité quantitative, présente et future, de la ressource en eau douce, et sur l’évolution de sa qualité. Plusieurs lois récentes ont d’ailleurs été soit entièrement, soit partiellement consacrées à ce sujet, signe de son rang élevé dans les préoccupations des pouvoirs publics.

    Il semble en effet qu’une rupture normative se profile : si le droit communau-taire s’est beaucoup densifié, la Charte de l’environnement et les lois ou projets de loi issus du Grenelle de l’environnement – lois dites Grenelle I et Grenelle II – reconnaissent un droit à un environnement sain, consacrent la valeur consti-tutionnelle de principes cardinaux du droit de l’environnement, comme le prin-cipe pollueur-payeur ou le principe de précaution, et introduisent une dimension programmatique plus affirmée dans la législation de l’eau.

    L’eau fait également l’objet de débats d’actualité de plus en plus nombreux, qu’il s’agisse des condamnations prononcées par la CJCE contre la France pour application insatisfaisante de plusieurs directives européennes, de la récurrence – perçue comme plus fréquente alors que les statistiques ne l’établissent pas – des tempêtes et des inondations mais aussi des épisodes de sécheresse avec en arrière-fond l’impact éventuel du réchauffement climatique, des pollutions par les nitrates et du développement des algues vertes sur le littoral, de l’importance symbolique du contentieux né de l’application de la loi du 29 janvier 1993, dite loi Sapin, en ce qui concerne les contrats de délégation relatifs à la gestion de l’eau potable, de la reprise en régie du service de distribution d’eau potable par les villes de Paris et de Rouen à rebours de l’évolution générale, de la prochaine remise en concurrence de nombreuses concessions hydroélectriques… Tous ces éléments convergent pour justifier que le Conseil d’État se saisisse de ce pan important du droit et s’interroge sur sa cohérence et son efficacité.

  • 24 Considérations générales

    Il concerne tous les habitants dans leur vie quotidienne : les usages de l’eau sont multiples pour les êtres vivants, humains mais aussi plantes et animaux. Eux-mêmes composés d’eau dans une proportion élevée, les humains ne peuvent pas vivre et encore moins survivre sans elle : boisson, elle permet aussi la cuisson des aliments 1 ; facteur d’hygiène et de santé, elle est utilisée pour le lavage et le nettoyage ; elle est également source d’aménités dans des domaines aussi variés que le tourisme, le thermalisme 2, le paysagisme, le sport et les loisirs ou encore les pratiques rituelles, médicinales, culturelles ou religieuses 3. L’eau sert aussi de vecteur à de nombreux échanges (énergie, transport sur des voies spéciale-ment aménagées pour les rendre navigables, mais aussi maladies et pollutions). Et surtout l’eau est nécessaire à la fabrication de nombreux produits agricoles ou industriels, occasionnant les consommations les plus importantes en volume.

    Bien indispensable à l’épanouissement de la vie mais aussi symbole de sa fra-gilité lorsqu’elle fait défaut, l’eau constitue également un milieu et un des élé-ments fondamentaux de l’écosystème. La prise de conscience de la fragilité et de la rareté de cette ressource ainsi que de la nécessité de protéger ce milieu pour sa biodiversité est très récente.

    Eu égard à la place éminente qu’occupe l’eau dans la vie sociale, l’État est inter-venu très tôt pour définir les règles du jeu relatives à son utilisation et organi-ser une alimentation suffisante en quantité et en qualité sur tout le territoire. Les textes applicables lui attribuent les principaux rôles suivants.

    Il est chargé de définir la politique de l’eau, les différents documents, tels les schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) et les sché-mas d’aménagement et de gestion des eaux (SAGE), qui la traduisent ainsi que les orientations prioritaires des programmes pluriannuels d’intervention des agences de l’eau et, de manière générale, de tous les plans ou programmes d’ac-tion décidés au niveau national. Il veille au financement de la politique de l’eau et de tous ces programmes. Il évalue le degré d’atteinte des objectifs de cette politique et, grâce au système d’information sur l’eau, en rend compte auprès des autorités communautaires et du public.

    L’État est comptable vis-à-vis de la population de l’accès à l’eau, de l’organi-sation de la disponibilité de la ressource et de la surveillance de sa potabilité.

    L’État est également chargé de négocier le droit international de l’eau et notam-ment le droit communautaire, de transposer les directives communautaires, de définir le droit national, de réglementer l’usage de la ressource et d’organiser la conciliation entre ses différents usages.

    En sa qualité de législateur et de régulateur du secteur, l’État détermine les modes de gestion les plus efficaces des différents services ainsi que leurs règles de financement et incite à leur mise en place effective.

    L’État joue aussi un rôle essentiel dans la normalisation en matière de santé publique ou d’environnement, qu’il s’agisse de la qualité des eaux (filières de traitement et produits autorisés…) ou des rejets et des caractéristiques ou des performances des équipements.

    Il contrôle la qualité des différentes eaux et exerce un nombre élevé de polices de l’eau.

  • 25Introduction

    Comme propriétaire des domaines public et privé, il lui revient de les entretenir, de les protéger et de les valoriser.

