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Université de Montpellier Faculté de Pharmacie
Pr. J. Vercauteren Cours de l’UE optionnelle : « la Chimie du vivant : un outil indispensable à la conception du médicament » - Pharmacognosie - DFGSP2 édition 2018 1/20
U.E. optionnelle de DFGSP2 Santé-Pharmacie – Bloc B
2018
LA CHIMIE DU VIVANT : UN OUTIL INDISPENSABLE À LA CONCEPTION DU MÉDICAMENT - PHARMACOGNOSIE
Pr. Joseph VERCAUTEREN
Université de Montpellier
Pr. J. Vercauteren Cours de l’UE optionnelle : « la Chimie du vivant : un outil indispensable à la conception du médicament » - Pharmacognosie - DFGSP2 édition 2018 2/20
LA CHIMIE DU VIVANT : UN OUTIL INDISPENSABLE À LA CONCEPTION DU MÉDICAMENT
(Crédits = 3 ECTS)
INTRODUCTION
Destination de l’enseignement : Cet enseignement s’adresse aux étudiants du DFGSP2 (Pharmacie), pour lesquels une
connaissance plus poussée de la chimie apparaît souhaitable pour « concevoir les médicaments » mais aussi, permettre une meilleure « compréhension de leurs mécanismes d’action ». Son objectif est d’apporter à l’étudiant, les compétences indispensables en sciences chimiques, pour aborder avec confiance la suite de sa formation centrée sur le médicament.
Compétences et connaissances transmises : L’étude détaillée d’exemples de réactivités chimiques, choisis dans le « monde du vivant »
(biogenèse, par ex.), va nous aider à mieux comprendre les principaux mécanismes de synthèse qui permettent au chimiste de créer de nouvelles liaisons moléculaires, en vue d'applications directes en synthèse organique, utilisées notamment par le pharmacien pour la création de nouveaux médicaments, parfois complexes.
Qu’elle soit due aux plantes, aux animaux ou à la synthèse totale, il s’agit toujours de la « même » chimie. Chacun de ces exemples donne ainsi au pharmacien l’occasion, non seulement, de devenir le « spécialiste chimiste du médicament » qu’il doit être, mais aussi d’appréhender la complexité de la chimie des molécules « biologiques », polyfonctionnelles.
Objectifs et utilisation des connaissances transmises : L’avantage qu’on tire alors de ces enseignements est double :
• on oublie moins facilement des exemples dont l’importance est « vitale », • les voies empruntées par la nature (biogenèse) pour élaborer ses métabolites Iaires ou IIaires
(« spécifiques »), aussi complexes qu’elles soient, sont forcément, thermodynamiquement réalisables, puisqu’elles ont lieu « naturellement » ! Leur découverte et la compréhension de leurs détails les plus fins nous permettent d’espérer au moins parvenir à synthétiser (ou hémisynthétiser) les « premiers mg » de nouvelles molécules, en « copiant la nature », dans des schémas de synthèse dits « biomimétiques ». Bardé de toutes ces connaissances, le pharmacien est un véritable « chimiste du
médicament » (des substances actives), souvent envié de ses congénères car, même si certaines bases fondamentales de cette discipline lui font défaut, il maîtrise souvent mieux la chimie de la « vie » (complexe). En outre, du fait de ses compétences plurielles en biologie cellulaire et moléculaire, en biochimie, en pharmacologie, en physiopathologie, … qui, dans leurs aspects les plus discrets, sont également des sciences « chimiques », il devient alors capable d’imaginer les molécules qui seront les plus aptes à interagir avec les mécanismes chimiques qui caractérisent la vie (« bio »-chimie) et dont les perturbations ont pour conséquence les maladies : mieux comprises jusqu’à leur niveau moléculaire, les « substances actives médicamenteuses » (SAM) ainsi conçues, auront plus de chances d’être aussi les plus efficaces pour les combattre !
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Table des Matières
Introduction........................................................................................................................ 2 Destination de l’enseignement : .......................................................................................2 Compétences et connaissances transmises : ..................................................................2 Objectifs et utilisation des connaissances transmises :....................................................2
Mécanismes réactionnels du monde végébtal : une école pour la préparation d’actifs................................................................................................................................ 5
I. Biogenèse de métabolites végétaux : modèles pour l’étude de réactions chimiques....5 I-1- Transformation des fonctions des acides aminés .............................................................. 5
I-1a- Perte du groupement NH2 cétoacide (transamination) ............................................. 5 I-1b- Perte du groupement COOH des AA (décarboxylation) amine ................................ 6
I-2- Autres réactions de décarboxylation .................................................................................. 7 I-2a- Biogenèse des stilbénoïdes ......................................................................................... 8 I-2b- Biogenèse des anthracénosides .................................................................................. 8 I-2-c- Cas des acides carbonylés en alpha (alpha-céto acides) ............................................ 9 I-2-d- Cas inverse : la carboxylation en alpha ("gem-diacides" = malonyles) ........................ 9
I-3- Les fonctions amine et carbonyle : réactions et transformations ...................................... 10 I-3a- Amination réductrice d’un dérivé carbonylé ................................................................ 10 I-3b- Désamination oxydative amine + dérivé carbonylé ................................................ 12 I-3c- Biogenèse des alcaloïdes tropaniques : hyoscyamine, scopolamine et cocaïne......... 13 I-3d- Les alcaloïdes quinolizidiniques (spartéine) ............................................................... 13
I-4- Réactions des fonctions carbonyle et imine : des électrophiles........................................ 14 I-4a- Condensation sur elles-mêmes : aldolisation ............................................................. 14 I-4b- Crotonisation des aldols en milieu alcalin................................................................... 14 I-4c- Crotonisation des aldols en milieu acide..................................................................... 14 I-4d- Rétroaldolisation ........................................................................................................ 14 I-4e- Addition conjuguée (réaction de Michael)................................................................... 15 I-4f- Notion de « vinylogie » : .............................................................................................. 16
II- Exploitation de ces exemples dans la synthèse de SAM ...........................................17 II-1- aménagements fonctionnels de produits naturels ........................................................... 17
II-1a- déméthylation d’azote NOR-morphine .................................................................. 17 II-1b- Déméthylénation de vinblastine navelbine ............................................................ 18
II-2- Synthèse en une seule étape de la tropanone................................................................ 19 III- Travaux dirigés..........................................................................................................20
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MÉCANISMES RÉACTIONNELS DU MONDE VÉGÉBTAL : UNE ÉCOLE POUR LA PRÉPARATION D’ACTIFS
Avec comme maître la Nature, le pharmacien est à la « meilleure » des écoles ! Dans la partie de ce cours, dispensé par la Pharmacognosie, il s’agira exclusivement
d’exemples tirés du monde végétal.
