un meurtre désaltérant
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Roman policier de 4195 mots écrit par: Emanuelle Makdissi Vincent Thomas-Couture Sandrine Charbonneau Guilherme De Assis BiallyTRANSCRIPT
Un meurtre désaltérant
CHAPITRE 1 :
Il était aux alentours de 21 heures lorsqu’un terrible cri vint briser le calme de la maison des
Côté. Tous étaient réunis à l’occasion des fiançailles d’Éléonore et de son amant, Maxence.
Dans le salon où les invités discutaient, les mouvements cessèrent.
Fabrice, le frère cadet d’Éléonore, se précipita à l’étage du dessus et longea le couloir menant
au bureau de son père. Il se figea en apercevant Axelle, sa belle mère, qui fixait le corps inerte
de son père. Ce fut à peine s’il eut une réaction lorsque les autres membres de la famille
montèrent en lui demandant ce qui s’était passé.
***
Les gyrophares des trois voitures de police teintaient la façade de la villa de rouge et de bleu
ce qui attirait les voisins curieux et inquiets. Le détective Bolieux frappa à la porte de la
grande maison illuminée. Il venait l’examiner, car, 30 minutes auparavant, une mort y avait
été signalée. Jean Bolieux avait tout de suite été appelé pour aller visiter le lieu du crime. Une
ravissante femme, d’environ 30 ans, lui ouvrit la porte d’un air à la fois triste et terrifié. Elle
se présenta comme Axelle, la femme du défunt François. Jean Bolieux s’identifia comme
détective et lieutenant de la brigade de police, section des homicides de la région de Québec.
La conjointe de l'homme qui venait de mourir fit entrer monsieur Bolieux, ainsi que quelques
experts en scène de crime. Le détective en chef fut conduit au salon où se trouvaient tous les
invités.
— Voici le détective, dit Axelle d’une voix faible, mais assurée.
— Bonjour, je me présente, Jean Bolieux, je suis le lieutenant-détective chargé d’enquêter sur
le possible meurtre de François Côté.
Axelle se mit à présenter tous les membres de la famille qui s’étaient réunis au salon, tous en
état de choc. Elle désigna la jeune fille aux cheveux bruns comme étant Éléonore. C’était la
fille du défunt. La jeune femme d’environ 20 ans salua le détective en lui posant une question.
— Bonjour, pensez-vous pouvoir trouver le coupable? dit Éléonore d’une voix pleine
d’espoir.
— Vous savez, chère dame, je suis connu, car je trouve toujours le coupable, et ce, aussi loin
qu’il puisse se cacher, chuchota le détective.
Éléonore parut rassurée. Un jeune homme prit la parole, les larmes aux yeux, et se présenta
comme Fabrice, le fils du défunt. Ce dernier n’en dit pas plus, il avait l’air tellement triste. La
femme assise tout près de Fabrice, qui tenait une coupe de vin généreusement remplie, ne mit
pas beaucoup d’émotion dans ses paroles.
— Je suis Geneviève, l’ex-épouse de François et la mère des deux jeunes, dit-elle en
désignant d’un doigt léger Éléonore et Fabrice.
Durant une minute, personne ne parla; alors, Axelle poursuivit les présentations.
— Le jeune homme assis au côté d’Éléonore se nomme Maxence; nous célébrions les
fiançailles de ces deux amoureux. La dame aux cheveux blancs se nomme Marie-Jeanne,
c’est la mère de Geneviève. Celle aux cheveux d’un gris foncé se nomme Anaïs, c’est la
mère de François, termina Axelle d’un ton monotone.
— Merci, dit le détective en se levant. Puis-je aller visiter l’endroit où François est mort?
