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UNIVERSITÉ DE BOURGOGNE
FRANCHE-COMTÉ
UFR DROIT, SCIENCES ECONOMIQUE ET POLITIQUE
THÈSE
Pour l’obtention du grade de
Docteur de l’Université de Bourgogne Franche-Comté
Discipline : Droit privé et sciences criminelles
par
Diane Horélie PALGO
Présentée et soutenue publiquement le 17 décembre 2018
L’harmonisation du droit pharmaceutique en Afrique de l’Ouest : le
cas de l’UEMOA
JURY :
Monsieur Mamadou BADJI
Professeur de droit privé à l’Université Cheick Anta Diop Rapporteur
Madame Isabelle POIROT-MAZÉRES
Professeur à l’Université de Toulouse 1 Capitole Rapporteur
Monsieur Mostefa MAOUENE
Professeur de droit privé et sciences criminelles à l’Université Djilali Liabès, Algérie Président
Madame Isabelle MOINE-DUPUIS
Maître de conférences à l’Université de Bourgogne-Franche Comté Directrice de thèse
Monsieur Mathieu GUERRIAUD
Maître de conférences à l’Université de Bourgogne-Franche Comté Co-directeur
UNIVERSITÉ DE BOURGOGNE FRANCHE-COMTÉ
UFR DROIT, SCIENCES ECONOMIQUE ET POLITIQUE
THÈSE
Pour l’obtention du grade de Docteur de l’Université de Bourgogne Franche-Comté
Discipline : Droit privé et sciences criminelles
par
Diane Horélie PALGO
Présentée et soutenue publiquement le 17 décembre 2018
L’harmonisation du droit pharmaceutique en Afrique de l’Ouest : le cas de l’UEMOA
JURY :
Monsieur Mamadou BADJI
Professeur de droit privé à l’Université Cheick Anta Diop Rapporteur
Madame Isabelle POIROT-MAZÉRES
Professeur à l’Université de Toulouse 1 Capitole Rapporteur
Monsieur Mostefa MAOUENE
Professeur de droit privé et sciences criminelles à l’Université Djilali Liabès, Algérie Président
Madame Isabelle MOINE-DUPUIS
Maître de conférences à l’Université de Bourgogne-Franche Comté Directrice de thèse
Monsieur Mathieu GUERRIAUD
Maître de conférences à l’Université de Bourgogne-Franche Comté Co-directeur
UNIVERSITÉ DE BOURGOGNE
FRANCHE-COMTÉ
UFR DROIT, SCIENCES ECONOMIQUE ET POLITIQUE
THÈSE
Pour l’obtention du grade de Docteur de l’Université de Bourgogne Franche-Comté
Discipline : Droit privé et sciences criminelles
par
Diane Horélie PALGO
Présentée et soutenue publiquement le 17 décembre 2018
L’harmonisation du droit pharmaceutique en Afrique de l’Ouest : le cas de l’UEMOA
JURY :
Monsieur Mamadou BADJI
Professeur de droit privé à l’Université Cheick Anta Diop Rapporteur
Madame Isabelle POIROT-MAZÉRES
Professeur à l’Université de Toulouse 1 Capitole Rapporteur
Monsieur Mostefa MAOUENE
Professeur de droit privé et sciences criminelles à l’Université Djilali Liabès, Algérie Président
Madame Isabelle MOINE-DUPUIS
Maître de conférences à l’Université de Bourgogne-Franche Comté Directrice de thèse
Monsieur Mathieu GUERRIAUD
Maître de conférences à l’Université de Bourgogne-Franche Comté Co-directeur
A ma mère, ZONGO Bernadette In Memoriam. A mon oncle, PALOGO Alphonse, ancien étudiant de l’Université de Ouagadougou, décédé en 6ème année de pharmacie. In Memoriam A mon papa, PALGO François, pour toutes ces années de sacrifice.
A maman, PALGO/SERE Salamata Francine, pour ses prières et bénédictions.
A mon époux, René OUEDRAOGO, pour son soutien indéfectible.
A mes enfants, Djamel et Dylan, pour leur courage malgré les multiples voyages de maman. Que ma détermination pour la réalisation de ce travail vous serve de référence pour aller le plus loin possible dans vos études.
Aux familles PALGO, ZONGO et OUEDRAOGO, merci pour vos multiples soutiens.
i
Ce travail a bénéficié de l’appui financier du Service de Coopération et d’Action Culturelle (SCAC), de l’Ambassade de France au Burkina Faso pour un séjour de recherche de 3 mois par année durant 3 ans au sein du Centre de Recherches sur le Droit des Marchés et des Investissements Internationaux - CREDIMI (Université de Bourgogne-Franche comté). La présente soutenance a quant à elle bénéficié du soutien de l’Unité Mixte de Développement Continu Santé (Université de Bourgogne). Je voudrais remercier particulièrement ma directrice de thèse, Madame Isabelle MOINE-DUPUIS, Maître de conférences, HDR à l’Université de Bourgogne-Franche-Comté. L’aboutissement de ce long parcours est dû à votre soutien indéfectible. Vous m’avez toujours encouragée et soutenue dans les moments difficiles dans la réalisation de ce travail. Vous avez également cru en ma capacité de mener à terme ce travail. Vos qualités humaines et professionnelles m’ont permis de mener à bien cette recherche. Avec vous, j’ai réalisé à quel point une bonne relation avec le directeur de thèse est une condition sine qua none à l’aboutissement d’une thèse de droit. Ces quelques lignes ne suffisent pas à vous exprimer ma profonde reconnaissance.
J’adresse mes chaleureux remerciements à mon co-directeur de thèse, Monsieur Mathieu GUERRIAUD , Maître de conférences en droit pharmaceutique à l’Université de Bourgogne Franche-Comté. Merci pour votre disponibilité, votre gentillesse et votre professionnalisme, qui m’a permis de finaliser cette thèse.
Ma reconnaissance à tous les membres du Jury ; le professeur Mamadou BADJI, le professeur Mostefa MAOUENE, le Professeur Isabelle POIROT-MAZÉRES ; qui malgré leurs multiples occupations ont bien voulu siéger dans ce jury de soutenance.
Je me suis rendu compte à l’issue de ces travaux de recherche que la thèse de doctorat n’est pas uniquement un travail solitaire. Pour ce faire, je tiens à remercier également toutes les personnes qui ont contribué à la réalisation de ce travail :
Mes collègues du CNRST et de l’Institut des Sciences des sociétés (INSS).
Le personnel de la DCARP, particulièrement Dr. Natacha TOE, Dr. Daniel Dori, Dr. Alain SOME, Dr. Roland SEDEGHO, Dr. Marie Claudette DAH, Dr. Casimir SAWADOGO, Professeur Rasmané SEMDE pour leur disponibilité et leur patience.
Au sein de l’UEMOA : mes vifs remerciements s’adressent à Dr. Corneille TRAORE , ancien directeur de la santé de l’UEMOA, pour sa gentillesse, sa disponibilité et ses conseils ; Dr. Carmelle HONNOU, pour sa disponibilité ; Narcisse HOUNYO, documentaliste à la Cour de Justice de l’UEMOA, pour sa disponibilité.
Au sein de la CEDEAO (OOAS) : Dr. Ibrahim TALL , pour son soutien et ses conseils.
Dr. Angelain Baïmana PODA, pour ses encouragements.
Remerciements
ii
Aux pharmaciens : Dr. Clotaire NANGA , Dr. Joachim Germain KOUDOUGOU
A tous les pharmaciens du Burkina Faso, du Bénin, de la Côte d’Ivoire, qui ont bien voulu répondre à mes questions et mettre à ma disposition les textes juridiques en la matière.
Monsieur Soungalo SOUGUE, Monsieur Fako SOMA, Professeur Moustapha GOMGNIMBOU, pour leurs relectures minutieuses du document.
J’ai une pensée toute particulière pour mes tantes, mes oncles, mon frère et mes sœurs ; je vous remercie d’avoir été à mes côtés.
Que ces quelques mots soient l’expression de ma reconnaissance et de mon profond respect.
Enfin, cette thèse n’aurait jamais pu être sans le soutien moral indéfectible de mes amis. Qu’ils en soient chaleureusement remerciés. A mes amis qui sont encore sur le chemin de la thèse, puisse Dieu vous aider à finaliser et soutenir vos thèses.
iii
Le contenu et les opinions exprimées dans cette thèse, n’engagent que leur auteur. Ils ne sauraient en aucune manière engager l’Université de Bourgogne Franche-Comté ou
l’UEMOA
1
SIGLES ET ABREVIATIONS ADSP : Actualités et Dossiers en Santé Publique AMM : Autorisation de Mise sur le Marché ARP : Agences de Réglementation Pharmaceutiques ANRP : Autorité Nationale de Réglementation Pharmaceutique AOF : Afrique Occidentale Française ARP : Autorités de Réglementation Pharmaceutique ASEAN : Association des Nations du Sud-Est asiatique ASI : Autorisation Spéciale d’Importer ATU : Autorisation Temporaire d’Utilisation AUDCG : Acte Uniforme portant Droit Commercial Général BCEAO : Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest BO : Bulletin Officiel BPF : Bonnes Pratiques de Fabrication CAME : Centrale d'Achat des Médicaments Essentiels CAMEG : Centrale d'Achat des Médicaments Essentiels Génériques et des
Consommables Médicaux CEAO : Communauté Economique de l’Afrique de l’Ouest CEDEAO : Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest CEDH : Cour Européenne des Droits de l’Homme CEDIM : Centre de Documentation et d’Information sur le Médicament CEMAC : Communauté Économique et Monétaire des Etats de l'Afrique
Centrale CEPRISCA Centre de droit privé et de sciences criminelles d’Amiens CER Communauté Economique Régionale Cf. : Confère CHRCP : Cellule pour l’Harmonisation de la Réglementation et la
Coopération Pharmaceutique CIMA : Conférence Interafricaine des Marchés d’Assurances CJ : Cour de Justice CJCE : Cour de Justice de la communauté Européenne CJUE : Cour de Justice de l’Union Européenne CNM : Commission Nationale du Médicament CRDF : Cahiers de la Recherche sur les Droits Fondamentaux CSP : Code de Santé Publique CURAPP : Centre Universitaire de Recherches sur l'Action Publique et le
Politique
DCARP : Direction Chargée de la Continuité des Activités Réglementaires et Pharmaceutiques (ancienne DGPML)
DD : Droits de Douane DGPML : Direction Générale de la Pharmacie, du Médicament et des
Laboratoires DPMED : Direction de la Pharmacie, du Médicament et des Explorations
Diagnostiques DPML : Direction de la Pharmacie du Médicament et des Laboratoire EMA : Agence Européenne du Médicament ERSUMA : Ecole Régionale Supérieure de la Magistrature ICH : Conférence Internationale d’Harmonisation
2
JCP : Jurisclasseur Périodique JO : Journal Officiel LGDJ : Librairie Générale de droit et de jurisprudence Med. Trop. : Médecine Tropicale MERCOSUR : Marché Commun du Sud NEPAD : Nouveau Partenariat pour le Développement de l'Afrique NTS : Nomenclature Tarifaire et Statistique OCAM : Organisation Commune Africaine et Malgache OCDE : Organisation de Coopération et de Développement Economique OHADA : Organisation pour l’Harmonisation du Droit des Affaires en
Afrique OMS : Organisation Mondiale de la Santé OOAS : Organisation Ouest-Africaine de la Santé PNA : Pharmacie Nationale d’Approvisionnement PUF : Presses Universitaires de France RJT : Revue Juridique Thémis RCP : Résumé des Caractéristiques du Produit RDB : Revue Burkinabè de Droit RDIDC : Revue de Droit International et de Droit Comparé RDSS : Revue de Droit Sanitaire et Sociale RDUE : Revue du Droit de l'Union Européenne RemeD Réseau médicaments et développement Rev. Trim. dr : Revue Trimestrielle de Droit RGDM Revue Générale de Droit Médicale RIDC : Revue Internationale de Droit Comparé SIDA : Syndrome d'Immunodéficience Acquise TEC : Tarif Extérieur Commun TFUE : Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne TIC : Techniques de l’Information et de la Communication TVA : Taxe sur la Valeur Ajoutée UDEAO : Union Douanière des Etats de l’Afrique Occidentale UE : Union Européenne UEMOA : Union Economique et Monétaire Ouest-Africaine UMOA : Union Monétaire Ouest-Africaine VIH : Virus de l'Immunodéficience Humaine
3
RESUME
La protection de la santé par l’instauration d’une sécurité sanitaire dépend largement d’une
organisation du marché pharmaceutique et de l’instauration d’un marché pharmaceutique
commun. En Afrique de l’Ouest, particulièrement au sein de l’UEMOA, l’absence d’un tel
marché facilite l’essor du marché illicite du médicament et empêche une libre circulation des
produits de santé entre les Etats membres.
Pourtant, le développement économique implique un système de santé efficace et sécurisé.
Progressivement, émerge une prise de conscience des Etats membres de l’UEMOA de la
nécessité de conjuguer leurs efforts pour une meilleure protection de la santé ; l’intégration
juridique ainsi recherchée pouvant se réaliser au travers de plusieurs moyens : l’harmonisation,
l’unification et l’uniformisation.
L’harmonisation est le moyen d’intégration juridique que l’UEMOA a choisi pour mettre en
place des normes plus efficaces et plus élaborées. Le rapprochement par harmonisation des
réglementations pharmaceutiques devient ainsi un objectif primordial, en vue de l’instauration
d’une sécurité sanitaire dans la zone communautaire. Pourtant, cette harmonisation, pour
atteindre son objectif d’amélioration des systèmes pharmaceutiques, suppose un cadre juridique
élaboré.
Un processus d’harmonisation est alors mis en place et concrétisé par l’adoption de plusieurs
instruments juridiques communautaires : directives, règlements et décisions. Cependant,
l’UEMOA n’est pas la seule organisation sous-régionale qui vise pour objectif l’harmonisation
du droit pharmaceutique dans la zone. D’autres organisations régionales et sous-régionales
telles que la CEDEAO et l’UA, dont sont membres les Etats de l’UEMOA, visent également
un rapprochement par harmonisation du domaine pharmaceutique. S’ajoutent alors aux
difficultés de fonctionnement, au niveau interne et communautaire, des obstacles externes liés
à l’appartenance des Etats de l’UEMOA à ces deux organisations. Ces obstacles vont
compromettre l’efficacité du processus d’harmonisation. Il s’ensuit alors une nécessité de
revoir le choix de l’instrument juridique de rapprochement, quitte à s’aventurer vers un
rapprochement mixte des réglementations pharmaceutiques par une combinaison de deux
moyens d’intégration juridique : l’harmonisation et l’unification.
Mots clés : Droit pharmaceutique ; Harmonisation ; Intégration juridique ; UEMOA ;
Unification ; Sécurité sanitaire.
4
ABSTRACT
Health protection, the setting up of health security highly depend on an organization of the
pharmaceutical market by the establishment of a common pharmaceutical market. In West
Africa, particularly within WAEMU, the absence of such of market eases the rise in illicit drug
market and impedes a free movement of health products between States.
Yet, economic development involves an effective and secured health system. WAEMU’s
member States awareness is emerging gradually, hence the necessity to join forces for better
health protection ; therefore the long-awaited legal integration can be done through several
means ; harmonization, unification, standardization.
Harmonization is the means of legal integration that WAEMU has chosen to set up more
effective and elaborate standards. Reconciliation through the harmonization of pharmaceutical
regulations therefore becomes a key objective, with a view to setting up health security within
the community zone. Yet, this harmonization, to achieve its objective of improving
pharmaceutical systems, implies an elaborate legal framework.
A process of harmonization is therefore set up and materialized by the adoption of several
community legal instruments : guidances ; regulations, decisions. However, it should be noted
that WAEMU is not the only sub-regional organization that has objective the pharmaceutical
right harmonization. Other regional and sub-regional organizations such as ECOWAS, AU, of
which WAEMU States are member, target also a reconciliation by the harmonization of the
pharmaceutical area. In addition to the operating difficulties, at internal and community level,
there are some external impediments related to the belonging of WAEMU States to those both
organizations. Those obstacles will jeopardize the effectiveness of the harmonization process.
Consequently, it is necessary to reconsider the choice of reconciliation legal instruments, even
if that means venturing into a mixed reconciliation of pharmaceutical regulations through a
combination of two means of legal integrations : harmonization and unification.
Key words : pharmaceutical right ; harmonization ; legal Integration ; WAEMU ;
unification ; health security.
5
SOMMAIRE Sigles et abréviations ....................................................................................................... 1
Résumé ............................................................................................................................ 3
Abstract ............................................................................................................................ 4
Sommaire ......................................................................................................................... 5
Introduction générale ....................................................................................................... 6
PARTIE I. LES PREMICES D’UN DROIT PHARMACEUTIQUE HARMONISE ............. 33
Titre 1. L’harmonisation, un moyen d’intégration juridique .............................................. 36
Chapitre 1. Les enjeux économiques et juridiques de l’harmonisation des reglementations pharmaceutiques .................................................................................. 38
Chapitre 2. Le cadre juridique de l’harmonisation ........................................................ 80
Titre 2. Etat des lieux du droit pharmaceutique harmonisé .............................................. 139
Chapitre 1. La procédure communautaire de mise sur le marché des médicaments à usage humain : un exemple d’harmonisation à étendre ............................................... 141
Chapitre 2. Une nouvelle tendance d’harmonisation du droit pharmaceutique : les instruments soft law d’harmonisation .......................................................................... 198
PARTIE II. LE DROIT PHARMACEUTIQUE HARMONISE : OBSTACLES ET PERSPECTIVES .................................................................................................................... 239
Titre 1. Les difficultés d’application du droit pharmaceutique harmonisé ....................... 241
Chapitre 1. Les limites internes à l’application du droit pharmaceutique harmonisé . 243
Chapitre 2. Les limites externes ou l’influence des autres initiatives d’harmonisation sur le droit pharmaceutique de l’uemoa ...................................................................... 286
Titre 2. Une strategie juridique combinant harmonisation et unification ......................... 319
Chapitre 1. Les fondements possibles d’un rapprochement mixte ou « hybride » : entre unification et harmonisation ........................................................................................ 320
Chapitre 2. La mise en œuvre d’un tel rapprochement ................................................ 344
Conclusion générale .................................................................................................... 401
Références bibliographiques ........................................................................................ 404
Index ............................................................................................................................ 455
Tables des annexes ...................................................................................................... 460
Table des matières ....................................................................................................... 461
6
INTRODUCTION GENERALE
1. L’enjeu sanitaire et économique autour de la consommation des médicaments
mobilise. La mobilisation régionale et internationale qui entoure la question du
médicament place la santé au cœur des préoccupations sociales, économiques et
politiques. La mondialisation ou la globalisation concerne également les scandales
sanitaires. Ces scandales ont eu des conséquences sur plusieurs continents. Ils
conduisent souvent à des réformes politiques et juridiques dans certains pays.
2. Récemment, le scandale du Médiator®, médicament antidiabétique utilisé comme
coupe-faim, dont le mésusage a entrainé des décès par valvulopathies1, a montré qu’il
était nécessaire de renforcer les contrôles, notamment d’améliorer la
pharmacovigilance. Ce médicament est désormais retiré du marché français, mais ce
retrait trop tardif a mis en évidence les lacunes du système national d’alerte. La
sécurité sanitaire est ainsi une priorité nationale, mais aussi européenne. Des
réformes en profondeur doivent être initiées afin de garantir un médicament de
qualité, que ce soit au niveau de sa fabrication, de sa distribution ou de sa
commercialisation. Des contrôles doivent être prévus au moment de la libération des
lots fabriqués (validation de leur conformité technique), au moment de la distribution
(validation des conditions de transport et de distribution en gros) par du personnel
qualifié et en dernier lieu au moment de sa consommation, pour valider le bon usage
du médicament et continuer à l’évaluer. Seule une réglementation adaptée, avec des
systèmes de contrôle indépendants, garantit la sécurité sanitaire, quel que soit le pays.
Cette exigence normative est reconnue et acceptée au niveau mondial. Mais, elle
occasionne des coûts supplémentaires, qui deviennent difficilement supportables
pour certains pays. Les maladies n’ayant pas de frontières, la sécurité sanitaire n’est
pas l’apanage des pays européens, et les Etats d’Afrique de l’Ouest doivent
également assurer un accès sécurisé aux médicaments pour leurs populations
respectives.
1 Inspection Générale des Affaires Sociales (IGAS), Anne-Carole BENSADON et al., « Enquête sur le Médiator », RM 2011-001P, Rapport définit, janvier 2011, 245 p. Disponible sur http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/114000028.pdf
7
3. Il appartient alors aux institutions nationales de mettre en place des stratégies de
contrôle pour s’assurer que les médicaments que les pays importent répondent bien
aux trois critères que sont : la qualité, l’efficacité et la sécurité. L’effectivité de cette
sécurité et qualité du médicament impose un contrôle rigoureux par une législation
draconienne de la fabrication du médicament et de son autorisation de mise sur le
marché (AMM), jusqu’à l’utilisation du médicament par le patient. Cependant, il est
des domaines, comme celui de la santé et du droit pharmaceutique, qui exigent des
recherches de solutions dans un cadre plus élargi que celui de l’Etat. Aujourd’hui,
cette sécurité des systèmes de santé n’est plus recherchée uniquement au niveau
national, mais fait l’objet d’une appropriation au niveau régional, voire continental.
En effet, « … la santé et la recherche exigent d’énormes moyens qui dépassent les
possibilités de chaque Etat pris isolement »2. Sur le plan financier, les coûts liés au
développement d’une politique efficace de santé peuvent être optimisés, si l’action
est menée au sein d’une organisation sous-régionale ou régionale.
4. En effet, nous sommes dans un contexte de globalisation des risques sanitaires, ce
qui entraine une mobilisation régionale pour une globalisation des solutions
politiques et juridiques des problèmes de santé publique3. Ainsi, les exigences de la
mondialisation imposent aux Africains de rechercher les ressources nécessaires pour
faire face à ces grands défis de la mondialisation4. Françis AKIENDES rappelle à
juste titre que « la mondialisation n’est pas seulement une mise entre parenthèse des
frontières, afin que s’intensifie le flux des marchandises, des idées et de l’information
de toute nature. Elle est avant tout et surtout un champ de compétition… »5. Ainsi,
« le désastre sanitaire du Médiator, symptomatique de l’ampleur de l’insuffisance de
l’encadrement du marché du médicament et de la gravité de ses conséquences
humaines, doit servir de piqûre de rappel »6 aux Etats de l’Afrique de l’Ouest.
2 IBRIGA Luc Marius, « L’accord de Cotonou et l’intégration économique régionale en Afrique », Revue burkinabè de Droit (RBD), Revues semestrielle, n°39-40, n° spécial 20ème anniversaire Thème : intégration régionale et droit, 2001, p. 179. 3 AYENA Fidèle-Kadoukpé, Afrique comparable ? Santé publique et sécurité globale au Bénin, Thèse de sciences politiques, Université de Toulouse, mai 2012, pp. 455-456. 4 AMARI A.S.G. & al, « Adaptabilité des conditions d’enregistrement des médicaments génériques en Côte d’Ivoire aux médicaments traditionnels améliorés », J. sci. pharm. biol., Vol.7, n°1 - EDUCI 2006, p. 68 5 AKINDES Francis, « L’Afrique face au défi de la capitalisation de l’humain dans un monde globalisé », p. 1, Disponible sur https://www.college-de-france.fr/media/dominique-kerouedan/UPL8040207968721685857_10_Francis_Akindes___texte.pdf 6 DIOUF Mamby, « le Sénégal et l’Afrique à la recherche d’une souveraineté thérapeutique », mercredi 3 août 2011, Consulté en décembre 2011, Disponible sur http://www.lagazette.sn/spip.php/spip.php?articles3126
8
5. « Le droit n’est pas dans la vie humaine une apparition indépendante de cette vie,
mais est, au contraire, intimement lié aux circonstances de cette vie »7. Cette
mondialisation consiste en un processus de libéralisation des échanges
économiques8. Elle concerne également la libre circulation des médicaments.
6. Les questions relatives au droit communautaire ouest-africain ont longtemps été
orientées vers le domaine économique et politique. L’intégration juridique se limitait
à des secteurs de l’activité économique, du droit des affaires9. Ainsi, l’intégration
juridique n’est pas un phénomène récent en Afrique. En effet, le 05 juillet 1975, fut
créé le Bureau Africain et Mauricien de Recherches et d’Etudes Législatives
(BAMREL). Ce bureau regroupait au départ 10 Etats membres : le Bénin, la
Centrafrique, la Côte d’Ivoire, le Gabon, la Haute-Volta, l’Ile Maurice, le Niger, le
Rwanda, le Sénégal et le Togo. Mais, en 1980, l’Île Maurice se retire, suivi par le
Gabon en 1981. Cinq (5) des pays membres de l’UEMOA étaient donc membres du
BAMREL. L’objectif de ce bureau était d’aider les Etats signataires à élaborer des
règles juridiques pouvant permettre à terme leur harmonisation. Le but était donc de
parvenir à une harmonisation des législations des Etats membres.10
7. L’intégration économique doit pourtant se concilier avec le développement de la
santé ; la santé étant une base essentielle au développement économique harmonieux.
Jean Paul BADO rappelle que « …le capital humain constitue le moteur de tout
développement »11. La santé constitue donc un domaine prioritaire qui devrait retenir
l’attention de chaque Etat, mais également des organisations sous-régionales et
régionales.
8. Le droit joue un rôle important dans ce processus d’intégration12. Il permet, d’une
part, le choix d’un moyen d’intégration adéquate pour assurer l’aboutissement du
processus. D’autre part, c’est par le droit que les législations pourront être
7 SCHNITZER Adolf. F., « De la diversité et de l’unification du droit. Aspects juridiques et sociologiques », Genève, Publication n°24 de l’institut universitaire des hautes études internationales, 1946, p.6. 8 AMOURIC Jane, La distribution officinale du médicament : à l’épreuve de l’européanisation et de la globalisation, Thèse de droit public, Université Aix-Marseille, janvier 2016, p. 15. 9 KONE Mamadou, Le nouveau droit commercial des pays de la zone OHADA, comparaison avec le droit français, Paris, LGDJ, 2003, p. 3, § 2. 10 QUASHIE Koblavi (Ancien directeur du BAMREL), « Bureau Africain et Mauricien de Recherches et d’Etudes Législatives (BAMREL). Bilan et perspectives », Consulté aux Archives nationales du Burkina, Côte BIB 1379 11BADO Jean-Paul, « La santé et la politique en AOF et à l'heure des indépendances (1939·1960), in Charles Becker, Saliou Mbaye, Ibrahima Thioub, (dir.), AOF : réalités et héritages Sociétés ouest-africaines et ordre colonial, 1895 – 1960, Tome 1, Direction des Archives du Sénégal Dakar, 1997, p. 1258. 12 CEREXHE Etienne, « L’intégration juridique comme facteur d’intégration régionale », Revue burkinabè de Droit (RBD), Revue semestrielle, n°39-40, n° spécial 20ème anniversaire, 2001, pp. 21-27.
9
rapprochées. Ce qui conduira à la création d’un espace juridique harmonisé, unifié
ou uniformisé. La mise en place d’un tel espace ne peut que favoriser l’intégration
dans le domaine de la santé en général.
9. Ainsi, l’intégration régionale et la coopération ont toujours été présentées comme
l’opportunité pour les pays africains d’engager une meilleure insertion dans le
marché mondial13. La sécurisation de l’entrée des médicaments aux frontières, ainsi
que celui des circuits de distribution, imposent une collaboration des Etats membres
afin de mettre en place une réglementation commune, équivalente ou unique en la
matière. Cette coopération régionale est une stratégie de développement14. Mais, il
faut la distinguer de l’intégration proprement dite. « La coopération se caractérise
par la mise en place d’organisations qui tendent à assurer une collaboration des
Etats membres en vue d’un objectif commun, dans le respect des souverainetés
nationales », précise Etienne CEREXHE15. C’est donc l’abandon de compétences
au profit de l’Union qui permettra de tendre vers l’intégration. Cette intégration
suppose donc un transfert de certaines compétences étatiques d’un Etat vers une
organisation supra-étatique dotée de pouvoirs de décision et de compétences
supranationales16. Pour Amadou Yaya SARR, « la notion d’intégration s’apparente
plutôt à la notion de construction communautaire, qui découle d’un processus de
construction d’un espace collectif, voulu de façon consciente par des partenaires
ayant choisi de partager un même destin, dans un cadre politique, institutionnel
préalablement établi »17. Cette intégration peut être économique, juridique,
politique, etc. Véronique MAGNIER précise à cet effet que « entre l’intégration
juridique et l’intégration économique, c’est un lien de nécessité qui prévaut… »18.
13 L’intégration économique apparaissait en Afrique comme un mode privilégié de développement accéléré. Cf. KAMARA LAÏ, D'HAUTEVILLE Béatrix, « Aspect juridiques de l'intégration économique en Afrique », in Tiers-Monde, tome 13, n°51, p. 531. 14 IBRIGA Luc Marius, « La problématique de la juridictionnalisation des processus d’intégration en Afrique de l’Ouest », p.2, Disponible sur www.institut-idef.org/.../Microsoft_Word_-_LA_PROBLEMATIQUE_DE_LA_JURI.. 15 CEREXHE Etienne, « L’intégration juridique comme facteur d’intégration régionale », op.cit., p. 21. 16 CORNU Gérard, « Vocabulaire Juridique », Association Henri Capitant, Paris, Editions presses universitaire de France, 11ème édition, janvier 2011, p. 561, voir Intégration. 17 SARR Amadou Yaya, Introduction générale, in l’intégration juridique dans l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) et dans l’organisation pour l’harmonisation du droit des affaires en Afriques (OHADA) [en ligne]. Aix-en-Provence : Presses universitaires d’Aix-Marseille, 2008 (généré le 05 juin 2018). Disponible sur Internet : <http://books.openedition.org/puam/384>. ISBN : 9782821853300. DOI : 10.4000/books.puam.384. 18 MAGNIER Véronique, « L’opportunité d’une action de groupe en droit des sociétés », Paris, PUF, Collection CEPRISCA, 2004, p. 1.
10
L’intégration est aujourd’hui présentée comme le « meilleur moyen pour relever le
défi du développement dans ce monde globalisé »19.
10. L’intégration ainsi définie, il convient d’appréhender ces implications juridiques.
Elle peut être juridique, politique ou économique. Mais, généralement, ces différents
types d’intégrations ont tendance à se combiner, et donc une intégration économique
fait appel à une intégration juridique, voire politique. « L’intégration juridique est
donc l’instrument de toute Union d’Etats, quelle que soit la force des facteurs
communs »20. Peut-on en effet prétendre atteindre un niveau de développement
économique satisfaisant, si l’état de santé de la population n’est pas assuré ? Si des
médicaments de moindre qualité sont mis à la disposition de la population ?
L’intégration régionale pourrait constituer une solution à l’étroitesse des marchés
nationaux pharmaceutiques. Plusieurs techniques juridiques permettent de réaliser
cette intégration juridique : harmonisation, uniformisation, unification, coordination.
L’harmonisation constitue, de ce point de vue, un moyen d’intégration juridique. Elle
permet d’organiser le fonctionnement et l’organisation d’un domaine par un organe
supra-étatique, en utilisant le système de transfert de compétences des Etats
concernés par cette intégration. L’harmonisation est alors l’une des techniques
d’intégration juridique fréquemment utilisées par les organisations régionales et
sous-régionales en Afrique. Dans le domaine pharmaceutique et de la santé, le
recours à l’harmonisation comme moyen d’intégration est généralement privilégié.
Tel est le cas au sein de l’UEMOA, la CEMAC, l’UA, l’UE, etc.
11. « La mondialisation de l’économie exige l’harmonisation des droits et des
pratiques »21. Cette harmonisation est importante dans le domaine pharmaceutique,
car elle permettrait de protéger la santé des individus par la sécurisation des systèmes
pharmaceutiques. En choisissant ce moyen d’intégration juridique dans le domaine
pharmaceutique, l’UEMOA souhaite réduire les divergences entre les droits
pharmaceutiques de ses Etats membres pour atteindre les objectifs communautaires.
19MELEDJE Djedjro Francisco, « L'appropriation des normes communautaires par les milieux universitaires et le monde judiciaire », Troisième rencontre inter-juridictionnelle des Cours communautaires de l’UEMOA, la CEMAC, la CEDEAO et de l’OHADA », Dakar 4, 5, 6 mai 2010, p. 3. 20 SARR, Amadou Yaya, Introduction générale, in l’intégration juridique dans l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) et dans l’organisation pour l’harmonisation du droit des affaires en Afriques, op.cit. 21 SARR, Amadou Yaya, Introduction générale in L’intégration juridique dans l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) et dans l’organisation pour l’harmonisation du droit des affaires en Afriques (OHADA), op.cit.
11
12. Aujourd’hui, dans l’espace UEMOA, les circonstances liées à la production
pharmaceutique, à l’accès aux médicaments de qualité, à la stagnation, voire le
développement du commerce illicite des médicaments, nécessitent une action
communautaire. Aussi, le caractère transfrontalier des problèmes de santé en Afrique
a conduit les gouvernements à conjuguer leurs efforts pour faire face aux problèmes
de santé publique22. En effet, certaines maladies endémiques et épidémiques telles
que le paludisme et la tuberculose peuvent générer des externalités23 transnationales
qui exigent une coopération entre pays voisins pour leur traitement. Cette action
pourrait passer par une intégration juridique des réglementations pharmaceutiques
nationales. L’intégration juridique des normes pharmaceutiques dans la région ouest-
africaine devient un enjeu crucial en termes de sécurité sanitaire. Il s’agit d’un
processus qui pourrait apporter un appui aux Etats pour la protection de la santé dans
toute la région. C’est la raison pour laquelle l’OMS, en tant que régulateur mondial
dans le cadre de la protection de la santé mondiale24, joue un rôle d’initiateur des
processus d’harmonisation dans le domaine sanitaire. Elle a mis en place, en 1999,
un référentiel pour l’harmonisation des procédures d’enregistrement des
Médicaments essentiellement génériques (MEG). Les jalons de l’harmonisation du
domaine pharmaceutique existaient depuis les années 1990. Historiquement,
l’objectif d’harmonisation de certains aspects du droit pharmaceutique remonte à
l’après-dévaluation du franc CFA25. Aussi, l’UEMOA a adopté, en 2000, la
recommandation n°01/2000 relative à la mise en œuvre, dans l’Union, d’actions
communes en matière de santé. Dans son considérant n°04, la recommandation note
22 AMARI A. S.G., OUATTARA S., KOFFI A.A., « Etude descriptive du règlement n°06/2010/CM/UEMOA relatif aux procédures d’homologation des produits pharmaceutiques à usage humain dans les Etats membres de l’UEMOA », Mali médical, 2012 Tome XXVII n°2, p. 5. 23 Une maladie épidémique engendre des conséquences sanitaires et économiques au-delà même des frontières de l’Etat dans lequel elle est apparue. C’est le cas par exemple de la maladie à « Virus Ebola » en 2015 24 Le processus de rapprochement par harmonisation des réglementations pharmaceutiques est influencé par des organisations internationales comme l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Ainsi, le droit pharmaceutique sous-régional ouest-africain est coordonné au niveau international par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). L’OMS, en tant qu’organisation internationale à vocation sanitaire, est l’acteur principal dans le domaine pharmaceutique. Ainsi, en matière d’intégration normative dans ce domaine, l’OMS constitue, pour reprendre les termes de Michel BÉLANGER, le « Chef de file ». in BÉLANGER Michel, « Droits international européen et comparé. Droit international pharmaceutique », Fasc. 80, Feuillets mobiles Litec, Droit pharmaceutique, Date du fascicule : 1er Janvier 2017, Date de la dernière mise à jour : 1er Janvier 2017, p. 3, Disponible sur https://www.lexis360.fr. 25 PODA Baimanai Angelain, La mise sur le marché et la distribution du médicament en Afrique noire francophone. Réflexions à partir des exemples du Burkina Faso et du Sénégal, Paris, l’Harmattan, 2015, p. 43
12
« la nécessité de l’harmonisation des politiques pharmaceutiques nationales au
niveau communautaire »26.
13. En 2004, l’OMS fut sollicitée pour évaluer l’introduction de ce référentiel dans
différents pays africains. Parmi les pays africains bénéficiaires de cette évaluation, il
y a 7 pays membres de l’UEMOA (le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, le
Mali, le Niger, le Sénégal et le Togo). Seule la Guinée-Bissau n’a pas bénéficié de
cette évaluation27.
Compte tenu des insuffisances observées lors de ces évaluations, l’OMS a proposé à
l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) et aux États qui la
composent un projet d’harmonisation des réglementations pharmaceutiques28. En
effet, en mai 2000, l’UEMOA a signé avec le Bureau régional de l’OMS pour
l’Afrique, un accord-cadre de coopération dans le domaine de la santé. Ainsi, le
Bureau régional fournit un appui technique et financier à l’UEMOA dans le cadre de
sa politique d’harmonisation des réglementations29. Il est dès lors difficile d’affirmer
que la démarche de rapprochement des réglementations pharmaceutiques ait été
librement consentie par les Etats, d’une part, et librement décidée par l’Union,
d’autre part.
14. Ce processus d’harmonisation des réglementations est-il imposé, subi ou voulu, pour
reprendre les termes employés par un auteur30 dans le cadre de l’analyse de
l’intégration des règles budgétaires comptables au sein de l’UEMOA. Faut-il dans
ce sens convenir avec Pierre URI que « ...pour réussir, l’impulsion ne doit pas venir
du dehors, fit-elle lancée avec la bonne volonté la plus désintéressée »31 ? L’analyse
qui ressortira de ce travail permettra un tant soit peu de répondre partiellement à cette
question.
26 Recommandation n° 01/2000/CM/UEMOA relative à la mise en œuvre, dans l'union, d'actions communes en matière de santé. 27 OMS, « Lettre d’information pharmaceutique », Bureau régional de l’OMS pour l’Afrique, Volume 3 n°1, Avril 2006. 28 Ibid. 29 Activités de l’OMS dans la Région africaine 2008, AFR/RC59/2, Rapport annuel du Directeur régional à la cinquante-neuvième session du Comité régional de l’Afrique, Kigali, République du Rwanda, 31 août – 4 septembre 2009, p. 37, Disponible sur http://apps.who.int/iris/bitstream/handle/10665/2066/afr_rc59_2_fr_.pdf;jsessionid=3D8523CA959A469624038EEA38E77B96?sequence=1 30 YONABA Salif, « L’intégration des règles budgétaires et comptables dans le cadre de l’Union Economique et Monétaire Ouest-Africaine (UEMOA) », Revue burkinabè de Droit (RBD), Revue semestrielle, n°39-40, n° spécial 20ème anniversaire, 2001, p. 93. 31 Pierre URI, « Développement sans dépendance », Paris, Calmann Levy, 1974, p. 24 ; Cf. note de bas de page note 66, in IBRIGA Luc Marius, « L’accord de Cotonou et l’intégration économique régionale en Afrique », Revue burkinabè de Droit (RBD), Revue semestrielle, n°39-40, n° spécial 20ème anniversaire, 2001, pp. 165 -180.
13
15. La disparité des législations dans le domaine pharmaceutique peut constituer un
obstacle à l’instauration d’une sécurité des systèmes de santé dans toute la sous-
région. Pour instaurer une sécurité sanitaire dans la zone ouest-africaine, l’UEMOA
a opté pour une harmonisation des réglementations pharmaceutiques de ses Etats
membres. Le sujet de recherche permettra d’analyser ainsi ce processus en cours,
afin de déterminer si une telle harmonisation conduira réellement à l’instauration
d’une sécurité des systèmes pharmaceutiques dans la sous-région.
16. L’UEMOA deviendrait ainsi un grand marché pharmaceutique et contribuerait à
attirer des investissements dans la zone, dans le domaine de la santé.
17. Il ne faut tout de même pas se contenter du principe commun des Etats de l’Union
consistant à améliorer seulement les droits pharmaceutiques nationaux en vue de
cette protection de la santé publique, il faut examiner la notion d’harmonisation de
ces droits, afin de déterminer si une amélioration de la santé des populations pourrait
en découler.
18. En effet, l’existence de bases juridiques, de dispositions communautaires tendant au
rapprochement du droit pharmaceutique ne doit pas donner l’illusion d’une
émergence automatique en Afrique de l’Ouest d’une « sécurité sanitaire ».
19. L’instauration de cette sécurité sanitaire va conduire, dans le cadre de cette
recherche, a un rappel de l’objectif et des caractéristiques du droit pharmaceutique.
« Le succès de toute tentative d’harmonisation dépend en premier lieu du choix du
domaine juridique qui sera au centre du processus »32, affirme Hans VAN
HOUTTE. Le domaine d’harmonisation abordé dans cette recherche concerne
principalement le droit pharmaceutique. L’étude de l’influence des réglementations
communautaires sur la mise en place d’une sécurité sanitaire, pour une amélioration
de la santé dans la zone communautaire, ne peut se réduire uniquement à l’étude d’un
aspect des activités pharmaceutiques. Ainsi, une définition du droit pharmaceutique
s’impose. Ce droit pharmaceutique régit non seulement les règles juridiques
spécialement applicables aux pharmaciens, mais aussi celles qui régissent
spécifiquement l’activité pharmaceutique.
32 Hans VAN HOUTTE, « La modélisation substantielle », in LOQUIN Eric, KESSEDJIAN Catherine, la mondialisation du droit, Travaux du CREDIMI, Volume 19, Editions Litec, 2000, p. 208.
14
20. Le droit pharmaceutique est l’ensemble des règles juridiques qui régissent l’activité
pharmaceutique. Ces activités pharmaceutiques concernent l’élaboration, la mise sur
le marché, la production, l’importation, l’exportation, l’exploitation, la distribution
et la dispensation des produits de santé33. La réglementation de ce droit a pour
objectif la protection de la santé des individus. Il vise ainsi « la sécurité sanitaire des
patients et des populations, par l’application de règles impératives de compétences
en matière d’expérimentations cliniques, de fabrication, d’autorisation des produits
et de surveillance du marché, etc. »34. Le droit international et le droit des unions
régionales ou sous-régionales sont aujourd’hui marqués par la prise en compte de la
protection de la santé comme un droit inaliénable de tout individu. « La santé est le
reflet du développement harmonieux de la personne sur tous les plans : biologique,
psychologique et social »35. Cette protection de la santé couvre donc un domaine
indéfinissable36, et le droit pharmaceutique participe à cette protection de la santé. Il
vise à prévenir et/ou maîtriser le risque sanitaire37. « La possession du meilleur état
de santé qu'il est capable d'atteindre constitue l'un des droits fondamentaux de tout
être humain, quelles que soient sa race, sa religion, ses opinions politiques, sa
condition économique ou sociale ». Tels sont les termes de l’article premier de la
constitution de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS)38. Cette référence au
droit à la santé a été faite dès 1946 dans le Préambule de la Constitution de l’OMS39.
Toutefois, le droit de la santé est un droit patchwork : « Il n’est ni privatiste ni
publiciste, ni uniquement un droit des médecins et chercheurs ni essentiellement un
droit de la protection du corps humain, mais il est à la conjonction de plusieurs
disciplines »40. C’est ce droit fondamental, un droit de l’homme que chaque Etat doit
33 MAURAIN Catherine, BELANGER Michel, « Généralités. Droit pharmaceutique », Fasc. 3., Date du fascicule : 28 Juillet 2015, Date de la dernière mise à jour : 28 Juillet 2015, p. 4, Document consulté sur https://www.lexis360.fr 34 MERGELIN Françis, FOUASSIER Eric, « Le juge européen et la notion de médicament : la subsidiarité et la civilisation en question », Recueil Dalloz, 8 janvier 2015, n°01, § 24 35 Initiative de Bamako, Ouagadougou, Octobre 1998, Burkina Faso, p. 3 36 Louis DUBOUIS, Claude BLUMANN, Droit matériel de l’Union Européenne, Paris, Editions Lextenso, 6ème édition, janvier 2012, p. 185 37 MERGELIN Françis, FOUASSIER Eric, « Le juge européen et la notion de médicament : la subsidiarité et la civilisation en question », op.cit., § 28 38 DUBOUIS Louis, « Soins de santé », Jurisclasseur Europe santé, Fasc. 1996, mise à jour 10/12/2009, p. 4 39 LAGRANGE Philippe, « La sécurité sanitaire : sécurité humaine et santé », in Colloque international en l’honneur du Doyen Dominique BREILLAT, la sécurité humaine, théorie (s) et pratique (s), Paris, Pedone, 2010, p. 100 40 RAVILLON Laurence, « Les contrats internationaux relatifs au médicament », in Isabelle MOINE-DUPUIS, Le médicament et la personne ; Aspects de droit international, Actes du colloque des 22 et 23 septembre 2005, Dijon, Paris, LexisNexis, Litec, p. 53
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pouvoir garantir. Ce n’est pas une option politique pour eux de le garantir41. C’est
un droit mixte qui est composé de plusieurs branches du droit. Au droit
pharmaceutique s’appliquent des principes et dispositions de droit commun : droit
international, droit communautaire, droit interne, droit public, droit privé, etc.42 Les
règles juridiques pharmaceutiques doivent alors permettre de concilier la logique de
recherche de la sécurité sanitaire, de la régulation économique et de l’accessibilité à
des médicaments sûrs et efficaces43.