I. Biogenèse de métabolites végétaux : modèles pour l’étude de réactions chimiques Certaines réactions chimiques « de base » se retrouvent de manière constante dans les voies de biosynthèse des métabolites primaires ET de leur transformation en métabolites « spécifiques ». La découverte des biogenèses de substances à activité médicamenteuse (SAM), d’origine végétale, facilite l’acquisition de leur connaissance.
Bien connaître, notamment, les réactions de transformation des « précurseurs biogénétiques » en métabolites spécifiques (= biogenèses) est en plus, un bon moyen (mnémotechnique) pour retrouver les formules parfois complexes des SAM.
Quand on a compris comment les plantes utilisent certains de ces précurseurs comme de véritables « pivots » métaboliques, et comment elles les transforment si aisément (?) d’aldéhydes en amines, ou l’inverse, de cétoacides en α-aminoacides, ou l’inverse, …, selon les besoins de la « voie biogénétique » suivie, alors, on ne regarde plus les molécules de la même manière : leurs fonctions chimiques nous "parlent" !
I-1- Transformation des fonctions des acides aminés
Les acides aminés (métabolites Iaires) peuvent conduire entre autres, aux alcaloïdes (métabolites spécifiques) et sont de parfaits exemples de cette grande « versatilité ». Ils se transforment par :
I-1a- Perte du groupement NH2 cétoacide (transamination)
La transamination est une réaction chimique qui transfère le groupement aminé, des α-aminoacides aux cétoacides « récepteurs » :
Il y a transformation d’un aminoacide « donneur » (du « NH2 ») en composé carbonylé = cétoacide correspondant et du cétoacide « récepteur » (« précurseur »), en aminoacide correspondant.
Ces réactions sont réversibles. Par ex., ci-contre (cas de l’ASpartate-T), du haut vers le bas : glutamate cétoglutarate, quand oxaloacétate ASpartate ;
mais, du bas vers le haut : cétoglutarate glutamate, quand ASpartate oxaloacétate
Elles sont catalysées par des enzymes, les « transaminases » (ou « aminotransférases »), des enzymes des deux mondes, végétal et animal : • ASAT, pour ASpartate-AminoTransférase (= ex-SGOT, Sérum GlutamoOxaloacétate Transférase), et • ALAT, pour ALanine-AminoTransférase (= ex-SGPT, Sérum GlutamoPyruvate Transférase), dont le cofacteur enzymatique est un dérivé de la « vitamine B6 » (= phosphate de pyridoxal). Le carbonyle (électrophile) de ce « cofacteur » permet l’addition nucléophile carbinolamine
oxaloacétate
glutamate
cétoglutarate
aspartate
NH2O
OHHO
HO
OO
OHO
HO
OO
OHHO
O
NH2O
OHHO
O
RÉCEPTEURDONNEUR
RÉCEPTEUR DONNEUR
ASAT (= ex SGOT)
pyruvate
glutamate
cétoglutarate
alanine
NH2O
OHHO
HO
OO
OHO
HO
OO
OH
NH2O
OH
RÉCEPTEURDONNEUR
RÉCEPTEUR DONNEUR
ALAT (= ex SGPT)
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(première étape), puis, par déshydratation, donne la « base de Schiff » (voir détails de cette réaction, p. 10), dans le cas de l’ASAT comme de l’ALAT :
phosphate de pyridoxal
N
PO
O
OH
aldimine (base de Schiff)
N
POOH
N
R1O
OHH
NH2
R1O
OHH
N
POOH
N
R1O
OH
H
H
cétimine (base de Schiff)
N
POOH
N
R1O
OH
N
POOH
NH2
R1O
OH
O
pyridoxamine-PH
aminoacide 1 cétoacide 1
H2O
H2OH2O
R2O
OH
O
cétoacide 2
phosphate de pyridoxal
N
PO
O
OH
aldimine (base de Schiff)
N
POOH
N
R2O
OHH
NH2
R2O
OHH
N
POOH
N
R2O
OH
H
H
cétimine (base de Schiff)
N
POOH
N
R2O
OHaminoacide 2
H2O
DONNEUR
RÉCEPTEUR
Cette importante réaction du métabolisme animal, existe chez tous les êtres vivants. Sa fonction essentielle est de « transformer » un aminoacide en un autre, en évitant absolument la libération d’ammoniac NH3 (qui reste « supporté » par le cofacteur sous forme de pyridoxamine), car cette substance serait très toxique pour la cellule. Ainsi, tous les aminoacides qui possèdent un « précurseur cétoacide », sont-ils biosynthétisables par « transamination ». Les autres, Lys, Leu, Ile, Met, Thr, Try, Val et Phe, ne peuvent l’être, et sont dits « essentiels ».