Axelle acquiesça. Elle se leva, suivie du détective et d’Éléonore, puis, d’une marche lente, ils
se dirigèrent vers une grande pièce qui servait de bureau à François. Axelle expliqua au
détective que son mari s’était retiré une quinzaine de minutes avant sa mort afin de prendre un
appel dont personne ne connaissait la source. Après le cri perçant qu'Axelle avait poussé en
voyant son mari mort, Fabrice, alerté, avait averti la police. Le détective prit la déposition
d’Axelle en note dans un calepin qui lui avait servi un peu plus tôt à dresser la liste de
personnes présentes.
***
Le détective s’avança vers la chaise, encore chaude, près de laquelle on avait trouvé le
cadavre. Il n’y avait aucune trace de sang, même sous une lampe aux rayons ultra-violets, apte
à détecter le sang grâce au luminol aspergé sur le coussin et le dossier de la chaise. Il regarda
la pièce attentivement. Il y avait de multiples dossiers empilés sur le coin du bureau. Il y avait
un ordinateur portable fermé et le combiné du téléphone, probablement tombé des mains du
défunt, gisait sur le sol. La pièce avait une ambiance très chaleureuse, quoiqu’elle ne contenait
pas de fenêtre. Près du bureau, il y avait une grosse bibliothèque qui contenait une multitude
de livres. Sur une étagère se trouvait une bouteille de whisky qui semblait avoir une grande
valeur monétaire. Sur le sol, près de la porte, se trouvaient quelques minces traces de vin
rouge. Quand le médecin légiste, qui s’occupait du corps, eut fini de l’inspecter, il alla à la
rencontre du détective et lui fit part de ses observations.
— L’homme s’appelait François Côté, il avait 58 ans. Il était couché sur le sol et les témoins
assurent qu’ils ne l’avaient pas déplacé. Il me paraissait en excellente forme physique. Il
n’est donc pas mort d’une crise cardiaque ou d’une embolie. De plus, je n’ai trouvé ni
blessure apparente, ni autre type de trace de violence externe, mis à part quelques
contusions antérieures à aujourd’hui. Je peux vous dire tout de suite qu’on ne l’a pas
étranglé avec un objet : il n’y a pas d’hémorragie pétéchiale dans le visage ou sur la
conjonctive des yeux. Il me faudra donc faire une autopsie plus poussée afin de déterminer
la cause du décès après l’inspection de la scène de crime. Lorsqu’on ne trouve aucun signe
apparent de mort, c’est souvent parce qu’une personne s’est appliquée à ne pas laisser de
traces. Il s’agit là probablement d’un meurtre, avec préméditation!
— Merci docteur Hikle, dit gentiment monsieur Bolieux.
Bolieux savait que François n’avait pas de traces de violence physique. « Il a dû être
empoisonné », pensa-t-il. Bolieux ne voulait pas attendre le rapport d’autopsie afin de
connaître le poison utilisé, il n’en avait pas besoin. Il ne lui restait qu’à interroger tous les
gens qui étaient dans la maison à l’heure du crime et, comme à son habitude, à trouver le
coupable.
CHAPITRE 2 :
Une inspection plus en profondeur de la scène de crime était nécessaire. Armés de loupe, de
paire de pinces et de trousses remplies de produits et de poudre, le médecin légiste ainsi que
quelques techniciens s’accroupirent pour ratisser et recueillir les indices se trouvant sur le sol.
Le détective Bolieux, quant à lui, retourna au salon pour en savoir un peu plus sur la situation
familiale et sociale de François Côté, la victime.
***
La salle à manger, qui servait d’exutoire à la tristesse d’Éléonore depuis un petit moment,
était plongée dans une mi-obscurité. Cela créait un effet de profondeur. Une main vint se
poser sur l’épaule de la jeune femme. L’inspecteur, qui venait juste de descendre, lui demanda
poliment de bien vouloir le rejoindre dans le salon, avec tous les invités. Lorsque tous furent
présents, le détective attira l’attention de tous et commença à parler d’un ton qui se voulait à
la fois réconfortant et autoritaire :
— Comme vous le savez tous, M. François Côté est décédé. Mon équipe et moi sommes
arrivés à des conclusions. M. Côté a probablement été assassiné. La cause du décès la plus
probable est l’empoisonnement.