21. C’est la raison pour laquelle le domaine est généralement règlementé. C’est un
secteur d’activité très complexe44 compte tenu des nombreuses branches du droit qui
le régissent. Le droit administratif s’applique à l’officine qui a une fonction sanitaire
et un aspect de service public45. Le droit pénal régit les sanctions pénales, les peines.
Le droit privé, parce que les pharmaciens sont des personnes privées. L’officinal est
un commerçant, donc soumis au droit commercial et au droit des sociétés, et même
au droit des entreprises en difficultés, sans omettre le droit pharmaceutique des
affaires.
Compte tenu du processus de rapprochement engagé par l’UEMOA, il est nécessaire
d’étudier le droit communautaire de cette union économique.
Le droit communautaire de l’UEMOA : une architecture complexe
22. Aborder la question du rapprochement des réglementations pharmaceutiques au sein
de l’UEMOA renvoie implicitement à une étude du droit communautaire. Ce droit
représente « l’ensemble des règles matérielles uniformes applicables dans les Etats
membres de l’Union dont la source primaire est constituée par les traités
d’institution, et la partie dérivée par les règles établies par les institutions
communautaires en application des traités »46. Ces Etats forment de ce point de vue
une communauté, car ayant des intérêts communs47. De plus, les règles juridiques
41 OUMBA Parfait, « La garantie de l'état minimum de santé et sa mise en œuvre en Afrique. Développement et changement social en Afrique », 2012, p. 2, disponible sur https://hal-auf.archives-ouvertes.fr/hal-00831415/document 42 MAURAIN Catherine, BELANGER Michel, « Généralités. Droit pharmaceutique », Fasc. 3., Date du fascicule : 28 Juillet 2015, Date de la dernière mise à jour : 28 Juillet 2015, p. 3, Document consulté sur https://www.lexis360.fr 43 Ibid., p. 1, 44 LECA Antoine, « Droit pharmaceutique », Bordeaux, LEH Edition, 8ème éd., 2015, p. 30 45 Ibid., p. 24 46 CORNU Gérard, « Vocabulaire Juridique » Association Henri Capitant, Paris, Editions Presses universitaire de France, 11ème édition, janvier 2016, V. Communautaire, pp. 206-207 47 Ibid., p. 207
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communautaires ne s’appliquent qu’aux Etats ayant pris part au Traité48 instituant
l’organe supra-étatique.
23. Des éléments caractéristiques permettent de considérer qu’une institution sous-
régionale ou régionale met en œuvre un droit communautaire. Pour Abdoulaye
SOMA, « l’ordre juridique communautaire peut être techniquement considéré
comme la synthèse des ordres juridiques, parce qu’il se trouve au confluent du droit
interne et du droit international. Il est à la fois différent de l’un et de l’autre, de
même qu’il conjugue l’un et l’autre »49. Compte tenu de ces considérations, il est
possible de lister un certain nombre de caractères de ce droit : la validité immédiate
des règles communautaires (application immédiate), l’applicabilité directe de ces
règles, d’une part, et, d’autre part, l’existence d’une hiérarchie entre les règles
communautaires, tenant compte de leurs sources, et enfin le principe de primauté du
droit communautaire50.
24. Ainsi, le droit de l’UEMOA est un droit communautaire. Un droit communautaire
qui concerne 8 Etats de l’Afrique de l’Ouest. Plusieurs organisations sous-régionales
ont existé dans cette zone avant la création de l’UEMOA. En effet, après la
dissolution de l’AOF en 1959, les Etats membres de l’ancienne AOF signent à Paris,
le 09 juin 1959, une convention d’union douanière : UDAO (Union Douanière
D’Afrique Occidentale). Cette Union deviendra par la suite l’Union Douanière des
Etats de l’Afrique Occidentale (UDEAO)51. Viendra ensuite la Communauté
Economique de l’Afrique de l’Ouest (CEAO), toujours dans la zone Afrique de
l’Ouest.
25. L’Union Monétaire Ouest-Africaine (UMOA) a été instituée par 7 pays le 12 mai
1962 : la République de la Côte d’Ivoire, la République de Dahomey, la République
de la Haute-Volta, la République du Mali, la République Islamique de Mauritanie,
la République du Niger et la République du Sénégal52. Cette Union se caractérise par
l’existence entre les pays fondateurs d’une unité monétaire53. L’UMOA permettait
48 TCHUINTE Joël, L’application effective du droit communautaire en Afrique centrale, Thèse de droit public, Université de Gergy-Pointoise, Soutenue le 23 mai 2011, p. 6 49 SOMA Abdoulaye, « Les caractères généraux du droit communautaire », novembre 2016, p. 1, Disponible sur http://publication.lecames.org/index.php/jur/article/view/902 50 Ibid., pp. 2-5 51 GUEYE Thiamba, L’incidence de l’Union Economique et Monétaire Ouest-Africaine (UEMOA) sur les finances publiques de ses Etats membres, Thèse de doctorat de droit public, Université Panthéon-Assas, école doctorale de Droit Public, Avril 2011, p. 22. 52 Préambule du Traité UMOA/Consulté aux Archives nationales du Burkina, cote : BIB 1238, le 13/02/2018 53 Article 1er du Traité UMOA
17
ainsi à ses Etats membres de renforcer leurs « liens de coopération monétaire »54.
Afin d’approfondir leur intégration économique, l’UMOA a été transformée en
UEMOA55 en janvier 1994. Le passage de l’UMOA à l’UEMOA permettait ainsi
aux Etats membres d’étendre leur intégration aux volets politiques et économiques56.
Ainsi, l’UEMOA fut créée par le Traité de Dakar du 10 janvier 1994, qui transforme
l’ancienne UMOA en une union économique et monétaire basée sur la libre
circulation des personnes, des biens et des capitaux, avec un important volet
d’harmonisation des législations57. Elle regroupe aujourd’hui sept (7) pays
francophones (le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, le Mali, le Niger, le
Sénégal, le Togo) et un (1) pays lusophone (la Guinée Bissau) d’Afrique de l’Ouest58.
La création de l’UEMOA s’inscrit ainsi dans la continuité des acquis de l’ancienne
AOF59. Les Etats de cette Union ont beaucoup de points communs résultant de leur
appartenance à l’ancienne AOF60. Ils ont un marché commun, une monnaie
commune (F CFA), le français comme langue et l’importation des médicaments est
dominante dans chacun de ces Etats (98 %)61. Compte tenu également des reliques
de la puissance coloniale française dans ces Etats, des similitudes existent dans les
organisations administratives, juridiques et politiques, etc.62
26. Le traité de création est entré en vigueur le 1er août 1994 après ratification par les
Etats membres. Ce traité a été révisé en 2003 afin de prendre en compte les acquis
54 NANA Emmanuel, « L’UEMOA : un projet d’intégration économique s’inspirant de l’AOF », in BECKER Charles, MBAYE Saliou, THIOUB Ibrahima (dir.), AOF : réalités et héritages Sociétés ouest-africaines et ordre colonial, 1895 – 1960, Tome 1, Direction des Archives du Sénégal Dakar, 1997, p. 504. 55 KANE Hamidou Salifou, « La libre circulation des personnes et des biens dans l’espace UEMOA », in Troisième rencontre inter-juridictionnelle des Cours communautaires de « l’UEMOA, la CEMAC, la CEDEAO et de l’OHADA », Dakar 4, 5, 6 mai 2010, Disponible sur http://www.institut-idef.org/IMG/pdf/CommunicationLibreCirculoPers_Biens_JugeKANE_.pdf 56 NANA Emmanuel, « L’UEMOA : un projet d’intégration économique s’inspirant de l’AOF », in AOF : réalités et héritages. Sociétés ouest-africaines et ordre colonial, op.cit. p. 504. 57 KONE Mamadou, « Le nouveau droit commercial des pays de la zone OHADA : comparaison avec le droit français », LGDJ, Paris, 2003, p. 3. 58 Cf. Annexe n° 10 qui présente brièvement chaque Etat membre de l’UEMOA. Cette présentation permettra d’avoir une idée sur le développement économique et sanitaire de ces Etats. Ces données ne sont pas sans importance pour l’analyse de l’efficacité et de l’application des normes communautaires pharmaceutiques. 59 Cf. IBRIGA Luc Marius, « L'UEMOA ou l'actualisation de l'AOF », in BECKER Charles, MBAYE Saliou, THIOUB Ibrahima (dir.), AOF : réalités et héritages Sociétés ouest-africaines et ordre colonial, 1895 – 1960, Tome 1, Direction des Archives du Sénégal Dakar, 1997, pp. 510-522. 60 NANA Emmanuel, « L’UEMOA : un projet d’intégration économique s’inspirant de l’AOF », in AOF : réalités et héritages Sociétés ouest-africaines et ordre colonial, 1895 – 1960, op.cit., p. 504. 61 OUEDRAOGO/OUATTARA Nati Safiatou, « Situation de l’harmonisation de la réglementation pharmaceutique au sein de l’UEMOA », in Séminaire sur les politiques pharmaceutiques nationales à l’attention des experts francophones 14 au 18 juin 2010, Genève OMS, p. 3. 62 NANA Emmanuel, « L’UEMOA : un projet d’intégration économique s’inspirant de l’AOF », in AOF : réalités et héritages Sociétés ouest-africaines et ordre colonial, 1895 – 1960, op.cit., p. 504.
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de l’UMOA. L’UEMOA n’a donc pas remis en cause les acquis de l’UMOA. Ils ont
simplement été réactualisés63.
27. L’appellation de l’Union ; Union Economique et Monétaire Ouest Africain
(UEMOA) ; pourrait laisser penser qu’elle intervient uniquement dans le domaine
monétaire et économique. Mais, la lecture de son Traité fondateur permet de mieux
comprendre son objectif d’harmonisation des réglementations pharmaceutiques de
ses Etats membres. En effet, l’article 4) e. précise l’un de ses objectifs :
« Harmoniser, dans la mesure nécessaire au bon fonctionnement du marché
commun, les législations des Etats membres… ».
28. Les objectifs de l’UEMOA sont donc multiples : renforcer la compétitivité des Etats
membres par un environnement juridique rationalisé et harmonisé, mettre en œuvre
une surveillance multilatérale, créer un marché commun à travers la libre circulation
des personnes, des biens, des services, des capitaux, le droit d’établissement de
certaines professions, le tarif extérieur commun, la politique commerciale commune,
et des règles communes de concurrence. Enfin, l’harmonisation des législations des
Etats membres, surtout dans le domaine de la fiscalité64. Jusqu’à présent,
l’intégration de l’Union était sectorielle. Elle se limitait à plusieurs secteurs de
l’activité économique. De nos jours, l’intégration se développe dans le domaine de
la santé.
29. Sur le plan institutionnel, un certain nombre d’organes permettent le fonctionnement
de l’Union : les organes de direction (la Conférence des Chefs d’Etat et de
Gouvernement, le Conseil des Ministres et la Commission), les organes de contrôle
parlementaire (Comité interparlementaire) et les organes de contrôle juridictionnel
(la Cour de justice et la Cour des Comptes)65. En plus de ces organes, l’UEMOA
compte à son actif des institutions spécialisées autonomes : la Banque Centrale des
Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) qui est une autorité monétaire et la Banque
Ouest-Africaine de Développement (BOAD)66 qui est une banque
d’investissement67. Seuls les organes de directions feront l’objet d’une brève analyse.
63 SECK Diery, « L’UEMOA a 15 ans : bilan et stratégies futures », in, S’intégrer pour s’enrichir. Intégration et réduction de la pauvreté, Editions Springer, IDRC, CRDI, juin 2012, p. 26. 64 http://www.uemoa.int/Pages/UEMOA/L_UEMOA/Historique.aspx 65 Articles 16 à 39 du Traité de l’UEMOA. 66 Article 41 du Traité de l’UEMOA. 67 SECK Diery, « L’UEMOA a` 15 ans : bilan et stratégies futures », op.cit., pp. 24 -25.
19
30. La Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement est l’organe qui traduit
concrètement la souveraineté des Etats membres68. Elle est chargée de définir les
grandes orientations de la politique de l’Union69, d’adopter des actes additionnels70.
Ses membres se réunissent au moins une fois par an afin de mettre en œuvre les
fonctions qui lui sont dévolues par le Traité71. Dans le cadre du rapprochement des
législations des Etats membres, c’est la Conférence des Chefs d’Etat et de
Gouvernement qui établit les principes directeurs pour l’harmonisation des
législations des Etats et détermine les domaines pouvant faire l’objet d’une telle
harmonisation72. Certaines de ses décisions, telles que les actes, doivent être prises à
l’unanimité73.
31. En ce qui concerne le Conseils des Ministres, sa fonction principale est d’assurer la
mise en œuvre des orientations générales définies par la Conférence des chefs d’Etat
et de gouvernement74. Il est composé des différents Ministres des Etats membres,
selon le domaine concerné par l’adoption des décisions75. A cet effet, il est compétent
pour adopter des règlements, des directives et des décisions dûment motivées76. Sans
omettre son pouvoir de formuler des recommandations et/ou des avis77. L’adoption
du budget de l’Union fait également partie de ses attributions78. Pour permettre aux
Conseils des Ministres d’assurer efficacement ses fonctions, un Comité d’experts
l’assiste dans l’exercice de ses différentes fonctions par la préparation de ses
délibérations79.
32. S’agissant de la Commission, elle est composée de huit (8) membres indépendants80
désignés par la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement pour représenter
chacun des Etats membres. C’est la raison pour laquelle elle exerce des pouvoirs en
vue de permettre le bon fonctionnement et l’intérêt général de l’Union81 et représente
68 KIEMDE Paul, « Intégration régionale et harmonisation du droit social en Afrique : problèmes et perspectives », Revue burkinabè de Droit (RBD), Revue semestrielle, n°39-40, n° spécial 20ème anniversaire, 2001, p.154. 69 Article 8 et 9 du Traité de l’UEMOA 70 Article 10 et 19 du Traité de l’UEMOA 71 Article 17 du Traité de l’UEMOA 72 Article 60 du Traité de l’UEMOA 73 Article 5 du Traité de l’UEMOA 74 Article 20 du Traité de l’UEMOA 75 Article 23 du Traité de l’UEMOA 76 Article 44 du Traité de l’UEMOA 77 Article 42 du Traité de l’UEMOA 78 Article 47 et 51 du Traité de l’UEMOA 79 Article 25 du Traité de l’UEMOA 80 Article 28 du Traité de l’UEMOA 81 Article 26 du Traité de l’UEMOA
20
l’Union dans les relations internationales82. C’est par exemple à la Commission de
transmettre à la Conférence et au Conseil les recommandations et les avis utiles à la
préservation et au développement de l’Union83. Elle est également chargée d’assurer
la publication du Bulletin officiel de l’Union. L’entrée en vigueur des textes
communautaires dépend alors du bon fonctionnement de cette Commission. En vue
de l’accomplissement de ses différentes missions, la Commission adopte des
règlements nécessaires à l’application des actes du Conseil, des décisions et des
recommandations et/ou avis84. Il faut souligner qu’en matière de production
normative, la Commission constitue un organe clé. Dans le Traité, il est spécifié que
l’adoption de certains actes juridiques communautaires doit se faire sur proposition
de la Commission : « Le Conseil adopte sur proposition de la Commission ... ». Cette
prescription se retrouve dans plusieurs articles du Traité (les articles 56, 61, 64, 65,
66, 71, 78, etc.)
33. La Cour de justice et la Cour des Comptes sont les organes de contrôle juridictionnel
de l’Union. Le fonctionnement de ces deux organes est défini dans un protocole
additionnel n°1 qui fait partie intégrante du Traité.
34. Le choix de l’UEMOA comme zone d’étude pourrait se justifier par plusieurs
raisons. Dans la sous-région ouest-africaine, plusieurs tentatives d’intégrations
économiques ont eu lieu depuis les indépendances85. Ousmane BOUGOUMA
qualifie cela de « … véritable laboratoire d’essais en matière d’intégration
économique… »86. Après ces multiples tentatives avec beaucoup d’échecs,
l’avènement de l’UEMOA constitue une nouvelle approche de l’intégration
économique en Afrique de l’Ouest. Cette Union économique s’est orientée vers une
intégration juridique du domaine de la santé de ses Etats membres. Pour ce faire, elle
se penche sur le droit pharmaceutique, le droit du médicament qui n’est pas
uniquement un domaine de la santé, mais renferme un volet économique non
négligeable.
82 Article 12 du Traité de l’UEMOA 83 Article 26 du Traité de l’UEMOA 84 Article 42 du Traité de l’UEMOA 85 Cf. supra., p. 16, § 24 86 BOUGOUMA Ousmane, « La libre circulation des marchandises en droit communautaire UEMOA et Union européenne : approche comparative sous l’angle commercial », in Elias. T. AYUK, Samuel T. KABORE, S’intégrer pour s’enrichir. Intégration et réduction de la pauvreté, Editions Springer, IDRC, CRDI, juin 2012, p. 154.
21
35. L’UEMOA n’est pourtant pas la seule organisation communautaire internationale
intervenant dans le domaine de la santé en Afrique de l’Ouest. La CEDEAO est
également compétente pour intervenir dans le domaine de la santé en général et de
la pharmacie en particulier87. Si le choix de l’étude s’est focalisé sur la zone
communautaire UEMOA, c’est parce que l’UEMOA a déjà adopté depuis 2005 des
instruments juridiques communautaires tendant à harmoniser les réglementations
pharmaceutiques de ses Etats membres. Il était dès lors intéressant de se pencher sur
ces instruments, afin d’analyser en quoi cette harmonisation du droit pharmaceutique
pourrait permettre d’atteindre une sécurité sanitaire dans l’espace communautaire.
Aussi, les pays de l’UEMOA, à l’exception de la Guinée Bissau, ont vécu une
évolution historique du domaine pharmaceutique quasiment similaire. Cependant,
après les indépendances, les mouvements politiques (coup d’Etat, guerre) vont
fortement influencer les politiques publiques de santé dans certains Etats88. Ce qui
influencera fortement le développement des systèmes pharmaceutiques nationaux.
36. Ces constats concernant l’UEMOA nécessitent pour une meilleure analyse du
processus de rapprochement par harmonisation en cours, de retracer l’histoire du
droit pharmaceutique dans cette zone. Ce qui permettra de mieux comprendre son
fonctionnement actuel ainsi que l’origine de ce projet d’harmonisation.
L’histoire de la pharmacie dans les Etats de l’UEMOA : une
histoire marquée par la colonisation
37. Toute intégration en Afrique, qu’elle soit économique ou juridique, présente des
traits particuliers liés à l’histoire socio-politique et économique du continent, à
l’image de la colonisation89. Les pays de l’UEMOA ont partagé un droit positif
colonial commun dans plusieurs domaines : le droit de la santé, le droit judiciaire, le
droit du travail, etc. C’est l’exemple du code du travail des territoires d’Outre-Mer
de 1952.
38. Ces pays sont d’anciennes colonies françaises, exceptée la Guinée-Bissau. La
Guinée-Bissau est, en effet, une ancienne colonie portugaise90. Force est cependant
87 Cf. infra., pp. 288-295, § 826-849. 88 Cf. PODA Baimanai Angelain, La mise sur le marché et la distribution du médicament en Afrique noire francophone. Réflexions à partir des exemples du Burkina Faso et du Sénégal, Paris, l’Harmattan, 2015, p. 37. 89 OUALI Kamadini Sylvestre, « L’intégration régionale en Afrique », in L’intégration régionale dans le monde. Innovations et ruptures, Actes du Colloque GEMDEV des 13 et 14 mai 1993, Paris, Karthala, 1994, p. 155. 90 https://www.guinee-bissau.net/histoire_guinee_bissau.php https://www.universalis.fr/encyclopedie/guinee-bissau/2-histoire/
22
de reconnaître que les droits pharmaceutiques faisaient déjà l’objet d’un
rapprochement par le « fruit du hasard ». Ce rapprochement s’est réalisé fortuitement
par le résultat des évènements politiques comme la colonisation, mais aussi la
décolonisation qui a conduit à la réception du droit pharmaceutique français dans les
droits nationaux des 7 Etats membres de l’Union91. Pour ce faire, il est nécessaire de
s’attarder sur l’histoire du système pharmaceutique dans les Etats de l’UEMOA.
39. Avant la colonisation, et durant le début de celle-ci, ce sont les « sorciers » et les
guérisseurs qui distribuaient les médicaments92. Au Sénégal, par exemple, les
premières pharmacies d’officines s’établissent à Saint-Louis en 184693.
40. La pharmacie a été pendant longtemps règlementée par la métropole ; depuis la
période coloniale, à travers la création de l’AOF. L’AOF a été créée par un décret du
16 juin 1895 avec pour objectif de coordonner sous une autorité unique la pénétration
française à l’intérieur du continent africain. Composée au départ des colonies de la
Côte d’Ivoire, de la Guinée, du Sénégal94 et du Soudan, la fédération intégrera par la
suite le Dahomey95, le Niger, la Mauritanie et la Haute-Volta96. Cependant, il faut
rappeler avec Mamadou KONE que « le droit métropolitain ne s’appliquait pas
automatiquement dans les colonies. En vertu du principe dit de spécialité législative
inscrit dans la constitution française, les lois et décrets adoptés en France
métropolitaine ne s’appliquaient dans les territoires d’Outre-Mer que par l’effet
d’un décret d’extension »97.
41. Ainsi, la législation pharmaceutique dans les Etats de l’UEMOA remonte à 1954
pour l’essentiel, lorsque la loi française 54-418 du 15 avril 1954 étendait aux
territoires d’Outre-Mer (TOM) les dispositions du code français de santé publique98.
91 Cf. Véronique MAGNIER, « Rapprochement des droits dans l’Union Européenne et viabilité d’un commun des sociétés », LGDJ, Paris, 1999, 395 p. 92 BONNEMAIN Bruno, « Colonisation et pharmacie (1830-1962) : une présence diversifiée de 130 ans des pharmaciens français », Revue d'histoire de la pharmacie, 95e année, n°359, 2008, p. 322 93 Ibid., p. 324 94 FIERRO Alfred, « Afrique-Occidentale Française (A.-O.F.) », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 4 juillet 2018. URL : http://www.universalis.fr/encyclopedie/afrique-occidentale-francaise/ 95 Cf. PEHAUT Yves, « L'histoire du Dahomey », in Cahiers d'Outre-Mer, n° 65 - 17e année, Janvier-mars 1964. pp. 106-109 96 En 1921, la Haute-Volta est constituée à partir de territoires enlevés au Soudan. Elle sera dissoute en 1932, repartie entre la Côte d'Ivoire, le Soudan et le Niger, avant d'être reconstituée en 1947. Cf. https://www.universalis.fr/encyclopedie/afrique-occidentale-francaise/#i_32475 97 KONE Mamadou, « Le nouveau droit commercial des pays de la zone OHADA : comparaison avec le droit français », op.cit., p. 10, §12, note 5 98 Politique pharmaceutique nationale, Sénégal, août 2006, p. 12, Disponible sur : http://www.who.int/medicines/areas/coordination/senegal_nmp.pdf
23
Pourtant, en France, il existait déjà la loi du 11 septembre 1941 sur la pharmacie99.
Plusieurs textes juridiques (arrêté, décret, loi) ont ainsi été étendus aux territoires
coloniaux100 :
• Arrêté du 25 mai 1906 réglementant l’exercice de la pharmacie en AOF.
• Décret du 26 janvier 1926 réglementant l’exercice de la pharmacie en AOF.
• Décret du 26 janvier 1926 portant réglementation particulière applicable aux
substances vénéneuses en AOF.
• Décret du 25 juin 1953 fixant le code de déontologie des pharmacies en
application de l’article 28 du code de la pharmacie.
• Loi du 1er août 1953 modifiant et complétant les dispositions du code de la
pharmacie concernant l’Ordre national des pharmaciens (ONP) et les rendant
applicables aux TOM, au Togo et au Cameroun.
• Loi n°54-418 du 15 avril étendant aux TOM, au Togo et au Cameroun certaines
dispositions du CSP relatives à l’exercice de la pharmacie.
• Décret n°55-1122 du 16 août 1955 fixant les modalités d’application de la loi
n°54-418 du 15 avril 1954.
• Décret n°55-1223 du 16 août 1955 fixant les règles concernant le remplacement
des pharmaciens pendant leurs absences.
• Arrêté du 10 octobre 1955 qui fixe provisoirement le nombre et la répartition
des officines de pharmacie en AOF.
42. Avec l’arrêté sur l’exercice de la pharmacie, seules les personnes possédant un
diplôme de pharmaciens obtenu dans les facultés et écoles de France étaient
autorisées à vendre des médicaments au sein de l’AOF101. En ce qui concerne la
formation dans le domaine pharmaceutique, le colonisateur a entamé l’organisation
avant les indépendances avec la création, par exemple, de l’Université de Dakar le
24 février 1957102. Cela a permis la formation des premiers pharmaciens d’origine
africaine.
99 BONNEMAIN Bruno, « Colonisation et pharmacie (1830-1962) : une présence diversifiée de 130 ans des pharmaciens français », op.cit., p. 322 100 Cf. SAWADOGO Windégoudi Casimir, « Les grandes étapes du droit pharmaceutique, des indépendances à nos jours : cas du Burkina Faso », Université Cheikh Anta Diop de Dakar, Institut des sciences du médicament (ISMED), Mémoire, Master 2 en inspectorat pharmaceutique, décembre 2014, pp. 8-22 101 NGALAMULUME Kalala, « La question sanitaire durant les premières années de l'AOF, 1895·1914 », in BECKER Charles, MBAYE Saliou, THIOUB Ibrahima, (dir.), AOF : réalités et héritages. Sociétés ouest-africaines et ordre colonial, 1895 – 1960, Tome 1, Direction des Archives du Sénégal Dakar, 1997, p. 1209 102 BONNEMAIN Bruno, « Colonisation et pharmacie (1830-1962) : une présence diversifiée de 130 ans des pharmaciens français », op.cit., p. 329
24
43. Même après les indépendances, le commerce dans le domaine pharmaceutique laisse
toujours entrevoir l’existence de l’influence coloniale sur les anciennes colonies. Les
firmes pharmaceutiques françaises et européennes étaient les principales
fournisseurs103 des produits pharmaceutiques aux anciennes colonies. C’est à la fin
des années 1994 qu’une diversification des sources d’approvisionnements sera
constatée104. Même après les indépendances, le droit pharmaceutique africain reste
sous influence des anciens colonisateurs. Ce droit est toujours inspiré du droit
français105. Comme le précise Angélain PODA, « le législateur africain, dans son
œuvre législative, est pris entre trois (3) difficultés. Il doit tenir compte des valeurs
nationales propres à son pays, il ne doit pas ignorer la conception occidentale de la
santé et, enfin, il doit faire avec les exigences des bailleurs de fonds dans le secteur
de la santé »106. De nos jours encore, ces bailleurs de fonds influencent les processus
d’harmonisation du domaine sanitaire entrepris par les organisations sous-régionales
et régionales en Afrique de l’Ouest. De ce point de vue, les pays de l’UEMOA
adoptent tous des plans nationaux de développement sanitaire107. Didier GOBBERS
et Eric PICHARD affirmaient que « l’adoption de ces PND est en réalité une
condition pour bénéficier des aides financières internationales »108. La colonisation
française a donc contribué à bâtir l’histoire de la pharmacie dans les Etats de
l’UEMOA 109.
103 MARITOUX Jeanne, BRUNETON Carinne, BOUSCHARAIN Philippe, « Le secteur pharmaceutique dans les Etats africains francophones », in GRUENAIS Marc-Eric, POURTIER Roland (dir.), La santé en Afrique. Anciens et nouveaux défis, Paris, Edition La documentation française, Afrique contemporaine, Numéro spécial, 3ème trimestriel 2000, Trimestriel n°195 juillet-septembre 2000, p. 213. 104 Ibid. 105 Cf. infra., pp. 143-150, § 353-380 106 PODA Baimanai Angelain, La mise sur le marché et la distribution du médicament en Afrique noire francophone. Réflexions à partir des exemples du Burkina Faso et du Sénégal, op.cit., p. 73, § 043. 107 Le Plan national de développement économique et social (PNDES) du Burkina Faso est le référentiel national des interventions de l’Etat et des partenaires sur la période 2016-2020 ; Le Plan de National de Développement (PND) de la Côte d’Ivoire ; La Guinée Bissau a adopté le Plan Stratégique Guinée-Bissau 2025 «Terra Ranka» ; Le Mali compte sur le Cadre Stratégique pour la Relance et le Développement Durable (CREDD) pour relancer son économie ; Le Plan de Développement Economique et Social (PDES) est mis en œuvre au Niger et vise à promouvoir le bien-être économique, social et culturel de la population ; Le Plan Sénégal Emergent (PSE) est le cadre référentiel de la politique économique et sociale du Sénégal à moyen et long termes ; Au Togo, la Stratégie de croissance accélérée et de promotion de l’emploi (SCAPE 2013-2017) est en cours de révision. La nouvelle stratégie couvrira la période 2018-2022 et devra assoir les bases pour la transformation structurelle de l’économie du pays. Cf. Rapport régional 2017 de la surveillance commerciale dans l’espace UEMOA, novembre 2017. 108 GOBBERS Didier, PICHARD Eric, « L’organisation du système de santé en Afrique de l’Ouest », ADSP (actualités et dossiers en santé publique), n°30 mars 2000, p. 36. 109 BONNEMAIN Bruno, « Colonisation et pharmacie (1830-1962) : une présence diversifiée de 130 ans des pharmaciens français », op.cit., p. 312.
25
44. Après les indépendances, chaque Etat indépendant va essayer de réorganiser son
système pharmaceutique. Ainsi, le Code de Santé Publique (CSP) qui avait été
étendu aux territoires d’Outre-Mer va être modifié. Au Sénégal, le décret n°61-218
MSAS du 31 mai 1961 a modifié les conditions de gérance des dépôts de
médicaments110. Aussi, la loi n°65-33 du 19 mai 1965 a modifié les dispositions du
CSP relatives à la préparation, à la vente et à la publicité des spécialités
pharmaceutiques111. Au Burkina Faso, après les indépendances, les premiers textes
juridiques sont constitués spécifiquement d’arrêtés d’ouverture ou de fermeture de
dépôts pharmaceutiques112. Par la suite, une pharmacie nationale est créée par une
loi n°38-63-AN du 24 juillet 1963. Il faut souligner également l’existence d’une
coopération dans le domaine de la santé après la colonisation. En effet, il existait
déjà, en 1960, en Afrique de l’Ouest, une coopération dans le domaine de la santé113
avec l’Organisation de coordination et de coopération pour la lutte contre les grandes
endémies (OCCGE)114. Cette organisation était composée du Bénin, de la Côte
d’Ivoire, de la Haute-Volta, du Mali, de la Mauritanie, du Niger, du Sénégal et du
Togo115. Elle a succédé au Service commun de lutte contre les grandes endémies
(SCLGE) créé 1957116.
45. L’ancien colonisateur, la France, était admis d’office comme Etat membre européen.
En effet, la France contribuait au développement sanitaire par son appui financier et
en personnel de santé117. L’organisation avait pour tâches principales d’intervenir
dans les Etats pour déterminer la prévalence de certaines endémies ou procéder à des
mesures d’urgence contre une épidémie. Le personnel médical, paramédical et
110 Journal Officiel de la République du Sénégal (JORS) du 17 juin 1961, pp. 898-899. 111 JORS 1965, n°3747, pp. 637-638. 112 Cf. SAWADOGO Windégoudi Casimir, « Les grandes étapes du droit pharmaceutique, des indépendances à nos jours : cas du Burkina Faso », op.cit., p. 26. 113 OCCEG a été adopté le 25 avril 1960 à Abidjan en Côte d’Ivoire 114 Cette coordination regroupait huit (8) Etats de l’Afrique de l’Ouest : Bénin, Côte d’Ivoire, Haute-Volta, Mali, Mauritanie, Niger, Sénégal, Togo ; cf. RICOSSE Jean-Henri, HUSSER Jean-Alain., « Bilan et avenir de la lutte contre les grandes endémies en Afrique occidentale francophone », in Cahiers d'études africaines, vol. 22, n°85-86, 1982. Études épidémiologiques et approches géographiques des maladies en Afrique tropicale. Mélanges pour un dialogue. p. 152 115 RICOSSE Jean-Henri, HUSSER Jean-Alain., « Bilan et avenir de la lutte contre les grandes endémies en Afrique occidentale francophone », in Cahiers d'études africaines, vol. 22, n°85-86, 1982. Études épidémiologiques et approches géographiques des maladies en Afrique tropicale. Mélanges pour un dialogue. p. 152 116 KIEMDE Paul, L’évolution de la coopération régionale en Afrique de l’Ouest, Thèse de droit, Université de Clermont-Ferrand, Faculté de droit et de sciences politiques, 27 novembre 1979, p. 263. 117 BADO Jean-Paul, « La santé et la politique en AOF et à l'heure des indépendances (1939·1960) », in BECKER Charles, MBAYE Saliou, THIOUB Ibrahima, (dir.), AOF : réalités et héritages Sociétés ouest-africaines et ordre colonial, 1895 – 1960, Tome 1, Direction des Archives du Sénégal Dakar, 1997, p. 1256.
26
scientifique bénéficiait également d’une formation dans le cadre de la lutte contre
certaines endémies118.
46. Le mimétisme juridique du droit africain119 en général pourrait s’expliquer par le
fonctionnement qui prévalait durant la période coloniale. Les origines et
fonctionnement du droit pharmaceutique dans les Etats membres de l’UEMOA
expliquent l’existence aujourd’hui encore d’un certain mimétisme juridique. Paul
Dima EHONGO rappelle à juste titre que ces pays « …sont des anciennes colonies
françaises et disposent en conséquence d’une tradition juridique commune
s’inscrivant dans le sillage du droit français »120. Malgré leurs indépendances, les
Etats d’Afrique francophone construisent leurs intégrations juridique ou économique
en se référant à leur ancienne puissance coloniale121. Aujourd’hui encore, l’Union
européenne constitue une grande source d’inspiration pour l’UEMOA. Leur
ressemblance s’observe tant sur le plan matériel qu’institutionnel122.
47. Ce bref rappel historique du droit pharmaceutique en Afrique de l’Ouest permet de
comprendre l’intérêt pour ces Etats de procéder à un rapprochement de leurs
réglementations pharmaceutiques ; mais aussi de se poser la question de savoir par
quelle technique juridique ces Etats devront réaliser l’intégration juridique dans le
domaine pharmaceutique.
Le marché pharmaceutique ouest-africain : un marché sans réglementation satisfaisante
48. L’Afrique de l’Ouest est une région délimitée par l’Atlantique, le Sahara, le Nil et
les Contreforts du mont Cameroun123. L’histoire démontre que cette partie de
118 RICOSSE Jean-Henri, HUSSER Jean-Alain, « Bilan et avenir de la lutte contre les grandes endémies en Afrique occidentale francophone », op.cit. p. 152. 119 BELANGER Michel, « Existe-t-il un droit africain de la santé ? », in BELANGER Michel, Eléments de doctrine en droit international de la santé (écrits 1981-2011), Bordeaux, Les Etudes hospitalières, Editions 2012, p. 571. 120 EHONGO Paul Dima, « L’intégration juridique des économies africaines à l’échelle régionale et mondiale », in Mireille Delmas-Marty, Critique de l’intégration normative : l’apport du droit comparé à l’harmonisation des droits, Paris, Presses Universitaire de France, 1ère éd., 2004, p. 188. 121 PODA Baimanai Angelain, La mise sur le marché et la distribution du médicament en Afrique noire francophone. Réflexions à partir des exemples du Burkina Faso et du Sénégal, op.cit., pp. 51-52. 122 Cf. BOUGOUMA Ousmane, « La libre circulation des marchandises en droit communautaire UEMOA et Union européenne : approche comparative sous l’angle commercial », in Elias. T. AYUK, Samuel T. KABORE, S’intégrer pour s’enrichir. Intégration et réduction de la pauvreté, Editions Springer, IDRC, CRDI, juin 2012, pp. 155-156 123 SAKHO Abdou El-Hadji, « L’intégration économique en Afrique de l’Ouest. Analyses et perspectives », Paris, Editions Economica, 2011, p. 1
27
l’Afrique a fait l’objet de convoitises pendant la colonisation. Étaient donc présents
dans cette partie : l’Angleterre, l’Espagne, la France, le Portugal et l’Allemagne124.
Les systèmes de santé de ces pays sont donc marqués par l’organisation qui a été
mise en place durant la période coloniale125. La production pharmaceutique en
Afrique de l’Ouest est très faible et ne constitue pas un enjeu économique important
pour la région. La disponibilité des médicaments est très dépendante de l’extérieur.
49. Le chiffre d’affaires du marché pharmaceutique mondial est estimé à plus de 1105
milliards de dollars pour l’année 2016. La part du continent africain sur ce marché
est évaluée à 0,7 %. Ainsi, ce sont quelques pays africains qui font fonctionner ce
marché. Dix (10) de ces pays représentent à eux seuls 70% du marché du continent.
Il s’agit de l’Algérie, de l’Egypte, du Kenya, de la Côte d’Ivoire, de la Libye, du
Maroc, du Nigeria, de l’Afrique du Sud, du Soudan et de la Tunisie126. Un seul pays
de l’UEMOA, la Côte d’Ivoire, affiche de ce fait une production pharmaceutique
plus avancée que les autres pays de l’Union. Malgré cela, il faut noter qu’« en 2018,
58 ans après l’indépendance de la Côte d’Ivoire, le pays importe près de 94% des
médicaments qu’il consomme »127. Ce qui laisse comprendre l’importance des
« importations » dans ce domaine. Il y a lieu de signaler que le continent africain
produit alors 3 % des médicaments par rapport à la production mondiale. Pourtant,
95 % des médicaments qu’il consomme sont importés128. Les importations
prédominent, alors que la population est grandissante en Afrique de l’Ouest.
S’agissant de l’UEMOA, elle importe 85% de sa consommation de médicaments, et
n’en produit que les 15%129. Pourtant, les médicaments occupent une place centrale
dans les dépenses de santé des Etats membres de l’UEMOA. A titre d’exemple, au
124 SAKHO Abdou El-Hadji, « L’intégration économique en Afrique de l’Ouest. Analyses et perspectives », Paris, Editions Economica, 2011, p. 8 125 GOBBERS Didier, PICHARD Eric, « L’organisation du système de santé en Afrique de l’Ouest », op.cit., p. 36 126 Jeune Afrique, « Comprendre l’explosion du marché du médicament sur le continent en trois infographiques », 18 janvier 2018. Consulté le 04 juillet 2018. Disponible sur http://www.jeuneafrique.com/514030/economie/jeudi-18-trois-infographies-pour-comprendre-lexplosion-du-marche-du-medicament-sur-le-continent/ 127 Agence Française de Développement, « Synthèse de conférence-Le médicament en Afrique : comment mieux répondre aux enjeux d’accessibilité et de qualité ? », mardi 3 avril 2018, p. 2, disponible sur https://ideas4development.org/uploads/2018/03/Synth%c3%a8se-conf%c3%a9rence-ID4D-du-3-avril-2018_Les-medicaments-en-Afrique.pdf 128 ABECASSIS Philippe, COUTINET Nathalie, « Les freins à la production locale et à l’accès aux traitements en Afrique », in « le médicament en Afrique : répondre aux enjeux d’accessibilité-qualité-Afrique », Secteur Privé et Développement-la Revue de Proparco, 28, 4ème trimestre 2017, p. 6 129 SARR Aboubakrine, « Production pharmaceutique en Afrique subsaharienne : Ex UEMOA. Opportunités et défis : cas du Sénégal », Disponible sur : http://remed.org/wp-content/uploads/2016/10/Production-pharmaceutique-Uemoa-opportunites-defis-SARR.pdf
28
Bénin, les dépenses de médicaments en % des dépenses totales de santé est de 17, 55
% pour l’année 2013. Les dépenses totales en santé s’élèvent ainsi à 188, 47 milliards
de F CFA pour la même année130. Il n’assure par le biais de sa production locale que
10 % de sa couverture131. Compte tenu donc du fait que l’importation prédomine, il
faut veiller à ce que les médicaments importés soient de bonne qualité. Les
importations en grande quantité favorisent le développement du marché illicite des
médicaments et influencent fortement la qualité des médicaments132. Mais, la
garantie de la qualité d’un médicament comporte des éléments juridiques,
notamment la législation sur le médicament133.
50. En effet, la population de la zone UEMOA est estimée à 115, 8 millions en 2017,
pour une superficie de 3. 506. 126 km2 134. Compte tenu du nombre de sa population,
le marché pharmaceutique de l’UEMOA a une part importante en termes de
consommation de médicaments dans la sous-région. L’organisation au niveau
juridique d’une telle part de marché constitue un avantage pour ces pays qui
pourraient constituer un marché régional et non plus des parts de marchés
individuels. Malgré la forte population de l’UEMOA, la production pharmaceutique
peine à se développer. La mise en place d’un tel marché régional impose un
rapprochement des droits pharmaceutiques des Etats à partir d’objectifs communs.
Tout compte fait, situées à l'échelon intermédiaire entre l'État et l'organisation
mondiale, les organisations régionales ne peuvent que concourir à cette consécration
du droit à la protection de la santé135 par la mise en place d’un processus de
rapprochement des législations pharmaceutiques. Cela, d’autant plus que
l’instauration d’une sécurité sanitaire nécessite le concours de plusieurs Etats. Il est
difficile pour un Etat de prétendre instaurer, dans les limites de ses frontières, une
130 Ministère de la santé du Bénin/Secrétariat général du Ministère/ Direction de la programmation et de la prospective, « Compte de la santé 2013 », synthèse des résultats, Disponible sur http://www.sante.gouv.bj/IMG/pdf/synthese_cs_2013.docx_version_finale.pdf 131 DIOUF Mamby, « le Sénégal et l’Afrique à la recherche d’une souveraineté thérapeutique », mercredi 3 août 2011. http://www.lagazette.sn/spip.php/spip.php?articles3126 (consulté le 26 octobre 2012)
132 Agence Française de Développement, « Synthèse de conférence-Le médicament en Afrique : comment mieux répondre aux enjeux d’accessibilité et de qualité ? », op.cit., p. 2 133 OUEDRAOGO/OUATTARA Nati Safiatou, « Situation de l’harmonisation de la réglementation pharmaceutique au sein de l’UEMOA », Séminaire sur les politiques pharmaceutiques nationales à l’attention des experts francophones, Genève, OMS, 14 au 18 juin 2010, p.5, Disponible sur www.who.int/medicines/.../tbs_f_2010_armonisation_PPN_UEMOA_Ouattara.ppt
134 Rapport régional 2017 de la surveillance commerciale dans l’espace UEMOA, novembre 2017, p. 4 135 DUBOUIS Louis, « Soins de santé », Jurisclasseur Europe santé, op.cit., p. 5
29
sécurité optimale de son système pharmaceutique, sans se préoccuper de comment
la régulation pharmaceutique est organisée chez son voisin. Reprenant une pensée
de Rodolphe de JHERING, Adolf F. SCHNITZER notait que « l’isolement est le
péché mortel des peuples…seul un fou refuse la quinine parce que ce produit ne
provient pas du sol natal »136.
51. Ainsi, appréhendée l’étude du droit pharmaceutique, dans un cadre communautaire,
permettra d’envisager une sécurité des systèmes pharmaceutiques de plusieurs Etats ;
et ce, dans la mesure où les maladies n’ont pas de frontière, et que les mouvements
des populations en Afrique de l’Ouest ne font que renforcer l’obligation de
coopération des Etats.
52. Dans le secteur du droit de la santé, des recherches juridiques ont été faites en ce qui
concerne la zone de l’Afrique de l’Ouest. Cependant, ces études n’ont
spécifiquement pas porté sur l’analyse juridique du processus de rapprochement par
harmonisation du droit pharmaceutique dans un cadre communautaire. Celles
concernant l’étude des droits nationaux sur le plan de la santé sont cependant
nombreuses137.
53. Pour cette raison, il convient de s’interroger sur le point de savoir si le rapprochement
des réglementations pharmaceutiques des Etats par un moyen d’intégration juridique
tel que l’harmonisation va permettre d’instaurer une sécurité et une efficacité des
systèmes de santé des Etats. Autrement, l’harmonisation garantit-elle une sécurité
sanitaire dans la zone ouest-africaine ?
54. L’intérêt de cette recherche est qu’elle intervient à une période de léthargie du
processus d’harmonisation, dans la mesure où aucun autre texte communautaire n’a
été adopté après ceux de 2010. Notre recherche permettra de recenser les difficultés
et de donner des perspectives pour une reprise plus active du processus.
55. Du point de vue du droit pharmaceutique, des auteurs ont analysé le droit de la
concurrence y afférent et l’Autorisation de Mise sur le Marché (AMM) des
médicaments dans la zone ouest-africaine. Cependant, cela n’a pas été à partir d’une
analyse basée sur les moyens d’intégration juridique.