    Comme garant de la sécurité publique, l’État est chargé de la prévention des risques naturels, de l’organisation des secours en cas de sinistre et de la déter-mination des conditions de leur indemnisation.

    L’État est enfin chargé du contrôle juridique et budgétaire a posteriori de toutes les décisions prises et de tous les budgets exécutés par les gestionnaires de l’eau.

    Sujet complexe par nature et par culture, le droit de l’eau interfère avec de mul-tiples disciplines et concerne autant le droit public que le droit privé.

    Pour faciliter l’entrée dans cet univers complexe, ces considérations générales commencent par décrire l’état du droit applicable et par dresser l’état des lieux de la gestion de l’eau douce en France. Elles abordent ensuite la manière dont l’État pourrait, compte tenu de ses responsabilités, répondre aux préoccupations nouvelles que le Conseil d’État a identifiées.

  • 27L’eau : son droit et sa gestion

    Première partie L’eau : son droit et sa gestion

    Avant de détailler le droit applicable à l’eau, il faut prendre la mesure des dif-férents usages de cette ressource et examiner comment sa fourniture est orga-nisée et financée.

    1.1. Usages et usagers de l’eau

    Dresser l’inventaire des différentes utilisations de l’eau nécessite de partir du volume de la ressource accessible et de décrire brièvement son cycle.

    Le cycle de l’eau : des volumes constants et en perpétuel mouvement

    Si sa quantité dans la nature ne varie pas, l’eau répond en effet à un cycle 4 au sein duquel l’évaporation joue un rôle essentiel et au cours duquel elle peut prendre l’un ou plusieurs de ses trois états, liquide, solide ou gazeux. Sous l’ac-tion du soleil, l’eau s’évapore de toutes les étendues d’eau et des végétaux pour se condenser sur des particules en suspension dans l’air formant des nuages que déplacent les vents. Précipitée à terre sous forme de pluie, de neige ou de grêle, elle s’évapore, est absorbée par les plantes ou par le sol où elle s’agrège aux nappes aquifères 5 ou ruisselle en formant des lacs et des cours d’eau qui rega-gnent l’océan où un nouveau cycle s’amorce.

    Si quelques masses d’eau lui échappent –  les nappes souterraines fossiles emprisonnées dans le sous-sol –, ce cycle englobe les eaux superficielles et sou-terraines et implique des masses considérables, qui se mesurent plutôt en flux qu’en stocks.

    La durée du cycle varie fortement selon la nature de la masse d’eau concernée : l’eau séjourne environ deux semaines dans une rivière, quelques mois dans une nappe souterraine alluviale, plusieurs centaines d’années dans les nappes des bassins sédimentaires mais peut séjourner des milliers d’années dans la mer ou dans des nappes profondes ; dans les nappes fossiles, son temps de séjour tend vers l’infini.

    Ce cycle connaît en outre des variations selon la saison ou les années, qui ne cor-respondent pas nécessairement à celles de la demande, caractérisée par l’exis-tence d’un pic d’été.

    Les volumes d’eau impliqués dans le cycle de l’eau

    Le volume annuel total des eaux renouvelables atteint environ 200  Mds de m3 en France métropolitaine (cf. annexe 1.1). Il correspond à l’apport pluvial

  • 28 Considérations générales

    (503 Mds de m3) additionné des débits entrants en provenance des pays voi-sins (11 Mds de m3) et diminué de l’évapotranspiration réelle (314 Mds de m3) : environ 60 % de l’eau pluviale repart dans l’atmosphère sous forme de vapeur d’eau.

    Sur les 200 Mds de m3 disponibles, 120 Mds s’infiltrent dans le sol et rechar-gent les nappes souterraines – dont le stock est évalué à 2 000 Mds de m3 –, tan-dis que 80 Mds ruissellent vers les rivières et eaux stagnantes, dont le volume est estimé à 108 Mds de m3.

    La France enregistre une sortie de 18 Mds de m3 vers ses voisins (Rhin, Rhône et Meuse principalement), ce qui laisse une ressource théorique de 182 Mds de m3, dont 176 Mds de m3 s’écoulent vers la mer et 6 Mds de m3 s’évaporent.

    1.1.1. Les principaux usages habituellement recensés

    Au plan mondial, les usages de l’eau se répartissent ainsi, par ordre décroissant selon les secteurs de l’économie ou de la société : agriculture (70 %), industrie (20 %), ménages (10 %) 6. Le poids de l’agriculture s’avère en réalité supérieur : si celle-ci opère 70 % des prélèvements, elle consomme 90 % de la ressource 7.

    En France, les proportions correspondantes sont les suivantes concernant :

    15 % pour l’agriculture et 10 % pour l’industrie 8 ;

    pour les usages domestiques, 22 % pour l’énergie, 6 % pour l’industrie ;

    10 % pour les usages domestiques, 9 % pour l’énergie, 2 % pour l’industrie.

    Prélèvements et consommations sont à rapporter aux chiffres mentionnés ci-dessus qui caractérisent le cycle de l’eau en France métropolitaine.