Tous restèrent figés. Il continua :
— Pour le bon avancement de l’enquête, je vous demanderais de bien vouloir coopérer avec
nous en prenant le temps de répondre à nos questions. Je vais vous interroger un à un dans
la salle à manger. Éléonore, voudriez-vous bien me suivre?
Elle se leva, sous le regard inquisiteur de Maxence, et alla s’asseoir en face de l’inspecteur,
dans la salle d’à côté.
— S'il vous plaît, décrivez-moi votre père, demanda Bolieux en essayant de faire de son
mieux pour être sympathique.
— C’était un homme charmant. Il s’était bâti une réputation de fer-de-lance dans l’industrie
de l’informatique. L’argent n’était jamais un problème pour lui. Il n’hésitait pas, si mon
frère ou moi étions dans le besoin, à nous prêter, voir même donner de l’argent. Tous ses
collègues de travail le respectent et lui sont reconnaissants, car sans lui, ils seraient
probablement moins riches. Ses problèmes étaient donc plus du domaine familial. Voyez-
vous, mon père a quitté ma mère, Geneviève, après 20 ans de mariage en lui disant qu’il
avait rencontré une autre femme. Quelques mois plus tard, Axelle se mariait à François et
ma mère broyait du noir, seule. Elle ne s’en remettra pas de si tôt, car Axelle attend un
bébé depuis déjà six mois!
L’inspecteur continua à prendre en note tout ce que la jeune femme disait. Il demanda à cette
dernière de lui décrire avec le plus d’exactitude possible ce qu’elle avait fait, entre le moment
où son père s’était absenté jusqu’à la découverte de son corps. Après lui avoir répondu un peu
sèchement qu’elle n’avait pas quitté Maxence, qui était au salon toute la soirée, Éléonore
insista sur le fait que cela pourrait être confirmé par Marie-Jeanne, qui en avait fait de même.
Jean Bolieux s’excusa et enchaîna avec sa prochaine question. Étant persuadé de l’innocence
d’Éléonore, il la questionna sur le déroulement et la planification de la soirée. Elle lui répondit
que tout avait été planifié par Axelle qui, nouvelle dans la famille, essayait toujours de faire
ses preuves pour mieux se faire accepter. Cela fonctionnait assez bien, car Fabrice avait
convaincu Geneviève de venir à la petite fête, sous la demande d’Axelle. Même en étant très
rancunière et fâchée, autant contre Axelle que contre François, Geneviève avait accepté avec
joie l’invitation. Éléonore ajouta aussi que la nourriture avait été préparée en partie par
Axelle, mais surtout par Anaïs, la mère du défunt. La veillée s’était terminée abruptement
quand François fut retrouvé mort à 21 heures et 15 minutes précises. Éléonore ajouta qu’après
un moment, Fabrice et Axelle avaient retrouvé François, couché dos au sol, sans vie. Sur ces
mots, le détective remercia encore une fois la jeune femme aux cheveux bruns et la
reconduisit dans le salon où elle se jeta, en larmes, dans les bras de son fiancé.
— Mme Côté, demanda le policier, puis-je vous parler?
Axelle et Geneviève se levèrent en même temps de leur siège. Un regard courroucé de la part
de Geneviève fit rasseoir Axelle, qui pourtant, portait elle aussi le nom de l’homme auquel
elle était mariée. Le lieutenant-détective pria gentiment Geneviève de le suivre dans la pièce
d’à côté. Elle remplit rapidement sa coupe de vin vide et le suivit d’un air quasi triomphant.
— François vous a causé beaucoup de problèmes, n’est-ce pas? s’enquit Bolieux d’une voix
qui se voulait douce, mais qui se révélait stressante.
— C’était un vrai emmerdeur!, cria-t-elle, d’une voix hargneuse, amplifiée par la grande dose
d’alcool dans son corps.