136 SCHNITZER Adolf. F., « De la diversité et de l’unification du droit. Aspects juridiques et sociologiques », Genève, Publication n°24 de l’institut universitaire des hautes études internationales, 1946, p. 107. 137 KOUKPO Sainhounde Rachel, Le droit des produits de santé en Afrique de l’Ouest : le cas du Bénin et du Sénégal, Thèse de droit, Université Montesquieu-Bordeaux IV, Université Cheick Anta Diop de Dakar, Juin 2012, 592 p. ; PODA Baimanai Angelain, La mise sur le marché et la distribution du médicament en Afrique noire francophone. Réflexions à partir des exemples du Burkina Faso et du Sénégal, Paris, l’Harmattan, 2015, 781 p
30
56. Pour ce faire, cette recherche se veut une suite de quelques travaux juridiques
réalisés dans le domaine138. Elle est une contribution à la connaissance du droit de la
santé et du droit pharmaceutique en Afrique. Elle permet également de plaider pour
une application effective du droit positif sanitaire par la mise en place d’une véritable
sécurité sanitaire.
57. Ainsi, il est nécessaire de retracer les répercussions que cette technique de
rapprochement des systèmes pharmaceutiques pourrait avoir sur les droits nationaux
et sur la santé des hommes et des femmes de chaque Etat membre. Cela pourrait se
traduire par une analyse de l’harmonisation régionale de ce domaine en termes
d’effets sur l’un des droits fondamentaux le plus important : le droit à la santé139. Ce
droit à la santé est inscrit dans plusieurs conventions internationales à travers le
monde.
58. Il s’agit en somme de déterminer et d’évaluer le processus de rapprochement par
harmonisation des normes pharmaceutiques mis en œuvre au sein de l’Union après
l’adoption des différents textes en 2010, et d’identifier les améliorations possibles
qui contribueront à l’instauration d’une sécurité sanitaire dans la zone
communautaire. Cette étude constitue une contribution au traitement de la
problématique de l’intégration juridique du droit pharmaceutique, tout en essayant
de cerner les modalités de cette intégration telles que l’harmonisation,
l’uniformisation et l’unification. Identifier la méthode d’intégration juridique la plus
idéale en droit pharmaceutique qui pourrait permettre aux Etats membres de
l’UEMOA de réaliser une sécurité de leurs systèmes de santé est aussi une
préoccupation. C’est également une contribution à la culture juridique dans ce
domaine ignoré du droit, quoique très important pour le développement individuel et
collectif.
59. Ainsi, la question centrale qui surgit après tous ces constats, c’est de savoir si le
rapprochement par harmonisation des réglementations pharmaceutiques permettra
d’atteindre une sécurité sanitaire dans cette sous-région africaine. La technique
juridique de l’harmonisation est-elle appropriée dans le domaine pharmaceutique ?
Peut-elle permettre un développement des systèmes pharmaceutiques pour une
138 Ibid. 139 Cf. CARLIER Jean-Yves, « Intégration régionale et démocratie. Quelques réflexions à partir de la pensée d’Alexis de Tocqueville », Revue burkinabè de Droit (RBD), Revue semestrielle, n°39-40, n° spécial 20ème anniversaire, 2001, p. 9.
31
meilleure protection de la santé ? Ce processus d’harmonisation permet-t-il vraiment
une évolution du droit pharmaceutique des Etats membres ?
60. L’étude va se focaliser principalement sur l’organe supra-étatique ; UEMOA ; car il
serait très prétentieux d’affirmer pouvoir étudier de façon très détaillée le droit
pharmaceutique de chaque Etat membre. Des exemples issus de ces droits nationaux
viendront alors étayer nos propos et arguments.
61. L’harmonisation des législations pharmaceutiques au sein de l’UEMOA a contribué
à l’amélioration des réglementations nationales et à combler certains vides
juridiques. Ce qui permet d’affirmer l’émergence d’une prémices de sécurité
sanitaire. Mais, le contenu et la forme des instruments juridiques adoptés pourraient
constituer un obstacle à une réelle harmonisation de ces législations
pharmaceutiques. En plus, cette harmonisation n’est pas totale, et n’est pas
complètement perceptible dans tous les Etats membres. Aussi, une incompréhension
des instruments juridiques adoptés par la Commission dans cette harmonisation
influe négativement sur le rapprochement des législations nationales. Il apparaît ainsi
nécessaire de préciser que tout le droit pharmaceutique n’a pas encore fait l’objet
d’un rapprochement au niveau communautaire. Pour l’instant, le droit
communautaire n’a adopté des textes que dans le domaine de l’homologation des
médicaments à usage humain, de la fabrication, de la distribution et enfin de
l’information et de la publicité des médicaments140.
62. L’architecture générale de la thèse consiste en une description du processus de
rapprochement par harmonisation des réglementations pharmaceutiques des Etats
membres de l’UEMOA et une analyse de son application dans les ordres juridiques
nationaux. Elle est donc moins pratique que théorique dans l’utilisation des termes.
63. Ainsi, la première partie de la thèse explore les enjeux économiques et juridiques du
marché pharmaceutique de l’UEMOA, qui justifieront la nécessité d’un
140 Règlement n°06/2010/CM/UEMOA relatif aux procédures d’homologation des produits pharmaceutiques à usage humain dans les Etats membres de l’UEMOA ; Décision n° 06/2010/CM/UEMOA portant adoption des lignes directrices pour l’homologation des compléments nutritionnels dans les Etats membres de l’UEMOA ; Décision n° 07/2010/CM/UEMOA portant adoption des lignes directrices pour l’homologation des produits cosmétiques dans les Etats membres de l’UEMOA ; Décision n°08/2010/CM/UEMOA portant adoption du guide de bonnes pratiques de fabrication des produits pharmaceutiques à usage humain dans les Etats membres de l’UEMOA ; Décision n°09/2010/CM/UEMOA portant adoption du guide de bonnes pratiques de distribution et d’importation des produits pharmaceutiques à usage humain dans les Etats membres de l’UEMOA ; Décision n°10/2010/CM/UEMOA portant adoption des lignes directrices pour le contrôle de l’information et la publicité sur les médicaments auprès des professionnels de la santé dans les Etats membres de l’UEMOA.
32
rapprochement des réglementations pharmaceutiques des Etats membres. Le choix
de l’harmonisation comme moyen d’intégration juridique conduira à l’analyse de la
notion d’harmonisation et ses implications. Un état des lieux du droit positif
communautaire pharmaceutique permettra par la suite d’analyser le contenu et la
forme des instruments juridiques communautaires déjà adoptés (PARTIE I) .
64. La deuxième partie se donne pour objectif de recenser les obstacles internes et
externes à l’effectivité du processus de rapprochement par harmonisation et de
proposer des pistes de réflexions pour une meilleure effectivité du droit
communautaire pharmaceutique. Ainsi, nous estimons nécessaire le recours à un
rapprochement mixte par le recours à l’harmonisation et à l’unification. Certains
aspects du domaine pharmaceutique seront alors unifiés, et d’autres harmonisés
(PARTIE II).
65. Compte tenu de l’évolution de l’environnement juridique pharmaceutique dans les
Etats membres et au sein de l’UEMOA, nos recherches ont pris fin le 1er octobre
2018.
33
PARTIE I. LES PREMICES D’UN DROIT PHARMACEUTIQUE HARMONISE
34
66. Suite à une étude des systèmes réglementaires de plusieurs pays africains, le constat
a été fait que la majorité des droits nationaux des Etats membres de l’UEMOA ne
dispose pas de réglementations rigoureuses pour assurer une surveillance des
médicaments à usage humain141. Le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, le Mali,
le Niger, le Sénégal, et le Togo ont néanmoins un cadre juridique relatif à
l’homologation des médicaments. Cependant, ces cadres juridiques ne permettaient
pas d’assurer un accès à des médicaments sûrs et efficaces pour les citoyens. Parmi
les Etats membres de l’Union, seule la Guinée-Bissau n’avait pas un cadre juridique
pour la réglementation de l’homologation des médicaments. En ce qui concerne
l’inspection, l’information pharmaceutique et la publicité, la grande majorité de ces
pays ne disposait pas de réglementation en la matière142. Cette insuffisance
réglementaire dans le domaine pharmaceutique des pays membres à contribuer à
l’idée d’élaborer une législation communautaire pharmaceutique. Aussi, ces Etats
ont réalisé que la mise en place d’un système de santé efficace dépend largement
d’une organisation du marché, en particulier de l’existence d’un marché
pharmaceutique communautaire. L’organisation du marché pharmaceutique au
niveau sous-régional serait un atout dans la lutte contre le marché illicite des
médicaments, qui constitue un noyau central du droit pharmaceutique. En effet, le
secteur des médicaments est très important ; les Etats membres de l’UEMOA ont
conscience de cette importance et de la nécessité de mettre en place une
réglementation pour la surveillance de ces produits pharmaceutiques qui peuvent
présenter des risques graves pour la santé des citoyens. Sur ce point, Laurence
RAVILLON précise que « le marché du médicament est international, d’où
l’importance d’une certaine harmonisation des réglementations… »143.
67. Il s’ensuit alors la mise en place d’un droit communautaire dans le domaine
pharmaceutique en Afrique de l’Ouest.
141 Avant la mise en place d’une réglementation harmonisée, certains Etats ne disposaient pas d’une réglementation suffisamment élaborée dans le domaine des médicaments. 142 OUEDRAOGO/OUATTARA Nati Safiatou, « Situation de l’harmonisation de la réglementation pharmaceutique au sein de l’UEMOA », in séminaire sur les politiques pharmaceutiques nationales à l’attention des experts francophones, 14 au 18 juin 2010, Genève, OMS. 143 RAVILLON Laurence, « Les contrats internationaux relatifs au médicament », in Isabelle MOINE-DUPUIS, Le médicament et la personne ; Aspects de droit international, Actes du colloque des 22 et 23 septembre 2005, Dijon, Paris, LexisNexis, Litec, 2007, p. 53.
35
68. Ainsi, les Etats membres de l’UEMOA ont mis en place un processus
d’harmonisation des règles relatives au secteur pharmaceutique, compte tenu du rôle
important de la santé publique et des médicaments144. Ce, d’autant plus que les
enjeux économiques, politiques et juridiques qui entourent le domaine
pharmaceutique concernent aujourd’hui tous les pays de l’Afrique de l’Ouest145.
69. En effet, il n’est plus question de la monopolisation du contrôle des systèmes
pharmaceutiques par les Etats. Il est donc devenu nécessaire, voire primordial, que
des solutions ou des méthodes de gouvernance des systèmes pharmaceutiques soient
trouvées au niveau sous-régional. C’est une nécessité, car la disparité des législations
dans un tel domaine peut constituer un obstacle à l’instauration d’une sécurité des
systèmes de santé dans toute la sous-région. La gouvernance nationale des systèmes
pharmaceutiques se trouve alors fortement influencée par le droit communautaire en
formation en Afrique de l’Ouest.
70. L’UEMOA a donc adopté un certain nombre d’instruments juridiques afin de
concrétiser ce processus d’harmonisation : règlement 06/2010 portant homologation
des médicaments à usage humain dans les Etats membres, la décision
n°08/2010/CMUEMOA du 1er octobre 2010 portant adoption du guide de bonnes
pratiques de fabrication des produits pharmaceutiques à usage humain dans les Etats
membres de l’UEMOA, la décision n°09/2010/CM/UEMOA du 1er octobre 2010
portant adoption du guide de bonnes pratiques de distribution et d’importation des
produits pharmaceutiques à usage humain dans les Etats membres de l’UEMOA, la
décision n°10/2010/CM/UEMOA du 1er octobre 2010 portant adoption des lignes
directrices pour le contrôle de l’information et de la publicité sur les médicaments
auprès des professionnels de la santé dans les Etats membres de l’UEMOA (TITRE
2).
71. L’adoption de ces différents textes juridiques s’explique par le fait que
l’harmonisation est un moyen permettant de réaliser une intégration juridique dans
une organisation sous-régionale comme l’UEMOA (TITRE 1 ).
144 DEGROVE-VALDEYRON Nathalie, « Droit européen de la santé », Paris, Editions Lextenso, LGDJ, 2013, p. 193. 145 Exemples d’enjeux : la lutte contre les médicaments falsifiés/contrefaits/sous-standards, la libre circulation des médicaments, l’instauration d’une sécurité des systèmes pharmaceutiques.
36
TITRE 1. L’HARMONISATION, UN MOYEN D’INTEGRATION JURIDIQUE
72. Plusieurs techniques d’intégration juridique (l’harmonisation, l’unification et
l’uniformisation146) permettent de réaliser un rapprochement des réglementations des
Etats dans les organisations régionales, sous-régionales et internationales.
L’harmonisation constitue un de ces moyens permettant de mettre en place une
intégration juridique des réglementations pharmaceutiques. Elle est également l’une
des techniques d’intégration juridique fréquemment utilisées dans le domaine de la
santé, en général, et pharmaceutique, en particulier. Phénomène mondial ou régional,
le mouvement d’harmonisation, est en pleine expansion sur la grande majorité des
continents : Europe, Asie, Amérique, Afrique. Elle est une notion qui est utilisée
dans plusieurs domaines scientifiques : économique, sociologique, anthropologique
juridique, artistique. En droit comparé, par exemple, depuis le traité de Rome, le
mot harmonisation a pris une connotation juridique particulière147.
73. L’intégration consiste pourtant en un transfert de compétences étatiques de plusieurs
Etats à une organisation internationale dotée de pouvoirs de décision et de
compétences supérieures à celui de ses Etats membres. Ce processus dépasse la
simple élimination des obstacles aux échanges de biens et services entre Etats. En
effet, le premier déterminant d’une intégration est la volonté politique ; le droit
n’étant qu’un instrument pour organiser cette intégration148 et l’harmonisation le
moyen de cet instrument. En tant qu’instrument, le droit organisera les liens de
solidarité et d’égalité entre les Etats membres149. Effectivement, l’intégration peut
comprendre une harmonisation des normes et des cadres réglementaires de plusieurs
Etats membres d’une même organisation.
74. L’harmonisation est généralement un moyen juridique qui permet aux organisations
internationales, régionales ou sous-régionales de rapprocher les droits nationaux de
leurs Etats membres.
146 DELMAS-MARTY Mireille, « Critique de l’intégration normative : l’apport du droit comparé à l’harmonisation des droits », Paris, Presses Universitaire de France, 2004, p. 186. 147 WITZ Claude, Rapport de synthèse de l’ouvrage « L’harmonisation du droit des contrats en Europe », Paris, Edition Economica, 2001, p. 161. 148 DELMAS-MARTY Mireille, « Critique de l’intégration normative : l’apport du droit comparé à l’harmonisation des droits », op.cit., p. 25. 149 GODIVEAU Gregory, LECLERC Stéphane, « Droit du marché intérieur de l’Union européenne », Issy-les-Moulineaux, Lextenso éditions, 2016, p. 14.
37
75. En Afrique, que ce soit dans les ensembles régionaux ou sous-régionaux (UEMOA,
CEDEAO, CEMAC), le processus d’harmonisation des législations
pharmaceutiques est en plein essor. C’est un moyen d’intégration souple150 qui
nécessite plus de précision par rapport à d’autres notions parfois utilisées comme
synonymes. Cette notion d’harmonisation est utilisée abondamment, mais
imprudemment dans plusieurs disciplines scientifiques151.
76. L’harmonisation juridique, dans un contexte d’intégration économique, se présente
simultanément comme un outil et un but152. En effet, elle renforce l’intégration
économique par le rapprochement des droits nationaux et permet par la même
occasion la réalisation de certains objectifs économiques. Pour toute organisation
régionale ou sous-régionale, l’harmonisation dans un domaine important comme
celui du droit pharmaceutique renferme des intérêts économiques, mais également
juridiques, et surtout de protection de la santé.
77. Ainsi, l’analyse de ce processus d’harmonisation nécessite au préalable de traiter des
enjeux de cette harmonisation des réglementations pharmaceutiques pour les Etats
de l’UEMOA (CHAPITRE 1 ). Le constat découlant de cette analyse conduira à
explorer le cadre juridique de cette harmonisation. Une nécessité, compte tenu des
enjeux de santé pesant sur les Etats de l’UEMOA (CHAPITRE 2 ).
150 DELMAS-MARTY Mireille, « Critique de l’intégration normative : l’apport du droit comparé à l’harmonisation des droits », op.cit., 2004 p. 40. 151 Comme le précise Uros CEMALOVIC dans sa thèse de droit, « ce terme est présent dans le langage à tel point qu’il est difficile de trouver la discipline scientifique dans laquelle il n’est pas utilisé, au moins sporadiquement ; de l’autre côté, on oublie très facilement son origine étymologique, en le traitant comme une expression générale et omniprésente dont la signification est habituellement : action d’harmoniser, de mettre en harmonie, de produire un ensemble dont les parties s’accordent, s’équilibrent bien entre elles. L’ubiquité de ce terme a, bien évidemment, son aspect négatif : étant utilisé abondamment et imprudemment, il peut perdre son caractère distinctif, sa précision, devenir flou et vague », in Uroš ĆEMALOVIĆ, Le mouvement d’unification du droit des marques dans l’union européenne, Thèse de droit, Université de Strasbourg, soutenue le 20 mai 2010, p. 16. 152 CASELLA Paul Borba, « Mercosul : intégration économique et harmonisation juridique », Revista Da Faculdade De Direito, Universidade De São Paulo, p.332.
38
CHAPITRE 1. LES ENJEUX ECONOMIQUES ET JURIDIQUES DE L ’HARMONISATION DES REGLEMENTATIONS PHARMACEUTIQUES
78. Le regain d’intérêt actuel des organisations régionales et sous-régionales pour
l’harmonisation des réglementations pharmaceutiques pose la question même de son
influence sur les systèmes de santé des Etats153. C’est l’identification des enjeux qui
permettra de définir la stratégie de rapprochement des réglementations
pharmaceutiques.
79. En effet, la question des résultats que l’harmonisation des réglementations visent à
atteindre est primordiale, car c’est en fonction des résultats et objectifs154 poursuivis
par l’Union à travers ce rapprochement qu’il sera possible de juger de la bonne ou
mauvaise utilisation de la méthode d’intégration choisie, ainsi que les moyens de
mise en œuvre. Quel est donc l’intérêt au plan économique, juridique, politique et
social pour les Etats de l’Union de procéder à un rapprochement par harmonisation
de leurs droits nationaux pharmaceutiques ? Ainsi, la solidité de la base155 réelle sur
laquelle s’appuie l’Union pour son entreprise d’harmonisation des réglementations
pharmaceutiques telle que prévue dans ses instruments juridiques permettra de mieux
comprendre l’orientation qu’elle a donné à ce processus. Cette base permet
également de mesurer la nécessité de rapprocher par voie d’harmonisation les
réglementations pharmaceutiques. De ce constat, il ressort que les enjeux de
l’harmonisation des réglementations pharmaceutiques constituent une condition
primordiale à sa réussite.
80. Une compréhension commune par les Etats de ces enjeux permettra également de
tracer une trajectoire réaliste et efficace, tout en contribuant à une application par les
Etats des textes communautaires qui en résulteront. Le rôle de chacun des acteurs :
Etats, institutions, entreprises pharmaceutiques, pourrait ainsi être préalablement et
efficacement bien défini. Stéphanie MAHAME et Carine BAXERRES précisaient,
153 BOURDET YVES, « Limites et défis de l’intégration régionale en Afrique de l’Ouest », Asdi (coll.), Septembre 2005, Country Economic Report 2005 : 6, p. 5. 154 OSMAN Filali, « Codification, unification, harmonisation du droit en Europe : un rêve en passe de devenir réalité », in Filali OSMAN (dir.), Vers un code européen de la consommation, Actes et débats de colloque, Lyon, 12 et 13 décembre 1997, Edition Bruylant, p. 14. 155 KIEMDE Paul, « Intégration régionale et harmonisation du droit social en Afrique : problèmes et perspectives », Revue burkinabè de Droit (RBD), Revue semestrielle, n°39-40, n° spécial 20ème anniversaire Thème : intégration régionale et droit, 2001, p. 138.
39
s’agissant du médicament, que « le médicament pharmaceutique industriel… son
caractère à la fois scientifique, thérapeutique, populaire et marchand le place au
centre d’enjeux sanitaires, économiques, politiques et sociaux qui jouent à des
échelles à la fois globales et locales »156.
81. L’harmonisation permet également de répondre au besoin du commerce par des
règles techniques suffisamment complètes et uniformisées relatives à l’innocuité, à
la qualité et à l’efficacité des médicaments 157.
82. Si aujourd’hui le projet de rapprochement des réglementations pharmaceutiques par
la voie de l’harmonisation a requis l’accord des Etats de l’Union, c’est sans doute
parce que ce processus aurait une influence sur les systèmes de santé de chaque Etat.
Ainsi, sur le plan juridique, l’harmonisation devrait pouvoir permettre aux Etats de
disposer de règles juridiques efficaces pour mettre sur le marché des médicaments
sûrs et de bonne qualité, et ainsi lutter contre le marché illicite des médicaments. Sur
le plan économique, une libre circulation des produits pharmaceutiques entre Etats
et des professionnels de santé est également envisageable. C’est dans ce sens que le
comparatiste René DAVID, parlant des pays africains, soulignait que : « On peut,
par une bonne législation et par une réglementation appropriée, effectuer certaines
réformes, contribuer à réaliser certains progrès »158.
83. L’enjeu majeur de la coopération établie dans le domaine pharmaceutique au sein de
l’Union vise à la commercialisation dans la sous-région de médicaments sûrs et de
qualité. Ainsi, des systèmes réglementaires rigoureux vont contribuer à cette lutte.
Aujourd’hui, la lutte contre la prolifération du marché illicite ne peut se faire de façon
isolée par chaque pays. Une lutte collective et une collaboration sont donc
indispensables. L’urgence d’une coopération, d’une intégration juridique des
réglementations pharmaceutiques dans la sous-région est primordiale, compte tenu
du développement du réseau internet dans les Etats de l’Union, conduisant ainsi au
développement de la vente de médicaments sur internet159. La coopération est
indispensable pour une lutte collective internationale contre le marché illicite de
156MAHAME Stéphanie, BAXERRES Carine, « Distribution grossiste du médicament en Afrique : fonctionnement, commerce et automédication. Regards croisés Bénin-Ghana », in BAXERRES Carine et al., L'automédication et ses déterminants, Actes des Rencontres scientifiques Nord/Sud à Cotonou, 2015, p.24, Disponible sur https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01336870 . 157 OMS, « L’harmonisation mondiale et l’ICH », Le médicament essentiel : le point, n°30/2001, p. 9 158 DAVID René, « Observations critiques sur les possibilités et les limites de la législation dans les pays africains », in René DAVID, Le droit comparé, droits d’hier, droits de demain, Paris, Economica, p. 248 159 PISANI Eduardo, « La contrefaçon de médicaments : un enjeu de santé publique », in Défis n°05, 2015, p.21
40
médicaments (Section 2). En outre, il faut tenir compte également du fait que le
développement économique de l’organisation sous-régionale nécessite une prise en
compte de la protection de la santé des citoyens de la zone. L’intégration économique
ne peut occulter le volet santé, donc le volet pharmaceutique (Section 1).
Section 1. La protection de la santé, un instrument de l’intégration économique
84. Le constat a ainsi été fait que la réalisation et la mise en place d’un marché commun,
puis celle du marché intérieur, ne pouvaient s’effectuer sans la prise en compte de la
protection de la santé au niveau communautaire160. Cela, sans oublier que la diversité
des droits est généralement considérée comme une entrave au fonctionnement du
marché161 (§ II). Tout processus d’intégration économique devrait donc prendre en
compte cette protection de la santé (§ I).
§ I. La nécessaire prise en compte de la santé dans le processus d’intégration économique
85. Le développement économique nécessite un développement sanitaire. Un niveau
sanitaire élevé contribuera à l’effectivité du processus d’intégration économique (A).
Au sein de l’UEMOA, l’amélioration des systèmes pharmaceutiques nécessité
également un développement de la production pharmaceutique (B).
A. La santé, un élément clé pour un développement économique
86. Au sein de l’UEMOA, le rapprochement des droits nationaux n’a concerné pendant
longtemps que le domaine économique, avec pour objectif principal la réalisation
d’un marché commun entre les Etats membres162. Aujourd’hui, la logique
économique n’est pas seulement prise en compte, il y a de plus en plus un intérêt à
la prise en compte de certaines valeurs non marchandes telles que la santé163. En
effet, la réglementation du système de santé a une importance pour l’intégration
économique. La recherche d’un développement économique harmonieux nécessite
des gains en santé, donc une amélioration de la santé des populations. En effet, une
coopération des Etats en vue d’une harmonisation des politiques nationales
pharmaceutiques constitue un avantage pour la formation d’un bloc commercial,
160 DUBOUIS Louis, « Soins de santé », Jurisclasseur Europe santé, Fasc. 1996, mise à jour 10/12/2009, p. 9. 161 DELMAS-MARTY Mireille, « Critique de l’intégration normative : l’apport du droit comparé à l’harmonisation des droits », op.cit., p. 43. 162 Article 4, c) du Traité modifié de l’UEMOA de 2003, « … Créer entre les Etats membres un marché commun…) 163 Conf. JOURDAIN-FORTIER Clotilde, Santé et commerce international, CREDIMI, Paris, Editions Jurisclasseur, LexisNexis, 2006, volume 26, pp. 24-30.
41
dans la mesure où cette harmonisation permettra d’avoir des règles ou concepts
équivalents dans les Etats concernés. Ce qui constitue un atout non négligeable.
87. L’Union a elle-même affirmé que le niveau de santé permettait aux populations de
mener une vie socialement acceptable et économiquement productive164. Aussi,
l’OMS affirmait que : « …Une population active en bonne santé est un préalable au
développement économique… »165.
88. Le marché des soins constitue en effet un secteur important de l’activité économique.
La santé demeure un secteur qui permet de dynamiser l’économie. Comme l’affirme
l’économiste Philippe ULMANN, « la santé en tant que composante essentielle du
capital humain, mais aussi en tant que secteur d’activité, engendre de par cette
double dimension des liens complexes et nombreux avec l’économie et donc la
croissance... »166. Une bonne santé conduit donc à plus de productivité. Il est donc
difficile d’entreprendre ou d’innover lorsque la santé est défaillante167. Les Etats
membres de l’Union économique doivent alors s’unir pour s’attaquer aux
défaillances du marché des médicaments.
89. L’UEMOA a en effet entrepris une harmonisation dans tous les domaines pouvant
lui permettre t’atteindre son objectif d’établir une libre circulation des personnes, des
biens et des services168. Rapprocher les législations pharmaceutiques des différents
pays permet d’accroître et de sécuriser les échanges commerciaux dans la sous-
région ouest-africaine. En effet, si des produits de santé sont fabriqués en conformité
avec une norme communautaire dans les huit (8) Etats membres, ces produits
peuvent normalement circuler librement d’un Etat à un autre. La divergence des
législations pourrait donc constituer une entrave aux échanges intra-
communautaires169, dans la mesure où le médicament est un bien marchand qui fait
l’objet d’un commerce national, régional et international. Le professeur Bernard
164 Article 4 du Règlement n°02/2005/cm/UEMOA relatif à l'harmonisation de la réglementation pharmaceutique dans les Etats membres de l'UEMOA. 165 Organisation Mondiale de la Santé « Santé, population et développement », Conseil Exécutif, Quatre-vingt treizième session, Point 22.2 de l’ordre du jour provisoire. EB93/INF.DOC. /6, 17 décembre 1993, p. 1. 166 Philippe ULMANN, « Santé, facteur de croissance économique » in Pierre-Louis BRAS, Gérard DE POUVOURVILLE et Didier TABUTEAU (dir.), Traité d’économie et de gestion de la santé, Editions de santé, décembre 2009, p. 53. 167 Institut National de Santé Publique, « La santé des communautés : perspectives pour la contribution de la santé publique au développement social et au développement des communautés », Québec, Avril 2002, p. 8. Disponible sur : https://www.inspq.qc.ca/pdf/publications/082_SanteCommunautes.pdf 168 ISSA-SAYEGH Joseph, « La production normative de l’UEMOA. Essai d’un bilan et de perspectives », Ohadata, D-03-18, p. 2. 169 LIMPENS Anne, « Harmonisation des législations dans le cadre du Marché commun », Revue internationale de droit comparé, Vol. 19 n°3, Juillet-septembre 1967, p. 621 et svt.
42
BOSSU le rappelle bien en ces termes, parlant de l’Europe sociale, : « La mise en
place d’un marché unique n’est pas réalisable sans un minimum d’harmonisation…
»170. Certains économistes concluent alors qu’il devient rentable d’investir dans la
santé171.
90. L’intégration visée par l’Union étant une intégration économique, la mise en place
d’un marché commun futur reste l’objectif principal. La création d’un tel marché au
sein d’une union économique entraine l’application des règles du marché intérieur172.
Ainsi, ces règles seront appliquées au secteur des produits de santé afin de concilier
un niveau élevé de protection de la santé et la libre circulation des produits
pharmaceutiques tels que les médicaments.
B. Une protection de la santé par un accroissement de la production pharmaceutique
91. Le développement des industries pharmaceutiques apporterait une pierre au
développement économique, à l’amélioration de la santé, voire à la création
d’emplois. Ce développement de l’industrie pharmaceutique contribuera également
à la mise en place d’un accès aux médicaments efficaces pour les populations.
92. Le droit à la santé en tant que prérogative de la personne humaine est inscrit dans la
grande majorité des législations nationales des Etats membres173. L’Etat en tant que
garant de la constitution et des droits fondamentaux a l’obligation de mettre en place
les moyens nécessaires pour assurer l’effectivité de ce droit. Cela implique
également un accès à des médicaments sûrs et de qualité. Mais, cet accès est
aujourd’hui un enjeu pour tous les Etats. Un enjeu qui, dans le contexte de la
mondialisation, ne peut être résolu par un seul Etat ; l’échelle étatique étant trop
réduite pour trouver des réponses adéquates à cette préoccupation internationale174.
170 Bernard BOSSU, « Harmonisation européenne et contrat de travail », in Christophe Jamin, Denis Mazeaud, L’harmonisation du droit des contrats en Europe, Paris, Edition Economica, 2001, p. 99 171 RFI-Priorité santé par Claire HEDON, « Les politiques de santé publique en Afrique de l’Ouest », diffusées le jeudi 24 septembre 2015, Disponible sur : http://www.rfi.fr/emission/20150924-politiques-sante-publique-afrique-ouest?ns_campaign=reseaux_sociaux&ns_source=FB&ns_mchannel=social&ns_linkname=editorial&aef_campaign_ref=partage_aef&aef_campaign_date=2015-09-24. Consulté le 24 septembre 2015. 172 Nathalie DEGROVE-VALDEYRON « Droit européen de la santé », Paris, Editions Lextenso, LGDJ, 2013, p.126. 173 Cf. infra., pp. 281-282, § 812. 174 FORTUIT Patrick, « Monopole pharmaceutique et médicaments falsifiés : économie et santé publique : où se situe le monopole », in Hélène GAUMONT-PRAT (dir.), Contrefaçon, médicaments falsifiés et santé publique, Actes du colloque organisé par le Laboratoire Droit de la santé de l’Université Paris VIII-Paris Lumières au conseil supérieur du Notariat, Paris, 22 novembre 2013, p.36.
43
93. Le droit à des médicaments de qualité nécessite également le développement d’une
production pharmaceutique. Pourtant, l’Afrique de l’Ouest dépend lourdement des
importations pour ses besoins en médicaments. L’importation des produits
pharmaceutiques est donc prédominante dans les huit (8) pays de l’Union175. La
fabrication de médicaments dans les pays de l’Union économique est relativement
faible. Au Bénin, par exemple, la fabrication de génériques est assurée par
Pharmaquick qui exporte ses produits au Burkina Faso, au Mali, Niger, Togo et hors
zone UEMOA, comme au Cameroun et au Tchad176. Au Sénégal, il existe trois (3)
unités de production locale, toutes des filiales de grands groupes internationaux :
Pfizer Afrique de l’Ouest, Sanofi Aventis, Valdafrique177. Pourtant, cela rend la mise
en place d’une sécurité en matière d’approvisionnement difficile pour chaque Etat
de l’union.
94. L’importation de médicaments n’est pas une solution à long terme pour la
concrétisation d’un accès à des médicaments sûrs et efficaces pour les populations.
95. Aussi, l’élaboration d’un droit communautaire pharmaceutique, la mise en place
d’une procédure commune d’autorisation de commercialiser un médicament sont-
elles des moyens pour assurer sa qualité, son innocuité et son efficacité.
96. Cependant, le développement des industries pharmaceutiques dans la sous-région
nécessite le renforcement du contrôle réglementaire. Ce qui implique une
surveillance du marché, qui n’est vraiment réalisable que par plusieurs Etats. Par
l’harmonisation, les Etats membres de l’UEMOA aboutiront à une défragmentation
de leurs marchés et obtiendront ainsi un meilleur environnement économique,
propice aux investissements en vue, par exemple, de l’installation d’une industrie
pharmaceutique.
97. L’industriel qui souhaiterait exporter des produits pharmaceutiques, notamment des
médicaments, serait obligé de supporter des frais de recherches, de développement
et de production supplémentaires pour se conformer à toutes les normes nationales
auxquelles ces produits pharmaceutiques devraient satisfaire. Ainsi, la disparité des
réglementations pharmaceutiques peut freiner l’importation de certains produits
175 Cf. supra., pp. 26-28, § 48-49. 176 Pharmaquick, « Enjeux et défis de la production locale des médicaments génériques de qualité », Assises de l’Assemblée Générale de l’ACAME, Yaoundé, Cameroun, 13 au 15 janvier 2011. 177 Cf. SARR Aboubakrine « Production pharmaceutique en Afrique subsaharienne : Ex : UEMOA. Opportunités et défis : cas du Sénégal », Disponible sur : http://remed.org/wp-content/uploads/2016/10/Production-pharmaceutique-Uemoa-opportunites-defis-SARR.pdf
44
pharmaceutiques vers certains Etats membres. Les pathologies ne connaissant pas de
frontières178, une coopération intergouvernementale dans la mise en œuvre des
politiques nationales de santé pharmaceutique pourrait permettre l’ouverture du
marché pharmaceutique de l’UEMOA à plus de fournisseurs. La technique de
rapprochement par harmonisation constitue sur ce point un avantage lorsqu’elle est
effective et efficace. Un marché pharmaceutique harmonisé, voire unifié par des
règles équivalentes ou uniques, offrirait aux investisseurs et industriels, comme le
dirait le Professeur Sylvain KAHN, « ...la confiance dans l’avenir et la possibilité
de se projeter à moyen, voire à long, terme »179. En effet, la libéralisation des
échanges influence les soins de santé positivement et négativement. Positivement, si
cette libéralisation permet l’introduction de médicaments de qualité dans chaque
Etat. Négativement, si des produits pharmaceutiques de qualité inférieure transitent
d’un Etat à un autre. Ainsi, lorsque les réglementations nationales en matière
d’autorisation de commercialisation d’un médicament sont harmonisées au sein des
huit (8) pays membres de l’union, il pourrait s’en suivre une augmentation des
demandes d’autorisations de mise sur le marché des médicaments. Cela aura pour
corollaire une réduction de l’introduction et de la vente des médicaments sans
autorisation de commercialisation au sein de l’UEMOA et une plus grande
disponibilité de médicaments pour les patients180. Comme le précise Isabelle
MOINE-DUPUIS, « …la continuité des soins dans beaucoup de
traitements…suppose une garantie d’approvisionnement »181. Cette garantie
d’approvisionnement de chaque pays en produits pharmaceutiques peut résulter du
rapprochement des institutions étatiques chargées de la pharmacie et de
l’harmonisation des réglementations du domaine pharmaceutique.
98. Des rapprochements qui conduiront à la mise en place d’un marché pharmaceutique
commun dans la zone de l’UEMOA.
178 TABUTIAUX Agnès, MOINE-DUPUIS Isabelle, « La libre circulation des médicaments : enjeux et limites d’une harmonisation », in Revue générale de droit médicale, n°44, septembre 2012, p. 62. 179 Sylvain KAHN, « Histoire de la construction de l’Europe depuis 1945 », Paris, Presses universitaires de France, 1ère édition, 2011, p. 105. 180 TABUTIAUX Agnès, MOINE-DUPUIS Isabelle, « La libre circulation des médicaments : enjeux et limites d’une harmonisation », op.cit., p. 62. 181 TABUTIAUX Agnès, MOINE-DUPUIS Isabelle, « La libre circulation des médicaments : enjeux et limites d’une harmonisation », op.cit., p. 71.
45
§ II. Création d’un marché pharmaceutique commun
99. Dans le cadre d’une intégration régionale, la mise en place d’une union douanière et
d’une zone de libre-échange constitue des formes simples de cette intégration.
L’objectif de création d’un marché commun constitue de ce fait une forme plus
avancée de l’intégration régionale182. L’objectif des Etats membres de l’UEMOA est
de créer à terme un marché commun dans la zone ouest-africaine183. Le marché
commun vise à créer un espace de production protégé du reste du monde par des
barrières douanières, sans qu’il soit porté atteinte aux traditions nationales de chaque
pays184. Ainsi, la poursuite de l’intégration économique participe également à la mise
en place de ce marché, qui sera d’abord commun, unique, puis intérieur. Le marché
commun a été défini en 1982 par la Cour de Justice des Communautés Européennes
(CJCE). La Cour a estimé que le marché commun « vise à l’élimination de toutes les
entraves aux échanges intracommunautaires en vue de la fusion de marchés
nationaux dans un marché unique réalisant des conditions aussi proches que possible
de celles d’un véritable marché intérieur »185. Une question surgit s’agissant du
domaine de la santé. Peut-on mettre en place un marché commun dans le domaine
pharmaceutique ? En effet, dans le domaine pharmaceutique, l’objectif principal est
de contrôler le système pharmaceutique de chaque Etat pour limiter le passage des
médicaments contrefaits. La création d’un tel marché commun dans le domaine
impose un processus. Il ne pourrait exister de marché commun pharmaceutique si les
règles juridiques régissant ce domaine sont différentes d’un Etat à un autre. Et si
également les Etats n’affichent pas une volonté politique réelle. L’ouverture des
frontières des Etats membres, en vue de constituer un marché commun, implique une
harmonisation des législations pharmaceutiques nationales dès le départ. Mais,
l’harmonisation entreprise par l’Union dans le domaine pharmaceutique pourrait
contribuer à la mise en place d’un tel marché commun pharmaceutique.
100. Cependant, l’harmonisation consistant à rapprocher les réglementations
pharmaceutiques sur la base de principes communs, de concepts, voire des
procédures186, ne peut conduire à elle seule a l’instauration d’un marché commun
182 BOURDET YVES, « Limites et défis de l’intégration régionale en Afrique de l’Ouest », op.cit., p. 12. 183 Article 4, c) du Traité modifié de l’UEMOA 184 Sylvain KAHN, « Histoire de la construction de l’Europe depuis 1945 », op.cit., p. 101. 185 Arrêt de la Cour du 5 mai 1982. Gaston Schul Douane Expéditeur BV contre Inspecteur des droits d'importation et des accises, de Roosendaal. Demande de décision préjudicielle : Gerechtshof 's-Hertogenbosch - Pays-Bas. Taxe sur le chiffre d'affaires à l'importation de marchandises livrées par des particuliers. Affaire 15/81. 186 Cf. infra., pp. 89-97.
46
pharmaceutique. La mise en place d’un tel marché nécessite d’utiliser un moyen
d’intégration juridique beaucoup plus poussé que l’harmonisation, qui permettra
d’adopter des règles non plus équivalentes mais uniques187.
101. Toutefois, la logique de protection de la santé pourrait même contredire l’objectif de
la mise en place d’un marché commun pharmaceutique si l’on tient compte du fait
qu’harmoniser n’est pas libérer les échanges entre les pays membres d’une Union.
Encore faut-il que ce processus d’harmonisation mette en œuvre les moyens
nécessaires à une suppression de tous les obstacles à la commercialisation des
produits de santé, en général, et des médicaments, en particulier, entre les Etats
membres. Le marché du médicament n’est tout de même pas un marché ordinaire188.
C’est un marché sur lequel il est indispensable de concilier la logique économique
avec celle de protection de la santé des populations.
102. Pour ce faire, la réalisation du marché commun prévu par le Traité modifié de
l’UEMOA nécessite d’assurer la libre circulation des biens, des services et des
personnes entre les différents Etats membres. Les règles de libre circulation
conduisent généralement les organisations régionales ou sous-régionales à
harmoniser les législations nationales. Cette harmonisation des législations
nationales est même un préalable à la mise en place d’une telle liberté de circuler189.
Elle permettra une abolition des barrières qui isolent les marchés pharmaceutiques
de chaque Etat190. Ainsi, un marché intérieur se présente comme un espace sans
frontières intérieures au sein de l’union, qui permet une circulation libre des produits
pharmaceutiques.
103. Il faut souligner que le Traité de Dakar a prévu un principe général de libre
circulation des marchandises entre les Etats membres de l’UEMOA. L’analyse de ce
principe général de libre circulation des marchandises permettra de comprendre si
les produits de santé, en particulier, les médicaments, peuvent être soumis à ce
principe (A), ou s’il existe un principe de libre circulation particulier pour les
produits pharmaceutiques (B).
187 Cf. infra., pp. 81-82, § 186. 188 TABUTIAUX Agnès, MOINE-DUPUIS Isabelle, « La libre circulation des médicaments : enjeux et limites d’une harmonisation », op.cit., p. 71 189 DUBOUIS Louis, BLUMANN Claude, « Droit matériel de l’Union européenne », Issy-Les-Moulineaux, Lextenso 7ème éditions, LGDJ, 2015, p. 230. 190 SCHIFF Maurice, WINTERS Alan, « Intégration régionale et développement », Paris, Editons Economica, 2004, p. 22.
47
A. Aperçu du principe général de la libre circulation des marchandises
104. L’UEMOA étant une Union économique, elle a fondé sa logique sur les principes de
« liberté de circulation », liberté de circulation des biens, des personnes, des
services191. Le domaine pharmaceutique est-il soumis à ces libertés ? Le
rapprochement des droits nationaux par l’harmonisation permettra-t-il de concrétiser
la liberté de circulation des professionnels de santé, la liberté de circulation des
produits pharmaceutiques ?
105. La santé est généralement considérée comme un accessoire de l’intégration
économique192. Pourtant, l’intégration économique rime avec la création d’un
marché commun imposant la mise en place de certaines libertés de circulation. Il
s’ensuit alors une nécessité d’explorer le principe de libre circulation des
marchandises dans l’Union (1). Un principe fondé sur l’interdiction d’obstacles
pécuniaires et non pécuniaires (2). Qualifier un produit pharmaceutique de
« médicament » entraine des implications considérables dans le cadre de la libre
circulation des marchandises.
1. Base juridique de la libre circulation
106. La libre circulation des marchandises est une liberté communautaire fondamentale.
C’est le socle du marché commun. L’analyse du régime de cette libre circulation des
marchandises s’impose dans la mesure où cette liberté prend en compte des
considérations de santé publique telle que la commercialisation des médicaments au
sein des Etats membres de l’union.
107. C’est le droit primaire de l’UEMOA qui constitue la base juridique de la libre
circulation au sein de l’Union. L’article 4 c) du Traité modifié de l’UEMOA précise
en effet cet objectif de « créer entre les Etats membres un marché commun basé sur
la libre circulation des personnes, des biens, des services, des capitaux et le droit
d’établissement des personnes exerçant une activité indépendante ou salariée, ainsi
qu’un tarif extérieur commun et une politique commerciale commune ». Dans le
Traité, la libre circulation des marchandises est prévue à la section III consacrée au
marché commun. Ainsi, le paragraphe 2 de cette section, en ses articles 77, 78 et 79,
pose les conditions de mise en œuvre de cette liberté au sein de l’Union. L’article 4
191 Article 4, c) du Traité modifié de l’UEMOA. 192 DEGROVE-VALDEYRON Nathalie, « Droit européen de la santé », op.cit., p. 126.
48
du Traité évoque donc la notion de « libre circulation des biens » et le paragraphe 2
de la section III consacrée au marché commun mentionne la notion de « marchandise
». Le bien équivaut-il à une marchandise ? L’Union ne définit pourtant pas ces deux
notions dans son traité.
108. L’élimination de toutes les entraves au commerce intracommunautaire tels les droits
de douanes, les taxes et les mesures d’effets équivalents participe donc au caractère
fondamental du principe de libre circulation des marchandises. La recherche de ces
grandes libertés au sein de l’Union impose un minimum d’harmonisation des règles
nationales protectrices de la santé193. Ainsi, l’article 76 e) du traité de l’UEMOA
précise même que la réalisation du marché commun nécessite « l’harmonisation et
la reconnaissance mutuelle des normes techniques, ainsi que des procédures
d’homologation et de certification du contrôle de leur observation ».