I-1b- Perte du groupement COOH des AA (décarboxylation) amine La décarboxylation des acides aminés est une autre importante réaction du métabolisme protéique. Elle est catalysée in vivo par des « décarboxylases » (végétaux et animaux en sont dotés). Ces Ez utilisent également le phosphate de pyridoxal comme cofacteur. Ce dérivé de la Vit. B6 est capable de former une imine (base de Schiff) avec le résidu aminé. Cette imine stabilise l’anion qui se forme lors de la décarboxylation, par délocalisation de cette charge vers le deuxième azote, à travers le noyau pyridine, et forme une imine alternative dont l’hydrolyse libère l’amine correspondante, en même temps que le cofacteur (carbonyle) est « régénéré »…
phosphate de pyridoxal
NPO
OOH
NPO OH
N
R OOH
H
NH2
R OOHH
NPO OH
N
R
H
H
NPO OH
N
R H
NPO OH
O
R HNH2
P-pyridoxal
H
HH
Hamineacide
aminé CO2
aldimine (base de Schiff)
Les amines formées sont à l’origine de bon nombre de métabolites spécifiques des végétaux (plus bas).
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I-2- Autres réactions de décarboxylation
Décarboxylation : les conditions de la perte d’un groupement carboxylique (COO–), sont favorables chaque fois que la charge anionique (résultant de la coupure de la liaison C–COO, nécessaire à la décarboxylation) est « stabilisée », par mésomérie (formation d’un énolate, d’un imidate, …), par le reste de la molécule qui perd son carboxyle. Donc, chaque fois qu’il y a un carbonyle en bêta d’une fonction acide (bêta-cétoacides), cette décarboxylation est facilitée :
O OH
R Osystème à 6 centres
(par liaison hydrogène)
OH
Rforme énolique
O
RH
méthyle cétone
O
O
cas général de décarboxylation d’un bêta-cétoacide
Cette décarboxylation est aussi facilitée dans le cas d’un « équivalent » chimique de bêta-cétoacide, comme un "énol", ou encore, de manière moins immédiate, comme dans les acides benzoïques orthophénoliques (pour lesquels l’enchaînement bêta-cétoacide n’apparaît qu’après « prototropie [1,3] » = équilibre céto-énolique qui s’accompagne d’une perte d’aromaticité (= « désénolisation ») :
O OH
O
O
OO O
H
O
O OHH
OH H
OH
Héquilibre
céto-énolique
orthohydroxy-benzoate
= CO2
phénolbêta-cétoacide
Elle est tout autant facilitée, dans le cas d’un équivalent chimique de bêta-cétoacide « étendu », au travers d’un ou plusieurs vinyles, comme dans les acides benzoïques paraphénoliques (pour lesquels l’enchaînement vinylogue de bêta-cétoacide n’apparaît qu’après une « prototropie [1,5] ») :
H
OH
O
OH
O H
OH
O HOparahydroxy-benzoate
O
O= CO2
phénol
équilibre
céto-énolique
H
H
vinyloguede !-cétoacide
H
Ou encore, donc, comme dans les parahydroxycinnamates (pour lesquels l’enchaînement vinylogue de bêta-cétoacide n’apparaît qu’après une « prototropie [1,7] ») :
HOH
parahydroxy-cinnamate(vinylogue "supérieur")
OH
O
O
équilibre
céto-énolique
H
OH
O
HO
O
O
= CO2
vinylphénol
H
HH
vinyloguede !-cétoacide
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Réaction inverse : la « carboxylation » On peut donc, en modifiant les conditions de réaction, inverser le sens de celle-ci et effectuer une réaction de « carboxylation ». C’est le cas, par exemple, dans la synthèse des salicylates : Charles Frédéric Gerhardt (1816-1856) réalise la 1ère synthèse de l’acide salicylique, en 1853 (Montpellier). Il force la carboxylation, en se plaçant sous pression de CO2 (électrophile) sur lequel s’additionne l’énolate du phénol (phénate), formé en milieu alcalin (= nucléophile) :
I-2a- Biogenèse des stilbénoïdes C’est une classe de composés polyphénoliques issus d’une voie biogénétique mixte : cinnamates + triacétates. Après cyclisation par aldolisation, le dernier carboxyle du triacétate se trouve en bêta d’un phénol et disparaît systématiquement :
acidescinnamiques
activation
HO
OH
OH
O
OH
O
OH
O
O
OH
O
HO
OH
O
CoA-S + 3 x C2(acétates)
aldolisationHO
OH
O
OH
O
O
déshydratation
HO
OH
OH
resvératrolSTILBENOÏDES
décarboxylation
H
O
O HCO2
HO
O
OH
O
O H
équilibre
céto-énoliqueH
O
OH
O
OH
O
OH
équilibre
céto-énolique
O
OH
O
OH
O
O HHH
H
H
OH
O
OH
O
O
H O H
équilibre
céto-énolique
Biogenèse des polyphénols de type « stilbène » en C6-C2-C6
I-2b- Biogenèse des anthracénosides Dans la biogenèse de l’anthraquinone, précurseur de la rhéine, 2 fonctions carboxyliques apparaissent. Une seule est en position bêta par rapport au phénol. Elle se décarboxyle aisément :
S-CoA
O OO O O
OOO
COOHCH3
O
rhéine
"anthraquinone"
n = 7
"anthrone"polyacétaten
CO2
aldolisations
oxydation
O OHCOOH
COOHHO
OH
O OHCOOH
COOH
OH
O
O OCOOH
COOH
OH
O
équilibre
céto-énolique
H
O OH
COOH
OH
O
H
biogenèse de la rhéine (anthraquinone acide)
OH
NaOH
O CO2 O
H2SO4O
O
OH
OH
O
ac. salicylique
"Kolbe"
OO
O
(plus volatil)
(du pétrole)+
H+
cumèneO
oxydation
(Ac)2OO
OH
Oac. acétylsalicylique
+
"carboxylation"
H
HH
O
O O
H+
H
H
O
carboxylation d’un phénol : la synthèse de l’acide salicylique
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I-2-c- Cas des acides carbonylés en alpha (alpha-céto acides) Dans ce cas, la décarboxylation n’est pas aussi immédiate ! C’est pourtant une réaction courante du métabolisme primaire (pyruvate acétate de la glycolyse par la pyruvate décarboxylase). Cette réaction est dépendante d’enzymes à « TPP » ou thiamine pyrophosphate = Vit. B1, dont le proton (flèche bleue) du thiazole est très acide. En s’ionisant, il forme un carbanion (nucléophile) qui s’additionne facilement sur le carbonyle du cétoacide (à décarboxyler). Cette nouvelle liaison covalente place désormais un iminium en bêta du carboxyle. Cet enchaînement est comparable au bêta-cétoacide (voir I-2, p. 7) et, comme pour ces derniers, sa décarboxylation est grandement facilitée par stabilisation de l’anion par formation d’une ènamine.