Geneviève raconta la même histoire qu’Éléonore à propos du mariage en utilisant cependant
un langage beaucoup plus grossier. Elle continua en gesticulant de tout son corps et en tenant
sa coupe qui se vidait un peu plus à chaque geste brusque.
— Après m’avoir donné deux magnifiques enfants, il me poignarde dans le dos en me
trompant, au bout de 20 ans, 20 ANS de mariage. C’est comme si toutes les corvées, les
bons moments, les épreuves difficiles et la naissance même de Fabrice et d’Éléonore
n’avaient compté pour rien! Je l’ai supporté toutes ces années, même les jours où il buvait
tellement de ce whisky qu’il adore. Un jour, j’ai même pensé arrêter d’acheter son whisky,
mais je ne l’ai pas fait pour le rendre heureux. Vous savez ce qui est pire encore, c’est
qu’il m’a quittée pour une espèce de jeunette, prostitué à l’argent de MON mari et qu’il lui
a donné UN ENFANT!
Jean lui laissa un moment de répit pour qu’elle puisse reprendre ses esprits. L’interrogatoire
qu’il lui réservait s’annonçait éprouvant. Il commença par lui demander le déroulement de la
soirée. Elle lui répondit d’une façon assez calme et presque cynique :
— C’est Anaïs qui a fait toute la nourriture. En fait, Axelle était censée l’aider, mais elle n’a
aucun talent culinaire. Tout ce qu’elle sait faire, c’est lire les prescriptions des
ophtalmologistes de la clinique où elle travaille.
Ne voulant pas subir encore un discours comportant les plaintes et insultes diverses de la
dame, Jean la somma de venir à l’essentiel quand le médecin légiste arriva et lui demanda de
venir : la fouille de son équipe fut fructueuse.
CHAPITRE 3 :
Jean Bolieux suivit le médecin légiste, intéressé par sa découverte. Ce dernier lui annonça que
son équipe n’avait trouvé aucune trace de poison sur la scène du crime. Il lui présenta par
contre la pièce à conviction numéro un, trouvée dans la poubelle du bureau : une seringue
dans laquelle se trouvait un liquide en cours d’analyse. Les yeux de Bolieux s’ouvrirent et un
sourire d’étonnement se dessina lentement sur son visage. Bolieux se dit que, si l'analyse
toxicologique du sang de François se révélait positive, il s'agirait probablement de l’arme du
crime.
Le détective se dirigea de nouveau vers la salle à manger, au rez-de-chaussée.
Geneviève, qui l'attendait, paraissait plus calme. D'un ton incroyablement doux, mais ferme,
elle lui dit tout simplement que, sans la présence de son avocat, elle ne répondrait plus à
aucune de ses questions. Cependant, elle dit qu’Axelle s’était levée afin d’aller à la salle de
bain après le moment où François s'est absenté et avant la découverte de son corps. Après
cette fin d'interrogatoire plutôt abrupte, l'inspecteur pria le jeune fiancé de venir et remercia
Geneviève de sa patience. Maxence se leva afin d’escorter le détective Bolieux dans la pièce
adjacente. Jean prit place sur la chaise qu’il avait utilisée lors des deux premiers
interrogatoires. Maxence s’assit sur le siège le plus bas et, comme à l'habitude, voûta son dos
afin de camoufler sa grandeur. Le détective commença son interrogatoire.
— Confirmez-vous votre identité comme étant celle de Maxence Dorion?
— En effet, je suis le fiancé d’Éléonore, répondit Maxence, poliment.
— Comment s’est passée votre soirée? Où étiez-vous?
— J’ai passé une très belle soirée, si on exclut la mort du père de ma fiancée. Je suis resté au
salon toute la soirée. La famille d’Éléonore me posait des questions sur ma vie, et je dois dire
que je ne m’attendais pas à apprécier cela, mais ça m’a vraiment plu de répondre aux
questions.