109. Le traité de Dakar consacre également dans ses articles 91194 et 92195 la liberté de
circuler pour les personnes ressortissantes de l’Union. Cette liberté de circulation
concerne principalement le droit de se déplacer et de séjourner sur le territoire de
l’ensemble des Etats membres et le droit de continuer à résider dans un Etat membre
après y avoir exercé un emploi. Cette liberté a entraîné un mouvement important des
citoyens de l’Union. Aussi, l’égalité de traitement des étudiants dans la
193 DUBOUIS Louis, BLUMANN Claude, Droit matériel de l’Union Européenne, Paris, Editions Lextenso, 6ème édition janvier 2012, p. 187 194 Article 91 du Traité UEMOA : 1) Sous réserve des limitations justifiées par des motifs d'ordre public, de sécurité publique et de santé publique, les ressortissants d'un Etat membre bénéficient sur l'ensemble du territoire de l'Union de la liberté de circulation et de résidence qui implique : - l'abolition entre les ressortissants des Etats membres de toute discrimination fondée sur la nationalité, en ce qui concerne la recherche et l'exercice d'un emploi, à l'exception des emplois dans la Fonction Publique ; - le droit de se déplacer et de séjourner sur le territoire de l'ensemble des Etats membres ; - le droit de continuer à résider dans un Etat membre après y avoir exercé un emploi. 2) Le Conseil, statuant à la majorité des deux tiers (2/3) de ses membres et sur proposition de la Commission, arrête dès l'entrée en vigueur du présent Traité, par voie de règlement ou de directive, les dispositions utiles pour faciliter l'usage effectif des droits prévus au paragraphe 1. 3) Selon la procédure prévue au paragraphe 2, le Conseil adopte des règles : a) précisant le régime applicable aux membres des familles des personnes faisant usage de ces droits ; b) permettant d'assurer aux travailleurs migrants et à leurs ayants droit la continuité de la jouissance des prestations susceptibles de leur être assurées au titre des périodes d'emploi successives sur le territoire de tous les Etats membres ; c) précisant la portée des limitations justifiées par des raisons d'ordre public, de sécurité publique et de santé publique 195 Article 92 du Traité UEMOA : 1) Les ressortissants d'un Etat membre bénéficient du droit d'établissement dans l'ensemble du territoire de l'Union. 2) Sont assimilées aux ressortissants des Etats membres, les sociétés et personnes morales constituées conformément à la législation d'un Etat membre et ayant leur siège statutaire, leur administration centrale ou leur principal établissement à l'intérieur de l'Union. 3) Le droit d'établissement comporte l'accès aux activités non salariées et leur exercice ainsi que la constitution et la gestion d'entreprises, dans les conditions définies par la législation du pays d'établissement pour ses propres ressortissants, sous réserve des limitations justifiées par des raisons d'ordre public, de sécurité publique et de santé publique. 4) Le Conseil, statuant à la majorité des deux tiers (2/3) de ses membres et sur proposition de la Commission, arrête dès l'entrée en vigueur du présent Traité, par voie de règlement ou de directive, les dispositions utiles pour faciliter l'usage effectif du droit d'établissement. 5) L'article 91, paragraphe 3, est applicable, mutatis mutandis.
49
détermination des conditions et des droits d’accès aux institutions publiques
d’enseignement supérieur196 a renforcé le mouvement des jeunes d’un pays à un autre
dans la zone communautaire. Ces personnes qui se déplacent au sein de l’Union sont
amenées à se soigner et à acheter des produits pharmaceutiques dans leurs Etats
d’accueil197.
110. La mise en place de toutes ces libertés va conduire l’Union à interdire certaines
mesures pouvant les entraver.
2. Interdiction d’obstacles pécuniaires et non pécuniaires à la libre circulation
111. Le principe-même de la mise en œuvre de la libre circulation des marchandises est
l’interdiction des obstacles à la mise en œuvre de cette libre circulation. Il ne doit
donc pas exister entre les Etats membres de l’Union une mesure qui entrave ou limite
l’entrée ou la sortie d’une marchandise dans un Etat membre198. L’article 77 du traité
invite donc les Etats membres à éviter de mettre en place dès l’entrée en vigueur du
traité des nouveaux droits de douanes, des taxes d’effets équivalents et toutes
nouvelles restrictions quantitatives. En effet, à la lecture de l’article 76 a), il ressort
que l’Union s’attèlera à l’élimination sur les échanges entre les pays membres de
toutes les entraves, afin de réaliser son objectif de création d’un marché
communautaire.
112. Pour la concrétisation de cette interdiction, l’Union a instauré une suppression des
droits de douanes et taxes d’effets équivalents. Les droits de douanes étant des
charges liées au passage d’une frontière d’un Etat, ils constituent un obstacle à la
mise en place d’une véritable libre circulation des marchandises au sein de l’union
économique. L’élimination des droits de douanes a instauré une union douanière. La
mise en place de cette union douanière au sein de l’UEMOA sera progressive. Ainsi,
en 1996, une libéralisation des échanges intracommunautaires a été mise en place
par un régime transitoire. En janvier 2000, on assiste à l’aboutissement de ce long
196 Directive N°01/2005/CM/UEMOA sur l’égalité de traitement des étudiants ressortissants de l'UEMOA, dans la détermination des conditions et des droits d'accès aux institutions publiques d'enseignement supérieures des Etats membres de l'union. 197 Cf. supra., pp. 47-48. 198 BOUGOUMA Ousmane, « La libre circulation des marchandises en droit communautaire UEMOA et Union européenne : approche comparative sous l’angle commercial » in Elias. T. AYUK, Samuel T. KABORE, S’intégrer pour s’enrichir. Intégration et réduction de la pauvreté, Editions Springer, IDRC, CRDI, juin 2012, p. 15.
50
processus par la mise en place d’un Tarif Extérieur Commun199 (TEC)200. Il est ainsi
créé au sein de l’Union, à travers ce TEC, une préférence communautaire201. Chaque
Etat doit également veiller à ce qu’il n’existe pas des mesures financières (taxes
d’effets équivalents) pouvant faire obstacle à l’effectivité de la libre circulation des
marchandises.
113. Aussi, les mesures d’effets équivalents qui correspondent à des restrictions
quantitatives résultant souvent de difficultés administratives imposées aux
importateurs202 sont interdites. Il faut rechercher la définition de ces mesures d’effets
équivalents dans les arrêts de la Cour de Justice de la Communauté Européenne
(CJCE). En effet, la CJCE va apporter une définition plus synthétique à cette notion
dans l’arrêt Dassonville203 rendu en 1974. Ainsi, selon la Cour, une mesure d’effets
équivalents est « toute réglementation commerciale des Etats membres susceptible
d’entraver directement ou indirectement, actuellement ou potentiellement, le
commerce intracommunautaire »204.
114. Dans son rapport annuel de fonctionnement en 2008, l’UEMOA a listé une série
d’entraves pouvant être considérées comme des taxes d’effets équivalents, des droits
de douanes ou des mesures d’effets équivalents à des restrictions quantitatives205.
115. Rapprocher les législations nationales pour aboutir à un droit communautaire a pour
objectif une libre circulation des biens, des services et des personnes entre les
différents Etats concernés. Le médicament est une marchandise ; mais il n’est pas
une marchandise comme toutes les autres marchandises. Il n’est donc pas soumis,
comme toute marchandise, au principe communautaire de la libre circulation des
marchandises mis en place au sein de l’union sous-régionale. Harmoniser les
législations pharmaceutiques facilitera l’enregistrement et la circulation des produits
199 Le Tarif Extérieur Commun est le tarif qui s’applique aux biens importés depuis des pays extérieur à l’Union économique. Cf. Yves BERTONCINI et al., « Dictionnaire critique de l’Union Européenne », Paris, Editions Armand Colin, 2008, p. 445. 200 UEMOA, « Etude d’impact de l’union douanière de l’UEMOA sur les économies des Etats membres », Projet de rapport final, Mars 2007, p. 2. 201 Yves BERTONCINI et al., « Dictionnaire critique de l’Union Européenne », Paris, Editions Armand Colin, 2008, p. 445. 202 SIBONY Anne-Lise, DEFOSSEZ Alexandre, « Libre circulation des marchandises », RTD eur., 44 (4), oct.-déc. 2008, p. 895. 203 CJCE, 11 juill. 1974, aff.8/74, Rec.837. 204DUBOUIS Louis, BLUMANN Claude, Droit matériel de l’Union européenne, op.cit., p. 322. 205 Ce sont notamment des obstacles techniques et administratifs imposés aux produits communautaires tels que les formalités d’inspection avant embarquement, l’imposition de quantités minimales à` importer, la subordination de l’importation de produits originaires à l’achat de produits nationaux, la rétention de déclarations préalables d’importation.
51
pharmaceutiques dans chaque Etat membre, mais ne garantit pas l’instauration d’une
libre circulation de ces produits dans la zone communautaire. Le degré
d’harmonisation mise en place permettra de se situer par rapport à ce principe de
libre circulation.
116. Au regard de l’analyse du principe général de la libre circulation, il y a lieu de
s’interroger sur l’existence d’un principe spécial de libre circulation pour les produits
pharmaceutiques, compte tenu de l’objectif de protection de la santé et d’instauration
d’une sécurité des systèmes de santé.
B. Un principe de libre circulation particulier pour les médicaments
117. Les médicaments ne sont pas des choses mises hors commerce206. Ils ne peuvent
donc échapper à l’ambition communautaire de la mise en place d’une libre
circulation des marchandises. Cependant, la libre circulation ne s’appliquera aux
médicaments que s’ils sont considérés juridiquement comme des marchandises,
d’une part, et, d’autre part, si les médicaments en cause ont obtenu une autorisation
de commercialisation dans un Etat de l’Union. Encore faut-il que le droit
communautaire ait expressément prévu une telle liberté de commercialisation des
produits pharmaceutiques dans toute l’Union. C’est le principe en général. L’enjeu
réside, d’une part, dans la possibilité d’instaurer une libre circulation des produits
pharmaceutiques dans la zone UEMOA (2), et, d’autre part dans la nécessité de
concilier la libre circulation des médicaments avec la protection de la santé (1).
1. Une libre circulation dans une logique de protection de la santé
118. L’impact du médicament dans la sphère économique dépend de la qualification qui
lui sera attribuée : Est-il une marchandise dans le commerce ? Il est donc primordial
de s’interroger tout d’abord sur la qualification des produits pharmaceutiques en
« marchandises » dans le commerce. La définition de la notion de marchandise
permet de déterminer le champ d’application matérielle du principe de libre
circulation. Cette notion n’a pourtant pas été expressément définie dans le Traité de
Dakar. En se référant au dictionnaire juridique, la marchandise correspond à des
« meubles corporels faisant l’objet d’un contrat commercial. C’est-à-dire une vente,
un transfert, un gage, etc »207. Les meubles corporels sont pourtant considérés par le
206 JOURDAIN-FORTIER Clotilde, Santé et commerce international, CREDIMI, LexisNexis, 2006, volume 26, p. 117 207 CORNU Gérard, « Vocabulaire Juridique », Association Henri Capitant, Paris, Editions presses universitaire de France, 11ème édition, janvier 2016, v. Marchandise, p. 642.
52
même dictionnaire comme « toute chose matérielle qui peut être déplacée »208. En
droit comparé, la CJCE statuant dans le cadre de la libre circulation des marchandises
au sein de l’Union européenne a donné une définition de la notion de marchandise.
Elle la considère comme « tous produits appréciables en argent et susceptible de
former comme tels l’objet de transactions commerciales »209. Parce qu’il est une
marchandise, le médicament devrait en principe pouvoir bénéficier de la libre
circulation des marchandises.
119. Les médicaments sont, certes, des marchandises, mais le principe de la liberté de
circulation ne peut leur être appliqués comme à n’importe quelle marchandise dans
le commerce. Un médicament peut présenter un risque particulier pour la santé des
consommateurs210. Ce risque pour la santé des consommateurs va donc justifier le
contrôle préalable à sa commercialisation. Comme le précise Annie MARTIN,
« c’est sa dangerosité d’abord, qu’il soit contrefait ou pas, qui justifie un régime
particulier du médicament, caractérisé par des préoccupations de santé
publique »211.
120. Sa commercialisation ne sera effective que lorsqu’il sera prouvé que le médicament
contient les qualités nécessaires pour assurer une protection de la santé. C’est dans
cette logique que l’ordre juridique des Etats membres reconnait un monopole sur la
fabrication et la commercialisation des médicaments aux professionnels qualifiés.
L’industriel reçoit un monopole (brevet) pour la fabrication du médicament et le
pharmacien, un monopole pour la « dispensation » du médicament aux patients. Il
est question de « dispensation », non de « vente ». Cela, pour signifier une fois de
plus que la logique commerciale ne doit pas être l’unique motivation pour la vente
de médicaments. La logique sanitaire, donc de protection de la santé, est liée à la
logique commerciale. L’obtention d’une autorisation de commercialisation est donc
une condition sine qua none à la libre circulation des médicaments entre les Etats
membres, mais cela ne garantit pas l’existence d’une liberté de circuler à ces
produits212.
208 CORNU Gérard, « Vocabulaire Juridique », Association Henri Capitant, Paris, Editions presses universitaire de France, 11ème édition, janvier 2016, V. Meuble, p. 657. 209 CJCE, 10 décembre 1968, Commission c. Italie, aff. 7/68, Rec. 617. 210 JOURDAIN-FORTIER Clotilde, Santé et commerce international, CREDIMI, op.cit., p. 119. 211 MARTIN Annie, « Le médicament, une marchandise pas comme les autres » in Isabelle MOINE-DUPUIS, Le médicament et la personne : aspect de droit international, Actes du colloque des 22 e 23 septembre 2005, Dijon, Paris, LexisNexis, Litec, 2007, p. 304. 212 Cf. infra., pp. 188-192, § 515-530.
53
2. Les acquis tendant à la libre circulation des médicaments au sein de l’Union
121. Le droit communautaire a instauré certains principes en ce qui concerne la
commercialisation des médicaments. Toutefois, les exonérations prévues par ces
principes ne permettent pas une libre circulation des médicaments dans la zone
communautaire.
122. Ainsi, le droit communautaire UEMOA prévoit une exonération de TVA sur les
médicaments. Il faut noter que la mise en place d’un marché commun entre les Etats
membres de l’UEMOA nécessite la création de conditions équivalentes à celles d’un
marché intérieur unique. C’est dans ce cadre que, la directive n°02/2009 modifiant
la directive 02/1998 portant harmonisation des législations des États membres en
matière de TVA, en son article 21.2, exonère les médicaments et les produits
pharmaceutiques de la TVA213.
123. C’est dans le même sens qu’est prévue une exonération de droits de douanes pour
les médicaments. En effet, dans la Nomenclature Tarifaire et Statistique (NTS) du
TEC de l’Union, les médicaments sont classés dans la catégorie 0. Le règlement
02/1997/CM/UEMOA portant adoption du tarif extérieur commun (TEC) les
exonère aussi de droits de douanes (DD). Ces exonérations pour les médicaments
sont appréciables, mais ne peuvent à elles seules permettre une libre circulation des
médicaments d’un Etat membre même à un autre. L’harmonisation concrète
permettra de trancher sur l’existence d’une libre circulation des produits
pharmaceutiques dans l’UEMOA. L’Union Européenne fournit un exemple dans le
sens de la libre circulation des médicaments à travers son modèle centralisé
d’AMM 214.
124. Ce principe de libre circulation, étant un enjeu majeur du processus d’harmonisation,
il va conduire à la mise en place d’un contrôle plus rigoureux pour la
213 Article 21.2 de la Directive n°02/2009 : « Sont exonérées de la Taxe sur la Valeur Ajoutée les livraisons de médicaments et produits pharmaceutiques, ainsi que des matériels et produits spécialisés pour les activités médicales, conformément à la Directive n° 06/2002/CM/UEMOA du 19 septembre 2002 portant détermination de la liste commune des médicaments, produits pharmaceutiques, matériels et produits spécialisés pour les activités médicales exonérés de la TVA au sein de l’UEMOA ». 214 Cf. Le système européen de réglementation des médicaments. Une approche cohérente de la réglementation des médicaments dans l’Union européenne, disponible sur : http://www.ema.europa.eu/docs/fr_FR/document_library/Leaflet/2014/08/WC500171674.pdf ; LOGNOUL Michael, L’effectivité de la libre circulation des médicaments dans le marché intérieur de l’Union européenne au vu de la territorialité des droits intellectuels y afférents : étude critique circonscrite au droit de brevet et au régime de protection issu de l’autorisation de mise sur le marché, Mémoire de master de droit, Faculté de droit et de criminologie, Université catholique de Louvain, 2016, 85 p. ; https://www.leem.org/sites/default/files/Reglementation-02.pdf
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commercialisation des médicaments entrant sur le marché communautaire. Ainsi,
l’harmonisation des réglementations internes permettra de s’assurer que les
médicaments mis en circulation au sein de chaque Etat sont de qualités équivalentes.
Ce contrôle rigoureux contribuera ainsi à améliorer l’état de santé des populations.
125. Cette liberté permettra également aux Etats membres de l’UEMOA qui disposent
d’un potentiel en matière de fabrication et de commercialisation des produits
pharmaceutiques d’exporter plus facilement ces produits vers les autres Etats
membres de l’Union qui ont une capacité plus faible de production pharmaceutique.
126. La mise en place d’une telle liberté de circulation nécessite au préalable une
éradication du commerce illicite de médicaments.
Section 2. La lutte contre le marché illicite du médicament : une implication collective indispensable
127. « Les inquiétudes sur la qualité des médicaments sont aussi vieilles que ceux-ci »215.
En effet, dès le quatrième siècle avant Jésus-Christ, il était déjà question des dangers
que font peser sur les populations les médicaments frelatés216. Jusqu’à nos jours, ces
préoccupations sur la qualité des médicaments et la question de la protection de la
santé publique n’ont pas disparu. Ces préoccupations ont même pris une envergure
mondiale, dans la mesure où la grande majorité des pays sont concernés217.
128. Les règles du commerce international, les accords de libre-échange ont entrainé une
prolifération des industries et des produits pharmaceutiques. Cette prolifération
accentue les problèmes liés à la mise à disposition de médicaments de qualité au
profit des populations. Ce problème de qualité des médicaments est plus préoccupant
en Afrique, notamment dans les Etats membres de l’UEMOA (§ I). Il faut donc
mettre en place des stratégies pour protéger la santé dans ces Etats (§ II).
§ I. Un marché illicite persistant dans les pays membres de l’UEMOA
129. Les activités pharmaceutiques illicites ont des impacts non seulement sur la santé des
populations, mais également sur l’économie.218 Une réglementation pharmaceutique
215 OMS, Médicament contrefait, « Guide pour l’élaboration de mesures visant à éliminer les médicaments contrefaits », WHO/EDM/QSM/99.1, Genève, Suisse, 2000, p. 7. 216 Ibid. 217 Des réglementations pharmaceutiques sont élaborées et renforcées par plusieurs pays. De même que les stratégies de lutte contre les médicaments de mauvaise qualité s’intensifient. L’adhésion des Etats de différents continents à la Convention Médicrime s’inscrit dans cette logique. 218 MARITOUX J., « Marché pharmaceutique parallèle, ventes illicites et santé publique », Journal de ReMeD, p. 5, disponible sur : https://remed.org/wp-content/uploads/2016/09/M_I-marche-illicite-ventes-parallele-et-sante-publique-ReMeD-1999.pdf
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insuffisante ou peu efficace peut favoriser l’essor de ce marché illicite. Ainsi,
l’absence de dispositions juridiques interdisant et sanctionnant le commerce illicite
va engendrer un marché plus florissant dans ce domaine, dans la mesure où ceux qui
s’adonnent à ce commerce n'ont pas à craindre des sanctions juridiques. Par ailleurs,
l’absence de législation freine l’arrestation des personnes impliquées, ainsi que la
saisie des produits pharmaceutiques concernés. Le rapprochement des législations
communautaires permettra de renforcer les législations pharmaceutiques des Etats
membres.
130. Pour lutter efficacement contre ce fléau, l’implication politique est nécessaire
notamment celle des décideurs politiques. En effet, l’insuffisance du cadre juridique
du contrôle, de la fabrication et de la commercialisation des médicaments favorise
l’essor de ce commerce illicite. Le marché illicite et la contrefaçon des médicaments
se sont développés de façon inquiétante dans la grande majorité des Etats membres
de l’UEMOA219. Il faut noter qu’en mai 2014, une opération de grande envergure
pour lutter contre le marché illicite des médicaments a été menée au Sénégal. Cette
opération a permis de saisir 3,9 tonnes de médicaments contrefaits et d’arrêter
quarante-deux (42) personnes qui furent condamnées à quinze (15) jours
d’emprisonnement (opération « porc épic » en mai 2014)220. Treize (13) tonnes de
produits pharmaceutiques ont été également saisies à Niamey au Niger. Ces produits
en provenance de l’Inde ont transité par le port du Ghana ; une société de distribution
officiellement agréée servant ainsi de couverture221. Ce qui implique que le
renforcement des réglementations pharmaceutiques, ainsi que leur rapprochement
par des principes communs, doit prendre en compte tout le circuit du médicament,
de la fabrication jusqu’à la dispensation au patient. Il faut, certes, sanctionner ceux
qui vendent les médicaments dans les rues, mais il faut surtout contrôler l’entrée des
médicaments dans les différents pays. En effet, l’existence de ce phénomène ne
favorise pas la mise en place d’une réelle « sécurité sanitaire » dans les pays où ce
marché est proliférant. C’est dans ce cadre que, depuis 1988, l’Assemblée mondiale
219 OUEDRAOGO/OUATTARA Nati Safiatou, « Situation de l’harmonisation de la réglementation pharmaceutique au sein de l’UEMOA », in séminaire sur les politiques pharmaceutiques nationales à l’attention des experts francophones 14 au 18 juin 2010, Genève OMS. 220 Interview Rédigé par Maïmouna Faye - 29 Juillet 2014 modifié le 29 Juillet 2014 – 09 :26, Sénégal : Entretien avec le directeur de la Pharmacie et du Médicament, le Lieutenant-Colonel Amadou Moctar Dièye. Source : http://www.alwihdainfo.com 221 http://www.afrique7.com/societe/18141-saisie-de-13-tonnes-de-medicaments-contrefaits-au-niger.html Consulté le 28/02/2018
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de la santé a adopté une résolution demandant au directeur général de l’OMS
d’instituer des programmes pour prévenir et détecter l’exportation, l’importation et
la contrebande des médicaments contrefaits222.
131. La faiblesse des autorités de réglementation pharmaceutique favorise l’importation,
la fabrication et la distribution de médicaments non conformes qui stimulent l’essor
de ce marché illicite223. En effet, l’absence d’une législation, la faiblesse et l’absence
des autorités nationales de réglementation pharmaceutique, le manque de rigueur
dans l’application de la législation pharmaceutique sont des facteurs favorisant
l’apparition de médicaments contrefaits ou falsifiés224. Pour retrouver des
dispositions juridiques dans la réglementation de chaque Etat, relatives à la lutte
contre ce fléau, il faut se référer au CSP, au Code de déontologie des pharmaciens
des différents pays. Ce sont généralement les dispositions juridiques consacrant le
monopole pharmaceutique ou l’exercice illégal de la pharmacie qui permettent de
situer les sanctions possibles en cas de vente de médicaments par des non
pharmaciens. En Côte d’Ivoire, c’est l’article 11 de la loi n° 2015-533 du 20 juillet
2015 relative à l'exercice de la pharmacie qui consacre le monopole pharmaceutique.
L’article 71 de ladite loi précise les conditions de l’exercice illégal de la
222 OMS, Médicament contrefait, « Guide pour l’élaboration de mesures visant à éliminer les médicaments contrefaits » WHO/EDM/QSM/99.1, Genève, Suisse, 2000, p. 3. 223 Fondation Chirac, « Les faux médicaments-un enjeu pour l’Union Européenne », 7 décembre 2010, Dossier de presse, Journée Européen du développement, Bruxelles, 6 et 7 décembre 2010 p. 11. 224 OMS, Médicament contrefait, op. cit., p. 3.
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pharmacie225. Au Burkina Faso, il faut se référer aux articles 151226, 183227 et 214228
du CSP.
132. La lutte contre la prolifération de ce marché informel est d’autant nécessaire que le
médicament constitue le cœur-même des systèmes pharmaceutiques. Carine
BAXERRES précisait à ce propos que « le médicament, objet de santé, scientifique
et technique, doit être entouré du maximum de précautions et ne peut être vendu hors
des formes imposées par l’Etat… »229. Le contexte ainsi posé, il est désormais
nécessaire d’analyser certains aspects de ce marché illicite du domaine
pharmaceutique.
133. Les notions contrefaçon, faux, falsification sont généralement utilisées pour qualifier
les médicaments vendus hors du circuit licite légal. Il est important de préciser le
sens exact à attribuer à chaque notion afin de mieux cerner les conséquences sur la
santé publique. La clarification de ces notions est nécessaire et importante, car
l’utilisation de l’une ou l’autre notion va dépendre de l’objectif poursuivi par
l’Union : protection de la santé publique ou protection des droits de propriétés
industrielles. Il faut aller du préalable que lutter contre la violation des droits de
propriété industrielle ne garantit pas forcement la lutte contre les « dangers de ces
produits pour la santé publique »230 (A). Une fois cette difficulté terminologique
225 Art. 71.— Le fait de se livrer à des opérations réservées aux pharmaciens, sans remplir les conditions exigées par l'article 13 de la présente loi, constitue un exercice illégal de la pharmacie. Est également considéré comme exerçant illégalement la profession de pharmacien ; — tout pharmacien qui se livre à la pratique de la pharmacie en violation d'une interdiction temporaire ou définitive de la profession de pharmacien ; — tout pharmacien, même muni de diplôme ou titre régulier, qui exécute des actes professionnels sans avoir rempli les conditions de l'article 13 de la présente loi. 226 Article 151. — Exerce illégalement la profession de pharmacien : 1) Toute personne qui, non munie de diplôme d’état de pharmacien ou d’un certificat reconnu et jugé équivalent par le Gouvernement du Burkina Faso, se livre aux activités définies à l’article 220 du présent code ; 2) Toute personne qui se livre à ces mêmes activités sans être de nationalité burkinabè, le tout sans, préjudice des dispositions contenues dans les accords internationaux ou prises en exécution de ces accords ; 3) Tout pharmacien qui exerce la profession de pharmacien sans être inscrit au tableau de l’ordre des pharmaciens institué à l’article 154 du présent code ; 4) Toute personne qui, munie d’un titre régulier, sort des attributions que la loi lui confère, notamment en prêtant son concours aux personnes visées aux paragraphes précédents du présent article, à l’effet de les soustraire aux prescriptions du présent Livre. Les dispositions du présent article ne s’appliquent pas aux étudiants en pharmacie régulièrement inscrits dans une faculté ou aux élèves préparateurs en pharmacie qui, dans le cadre de leur formation professionnelle, sont placés en position de stage auprès d’un pharmacien. 227 Article 183 « Est interdit à toute personne même munie du diplôme de pharmacien tout débit, étalage ou distribution de médicaments sur la voie publique, dans les foires ou marchés ». 228 Article 214 « Sauf dérogation, l’importation de tout médicament au Burkina Faso, sa mise en vente et sa libre circulation ne sont autorisées qu’après son enregistrement à la Nomenclature Nationale des Spécialités Pharmaceutiques et des Médicaments Génériques ». 229 BAXERRES Carine, Du médicament informel au médicament libéralisé. Une anthropologie du médicament pharmaceutique au Bénin, Paris, Editions des archives contemporaines, 2013, p. 52. 230 JOURDAIN-FORTIER Clotilde, MOINE-DUPUIS Isabelle, « La falsification de médicaments ou les promesses de l’aube de la lutte contre le « faux » médicament », in JOURDAIN-FORTIER Clotilde, MOINE-
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clarifiée, un petit aperçu historique du développement de ce marché (B) dans la zone
ouest-africaine permettra de comprendre davantage l’essor de ce marché
aujourd’hui.
A. Clarification entre contrefaçon, faux et falsification des médicaments
134. Les articles de presse, les conférences et les débats publics, évoquent plusieurs
notions pour caractériser les difficultés qui entourent la circulation des
médicaments : contrefaçon des médicaments, faux médicaments, falsification de
médicaments. Comme le précise Carine BAXERRES, anthropologue de la santé,
l’utilisation de ces différentes notions ne permet pas toujours de savoir s’il s’agit de
problèmes juridiques, de problèmes de qualité des produits ou d’intention
frauduleuse.231 Il est donc primordial de clarifier les différences entre ces notions
généralement utilisées : la contrefaçon des médicaments d’une part (1), et, d’autre
part, la falsification de médicaments et la notion de médicaments sous-standards (2).
Comprendre ces différentes notions permettra également d’analyser les solutions
adaptées au fléau en tenant compte de la notion utilisée.
1. Les difficultés liées à la circulation des médicaments : précision sur la notion de contrefaçon
135. L’absence d’une définition commune au niveau international de toutes ces notions
conduit ainsi à repérer une multitude de définitions au niveau national, international
et régional. Certains auteurs, comme l’anthropologue Claudie HAXAIRE, utilisent
le terme de « médicaments des circuits alternatifs (illicites) ou de marché informel »
pour désigner les pratiques de ventes et d’achats de médicaments qui se déroulent
hors du cadre formel imposé par l’Etat ou le système de santé232. Dans les années
1990, dans la grande majorité des pays de l’Afrique de l’Ouest, il était généralement
question de « médicament de la rue, de marché illicite » ou de « commerce illicite ».
Une question surgit à propos de toutes ces notions : qu’est-ce que l’illicite ?
L’illicéité désigne le caractère de ce qui est contraire à un texte ordonnant ou
DUPUIS Isabelle (dir.), La contrefaçon de médicaments : les premiers pas d’une ‘réaction normative internationale, Actes du colloque du 15 juin 2012, Dijon, LexisNexis, Année 2013, Volume 40, p. 172 . 231 BAXERRES Carine, « Les faux médicaments : analyse d’une notion ambiguë à partir d’une étude anthropologique au Bénin » in BADJI Mamadou et DESCLAUX Alice, Nouveaux enjeux éthiques autours du médicament en Afrique. Analyse en anthropologie, droit et santé publique, l’Harmatan-Sénégal, 2015, p. 172. 232 BAXERRES Carine, « Contrefaçon pharmaceutique : la construction sociale d’un problème de santé publique » in Alice DESCLAUX et Marc ERGROT, Anthropologie du médicament au Sud, Paris, l’Harmatan 2015, p. 132.
59
prohibant, selon le dictionnaire juridique233. L’acte illicite s’analyse en une violation
ou une négation du droit et se situe en dehors du droit. L’acte illicite est d’abord
l’acte illégal, c’est-à-dire contraire à une disposition de l’ordre juridique234. Dans le
commerce international, l’illicite nait de la transgression d’une norme. Ainsi,
s’agissant de la vente de médicaments, le commerce est dit illicite lorsque cette vente
ne respecte pas les normes juridiques de production, de conditionnement,
d’importation et de distribution. Il y a là une méconnaissance, d’une part, des normes
juridiques internationales établies par des organisations internationales comme
l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) et, d’autre part, de celles établies par des
organisations régionales ou étatiques.
136. A ce propos, c’est en 1985, lors de la conférence des experts à Nairobie sur l’usage
rationnel des médicaments, que le problème des médicaments contrefaits a été
mentionné au niveau international. Mais, c’est un phénomène qui existait bien avant
dans certains pays. En France, la contrefaçon de pénicilline fut décelée dès 1948235.
Toutefois, il faut souligner que cette notion d’usage rationnel sous-entend celle de
médicaments essentiels236.
137. Parlant de la contrefaçon, il faut y voir un terme juridique qui s’emploie lorsqu’il y
a violation des droits de propriété intellectuelle237. La contrefaçon est une atteinte
portée à un droit de propriété littéraire, artistique et industrielle238. Ainsi, ce n’est
rien d’autre que la reproduction à l’identique de l’objet protégé, de l’objet sous
monopole.239 Elle porte atteinte au brevet qui est un titre conférant au titulaire un
monopole temporaire d’exploitation sur une invention. Cette expression de la
contrefaçon de médicaments pose ainsi le problème de la légalité des médicaments,
233 CORNU Gérard, « Vocabulaire Juridique » Association Henri Capitant, Paris, Editions presses universitaire de France, 9ème édition, août 2011. 234 KAHN Philippe, KESSEDJIAN Catherine, L’illicite dans le commerce international, CREDIMI, Dijon, Litec, Volume 16, 1996, p. 13 et 18 235 KOHLI Evelyne, GUERRIAUD Mathieu, « Médicaments Contrefaits, Médicaments Falsifiés », Cour en ligne, consulté le 02/03/2018 236 MARITOUX Jeanne, BRUNETON Carinne, BOUSCHARAIN Philippe, « Le secteur pharmaceutique dans les Etats africains francophones », in, GRUENAIS Marc-Eric, POURTIER Roland (dir.), La santé en Afrique. Anciens et nouveaux défis, Paris, Edition La documentation française, Afrique contemporaine, Numéro spécial, 3ème trimestriel 2000, Trimestriel n°195 juillet-septembre 2000, p. 223 237 BAXERRES Carine, « Contrefaçon pharmaceutique : la construction sociale d’un problème de santé publique » in Anthropologie du médicament au Sud, op. cit., p. 135 238 CORNU Gérard, « Vocabulaire Juridique » Association Henri Capitant, Paris, Editions presses universitaire de France, 9ème édition, août 2011. 239 Ibid.
60
qui est utilisée dans les cas d’infractions aux droits de la propriété intellectuelle240.
Cette violation résulte en général d’une copie frauduleuse d’un médicament sans
autorisation. Elle ne peut être employée lorsqu’il s’agit d’un médicament générique,
car ce dernier n’est protégé ni par un droit de marque ni par un droit de brevet241.
Selon l’UEMOA, un médicament contrefait est un « produit dont l’identité/et ou
l’origine réelle (s) sont délibérément et frauduleusement mal présentées. Ainsi, les
contrefaçons peuvent affecter aussi bien les produits de marque et les produits
génériques, et peuvent aussi bien correspondre à des produits comprenant des
matières premières correctes ou des mauvaises matières premières, avec ou sans
principes actifs, ou avec une quantité insuffisante en principe actif ou avec un faux
conditionnement »242. Cette définition de la contrefaçon retenue par l’UEMOA
correspond à celle retenue par l’OMS en 1992243.
138. Aujourd’hui, l’OMS a redéfini toutes ces notions. En effet, le 29 mai 2017, lors de
l’Assemblée Général de la santé244, les délégués ont convenu d’utiliser dorénavant
les termes « produits médicaux de qualité inférieure245 ou falsifiés246 (SF) » en lieu
240 BAXERRES Carine « Les faux médicaments : analyse d’une notion ambiguë à partir d’une étude anthropologique au Bénin » in « Nouveaux enjeux éthiques autours du médicament en Afrique », op. cit., p. 170. 241 JOURDAIN-FORTIER Clotilde, MOINE-DUPUIS Isabelle, « La falsification de médicaments ou les promesses de l’aube de la lutte contre le « faux » médicament » in La contrefaçon de médicaments : les premiers pas d’une ‘réaction normative internationale, op.cit., p. 171. 242 Glossaire de la Décision n°09/2010/CM/UEMOA portant adoption du guide de bonnes pratiques de distribution et d’importation des produits pharmaceutiques à usage humain dans les Etats membres de l’UEMOA et de la Décision n°08/2010/CM/UEMOA portant guide de bonnes pratiques de fabrication des médicaments dans les Etats membres de l’UEMOA. 243 Première réunion internationale sur les médicaments contrefaits, un atelier organisé conjointement par l’OMS et la Fédération internationale de l’industrie pharmaceutique (FIMI), s’est tenue à Genève du 1er au 3 avril 1992. Les participants se sont mis d’accord sur la définition suivante : « Un médicament contrefait est un médicament qui est délibérément et frauduleusement muni d’une étiquette n’indiquant pas son identité et/ou sa source véritable. Il peut s’agir d’une spécialité ou d’un produit générique, et parmi les produits contrefaits, il en est qui contiennent les bons ingrédients ou de mauvais ingrédients, ou bien encore pas de principe actif, et il en est d’autres où le principe actif est en quantité insuffisante ou dont le conditionnement a été falsifié », in OMS, Médicament contrefait, Guide pour l’élaboration de mesures visant à éliminer les médicaments contrefaits, WHO/EDM/QSM/99.1, Genève, Suisse, 2000, p. 8. 244 Lors de cette Assemblée, il a été convenu également de la définition de « produits médicaux non enregistrés ou non autorisés ». Ceux-ci n'ont pas été évalués ou approuvés par l'autorité de réglementation nationale ou régionale compétente pour le marché dans lequel ils sont commercialisés, distribués ou utilisés ». 245 Ce sont des produits autorisés par les autorités de réglementation nationale, mais ne répondant pas aux normes de qualité nationale ou internationale, aux spécifications ou ni aux unes ni aux autres. In Centres des médias-OMS-Communiqué de presse, « Démence, vaccination, santé des réfugiés, drogue et médicaments falsifiés en discussion à l'Assemblée mondiale de la santé », Soixantième Assemblée Mondiale de la santé, 29 mai 2017 | GENÈVE, Disponible sur : http://www.who.int/mediacentre/news/releases/2017/dementia-immunization-refuguees/fr/ 246 Les produits médicaux « falsifiés» sont des produits dont l’identité, la composition ou la source est représentée de façon trompeuse, que ce soit délibérément ou frauduleusement, in Centres des médias-OMS-Communiqué de presse, Démence, vaccination, santé des réfugiés, drogue et médicaments falsifiés en discussion à l'Assemblée mondiale de la santé, Soixantième Assemblée Mondiale de la santé, 29 mai 2017 | GENÈVE, Disponible sur : http://www.who.int/mediacentre/news/releases/2017/dementia-immunization-refuguees/fr/
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et place des termes utilisés jusqu’à présent par l’OMS. Ainsi parle-t-on désormais de
« produits médicaux de qualité inférieure / faux / faussement étiquetés / falsifiés /
contrefaits (FFPC) ».247 La notion de sub-standards correspond de ce fait aux
« produits médicaux de qualité inférieure ». Cette clarification dans les définitions
intervient dans un objectif de protection de la santé publique. Ces médicaments
contrefaits ont un impact sur la bonne santé des populations, dans la mesure où la
grande majorité des médicaments contrefaits découverts ont rarement été efficaces
et sont même dangereux et préjudiciables pour la santé publique248. Parlant de la
contrefaçon, en général, Jérémy LACHARTRE249 affirmait que « l’absence
d’harmonisation au niveau législatif est également un frein à la lutte contre ce fléau,
et les trafiquants exploitent allégrement ces faiblesses juridiques »250. En effet, la
question de la contrefaçon se pose avec plus d’acuité dans les régions du monde où
l’application de la réglementation pharmaceutique est peu surveillée251. Cependant,
la contrefaçon de médicaments doit être distinguée de la falsification des
médicaments et des médicaments sous-standards.
2. Les limites terminologiques de la notion de falsification et de médicaments sous-standards
139. Les médicaments falsifiés contiennent soit des principes actifs différents, soit aucun
principe actif ou des principes actifs en quantité insuffisante associés ou non à
d’autres produits toxiques252. Lorsque les exigences de sécurité, de qualité et
d’efficacité qui doivent être garanties par l’Autorisation de Mise sur le Marché
(AMM) ne sont pas respectées, les médicaments sont généralement considérés
comme des « faux ». Lorsque le médicament ne contient pas les propriétés curatives
initialement prévues, il s’agit d’un faux médicament, d’un médicament falsifié.
L’atteinte au droit du brevet n’est donc pas l’élément caractéristique. Ainsi,
247 Centres des médias-OMS-Communiqué de presse, « Démence, vaccination, santé des réfugiés, drogue et médicaments falsifiés en discussion à l'Assemblée mondiale de la santé », Soixantième Assemblée Mondiale de la santé, 29 mai 2017 | GENÈVE, Disponible sur : http://www.who.int/mediacentre/news/releases/2017/dementia-immunization-refuguees/fr/ 248 OMS, Médicament contrefait, op. cit., p. 3. 249 Jérémy LACHARTRE était doctorant au centre de recherches et d’analyses géopolitiques, CRAG, institut de géopolitique, Université Paris-VII, au moment de la rédaction de l’article issue d’un travail d’enquête dans le cadre de son mémoire de Master 2. 250 Jérémy LACHARTRE « La mondialisation de l’économie et la contrefaçon : le cas de l’Union européenne », Herodote n°151, La Découverte, 4ème Trimestre 2013 p. 121. 251 BAXERRES Carine, « Contrefaçon pharmaceutique : la construction sociale d’un problème de santé publique » in Anthropologie du médicament au Sud, op.cit., p. 137 252 OMS, Aide-mémoire n°275, Janvier 2016.
62
contrefaire ; c’est reproduire frauduleusement quelque chose en le copiant ; tandis
que falsifier, c’est altérer volontairement la substance d’un produit dans le but de
tromper. Le médicament falsifié peut être contrefait, mais ne l’est pas forcément253 .
140. En outre, il existe également des médicaments dit « médicaments sous-standards »
qui sont des médicaments qui ne respectent pas les spécifications, les standards, les
normes de qualité, mais qui sont produits par des fabricants agréés officiellement par
une autorité de réglementation pharmaceutique254. Ces fabricants n’ont pas
intentionnellement produit ces médicaments hors normes. C’est ce caractère non
intentionnel qui permet ainsi de distinguer ces types de médicaments d’avec les
médicaments contrefaits et falsifiés qui renferment, eux, un caractère intentionnel de
la personne mise en cause. Les médicaments de qualité inférieure sont constitués par
les médicaments contrefaits ou falsifiés et les médicaments sous-standards. Une
distinction terminologique doit cependant s’opérer entre les médicaments contrefaits
et les médicaments falsifiés. Le médicament falsifié correspond à tout médicament
comportant une fausse présentation de son identité, de sa source, de son histoire et
de sa traçabilité255. Ce n’est donc pas une atteinte aux droits de propriété
intellectuelle qui est en cause.
141. L’enjeu de cette clarification consiste à bien situer la lutte que les Etats membres de
l’UEMOA comptent mener une fois leurs législations harmonisées. L’harmonisation
permettra-t-elle de protéger plutôt les droits de propriété intellectuelle ou les aspects
de santé publique ?256
142. Lorsque le marché du médicament est libéral, permettant ainsi la libre entreprise et
la liberté du marché257, cela facilite l’émergence et l’apparition des médicaments
falsifiés. Les systèmes anglophones fournissent les meilleurs exemples de marchés
pharmaceutiques libéraux258. Au Ghana, par exemple, ce système met les
253 PUGET François-Xavier, « La falsification de médicaments en droit européen : Etude sur le devenir d’une notion émergente », Université de Bourgogne, Mémoire de master 2 protection des Droits fondamentaux et des libertés, 2011/2012, p. 5. 254 KOHLI Evelyne, GUERRIAUD Mathieu, « Médicaments Contrefaits, Médicaments Falsifiés », Cour en ligne, consulté le 02/03/2018 sur campus.u-bourgogne. 255 Ibid. 256 Cf. infra., pp. 42-43, § 91-93 ; supra., p. 197, § 543. 257 Cf. MINARD Philippe, CHAVAGNEUX Christian, « L'économie de marché est-elle libérale ? », L'Économie politique, vol. 37, no. 1, 2008, pp. 5-6. 258 Cf. MAHAME Stéphanie, BAXERRES Carine, « Distribution grossiste du médicament en Afrique : fonctionnement, commerce et automédication. Regards croisés Bénin-Ghana », in BAXERRES Carine al., L’automédication et ses déterminants, Actes des Rencontres scientifiques Nord/Sud à Cotonou, Bénin, 2015, p. 25. « …la législation pharmaceutique des pays francophones prévoit une distribution largement encadrée par
63
importateurs et les distributeurs en concurrence259. Les structures publiques de santé
ghanéennes ont la possibilité de s’approvisionner chez des grossistes privés260. Cette
libéralité du marché conduit ainsi les distributeurs et les importateurs à
s’approvisionner auprès de producteurs asiatiques pour rester compétitifs261, compte
tenu du fait que « le prix des médicaments est dans ce pays laissé à la libre régulation
du marché »262. C’est par ce canal que les pays de l’UEMOA, surtout ceux qui sont
enclavés, seront approvisionnés en produits pharmaceutiques d’origine douteuse.
Dans les pays francophones de l’Afrique de l’Ouest, comme le Burkina Faso, les
structures publiques de santé ne peuvent pas s’approvisionner auprès des grossistes
privés, mais uniquement auprès de la CAMEG263.
143. Encore une fois, il est indispensable que les Etats membres de l’UEMOA renforcent
leurs systèmes de réglementations pharmaceutiques pour une lutte efficace contre la
prolifération des médicaments falsifiés dans leurs systèmes de santé.