N
N
NH2
N SO-PP
thiamine diphosphate
H
R1N S
O-PPcarbanion
R2 C
OO
R1N S
O-PP
HO
R2C
OHOH
O R1N S
O-PP
R2C
OH O
O
H
ènamine
R1N S
O-PP
R2 O
iminium bêta-hydroxylé
comparable à une
rétro-aldolisation
HH
décarboxylation d'un acide bêta-iminium
R1N S
O-PP
R2 O
H
carbanion (régénéré)
H alpha-céto-acide
aldéhyde
H
tautomérieènamine-iminium
L’ènamine existe en équilibre tautomérique avec l’imine correspondante (ici, un iminium) qui favorise alors l’élimination de l’anion de la thiamine (rétro-aldolisation), ainsi régénérée, tout en libérant l’aldéhyde correspondant à l’α-cétoacide décarboxylé.
I-2-d- Cas inverse : la carboxylation en alpha ("gem-diacides" = malonyles)
O
O
Ph
Vit. K (oxydée)
OH
OH
Ph
Vit. K (réduite)
O
OH
Ph
O
HO O—O
PhO
HO O
Ph
O
O
HO O
PhO
Vit. K base forte
HN CH CCH2
NHO
CCO
O
CO2
HN CH CCH2
NHO
CC C
O
O
PhO
Vit. K époxyde
O2
époxyderéductase
NADPH-quinoneréductase
cibles des "Anticoagulants" (anti-vitamine K)
CH3H
4Ph =
glutamate
HH
H
O
O
O
O
facteur IV : Ca++
la Vit. K … accepteur de Michael pour le dioxygène et oxydable (potentiel redox) : décuple sa basicité capable de déprotonner les glutamates et de les carboxyler γ-carboxy-glutamates (= malonates), jouant le rôle de chélateur du
calcium (un des facteurs de la coagulation, qui est donc abaissée, voire supprimée !)
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I-3- Les fonctions amine et carbonyle : réactions et transformations
I-3a- Amination réductrice d’un dérivé carbonylé Amination réductrice : c’est la réaction qui transforme une amine en une amine porteuse d’un substituant supplémentaire :
NH
NH2NH
HN
tryptamine tryptamine monobenzylée
amine Iaire amine IIaire
ex : transformation de la tryptamine en benzyltryptamine
En synthèse, c’est le moyen le plus sûr de produire une amine secondaire à partir d’une amine Iaire, sans former d’amine tertiaire ni d’ammonium quaternaire, comme ce serait le cas en utilisant un halogénure électrophile tel que le bromure de benzyle. La substitution nucléophile du Br par l’amine crée une amine secondaire (IIaire), qui est elle-même, plus nucléophile que l’amine de départ (effet inductif donneur des 2 substituants !) : même si un seul équivalent de bromure est utilisé, l’amine IIaire réagit plus vite que la tryptamine amine IIIaire, elle-même encore plus nucléophile (triple effet inductif « donneur ») que la IIaire et, a fortiori, que la Iaire. Le reste du réactif (benzyle bromure) est consommé rapidement par la tryptamine dibenzylée qui est akylée une troisième fois pour former l’ammonium quaternaire :
NH
NH2NH
N
NH
N
tryptamine tryptamine monobenzyléeBr
tryptamine dibenzylée
NH
N
tryptamonium tribenzylée
amine primaireazote nucléophile
H
amine secondaireazote nucléophile ++
amine tertiaireazote nucléophile +++
la tryptamine exposée au bromure de benzyle se transforme rapidement en un mélange de mono benzyle, dibenzyle et
ammonium quaternaire de tryptamine La première phase de la réaction d’une amination réductrice consiste à former une base de Schiff (une imine), entre une amine (Iaire ou IIaire) et un dérivé carbonylé (aldéhyde ou cétone). Cette phase comporte d’abord, la formation d’une carbinolamine, instable, et qui peut facilement redonner les 2 composés de départ (élimination), ou bien, au contraire, se déshydrater pour donner une base de Schiff = une imine (si R1 = n’existe pas), ou un iminium, si l’azote est protonné (R1 = H, milieu acide) ou si on part d’une amine secondaire (R1 = alkyle).