    Les prélèvements ont été estimés par l’IFEN à 34 Mds de m3 en 2001, dont 28 dans les eaux de surface et 6 dans les eaux souterraines.

    L’eau prélevée fait l’objet de restitutions à concurrence de 28 Mds de m3 et la consommation finale ressort à 6 Mds de m3. L’annexe 1.2 retrace ce flux en volume.

    Toutes ces données, fréquemment citées, restent d’une fiabilité limitée, car cer-tains usages de l’eau restent mal connus ou appréhendés : on évalue par exemple très sommairement les prélèvements opérés pour le transport fluvial et les pré-lèvements agricoles sont sans doute sous-estimés.

    Les usages agricoles : croissance et saisonnalité des prélèvements

    Ces prélèvements concernent principalement la culture irriguée et, dans une moindre mesure, l’élevage et la forêt.

    La surface irriguée a été multipliée par trois entre 1970 et 2000 pour atteindre entre 1,5 et 1,8 million d’hectares, soit un peu moins de 6 % de la surface agri-cole utile (SAU) 9. Dans Objectif terres 2020. Pour un nouveau modèle agri-cole, le ministère de l’Agriculture chiffre de son côté à 3 millions d’hectares la surface irriguée en France (soit 10 % de la SAU) 10. Trois cultures représentent les deux tiers de la surface irriguée : le maïs grain et semence (50 % du total),

  • 29L’eau : son droit et sa gestion

    les légumes frais (8 %), les vergers et petits fruits (7 %), à égalité avec le maïs fourrage (7 %). Le taux de recours à l’irrigation ressort à 60 % pour les vergers, 53 % pour les légumes frais et 45 % pour le maïs. La culture irriguée est égale-ment très concentrée au plan géographique (18 % pour l’Aquitaine, 17 % pour Midi-Pyrénées, 13 % pour le Centre, 9 % pour les Pays de la Loire, 7 % pour Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte-d’Azur) 11.

    Trois modèles régionaux dominent : une irrigation ancienne et stable à dominante de culture de fruits (Rhône-Alpes, Provence-Alpes-Côte-d’Azur, Languedoc-Roussillon), une irrigation fortement croissante et récente à dominante de maïs (Aquitaine, Midi-Pyrénées, Poitou-Charentes), une irrigation récente à domi-nante de grande culture (maïs, betterave, protéagineux…) dans la moitié nord de la France. La consommation moyenne en culture irriguée est de 1 275 m3/ha, avec de fortes disparités autour de cette moyenne (998 m3 en Pays de la Loire et 5 366  m3 en Provence-Alpes-Côte-d’Azur). Le poids de l’irrigation dans les prélèvements d’eau varie aussi fortement selon les régions : il se situe entre 79 % et 71 % pour six régions (Poitou-Charentes, Provence-Alpes-Côte-d’Azur, Aquitaine, Centre, Midi-Pyrénées, Languedoc-Roussillon), principale-ment dans le sud de la France. Trois quarts de l’eau prélevée pour l’irrigation étant d’origine superficielle et un quart d’origine souterraine, la culture irriguée, spécialement celle du maïs, pose un problème dans la mesure où 80 % de ces prélèvements ont lieu durant l’été, période d’étiage des cours d’eau. Durant les années sèches, les volumes consommés par l’agriculture irriguée, qui se mon-tent en moyenne à 79 %, peuvent en effet atteindre 85 % et même 95 % dans certains bassins-versants où l’irrigation occupe une grande place.

    L’élevage bovin, porcin ou aviaire est également une activité fortement consom-matrice d’eau, à la fois pour l’alimentation du bétail et l’élimination des effluents. La consommation d’eau par l’élevage connaît également un pic durant l’été en cas de sécheresse.

    Certaines plantations forestières requièrent aussi d’importantes quantités d’eau.

    Les usages industriels : la décrue

    Ils concernent au premier chef la production d’énergie.

    Comme en Allemagne, des prélèvements considérables – près de 60 % du total – sont opérés pour assurer le refroidissement des centrales de production d’éner-gie électrique, l’eau s’avérant un fluide propice aux transferts de chaleur ou au refroidissement. Cette eau prélevée en surface est le plus souvent immédiate-ment rejetée dans la nature et représente un peu plus de 20 % de la consomma-tion totale du pays 12. Les prélèvements sont stables depuis une dizaine d’années mais concentrés géographiquement là où sont installées les centrales nucléaires (régions Rhône-Alpes, Centre, Pays de la Loire, Alsace, Lorraine).

    En revanche, la production d’énergie hydraulique – 11,2 % de la production totale d’électricité 13 – ne consomme pas d’eau : celle-ci est seulement turbinée, après avoir été stockée durant une ou plusieurs saisons.

    Les prélèvements industriels proprement dits ont en revanche baissé de 27 % depuis 1997. Plusieurs secteurs industriels restent toutefois gros consomma-teurs d’eau : la chimie de base et la fabrication de fibres de synthèse, la pâte à papier et le carton, la métallurgie, la parachimie et l’industrie pharmaceutique,

  • 30 Considérations générales

    l’agroalimentaire… Cette consommation est concentrée dans les régions indus-trielles traditionnelles (Est, Nord, vallée du Rhône et Sud-Ouest).