144. Sur les marchés illicites de vente de médicaments dans les pays d’Afrique de l’Ouest,
des médicaments contrefaits, des médicaments falsifiés et des médicaments sous-
standards sont généralement retrouvés. Aussi l’UEMOA se situe-elle beaucoup plus
dans une logique de protection de la santé publique et non de défense des droits de
propriété intellectuelle. Même si le terme « contrefaçon » est couramment utilisé
aussi bien au niveau international qu’au niveau national, cela ne traduit pas la réalité
du phénomène, surtout dans la zone de l’Afrique de l’Ouest où ce sont des
l’Etat, la législation des pays anglophone plus libérale, laisse une marge de manœuvre importante aux acteurs investis dans l’importation et la distribution des médicaments… ». 259 NIAUFRE Camille, « Le trafic de faux médicaments en Afrique de l’Ouest : filières d’approvisionnement et réseaux de distribution (Nigeria, Bénin, Togo, Ghana) », Note de l’’Ifri, Mai 2014, p. 16, Consulté le 27 février 2018, Disponible sur : https://www.ifri.org/fr/publications/enotes/notes-de-lifri/trafic-de-faux-medicaments-afrique-de-louest-filieres 260 MAHAME Stéphanie, BAXERRES Carine, « Distribution grossiste du médicament en Afrique : fonctionnement, commerce et automédication. Regards croisés Bénin-Ghana », in L’automédication et ses déterminants, op.cit., p. 28. 261 NIAUFRE Camille, « Le trafic de faux médicaments en Afrique de l’Ouest : filières d’approvisionnement et réseaux de distribution (Nigeria, Bénin, Togo, Ghana) », op.cit., p. 16, 262 MAHAME Stéphanie, BAXERRES Carine, « Distribution grossiste du médicament en Afrique : fonctionnement, commerce et automédication. Regards croisés Bénin-Ghana », in L'automédication et ses déterminants, op.cit., p. 29 263 Article 4 de l’Arrêté 2001/0250/MS/CAB portant réglementation de la Distribution des produits sous monopole pharmaceutique, précise que « les hôpitaux publics s’approvisionnent en Médicaments Essentiels Génériques (MEG) auprès de la CAMEG et des Etablissements pharmaceutiques de distribution et de vente en gros agréées ». Cf. également PODA Baimanai Angelain, La mise sur le marché et la distribution du médicament en Afrique noire francophone. Réflexions à partir des exemples du Burkina Faso et du Sénégal, Paris, l’Harmattan, 2015, pp. 441-452
64
médicaments de qualité inférieure qui sont généralement saisis :
contrefaits/falsifiés/sous-standard.
145. Ainsi, dans un souci de conformité et de compréhension, c’est la notion de
« médicaments de qualité inférieure » qui sera employée dans ce travail, compte tenu
du fait que cette notion regroupe à la fois la contrefaçon de médicaments, la
falsification, ainsi que les médicaments dont la fabrication et le stockage ont pu être
défectueux car ne respectant pas les spécifications et les normes de qualité.
146. Après cette analyse terminologique, l’histoire et le développement du marché dans
le domaine pharmaceutique permettra de mieux comprendre l’essor de ce trafic en
Afrique de l’Ouest.
B. Historique et développement du marché illicite en Afrique de l’Ouest
147. La vente et l’achat de médicament hors du circuit formel se sont développés au cours
des années 80 en Afrique264 suite à la crise économique qui a frappé la grande
majorité des pays en développement265. Ce marché s’est développé pratiquement
dans tous les pays de l’UEMOA, de manière certes différente selon le contexte de
chaque pays. Au Bénin, par exemple, après la faillite de l’officine nationale de
pharmacie en 1980, survient une pénurie de médicaments qui va favoriser le
développement d’un marché parallèle. En Côte d’Ivoire, l’offre de médicaments sur
le marché illicite a d’abord été le fait de trafiquants étrangers. Ensuite, des nationaux
sans ressources, au chômage, ont pris le relais266.
148. Certaines politiques publiques mises en place aux lendemains des indépendances
auront un impact considérable sur les systèmes pharmaceutiques des Etats en Afrique
de l’Ouest, notamment la Conférence d’Alma-Ata et l’initiative de Bamako (1). La
dévaluation du Franc CFA, la monnaie en cours dans les pays de l’UEMOA, va
fortement influencer la distribution du médicament dans ces pays (2).
264 BAXERRES Carine, « Pourquoi un marché informel du médicament dans les pays francophones d'Afrique ? », Politique africaine, 2011/3 (N° 123), p. 117-136. 265HAMEL Vincent, La vente illicite de médicaments dans les pays en développement : analyse de l’émergence d’un itinéraire thérapeutique à part entière, situé en parallèle du recours classique aux structures officielles de santé, Thèse de pharmacie, Université Claude Bernard - Lyon - faculté de pharmacie institut des sciences pharmaceutiques et biologiques, soutenue le 26 novembre 2006, p. 7 266 Cf. MARITOUX J., « Marchés pharmaceutique parallèle, ventes illicites et santé publique », op.cit., pp. 1 et 2 ; MARITOUX Jeanne, BRUNETON Carinne, BOUSCHARAIN Philippe, « Le secteur pharmaceutique dans les Etats africains francophones », in La santé en Afrique. Anciens et nouveaux défis, op.cit., pp. 223-224
65
1. L’impact de la stratégie mise en place par la conférence d’Alma-Ata et l’initiative de Bamako
149. Les pays de l’Afrique francophone accèdent à la souveraineté internationale267 en
1960 pour la grande majorité. Parmi les pays membres de l’UEMOA, la Guinée-
Bissau est le dernier pays à accéder à l’indépendance en 1974.
150. Après les indépendances, les gouvernements post-coloniaux investissent dans des
secteurs dits « prioritaires » comme l’éducation et la santé268. Il s’ensuit une mise en
place de centres de santé et une formation de personnel de santé. Ainsi, la conception
qui prévalait aux lendemains des indépendances en Afrique francophone était celle
de la « santé pour tous » et de la gratuité des soins. Certains pays nouvellement
indépendants avaient pour slogan « la gratuité du service public », donc du service
de santé. En 1978, la conférence d’Alma-Ata définit une politique de soins de santé
primaires (SSP) afin d’aider les pays d’Afrique à se rapprocher de l’objectif fixé par
les gouvernements de ces pays : « la santé pour tous en l’an 2000 »269. Est ainsi
introduit pour la première fois, selon Marie De SOLERE, « le droit et le devoir des
hommes de participer individuellement et collectivement à la planification et à la
mise en œuvre des mesures de protection sanitaire »270. Ainsi, la gratuité des soins
et des médicaments qui prévalait durant la période coloniale n’est pas remise en
cause271.
151. Jusqu’au milieu des années 80, la plupart des centres médicaux publics créés après
les indépendances ont bien fonctionné. Ils étaient bien approvisionnés en
médicaments et en personnel272. Cependant, après ces années 70 et 80, la situation
économique difficile et l’aggravation des conditions sanitaires vont conduire à une
remise en cause de la gratuité des soins273. On assiste également à une mise en œuvre
267 Indépendances des pays vis-à-vis des pays colonisateurs : 1 août 1960 : indépendance du BENIN, 3 août 1960 : indépendance du NIGER, 5 août 1960 : indépendance du BURKINA FASO, 7 août 1960 : indépendance de la COTE D’IVOIRE, 27 avril 1960 : indépendance du TOGO, 20 août 1960 : indépendance du SENEGAL 22 septembre 1960 : indépendance du MALI , 20 septembre 1974 : indépendance de la GUINEE-BISSAU. Disponible sur : http://www.jeuneafrique.com/184772/politique/chronologie-des-ind-pendances-africaines/ 268 www.codesria.org 269 RIDDE Valéry, « L’initiative de Bamako 15 après Un agenda inachevé », Health Nutrition and Population (HNP) Discussion Paper, Octobre 2004, p. 2. 270 De SOLERE Marie, « Accessibilité aux médicaments en Afrique de l'Ouest : problématique de la prise en charge des médicaments périmés dans le secteur pharmaceutique public ». Etude de cas par PSF37 au Bénin. Pharmaceutical sciences, 2012, dumas-00770085, p. 12. 271 BAXERRES Carine, « Du médicament informel au médicament libéralisé. Une anthropologie du médicament pharmaceutique au Bénin », Paris, Editions des archives contemporaines, 2013, p. 24. 272 http://www.codesria.org/spip.php?article68&lang=fr 273 TIZIO Stéphane, FLORI Yves-Antoine, « Initiative de Bamako : santé pour tous ou maladie pour chacun », Revue Tiers Monde, 1997, volume 38, n°152, p. 838.
66
difficile de la stratégie des SSP, qui était pourtant censée améliorer l’offre de soins
en la rapprochant des populations274. Après cette conférence d’Alma-Ata et les
difficultés observées, s’ensuivra une autre initiative : l’Initiative de Bamako (IB). En
effet, dans les pays d’Afrique francophone, il existait une impossibilité matérielle de
promouvoir cette politique de santé gratuite pour tous. C’est ainsi que les
gouvernements locaux et certaines organisations internationales telles que l’OMS
vont proposer la création d’un marché de la santé en exigeant une participation des
usagers aux soins qu’ils reçoivent275. Cette forme de marché est ainsi adoptée par les
ministres africains de la santé, en 1987, à Bamako, lors du 37ème comité régional de
l’OMS pour l’Afrique276 ; l’initiative dite de « Bamako »277. Cette initiative appelle
à une responsabilité financière de l’usager du système de santé. Une réforme qui
institue une tarification des soins de santé dans le secteur public. La participation
financière des usagers du service public de santé implique également une vente des
médicaments278. Le principe de gratuité des soins, maintenu par la Conférence
d’Alma-Ata, est remis en cause. Les patients doivent prendre en charge une partie de
leurs dépenses de santé279. Il était même prévu que le surplus de la vente des
médicaments de l’IB devrait permettre de financer les soins maternels et infantiles280,
dans la mesure où le principe directeur de cette initiative était l’amélioration de la
qualité des services et l’accès aux soins.
274 BAXERRES Carine, « Accès aux médicaments en Afrique de l’Ouest », in Isabelle MOINE-DUPUIS (dir.), le médicament et la personne : aspect de droit international, CREDIMI, Paris, LexisNexis, 2007, p. 270. 275 TIZIO Stéphane, FLORI Yves-Antoine, « Initiative de Bamako : santé pour tous ou maladie pour chacun », op.cit., p. 838. 276 SAOUADOGO Hamado, Etude des risques de santé liés à l’utilisation des médicaments vendus sur le marché informel à Ouagadougou (Burkina Faso), Thèse de pharmacie, Université de Ouagadougou, Unité de Formation et de Recherches des sciences de la santé, juillet 2003, p. 43. 277 Cf. Initiative de Bamako, Ouagadougou, Octobre 1998, Burkina Faso, p. 2 et svt « ...C’est un concept de l’accès universel aux soins de santé primaires grâce à la mobilisation des ressources humaines et matérielles des communautés… ». L’accent est mis sur le développement de réseaux d’agents de santé villageois, sans renforcement complémentaire des services de référence, et l’insistance à vouloir offrir des prestations de santé gratuites, s’est soldé dans bien des cas par une dégradation progressive des services de santé… ». Elle prévoyait également la mise en place d’un réseau de distribution et de vente de médicaments essentiels de base. 278 Les explications de Valery RIDDE : « Techniquement, l’IB peut se traduire par le processus suivant. Au départ, un stock de médicaments essentiels génériques est offert gratuitement par les bailleurs de fonds au comité de gestion (issu de la population) du dispensaire. Ces médicaments doivent ensuite être vendus aux usagers avec une marge bénéficiaire. Cette marge, ajoutée aux paiements effectués par les usagers pour les consultations, permet de racheter le stock initial de médicaments et d’améliorer l’accès aux soins et la qualité des services (primes au personnel, réfections des bâtiments...). Cf RIDDE Valéry, « L’initiative de Bamako 15 ans après. Un agenda inachevé » Health, Nutrition and Population (HNP) Discussion Paper, Octobre 2004 p. 6. 279 BAXERRES Carine, « Du médicament informel au médicament libéralisé. Une anthropologie du médicament pharmaceutique au Bénin », op.cit., p. 25. 280 RIDDE Valéry, « L’initiative de Bamako 15 après Un agenda inachevé », op.cit., p. 5.
67
152. Cette initiative avait également pour idée de créer des projets indépendants de vente
de médicaments au détail dont les bénéfices contribueront à financer les soins de
santé primaires281.
153. Comme le soulignent Stéphane TIZIO et Yves-Antoine FLORI, « le paiement par
les usagers développera l’apparition d’intérêts économiques quant à
l’approvisionnement en médicaments : la demande des postes de santé, qui devient
solvable, va attirer les laboratoires pharmaceutiques qui préféreront alors
substituer à la vente de médicaments génériques des molécules plus
onéreuses… »282. Ainsi, la vente des médicaments hors des circuits officiels qui
avaient vu le jour va se développer. Compte tenu de l’exigence d’une participation
financière aux soins de santé, les patients cherchent à acquérir des médicaments à
moindre coût.
154. « L’initiative de Bamako » viendra ainsi stimuler le développement de ce marché
illicite en imposant aux individus de payer eux-mêmes leurs frais de santé et leurs
médicaments283. Un développement qui se verra accentué avec la dévaluation du
Franc CFA, la monnaie commune aux Etats membres de l’UEMOA.
2. L’impact de la dévaluation du F CFA
155. La dévaluation du Franc CFA en janvier 1994284, qui a concerné 14 pays d’Afrique
subsaharienne285 dont les 8 pays de l’UEMOA, a contribué à l’émergence de ce
marché. Cette dévaluation a entrainé une pénurie de médicaments de plusieurs mois
dans les pays concernés286. Le prix des médicaments importés avait ainsi doublé
malgré un faible pouvoir d’achat des populations. Le prix des médicaments va ainsi
augmenter, voire doubler dans la grande majorité des pays de l’Afrique de l’Ouest.
281 BRUNET-JAILLY Joseph, « La politique publique en matière de santé dans les faits en Afrique de l’Ouest francophone », in GRUENAIS Marc-Eric, POURTIER Roland (dir.), La santé en Afrique. Anciens et nouveaux défis, Paris, Edition La documentation française, Afrique contemporaine, Numéro spécial, 3ème trimestriel 2000, Trimestriel n°195 juillet-septembre 2000, p. 198. 282 TIZIO Stéphane, FLORI Yves-Antoine, « Initiative de Bamako : santé pour tous ou maladie pour chacun », op.cit., p. 842. 283 BAXERRES Carine, « Pourquoi un marché informel du médicament dans les pays francophones d'Afrique ? », Politique africaine 2011/3 (N° 123), p. 128. 284 En janvier 1994, le f cfa fut dévalué de 50 %. Sa parité avec le FF est passée de 50 fcfa pour 1 FF à 100 fcfa pour 1 FF. 285 Les 14 pays de la zone franc concernés par cette dévaluation étaient : le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, la Guinée-Bissau, le Mali, le Niger, le Sénégal et le Togo pour les Etats d’Afrique de l’Ouest. Les Etats d’Afrique centrale sont le Cameroun, la République du Congo, le Gabon, la Guinée Equatoriale et le Tchad. 286 BAXERRES Carine, « Pourquoi un marché informel du médicament dans les pays francophones d'Afrique ? », op.cit., p. 128 ; cf. également, MARITOUX Jeanne, BRUNETON Carinne, BOUSCHARAIN Philippe, « Le secteur pharmaceutique dans les Etats africains francophones », in La santé en Afrique. Anciens et nouveaux défis, op.cit., p. 219.
68
Cela provoque un retard de paiement pour les centrales d’achats et de nombreuses
ruptures de stocks. La disponibilité des médicaments dans les centres de santé n’est
plus possible. Ce qui va entrainer une ouverture pour la vente de médicaments à
faible coût et surtout de qualité douteuse. La fraude va ainsi prospérer.
156. L’accès aux médicaments en Afrique de l’Ouest a été problématique suite à cette
dévaluation monétaire qui a frappé les pays de cette zone d’Afrique. Il sera ainsi
constaté un déséquilibre du secteur pharmaceutique287. L’ambition de
rapprochement par harmonisation du droit pharmaceutique des Etats de l’Afrique de
l’Ouest aurait donc des origines lointaines. Ce lien possible entre dévaluation du
Franc CFA, développement du marché illicite de médicaments pharmaceutiques, et,
aujourd’hui, la construction d’instruments juridiques harmonisés au niveau régional
afin de pallier les difficultés dans le domaine s’explique alors. « La dévaluation
monétaire à servie de révélateur aux déficiences des systèmes pharmaceutiques et
montré la nécessité de renforcer la coopération régionale »288. Les reformes dans le
domaine pharmaceutique doivent se faire par tous les Etats. Une prise de conscience
indéniable ; malgré la particularité des pays289, des stratégies communes aussi bien
économiques, juridiques que politiques sont indispensables.
157. La vente de médicaments illicites est un phénomène de santé publique qui menace
la vie des patients, et contribue à l’augmentation de la résistance à certaines maladies.
En effet, l’utilisation d’un médicament peut exposer à des dangers éventuels plus ou
moins prévisibles290. Aussi les médicaments achetés sur ces marchés peuvent-ils
entraîner un échec thérapeutique et contribuer à une augmentation des résistances291 ;
Ce qui sera à l’origine d’une aggravation de l’état de santé de la personne. La
protection de la santé étant une mission régalienne de l’Etat, ce dernier doit trouver
les moyens nécessaires à éradiquer ce phénomène afin de mieux protéger la santé
des populations. Ce phénomène mobilise plusieurs organisations dans la sous-région
ouest-africaine. En effet, depuis l’appel de Cotonou lancé le 12 octobre 2009 contre
287 MARITOUX Jeanne, BRUNETON Carinne, BOUSCHARAIN Philippe, « Le secteur pharmaceutique dans les Etats africains francophones », in GRUENAIS Marc-Eric, POURTIER Roland (dir.), La santé en Afrique. Anciens et nouveaux défis, Paris, Edition La documentation française, Afrique contemporaine, Numéro spécial, 3ème trimestriel 2000, Trimestriel n°195 juillet-septembre 2000, p. 210. 288 Ibid. 289 Enclavement du Burkina Faso, du Mali, du Niger. 290 SAOUADOGO Hamado, Etude des risques de sante lies à l’utilisation des médicaments vendus sur le marché informel à Ouagadougou (Burkina Faso), Thèse de pharmacie, l’Université de Ouagadougou, juillet 2003, p. 53. 291 OMS, Aide-Mémoire n°275, Mai 2012, disponible sur : http://www.who.int/mediacentre/factsheets/fs275/fr/
69
les faux médicaments par l’ancien président français Jacques CHIRAC, une action
conjointe contre ce trafic est menée en Afrique de l’Ouest.
158. Compte tenu des difficultés en termes d’accès aux médicaments,
d’approvisionnement, vécues par les Etats francophones d’Afrique, les Ministres de
la santé de cette zone, avec le soutien des pays associés, mettent en place des
concertations en vue de la coordination des politiques pharmaceutiques. Pour Jeanne
MARITOUX et al., cela est un « ...prélude à une intégration progressive des
réglementations et des marchés qui permettra un meilleur contrôle de la qualité des
médicaments, une politique homogène d’enregistrement et d’inspection, la
possibilité de créer un marché sous-régional plus propice à la baisse des coûts
d’approvisionnement et à l’émergence d’industries locales… »292. Cette intégration
et cette coopération régionale s’appuient sur les espaces économiques de l’UEMOA
et de la CEDEAO, avant que ne puisse s’organiser une structure de type Agence
régionale du médicament293.
159. La dévaluation du Franc CFA a été donc le début d’une prise de conscience des Etats
de l’UEMOA de la nécessité d’instaurer une coordination dans le domaine
pharmaceutique294. Une coordination indispensable pour l’instauration d’une
sécurité sanitaire.
§ II. Un marché illicite impliquant des stratégies de protection de la santé
160. Le médicament est un élément important de l’amélioration de la qualité de vie. Son
importance nécessite que sa commercialisation soit réglementée, afin de lutter contre
la vente illicite. L’essor de cette vente illicite de médicaments (B), impose la mise
en œuvre de stratégies juridiques pour protéger la santé, afin d’instaurer une sécurité
sanitaire dans la zone communautaire (A).
A. Le droit d’être protégé contre la vente illicite de médicaments : un aspect particulier de sécurité sanitaire
161. La sécurité sanitaire, c’est une nouvelle « exigence de sécurité ». Elle est
généralement définie comme la sécurité des personnes contre les risques
292 MARITOUX Jeanne, BRUNETON Carinne, BOUSCHARAIN Philippe, « Le secteur pharmaceutique dans les Etats africains francophones », in GRUENAIS Marc-Eric, POURTIER Roland (dir.), La santé en Afrique. Anciens et nouveaux défis, Paris, Edition La documentation française, Afrique contemporaine, Numéro spécial, 3ème trimestriel 2000, Trimestriel n°195 juillet-septembre 2000, p. 219. 293 Ibid. 294 MARITOUX Jeanne, BRUNETON Carinne, BOUSCHARAIN Philippe, « Le secteur pharmaceutique dans les Etats africains francophones », in La santé en Afrique. Anciens et nouveaux défis, op.cit., p. 227.
70
thérapeutiques de toute nature risques liés aux choix thérapeutiques, aux actes de
prévention, de diagnostic ou de soins, à l’usage de biens et produits de santé, comme
aux interventions et décisions des autorités sanitaires et des autorités
réglementaires295. C’est sans doute également « un ensemble de règles portant sur
des produits de santé, favorisant la sécurité des utilisateurs de ces produits, et dont le
but est de prévenir l’apparition de certains dangers susceptibles d’affecter la santé de
la population »296. En somme, il faut assurer la sécurité, protéger l’individu contre
tous les risques pour sa santé.
162. La mise en place de cette sécurité nécessite un circuit efficace pour le médicament297
afin de pouvoir éliminer les contrefaçons de médicaments. En outre, la sécurité
sanitaire implique une sécurité du système de santé. Cette sécurité du système de
santé impose également une sécurité des produits de santé. Enfin, cette sécurité des
produits de santé est primordiale dans la grande majorité des Etats de l’Afrique de
l’Ouest, compte tenu de la prolifération du commerce illicite de médicaments. Il ne
peut exister un système de santé efficace pour les populations que si des produits de
santé de qualité sont mis à leur disposition. L’objectif de protection de la santé
impose alors des produits pharmaceutiques de santé de qualité, sûrs et efficaces.
163. Le droit à la sécurité implique ainsi le droit d’être protégé contre la vente de produits
comportant un risque pour la santé ou pour la vie298. De ce point de vue, le droit
comme une prérogative reconnue à tous, individuellement ou collectivement299,
impose à l’Etat de mettre en place des mesures et des moyens de protection tendant
à prévenir la survenue de ces risques.
164. Afin d’assurer une telle sécurité des systèmes de santé, notamment une assurance
pour les patients dans l’utilisation des produits de santé, il est nécessaire de lutter
contre cette prolifération des médicaments vendus dans les rues des Etats membres
de l’union sous-régionale. En effet, le commerce illicite des médicaments, la
contrefaçon et l’existence de médicaments de moindre qualité entravent la mise en
295 TABUTEAU Didier, la sécurité sanitaire, éditions Berger-Levrault, mai 1994, Paris, p. 11. 296 MORVAN Sylvie, les flux transfrontières de produits biologiques d’origine humaine : un aspect nouveau du droit du commerce international, Editions les études hospitalières, Bordeaux, 2002, p. 197. 297 Médicaments et sécurité sanitaire, la politique du médicament, disponible sur www.vie-publique.fr, mise à jour le 11/02/2011, consulté le 11/09/2012. 298 KOUKPO Sainhounde Rachel, Le droit des produits de santé en Afrique de l’Ouest : le cas du Bénin et du Sénégal, Université Montesquieu-Bordeaux IV, Université Cheick Anta Diop de Dakar, Thèse de droit, Juin 2012, p. 331. 299 CORNU Gérard « Vocabulaire Juridique » Association Henri Capitant, Paris, Editions presses universitaire de France, 9ème édition, août 2011.
71
place de systèmes de santé efficaces dans les pays membres de l’Union.
L’harmonisation des législations pharmaceutiques au niveau régional a donc pour
objectif d’apporter une réponse coordonnée et unie à ce problème qui dépasse les
cadres nationaux. Dès le préambule du règlement 02/2005 relatif à l’harmonisation
des réglementations pharmaceutiques dans les Etats de l’UEMOA, l’Union affirme
reconnaître « la menace que font peser sur la santé des populations des pays membres
de l’UEMOA la vente illicite des médicaments et les médicaments contrefaits »300.
Ainsi, de par sa problématique transfrontière, il est nécessaire de placer la lutte contre
ce marché illicite dans un cadre régional harmonisé. Dans ce sens, au Burkina Faso,
la DCARP a développé un système pour l’authentification par SMS des
médicaments : M-Trace, qui est une plateforme web et mobile servant à cette
identification301.
165. Les populations se déplacent et commercent entre elles. Le médicament étant une
marchandise, il peut faire l’objet de ce commerce régional entre les pays membres
de l’Union. L’UEMOA a institué une libre circulation des personnes et des
marchandises302. Ces libertés de circulation font naître un commerce clandestin de
médicaments. En effet, il arrive parfois que des citoyens voyagent d’un pays à un
autre, emportant dans leurs bagages des produits pharmaceutiques, surtout des
médicaments. Ces médicaments ainsi transportés d’un Etat membre à un autre sans
contrôle participent à l’essor des médicaments commercialisés sans autorisation dans
l’Union. La commercialisation d’un médicament à usage humain fait l’objet d’un
encadrement juridique très spécifique, certes, mais il ne faut pas perdre de vue que
les frontières des Etats membres sont parfois poreuses. C’est dans ce sens que Dr
Marc EGROT disait qu’il arrive souvent de retrouver sur le marché informel des
médicaments vendus dans un pays autre que celui qui a octroyé l’autorisation de
commercialisation303. Un médicament ayant une AMM de l’Etat sénégalais peut se
retrouver sur le marché informel de l’Etat béninois304. Il existe en réalité un problème
300 Préambule du règlement n°02/2005/cm/UEMOA relatif à l'harmonisation de la règlementation pharmaceutique dans les Etats membres de l'UEMOA. 301 Il existe sur la boîte d’un médicament acheté en pharmacie, une surface à gratter contenant un code PIN. Ce code PIN doit être envoyé par SMS au 3333 pour permettre l’authentification du médicament acheté en pharmacie. 302 Cf. supra., pp. 47-54, § 104-126. 303 Claire HEDON, RFI-émission : Priorité santé, « Anthropologie du médicament », 17 août 2015, disponible sur : http://www.rfi.fr/emission/20150817-anthropologie-medicament 304 Carine BAXERRES, dans ses recherches doctorales a étudié le marché informel du Bénin a pu constater qu’une partie des médicaments distribués sur ce marché provient des circuits formels du Bénin et des pays voisins francophones (Togo, Burkina Faso, Niger) in BAXERRES Carine, « Contrefaçon pharmaceutique : la construction
72
en matière d’approvisionnement pharmaceutique dans l’Union, dans la mesure où
les mêmes médicaments n’ont pas une autorisation de commercialisation de tous les
pays de l’Union305. Cela pose juridiquement la question de l’urgence pour l’UEMOA
de rapprocher les législations pharmaceutiques de ses Etats membres. La proximité
de ces législations qui auront des principes communs, comme en matière de
protection de la santé, imposera à chaque Etat un minimum de contrôle qualité des
médicaments qui reçoivent une AMM sur son territoire. C’est dire donc que la
circulation des médicaments sur ces marchés illicites est une préoccupation
communautaire.
166. L’harmonisation du droit pharmaceutique permettrait également une protection
sanitaire globale de la sous-région. Si tous les Etats adoptent des règles et principes
communs en matière d’Autorisation de Mise sur le Marché (AMM) des médicaments
à usage humain, de distribution des médicaments, de fabrication, et de
pharmacovigilance, la zone pharmaceutique sera mieux réglementée et plus efficace
et, par conséquent il s’ensuivra une amélioration de la santé des citoyens. A ce
propos, Gérard MEMETEAU précisait que « la maladie passe la frontière avec son
porteur, homme ou animal, aussi aisément que les nuages toxiques ont survolé
plaines et montagnes… »306. Les maladies n’ayant pas de frontières, la lutte contre
les médicaments de qualité inférieure ne peut être que collective. Cette prise de
conscience d’une lutte coordonnée n’a pas empêché, malgré tout, la progression du
trafic dans le domaine pharmaceutique.
B. Une protection nécessaire compte tenu de la progression du trafic
167. Aujourd’hui, le marché illicite de médicaments existe encore et s’est même
développé. Dans les pays membres de l’UEMOA, ce trafic prospère, compte tenu de
l’introduction de plus en plus grandissante des médicaments provenant d’Asie
(Chine, Inde)307. En effet, la vente de médicaments sur un marché ouvert et non
réglementé facilite le développement du commerce illicite des médicaments. Au
Mali, l’étude réalisé en 2008 sur le marché et la vente illicite des médicaments dans
sociale d’un problème de santé publique », in Alice DECLAUX, Marc ERGROT, Anthropologie du médicament au Sud, Paris, l’Harmatan 2015, p. 133. 305 Cf. infra., pp. 190-192, § 524-530. 306 MEMETEAU Gérard, « L’unification du droit médical en Europe ? », RGDM, n°07/2008, p. 114 307 LALEIX Gaëlle, « Faux médicaments en Afrique : la lutte s’organise mais la tâche reste immense », 13 mars 2018, Disponible sur http://www.rfi.fr/afrique/20180313-trafic-faux-medicaments-afrique-lutte-medicrime-omd-benin
73
les Etats membres de la CEDEAO et en Mauritanie a montré un essor croissant de
ce marché. La proportion de ce marché est estimée à 15% du marché pharmaceutique
légal308. Par ailleurs, les pratiques de ce commerce illicite ont évolué. Au Burkina
Faso, il n’est pas rare de voir des vendeurs ambulants de médicaments (en grande
partie des médicaments chinois) faire du démarchage dans les domiciles familiaux
et dans les lieux de services afin d’inciter les citoyens à acheter des produits contre
certains maux309. En outre, en milieu rural, les centres de santé ne sont pas facilement
accessibles par les populations du fait de la distance qui les sépare. Pourtant, ces
structures sanitaires disposent généralement d’un dépôt pharmaceutique. Ces
vendeurs de médicaments illicites exploitent les failles du système et s’érigent en
marchands ambulants allant de village en village pour vendre ces médicaments non
conformes et potentiellement dangereux pour les malades310. On assiste ainsi à
l’essor de l’exercice illégal de la profession de « délégués médicaux ».
168. « Ce phénomène est tentaculaire. Il impacte l’économie légale, menace la santé des
populations, la réputation des laboratoires et la crédibilité du système de santé dans
sa globalité »311. Des médicaments dissimulés dans des camions de fruits, par
exemple, ont été saisis au Bénin312.
169. Si ce marché illicite des produits pharmaceutiques continue de se développer dans
ces Etats, c’est parce que l’on note une certaine « confiance » des patients en ces
produits, mais également la réticence à se rendre parfois dans les centres de santé.
Cela, sans occulter le fait que le prix des médicaments est aussi un argument des
patients qui se ravitaillent dans ces marchés313. Carine BAXERRES, dans sa thèse
de sociologie sociale, a pu ainsi noter que « l’argument économique (les
médicaments vendus en pharmacie sont trop chers, les gens n’ont pas les moyens de
308 LOCHER François, « Etude sur les outils juridiques à la disposition des ordres de pharmaciens dans la lutte contre les médicaments falsifiés (Bénin, Burkina Faso, Guinée, Mali) » PUPH, Université Lyon1 (ISPB-Faculté de Pharmacie) et Hospices Civils de Lyon, Juillet 2015, p. 11 309 Constat que nous avons fait dans certaines villes du Burkina Faso : Ouagadougou, Bobo-Dioulasso, Dédougou, etc. 310 Le même constat a été fait par l’Anthropologue Carine BAXERRES. Cf. BAXERRES Carine, « Accès aux médicaments en Afrique de l’Ouest » in Isabelle MOINE-DUPUIS (dir.), Le médicament et la personne : aspect de droit international, CREDIMI, LexisNexis, Paris, p. 273. 311 Diane de LAUBADERE, « Introduction », in Défis n°5, 2015, p. 5 312 Jeune Afrique avec AFP, « Une vaste opération policière permet la saisie de 420 tonnes de médicaments de contrebande en Afrique de l’Ouest », 25 août 2017 à 17h11 — Mis à jour le 25 août 2017 à 20h36, Consulté le 28 février 2018. 313 NIAUFRE Camille, « Le trafic de faux médicaments en Afrique de l’Ouest : filières d’approvisionnement et réseaux de distribution (Nigeria, Bénin, Togo, Ghana) », Note de l’’Ifri, Mai 2014, p. 18, Disponible sur : https://www.ifri.org/fr/publications/enotes/notes-de-lifri/trafic-de-faux-medicaments-afrique-de-louest-filieres
74
les acheter) est le plus consensuel. Toutes les catégories d’acteurs (familles,
vendeurs informels, professionnels de la santé, acteurs institutionnels) l’avancent au
premier chef »314. Pourtant, le constat sur le terrain permet de relativiser cet argument
fondé sur le prix.
170. L’ancien directeur du centre national hospitalier universitaire de Cotonou, Idrissou
ABDOULAYE, parlant de ce marché informel précisait que « nos pays sont la cible
privilégiée du commerce informel de médicaments : les frontières sont poreuses, les
Etats ne sont pas préparés à la mondialisation, l'assurance maladie est quasi-
inexistante et deux personnes sur trois vivent sous le seuil de pauvreté. Le terreau
est là pour la prolifération du commerce de la honte ! »315. Certains pays côtiers
d’Afrique de l’Ouest tels que le Bénin, le Togo, le Nigeria, le Ghana316 constituent
des portes d’entrée, mais également des lieux stratégiques de commercialisation de
ces produits317. Ces pays permettent ainsi de ravitailler les autres pays de la sous-
région enclavés en divers produits : alimentaires, logistiques, pharmaceutiques, etc.
En Afrique subsaharienne, on trouve généralement sur ces marchés des produits
imitant des vaccins, des antibiotiques, des antidiabétiques, des analgésiques, etc.
C’est surtout certaines maladies infectieuses présentes dans les pays membres de
l’UEMOA qui sont la proie privilégiée : il s’agit du paludisme, du VIH, de la
Tuberculose, etc318. L’ancien président Français Jacques CHIRAC précisait à ce
propos : « …. L'économie criminelle des faux médicaments me révolte... Parce
qu'elle concerne les médicaments les plus indispensables à la santé individuelle et
collective : ceux qui soignent le paludisme, la tuberculose, le SIDA … »319.
171. Aujourd’hui, l’essor de « l’automédication en Afrique » contribue également au
développement du marché illicite de médicaments. L’acquisition de médicaments
hors prescription médicale par la vente directe dans les pharmacies est de plus en
314 BAXERRES Carine, Du médicament informel au médicament libéralisé Les offres et les usages du médicament pharmaceutique industriel à Cotonou (Bénin), op. cit., p. 185. 315 Fondation Chirac, « Les faux médicaments-un enjeu pour l’Union Européenne », 7 décembre 2010, Dossier de presse, Journée Européen du développement, Bruxelles, 6 et 7 décembre 2010 p. 10. 316 Les ports de Lagos, de Cotonou, Lomé, Accra-Tema, Conakry. 317 NIAUFRE Camille, « Le trafic de faux médicaments en Afrique de l’Ouest : filières d’approvisionnement et réseaux de distribution (Nigeria, Bénin, Togo, Ghana) », op.cit., p. 3, 318 BOSMAN-DELZONS Géraud, « Faux médicaments, une lutte acharnée contre un gigantesques trafic », in Santé et médecine, publiée sur RFI le 14 septembre 2015. (Journée thématique sur RFI ce lundi 14 septembre dès 8h10 TU consacrée à la lutte contre le trafic de faux médicaments). Disponible sur : http://www.rfi.fr/general/20150913-faux-medicaments-afrique-trafic-contrefacons-sante-crime-mafia-business-medecine-dr 319 Extrait du discours de l’ancien président de la République française lors de l’appel de Cotonou sur « les faux médicaments » en octobre 2009.
75
plus fréquente320. Le développement de l’automédication a pourtant pour corollaire
une banalisation du médicament. Ce qui amène le patient à se « soigner lui-
même321 », surtout contre les maladies les plus fréquentes322 : mal de tête, coliques,
diarrhée et de plus en plus le paludisme. Stéphanie MAHAME et Carine
BAXERRES précisaient à ce propos que « les modes de distributions
pharmaceutiques ont un impact sur les usages des médicaments de la part des
individus, notamment sur l’automédication »323. En effet, sur le marché informel, les
médicaments sont vendus au détail. Pourtant, pour certaines automédications
curatives, les malades utilisent ou associent un ou deux comprimés de différents
médicaments324. Cette pratique les conduit ainsi à recourir aux produits
pharmaceutiques du marché informel.
172. Malgré les mesures de répression, les campagnes de sensibilisation et les progrès
réalisés en matière de disponibilité et d’accessibilité des médicaments essentiels
génériques, ce marché continue de se développer325. Sur ces marchés, on retrouve
des médicaments d’origine diverses. La traçabilité de ces médicaments est donc
difficile. Tout ceci témoigne de leurs origines douteuses. Comme le précise Géraud
BOSMAN-DELZONS, dans son article publié sur RFI, « le phénomène est
aujourd’hui d’autant plus délicat à enrayer qu’il s’est « professionnalisé »,
industrialisé et internationalisé »326. Aujourd’hui, ce marché est difficilement
chiffrable et il existe très peu de données accessibles sur le véritable volume de ce
marché en Afrique de l’Ouest. Néanmoins, chaque année, des saisies de
320 DUGUET Anne–Marie, « Médicaments contrefaits : risques pour les patients et conséquences en santé publique », in Hélène GAUMONT-PRAT (dir.), Contrefaçon, médicaments falsifiés et santé publique, Actes du colloque organisé par le Laboratoire Droit de la santé de l’Université Paris VIII-Paris Lumières au conseil supérieur du Notariat, Paris, 22 novembre 2013, p.45. 321 Définition de l’automédication retenue lors des rencontres Nord-Sud à Cotonou, Bénin, 2014 sur « L'automédication et ses déterminants ». 322 GNOULA Charlemagne, « Etude de la qualité pharmaceutique des médicaments vendus sur le marché parallèle de la ville de Ouagadougou : cas des antibiotiques », thèse de pharmacie, n°12, 2002, Université de Ouagadougou, UFR/SDA, p. 23. 323 MAHAME Stéphanie, BAXERRES Carine, « Distribution grossiste du médicament en Afrique : fonctionnement, commerce et automédication. Regards croisés Bénin-Ghana », in BAXERRES Carine et al., L'automédication et ses déterminants, Actes des Rencontres scientifiques Nord/Sud à Cotonou, 2015, p. 32, Disponible sur https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01336870 L’automédication et ses déterminants, Mar 2015, Cotonou, Bénin. 2015. <hal-01336870>. 324 BAXERRES Carine, Du médicament informel au médicament libéralisé Les offres et les usages du médicament pharmaceutique industriel à Cotonou (Bénin), op.cit., p. 258. 325 OUEDRAOGO/OUATTARA Nati Safiatou, « Situation de l’harmonisation de la réglementation pharmaceutique au sein de l’UEMOA » in séminaire sur les politiques pharmaceutiques nationales à l’attention des experts francophones 14 au 18 juin 2010, Genève, OMS. 326 BOSMAN-DELZONS Géraud, « Faux médicaments, une lutte acharnée contre un gigantesques trafic », op.cit.
76
médicaments dans les circuits de vente illicite s’opèrent. En août 2017, Interpol a
saisi plus de 420 tonnes de produis médicaux en Afrique de l’Ouest : compléments
alimentaires, analgésiques, antibiotiques, médicaments anti-malaria. Ces produits
représentent une valeur marchande d’environ 18,5 milliards d’euros, soit
11 812 012 200 000 FCFA327. Il va sans dire que ce marché est très lucratif, ce qui
constitue la principale difficulté pour son éradication.
173. En droit comparé, comme l’a précisé le professeur Bernard BOSSU s’agissant de
l’harmonisation des conditions de travail, « les ambitions affichées, au moins sur le
plan théorique, peuvent difficilement susciter des critiques »328. Les objectifs que
cette harmonisation vise sont donc appréciables. Il faut oser espérer que ces objectifs
ne restent pas uniquement théoriques ou comme des déclarations d’intentions.
174. Développer en dehors de la légalité, ces pratiques ne sont pourtant plus considérées
comme clandestines. A titre d’exemple, plus de 150 tonnes de médicaments ont été
saisies en décembre 2017 par la police béninoise dans cinq magasins appartenant à
un député. Son avocat avance alors : « Tout le monde sait au Bénin que M. Mohamed
Atao importe des produits pharmaceutiques. C’est quelqu’un qui est dans une
activité licite. La Direction nationale des pharmacies, qui est compétente pour
délivrer les certificats de mise en consommation, en a délivré et ces produits ont été
entreposés dans ses magasins »329. La réalité de ce phénomène est donc autant plus
complexe que la coopération entre les Etats en Afrique de l’Ouest est indispensable.
175. L’harmonisation des réglementations et la coopération des institutions dans le
domaine permettront à chacun des pays membre de disposer de moyens techniques
et humains pour lutter contre le marché illicite330 et donc de mettre à la disposition
des patients des médicaments sûrs et efficaces. La coopération entre les agences de
réglementation pharmaceutique permettra à celles qui ne disposaient pas de moyens
techniques et de compétences adéquates de pouvoir bénéficier de l’expertise de
327 Jeune Afrique avec AFP, « Une vaste opération policière permet la saisie de 420 tonnes de médicaments de contrebande en Afrique de l’Ouest 25 août 2017 à 17h11 — Mis à jour le 25 août 2017 à 20h36, Consulté le 28 février 2018. 328 BOSSU Bernard, « Harmonisation européenne et contrat de travail » in Christophe Jamin, Denis Mazeaud, L’harmonisation du droit des contrats en Europe, Paris, Edition Economica, 2001, p. 98 329 http://www.iracm.com/2017/12/benin-decouverte-de-medicaments-suspects-au-domicile-dun-depute/ Consulté le 28 février 2018 330 TRACMed, Renforcement du dispositif de sécurisation de la chaine du médicament Lutte contre les médicaments falsifiés, ANNEXE 1 – PLAN D’ACTION 13INI203 PHARMACIE ET AIDE HUMANITAIRE (PAH), Initiative 5%, p. 2, Disponible sur : https://www.initiative5pour100.fr/wp-content/uploads/2014/05/annexe-1-Plan-daction-PAH.pdf
77
celles qui sont les plus avancées dans le domaine. Aussi, la stratégie sous-régionale
de rapprochement par harmonisation sur la base des principes communs devrait
permettre de mettre en place des « mécanismes de traçabilité331 des médicaments,
qui permettraient de maîtriser la qualité du médicament et les transactions
d’importation »332. Elle permet ainsi d’établir un lien entre les différents vendeurs.
176. Au niveau national, l’essor de ce marché a conduit à la mise en place dans les Etats
d’initiatives pouvant contribuer à lutter efficacement contre ce fléau. Au Mali, une
Commission nationale de lutte contre la vente illicite de médicaments333 a été créée
par un décret n°02-075/P-RM du 15 février 2002. Au niveau sous-régional, la
stratégie mise en place par l’UEMOA devrait être renforcée ; le cadre régional
pouvant permettre une coordination plus efficace des acteurs concernés (la police, la
douanes, les fabricants de produits pharmaceutiques, les distributeurs, etc).
177. De ce fait, la lutte contre ce fléau doit passer impérativement par le renforcement du
cadre législatif et réglementaire des Etats membres. Le processus d’harmonisation
dans le domaine pharmaceutique constitue, de ce fait, une stratégie qui va aussi
permettre d’adopter des dispositions communautaires permettant une lutte collective
contre ce marché florissant334.
331 Gérard Cornu définit la notion de traçabilité comme « un instrument de contrôle, de transparence et de sécurité permettant de suivre par divers moyens d’information (étiquetage, registres, déclaration …) toutes les étapes de la production, de la transformation et de la distribution d’un produit ou d’une activité » in CORNU Gérard « Vocabulaire Juridique » Association Henri Capitant, Paris, Editions presses universitaire de France, 11ème édition, janvier 2016, p. 1032 332 TRACMed, Renforcement du dispositif de sécurisation de la chaine du médicament Lutte contre les médicaments falsifiés, Annexe 1 – plan d’action, 13INI203, Pharmacie et Aide Humanitaire (PAH), Initiative 5%, p. 2, Disponible sur : https://www.initiative5pour100.fr/wp-content/uploads/2014/05/annexe-1-Plan-daction-PAH.pdf 333 C’est un organe consultatif du Ministre chargé de la santé (Article 1). L’article 2 précise les missions dévolues à cette commission Décret n° 02-075 / P-RM du 15 février 2002 Portant création de la Commission nationale de lutte contre la vente illicite de médicaments, « La Commission nationale de lutte contre la vente illicite de médicaments a pour mission d'orienter, de coordonner et d'évaluer la politique nationale de lutte contre la vente illicite de médicaments. A ce titre, elle est chargée de : -définir les orientations relatives à la mise en œuvre du programme national de lutte contre la vente illicite de médicaments ; - coordonner les programmes sectoriels de lutte contre la vente illicite de médicaments ; -évaluer l'état d'avancement des programmes sectoriels de lutte contre la vente illicite de médicaments, -approuver les rapports d'activités et les programmes opérationnels annuels de lutte contre la vente illicite de médicaments. 334 TRACMed, Renforcement du dispositif de sécurisation de la chaine du médicament Lutte contre les médicaments falsifiés, Annexe 1 – plan d’action 13INI203 Pharmacie et Aide Humanitaire (PAH), Initiative 5%, p. 10, Disponible sur : https://www.initiative5pour100.fr/wp-content/uploads/2014/05/annexe-1-Plan-daction-PAH.pdf
78
CONCLUSION DU CHAPITRE
178. L’exploration du système de santé, en général, et pharmaceutique, en particulier, des
Etats de l’UEMOA a permis de constater l'importance et la nécessité de rapprocher
les réglementations pharmaceutiques des Etats de l’UEMOA. En effet, les
divergences des systèmes réglementaires des Etats de la sous-région ouest-africaine
constituent une faille contribuant au développement sans cesse croissant de ce
marché illicite de produits pharmaceutiques335. Cependant, les Etats de l’Union ont
opté pour ce rapprochement de leurs réglementations pharmaceutiques par la voie de
l’harmonisation. Une telle harmonisation permettra de mettre en place dans la zone
UEMOA un espace de liberté (liberté pour pouvoir se soigner efficacement dans
toute l’Union sans se préoccuper de l’Etat d’origine des professionnels de santé), de
sécurité (sécurité dans les établissements de soins et les pharmacies). Cette sécurité,
par le fait que dans chacun des Etats, la loi est respectée dans toutes ses formes), et
de justice (l’efficacité des juridictions étatiques à résoudre les litiges liés au domaine
de la santé en générale). Cette efficacité doit être perceptible dans toute l’Union. Cela
permettrait également un tant soit peu de contribuer à la lutte contre le commerce
illicite des produits pharmaceutiques, dans la mesure où les personnes intervenant
dans ce commerce auront tendance à élargir et mieux développer leurs commerces
dans les Etats où l’exercice illégal de la pharmacie est moins réprimé.