RNH
O H R N OH
R1
H – H , + H
équilibre entre formes protonnées sur N et sur O
R N O
R1
H
HR
N
R1 ! : imineR1 = H, alkyl : iminium
H2OR1
R1
base de Schiff
R1 = H : amine Iaire
R1 = alkyle : amine IIaireR N O
H
R1
Hcarbinolamine
– H , + H
équilibre entre formes protonnées sur N et sur O
R N O
R1
H
H
dérivé carbonylé
cas général de la formation d’une base de Schiff, entre une amine et une dérivé carbonylé
(réaction réversible, tant qu’on laisse l’eau formée, en présence)
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Pour reprendre l’exemple de la tryptamine à monobenzyler, le dérivé carbonylé sera le benzaldéhyde :
NH
NH2
O
tryptamine
carbinolamine NH
N
benzimine de tryptamine
NH
HNO H
H2O
H2O
benzaldéhyde
NH
HNO H
formation de la base de Schiff, entre la tryptamine et le benzaldéhyde
La nucléophilie de l’amine s’exerce sur le carbonyle électrophile de l’aldéhyde pour former la carbinolamine, laquelle se déshydrate en benzimine. Elle ne s’exerce qu’une seule fois car l’imine est moins nucléophile que la tryptamine non substituée.
La benzimine, base de Schiff, n’est pas une entité beaucoup plus stable que la carbinolamine. Si on ne fait pas disparaître l’eau au fur et à mesure de sa production, l’imine évolue notamment, par addition d’eau. Elle reforme alors la carbinolamine, … qui, comme indiqué précédemment, peut se couper en redonnant les produits initiaux : amine et dérivé carbonylé. Pour éviter ce retour en arrière, il est possible (d’enlever l’eau, sitôt formée), mais sur le long terme (comme font les plantes), de « stabiliser » cette substitution de l’azote par réduction de l’imine, au moyen d’hydrures, par exemple : d’où le nom d’amination réductrice. Avec le borohydrure de sodium, ceci produit une amine borane. Chacune des 4 liaisons « bore-hydrure » réagit de la même manière sur autant de doubles liaisons imines tétramineborane. Le complexe bore-amine doit être détruit par l’eau en milieu alcalin (NaOH) :
NH
N
benzimine de tryptamine
BHH
H Hborohydrure de sodium
HN
N
BHH
H H
amine borane!!!
!
, Na
NH
N!
!
HN
N
BHH
H H, Na
NH
N
diamine borane
NH
N
tryptamine monobenzylée
NH
N
B
H
H
NH
N
HN
N H
H
HN
N
tétramine borane
HHO
NaB(OH)4
H
H4 x
, Na
4 benzyltryptamines sont libérées du complexe « tétramineborane » par hydrolyse alcaline (NaOH)
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En plus de son hydrolyse (retour à l’état initial) ou de sa réduction (stabilisante = amination réductrice), une base de Schiff peut évoluer et réagir de diverses manières :
• par condensation directe en tant qu’électrophile, avec des nucléophiles : c’est le cas des réactions de Mannich (voir plus loin), ou de leur cas particulier, quand le nucléophile est un noyau aromatique riche en électrons (HO-phényl, indole), comme le Pictet-Spengler, dans la synthèse des phénéthylamines ou des bêta-carbolines.
• après réarrangement en énamine par prototropie [1,3], si un proton existe en position bêta. Dans ce cas, le résultat, c’est la formation d’une entité nucléophile en bêta de l’azote :
R NH2O R N
imine = base de Schiff
H RN
énamine
proton labile en bêta
centre électrophile
H
RNH
centre nucléophileH2O
H2O
par prototropie (tautomérie), une imine électrophile, se transforme en ènamine (nucléophile en β)
I-3b- Désamination oxydative amine + dérivé carbonylé
Désamination oxydative dérivé carbonylé + amine moins substituée. À l’inverse de la dernière étape de l’amination réductive, la première étape de la désamination oxydative d’une amine Iaire, IIaire ou IIIaire, la transforme en une base de Schiff (imine ou iminium). Cette oxydation se réalise facilement par un métal dans un état oxydant (Fer ferrique trivalent, Chrome chromique hexavalent, Mercure mercurique bivalent). Les 2 électrons du doublet de l’azote qui établit la liaison « organométallique » avec ces métaux électrophiles, sont alors arrachés (oxydation proprement-dite de l’amine), tandis que le métal est réduit de 2 degrés d’oxydation.
NM(ox)+
NH
M(ox-1)+
Ha
a
(Fe, Cr, Hg, ...)
oxydation
amine avec des H en !
HH
HH
NH M(ox-2)+
H
iminium
Qu’elle soit obtenue par oxydation d’une amine, ou par condensation d’une amine sur un carbonyle, l’hydrolyse d’une base de Schiff par l’eau, libère les 2 réactifs initiaux (ammoniaque ou amine et carbonyle), comme vu au § I-3a, ci-dessus.
+NH
H
hydrolyse de l'iminium
N HH
H
O
H O H
NH
H
HOH
carbinolamine amine désalkylée
dérivé carbonylé
La réaction de "désamination oxydative" permet donc de considérer la plupart des dérivés aminés comme potentiellement, des « équivalents » de l’amine ayant perdu un de ses substituants et du composé carbonylé, résultant de la coupure par hydrolyse de la double liaison C=N issue de son oxydation.