    Les usages domestiques : une baisse récente

    Ces usages sont définis à l’article R. 214-5 du code de l’environnement, lui-même pris en application de l’article L. 214-2 deuxième alinéa du même code. Il s’agit de prélèvements et de rejets « destinés exclusivement à la satisfaction des besoins des personnes physiques propriétaires ou locataires des installations et de ceux des personnes résidant habituellement sous leur toit, dans les limites des quantités d’eau nécessaires à l’alimentation humaine, aux soins d’hygiène, au lavage et aux productions végétales ou animales réservées à la consomma-tion familiale de ces personnes ». Ce texte assimile à un usage domestique tout prélèvement inférieur ou égal à 1 000 m3 d’eau par an.

    Les usages domestiques de l’eau, hormis son utilisation pour les productions animales et végétales – qui sont difficiles à estimer –, se décomposent de la manière suivante : 6 % pour les usages extérieurs à l’habitation (arrosage du jar-din et lavage de la voiture), 7 % pour l’alimentation et la boisson (6 % pour la préparation des aliments et 1 % pour la boisson proprement dite), 22 % pour le lavage (12 % pour le linge et 10 % pour la vaisselle), 59 % pour l’hygiène cor-porelle (39 % pour les bains et douches et 20 % pour les sanitaires), 6 % pour les autres usages. La consommation domestique par habitant a nettement reculé depuis vingt ans : elle est revenue de 200 l/jour en 1988 à 137 l/j en 2005. Elle est de 110 l/j en Allemagne.

    Le thermalisme

    108 stations thermales 14, principalement situées dans les régions Rhône-Alpes, Auvergne, Aquitaine, Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées, ont en 2005 accueilli 547 070 curistes y ayant passé 9,052 millions de journées de soins. L’exploitation d’une eau minérale à des fins thérapeutiques est subordonnée à l’obtention d’une autorisation du ministre de la Santé après avis favorable du conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technolo-giques et avis de l’Académie nationale de médecine (art. R. 1322-7 du code de la santé publique).

    Les établissements thermaux emploient 13 800 personnes auxquelles s’ajoutent 1 100 médecins libéraux et environ 500 personnels paramédicaux.

    Outre leurs frais de séjour au sein des établissements thermaux, les curistes ont dépensé, en 2003, 690  M€ principalement dans l’hôtellerie, la restaura-tion locale, les activités de loisirs (casinos, sites de visite) et les commerces et services de proximité 15. Ces dépenses contribuent à la création ou au main-tien de 110 000  emplois 16. Les retombées économiques du thermalisme sont d’autant plus importantes qu’elles bénéficient surtout à de petites communes en zone rurale ou de montagne 17 : 71 % des stations thermales comptent moins de 5 000 habitants. Au vu de tels bénéfices, les principales régions de therma-lisme ont décidé de faire de la crénothérapie une de leurs priorités. L’Auvergne a ainsi inclus un volet « Thermalisme » dans son contrat de plan État-Région 2000-2006 18.

  • 31L’eau : son droit et sa gestion

    Les loisirs, le sport et la culture

    Les usages de l’eau liés aux loisirs et à la culture sont nombreux et de nature variée (baignade en zone naturelle ou en piscine, pêche, sports nautiques, arro-sage et entretien des parcs et jardins…). Ils ne s’accompagnent pas forcément d’une consommation élevée. Mais ils se diversifient à un rythme soutenu. Par exemple, de nombreuses villes ayant décidé de procéder à la reconquête de leurs berges et de les aménager, il s’ensuit une urbanisation des cours d’eau, de leurs abords et de leurs franchissements, alors que ces zones étaient plutôt consacrées jusque-là aux activités industrielles ou de transport.

    D’autres utilisations posent davantage de questions, comme le stockage de masses d’eau chimiquement stabilisées pour fabriquer de la neige artifi-cielle durant l’hiver : 325 stations fabriquent ainsi chaque année en moyenne 78 000 millions de m3 de neige.

    Les voies navigables

    Sur 520 000 km de cours d’eau métropolitains d’une longueur supérieure à un kilo-mètre, le domaine public fluvial en comporte environ 16 000. Mais le réseau public fluvial comporte seulement 8 500 km de voies d’eau navigables, dont 6 700 ont été confiés en gestion à Voies navigables de France. Ces 6 700 km se subdivisent :

    voies de grand gabarit accessibles aux bâtiments de plus de 650 t et 2 100 km de voies de petit gabarit accessibles aux bâtiments de moins de 650 t ;

    Le trafic véhiculé par la voie fluviale, après avoir fortement reculé jusqu’en 1997, croît à nouveau (+ 33 % en dix ans)  : il se monte à 7,54 Mds de t/km en 2008, à comparer à 64 Mds de t/km en Allemagne, 42,3 Mds aux Pays-Bas et 9 Mds en Belgique. Les principales voies d’eau en termes de trafic sont la Seine (49 %), le Rhône et la Saône (15 %). Les principaux ports fluviaux sont Paris (21,5 Mt), Strasbourg (10 Mt), Mulhouse (6 Mt), Le Havre (5 Mt), Rouen (4 Mt) et Thionville (2,5 Mt).