— Entreteniez-vous de bonnes relations avec François?
— Je ne le connaissais pas beaucoup, répondit froidement Maxence. Il était très pris par son
travail.
Le détective parut réfléchir, puis demanda à Maxence d’aller lui chercher une personne
excluant Éléonore et Geneviève.
Une vieille dame à la chevelure blanche s’approcha et s’assit avec difficulté. Elle se présenta
comme étant Marie-Jeanne. Elle fit spontanément un petit résumé de la situation. De sa voix
douce, elle décréta qu’elle était la mère de Geneviève, l’ancienne épouse de François. Bien
que sa fille détestait le défunt, elle savait pertinemment qu’elle ne l’avait pas tué et
soupçonnait plutôt Axelle. Elle poursuivit encore en ajoutant que cette jeune de moins de
trente ans, sortie de nulle part, était d’une insolence indescriptible avec Geneviève. Le
détective remercia Marie-Jeanne pour sa rapide déclaration et lui affirma qu’il avait entendu
tout ce qu’il voulait savoir. Voulant en savoir plus sur Axelle, Bolieux demanda à la
rencontrer.
Lorsqu’il entendit frapper, Jean fut surpris et, pensant que c'était Axelle, l'invita à entrer.
Contrairement à ce qu’il espérait, il vit Fabrice apparaître d’un air pressé.
— Désolé détective Bolieux, je dois partir, j’étais attendu pour finir un travail ce soir et, si
cela ne vous dérange pas, j’aimerais que vous m’interrogiez maintenant, dit le jeune homme
en s’avançant près du détective.
— Aucun problème, dit Jean d’une voix compatissante. Cependant, vu votre état de choc, je
pense que le moment est mal choisi pour aller faire des travaux. Vous êtes le fils de François?
Le jeune homme aux cheveux châtains acquiesça.
— Comment s'est passée la soirée?
— C’était une très belle soirée. Pour une fois, la famille était toute présente. Nous avons passé
la soirée à discuter. Vers 7 heures, je me suis retiré pour prendre mes messages électroniques
et c’est alors que j’ai vu que mes coéquipiers n’avaient pas fini le travail qui est à remettre
dans deux jours. Je suis allé au salon et j’ai annoncé que je devrais m'en aller d'ici une heure.
Plus tard, lorsque j’allais quitter la maison, je suis allé dire au revoir à Axelle et à mon père, et
c’est alors…
Fabrice ne put finir sa phrase. Bolieux, ne voulant pas trop faire souffrir le jeune homme, le
laissa partir. Quelques secondes après le départ de Fabrice, Axelle se présenta devant Jean.
— Madame Côté?
— Oui, répondit Axelle en baissant les yeux sur son ventre, d'un ton las.
— Qu’avez-vous fait ce soir?
— Ce soir, j’ai pleuré toutes les larmes de mon corps, dit Axelle avec une voix irritée.
Le détective lui signala qu’il parlait de la partie de la soirée précédant le meurtre. La femme
enceinte lui répondit qu’elle avait fait la cuisine et qu’elle était restée au salon toute la soirée.
Elle ajouta qu’elle était allée aux toilettes souvent, en raison de son état. En revenant des
toilettes, Axelle était passée voir François et elle l’avait trouvé mort.
Peu après le départ d’Axelle, une dame aux cheveux gris s’assit en face de l'homme de justice
avec une grâce insoupçonnée. L’expression « la dernière, mais non la moindre » prit alors tout
son sens. En effet, Anaïs raconta, de sa propre initiative, les faits :
— Tous étaient au salon lorsque François s’est retiré pour prendre un appel très important.
Cela a entraîné une petite chicane, car Fabrice reproche à son père de trop travailler. Comme à
l'habitude, sa mère a essayé de le raisonner en lui disant que, si son père ne travaillait pas
autant, il ne garderait pas sa fortune. Geneviève est allée chercher des biscuits, Maxence s'est
occupé des apéritifs, Axelle s'est, comme toujours, dirigée aux toilettes, Éléonore a transporté
la vaisselle dans la cuisine et, ensuite, Axelle a retrouvé François pour lui demander de
revenir.