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En résumé, il existe donc 2 voies principales de formation d’une imine ou d’un iminium (base de Schiff), chez les plantes :
1) « AN » : l’Addition Nucléophile d’une amine (ammoniac ou ammoniaque, amine Iaire ou IIaire) sur un carbonyle électrophile (aldéhyde ou cétone), ou son équivalent "vinylogue" (acrylate, carbonyle α,β–insaturé ; voir § I-3a, p. 10). La carbinolamine, d’abord formée, se déshydrate en base de Schiff. Les liaisons C–N de nombreux produits naturels résultent de cette condensation, suivie d’une réduction ou d’une alkylation de l’imine, ce qui la stabilise.
2) « 1DO » : la première phase de la réaction de « Désamination Oxydative » : c’est une des réactions les plus fréquentes dans la biogenèse des alcaloïdes à partir de leur acide-aminé précurseur (voir biogenèse des alcaloïdes tropaniques (§ I-3c) ou des alcaloïdes quinolizidiniques (§ I-3d).
I-3c- Biogenèse des alcaloïdes tropaniques : hyoscyamine, scopolamine et cocaïne
N
N
NH2COOH
H3C
OH CH2OH
O
NH3C
OH CH2OH
O
O
H3CH N
CH
H3C O
O
NSCoA H3C O
O
SCoA
N
N
H3C
OH3C
O
H
OH
OH
NH3C
O
NH3C
O
NH3C
HHO
NCOOCH3H3C
H
O
O
ecgonine
1) cyclisation2) H2O3) réduction
1) H2O2) -CO2
hygrine !tropanone
3!-tropanol
(acide = estérification)
estérifications
(-)-cocaïne (Liste Stupéfiants)
Alcaloïdes des Solanacées
hyoscyamineatropine (R,S)
scopolamine
Alcaloïdes des Linacées
ornithine(méthylée)
AN
1DO
Biogenèse des alcaloïdes tropaniques des Solanacées et des Linacées
I-3d- Les alcaloïdes quinolizidiniques (spartéine)
N
NH
H
H
H
NH2
COOH
NH2
NH2
NH2
CHO
NH2
N
NH
CHOHH
NH
(-)-spartéine
L-lysine cadavérine!-1-pipéridéine
(iminium)
!-2-pipéridéine(ènamine)
noyauquinolizidine
H
NH
NH2 NH
HN
HHN
H
CHOHH
CHON
CHOHH
N
NH
H
N
NH
H
iminium énamine
CO2
AN1DO
AN +tautomérie
AN
hydrolyse1DO
!-1-pipéridéine(iminium)
AN
AN
tautomérie AN
Biogenèse des alcaloïdes quinolizidiniques (spartéine)
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I-4- Réactions des fonctions carbonyle et imine : des électrophiles
I-4a- Condensation sur elles-mêmes : aldolisation Cette réaction concerne les aldéhydes ou cétones ayant un H en α (énolisables). Une telle réaction peut être facilitée (catalysée) aussi bien en milieu basique qu’en milieu acide bêta hydroxy-aldéhydes ou cétones (= "aldols" ou "cétols") ou leurs équivalents :
O O
R2H B
R2O O
R2OH O
R2 =H : !-aldolR2 =alkyl : !-cétol
catalyse basique :
énolate
R1 R2O
R2R1
OR1 R2
R1R2R1
H
R1R2R1
R1
O O
R
O O
RH
R
O O
R
OH O
aldol/cétol
Hcatalyse acide :
H HH H HH
I-4b- Crotonisation des aldols en milieu alcalin Selon les conditions, en milieu basique, l’aldol peut subir une déshydratation et donner le produit, dit de « crotonisation » = énal (énone, si R2 ≠ H), avec une double liaison conjuguée au carbonyle :
H3C H
O O
H
OHH
H3C H
O
aldéhyde !, "-insaturé(produit de crotonisation)B
BHH3C H
O OH
énolatealdol
crotonaldéhyde
I-4c- Crotonisation des aldols en milieu acide En milieu acide, l’aldol peut subir une déshydratation et donner le même produit de « crotonisation » :
R
OH O
aldolR
O O
H
H H H
HH2O
R
O
cétone !, "-insaturée(produit de crotonisation)
I-4d- Rétroaldolisation C’est la réaction inverse de l’aldolisation. Tout enchaînement de carbonyle hydroxylé en β, peut être clivé par arrachement du proton de l’alcool :
R
O O
B
H
R
O O
H
H O O
R
R
O OHBH
aldol
HO
R
O
H
OHR
O
cétone !, "-insaturée
rétro-aldol
crotonisation
R
OH Oaldol = !-hydroxycarbonyle
H
"!
R
OH O
aldolH
O
R
O
H
rétro-aldol
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I-4e- Addition conjuguée (réaction de Michael)
Addition conjuguée sur un carbonyle = réaction de Michael
La réaction de Michael est un cas particulier de vinylogie (voir plus loin).
Il s’agit d’une addition conjuguée d’un nucléophile = donneur de Michael (thiol, anion, amine, …) sur un électrophile = accepteur de Michael (carbonyle, ester, nitrile, amide, …), conjugué à une ou plusieurs doubles liaisons « adduit de Michael ».