    Ce panorama des usages nombreux et variés de l’eau permet d’identifier leurs nombreux enjeux. Quatre d’entre eux émergent et sont particulièrement impor-tants pour l’avenir : eau et alimentation ou la place de l’agriculture irriguée (cf. 2.4.1.3.) ; eau et ville ou la place de l’assainissement et de la prévention des inondations dans la protection de l’environnement et de la santé publique (cf. 2.4.2.) ; eau et énergie ou la place de l’énergie hydroélectrique dans le bouquet énergétique national (cf. 2.4.3.) ; eau et transport fluvial ou la place de la voie d’eau parmi les différents modes de transport (cf. 2.4.4.).

    1.1.2. Un usage longtemps négligé : la préservation de l’environnement et de la biodiversité

    Il a fallu attendre la loi du 3 janvier 1992 pour que la protection de la ressource en eau – expression apparue au début du xxe siècle – et des milieux aquatiques soit reconnue d’intérêt général et prise en compte au titre des usages de l’eau. Jusque-là en effet, ce sont les usages humains et les usages économiques de la ressource qui l’ont emporté et les rapports de force qui se sont imposés au détri-ment de la nature.

  • 32 Considérations générales

    Considérée comme un milieu au sens du droit de l’environnement, milieu en interaction avec d’autres milieux comme l’air, l’eau est nécessaire à la vie de toutes les espèces vivantes à la surface de la Terre (végétaux, animaux…). Sa bonne gestion implique donc d’évaluer les différents services écologiques ren-dus à l’homme et à la nature par ce milieu et les « pressions » 19 que les activités humaines ou l’espèce humaine elle-même, prédatrice, exercent directement ou indirectement sur lui, au risque de préjudicier aux autres espèces vivantes qui y habitent et à l’environnement en général 20. Ces pressions portent sur la qualité de la ressource, sur sa quantité et sur la qualité des écosystèmes.

    Les pressions sur la qualité

    Elles découlent des différents usages de l’eau recensés ci-dessus et des rejets de nombreuses substances polluantes qui en sont inséparables. L’eau consti-tuant un solvant de premier ordre, toutes les substances s’y retrouvent avec des concentrations plus ou moins fortes et plus ou moins dangereuses pour les espèces vivantes.

    Les effluents d’élevage, par exemple, sont fortement chargés en engrais (ammo-nium, nitrates, phosphores…) et sont utilisés comme tels dans des conditions qui ne sont pas toujours maîtrisées. Ils le sont aussi en complément ou en concurrence avec des fertilisants d’autre nature comme les engrais organiques (composts, boues d’épuration…) ou chimiques, ces derniers plus coûteux mais plus faciles à mettre en œuvre, qui font l’objet d’une contrainte globale de fer-tilisation pour éviter un excès d’apport ou une fuite vers les cours d’eau et les nappes. Ils ont largement contribué, avec les produits phytosanitaires utilisés pour la culture, à la dégradation de la qualité des eaux potables dans des régions entières comme la Bretagne. Encore peu développée aujourd’hui, l’aquacul-ture 21, qui est déjà répertoriée comme une source majeure de problèmes éco-logiques en certains endroits d’Asie (présence massive d’antibiotiques et de médicaments vétérinaires…), pourrait poser, demain, une difficulté analogue. La présence excessive de phosphates et de nitrates dans l’eau a en outre pour effet d’accélérer le développement de végétaux qui, par leur consommation d’oxygène, peuvent asphyxier le milieu (phénomène d’eutrophisation de l’eau).

    L’activité industrielle est également à l’origine d’effluents industriels directs ou indirects qu’il faut traiter. On distingue à cet égard la pollution organique de l’industrie agroalimentaire, la pollution chimique due à la présence de métaux lourds toxiques et non dégradables (cf. 1.4.2.), la pollution physique par des matières en suspension (mines et cimenteries principalement), la pollution radioactive par les installations nucléaires ou les établissements de santé et la pollution thermique.

    S’agissant de cette dernière, l’eau non consommée par les centrales est rejetée dans les rivières en aval du point de prélèvement, avec une température supé-rieure de 1 à 10° – selon que le refroidissement s’effectue dans des tours (avec dans ce cas évaporation d’une partie de l’eau) ou par prélèvement direct dans le fleuve – et de 0,1 à 1° après dilution. Ce réchauffement peut entraîner des phénomènes de modification de la faune et d’eutrophisation et poser d’autres problèmes. Les eaux de refroidissement sont également souvent chargées de biocides, destinés à tuer les mollusques, et présentent souvent une plus grande teneur en oxygène dissous.

  • 33L’eau : son droit et sa gestion

    Les carences dans l’équipement des ménages ou dans la couverture ou le rac-cordement aux réseaux d’assainissement puis d’épuration contribuent égale-ment aux pressions exercées par les usages domestiques sur le milieu.