179. Pour réussir efficacement à lutter contre la vente des médicaments de qualité
inférieure dans leurs Etats, les pays membres de l’UEMOA ont compris la nécessité
de procéder en premier lieu à la sécurisation de leurs systèmes pharmaceutiques par
des réglementations rigoureuses et harmonisées pour tous. Ces pays devront
également prendre en compte certaines conventions internationales et régionales
permettant de lutter contre le phénomène des médicaments de qualité inférieure.
Ainsi, le droit communautaire UEMOA devient un facteur de progrès en matière de
protection de la santé des citoyens pour les pays membres. Cette législation
communautaire pharmaceutique va enrichir les droits nationaux pharmaceutiques de
certains Etats, dans la mesure où, dans certains de ces Etats, les règles juridiques
335 NIAUFRE Camille, « Le trafic de faux médicaments en Afrique de l’Ouest : filières d’approvisionnement et réseaux de distribution (Nigeria, Bénin, Togo, Ghana) », op.cit., p. 16,
79
régissant le fonctionnement du système pharmaceutique sont faibles, et ne
contiennent pas le minimum requis pour assurer des médicaments sûrs et de qualité
aux patients336.
180. Pour ce faire, il faut alors préciser le cadre juridique de ce processus d’harmonisation.
336 Cf. OUEDRAOGO/OUATTARA Nati Safiatou « Situation de l’harmonisation de la réglementation pharmaceutique au sein de l’UEMOA », op.cit., 42 p.
80
CHAPITRE 2. LE CADRE JURIDIQUE DE L ’HARMONISATION
182. L’analyse du processus d’harmonisation des réglementations pharmaceutiques au
sein de l’UEMOA nécessite de s’attarder sur la notion même d’harmonisation.
Quelles sont les implications juridiques d’un tel moyen d’intégration ? Pour répondre
à cette question, il convient de l’analyser, de déterminer ses fondements juridiques
(Section 1) et les modalités de sa mise en œuvre dans le cadre du droit
communautaire UEMOA (Section 2).
Section 1. Les contours juridiques de l’harmonisation
183. Afin de comprendre l’intégration juridique réalisée au sein de l’UEMOA, il convient
de définir la notion d’harmonisation (§ 1). A l’issue de cette analyse, il s’avère
essentiel, d’identifier les bases juridiques permettant à l’Union de procéder à cette
harmonisation (§ 2).
§ I. La notion d’harmonisation
184. Toute réflexion critique sur l’harmonisation des législations pharmaceutiques doit
partir d’une analyse de cette notion (B). Et pour mieux dégager les contours de la
notion d’harmonisation, il conviendrait de la distinguer de certaines notions très
voisines telles que l’unification, l’uniformisation et la coordination (A). Cette
analyse est indispensable, car des nuances non négligeables existent entre ces termes.
Ces notions sont susceptibles d’importation dans le domaine pharmaceutique, car le
Traité de Dakar recourt souvent à la notion d’uniformisation. Une telle délimitation
est nécessaire pour mieux comprendre le processus entamé au sein de l’UEMOA
depuis 2005.
A. Unification, uniformisation et coordination
185. La frontière entre l’unification et l’uniformisation n’est pas toujours évidente. Ces
deux notions sont même parfois employées comme des synonymes. Elles restent
pourtant différentes (1). Cependant, cette différence n’est pas toujours perceptible
quand il s’agit de les comparer avec la notion de coordination (2).
81
1. L’unification et l’uniformisation
186. Pour le dictionnaire juridique de l’Association Henri Capitant, l’unification est
« l’action d’établir l’unité de législation dans un territoire donné »337. La notion
d’unité législative est donc importante dans un tel processus. L’unification est
également l’action de rendre semblables plusieurs éléments, de telle sorte que ces
éléments deviennent un tout unique. Elle impliquerait alors une obligation d’identité.
Ainsi, les normes nationales seraient identiques et appartiendraient à un droit
commun unique338. Mettre en place une réglementation communautaire unifiée
nécessite l’élaboration, dans une matière juridique donnée, d’une réglementation
détaillée, identique en tous les points et pour tous les Etats. L’unification, qui est
aussi un moyen d’intégration, est généralement définie comme la substitution à la
pluralité des ordres juridiques d’un ordre unique339. Aussi bien la forme que le fonds
sont uniques pour les pays340. Il ne doit exister aucune différence possible dans les
législations étatiques. Le cadre normatif dans ce domaine faisant l’objet de
l’unification sera très détaillé, de telle sorte que les Etats partis à ce processus ne
pourront déroger ni au fond ni à la forme. Les règles uniques vont ainsi s’appliquer
de la même manière dans chaque Etat membre concerné, sans pour autant devenir
des droits nationaux. Il n’y a pas de naturalisation de ces règles. C’est l’exemple des
Actes uniformes OHADA qui ne deviennent pas des règles juridiques nationales,
donc burkinabè, sénégalaises ou béninoises. Ils sont directement pris en compte tels
qu’ils sont dans le droit interne de chaque Etat membre. On parle alors d’actes
uniformes OHADA sur le droit commercial, d’actes uniformes OHADA sur le droit
des suretés, etc.341 La doctrine considère que la « codification » est l’instrument
privilégié de ce moyen d’intégration342. Ces règles uniques restent communautaires
337 CORNU Gérard, « Vocabulaire Juridique », Association Henri Capitant, Paris, Editions presses universitaire de France, 11ème édition, janvier 2016, v. Unification, p. 1050. 338 DELMAS-MARTY Mireille, « Le phénomène de l’harmonisation, l’expérience contemporaine » in JAMIN Christophe, MAZEAUD Denis (dir.), l’harmonisation du droit des contrats en Europe, Paris, Edition Economica, 2001, Collections d’études juridique, 2001, p. 28. 339 JEAMMAUD Antoine « Unification, Uniformisation, Harmonisation : de quoi s’agit-il ? » in Filali OSMAN (dir.), Vers un code européen de la consommation, Actes et débats de colloque, Lyon, 12 et 13 décembre 1997, Edition Bruylant, 1998, p. 39. 340 DELMAS-MARTY Mireille, « Critique de l’intégration normative : l’apport du droit comparé à l’harmonisation des droits », Paris, Presses Universitaire de France, 2004, p. 38. 341 http://www.ohada.com/actes-uniformes.html 342 Cf. OSMAN Filali, « Codification, unification, harmonisation du droit en Europe : un rêve en passe de devenir réalité », in OSMAN Filali (dir.), Vers un code européen de la consommation, Actes et débats de colloque, Lyon, 12 et 13 décembre 1997, Edition Bruylant, 1998, pp. 12-34 ; E. HONDIUS, Towards a European Civil Code, G, éd. A. S. HARTKAMP et al., Nijmegen, Dordrecht, Boston, 1995, pp. 9 et 11 ; Peter-Christian MULLER-GRAFF ? « Private Law Unification by Means other than of Codification », in Towards a
82
et même internationales. Dans le domaine des Assurances, le Code unique des
Assurances des Etats membres de la Conférence Interafricaine des Marchés
d’assurances (CIMA)343 est également illustratif de la méthode d’unification, dans la
mesure où ce code s’applique directement dans chaque Etat membre344. L’article 1-
8) du Traité CIMA du 10 juillet 1992 précise même que « … la conférence arrête
une législation unique, met en place un contrôle unique des assurances et harmonise
les méthodes des directions nationales des assurances »345. Ainsi dit, une unification
du droit de vente a été réalisée par la Convention des Nations Unies sur les contrats
de vente internationale de marchandises (CVIM)346. Chaque Etat signataire se
référera aux règles de cette convention toutes les fois où la situation juridique en
cause pourrait concerner une vente internationale de marchandises.
187. Souvent présentée comme synonyme de l’unification347, l’uniformisation est
pourtant moins poussée que l’unification348. L’uniformisation ne substitue pas un
ordre à un autre, mais insère dans chacun des ordres considérés des règles
identiques349. Elle consiste à donner la même forme à un ensemble d’éléments dont
European Civil Code, pp. 19-29 ; FETZE KAMDEM Innocent, « Harmonisation, unification et uniformisation. Plaidoyer pour un discours affiné sur les moyens d’intégration juridique » (2009) 43 R.J.T., 2009, pp. 605-649. 343 Préambule du Traité CIMA du 10 juillet 1992. Cette conférence regroupe plusieurs pays : « Les gouvernements de la République du Bénin, du Burkina Faso, de la République du Cameroun, de la République Centrafricaine, de la République du Congo, de la République de Côte d'Ivoire, de la République Gabonaise, de la République du Mali, de la République du Niger, de la République du Sénégal, de la République du Tchad, de la République Togolaise, de la République de Guinée Equatoriale, de la République Fédérale Islamique des Comores. 344 ONANA ETOUNDI Félix, « les expériences d’harmonisations des lois en Afrique » in Revue de l’ERSUMA, Droit des affaires-Pratique professionnelle, n°01-juin 2012, p. 10, consultée le : 25 août 2014, Disponible sur : http://revue.ersuma.org/no-1-juin-2012/doctrine-12/LES-EXPERIENCES-D-HARMONISATION 345 Traité CIMA du 10 juillet 1992, Disponible sur : http://www.cima-afrique.org/pg.php?caller=cima ; http://www.droit-afrique.com/upload/doc/cima/CIMA-Traite-1992-instituant-la-CIMA.pdf 346 JEAMMAUD Antoine précisait à ce propos que « la vente internationale de marchandises se présente, dans son préambule, comme un ensemble de « règles uniformes », alors qu’elle illustre le procédé de l’unification du droit. Cette CVIM n’est qu’un corps de règles essentiellement matérielles-commun aux Etats ratifiants et qui s’applique aux contrats de vente de marchandises entre des parties ayant leurs établissements dans des Etats différents…lorsque les règles de droit international privé mènent à l’application de la loi d’un Etat contractant », in JEAMMAUD Antoine, « Unification, Uniformisation, Harmonisation : de quoi s’agit-il ? », in Filali OSMAN (dir.), Vers un code européen de la consommation, Actes et débats de colloque, Lyon, 12 et 13 décembre 1997, Edition Bruylant, 1998, p. 49 ; Voir aussi p. 39. 347 CORNU Gérard, « Vocabulaire Juridique », janvier 2016, op.cit., v. Unification, Uniformisation p. 1050 ; ONANA ETOUNDI Félix, « Les expériences d’harmonisations des lois en Afrique », in Revue de l’ERSUMA. Droit des affaires-Pratique professionnelle, n°01-juin 2012, p. 3 : « L’Uniformisation, encore appelée unification, consiste à instituer dans une matière juridique donnée une réglementation unique, identique en tous points pour tous les Etats membres, dans laquelle il n’y a pas de place en principe pour des différences ». 348 Cf. DELMAS-MARTY Mireille, « Trois défis pour un droit mondial », Paris, Éditons du Seuil, 1998, pp. 117-121. 349 MIALOT Camille, EHONGO Paul DIMA, « Introduction-De l’intégration normative à géométrie et à géographie variables », in DELMAS-MARTY Mireille, Critique de l’intégration normative, Travaux réalisés dans
83
toutes les parties se ressemblent350. Il s’ensuit alors l’existence d’une règle commune
qui se substitue parfois partiellement aux règles juridiques antérieures des différents
Etats membres351. Les droits nationaux sont distincts d’un Etat à un autre. Mais, il y
aura une insertion de règles identiques dans l’ordre juridique interne de chaque Etat.
Pour reprendre les propos d’Antoine JEAMMAUD, « les dispositions sont uniformes
comme le sont les soldats portant le même « uniforme » mais dont chacun conserve
une identité »352. L’uniformisation va nécessiter l’incorporation dans les droits
nationaux de règles sur une matière donnée. Ces règles ainsi incorporées deviennent
identiques dans tous les droits nationaux concernés. Les règles uniformes peuvent
ainsi « se substituer totalement aux dispositions nationales d’origine »353. Ce moyen
d’intégration est généralement utilisé par la voie d’une loi uniforme ou d’une
convention portant loi uniforme. Avec cette méthode, les règles sont plutôt
identiques et non uniques. Ainsi, on parlera de règles de droit burkinabè, sénégalais,
togolais, etc. L’UMOA fournit un exemple d’uniformisation des instruments de
paiement. A travers l’une de ses institutions, la BCEAO, elle a adopté en 1995 une
loi uniforme sur les instruments de paiement. Dans le droit burkinabè, c’est la loi
037/97/AN du 17 décembre 1997354 qui a incorporé cette loi uniforme dans l’ordre
juridique interne. L’UMOA a également adopté la loi uniforme n°2008-48 du 3
septembre 2008 relative à la répression des infractions en matière de chèques, de
cartes bancaires et d’autres instruments et procédés électroniques de paiement. Cette
loi uniforme a également incorporé l’ordre juridique burkinabè par la loi n°021-
2009/AN du 12 mai 2009355.
188. Ces deux notions, unification, uniformisation se distinguent de la notion de
coordination.
le cadre de l’Ecole doctorale de droit comparé, Collection les voies du droit, Presses universitaire de France, 2004, p. 27. 350 FETZE KAMDEM Innocent, « Harmonisation, unification et uniformisation. Plaidoyer pour un discours affiné sur les moyens d’intégration juridique » R.J.T., 2009, p. 619. 351 BOSSU Bernard, « Harmonisation européenne et contrat de travail », in Christophe JAMIN, Denis MAZEAUD (dir.), L’harmonisation du droit des contrats en Europe, Paris, Editions Economica, 2001, p. 97. 352 JEANMMAUD Antoine, « Unification, Uniformisation, Harmonisation : de quoi s’agit-il ? », in Filali OSMAN (dir.), Vers un code européen de la consommation, Actes et débats de colloque, Lyon, 12 et 13 décembre 1997, Edition Bruylant, 1998, p. 41. 353 JEAMMAUD Antoine, « Unification, Uniformisation, Harmonisation : de quoi s’agit-il ? », in Vers un code européen de la consommation, op.cit., p. 41. 354 Journal Officiel du Burkina n°10 du 05 mars 1998 /La loi est intitulée « Loi uniforme sur les instruments de paiement dans l’UMOA : chèque, carte de paiement, lettre de change, billet à ordre ». 355 Cette loi a été promulguée par un décret n°2009-397/PRES du 30 juin 2009
84
2. La coordination
189. Tandis que l’uniformisation et l’unification permettent d’instaurer dans chaque Etat
membre des règles communes, d’une part, des règles uniques, d’autre part, la
coordination n’implique pas nécessairement de modifier le contenu des normes
étatiques. La coordination représenterait un degré minimum de rapprochement. Elle
peut effectivement se réaliser sans changer substantiellement le contenu des normes,
des systèmes ou des institutions356. C’est l’exemple typique des lignes directrices
pour la fabrication de médicaments357. Les lignes directrices se bornent à orienter les
Etats pour la fabrication de médicaments, mais n’imposent pas nécessairement la
modification du droit interne des Etats. Parlant des sécurités sociales au sein de l’UE,
Pierre RODIERE considérait ainsi que « la coordination des sécurités sociales se
conjugue donc étroitement avec le maintien en l’état des législations nationales »358.
Cette coordination des régimes de sécurité sociale permet de maintenir chaque
législation nationale. C’est donc « des conditions propres à assurer une bonne fluidité
des travailleurs dans l’espace européen qui sont recherchées »359. Coordonner des
législations peut ainsi permettre d’éviter une double application de plusieurs
législations sur une même personne. Il ne faut toutefois pas, omettre de préciser que
la nécessité de coordonner peut provenir du fait que la situation juridique en cause
ne nécessite pas une modification des droits nationaux, donc une harmonisation,
mais tout simplement une convergence des politiques nationales360. Tel est le cas
également des règles de conflits de lois et de juridictions qui n’imposent pas
356 VANDER ELST Raymond, « Les notions de coordinations, d’harmonisation, de rapprochement et d’unification du droit dans le cadre juridique de la communauté économique européenne », in D. DE RIPAINSEL-LANYDY et al., Les instruments du rapprochement des législations dans la communauté économique européenne, Bruxelles, Editions de l’Université de Bruxelles,1976, p. 5. 357 Décision n°08/2010/CM/UEMOA portant adoption du guide de bonnes pratiques de fabrication des produits pharmaceutiques à usage humain dans les Etats membres de l’UEMOA
358 RODIERE Pierre, « Coordination européenne des sécurités sociales et conflit de lois », RDSS, 2016, p. 63 ; Voir également sur ce point, l’arrêt CJCE, 15 janvier 1986 Pinna c/Caisse d’allocation familiale de la Savoie Aff. 41/81 : Rec. 1 'interprétation de plusieurs dispositions du règlement n°1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés et à leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, « il faut signaler que l'article 51 du traité prévoit une coordination des législations des États membres et non une harmonisation. L'article 51 laisse donc subsister des différences entre les régimes de sécurité sociale des États membres et, en conséquence, dans les droits des personnes qui y travaillent. Les différences de fond et de procédure entre les régimes de sécurité sociale de chaque État membre, et partant, dans les droits des personnes qui y travaillent, ne sont donc pas touchées par l'article 51 du traité » ; « Les inégalités constatées résulteraient essentiellement de la nature du règlement n°1408/71 en tant qu'instrument pour réaliser les objectifs de l'article 51 du traité par une coordination des régimes de sécurité sociale visant à éliminer les obstacles à la libre circulation des personnes ». 359 RODIERE Pierre, « Coordination européenne des sécurités sociales et conflit de lois », RDSS, 2016, p. 63. 360 Ibid.
85
nécessairement la modification du droit interne des Etats. Dans le même sens, la
Convention générale de sécurité sociale de l’OCAM coordonne les systèmes de
sécurité sociale de ses Etats membres afin de protéger les intérêts des nationaux de
chaque Etat travaillant dans un autre361.
190. Afin de mieux comprendre ces différentes notions abordées dans les lignes
précédentes, il est nécessaire de les opposer à la notion d’harmonisation.
B. L’harmonisation proprement dite
191. L’harmonisation consiste dans un premier temps à rapprocher des droits (1). Elle
impliquerait alors l’existence d’une similitude des normes rapprochées. Similitude,
mais pas identité, car ces normes conservent quelques spécificités qui les distinguent
l’une de l’autre (2).
1. L’harmonisation est un moyen de rapprocher les législations
192. Terme originellement musicologique, l’harmonisation est issue du mot « harmonie »
signifiant mettre en harmonie, produire un ensemble dans lequel les différentes
parties s’accordent et s’équilibrent362. Ces différentes parties permettent de créer une
cohérence entre les sons afin d'en sortir quelque chose de beau ou, du moins, de
cohérent. C’est donc le résultat de la combinaison de plusieurs sons363. Ainsi, pour
rendre harmonieux, toutes les parties doivent avoir un même but ou un même effet
mélodieux.
193. Du domaine de la musique, l’harmonisation est devenue aujourd’hui une notion
d’actualité. Elle se met en place dans divers domaines du droit, à travers le monde
(OHADA364, CEMAC365, Union européenne, ASEAN366, MERCOSUR367, etc). Elle
est généralement employée dans des sens différents pour désigner des phénomènes
divers. Le professeur G. LYON-CAEN précisait qu’« il ne faut pas oublier que
l’harmonie-même, dans le langage musical, n’est pas une notion si claire et qu’un
361http://www.ipres.sn/institut/images/stories/telechargement/CONVENTION%20GENERALE%20DE%20SECURITE%20SOCIALE%20DE%20L%27OCAM%5B1%5D.pdf 362 Dictionnaire Larousse. Disponible sur www.larousse.fr 363 LECKEY Robert, « Rhapsodie sur la forme et le fond de l’harmonisation juridique », Les Cahiers de droit, vol. 51, n° 1, 2010, p. 7. 364 Organisation pour l’Harmonisation du Droit des Affaires en Afrique (OHODA). 365 La Communauté Économique et Monétaire des Etats de l'Afrique Centrale (CEMAC). 366 Association des Nations du Sud-Est asiatique. 367 Le Marché commun du Sud, couramment abrégé Mercosur, est une communauté économique qui regroupe plusieurs pays de l'Amérique du Sud. Il est composé de l'Argentine, du Brésil, du Paraguay, de l'Uruguay, du Venezuela.
86
même son peut avoir plusieurs harmoniques »368. Il est donc nécessaire d’apporter
des précisions quant à sa terminologie juridique. Ce concept « harmonisation » est
certes défini par certains dictionnaires juridiques ; cependant, il revient à la doctrine
de préciser les contours de cette notion incertaine.
194. Une définition de la notion d’harmonisation est proposée par le vocabulaire juridique
de l’Association H. Capitant par Gérard CORNU. L’harmonisation y est définie
comme un « rapprochement entre deux ou plusieurs systèmes juridiques ».
L’harmonisation serait donc synonyme de « rapprochement ». Cependant, le
rapprochement est aussi considéré comme synonyme de coordination369 et
d’unification370. Certains auteurs, comme Gérard LYON-CAEN, ne sont pas
forcément de cet avis, et définissent négativement l’harmonisation : « Ce que l’on
peut dire, c’est ce que l’harmonisation n’est pas. Elle n’est certainement pas
l’unification des droits sociaux, ni des politiques sociales ; mais elle est autre chose
que le simple rapprochement ; elle est aussi autre chose que la coordination »371.
L’harmonisation vue dans ce sens n’est pas totalement satisfaisante, car cela ne fait
que renforcer l’ambigüité existant autour de cette notion d’origine musicale.
195. C’est précisément à ce niveau que réside toute la difficulté d’opérer une distinction
entre ces différents termes tantôt considérés comme des synonymes, tantôt
considérés comme des notions complétement différentes. Il faut peut-être se tourner
également vers la doctrine juridique afin d’appréhender la conception que d’autres
auteurs ont de ces termes à priori très proches, voire égaux. En effet, une grande
partie de la doctrine est plutôt favorable à l’équation harmonisation égale
rapprochement des législations. Ainsi, certains auteurs définissent l’harmonisation
par référence à la notion de rapprochement. La comparatiste Anne LIMPENS
considère également qu’harmoniser consiste à rapprocher des dispositions
existantes. W. Van GERVEN théorise dans le même sens : « L’harmonisation
368 LYON-CAEN Gérard, « L’harmonisation sociale dans la communauté économique européenne » in Institut D’Etudes Européennes, L’Harmonisation dans les communautés, Université Libre de Bruxelles, Belgique, Editions de l’Institut de sociologie de l’ULB, 1968, p.147. 369 L’auteur assimile dans son article l’harmonisation à la coordination et au rapprochement. Dans l’un des titres il mentionne « Harmonisation en vue de coordonner », in ONANA ETOUNDI Félix, « Les expériences d’harmonisation des lois en Afrique », Revue de l’ERSUMA : Droit des affaires - Pratique Professionnelle, N° 1 - Juin 2012 pp. 3-4. 370 CORNU Gérard, « Vocabulaire Juridique », op.cit. 371 LYON-CAEN Gérard, « L’harmonisation sociale dans la communauté économique européenne », L’Harmonisation dans les communautés, op.cit., p.146.
87
conduit à un rapprochement des droits nationaux »372. Le même constat a été fait
lors des débats du parlement européen en juin 1965 au cours desquels A. K. M.
SCHUMTZER a considéré que l’harmonisation des législations nationales consiste
à rapprocher les dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats
membres373. Dans son ouvrage sur la critique de l’intégration normative, Mireille
DELMAS-MARTY mentionne que l’harmonisation s’articulerait comme un
rapprochement autour de principes communs374. Le même constat est opéré dans les
Traités constitutifs des organisations régionales et sous-régionales. Ainsi, dans le
Traité de l’UEMOA, l’article 60 du chapitre relatif à l’harmonisation des législations
mentionne « …le rapprochement des législations des Etats membres… ». Le même
constat est fait dans le chapitre 3 du titre VII du TFUE, intitulé rapprochement des
législations. Pourtant, les paragraphes 4 et 5 de l’article 114 du même chapitre du
TFUE évoquent une mesure d’harmonisation.
196. La notion de rapprochement revient fréquemment aussi bien dans la doctrine que
dans les Traités communautaires ayant pour but une harmonisation des normes
nationales. Il devient alors crucial de définir la notion de rapprochement avant
d’apporter plus de précisions à la définition de l’harmonisation.
197. Le rapprochement est une notion fondamentale en droit communautaire, car il
s’applique aux économies, aux politiques et aux législations375. Rapprocher
impliquerait de « mettre deux choses en contact », « réduire la distance entre deux
choses »376. Cette définition du rapprochement est très étroite. Faudrait-il alors se
tourner vers une définition plus juridique de la notion de « rapprochement » ? La
notion de rapprochement est définie par le vocabulaire juridique de l’Association
Henri Capitant comme « un mode d’intégration juridique des Etats membres ; moins
poussée que l’unification ou l’uniformisation des législations qui se réalise par
directives ou par conventions »377.
372 GERVEN W. Van, « Rapport introductif », in Christophe Jamin, Denis MAZEAUD (dir.), L’harmonisation du droit des contrats en Europe, Paris, Editions Economica, 2001, p. 4. 373 SCHMUTZER A.K.M, « Débats du Parlement européen de juin 1965 (Primauté du droit communautaire et harmonisation des législations nationales) », Revue internationale de droit comparé, Vol. 18 n°1, Janvier-mars 1966, pp. 93-120. 374 DELMAS-MARTY Mireille, « Préface » in Mireille DELMAS-MARTY, « Critique de l’intégration normative : l’apport du droit comparé à l’harmonisation des droits », op.cit., p. 17. 375 WEYEMBERGH Anne, L'harmonisation des législations : condition de l'espace pénal européen et révélateur de ses tensions, Bruxelles, Université de Bruxelles, Editions de l’Université de Bruxelles, 2004, p. 32 376 Dictionnaire en ligne Larousse. Disponible : https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/rapprocher/66526 377 CORNU Gérard, « Vocabulaire juridique », Association Henri Capitant, Paris, Presses universitaires de France, 10ème édition, 2014.
88
198. L’intégration renvoie pourtant à une forme de relations entre les Etats ; une relation
qui passerait par un transfert de souveraineté des Etats vers un nouveau centre
composé d’institutions dotées d’une certaine autonomie378. Ce nouveau centre
composé d’institutions dotées d’une certaine autonomie serait l’organe supra-
étatique chargé d’établir cette relation entre les Etats. Les Etats consentiront alors à
un transfert d’une partie de leurs compétences à cette organisation supra-étatique379,
qui, dotée désormais de pouvoirs de décision et de compétences supranationales, va
organiser la vie économique, juridique et sociale des Etats. Les Etats vont ainsi
établir volontairement par Traité, des institutions communes chargées d’adopter
progressivement des politiques communes380 afin de réaliser des intérêts communs.
Elle serait alors un processus. Processus, car le transfert de souveraineté n’est pas
total, mais débutera dans des domaines bien précis déterminés à l’avance par les Etats
désirant organiser une relation interétatique.
199. L’intégration juridique serait donc, dans ces conditions, le transfert de compétences
juridiques étatiques des Etats membres à l’UEMOA, qui, dotée de pouvoirs de
décision et de compétences supranationales, va organiser la vie juridique par
l’édiction de normes juridiques. Ces normes s’appliqueraient aux Etats membres, par
l’institution d’une juridiction supra-étatique chargée de veiller à l’interprétation
uniforme des normes juridiques adoptées.
200. Rapprocher, c’est donc mettre en relation les normes juridiques internes des Etats en
atténuant les différences existantes entre elles. De ce point de vue, le rapprochement
est une notion de portée générale qui englobe la coordination, l’harmonisation,
l’unification et l’uniformisation, dans le sens où il y aura une mise en relation entre
les différentes normes juridiques des Etats membres. Véronique MAGNIER
l’affirmait dans ces termes : « L’opération de rapprochement renverrait à des
méthodes appliquées à des domaines précis et revêtus d’une portée particulière,
l’harmonisation et coordination »381. Ces notions sont synonymes simplement parce
que ce sont toutes des outils d’intégration juridique, mais différents car n’aboutissant
pas aux mêmes résultats. Par exemple, la coordination est moins poussée que
378 BERTONCINI Yves et al (dir.), « Dictionnaire critique de l’Union Européenne », Paris, Editions Armand Colin, 2008, pp. 236-237. 379CORNU Gérard, « Vocabulaire juridique », 2014, op.cit., pp. 558-559. 380 Nous considérons les politiques communes comme étant un ensemble de règles ou de mesures adoptées par les institutions de l’Union qui s’appliquent à tous les Etats membres. 381 MAGNIER Véronique, « Rapprochement des droits dans l’Union Européenne et viabilité d’un commun des sociétés », Paris, LGDJ, 1999, p. 45.
89
l’harmonisation. Elle représente un degré minimum de rapprochement des
législations nationales ; tandis que l’harmonisation est un rapprochement plus
élaboré des législations382. Le recours à la coordination comme moyen d’intégration
juridique est généralement une alternative face à l’impossibilité ou à une difficulté
de toute harmonisation des législations nationales383. Mais, il faut reconnaître que,
dans la pratique, il est parfois difficile d’opérer une distinction entre l’harmonisation
et la coordination. C’est le cas notamment lorsque la coordination implique un
changement du contenu des normes. Dans un tel cas, on retrouve les caractéristiques
de l’harmonisation telles que l’existence de similitudes des normes et l’existence de
spécificités des normes dans le processus de coordination384. En effet, vouloir
coordonner des normes différentes conduira vraisemblement à opérer des
modifications de fonds qui aboutiraient à la structure d’une harmonisation. Aussi, en
pratique et avant même d’harmoniser des normes, faut-il peut-être les coordonner ?
201. L’harmonisation requiert alors la mise en place entre les normes nationales d’un
niveau de similitude. Une similitude de base, sans uniformité des dispositions
détaillées385. C’est en réalité une similitude moins élevée que dans l’unification et
l’uniformisation qui requièrent une similitude plus élevée386. La similitude des
législations laisse une place à l’existence de spécificités nationales. Donc, à une
possibilité pour les Etats d’ajuster et de réajuster387 les normes communautaires.
2. L’harmonisation : une similitude et une spécificité des normes nationales
202. Les normes juridiques communautaires transposées dans les droits nationaux sont
des dispositions équivalentes et non identiques qui doivent ainsi converger vers un
382DUBOUIS Louis, BLUMANN Claude, « Droit matériel de l’Union Européenne » Paris, Editions Lextenso, 7ème édition, 2015, p. 401, § 538. 383 Ibid. 384 La coordination est un degré plus simple de rapprochement, et l’harmonisation, un degré plus évolué de rapprochement. Sauf qu’il arrive que l’harmonisation soit réalisée de façon partielle. Dans un tel cas, l’harmonisation correspond d’une certaine manière à un degré simple de rapprochement. Aussi, la coordination dans son nom usuel, n’entraîne pas une modification des normes. Elle peut néanmoins dans certaines circonstances entrainer une modification des normes. Il faut alors la considérer, comme l’écrivait Véronique MAGNIER, comme « une méthode de rapprochement a minima dont le plein effet n’est pas immédiat ». Cf. MAGNIER Véronique, Rapprochement des droits dans l’Union Européenne et viabilité d’un commun des sociétés, LGDJ, Paris, 1999, pp. 46-47. 385 LACASSE Nicole, « L'harmonisation du droit commercial international : spontanée ou assistée ? », in Colloque "L'aménagement juridique de l'espace marchand en Europe et dans les Amériques" Université d'Ottawa 17 et 18 octobre 1995, p. 7. 386 L’harmonisation est qualifiée de similitude de premier degré ; tandis que l’uniformisation et l’unification d’une similitude de second degré. Cf. KAMDEM Innocent Fetze, « Harmonisation, unification et uniformisation. Plaidoyer pour un discours affiné sur les moyens d’intégration juridique », (2009) 43 R.J.T., 2009, p. 620. 387 DELMAS-MARTY Mireille, « Les forces imaginantes du droit (II)-Le pluralisme ordonné », Seuil, Paris, 2006, p. 78.
90
même objectif, vers un même résultat.388. L’harmonisation n’aboutit donc pas à une
unité normative des droits nationaux. C’est dire donc que les normes supranationales
ne se substituent pas aux normes nationales389. C’est l’une des raisons pour lesquelles
le rapprochement concerne des questions particulières d’un domaine juridique
précis.
203. Ainsi que nous l’évoquions plus haut, les normes élaborées par les institutions de
l’Union reposent sur des principes, des concepts et des procédures. C’est sur la base
de ces normes que chaque Etat membre va mettre sa législation nationale en
conformité ; ainsi on retrouvera au sein de chaque Etat partie à l’organisation, les
mêmes principes et procédures, mais en aucun cas une identité des normes dans le
domaine concerné. Il peut, par exemple, s’agir de règles minimales relatives à la
définition d’une publicité pharmaceutique et des sanctions applicables en cas de non-
respect des critères tenant à la forme-même de la publicité.
204. L’exemple le plus concret en la matière, c’est l’harmonisation mise en place au sein
de l’Union européenne pour la commercialisation des médicaments. Il existe, certes,
des procédures communautaires qui permettent aux industriels d’obtenir une
autorisation de commercialisation du produit au niveau communautaire, mais aussi
l’industriel peut choisir de ne demander qu’une autorisation française. Ce qui veut
dire que, dans chaque Etat membre de l’Union européenne, il y a non seulement les
procédures communautaires, mais également la procédure nationale de l’Etat
concerné.
205. Il est possible également de faire une référence à la définition du médicament au sein
de l’Union européenne. Cette définition est, certes, harmonisée, mais la qualification
d’un produit comme « un médicament » relève de la compétence des Etats, sous
réserve du contrôle de la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE).
206. Toutefois, l’existence de spécificités nationales implique que le droit national
continue d’exister. Il va se modifier simplement pour converger vers le but recherché
par tous les autres Etats. Dans le domaine harmonisé, certains aspects juridiques
seront régis par des normes nationales ; tandis que d’autres le seront par le droit
388 JEANMMAUD Antoine, « Unification, Uniformisation, Harmonisation : de quoi s’agit-il ? », in Vers un code européen de la consommation, op.cit., p.46. 389 DELMAS-MARTY Mireille, « Préface » in Mireille DELMAS-MARTY, Critique de l’intégration normative : l’apport du droit comparé à l’harmonisation des droits, op.cit., p. 15.
91
communautaire. Il va sans dire que les divergences entre les normes nationales ne
sont pas complétement effacées.
207. En d’autres termes, les Etats disposent d’une marge d’appréciation de la norme
supranationale qui peut être explicite ou implicite390. La différence entre la notion
d’harmonisation et d’unification tient principalement à cette notion de « marge »391.
L’internationaliste Mireille DELMAS-MARTY qualifie cette marge d’appréciation
d’une « sorte de droit à la différence »392. Ce droit à la différence implique que
chaque Etat peut adopter ses propres règles pour la mise en œuvre des principes
communautaires393.
208. Le dictionnaire juridique définit la marge nationale d’appréciation comme « la
latitude laissée par la Cour européenne des droits de l’Homme aux autorités
nationales pour la mise en œuvre de leurs obligations au titre de la Convention »394.
Cette marge peut être vue comme un droit de faire autrement que les principes fixés
par le droit communautaire. Inventée par la Cour Européenne des Droits de l’Homme
(CEDH), la marge nationale d’appréciation est aujourd’hui utilisée dans plusieurs
organisations internationales, régionales et sous-régionales comme un moyen
permettant de concilier l’objectif d’intégration normative, donc de rapprochement
des droits nationaux et la souveraineté des Etats, en leur accordant un « droit à la
différence ». De ce point de vue, elle permet aux ordres juridiques de se
« réapproprier la norme commune », voire de la renationaliser395.
209. La marge d’appréciation de l’Etat peut se faire au travers de la transposition d’une
directive à intégrer dans l’ordre interne. La directive396 ne lie l’Etat membre qu’en
ce qui concerne les objectifs à atteindre et pas dans le choix des moyens nécessaires
390 DELMAS-MARTY Mireille, « Préface », in Critique de l’intégration normative : l’apport du droit comparé à l’harmonisation des droits, op.cit., p. 17. 391 DELMAS-MARTY Mireille, « Le phénomène de l’harmonisation : l’expérience contemporaine », in FAUVARQUE-COSSON Bénédicte (dir.), Pensée juridique française et harmonisation européenne du droit, Paris, Société de législation comparée, 2003, p. 47. 392 DELMAS-MARTY Mireille, « Préface » in Critique de l’intégration normative : l’apport du droit comparé à l’harmonisation des droits, op.cit., p. 17. 393 DELMAS-MARTY Mireille, IZORCHE Marie-Laure, « Marge nationale d’appréciation et internationalisation du droit. Réflexions sur la validité formelle d’un droit commun pluraliste », Revue internationale de droit comparé, Vol. 52 n°4, Octobre-Décembre 2000, p. 758 ; IZORCHE Marie-Laure, « Marge nationale d’appréciation et internationalisation du droit. Réflexions sur la validité formelle d’un droit commun en gestation », in Mireille DELMAS-Marty, in Unité Mixte de Recherches de droit comparé de Paris, Université Paris I/CNRS UMR 8103, Mireille DEMAS-MARTY et les années UMR, Paris, Société de législation comparée, 2005, pp. 211-219. 394 CORNU Gérard, « Vocabulaire Juridique », Association Henri Capitant, Paris, Editions presses universitaire de France, 11ème édition, janvier 2016, v. Marge, p. 644-645. 395 DELMAS-MARTY Mireille, IZORCHE Marie-Laure, « Marge nationale d’appréciation et internationalisation du droit. Réflexions sur la validité formelle d’un droit commun pluraliste », op.cit., p. 759. 396 Cf. infra., pp. 110-114, § 264-273.
92
pour atteindre ce résultat. Ce dernier conserve alors la faculté d’adapter cette norme
communautaire à ses spécificités. C’est la raison pour laquelle il doit exister un
contrôle de cette marge d’appréciation par un organe ayant le pouvoir de sanctionner
les écarts des Etats membres397. C’est même une nécessité si l’on veut aboutir à une
intégration effective. Ainsi, la marge de manœuvre que l’institution supra-étatique
confère aux Etats (marge implicite, explicite, détaillée, limitée) dépend en réalité de
l’importance que celle-ci accorde à l’effet juridique recherché au travers de ce
pouvoir de modification confié aux Etats.
210. Pour ce faire, les Etats membres vont « disposer d’une certaine liberté pour conserver
la cohérence de leurs droits internes et finalement avoir des réglementations
différentes tout en étant proches et inspirées des mêmes idées directrices »398. C’est
précisément ce caractère de l’harmonisation qui est, disons, intéressant pour les
Etats, dans la mesure où cela permet de préserver la souveraineté nationale des Etats.
Politiquement, alors, l’harmonisation est plus acceptable si elle respecte cette
souveraineté des Etats ; c’est même l’une des raisons pour laquelle l’harmonisation
est généralement considérée comme un moyen « souple » d’intégration juridique.
C’est néanmoins une technique juridique difficile à décrire et à conceptualiser.
211. Revenons donc à l’harmonisation. Elle pourrait être définie comme un outil
permettant à des Etats à travers une organisation supra-étatique, de se doter de règles
juridiques équivalentes dans des domaines précis qu’ils auront définis à l’avance.
L’objectif sera alors que les normes nationales produisent des effets similaires dans
leur application399.
212. Le rapprochement des législations de plusieurs Etats membres d’une organisation
autour de principes communs est donc l’objectif général d’un processus
d’harmonisation400. Ce rapprochement va consister à éliminer ou à réduire les
disparités des ordres juridiques nationaux pouvant empêcher la création d’un espace
économique et social intégré. Innocent Fetze KAMDEM précise à ce sujet que
« l’harmonisation permet d’établir les grandes lignes d’un cadre juridique en
397 DELMAS-MARTY, « Préface » in Critique de l’intégration normative : l’apport du droit comparé à l’harmonisation des droits, op.cit., p. 18. 398 FIN-LANGE Laurence, « L’intégration du droit du contrat en Europe » in Mireille Delmas-Marty, Critique de l’intégration normative : l’apport du droit comparé à l’harmonisation des droits, Paris, Presses Universitaire de France, 1ère éd., 2004, p. 60. 399 WEYEMBERGH Anne, L'harmonisation des législations : condition de l'espace pénal européen et révélateur de ses tensions, op.cit., p. 33. 400 DELMAS-MARTY Mireille, « Le phénomène de l’harmonisation : l’expérience contemporaine » in Pensée juridique française et harmonisation européenne du droit, op.cit., p. 45.
93
laissant aux différentes parties prenantes à l’intégration le soin de compléter
l’ossature commune des dispositions qui correspondent mieux à leur valeur, à leur
préférence et niveau de développement »401. Dans le domaine pharmaceutique, cela
peut consister à mettre en place les mêmes procédures (procédures standardisées)
pour toute demande d’autorisation de commercialisation d’un produit
pharmaceutique, des délais de traitement des dossiers identiques, des pouvoirs de
suspension et de retrait d’autorisation également identiques et l’adoption d’une
définition communautaire d’un produit pharmaceutique. Cette méthode d’intégration
impose également le recours à un droit comparé. Ce qui implique qu’une
comparaison entre les réglementations pharmaceutiques des Etats soit un
préalable402. Mireille DELMAS-MARTY le traduit en ces termes : « La voie de
l’harmonisation s’impose en effet quand la synthèse est soit impossible ; soit
inutile »403. Ainsi, si les disparités entre les droits nationaux sont très flagrantes,
l’option de l’harmonisation serait plus raisonnable.
213. Concrètement, les effets juridiques donnés à une même situation de fait deviennent
aussi proches que possible dans tous les systèmes juridiques nationaux404. Ainsi dit,
si les dossiers de demandes d’autorisation de commercialisation sont identiques et
les procédures d’études de dossiers équivalentes, on peut envisager que les
autorisations accordées seront équivalentes ; ce qui permettra d’évoluer vers des
objectifs communs405. C’est une sorte d’harmonisation par la procédure. Le
professeur Jean BOULOUIS le précise bien : « Le droit national continue d’exister
en tant que tel, mais se trouve privé de la possibilité de déterminer lui-même ses
finalités. Il doit se modifier et évoluer en fonction d’exigences définies et imposées
par le droit communautaire, de sorte que les différents systèmes nationaux
présentent entre eux un certain degré d’homogénéité et de cohérence découlant de
finalités désormais communes ».406
401 KAMDEM Innocent Fetze, « Harmonisation, unification et uniformisation. Plaidoyer pour un discours affiné sur les moyens d’intégration juridique », R.J.T. 605, 2009, 43, p. 617. 402 Cf. infra., pp. 333-335, § 961-971. 403 DELMAS-MARTY Mireille, « Le phénomène de l’harmonisation : l’expérience contemporaine » in Pensée juridique française et harmonisation européenne du droit, Paris, Société de législation comparée, 2003, p. 47. 404 GOLDSTEIN Gérald, « L’expérience canadienne en matière d’uniformisation, d’harmonisation et de coordination des droits », Revue Juridique Thémis (R.J.T.), 1998, p. 274. 405 PRAT Alain, « Harmonisation des réglementations en Afrique, initiatives de l'OMS et retours d'expérience », Séminaire sur les Politiques Pharmaceutiques Nationales, OMS, Genève, Suisse 7 au 11 Avril 2014, p. 5. 406 BOULOUIS Jean, « Droit institutionnel de l’Union Européenne », Paris, Montchrestien, 6ème édition, 1997, p. 254.
94
214. Somme toute, l’harmonisation dans le domaine juridique implique de rapprocher des
normes législatives, réglementaires ou administratives qui sont différentes. Les
rapprocher en mettant en place des principes communs auxquels chaque Etat
membre va se référer pour mettre sa norme nationale en conformité avec celle établie
par l’organe supra-étatique ou communautaire. Les principes ainsi posés par l’Union
ne résolvent pas les difficultés existantes dans tous les détails. Ainsi, des différences,
aussi minimes soient-elles, vont subsister entre les normes nationales. Même
lorsqu’on harmonise, il y aura toujours des disparités407, parce que l’harmonisation
ne peut pas concerner tous les aspects d’un domaine. Il faut donc opter d’harmoniser
un aspect précis. Il peut s’agir de rapprocher, par exemple, des exigences techniques.