Cette réaction peut être catalysée aussi bien en milieu alcalin qu’en milieu acide. Catalyse de la réaction de Michael en milieu acide :
O
Nu
O
Nuvinylogued'acylium
O
Nu
H
tautomérie
adduit deMichael
OH
H
H
activation de l'accepteur de Michael
H H
• Catalyse de la réaction de Michael en milieu alcalin :
O
Nu
O
Nuvinylogue
de carbonyle
O
Nu
traitement
de la réaction
adduit deMichael
activation du donneur de Michael
NuH
B
H H
Elle est très fréquente dans la biogenèse des principes actifs végétaux (flavonoides, …) mais aussi dans des réactions d’alkylation d’électrophiles (formation des « complexes hapténiques » avec les quinones, …) :
• C’est une réaction « réversible » aussi, dans des conditions identiques (« rétro-Michael) :
Tout dérivé carbonylé porteur en β d’un substituant considéré comme « nucléophile » (hétéroatome porteur d’un doublet, carbanion stable, …) et d’un proton en α, peut être considéré comme résultant d’une addition de Michael, comme un « adduit de Michael ». En conséquence, la réaction opposée dite de « rétro-Michael », consiste à commencer par arracher le proton, ce qui est normalement facilité car il est en α du carbonyle (donc acide). Ceci a pour effet de produire l’énolate du carbonyle dans lequel, la liaison du « nucléophile » avec le carbone situé en β est
!
!
O
Nu
O
Nu
O
Nu
OH
Nu
vinylevinylogue
de carbonyle
carbonyle
O
Nu
H
!
!
!
! tautomérie
adduit de Michael
O
Nu
H!"
adduit de Michael
fonction carbonylée
proton "acide" en !
nucléophile "base" en "
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fragilisée. Le rabattement de l’anion (énolate) provoque son élimination en même temps que l’accepteur de Michael (double liaison conjuguée au carbonyle) est régénéré :
O
Nu
H!"
B
adduit de Michael
O
Nuénolate
BH"
O
Nu
accepteur de Michael
• Ex. : passage d’une série de produits naturels à une autre : chalcones flavanones
OHOH
OH
Oisoliquirétiginine (réglisse)
forme ouverte : accepteur + donneur de Michael
OHOH
OH
O
OHO
OH
Oliquirétigénine
forme cyclisée : adduit de Michael
H
chalcone flavanone
• Ex. : formation d’adduits covalents responsables d’allergies (quinones, lactones alpha-bêta insaturées, ... = « haptènes »)
L’addition de Michael de nucléophiles = « donneurs de Michael » (hétéroatomes porteurs de doublets libres de protéines) sur des substances végétales contenant un système « accepteur de Michael » (quinones, carbonyles α,β-insaturés), qui se comportent alors comme de véritables haptènes, forme des adduits covalents qui sont à l’origine d’allergies professionnelles très importantes :
OR1
R2
O Nu
OHR1
R2
ONu
OR1
R2
ONu
H
mécanisme de formation d’adduits stables par réaction de Michaël de nucléophiles sur des haptènes
Les quinones (les CoEnzymes Q-10), uniquement sous leur forme « oxydée », sont des haptènes :
O
O
CH3
CH3
CH3
CH3 CH3 CH3
phylloquinones
OH3CO
H3COO
CH3
CH3H
Ubiquinone
10
OHH3CO
H3COOH
CH3
CH3H
Ubiquinol
10
CoEnz Q10
I-4f- Notion de « vinylogie » : La réaction de Michael est un cas particulier de vinylogie : « la propriété d’un groupe fonctionnel s’exprime à travers (est relayée par) une (ou plusieurs) double liaison = un "vinyle" ». Un carbonyle électrophile impose donc à la double liaison qui lui est conjuguée la même polarisation que la sienne : elle est électrophile en position terminale. L’addition d’un nucléophile sur cette double liaison est dite addition « conjuguée » ou réaction de Michael.
!! O
Ovinyle vinylogue de carbonylecarbonyle
!!
!!
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Importance de la vinylogie en pharmacologie (pharmacophores), réactions d’alkylation, acidité, … :
L’introduction d’une double liaison (vinyle) au sein d’une fonction chimique (entre les 2 éléments qui la caractérisent) permet « d’homologuer » le composé tout en conservant les mêmes propriétés physicochimiques de cette fonction et donc, le plus souvent, les propriétés pharmacologiques.
• Ex. : la vit. C : un vinylogue d’acide
OO
HO OH
CHCH2OHHO
Vitamine C
OO
CHCH2OHHO
HOacide ascorbique
"équivalent" À travers la double liaison, conjuguée au carboxyle de la lactone (ester intramoléculaire), l’acide ascorbique possède en fait, un hydroxyle (rouge sur la formule) qui a la même acidité que s’il était directement porté par le carboxyle (formule de droite), donc, comme un vrai acide carboxylique !