    La dégradation de la qualité des eaux superficielles ou souterraines peut s’inten-sifier en cas d’inondations ou même de fortes pluies qui, chargées de polluants, se déversent dans les rivières sans avoir subi de traitement préalable.

    Mais certains usages de l’eau en expansion, comme ceux liés au tourisme, au thermalisme ou aux loisirs, peuvent constituer un contrepoids utile aux pres-sions provoquées par les usages ci-dessus. Sous cet angle, les associations de pêcheurs à la ligne ont depuis les années 1970 probablement davantage pesé que la réglementation pour alléger les pressions sur les milieux aquatiques et faire prendre conscience à l’opinion des dangers encourus.

    Les pressions sur la quantité

    Moins connues que les précédentes, elles sont tout aussi importantes. Toute l’eau prélevée n’étant pas nécessairement rejetée au lieu exact de son prélè-vement (on parle alors de rejet ex situ), il peut en résulter une modification des régimes de température ou d’écoulement des masses d’eau superficielles ou souterraines, voire tout simplement une baisse du niveau des nappes phréatiques qui alors, sur le littoral, se salinisent.

    Mais même rejetées à l’endroit de leur prélèvement (in situ), des eaux massi-vement prélevées à un moment contre-indiqué comme l’étiage d’été, peuvent entraîner des conséquences dévastatrices pour le milieu (diminution du débit, concentration accrue des polluants et risques pour la salubrité, eutrophisation, menaces pour la vie piscicole…) : c’est l’un des graves problèmes posés par le recours croissant à l’irrigation.

    Par ailleurs, l’installation au fil des siècles d’équipements de toute nature (mou-lins, ouvrages de navigation, centrales hydroélectriques, barrages…) peut avoir pour effet de modifier le régime d’écoulement des eaux en introduisant des variations brutales ou décalées du débit au regard du rythme naturel d’écoule-ment, d’accélérer la pollution de la ressource si les eaux deviennent stagnantes et de multiplier les discontinuités et, par là, les obstacles à la migration des espèces ou à leur reproduction. La législation essaie d’y remédier en réservant pour les cours d’eau un débit minimal qui permette en toute saison d’honorer les usages liés à la nature.

    Les pressions sur les écosystèmes

    À travers cette notion, on tente d’appréhender l’ensemble des perturbations, des fragilisations ou des améliorations subies par les milieux (écoulement des eaux, autoépuration…) et les espèces qui les habitent (atteinte au patrimoine biolo-gique et à la biodiversité). Une définition des milieux aquatiques à partir des habitats et des espèces conduit aussi à s’intéresser aux fonctions écologiques ou aux services rendus par ce milieu.

    Le développement des cultures agricoles peut favoriser une érosion des sols qui, combinée au ruissellement, peut avoir pour effet de contaminer l’écosys-tème d’un bassin-versant dans son ensemble, comme on peut le constater avec les pollutions agricoles d’origine diffuse.

  • 34 Considérations générales

    Le développement urbain et l’artificialisation des sols peuvent aussi conduire à menacer des zones humides qui jouent un rôle important dans la prévention des inondations, l’épuration naturelle des eaux ou le maintien de la biodiversité 22.

    Cette dernière peut également être menacée, lorsque la diminution de la quan-tité et la dégradation de la qualité se conjuguent de manière accidentelle ou per-manente : on mesure alors la mortalité ou la disparition complète des sujets de différentes espèces animales ou végétales.

    En France, les besoins des écosystèmes aquatiques, il est vrai difficiles à appré-hender et à évaluer rigoureusement, ne sont pas encore comptabilisés dans les différents usages de l’eau. La comptabilité nationale sur ces usages demeure donc imparfaite et incomplète. C’est un champ qui reste à défricher par la recherche.

    Les usages de l’eau présentent en outre un caractère évolutif qui ne demeure pas sans influence sur la perception qu’ont les citoyens des risques liés à la qua-lité de l’eau et des pressions exercées sur les milieux aquatiques. C’est ainsi par exemple que les pollutions diffuses d’origine agricole sont devenues un sujet de préoccupation majeure pour les Français. Cette perception évolutive exerce en retour une influence décisive sur les règles juridiques dont l’adoption est atten-due des pouvoirs publics pour y répondre.

    1.2. Le droit applicable

    Trois sources d’importance inégale concourent à la définition des règles appli-cables à l’eau : un droit international surtout bilatéral, un droit communautaire en forte expansion et un droit national foisonnant.

    1.2.1. Le droit international

    Reconnaissant la souveraineté des États sur leurs ressources, le droit interna-tional de l’eau a accompagné le mouvement de libéralisation des échanges commerciaux et connu un fort développement depuis le xixe siècle, retracé en annexe 2.