De plus, il faut encore être plus précis et identifier une spécialité du domaine à
harmoniser. Opter, par exemple, d’harmoniser la pharmacovigilance ou les règles de
distribution en détails des médicaments.
215. Au sein d’une Union économique, lorsque naît un projet d’harmonisation, il s’ensuit
un rapprochement des principes, la mise en place d’une proximité des normes
nationales pouvant contribuer à la mise en place d’un marché commun408.
216. Il s’ensuit donc que dans le domaine pharmaceutique, précisément en ce qui concerne
les médicaments, la proximité des normes pharmaceutiques sera établie
prioritairement sur l’autorisation de commercialisation, car qui dit
commercialisation de médicament dit incidence sur la santé publique dans chaque
Etat. Ainsi, les disparités pouvant exister entre les dispositions législatives,
réglementaires et administratives seront supprimées afin d’atteindre un objectif
commun aux Etats et au traité communautaire. La mise en place de cette conformité
des dispositions juridiques entrainera une modification du droit interne des Etats
membres de l’UEMOA. Dans le domaine pharmaceutique, les dispositions internes
des Etats devront s’adapter désormais aux objectifs fixés par l’Union à travers ce
407 Cf. Mireille DELMAS-MARTY, Marie-Laure IZORCHE, « Marge nationale d’appréciation et internationalisation du droit. Réflexions sur la validité formelle d’un droit commun pluraliste », in Revue internationale de droit comparé, Vol. 52 n°4, Octobre-Décembre 2000, pp. 764-765 : « Mais, il ne s'agit précisément pas d'aligner les divers éléments qui le composent : il est question ici de respecter le pluralisme, tout en permettant son expression harmonieuse ; en d'autres termes, il s'agit de composer une mosaïque, ce qu'on ne saurait faire en jetant ses divers éléments au hasard, mais en les combinant de telle manière qu'il en ressorte un dessin d'ensemble, le plus harmonieux possible. Mais une mosaïque ne se compose pas par juxtaposition des éléments : il faut une matière qui les lie, en même temps qu'elle les tient à distance. Il faut laisser entre eux une certaine marge, pour qu'ils ne s'entrechoquent pas. Pour autant, cela ne saurait suffire à composer le dessin : encore faut-il organiser les éléments, structurer un tant soit peu l'ensemble ». 408 Cf. supra., pp. 45-46, § 99-103.
95
rapprochement des législations pharmaceutiques. Ces législations pharmaceutiques
sont donc rapprochées dans l’objectif d’atténuer les divergences pouvant entraver le
commerce et la libre circulation des médicaments, d’une part, et, d’autre part,
d’améliorer l’accès à des médicaments de qualité pour les patients.
217. Le professeur Raymond VANDER ELST fait une synthèse de toutes ces distinctions
en ces termes : « La coordination viserait un équilibre de rapports que l’on institue
entre des normes ou des systèmes juridiques qui peuvent rester complétement
différents ; l’harmonisation impliquerait certains changements de ces normes et
systèmes, pour créer entre eux les similitudes nécessaires au résultat que l’on s’est
fixé ; quant à l’unification, elle comporte une identité de normes devenant communes
aux divers systèmes juridiques envisagés. Entre ces deux notions s’insère celle,
amphibologique, d’uniformisation, chevauchant l’harmonisation et
l’unification »409.
218. En guise de conclusion, la coordination, l’harmonisation, l’unification et
l’uniformisation sont des techniques différentes de rapprochement, mais elles ne sont
pas contradictoires. Il faut les envisager de façon complémentaire : tout partirait
d’une coordination des législations (l’idée-même de les rapprocher) ; ensuite
l’harmonisation interviendra pour modifier les normes nationales en supprimant les
différences existantes, pour mettre en place des principes et des concepts communs ;
l’uniformisation suivra, lorsque, non seulement les concepts et les principes sont
communs, certains détails de la norme seront encore communs (l’édiction d’une
règle de droit). L’Unification sera l’aboutissement du processus, lorsque toutes les
normes nationales seront identiques ; donc, lorsque les différents pays feront usage
d’un même code juridique410.
219. C’est dans ce sens que Mireille DELMAS-MARTY affirmait que « c’est sans doute
dans l’entre-deux, entre l’impossible isolement et l’impossible codification, qu’il
faut situer le mouvement d’harmonisation »411. Toutefois, il est intéressant de
préciser, que l’harmonisation peut se décliner en d’autres variantes en fonction de la
procédure utilisée pour l’adoption des textes juridiques nécessaires au
409 VANDER ELST Raymond, « Les notions de coordinations, d’harmonisation, de rapprochement et d’unification du droit dans la cadre juridique de la communauté économique européenne », in D. DE RIPAINSEL-LANYDY et al., Les instruments du rapprochement des législations dans la communauté économique européenne, Bruxelles, Editions de l’Université de Bruxelles, p. 14. 411 DELMAS-MARTY Mireille, « Les forces imaginantes du droit (II)-Le pluralisme ordonné », Seuil, Paris, 2006, p. 71.
96
rapprochement. Ainsi, l’harmonisation peut être ascendante, c’est-à-dire que les
principes communs sont élaborés par comparaison des droits nationaux des Etats de
l’Union. Dans cette circonstance, le droit comparé est « un mode direct de
production du droit »412. Elle peut également être descendante, dans ce cas, le droit
comparé n’est pas primordial. C’est le droit international qui servira principalement
à l’élaboration des principes communs413. L’harmonisation de l’homologation des
médicaments à usage humain relève d’une intégration ascendante. En effet, elle
s’appuie sur les droits nationaux des Etats membres en y repérant les principes
communs qui ont servi de base à l’Union pour l’élaboration du droit pharmaceutique
communautaire. Les principes communs sont donc issus du droit interne des Etats
membres ; ce qui pourrait faciliter leur mise en œuvre au niveau interne414. Toutefois,
l’intégration descendante n’a pas été complétement mise à l’égard, compte tenu du
fait que les recommandations de l’OMS sont également prises en compte dans
l’élaboration des textes communautaires pharmaceutiques. L’harmonisation
ascendante permettrait d’éviter d’élaborer de textes juridiques avec des principes
communs ne reflétant pas réellement les spécificités et les traditions juridiques de
chaque Etat membre. Mais aussi d’éviter l’adoption des principes ou des
dénominateurs communs irréalistes et utopiques415.
220. Il est cependant toujours fréquent de voir dans les conventions internationales ou
sous-régionales, ces différents termes employés comme des synonymes. Aussi
certains droits communautaires harmonisés fonctionnent-ils comme du droit unique.
Il est donc judicieux, face à une disposition juridique utilisant ces termes, d’examiner
la portée effective que les auteurs ont voulu donner à chacun de ces termes.
412 MIALOT Camille, EHONGO Paul DIMA, « Introduction- De l’intégration normative à géométrie et à géographie variables » in DELMAS-MARTY Mireille, Critique de l’intégration normative, Travaux réalisés dans le cadre de l’Ecole doctorale de droit comparé, Collection les voies du droit, Presses universitaire de France, 2004, p. 29. 413 MIALOT Camille, EHONGO Paul DIMA, « Introduction- De l’intégration normative à géométrie et à géographie variables » in Critique de l’intégration normative, op.cit., p.29 ; Cf. également, « Avant-propos de l’ouvrage « varisations autour d’un droit commun. Travaux préparatoires », in Unité Mixte de Recherches de droit comparé de Paris, Université Paris I/CNRS UMR 8103, Mireille DELMAS-MARTY et les années UMR, Paris, Société de législation comparée, 2005, p. 216 : le mouvement ascendant implique une extension du droit interne au droit international. Le mouvement descendant par intégration du droit international au droit interne. C’est-à-dire que les sources sont d’abord e droit international. 414 Une étude a été menée dans chaque Etat afin de déterminer l’existence ou non de cadres juridiques dans certains domaines de la pharmacie. Cf. OUEDRAOGO/OUATTARA Nati Safiatou, « Situation de l’harmonisation de la réglementation pharmaceutique au sein de l’UEMOA » in séminaire sur les politiques pharmaceutiques nationales à l’attention des experts francophones 14 au 18 juin 2010, Genève, OMS. 415 Cf. MIALOT Camille, EHONGO Paul DIMA, « Introduction- De l’intégration normative à géométrie et à géographie variables », in Critique de l’intégration normative, op.cit., p. 30.
97
221. Le règlement 02/2005 relatif à l’harmonisation des réglementations pharmaceutiques
définit cette notion dans son article 2 : « L’harmonisation de la réglementation
pharmaceutique, au sens du présent règlement, s’entend de l’adoption de mesures en
vue de disposer de procédures communautaires dans le domaine pharmaceutique, en
général, et du médicament, en particulier ». Il y a lieu d’examiner le sens que l’Union
a voulu donner au mot « harmonisation ». Dans le Traité de Dakar, les rédacteurs ne
semblent pas accorder également une grande importance au choix des termes
juridiques qui sont utilisés aussi bien dans le droit primaire que le droit dérivé. Tel
est également le cas dans le processus d’harmonisation où le choix des instruments
juridiques donne l’impression que les conséquences qui accompagnent chacun de ses
instruments n’ont pas été prises en compte. C’est le cas du choix, par exemple, d’une
décision portant lignes directrices pour le contrôle de l’information et la publicité sur
les médicaments auprès des professionnels de la santé dans les Etats membres de
l’UEMOA 416.
222. Toutefois, la détermination du fondement juridique de l’harmonisation des
législations pharmaceutiques est un préalable. Il importe, en effet, de rattacher toute
action de l’Union à une compétence et par conséquent, à une politique de l’Union417.
§ II. Les fondements juridiques de l’harmonisation pharmaceutique
223. Dans une organisation régionale, l’organe supranational ne peut agir que dans la
limite des compétences que les Etats membres lui ont transférées. Ce principe
s’applique à l’UEMOA qui n’a le droit d’adopter des normes communautaires que
dans les matières prévues par le Traité. Ainsi, à la différence d’un Etat membre,
l’Union ne peut légiférer dans tous les domaines. Cette compétence est clairement
spécifiée à l’article 16 du Traité de Dakar al. 2 qui dispose que les organes de l’Union
« agissent dans la limite des attributions qui leurs sont conférées par le Traité de
l’UMOA et le présent Traité, et dans les conditions prévues par ces Etats ».
224. La détermination précise de chaque domaine d’intervention de l’Union n’est pas
expressément listée dans le Traité de Dakar. Cependant, il faut se référer à l’article
4.c- du Traité qui énonce l’objectif de l’Union de créer un marché commun basé sur
416 Cf. infra., pp. 222 & svt., § 628-662 417 BLUMANN Claude, DUBOUIS Louis, « Droit institutionnel de l’Union Européenne » Paris, Editions Lextenso, 5ème édition, 2013, p. 417.
98
la libre circulation des personnes, des biens, des services et des capitaux418. Toutes
ces libertés touchent à plusieurs domaines qu’il n’est pas judicieux d’énumérer.
225. Il s’ensuit alors que le rapprochement par harmonisation des réglementations
pharmaceutiques entrepris au sein de l’Union doit avoir une base légale dans le Traité
de Dakar. La compétence de l’Union dans le domaine pharmaceutique doit être
expressément ou implicitement prévue par le Traité (A). Compte tenu de l’existence
d’une base légale pour le rapprochement des réglementations, le droit
communautaire pharmaceutique de ces deux organisations devrait avoir une
primauté sur les droits nationaux (B).
A. Les bases juridiques
226. Aborder la question de la base juridique d’élaboration des principes communs
nécessaires à l’harmonisation des réglementations pharmaceutiques des Etats
membres revient à déterminer les sources issues du droit primaire et du droit dérivé
constituant la soupape de ce processus d’harmonisation. Ainsi, une base juridique
générale permet aux organes de l’Union de procéder à une harmonisation des droits
nationaux (1). Pour ce qui concerne le droit de la santé, en général, il est possible de
repérer une base juridique spéciale faisant référence au domaine de la santé (2).
1. La base juridique générale de l’harmonisation des législations
227. Le recours à l’harmonisation des législations est explicitement inscrit dans le Traité
de Dakar. Ainsi, dans le cadre de l’UEMOA, plusieurs articles du Traité modifié font
référence à l’objectif d’harmonisation de l’Union. En effet, l’article 4 consacré aux
objectifs du Traité modifié de l’UEMOA consacre de façon très explicite
l’harmonisation entreprise par l’Union ; les point a) et e) dudit article mentionnent
en effet respectivement quelques objectifs de l’Union : « Renforcer la compétitivité
des activités économiques et financières des Etats membres dans le cadre d'un
marché ouvert et concurrentiel et d'un environnement juridique rationalisé et
harmonisé » ; « Harmoniser, dans la mesure nécessaire au bon fonctionnement du
marché commun, les législations des Etats membres et particulièrement le régime de
la fiscalité ». Il en est de même pour l’article 60 qui précise que « dans le cadre des
orientations prévues à l’article 8, la conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement
établit des principes directeurs pour l’harmonisation des législations des Etats
418 Cf. infra., pp. 45-46, § 99-103.
99
membres. Elle identifie les domaines prioritaires dans lesquels, conformément aux
dispositions du présent Traité, un rapprochement des législations des Etats membres
est nécessaire pour atteindre les objectifs de l’Union… ». Le Traité réaffirme son
objectif d’harmonisation à travers plusieurs articles : l’harmonisation des législations
et des procédures budgétaires ; l’harmonisation des lois de finances et des
comptabilités419 ; l’harmonisation des procédures et la fixation des normes
communes de contrôles420, etc.
228. Le Traité de Dakar, en utilisant indifféremment les expressions « harmonisation et
« rapprochement », entend considérer l’harmonisation comme un instrument visant
à rapprocher les législations nationales, et non à les uniformiser421.
229. Cependant, l’article 5 du Traité cantonne la compétence de l’Union à une fonction
d’orientation. Selon cet article, les organes de l’UEMOA édictent des prescriptions
minimales et des réglementations-cadres qu’il appartient aux Etats membres de
compléter, conformément à leurs règles constitutionnelles respectives422. Le principe
d’édictions minimales au sein de l’UEMOA se rapproche, mais reste différent du
principe de subsidiarité prôné au sein de l’Union Européenne. Ce sont cependant
deux principes différents. Le principe d’édictions minimales tel que formulé dans
l’article 5 du Traité de Dakar renvoie à l’idée de limitation de l’exercice des
compétences des organes de l’Union. Aucun organe de l’Union n’a reçu compétence
exclusive dans aucun domaine, dans la mesure où le principe peut être considéré
comme de portée générale, selon la lettre de l’article. Ce système de partage de
compétences impose de ce fait à l’Union l’obligation de créer un droit
communautaire minimum, et ainsi de permettre aux Etats de garder un certain
contrôle sur les matières régies par le droit communautaire, dans la mesure où ils
devront compléter ces règles communautaires. Ce principe d’édictions minimales
limite alors l’intervention des organes communautaires aux aspects nécessaires à la
réalisation d’un marché concurrentiel423. Comme l’ont si bien précisé Luc Marius
IBRIGA et Pierre MEYER, « le principe d’édictions minimales est l’expression
419 Article 67 du Traité UEMOA. 420 Article 69 du Traité UEMOA. 421 MATTERA Alfonso, « l’harmonisation des législations nationales : un instrument d’intégration et de reconnaissance mutuelle », RDUE, 4/2010, p. 684. 422 Article 5 du Traité modifié de l’UEMOA. 423 KIEMDE Paul, « Intégration régionale et harmonisation du droit social en Afrique : problèmes et perspectives », Revue burkinabè de Droit (RBD), Revue semestrielle, n°39-40, n° spécial 20ème anniversaire Thème : intégration régionale et droit, 2001, p. 148.
100
parfaite de la réticence des Etats à se laisser dépouiller d’une parcelle de leur
souveraineté »424. L’Union doit se contenter d’édicter des normes de référence ou
d’orientation au profit des Etats. Cela explique le choix opéré par ses organes pour
une harmonisation plutôt qu’une uniformisation ou unification des législations
pharmaceutiques.
230. Ce principe d’édictions minimales à une portée générale qui s’applique dans les
domaines de compétences de l’Union425. Ainsi, les pouvoirs transférés par les Etats
aux organes de l’Union sont très limités. Il va sans dire que les Etats membres
conservent une compétence plus grande qu’elle. Mais, la notion de prescriptions
minimales implique-t-elle le fait que l’intervention de l’Union doit se limiter à un
faible niveau protecteur ?
231. L’harmonisation dans le cadre de l’UEMOA a principalement concerné jusque-là les
domaines politique, économique et monétaire. Le rapprochement par harmonisation
des droits nationaux dans ces domaines a pour fondement différents articles du Traité
(articles 4, et 60), qui préconisent ce rapprochement pour favoriser la mise en place
d’un marché commun. Cependant, le rapprochement par harmonisation des
législations pharmaceutiques a pour base juridique les articles 4 et 60 du Traité, mais
également d’autres bases juridiques plus spécifiques.
2. La base juridique spéciale de l’harmonisation des législations pharmaceutiques
232. Le titre paraît un peu artificiel, car le droit pharmaceutique ne figure pas
expressément dans le Traité de Dakar. L’interprétation extensive de l’article 3 du
Traité de Dakar relatif au respect des droits fondamentaux contenus dans la
Déclaration universelle des droits de l’homme, dans la Charte africaine des droits de
l’homme et des peuples (a) et dans le protocole additionnel n°II relatif aux politiques
sectorielles (b) pourrait permettre d’inclure le droit pharmaceutique dans les
compétences d’attribution des organes intégrés de l’UEMOA.
424 IBRIGA Luc Marius, MEYER Pierre, « la place du droit communautaire U.E.M.O.A dans le droit interne des Etats », ohadata, D-03-16. 425 Pierre MEYER, Luc MARIUS IBRIGA, « La place du droit communautaire U.E.M.O.A dans le droit interne des Etats membres », RDB, 2000, n°38, p. 28 ; Disponible également sur : ohadada, D-03-16, p. 17.
101
a. L’influence de la Déclaration universelle des droits de l’homme et de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples
233. L’activité de l’Union interfère d’une manière ou d’une autre avec les Droits
fondamentaux. Cela s’illustre dès l’article 3 du Traité de Dakar : « L’Union respecte
dans son action les droits fondamentaux énoncés dans la déclaration universelle des
droits de l’homme de 1948 et la charte africaine des droits de l’homme et des peuples
de 1981 ». Principe général de droit en droit de l’Union Européenne,426 le respect des
droits fondamentaux au sein de l’UEMOA est une norme communautaire prévue
expressément dans le Traité.
234. Le droit à la protection de la santé est consacré aussi bien dans la déclaration
universelle des Droits de l’Homme427 que dans la Charte africaine428. La Déclaration
Universelle des Droits de l’homme consacre ainsi le droit à la santé comme partie
intégrante d’un accès à un niveau de vie suffisant. Ce droit est assuré par la mise en
place des moyens nécessaires à tout individu pour assurer sa santé429. Cela implique
la mise en place des moyens nécessaires à assurer une disponibilité des médicaments,
un accès à des médicaments de qualité, sûrs et efficaces. L’obtention de tels
médicaments va nécessiter l’encadrement juridique du domaine pharmaceutique, et
donc la mise en place d’une sécurité sanitaire au sein de l’Union. Cette sécurité
sanitaire implique une sécurité du système de santé des Etats, notamment la sécurité
des personnes contre les produits de mauvaise qualité. Elle est généralement définie
comme la sécurité des personnes contre les risques thérapeutiques de toute nature ;
risques liés aux choix thérapeutiques, aux actes de prévention, de diagnostics ou de
soins, à l’usage de biens et produits de santé, comme aux interventions et décisions
des autorités sanitaires, des autorités réglementaires430. Le respect d’un droit à la
santé et à la vie, consacré par ces conventions internationales, permet de situer
implicitement la compétence de l’UEMOA dans le domaine. Mais, le protocole
426 JACQUE Jean Paul, « Droit institutionnel de l’Union européenne », Paris, Editions Dalloz, 2015, 8ème éd., p. 63, note 92. 427 Article 25-1 de la Déclaration universelle des droits de l’homme : « Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l'alimentation, l'habillement, le logement, les soins médicaux, ainsi que pour les services sociaux nécessaires… ». 428 Article 16 de la Charte Africaine «1-Toute personne a le droit de jouir du meilleur état de santé physique et mentale qu’elle soit capable d’atteindre. 2- Les Etats parties à la présente Charte, s’engagent à prendre les mesures nécessaires en vue de protéger la santé de leurs populations et de leur assurer l’assistance médicale en cas de maladie ». 429 LAUDE Anne, MATHIEU Bertrand, TABUTEAU Didier, « Droit de la santé », Paris, Presses universitaire de France, 2éme éd., 2009, p. 2. 430 TABUTEAU Didier, « la sécurité sanitaire », éditions Berger-Levrault, mai 1994, Paris, p. 11.
102
additionnel n°II relatif aux politiques sectorielles de l’Union évoque également le
droit de la santé de façon implicite.
b. L’influence du droit primaire de l’Union
235. Ce fondement juridique en droit pharmaceutique est contenu dans le protocole
additionnel n°II relatif aux politiques sectorielles431. L’article 3 de ce protocole
donne compétence à l’Union pour réglementer le domaine sanitaire : « L’union met
en œuvre, de concert avec les organisations internationales ou régionales
spécialisées, des actions communes en vue de l’amélioration du niveau sanitaire des
populations ». Cependant, il faut noter que l’Union ne donne pas de précision sur la
nature juridique et le régime des protocoles additionnels. C’est l’article 102 qui vient
préciser que le protocole additionnel n°II fait partie intégrante du Traité432. Sans
oublier que dès le préambule du Traité modifié de l’UEMOA, l’Union précise « la
nécessité de favoriser le développement économique et social des Etats membres,
grâce à l’harmonisation de leurs législations, à l’unification de leurs marchés
intérieurs et à la mise en œuvre de politiques sectorielles communes dans les secteurs
essentiels de leurs économies ».
236. Ce rapprochement substantiel des réglementations pharmaceutiques nationales,
ayant pour but également une protection de la santé, ne pouvait donc se fonder
uniquement sur l’amélioration des conditions du marché économique. Le domaine
de la santé, pharmaceutique, en particulier, contribue à la réalisation du marché
commun à travers la mise en place de la libre circulation des médicaments, des
professionnels de santé, etc. Le rapprochement des droits nationaux pharmaceutiques
pourrait donc se justifier également au regard des articles 4 a)433 et 60434 du traité
modifié de l’UEMOA.
431 L’article 102 du Traité modifié de l’UEMOA précise que ce protocole additionnel n°II fait partie intégrante du traité. 432 Le protocole additionnel n°II fait partie intégrante du présent Traité. 433 Article 4, a) du Traité de Dakar « Renforcer la compétitivité des activités économiques et financières des Etats membres dans le cadre d'un marché ouvert et concurrentiel et d'un environnement juridique rationalisé et harmonisé. 434 Article 60 du Traité UEMOA, « Dans le cadre des orientations prévues à l'article 8, la Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement établit des principes directeurs pour l'harmonisation des législations des Etats membres. Elle identifie les domaines prioritaires dans lesquels, conformément aux dispositions du présent Traité, un rapprochement des législations des Etats membres est nécessaire pour atteindre les objectifs de l'Union. Elle détermine les buts à atteindre dans ces domaines et les principes généraux à respecter. Dans l'exercice de ses fonctions, la Conférence tient compte des progrès réalisés en matière de rapprochement des législations des Etats de la région, dans le cadre d'organismes poursuivant les mêmes objectifs que l'Union. »
103
237. Toutes ces dispositions juridiques (articles 4 et 60, protocole additionnel n°3) ne
précisent pas si l’Union dispose d’une compétence exclusive dans le domaine de la
protection de la santé, donc dans le domaine pharmaceutique, ou d’une compétence
concurrente avec les Etats membres dans ce domaine. Cependant, l’interprétation de
l’article 5 du Traité435 permet de dire que l’UEMOA ne dispose pas d’une
compétence exclusive dans le domaine de la santé, en général, et pharmaceutique, en
particulier. Cette compétence exclusive, qui implique un abandon définitif et
irrévocable d’une action étatique dans un domaine donné436, n’est mentionné ni dans
le Traité, ni dans l’acte additionnel n°II s’appliquant au domaine pharmaceutique, ni
dans le règlement n°02/2005 portant sur le processus d’harmonisation des
législations pharmaceutiques. Or, l’exclusivité devrait être expressément prévue.
238. L’inscription de la santé dans les politiques sectorielles de l’Union nécessite de ce
fait l’intervention de la Conférence des Chefs d’Etat qui est chargée, selon l’article
8 du Traité, de « fixer des orientations générales pour la réalisation des objectifs de
l'Union ».
239. Il est regrettable que la protection de la santé n’ait pas été expressément prévue dans
le Traité de Dakar. En effet, le Traité de Dakar mentionne « le niveau sanitaire des
populations ». Aucune phrase dans le Traité n’évoque la notion de santé. Même si la
compétence de l’Union dans le domaine de la santé peut se baser sur cet article, il
aurait été préférable de prévoir une place prépondérante pour la « santé » dans le
droit primaire. Prévoir une certaine protection de la santé dans un protocole
additionnel, même faisant partie intégrante du Traité437, ne traduit guère une place
prépondérante pour ce droit auprès des institutions communautaires. Dans ce
domaine, les Etats conservent leurs prérogatives, et l’Union intervient pour réaliser
le rapprochement des législations étatiques438, qui est nécessaire, voire
indispensable, pour atteindre les objectifs de l’Union.
435 Dans l'exercice des pouvoirs normatifs que le présent Traité leur attribue et dans la mesure compatible avec les objectifs de celui-ci, les organes de l'Union favorisent l'édiction de prescriptions minimales et de réglementations-cadres qu'il appartient aux Etats membres de compléter en tant que de besoin, conformément à leurs règles constitutionnelles respectives. 436 BLUMANN Claude, DUBOUIS Louis, « Droit institutionnel de l’Union Européenne », op.cit., p. 424 437 SAKHO Abdou El-Hadji, « L’intégration économique en Afrique de l’Ouest. Analyses et perspectives », Paris, Editions Economica, 2011, p. 48. 438 Ibid.
104
240. En rapprochant les législations pharmaceutiques sans les uniformiser, la politique
d’harmonisation de l’Union permet de mettre en place un cadre fédérateur commun
tout en respectant les spécificités de chaque Etat.
B. La place du droit communautaire dans le droit interne des Etats membres
241. Les rapports normatifs entre le droit communautaire de l’UEMOA et les droits
nationaux est déterminant pour la réalisation du processus d’harmonisation. Pour ce
faire, l’existence d’une cohérence entre ces deux ordres juridiques est primordiale
(1). Cette cohérence nécessite une supériorité du droit communautaire sur le droit
national (2).
1. Nécessité d’une cohérence entre l’ordre juridique communautaire et l’ordre juridique national
242. Pour déterminer la valeur juridique du droit communautaire pharmaceutique dans le
droit interne de chaque Etat membre, il est nécessaire de s’attarder sur la question de
la répartition des compétences dans le domaine pharmaceutique entre les organes de
l’Union et les Etats membres. De très importantes interrogations portent sur ce
processus d’intégration juridique, car de cette répartition des compétences dépendra
le choix de l’instrument d’intégration juridique utilisé pour le rapprochement des
législations. Cette détermination de la compétence justifiera la procédure qui sera
adoptée pour l’intégration juridique des droits pharmaceutiques : intégration
juridique ascendante ou descendante, selon que l’exclusivité de la compétence
appartient à l’Union ou non439.
243. Pour ce faire, il faut tout d’abord se référer à l’Avis n°002/2000 de la Cour de Justice
de l’UEMOA du 2 février 2000 relatif à l’interprétation de l’article 84 du Traité de
l’UEMOA 440. Dans son avis, la Cour de justice souligne que : « L’Union constitue
en droit une organisation de durée illimitée, dotée d'institutions propres, de la
personnalité et de la capacité juridique, et surtout de pouvoirs issus d'une limitation
de compétences et d'un transfert d'attributions des Etats membres qui lui ont
délibérément concédé une partie de leurs droits souverains pour créer un ordre
juridique autonome qui leur est applicable, ainsi qu'à leurs ressortissants ». Elle
439 TCHUINTE Joël, L’application effective du droit communautaire en Afrique centrale, Thèse de droit publique, Université de Gergy-Pointoise, 2011, p. 115. 440 Recueil de la Jurisprudence de la Cour de justice UEMOA 01-2002, Ouagadougou, Dossier n°007-1999, p. 112, Disponible sur : http://www.izf.net/upload/Documentation/Rapports/CourJusticeUEMOA/Recueil1996_2001.pdf
105
réaffirme par la même occasion l’existence d’une compétence exclusive de l’Union
en matière de politique commerciale. Les Etats membres ont donc l’interdiction de
négocier individuellement ou collectivement avec des Etats tiers en matière de
politique commerciale.
244. L’intégration impliquerait également le processus d’insertion de la norme
internationale dans l’ordre juridique interne des Etats. Pour que le système juridique
de l’Union puisse répondre à « l’harmonie » recherchée par les fondateurs du Traité
de Dakar, il faut une cohérence entre l’ordre communautaire et l’ordre juridique des
Etats. En effet, il ne doit pas exister des contradictions entre le droit communautaire
pharmaceutique et les droits nationaux des Etats membres. Ainsi, la réalisation des
objectifs du Traité ne saurait être sans la prééminence du droit communautaire sur
les droits nationaux des Etats441. En effet, « l’unité postule donc la primauté »442.
2. La primauté du droit communautaire pharmaceutique sur les droits nationaux
245. L’intitulé de cette partie peut porter à confusion ou faire croire à l’existence d’une
primauté spécifique en droit pharmaceutique. Il n’existe pourtant pas de dispositions
spéciales consacrant une telle primauté ni dans le droit primaire UEMOA ni dans un
instrument de droit dérivé. Il en est de même au sein de la CEDEAO.
246. De ce fait, la primauté des règles communautaires pharmaceutiques s’inscrit dans le
principe de primauté d’ordre général des droits communautaires UEMOA et
CEDEAO. Pour la mise en place d’un système juridique cohérent, harmonieux, il ne
doit pas exister de contradictions entre les différents droits nationaux et le droit
communautaire. L’efficacité du droit communautaire dépend non seulement des
conditions de son insertion dans l’ordonnancement juridique des Etats membres,
mais aussi de ses effets443. Le Traité de Dakar est en principe muet sur le principe de
primauté de l’Union sur le droit interne. Nulle part dans le Traité, il n’est mentionné
expressis verbis cette primauté du droit communautaire. Cependant, l’esprit de
certains articles444 du Traité laisse paraître que ses rédacteurs ont implicitement
consacré cette primauté de la norme communautaire sur la norme nationale. C’est
441 ĆEMALOVIĆ Uroš, Le mouvement d’unification du droit des marques dans l’union européenne, Thèse de doctorat en droit, Université de Strasbourg, Faculté de droit, des sciences politiques et de gestion- Centre d’études internationales de la propriété intellectuelle, 2010, p. 24 442 BLUMANN Claude, DUBOUIS Louis, « Droit institutionnel de l’Union Européenne », op.cit. 443 MEYER Pierre, IBRIGA Luc Marius, « La place du droit communautaire U.E.M.O.A dans le droit interne des Etats membres », Revue Burkinabé de droit, 2000, n°38, p. 28. 444 Article 6 du Traité UEMOA.
106
une nécessité même pour le droit communautaire : « …Le droit de l’Union ne peut
rester un droit commun qu’à la seule condition qu’il prime sur les droits
nationaux »445. La primauté du droit communautaire impose aux Etats membres de
ne pas invoquer une règle de droit interne pour empêcher l’application d’une règle
communautaire en vigueur.
247. Le droit communautaire prime donc sur le droit interne des Etats membres. Comme
le précise Kouassi KOUADIO, « la primauté du droit communautaire sur le droit
national est la résultante logique du principe de supranationalité qui sous-tend et
garanti toute la dynamique de l’intégration juridique »446. Cette primauté renvoie à
une idée de supériorité447. La norme communautaire étant supérieure à la norme
nationale, elle l’emporte en cas de contrariété ou d’incompatibilité avec une norme
nationale. La supériorité du droit communautaire pharmaceutique sur les droits
nationaux est la conséquence logique du transfert de compétences des Etats dans le
domaine de la santé aux organisations sous-régionales. Elle est indispensable à la
mise en place d’une gouvernance régionale du domaine pharmaceutique.
L’affirmation de cette primauté du droit communautaire, se retrouve dans les termes
de l’article 6 du Traité modifié de l’UEMOA, : « Les actes arrêtés par les organes de
l’Union pour la réalisation des objectifs du présent traité, et conformément aux règles
et procédures instituées par celui-ci, sont appliqués dans chaque Etat membre
nonobstant toute législation nationale contraire, antérieure ou postérieure ». Ainsi,
une disposition de droit interne ayant le même objet qu’une norme communautaire,
et qui a été adoptée antérieurement ou postérieurement à cette norme communautaire
n’a pas vocation à s’appliquer dans l’ordre juridique national. De plus, lorsque cette
disposition interne est contraire à la norme communautaire, elle doit dorénavant être
considérée comme abrogée448.
248. Toutefois, il faut garder à l’esprit que l’appréciation du caractère contraire d’une
disposition nationale par rapport à une disposition communautaire est loin d’être
évidente449. Cette primauté du droit de l’Union s’impose également au droit national
445 BLUMANN Claude, DUBOUIS Louis, « Droit institutionnel de l’Union Européenne », op.cit., p. 737. 446 KOUADIO Kouassi, « Les techniques juridiques de l’intégration économique dans les Etats de la sous-région ouest-africaine francophone » Ohadada n° D-11-98, p. 12. 447 BERGE Jean-Sylvestre, ROBIN-OLIVIER Sophie, Introduction au droit européen, Paris, Presses Universitaires de France, 1ère édition, 2008, p. 489. 448 Joseph ISSA-SAYEGH, « La production normative de l’UEMOA-Essai d’un bilan et perspectives », OHADATA, D-O3-18, p. 11. 449 KONE Mamadou, « Le nouveau droit commercial des pays de la zone OHADA : comparaison avec le droit français », LGDJ, Paris, 2003, p. 9, §10.
107
antérieur ou postérieur. C’est dans le même sens que statue la Cour de Justice de
l’UEMOA (CJ-UEMOA) dans son avis n° 001/2003 du 18 mars 2003. Elle affirme
: « La primauté bénéficie à toutes les normes communautaires ; primaires comme
dérivées immédiatement applicables ou non, et s’exerce à l’encontre de toutes les
normes nationales administratives, législatives, juridictionnelles et même
constitutionnelles, parce que l’ordre juridique communautaire l’emporte dans son
intégralité sur les ordres juridiques nationaux. Les Etats ont le devoir de veiller à ce
qu’une norme de droit national, incompatible avec une norme de droit
communautaire qui répond aux engagements qu’ils ont pris, ne puisse pas être
valablement opposée à celle-ci. Cette obligation est le corollaire de la supériorité de
la norme communautaire sur la norme interne. Ainsi, le juge national, en présence
d’une contrariété entre le droit communautaire et une règle de droit interne, devra
faire prévaloir le premier sur la seconde en appliquant l’un et en écartant l’autre »450.
249. Outre le fait pour la CJ-UEMOA d’affirmer expressément cette primauté du droit de
l’Union dans cet avis, elle participe implicitement à l’affirmation de cette primauté
lorsque, saisie pour interpréter une norme communautaire, elle apporte un jugement
indirect sur la validité des normes nationales. Ainsi, il pourra s’ensuivre une mise à
l’écart de la norme nationale contraire451. Le professeur Jean Paul JACQUE de
préciser que « …la primauté est consubstantielle à la nature-même du droit de
l’Union, puisqu’elle conditionne son application uniforme »452.
250. La primauté du droit communautaire conduit à une applicabilité immédiate du droit
communautaire dérivé. Ainsi, la publication d’un acte de droit communautaire dérivé
au Bulletin Officiel (BO) de l’UEMOA confère à ce dernier un statut de droit positif
dans l’ordre interne des Etats membres453.
251. Certes, la primauté du droit communautaire est affirmée. Mais pour une effectivité
du droit communautaire pharmaceutique, il faut que le niveau global de protection
offert par le droit de l’Union ne soit pas en deçà de celui offert par un Etat. Ce cas
450 SAWADOGO Filiga Michel, « Conflit de normes communautaires : aspects positifs et prospectifs », in colloque sur « la concurrence des organisations régionales en Afrique » organisé par les universités Montesquieu-Bordeaux IV et Cheick Anta Diop de Dakar, Bordeaux, 28 septembre 2009, p. 4. 451 BLUMANN Claude, DUBOUIS Louis, « Droit institutionnel de l’Union Européenne », op.cit., pp. 738-739, note. 985. 452 JACQUE Jean Paul, « Droit institutionnel de l’Union européenne », Paris, Editions Dalloz, 2015, 8ème éd., p. 596, note. 951. 453 Les actes du Colloque de Ouagadougou, « L’Application du droit international dans l’ordre juridique interne des Etats d’Afrique francophone », in les cahiers de l’Association ouest-africaine des hautes juridictions francophones, 24-26 juin 2003, Rapport Général, pp. 370 et 371.
108
de figure est fort possible dans le domaine pharmaceutique. Dans ce domaine, c’est
l’harmonisation des législations nationales qui est privilégiée, donc un
rapprochement de celles-ci par des principes communs, des procédures communes,
des concepts communs. L’identité absolue des normes pharmaceutiques n’existant
pas, un Etat membre peut offrir une protection ou un accès plus sécurisé à des
médicaments de qualité pour ses citoyens454. L’existence d’une telle possibilité a été
écartée au sein de l’Union Européenne par la CJUE dans un arrêt du 28 février 2013 :
« …L’existence d’une protection nationale supérieure n’autorise pas l’Etat à laisser
inappliqué le droit de l’Union »455. Autrement dit, la primauté du droit
communautaire est irrévocable ; de tel sorte que les dispositions contenues, par
exemple, dans le droit communautaire pharmaceutique ne doivent pas être
interprétées comme pouvant limiter une protection du droit de la santé. Une telle
interprétation est nécessaire pour éviter toute atteinte à la primauté du droit
pharmaceutique.
252. Ainsi dit, dans le domaine pharmaceutique, aucune législation pharmaceutique
nationale ne saurait être contraire au droit communautaire pharmaceutique
harmonisé.
253. Pour ce faire, l’existence d’une législation pharmaceutique nationale antérieure à
l’adoption de la réglementation communautaire ne doit, en aucun cas, faire obstacle
à l’application de cette réglementation communautaire. Le droit communautaire se
substituant au droit national, la loi nationale antérieure à la norme de l’Union devient
ainsi inopposable456.
254. Les autorités nationales devront même réorganiser les institutions concernées par le
droit communautaire ou même en créer de nouvelles457. Dans le domaine
pharmaceutique, il peut s’agir d’une réorganisation de l’autorité en charge de la
réglementation pharmaceutique pour la mettre en conformité avec les exigences du
droit communautaire pharmaceutique harmonisé.
255. C’est ainsi que l’article 7 du Traité interdit aux Etats membres de prendre toute
mesure susceptible de faire obstacle à l’application du traité et de ses actes
454 Scénario que nous avons établi pour illustrer nos propos. 455 CJUE, 28 fév. 2013, Melloni, C-399/11. 456 JACQUE Jean Paul, « Droit institutionnel de l’Union européenne », op.cit.., p. 596, note. 951. 457 BAKHOUM Mor, « Répartition et exercice des compétences entre l'union et les Etats membres en droit de la concurrence dans l'Union Economique et Monétaire Ouest- Africaine (UEOMA) », Revue internationale de droit économique 2005/3 (t. XIX, 3), p. 339.
109
additionnels. Si aucune législation nationale n’existait dans le domaine
d’harmonisation de l’Union, les actes pris dans le cadre de cette harmonisation
seraient applicables dans l’ordre juridique de chaque Etat. Aucun Etat ne doit, de ce
fait, adopter une législation pharmaceutique nationale qui pourrait compromettre
l’application de la législation communautaire et la réalisation des objectifs du Traité.
Si un Etat adopte un tel acte postérieur à l’entrée en vigueur d’une norme
communautaire, il aurait manqué à ses obligations et pourrait faire l’objet d’un
recours en manquement.
256. Dans le même sens, La CJCE a statué dans l’arrêt Simmenthal, au sein de l’Union
Européenne, en précisant qu’une loi postérieure ne peut être valable si son adoption
n’est pas valable, en raison de l’existence préalable d’une norme communautaire, et
ne peut dans ces circonstances faire l’objet d’application458.
257. Après avoir défini et identifiés les fondements juridiques de la notion
d’harmonisation, il est important de recenser les élements nécessaires à sa mise en
œuvre et à son effectivité.
Section 2. La mise en œuvre de l’harmonisation pharmaceutique
258. Pour la mise en œuvre concrète du processus d’harmonisation des réglementations
pharmaceutiques, l’UEMOA a recours à certains instruments juridiques
communautaires (§ I). Elle a également créé une Cellule chargée d’impulser ce
processus dans la zone communautaire. Cependant, l’harmonisation par l’application
des textes communautaires nécessite le recours à un acteur principal ; la Cour de
Justice (§ II).
§ I. Les outils de mise en œuvre de l’harmonisation
259. L’article 43 du droit primaire UEMOA a prévu trois instruments
communautaires pouvant permettre de rapprocher par harmonisation les droits nationaux
des Etats membres. Ces trois instruments communautaires ont été pris en compte dans
le processus d’harmonisation des réglementations. L’UEMOA a adopté depuis 2005,
dans le domaine pharmaceutique, une directive, 2 règlements et 3 décisions. Cependant,
la directive et la décision sont généralement considérées comme des instruments
privilégiés d'harmonisation, car le règlement renferme, lui, des éléments unificateurs
(A).
458 CJCE, 9 mars 1978, Simmenthal, n°106/77.
110
260. En plus des instruments communautaires permettant une mise en œuvre de
l’harmonisation des réglementations pharmaceutiques, le processus d’harmonisation
en cours au sein de l’UEMOA devra dorénavant tenir compte de certains instruments
internationaux dont l’objectif principal est de protéger la santé (B).
A. Les instruments communautaires
261. Les instruments juridiques utilisés pour la réalisation de l’intégration juridique
des réglementations pharmaceutiques vont conditionner son effectivité et son efficacité.
Ainsi, l’influence du droit communautaire pharmaceutique sur les droits nationaux ne
serait perceptible que si les organisations sous-régionales recourent à des instruments
juridiques contraignants. Ces instruments juridiques issus du droit dérivé sont adoptés
par les organes de l’Union afin de réaliser leurs objectifs459. Ce droit recouvre l’ensemble
des actes adoptés par les institutions460 en vue de réaliser les objectifs du Traité461. La
marge d’appréciation laissée aux Etats dans le cadre d’une harmonisation dépendra
fortement des outils utilisés pour la mise en œuvre de cette harmonisation.
262. Les organes de l’Union adoptent plusieurs instruments juridiques : des directives,
des décisions (1) et des règlements (2). Il est donc utile de revenir sur la définition et
les principes qui sous-entendent ces instruments juridiques. Une telle description
permettra de comprendre par la suite l’état du droit pharmaceutique en cours
d’harmonisation, voire quelques explications de sa difficile mise en œuvre.
263. Toutefois, il faut tenir compte du fait que le choix des instruments juridiques pour
l’intégration juridique des réglementations pharmaceutiques est fonction de
l’intensité ou du degré de rapprochement recherché par l’Union.
1. La directive et la décision : les instruments privilégiés d’harmonisation des droits
264. Le Conseil des Ministres de l’Union a adopté en 2008 une directive462 relative à la
libre circulation et à l’établissement des pharmaciens ressortissants de l’Union au
sein de l’espace communautaire. C’est un instrument adopté pour la mise en place
459 DEMBELE Salifou, « Problématique de la transposition du droit communautaire UEMOA et CEDEAO : cas du secteur des télécommunication », Septembre 2011, p. 2. 460 Au niveau de la CEDEAO, le droit dérivé contient : les décisions, les règlements et les actes additionnels. 461 SARR, Amadou Yaya, Chapitre II, « L’expression de cette dualité dans le cadre des droits communautaires dérivés » in : L’intégration juridique dans l’Union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA) et dans l’organisation pour l’harmonisation du droit des affaires en Afriques (OHADA) [en ligne]. Aix-en-Provence : Presses universitaires d’Aix-Marseille, 2008 (généré le 20 février 2018). pp. 95-204 Disponible sur Internet : <http://books.openedition.org/puam/390>. ISBN : 9782821853300. DOI : 10.4000/books.puam.390. 462 Directive n°06/2008/CM/UEMOA relative à la libre circulation et à l’établissement des pharmaciens ressortissants de l’union au sein de l’espace UEMOA.