— Tout cela est très intéressant, dit le détective ravi de l’histoire racontée par Anaïs. Est-ce
que tout cela est arrivé en même temps, ou ce que vous m’avez raconté est un enchaînement
de faits?
— C’est un enchaînement de faits, bien entendu, répondit Anaïs d’une voix chagrinée.
Le détective se leva, puis, suivi d’Anaïs, se dirigea vers le grand salon pour chercher le
coupable, s’il y en avait un. Il prit son carnet où il avait noté les éléments importants et
réfléchit longuement.
En saluant tout le monde, le détective quitta la maison en recommandant une bonne nuit de
sommeil, car il était déjà très tard.
CHAPITRE 4 :
Le lendemain matin, dès son réveil, Jean Bolieux se mit en route vers le Laboratoire des
sciences judiciaires de Québec. Il commença par s’habiller, puis, après avoir mangé un peu, il
entra dans sa voiture sport. Il se fit prendre dans le trafic pour se diriger en plein cœur de la
ville de Québec, où se trouvait le Laboratoire des Sciences judiciaires de la ville. C’était dans
cet immeuble que se trouvaient tous les bureaux des inspecteurs de police haut placés, ainsi
que la morgue et le laboratoire officiel des services de police de la région de Québec.
Après avoir passé plusieurs portes sécurisées, s’être vêtu d’un sarrau et d’une paire de gants,
le détective entra dans la salle d’autopsie et salua son collègue. Ce dernier, un lève-tôt, avait
déjà presque terminé l’autopsie.
— Ce cadavre nous en a appris plus aujourd’hui qu’hier, annonça le docteur. L’autopsie nous
a confirmé que François s’est bel et bien fait empoisonner. Son estomac contenait de l’alcool
à grande concentration et nous avons aussi retrouvé une certaine dose de poison qui n’avait
pas été encore absorbé par le corps. Les analyses nous ont révélé qu’il s’agissait de la
Belladona Atropis, soit la belladone. C’est une plante très toxique qui est utilisée en
pharmacologie et en ophtalmologie. On l’utilise généralement en très petite dose dans les
yeux pour contrer certaines infections ou comme drogue. Toutefois, en grande dose, par voie
orale ou sanguine, cela peut vous tuer en quelques minutes. Il semblerait que le poison ait été
mélangé à l’alcool avant l’ingestion. Selon la couleur, ce doit être une boisson foncée, mais
pas rouge, plutôt comme du cognac ou du whisky.
— Donc la seringue n’est pas l’arme du crime? J’ai remarqué, dans la bibliothèque de
François, une vieille bouteille de whisky à l’orange qui m’a semblé d'une grande valeur. Se
pourrait-il qu’elle contienne un poison? Bon, je retourne là-bas. J’ai mon plan!
Dans le stationnement, il appela tous les invités de la journée précédente et les invita
gentiment à revenir à la maison familiale. Il dut argumenter avec quelques-uns pour les forcer
à revenir à l'endroit du crime.
Il se gara rapidement devant la maison et alla vite sonner à la porte. Axelle, comme à
l’habitude, alla lui répondre et l’invita à entrer. Il rassembla tout de suite la famille dans le
salon. Avec un ton solennel, il déclara :
— Avec l’autopsie pratiquée aujourd’hui sur François, l’enquête a fait de grandes avancées.
Avant de vous dire un mot de plus, je tiens à ce que l’on honore François. Geneviève, vous
m’aviez parlé, hier, d’une bouteille de whisky que vous achetiez à François et qu'il aimait
bien. Dans la tradition grecque, on honore les morts en buvant et en mangeant ce que ces
derniers aimaient. Je pense que, comme les Grecs, nous devrions boire un peu de ce whisky et
je pense aussi que cet alcool aidera à faire passer la nouvelle que je dois vous annoncer.