    Comportant surtout des accords bilatéraux, il réserve une place encore très limi-tée aux accords multilatéraux : élaborés sous l’égide des Nations unies avec le concours de la doctrine, la plupart ne sont pas encore entrés en vigueur, faute d’avoir obtenu un nombre suffisant de ratifications. La France ne fait pas excep-tion, puisqu’elle vient seulement d’engager la procédure de ratification de la convention de New York du 21 mai 1997 sur l’utilisation des cours d’eau inter-nationaux à des fins autres que de navigation. Dans ce contexte, les principes généraux du droit jouent un rôle essentiel. Ils insistent sur l’utilisation équi-table et raisonnable des cours d’eau transfrontaliers et invitent à cette fin les États riverains à coopérer, sans nuire aux voisins. Autrement dit, l’eau des cours d’eau internationaux est une ressource à partager en bonne intelligence avec ses voisins.

  • 35L’eau : son droit et sa gestion

    De nos jours, le droit international de l’eau est de plus en plus influencé par les préoccupations environnementales, telles que la participation du public à la décision environnementale comme la prévoit la convention d’Aarhus du 25 juin 1998 ou la protection de la ressource au bénéfice des générations futures.

    1.2.2. Droit européen et droit communautaire : une emprise croissante

    L’Europe, qui a joué dès le congrès de Vienne un rôle déterminant dans la for-mation d’un droit international de l’eau ordonné autour des droits des États, demeure le continent le plus actif dans la recherche de la meilleure organisa-tion pour gérer une ressource rare, de plus en plus partagée et de plus en plus menacée. L’Union européenne a par ailleurs donné naissance à une nouvelle approche de l’eau combinant la mise en œuvre des grandes libertés fondamen-tales avec la sauvegarde de l’environnement au bénéfice des citoyens.

    1.2.2.1. Droit européenPlusieurs conventions élaborées sous l’égide du Conseil de l’Europe traitent de l’eau. De même les différents organes du Conseil ont élaboré des textes non contraignants mais importants dans ce domaine. L’ensemble forme un corps de doctrine qui exprime la vision européenne du rôle social de cette ressource et de sa bonne gestion.

    La Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des liber-tés fondamentales

    La convention du 4 novembre 1950 n’évoque directement ni le droit à l’eau et à l’assainissement ou le droit de l’eau ni des droits connexes tels que le droit à la protection contre les dégâts causés par les eaux. Elle est néanmoins susceptible de recevoir application au titre de ses quatre stipulations relatives au droit à la vie privée et familiale, au droit de propriété, au droit de ne pas être soumis à un traitement inhumain ou dégradant ou au droit à un procès équitable.

    La Cour a été amenée, au début des années 1990, à statuer sur des affaires d’environnement, posant en particulier celle du droit à un environnement sain. L’arrêt López Ostra c/ Espagne (requête no  16798/90) du 9  décembre 1994, § 51, rattache ce droit, sans le nommer, au droit au respect de la vie privée et familiale garanti à l’article  8  : « des atteintes graves à l’environnement peu-vent affecter le bien-être d’une personne et la priver de la jouissance de son domicile de manière à nuire à sa vie privée et familiale ». La Cour a néanmoins posé des limites à la protection de ce droit en affirmant dans l’arrêt Kyrtatos c/ Grèce (requête no 41666/98) du 22 mai 2003, § 52, que « l’élément crucial qui permet de déterminer si, dans les circonstances d’une affaire, des atteintes à l’environnement ont emporté violation de l’un des droits sauvegardés par le paragraphe 1 de l’article 8 est l’existence d’un effet néfaste sur la sphère pri-vée ou familiale d’une personne, et non simplement la dégradation générale de l’environnement. Ni l’article 8 ni aucune autre disposition de la Convention ne garantit spécifiquement une protection générale de l’environnement en tant que tel ; d’autres instruments internationaux et législations internes sont plus adap-tés lorsqu’il s’agit de traiter cet aspect particulier ».

  • 36 Considérations générales

    En matière d’environnement, la Cour continue à faire preuve de prudence, cer-tains de ses arrêts pouvant donner l’impression de l’affirmation imminente d’un droit à l’environnement, d’autres du report d’une telle perspective à une date indéterminée.

    Si la Cour n’a jamais affirmé explicitement non plus un droit à l’eau et à l’as-sainissement, elle a rendu, depuis l’arrêt Zander c/ Suède (requête no 14282/88) du 25 novembre 1993, quelques dizaines d’arrêts – sans compter ceux portant sur des procédures d’expropriation irrégulières suivies par l’État turc lors de la construction de barrages – ayant un rapport variable mais généralement faible, à quelques exceptions près, avec le droit à l’eau.

    Ces affaires peuvent être regroupées en 4 catégories :

    vie privée et familiale : il s’agit donc là d’une déclinaison au droit à l’eau du rai-sonnement appliqué au droit à un environnement sain ;

    les considérant comme des violations du droit de propriété garanti par l’article 1 du Protocole 1 ;

    traitements inhumains et dégradants proscrits par l’article 3 de la Convention ;

    du droit à un procès équitable garanti par l’article 6 et notamment 6 § 1, comme dans l’affaire Zander c/ Suède 23.

    L’annexe 3 détaille la jurisprudence de la Cour sur chacun de ces points.