II- Exploitation de ces exemples dans la synthèse de SAM II-1- aménagements fonctionnels de produits naturels
II-1a- déméthylation d’azote NOR-morphine
La déméthylation de l’azote de la morphine conduit à la NOR-morphine (NOR = « Niträgen Ohne Radikal) par la réaction de von Braun (BrCN = bromure de cyanogène). La NOR-morphine devient donc une amine secondaire qui peut être substituée de diverses manières, afin d’accéder à des SAM dont les propriétés pharmacologiques sont modulées par rapport au produit de départ :
NO
HO
HO
CH3
CN Br
NO
HO
HO
H
morphine Nor-morphine
von Braun
NO
HO
HO
CH3
CN
Br
NO
HO
HO
CH3
CN
Br NO
HO
HO
C N
CH3Br
NO
HO
HO
C N
cyanamide
R = : naltrexoneR = : naloxone
NO
HO
HO
O
NO
HO
HO
HONO
HO
ROH
nalorphine nalbuphine
NO
HO
HO
H
Nor-morphine
SAM hémisynthétiques issues de la NOR-morphine
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II-1b- Déméthylénation de vinblastine navelbine Le début correspond aussi à la première étape d’oxydation d’une désamination oxydative. La réaction de Polonovsky "modifiée Potier" permet d’oxyder un seul des 4 azotes N-oxyde qui est estérifié in situ, par l’anhydride trifluoroacétique, ce qui provoque la coupure de la chaîne « éthanamine » et engendre un double iminium. L’un d’eux (rouge) s’hydrolyse en formol (aldéhyde) + amine IIaire, laquelle se recyclise sur l’iminium conjugué (addition de Michael, mais aussi, réaction de Mannich « conjugué »), en navelbine® (= vinorelbine) :
NH E
N
OH
H3CO
N
H3CO2CH3C
N
OHOH
O
CF3O
NH E
N
H3CO
N
H3CO2CH3C
N
OHOH
iminium
NH E
N
H3CO
N
H3CO2CH3C
N
OHOH
H
NH E
N
H3CO
N
H3CO2CH3C
N
OHOCOCH3
H
OH
Hvinblastine
vinorelbine
hémisynthèse de la vinorelbine à partir de la vinblastine : réaction de Polonovsky "modifiée Potier"
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II-2- Synthèse en une seule étape de la tropanone Mélange stœchiométrique de succinaldéhyde + méthylamine + acétone dicarboxylate, dans des conditions physiologiques (eau, pH = 7, température ambiante).
OO
H
H
H2N CH3
H2O
O
H
H
N CH3 N
OH
CH3
H
CO2H
CO2H
OH
H
NCO2HH3C
O
CO2H
HOHN
CO2HH3C
O
CO2H
NCO2HH3C
O
CO2HH2O
H
N CO2HH3C
O
CO2H
H
2 CO2 NH3C
Otropanone
NH3C
OH CH2OH
Ohyoscyamineatropine (R,S)
succinaldéhyde imine
321 4
567
8 9
méthylamine
ac. acétone-dicarboxylique
MANNICH
MANNICH
A synthesis of tropinone, R. Robinson; Journal of the Chemical Society, Transaction, 1917
J. Chem. Soc., Trans., 1917,111, 762-768 - DOI: 10.1039/CT9171100762
Cette synthèse en une seule étape, met à profit une bonne partie des réactions vues précédemment : 1) addition nucléophile d’une amine sur un dialdéhyde 1 formation d’une carbinolamine,
2) déshydratation de la carbinolamine imine 2, 3) l’azote ayant retrouvé sa nucléophilie, s’additionne une seconde fois sur le deuxième
aldéhyde, dans une réaction intramoléculaire (dialdéhyde !) carbinoliminium 3, 4) 1ère réaction de « Mannich » = addition du premier méthylène de 4 (acétone dicarboxylate),
activé par 2 fonctions carbonylées, sous forme d’énol nucléophile sur l’iminium 3 β-cétoacide carbinolamine 5,
5) l’azote ayant retrouvé son doublet (= nucléophilie), et toujours sous l’effet de la catalyse acide, déshydratation de la β-cétoacide carbinolamine 5 iminium électrophile 6,
6) 2ème réaction de « Mannich » = addition du deuxième méthylène activé par 2 fonctions carbonylées, sous forme d’énol nucléophile 7 sur l’iminium intramoléculaire 7 tropanone dicarboxylique 8,
7) double décarboxylation thermique de 8 (β-cétoacides) tropanone 9.
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III- TRAVAUX DIRIGÉS Biomimetic synthesis of tropinone by oxidation of hygrine with mercury(II)acetate (1989), Edward Leete and Sung Hoon Kim, J. Chem. Soc., Chem. Commun., 1899-1900. DOI (Digital Object Identifier): 10.1039/C39890001899
5N
O Hg(OAc)2
N
OH
Hg OAcOAc
2Hab
a
b
5 N
OH
Hg°
2
2 x ( OAc)
5
N
O
2
H5 N
OH 2
Hdéhydrohygrine !
AcOH
Mannich (spontané)
5
N
O
2
tropanone
oxydation
hygrine !
1 2
5
3
7
4
20-30%
10-15%
H
2 x H
Cette synthèse « biomimétique » permet de vérifier que la tropanone 4 peut être obtenue à partir de l’α-hygrine 1, par oxydation de l’amine pour former un intermédiaire biogénétique tel que l’iminium 3. L’acétate mercurique en milieu acide acétique est en effet capable de réaliser cette oxydation, selon la voie b, via l’aminomercuriel 2. La quaternarisation de l’azote a pour effet d’augmenter l’acidité du proton en C5 qui s’élimine en formant l’iminium (même si c’est minoritaire par rapport à sa réaction concurrente (voie a) qui élimine le proton en C2 . Dans les conditions de la réaction (milieu acide), la cyclisation de la méthylcétone 3 (sous forme énolique) a lieu « spontanément » (réaction de Mannich intramoléculaire), pour conduire à la tropanone 4, en une seule étape. Le même schéma voie « b », représentée dans l'espace :
NH3C
O
NH3C
O
NH3C
H
HO!-tropanol
NH3C
O
HgAcO
H
HNH3C
O
hygrine !
b
tropanone
1 2 3 4
68NHH3C
O
H2O
Mannich
H
O
Naturellement, si l’iminium 3 était soumis à des conditions hydrolysantes, plutôt qu’aux conditions favorables au Mannich (à la cyclisation en tropanone), il se formerait alors préférentiellement le composé 8, correspondant à une « désamination oxydative ». L’oxydation d’une amine en imine (ou en iminium) reste bien la première étape de toute désamination oxydative (DO).