— Très bien, dit Geneviève qui ne semblait pas préoccupée par le sort de la bouteille, je pense
aussi que cela me ferait du bien.
Bolieux revint quelques secondes plus tard avec un petit chariot sur lequel était placé un verre
de cristal pour chacun. Tous fixaient la bouteille attentivement.
Fabrice fut l’un des premiers à quémander son verre. Tous furent généreusement servis sauf
Axelle, qui ne pouvait pas en prendre, considérant sa grossesse.
— À François, s’écria Bolieux
— À François, répéta toute la famille.
Au moment exact où les verres commençaient à caresser les lèvres des convives, Axelle se
leva d’un bond et s’époumona :
— NON! Ne… ne… buvez pas de ce whisky… Il n’est plus bon, il… est… est… périmé!
Tous déposèrent leurs verres, surpris, quelques secondes avant que Geneviève s’exclame :
— Franchement, l’alcool ne peut pas périmer ma petite et…
Bolieux coupa Geneviève :
— Cette boisson n’est pas périmée, Axelle. Il ne s’agit pas de la bouteille de whisky de votre
mari; je viens de la remplacer par cette copie que j’ai achetée sur la route. Cependant, si nous
avions bu la véritable bouteille de whisky en provenance du bureau de François, nous serions
tous morts au bout de quelques minutes. Il semble que c’est Axelle qui ait empoisonné
François avec de la belladone, un produit qu’elle a probablement volé dans la clinique où elle
travaille. Axelle est la coupable, elle vient elle-même de se dénoncer. Cependant, le seul
élément que je n’arrive pas à comprendre c’est votre motif. Quelle est la raison qui vous a
poussée à tuer François?
Axelle, qui avait blanchi, répondit froidement :
— Il venait de prendre des assurances vie pour lui et moi. J’allais être riche, je ne voulais pas
le tuer, du moins, pas maintenant! Cependant, ce stupide docteur a téléphoné à François en
pleine soirée pour lui annoncer qu’il m’aimait et qu’il était le père du bébé que je porte… que
je le faisais marcher depuis le début de notre mariage.
— Un docteur? dit Bolieux
— Oui, un ophtalmologiste à la clinique où je travaille. Quoi qu'il en soit, en raccrochant le
combiné, François m’a dit qu’il voulait divorcer. J’étais tellement frustrée! J’avais un flacon
de belladone dans mon sac à main – j’en utilisais pour traiter des irritations dans mes yeux —
et j’en ai versé presque tout le contenu dans la bouteille. Je lui ai même apporté un verre dans
son bureau en lui disant que j’étais désolée. Il est mort si rapidement.
Tous l’écoutaient. Son timbre de voix avait changé : il vous glaçait le sang, littéralement. Elle
continua :
— Je suis allée prendre la seringue d’insuline que Geneviève avait utilisée et jetée dans la
poubelle de la salle de bain pour la tremper dans le peu de poison qu’il me restait et je l’ai
ensuite jetée dans la poubelle de son bureau. Malgré cela, inspecteur, vous avez réussi à me
démasquer. Chapeau!
— Effectivement Axelle, vous êtes en état d’arrestation. Tout ce que vous direz pourra être
utilisé contre vous lors d’un procès. Vous avez le droit de garder le silence et de consulter un
avocat. Si vous n’en avez pas les moyens, il vous en sera commis un d’office. Avez-vous
compris vos droits?
— Oui, inspecteur, arrêtez-moi!, répondit Axelle, le visage inerte.
Cependant, avant que Bolieux ne puisse lui passer les menottes, Axelle sortit une fiole d’une
de ses poches et l’avala d’un trait. Il se précipita vers elle, mais trop tard… La jeune femme
s’effondrait déjà lourdement sur le tapis du salon, les mains posées sur son ventre, dans un
ultime et ridicule geste protecteur.