    Le Conseil de l’Europe a également adopté le 4 novembre 1998 une conven-tion sur la protection de l’environnement par le droit pénal. Cette convention 24, qui n’est pas entrée en vigueur faute d’avoir recueilli trois ratifications, a néan-moins inspiré la législation communautaire postérieure sur ce sujet (cf. 2.5.4.).

    Les autres composantes de la doctrine du Conseil de l’Europe

    Les différents organes du Conseil de l’Europe ont également publié plusieurs textes qui énoncent des recommandations fortes dans le domaine de l’eau.

    Proclamée le 26 mai 1967 par le Comité des ministres, la Charte européenne de l’eau du Conseil de l’Europe en date du 6 mai 1968 souligne que l’eau consti-tue un patrimoine commun, dont la valeur est reconnue par tous (art. 10), et vise à prévenir les conflits entre États partageant un même bassin hydrographique. Révisée en 2001 25, elle énonce 19 recommandations ou principes, parmi les-quels la reconnaissance d’un droit à l’eau et la prévention des coupures d’eau pour les plus démunis 26, une gestion intégrée et durable de la ressource, un encadrement strict des concessions spécialement quant à leur durée et à leur réexamen périodique, le paiement de l’eau, hormis pour les besoins essentiels, à un prix qui couvre les coûts de production et d’utilisation de la ressource 27, la maîtrise des consommations agricole et industrielle.

    L’Assemblée parlementaire du Conseil a également adopté plusieurs recom-mandations importantes sur l’eau et sa gestion  : les recommandations 1222 (2000) Agriculture et insuffisance des ressources en eau 28, 1668 (2004) Gestion des ressources en eau en Europe, 1669 (2004) Bassins-versants transfrontaliers en Europe 29 et 1731 (2006) Contribution de l’Europe pour l’amélioration de la gestion de l’eau 30. La dernière de ces recommandations rappelle que les États

  • 37L’eau : son droit et sa gestion

    doivent garantir un droit à l’eau et décentraliser la gestion des eaux au profit des collectivités territoriales.

    Le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux a également adopté le 3 mars 2009 une recommandation 259 (2009) Les Services publics de l’eau et de l’assainis-sement pour un développement durable 31.

    Tous ces textes et la jurisprudence de la CEDH constituent des références pré-cieuses, car ils expriment la vision européenne du rôle social de l’eau et des règles de sa bonne gestion.

    1.2.2.2. Droit communautaireAyant identifié la fourniture d’eau potable comme un service d’une nature spé-cifique 32, l’Union se montre réservée sur la question du droit à l’eau mais elle a développé un corps de règles très abondant sur tous les aspects de la gestion de l’eau et de l’assainissement.

    Un service d’intérêt économique général

    Sans détailler les notions de SIG et de SIEG ni les conséquences qui en décou-lent, l’Union européenne a reconnu à l’approvisionnement en eau le caractère d’un service d’intérêt économique général 33 au sens des articles 14 et 106 § 2 du TFUE et du protocole no 26 sur les services d’intérêt général annexé au TFUE ainsi que la double neutralité du traité quant à la définition et au mode d’organi-sation et de fourniture des SIEG par les États membres et quant au mode de pro-priété des opérateurs (art. 345 TFUE).

    La fourniture de l’eau potable et du service d’assainissement peut donc relever indifféremment, au choix des États membres, en tout ou partie du marché, d’un SIG ou d’un SIEG, pourvu que les règles d’organisation et de financement rete-nues ne méconnaissent pas les dispositions des articles 14 et 106 du TFUE et de son protocole 26 34.

    Prudence sur le droit à l’eau…

    S’agissant de la reconnaissance éventuelle d’un droit à l’eau, seul le Parlement européen s’est singularisé sur cette question au sein des institutions euro-péennes. Dans deux résolutions adoptées avant les Forums mondiaux de l’eau de Mexico 35 et Istanbul, il s’est nettement prononcé en faveur de sa reconnais-sance internationale. La résolution relative au Forum d’Istanbul déclare ainsi aux considérants L. 1 que « l’eau est un bien commun de l’humanité et que l’ac-cès à l’eau potable devrait être un droit fondamental et universel » et L. 2 que « l’eau est considérée comme un bien public et qu’elle devrait être placée sous contrôle public, qu’elle soit ou non gérée, en partie ou en totalité, par le secteur privé ». Et le Parlement « souhaite que des négociations soient engagées dans le cadre des Nations unies pour aboutir à un traité international reconnaissant ce droit d’accès à l’eau potable ». La Commission considère pour sa part que le problème essentiel réside dans le financement de l’accès à l’eau et sa sécurisa-tion (cf. 1.4.4.) et non pas dans la reconnaissance d’un droit justiciable en l’ab-sence d’offre suffisante.

    … et abondance du droit de l’eau

    L’Union européenne a fait assez tôt 36 du droit de l’eau l’un des éléments cen-traux de sa politique de l’environnement prévue à l’article 174 § 2 TCE (192

  • 38 Considérations générales

    § 2 TFUE) 37. Témoignage de son importance, une bonne trentaine de di