111
d’une complémentarité entre le droit étatique et le droit communautaire. La directive
n’a pas de portée générale. Elle ne lie que ses destinataires qui sont les Etats. Ainsi,
les organes de l’Union ont la compétence de fixer les résultats que la directive doit
atteindre. Le choix des moyens de mise en œuvre pour atteindre ce résultat relève
par contre de la compétence des Etats à travers le principe de la transposition.
265. L’Union est donc compétente pour fixer des objectifs communs pour tous les Etats
membres. Ainsi, ces résultats sont fixés par l’Union de manière contraignante pour
les Etats. Par exemple, la norme communautaire fixera un objectif à atteindre dans
la protection et la sécurité des patients dans le domaine pharmaceutique ; tandis que
les Etats auront la compétence pour choisir la forme et les moyens d’atteindre cet
objectif de protection de la santé463.
266. Il s’ensuivra, l’obligation pour tout Etat membre de transposer la directive adoptée
dans son droit interne. En effet, la directive ne produit pas immédiatement des effets
dès son entrée en vigueur464. Pour produire son plein effet, elle doit faire l’objet d’une
transposition dans l’ordre juridique interne de chaque Etat membre. La transposition
est l’adoption des mesures nationales nécessaires à l’application dans l’ordre
juridique interne des normes établies par une directive465. Les Etats disposent d’une
liberté pour le choix des actes de transposition466. Cette « liberté d’adaptation »467
des Etats impose que la forme et les moyens d’atteindre cet objectif soient adaptés
au contexte national. Mais, ils ne peuvent pas adopter des actes tels que des
circulaires qui n’ont pas vraiment une valeur contraignante. Pour être valable et
permettre d’atteindre l’objectif recherché par l’Union, les actes de transposition
doivent être contraignants, à l’image d’un acte législatif ou réglementaire.
267. La transposition de la directive doit permettre également d’atteindre le but fixé par
l’Union. Elle n’est pas une obligation de moyen, mais une obligation de résultat pour
les Etats468, car la directive a un caractère obligatoire. L’article 43 du Traité de Dakar
le précise bien que « la directive lie tout Etat membre quant aux résultats à
463 GUY Isaac, Marc BLANQUET, « Droit général de l’Union européenne », Paris, Editions Dalloz, 10ème édition, 2012, p. 307. 464 BLUMANN Claude, DUBOUIS Louis, « Droit institutionnel de l’Union Européenne », op.cit., p. 581. 465 BERTONCINI Yves et al (dir.), « Dictionnaire critique de l’Union Européenne », Paris, Editions Armand Colin, 2008, V. Transposition, p. 439. 466 BOUTAYEB Chahira, Droit institutionnel de l’Union Européenne. Institutions, ordre juridique, contentieux, Issy-Les-Moulineaux, Lextenso éditions LGDJ, 4ème éd., 2015, p. 468. 467 GUY Isaac, BLANQUET Marc, Droit général de l’Union européenne, op.cit., p. 308. 468 BOUTAYEB Chahira, Droit institutionnel de l’Union Européenne. Institutions, ordre juridique, contentieux, op.cit., p. 466, § 758.
112
atteindre »469. Cette obligation de résultat concerne principalement l’objectif qui est
recherché et décrit par l’Union dans la directive. C’est pourquoi une transposition
partielle peut entraîner la saisine de la Cour de justice contre l’Etat en cause pour
manquement à ses obligations au titre du Traité de Dakar.
268. Pour y parvenir, les Etat membres devront donc abroger ou modifier, si cela est
nécessaire, toute disposition nationale contraire, mais également adopter les
dispositions nécessaires à la réalisation des objectifs fixés par l’organisation supra-
étatique en utilisant la directive comme instrument juridique470. Ainsi, les Etats ne
seront liés que par les normes minimales de la directive471. Les Etats ont, certes, le
choix quant aux moyens de mise en œuvre, mais l’exécution de la directive doit
comporter un effet d’harmonisation des normes internes472. Elle permet un
rapprochement des législations, en tenant compte des particularités nationales473.
C’est la raison pour laquelle la doctrine considère que l’instrument de principe pour
une harmonisation des législations est la directive. Cela se justifie, car cet acte du
droit dérivé de l’Union rapproche les différents droits nationaux quant aux résultats
de la directive. Les Etats auront en commun les mêmes objectifs dans un domaine
précis. Cependant, ils resteront différents, dans la mesure où les actes adoptés par
chaque Etat pour la mise en application effective de la directive peuvent être
différents.
269. Cette liberté dont dispose l’Etat quant aux choix des moyens nécessaires à la mise
en œuvre de la directive fait naître pour l’Etat une certaine marge d’appréciation par
rapport à la directive communautaire. Il en résulte alors un même contenu législatif
quant aux résultats à atteindre pour tous les Etats ; ce qui sous-entend l’existence de
principes communs.
270. Dans ce cas, encore faudrait-il que tous les Etats aient transposé la directive à la date
limite fixée par l’Union. En effet, l’obligation de transposition des normes de la
directive impose de le faire dans un délai fixé généralement par l’organe de l’Union.
Le respect de ce délai permet de converger les droits nationaux à partir d’une certaine
469 Article 43 du Traité modifié de l’UEMOA. 470 CJCE, 4 décembre 1997, Commission/Italie, c-207/96, Rec. P. I-6869. 471 HANS VAN HOUTTE, « La modélisation substantielle », in LOQUIN Eric, KESSEDJIAN Catherine, La mondialisation du droit, Travaux du CREDIMI, Paris, Litec, 2000, p. 228. 472 CATALANO Nicola, « La Communauté économique européenne et l'unification, le rapprochement et l'harmonisation du droit des Etats membres, Revue internationale de droit comparé, Vol. 13 N°1, Janvier-mars, 1961, p. 9 473 Cf. supra., pp. 89-93, § 202-213.
113
date. Ainsi, le rapprochement des législations nationales ne va s’opérer que lorsque
tous les Etats auront adopté les instruments nécessaires, à la date indiquée. Dès
l’expiration du délai de transposition, la directive doit produire tous ses effets dans
l’ordre juridique national. Les Etats doivent y veiller et ne pas mettre en péril les
objectifs de l’Union. L’article 7 du Traité de Dakar le mentionne expressis verbis :
« ...Ils s'abstiennent de toutes mesures susceptibles de faire obstacle à l'application
du présent Traité et des actes pris pour son application ».
271. Une fois que les mesures adéquates ont été prises et que la directive a été
complètement transposée dans les ordres juridiques internes, les Etats membres
doivent le notifier à la Commission. C’est une sorte de contrôle qu’opère la
Commission pour s’assurer de l’exécution effective par tous les Etats de l’objectif
de la directive.
272. Au sein de l’UEMOA, le taux de transposition des directives a été estimé à 7% en
2012474. Pour ce faire, en décembre 2012, un séminaire a été organisé en Côte
d’Ivoire sur les transpositions des directives. Le but de cette rencontre était de
renforcer les capacités des experts nationaux dans la méthodologie de transposition
des directives communautaires et de les familiariser au régime juridique de
l'UEMOA475. Une grande partie des domaines d’intervention de l’Union est
concernée par ces difficultés de transposition476 : les finances publiques, le transport,
la santé, l’agriculture et les ressources animales et halieutiques477.
273. L’Union ne fait pas recours uniquement à la directive comme instrument pour
harmoniser ce droit pharmaceutique, elle fait appel aussi à la décision comme
instrument d’harmonisation. L’article 43 du Traité de Dakar dispose que « les
décisions sont obligatoires dans tous leurs éléments pour les destinataires qu'elles
désignent ». La décision n’a donc pas de portée générale. Elle n’oblige que ses
474 M. Cheikh NDIR, Représentant résident de la Commission de l'UEMOA en Côte d'Ivoire. 475 17 au 22 décembre 2012 à Abidjan, Séminaire. 476 Il faut noter, cependant, que la directive ne sera opposable aux particuliers que lorsque l’Etat aurait adopté des mesures nécessaires à sa transposition dans le délai imparti. Ainsi dit, les particuliers concernés par la directive en cause ne pourront se prévaloir de leurs droits qu’après une mise en œuvre à travers des actes contraignant dans l’ordre interne. Dans le cadre de l’UEMOA, compte tenu du laxisme de certains Etats à transposer correctement et dans les délais les directives, la Cour de Justice pourrait s’inspirer de la jurisprudence constante de la CJCE dans l’affaire Commission c/Belgique476 pour protéger les droits de particuliers. La cour a estimé dans cette affaire que si à l’expiration du délai de transposition une directive n’a pas été transposée ou l’a été incorrectement, la directive peut produire directement des effets dans l’ordre juridique interne des Etats au profit des particuliers. 477 Cet aspect a été souligné lors du séminaire sur les transpositions des directives à Abidjan, en Côte d’Ivoire, par Mme Madeleine YAO qui était, en son temps, Conseiller du Ministre auprès du Premier ministre, chargé de l'Economie et des Finances de la République de Côte d'Ivoire.
114
destinataires : les Etats, les entreprises ou les particuliers. A l’instar du règlement, la
décision est un acte obligatoire dans tous ses éléments. Les destinataires de la
décision doivent l’appliquer intégralement, ce qui permet de créer à leur profit des
droits et des obligations.
274. Les décisions sont ainsi prévues expressément dans le Traité comme des instruments
de droit dérivé pouvant permettre de rapprocher par harmonisation les
règlementations pharmaceutiques. L’Union a ainsi adopté des décisions fixant des
lignes directrices ou des règles générales qui vont s’appliquer dans le cadre du
rapprochement par harmonisation des législations pharmaceutiques. Ce sont des
décisions qui réglementent la fabrication, la distribution, l’importation, l’information
et la publicité sur les produits pharmaceutiques à usage humain. Contrairement au
Traité de Dakar, le Traité de Lisbonne dans le cadre de l’Union Européenne prévoit
deux types de décisions : des décisions ayant une portée générale et des décisions
individuelles478.
275. S’ajoute à ces deux instruments juridiques de droit communautaire, le règlement,
également considéré comme un instrument juridique de rapprochement des
réglementations.
2. Le règlement : l’instrument de rapprochement des législations par application immédiate
276. L’article 61 du Traité de Dakar a prévu que les règlements puissent être utilisés
comme une mesure de rapprochement des législations nationales. Ainsi, le Conseil
de l’Union, dans le cadre de l’harmonisation des réglementations pharmaceutiques,
a adopté un règlement relatif aux procédures d’homologation des produits
pharmaceutiques à usage humain dans les Etats membres. Le règlement est, selon la
doctrine, l’instrument idéal et privilégié de l’unification479. L’harmonisation, dans
ces circonstances, comporte certains éléments unificateurs480. Mireille DELMAS-
MARTY précise en effet que « derrière l’harmonisation de forme, se cache parfois
478 Article 28 du TFUE. 479 JAMIN Christophe, MAZEAUD Denis, « L’harmonisation du droit des contrats en Europe », Paris, Edition Economica, 2001 p. 5. 480 VANDER ELST Raymond, « Les notions de coordinations, d’harmonisation, de rapprochement et d’unification du droit dans la cadre juridique de la communauté économique européenne » in D. DE RIPAINSEL-LANYDY et al., Les instruments du rapprochement des législations dans la communauté économique européenne, Bruxelles, Éditions de l’Université de Bruxelles, 1976, p. 14
115
une véritable unification… »481. En effet, certaines règles sont prévues de manière
détaillée ; ce qui ne laisse pas de marge d’appréciation aux Etats. Le règlement est
l’équivalent de la loi en droit interne, car il contient des prescriptions générales et
impersonnelles482 et à des effets erga omnes. Les destinataires du règlement ne sont
donc pas limitativement désignés et identifiables dans le contenu483 du règlement.
Ses effets concernent alors toutes les catégories de personnes envisagées
abstraitement. Ce caractère général du règlement oblige les particuliers qui
souhaitent formuler un recours en annulation du règlement d’établir que l’acte en
question les concerne individuellement et directement484.
277. Le règlement permet d’éviter les délais de transposition et les transpositions
partielles ou incomplètes, avec pour résultat une application immédiate dans l’ordre
juridique des Etats membres. Contrairement à la directive, le règlement s’exécute,
mais ne se transpose pas. En effet, l’article 43 du Traité de Dakar mentionne que
« les règlements ont une portée générale. Ils sont obligatoires dans tous leurs
éléments et sont directement applicables dans tout Etat ». Le règlement s’applique
immédiatement dès son entrée en vigueur, dans tous les Etats membres. Interdiction
est donc faite aux Etats de transformer le règlement en une norme juridique nationale,
car celui-ci s’insère directement dans le bloc de légalité interne. Son application doit
être intégrale. Il interdit alors toute application incomplète ou sélective485. Les Etats,
les institutions et les particuliers doivent respecter toutes ses dispositions, y compris
les annexes. Aussi, cela implique qu’il s’applique à toutes les situations qui entrent
dans son champ d’application.
278. Il entre en vigueur et s’applique simultanément et uniformément dans l’ensemble de
la communauté, sur le territoire de l’ensemble des Etats membres. Cela implique
alors que l’effet de rapprochement des droits nationaux est opéré uniquement par
l’organe de l’Union à l’origine du règlement.
481 DELMAS-MARTY Mireille, « Critique de l’intégration normative : l’apport du droit comparé à l’harmonisation des droits », Paris, Presses Universitaire de France, 2004, p. 70 482 GUY Isaac, BLANQUET Marc, Droit général de l’Union européenne, op.cit., p. 306. 483 BOUTAYEB Chahira, Droit institutionnel de l’Union Européenne. Institutions, ordre juridique, contentieux, op.cit., p. 463, § 753. 484 JACQUE Jean Paul, « Droit institutionnel de l’Union européenne », op.cit., p. 573, § 910 485 GUY Isaac, BLANQUET Marc, Droit général de l’Union européenne, op.cit., p. 306
116
279. Le règlement crée ainsi des droits et des obligations au profit des particuliers ; ce qui
permet à un particulier d’invoquer le règlement à l’appui d’un recours devant le juge
national.
280. L’avantage d’adopter des règlements dans le domaine pharmaceutique réside dans
l’application directe et obligatoire du règlement. Cela permet de contourner le
manque de volonté politique de la part des Etats à respecter les actes adoptés par les
organes de l’Union. Pourtant, les Etats devront apprendre à appliquer les normes
communautaires, qui sont parfois élaborées en tenant compte de certains instruments
internationaux.
B. L’influence des instruments internationaux (l’exemple de Medicrime)
281. La convention Medicrime, bien qu’adoptée après le début du processus
d’harmonisation des règlementations pharmaceutiques, n’est pas sans influence sur
ce processus. Ce, d’autant plus que l’UEMOA est toujours dans la dynamique de
rapprochement du droit pharmaceutique. Ainsi, l’UEMOA tiendra probablement
compte de cette convention dans l’adoption des autres instruments communautaires
visant à rapprocher les droits nationaux des Etats membres (2). Pour parvenir à une
adhésion au niveau communautaire de l’UEMOA, il faut d’abord comprendre
l’objectif et le principe de la convention (1).
1. Régime juridique de la convention Medicrime
282. Au niveau international, il n’existait pas de législation harmonisée en matière de lutte
contre la contrefaçon des produits de santé. Pourtant, l’existence d’un cadre juridique
contraignant empêchant la production et la commercialisation de médicaments qui
ne sont pas issus du circuit légal est nécessaire. C’est dans cette perspective que le
Conseil de l’Europe a élaboré en 2011 une convention internationale contre la
contrefaçon des produits médicaux et les infractions similaires appelée « Convention
du Conseil de l’Europe sur la contrefaçon des produits médicaux et les infractions
similaires menaçant la santé publique² » dite Convention MEDICRIME.
283. La contrefaçon, une menace mondiale, a conduit à l’ouverture de cette convention
internationale à la signature aussi bien des Etats membres du Conseil de l’Europe,
qu’aux Etats non membres. En effet, la contrefaçon de produits médicaux et la
criminalité associée menacent le droit à la vie inscrit dans la Convention européenne
117
des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (CEDH)486. Le but de la
convention est de prévenir et de combattre les menaces qui pèsent sur la santé
publique487. L’article 3 précise son champ d’application : « La présente Convention
porte sur les produits médicaux, qu’ils soient ou non protégés par des droits de
propriété intellectuelle ou qu’ils soient ou non des produits génériques, y compris les
accessoires destinés à être utilisés avec les dispositifs médicaux, ainsi que les
substances actives, les excipients, les éléments et les matériaux destinés à être utilisés
dans la fabrication de produits médicaux ». La notion de produits médicaux permet
ainsi d’y inclure les médicaments et les dispositifs médicaux.
284. Destinée à protéger la santé publique, la Convention introduit des sanctions pénales
et des mesures de prévention et de protection des victimes488. C’est donc un
instrument juridique contraignant dans le domaine du droit pénal. Elle s’applique
ainsi à tous les produits médicaux : les médicaments à usage humain et vétérinaire,
les dispositifs médicaux et les diverses substances actives, excipients, éléments ou
matériaux qui les composent (produits génériques ou protégés par un droit de
propriété intellectuelle)489. Cependant, les produits médicaux (produits médicaux
génériques) ayant obtenu l’AMM d’une autorité compétente sont exclus de la
convention490.
285. Toutefois, cette convention doit prendre en compte les dispositions prévues par la
Convention de Palerme491. La Convention de Palerme s’applique de manière
générale à la criminalité transnationale organisée. Elle a permis de poser « les bases
d’une collaboration internationale pour prévenir et combattre plus efficacement, aux
niveaux national, régional et international, la criminalité organisée »492.
486 http://www.coe.int/t/dghl/standardsetting/medicrime/default_FR.asp 487 Texte de la Convention Medicrime. 488 488 http://www.coe.int/t/dghl/standardsetting/medicrime/default_FR.asp 489 Esther DUPAIN, « Contrefaçon et produits médicaux : "Convention du Conseil de l'Europe sur la contrefaçon de produits médicaux et les infractions similaires menaçant la santé publique", autrement appelée Convention Medicrime » Paris, 18 février 2013, p. 2 Disponible sur : www.regimbeau.eu 490 WALSER Sabine, « Convention du Conseil de l’Europe sur la contrefaçon des produits médicaux et les infractions similaires menaçant la santé publique (STCE’211) (Convention Médicrime), in JOURDAIN-FORTIER Clotilde, MOINE-DUPUIS Isabelle (dir.), La contrefaçon de médicaments : les premiers pas d’une ‘réaction normative internationale, Actes du colloque du 15 juin 2012, Dijon, Année 2013, Volume 40, LexisNexis, p. 103 491 L’article 26 de la Convention Médicrime prévoit, la prise en compte des Conventions antérieures régissant également les infractions pouvant menacer la santé publique. 492 SAWADOGO Windégoudi Casimir et al., « De Palerme à Médicrime : prise en compte des conventions internationales dans la lutte contre les faux médicaments à travers l’exemple du Burkina Faso », Panorama de Droit pharmaceutique n°5, Janvier 2018, pp. 220 et 221.
118
286. Le non-respect des normes de qualité, des bonnes pratiques (fabrication, distribution
etc) n’est soumis à la Convention Médicrime que dès lors qu’un élément intentionnel
existe. Ce qui exclut les médicaments sous-standards qui sont fabriqués légalement
par des fabricants agréés, mais qui ne respectent pas les spécifications et les normes
de qualité, à cause d’une fabrication ou d’un stockage défectueux493 .
287. Ce n’est pas la protection des droits de propriété intellectuelle qui est l’objectif de
cette convention494. C’est la protection de la santé publique, qui est au premier plan
de la convention. Elle est centrée sur les aspects liés à la prévention, à la protection
des victimes et au droit pénal en matière de lutte contre toutes les formes de
contrefaçon des produits médicaux et les infractions similaires menaçant la santé
publique.
288. Le texte de la Convention ne prévoit pas de « sanctions », mais donne aux Etats des
orientations afin de mettre en place dans leurs droits internes une législation efficace
pour sanctionner les personnes impliquées dans la contrefaçon des produits
médicaux, mais surtout pour protéger les victimes de ces agissements.
289. Ainsi, au travers de Medicrime, des normes minimales communes sur le droit pénal
matériel et procédural sont mises en place495. Pour l’application de la convention,
une modification du droit pénal matériel est nécessaire496. En effet, les Etats qui
adhèrent à la convention doivent prévoir des incriminations et des sanctions
« effectives, proportionnées et dissuasives »497. Cet aspect constitue une difficulté et
une préoccupation pour les Etats africains signataires de la Convention. « …
l’effectivité d’une convention passe souvent par l’efficience du travail législatif
qu’elle implique… », affirmait Claire SOURZAT498. Aussi, la convention prévoit
493 Cf. supra., p. 62, § 140. 494 Préambule de la Convention Médicrime 495 WALSER Sabine, « Convention du Conseil de l’Europe sur la contrefaçon des produits médicaux et les infractions similaires menaçant la santé publique (STCE’211) (Convention Médicrime), in La contrefaçon de médicaments : les premiers pas d’une ‘réaction normative internationale, op.cit., p. 102. 496 SOURZAT Claire, « La question de l’effectivité de la Convention », in JOURDAIN-FORTIER Clotilde, MOINE-DUPUIS Isabelle (dir.), La contrefaçon de médicaments : les premiers pas d’une ‘réaction normative internationale, Actes du colloque du 15 juin 2012, Dijon, Année 2013, Volume 40, LexisNexis, p. 114. 497 Article 12 de la Convention du Conseil de l’Europe sur la contrefaçon des produits médicaux et les infractions similaires menaçant la santé publique. 498 SOURZAT Claire, « La question de l’effectivité de la Convention », in La contrefaçon de médicaments : les premiers pas d’une ‘réaction normative internationale, op.cit., p. 116.
119
une coopération dans le domaine pénal499. C’est l’un des inconvénients majeurs qui
conduisent à la réticence de certains Etats à signer la convention500.
2. Une adhésion dans un cadre communautaire pour une efficacité des sanctions harmonisées
290. Si les pays de l’UEMOA ont décidé d’harmoniser leurs réglementations en
développant la coopération dans le domaine pharmaceutique afin de lutter
efficacement contre la prolifération de ce marché, au niveau international, une
législation harmonisée pour lutter contre la contrefaçon est mise en place. Quel
intérêt y a-t-il pour l’Union d’adhérer et de prendre en compte cette convention ?
Quel est l’impact de l’harmonisation au sein de l’UEMOA, avec la lutte
internationale contre la contrefaçon ? Avant d’apporter des réponses possibles à ces
questions, il faut noter que la santé est aujourd’hui un bien public mondial501 qui
nécessite une coopération et une harmonisation des législations.
291. Ainsi, l’harmonisation des réglementations constitue, de ce fait, une première
expérience qui va contribuer à la coopération dans le domaine pharmaceutique. Cette
coopération initiale facilitera celle préconisée par la Convention Medicrime, si tous
les pays de l’Union la signent et la ratifient. Avec la convention, le droit pénal des
pays prévoira des infractions et des sanctions spécifiques à la contrefaçon des
produits médicaux. A l’heure actuelle, les trafiquants interpellés sont poursuivis pour
exercice illégal de la pharmacie ou pour commercialisation de médicaments sans
AMM, dans certains pays comme le Burkina Faso.502 Un cadre de concertation de
niveau sous-régional initié par l’UEMOA permettra à ces Etats signataires de mieux
appréhender la Convention, et de mettre en place des comités pour échanger et aider
chaque pays dans la modification de son droit interne, pour l’effectivité de
Médicrime. Mais, les Etats membres de l’UEMOA ont commencé à signer et à
ratifier la convention individuellement.
499 Article 21 al 2 de la Convention « Les Parties coopèrent dans la mesure le plus large possible en vertu des traités internationaux, régionaux et bilatéraux applicables et pertinents relatifs à l’extradition et à l’entraide judiciaire en matière pénale concernant les infractions établies conformément à la présente Convention ». 500 ROGE Wilfried, « Faut-il un instrument juridique international pour lutter contre le faux médicament ? », in Défis, n°05, 2015, p. 48. « Il fait cas de la Suisse » dans ses propos. 501 Cf. BODIN Bruno, La santé, bien public mondial ou bien marchand ? Réflexions à partir des expériences africaines, Presses Universitaires du Septentrion, 1ere éd., 2014, 184 p. ; GADREAU Maryse., « La santé bien publique mondial. Un avatar néolibéral ? » Revue de la régulation. Capitalisme, institutions, pouvoirs, Association Recherche et régulation, 2014 ; MOINE-DUPUIS Isabelle, « Santé et biens communs : un regard de juriste. », Développement durable et territoires [En ligne], Dossier 10 | 2008, mis en ligne le 09 novembre 2010, consulté le 12 octobre 2018. URL : http://journals.openedition.org/developpementdurable/5303. 502 Article 151 du CSP du Burkina Faso.
120
292. La Guinée est le premier pays africain à y adhérer le 10 octobre 2012. Aussi certains
Etats membres de l’UEMOA ont-ils signé et ratifié la Convention. C’est le cas du
Burkina Faso qui l’a signée le 16 février 2017 et ratifiée le 27 juillet 2017503, la Côte
d’Ivoire qui a adopté en mars 2018, en Conseil des Ministres, une communication
relative à l’adhésion à la convention. Le Bénin a également adhéré à ladite
Convention. Le Maroc l’a signée le 13 décembre 2012504. Ce processus d’adhésion
est nécessaire dans la mesure où, au sein de l’UEMOA, les Etats membres ne
disposent pas d’un cadre juridique satisfaisant pour la mise en œuvre de poursuites
pénales contre les personnes impliquées dans ce commerce illicite de médicaments.
Cependant, une démarche d’adhésion dans un cadre communautaire serait plus
appropriée afin de faciliter les échanges avec le Conseil de l’Europe. Si tous les Etats
de l’UEMOA adhéraient à la convention, cela constituerait un grand pas vers la mise
en œuvre d’une sécurité sanitaire. Si la convention retient l’attention des Etats
africains, c’est parce que la contrefaçon et les infractions similaires sont très
présentes sur ce continent. Cette convention constitue un moyen juridique harmonisé
au niveau international. Elle pourrait donc constituer un atout non négligeable pour
ces Etats.
293. Une fois que tous les pays de l’Union auront adhéré à la convention, il serait
intéressant que l’élaboration des législations se fasse au niveau sous-régional, donc
au sein de l’UEMOA, mais pas individuellement au niveau national. En effet, si
chaque Etat élabore sa législation contre les infractions mentionnées dans la
Convention Medicrime, il risque d’avoir des divergences dans les sanctions.
Pourtant, les criminels exploitent ces failles juridiques et vont ainsi se déplacer d’un
pays à un autre, en fonction du droit pénal national. Par contre, si une coopération,
voire une harmonisation, est élaborée au niveau communautaire, la lutte contre la
contrefaçon des produits médicaux et des infractions similaires serait plus efficace
et dissuasive. Pour Wilfried ROGE, « s’il n’est de frontière pour l’activité du crime
pharmaceutique, ne devrait-il pas en être de même pour la répression ? »505.
503 Sur le processus d’adhésion du Burkina Faso à la Convention Médicrime, cf. SAWADOGO Windégoudi Casimir et al., « De Palerme à Médicrime : prise en compte des conventions internationales dans la lutte contre les faux médicaments à travers l’exemple du Burkina Faso », Panorama de Droit pharmaceutique, n°5, Janvier 2018, pp. 27-228. 504 SAWADOGO Windégoudi Casimir et al., « De Palerme à Médicrime : prise en compte des conventions internationales dans la lutte contre les faux médicaments à travers l’exemple du Burkina Faso », op.cit., p. 226. 505 ROGE Wilfried, « Faut-il un instrument juridique international pour lutter contre le faux médicament ? », op.cit., p. 47.
121
L’approche régionale dans ce processus de lutte internationale doit être plus
envisagée. Casimir SAWADOGO et al., notaient ainsi l’importance de la « tenue
d’une concertation régionale pour que les échelles des peines soient harmonisées au
niveau régional afin d’éviter que les auteurs se rendent dans des pays qui auraient
une législation manifestement moins sévère »506.
294. En outre, le cadre communautaire pourrait inciter à une plus grande implication
politique des Etats507 dans la mise en œuvre de la Convention Médicrime. Il faut que
les gouvernements des Etats fassent de l’application et de la mise en œuvre de cette
Convention une « priorité gouvernementale »508. Le fait que les huit (8) pays de
l’Union partagent le même système juridique constitue un atout pour une vision plus
communautaire qu’individuelle. La coopération exigée par la Convention509 serait
plus efficace si elle s’opère d’abord au niveau sous-régional avant de se développer
au niveau international. Par exemple, l’UEMOA devrait travailler à instaurer, tout
comme l’Union Européenne, « le principe de reconnaissance mutuelle des décisions
de justice »510.
295. Toutefois, l’enjeu majeur de ce processus d’harmonisation est d’aboutir à une
sécurité des systèmes de santé. Une sécurité qui permettra d’assurer la circulation de
médicaments efficaces dans toute la sous-région. La mise en place d’une telle
sécurité devient impérative et dépend largement des acteurs chargés de la mise en
œuvre du processus d’harmonisation.
§ II. Les acteurs de la mise en œuvre de l’harmonisation
296. Dans le cadre de la mise en œuvre du processus d’harmonisation de la réglementation
pharmaceutique, l’Union a adopté un règlement n°02/2005 qui a créé une structure
chargée de l’harmonisation et la coopération pharmaceutique. Si l’harmonisation des
législations nationales n’est pas suivie de la création d’institutions communes, il va
en résulter des interprétations différentes des textes harmonisés, des différences dans
leurs applications et, par ricochet, des effets différents. La mise en place d’un organe
506 SAWADOGO Windégoudi Casimir et al., « De Palerme à Médicrime : prise en compte des conventions internationales dans la lutte contre les faux médicaments à travers l’exemple du Burkina Faso », op.cit., p. 230. 507 SOURZAT Claire, « La question de l’effectivité de la Convention », in JOURDAIN-FORTIER Clotilde, MOINE-DUPUIS Isabelle (dir.), La contrefaçon de médicaments : les premiers pas d’une ‘réaction normative internationale, Actes du colloque du 15 juin 2012, Dijon, Année 2013, Volume 40, LexisNexis, p. 123. 508 SOURZAT Claire, « La question de l’effectivité de la Convention », in La contrefaçon de médicaments : les premiers pas d’une ‘réaction normative internationale, op.cit., p. 129. 509 Article 17 de la Convention Médicrime. 510 SOURZAT Claire, « La question de l’effectivité de la Convention », in La contrefaçon de médicaments : les premiers pas d’une ‘réaction normative internationale, op.cit., p. 123.
122
juridictionnel chargé d’assurer une interprétation uniforme des textes dans le sens de
l’instauration d’un droit harmonisé est donc indispensable511. Il faut alors une
harmonisation dans l’application des textes communautaires.
297. Ainsi, au-delà des outils qui permettent de mettre en place ce processus
d’harmonisation de la réglementation pharmaceutique, certains acteurs
institutionnels participent également à la concrétisation réelle ; La Cellule pour
l’harmonisation de la réglementation et la Coopération pharmaceutique (A), ou
possible : la Cour de Justice (B).
A. Création d’une Cellule chargée de l’harmonisation pharmaceutique
298. L’efficacité de l’harmonisation va dépendre de l’organe chargé de sa mise en œuvre,
de l’organe qui coordonne et nourrit ce processus, car l’harmonisation en elle-même
n’est qu’un concept « qui n’a pas de vie »512. L’Union a créé au sein de sa
Commission, une Cellule pour l’harmonisation de la réglementation et la
Coopération Pharmaceutique (CHRCP ou « Cellule »). Elle est chargée de favoriser
et de soutenir l’harmonisation communautaire afin de garantir la sécurité des
populations à travers l’accessibilité à des médicaments de qualité513. Techniquement,
elle a pour tâche également de favoriser les échanges entre les différentes Autorités
de Réglementation Pharmaceutique (ARP) et le renforcement de leurs capacités dans
le domaine de la réglementation pharmaceutique514. Toute harmonisation d’une
réglementation pharmaceutique entamée au sein de l’Union doit faire l’objet d’un
suivi constant par cette Cellule. Une telle mission nécessite qu’elle soit composée de
plusieurs personnes compétentes dans le domaine (1). L’objectif à terme est de faire
d’elle une agence de réglementation comparable à celle mise en place au sein de
l’Union Européenne : l’Agence Européenne du Médicament (EMA). Pour ce faire,
une procédure spécifique doit être suivie pour l’adoption d’un outil technique en vue
de l’harmonisation d’un domaine du droit pharmaceutique (2).
511 FETZE Kamdem Innocent, « Harmonisation, unification et uniformisation. Plaidoyer pour un discours affiné sur les moyens d’intégration juridique », R.J.T. 605, 2009, p. 644. 512 Ibid., p. 641. 513 Article 6 et 7 du Règlement n°02/2005/CM/UEMOA relatif à l’harmonisation de la réglementation pharmaceutique dans les Etats membres de l’UEMOA. 514 OUEDRAOGO/OUATTARA Nati Safiatou, « Situation de l’harmonisation de la réglementation pharmaceutique au sein de l’UEMOA », in séminaire sur les politiques pharmaceutiques nationales à l’attention des experts francophones 14 au 18 juin 2010, Genèv, OMS, p. 14.
123
1. La composition et mission de la CHRCP
299. Pour assurer la mission d’envergure qui lui est confiée, l’UEMOA a estimé
nécessaire de doter la Cellule de plusieurs organes nécessaires à son bon
fonctionnement : un comité de pilotage des projets d’harmonisation, des groupes de
travail techniques et d’un secrétariat515.
300. Le Comité de pilotage est l’organe de décision de la Cellule. Il est composé des
directeurs chargés de la Pharmacie et du médicament des différents pays membres,
des représentants de la Commission de l’UEMOA et des représentants de l’OMS et
de l’OOAS. Ainsi dit, la CEDEAO à travers l’OOAS, participe aux décisions
relatives à cette harmonisation, d’autant plus que tous les pays membres de
l’UEMOA sont également membres de la CEDEAO. Elle a donc un intérêt à la mise
en place dans la sous-région de procédures pouvant améliorer l’état de santé des
citoyens. Le but également de ce processus est d’instaurer une coopération technique
entre les Autorités Nationales de Réglementation (ANR).
Ce Comité est l’organe principal d’aide à la décision en matière d’harmonisation de
la réglementation et la coopération pharmaceutiques. Pour ce faire, elle se réunit une
fois par an au moins pour examiner toutes les décisions concernant l’harmonisation
de la réglementation pharmaceutique516. D’autres partenaires internationaux peuvent
toutefois soutenir le processus entrepris par l’Union.
301. Les groupes de travail techniques, composés d’experts nationaux, régionaux et
internationaux, ont la charge de déceler les divergences entre les réglementations des
différents Etats membres tout en tenant compte des différences d’exigences entre les
pays en vue de trouver des conditions et des solutions pouvant tenir compte des
spécificités de chaque Etat517. Par exemple, si dans le domaine de la publicité des
médicaments un Etat souhaite autoriser la publicité de certains médicaments à la
télévision, alors que 3 autres Etats membres veulent une interdiction formelle d’une
telle publicité ; dans un tel cas de figure, le groupe de travail technique devrait
examiner les différentes exigences et trouver une solution adéquate.
515 Article 9 du Règlement n°02/2005/CM/UEMOA relatif à l’harmonisation de la réglementation pharmaceutique dans les Etats membres de l’UEMOA. 516 Article 9, 10, et 15 du Règlement n°02/2005/CM/UEMOA relatif à l’harmonisation de la réglementation pharmaceutique dans les Etats membres de l’UEMOA. 517 Article 13 du Règlement n°02/2005/CM/UEMOA relatif à l’harmonisation de la réglementation pharmaceutique dans les Etats membres de l’UEMOA.
124
302. Cependant, c’est la Commission elle-même qui abrite le secrétariat de la Cellule.
Elle effectue l’organisation matérielle des réunions de travail sur ce processus
d’harmonisation. Le secrétariat est resté inactif pendant trois ans, soit de 2013 à
2016518, paralysant ainsi toute initiative d’harmonisation, et ne favorisant pas ainsi
le suivi de l’harmonisation déjà en cours. Il va sans dire que l’inactivité de la
Commission dans le cadre de cette harmonisation a été un frein à la progression de
l’harmonisation des réglementations pharmaceutiques519.
303. Toutefois, il faut souligner que la composition actuelle de la Cellule chargée de
l’harmonisation520 devrait être diversifiée pour prendre en compte certains acteurs
du domaine. Des acteurs clés du domaine pharmaceutique sont mis en marge
(distributeurs en gros, importateurs, etc). Il faudrait peut-être créer des commissions
nationales qui pourraient être composées des distributeurs en gros, des importateurs,
de certains fabricants. Chaque Etat membre de l’Union peut créer un comité national
qui va étudier les réglementations pharmaceutiques devant faire l’objet de
l’harmonisation. Ces comités nationaux pourront par la suite, au vu des rapports
respectifs de chaque Etat, établir la procédure et les aspects prioritaires à un
rapprochement. La coopération pour l’élaboration d’un texte communautaire sera
ainsi plus efficace. La stratégie actuellement mise en œuvre qui consiste à confier
l’élaboration des textes communautaires à la Cellule, sans un travail d’analyse
préalable détaillé dans chaque Etat, est préjudiciable à l’application des textes
pharmaceutiques communautaires. Il est essentiel d’associer les différents
professionnels intervenants dans le domaine pharmaceutique, au moins durant la
phase d’élaboration de l’outil technique. L’application concrète des règles
communautaires ne peut aboutir et réussir que si ces derniers sont impliqués. Ce qui
implique que les Etats doivent comprendre, accepter et assimiler également ces
règles. La collaboration des acteurs intervenant dans le circuit du médicament est un
gage d’une effectivité de l’harmonisation. « L’harmonisation entre des partenaires
518 Le secrétariat de la Cellule est resté inactif après le départ de la pharmacienne Nafissatou qui a piloté le processus d’harmonisation. Faute de pharmacien, tout le processus était paralysé. C’est courant année 2016 qu’une pharmacienne a été recrutée. 519 Les activités du secrétariat de la Cellule ont réellement repris après le recrutement d’une pharmacienne pour coordonner les activités. Ce cas de figure illustre la difficulté résultant du fait que le fonctionnement réel du secrétaire repose sur une personne, notamment un pharmacien. Il faudrait renforcer le personnel du secrétariat afin d’éviter que l’absence d’une personne ne paralyse à nouveau tout le processus d’harmonisation 520 Cf. supra., § 299-302.
125
plus égaux nécessite un cadre institutionnel plus élaboré »521, précisait de ce fait
Maurice SCHIFF.
304. En plus de l’absence d’acteurs clés comme cité plus haut, les juristes de ces pays ne
sont pas pris en compte. Il serait pourtant important d’associer les juristes africains
à ce processus. La confrontation que ces juristes vont réaliser à travers la
comparaison de leurs droits pharmaceutiques est un facteur non négligeable, voire
indispensable522. Ce constat de la mise à l’écart des juristes des processus de décision
ou d’adoption de textes juridiques n’est pas spécifique à ce processus
d’harmonisation du droit pharmaceutique. Dans bien d’autres domaines, il n’est pas
tenu compte des aspects juridiques nécessitant la compétence d’un professionnel du
droit.
305. L’étude approfondie de la matière à harmoniser est importante. L’exemple de l’essor
d’internet dans l’espace UEMOA va nécessiter de prendre en compte la probabilité
d’une vente de médicaments sur internet, la publicité et les informations sur les
médicaments diffusés sur les réseaux sociaux et pouvant influencer la consommation
de médicaments par certaines personnes.
306. Au vu de sa composition, il faut noter que la Cellule joue un rôle capital dans le
processus d’harmonisation. En effet, la Cellule joue, dans le système
d’harmonisation du domaine pharmaceutique, un rôle de conseil, d’organisation et
de coordination. Elle conseille les Etats membres et la Commission de l’Union quant
à la nécessité et l’importance d’un projet d’harmonisation dans un domaine précis de
la réglementation pharmaceutique. Elle organise les étapes nécessaires à l’adoption
d’un outil technique en vue d’harmoniser les normes, les standards, les lignes
directrices et les procédures utilisées au niveau de la réglementation pharmaceutique
des Etats membres. Elle coordonne enfin la coopération et les échanges techniques
entre les différentes Agences de Réglementation Pharmaceutiques (ARP). Toutefois,
pour permettre une meilleure implication de la Cellule, l’Union à prévu qu’elle
puisse être sollicitée pour toute autre question relevant du domaine de
l’harmonisation pharmaceutique523.
521 SCHIFF Maurice, WINTERS Alan, Intégration régionale et développement, Paris, Editons Economica, 2004, p. 173. 522 Cf. infra., § 972-978. 523 Article 8 du Règlement n°02/2005/CM/UEMOA relatif à l’harmonisation de la réglementation pharmaceutique dans les Etats membres de l’UEMOA.
126
307. Ainsi, depuis sa création en 2005, la Cellule a permis l’élaboration de plusieurs outils
techniques524. Elle a également permis une réelle amélioration de la coopération
pharmaceutique. Outre les textes communautaires pharmaceutiques adoptés en 2010,
la Cellule incite à un changement de statut des ANRP en des agences autonomes. La
mise en place de cette Cellule a permis d’améliorer le fonctionnement de la
réglementation pharmaceutique à travers les évaluations qu’elle réalise auprès de
chaque Etat membre. Cependant, l’adoption d’un instrument juridique
communautaire afin de parvenir à une harmonisation nécessite une procédure
spécifique prévue par le règlement 02/2005 portant sur l’harmonisation de la
réglementation pharmaceutique dans les Etats membres de l’UEMOA.
2. Procédure d’adoption d’un outil technique pour l’harmonisation de la réglementation pharmaceutique
308. Le Comité joue un rôle primordial dans le processus d’harmonisation des
législations pharmaceutiques. L’initiative d’harmonisation d’un domaine
pharmaceutique peut provenir du Comité ou de tout Etat membre ayant intérêt au
rapprochement des législations des Etats membres dans ce domaine525. La partie
initiatrice de l’action d’harmonisation doit présenter un sommaire de la proposition
indiquant le type d’harmonisation préconisée526. A en croire les termes de cet article 21
du règlement n°02/2005/CM/UEMOA527 relatif à l'harmonisation de la réglementation
pharmaceutique dans les Etats membres de L'UEMOA, l’harmonisation à plusieurs
variantes. Cependant, le règlement ne mentionne pas les différents types
d’harmonisation qu’il est possible d’utiliser dans le cadre du rapprochement des
réglementations.
524 Un Règlement relatif aux procédures d’homologation des produits pharmaceutiques à usage humain dans les Etats membres de l’UEMOA ; Une Décision portant adoption de lignes directrices pour l’homologation des produits cosmétiques dans les Etats membres de l’UEMOA ; Une décision portant adoption de lignes directrices pour l’homologation des compléments nutritionnels dans les Etats membres de l’UEMOA ; Une Décision portant adoption du guide de bonnes pratiques de fabrication des médicaments dans les Etats membres de l’UEMOA; Une Décision portant adoption du guide de bonnes pratiques de distribution et d’importation des médicaments dans les Etats membres de l’UEMOA ; Décision portant adoption des lignes directrices pour le contrôle de l’information et la publicité sur les médicaments dans les Etats membres de l’UEMOA. 525 Article 20 du Règlement n°02/2005/CM/UEMOA relatif à l'harmonisation de la règlementation pharmaceutique dans les Etats membres de L'UEMOA. 526 Article 21 Règlement n°02/2005/CM/UEMOA relatif à l'harmonisation de la règlementation pharmaceutique dans les Etats membres de L'UEMOA. 527 Article 21 du Règlement n°02/2005/CM/UEMOA relatif à l'harmonisation de la réglementation pharmaceutique dans les Etats membres de L'UEMOA : « La partie initiatrice de l’action d’harmonisation doit présenter un sommaire de la proposition indiquant le type d’harmonisation préconisée ».
127
309. C’est le secrétariat de la Cellule qui est compétente pour recevoir toutes ces
initiatives d’harmonisation et procéder à l’examen préliminaire. C’est la raison pour
laquelle toute inactivité du secrétariat abouti à un blocage de tout le processus
d’harmonisation.
310. A la réception de la proposition d’harmonisation, le secrétariat met en place un outil
de base qui sera examiné par les experts des différents Etats, ainsi que de l’OMS et
les partenaires techniques. Le règlement de 2005 reste muet sur la procédure exacte
entreprise par le comité pour mettre en œuvre cet outil de base. Fait-il appel à un
droit comparé des législations des Etats membres sur l’aspect du droit
pharmaceutique devant être harmonisé ? Ou se réfère-t-il uniquement au droit
international en la matière ?
311. Les professionnels du domaine concerné par l’harmonisation prendront connaissance
de l’outil avant que le Comité de pilotage ne procède à la validation de l’outil
technique.
312. C’est la Commission qui validera définitivement l’outil technique avant que le projet
d’harmonisation soit inscrit à la réunion du Conseil des Ministres. C’est donc le
Conseil des Ministres qui adopte le projet de texte en vue d’une harmonisation dans
le domaine pharmaceutique528.
313. Prévu pour devenir à terme une agence communautaire pour le médicament, la
Cellule est toujours loin d’une telle transformation. Les difficultés de
fonctionnement auxquelles elle fait face ne favorisent pas cette possibilité.
L’inactivité du Secrétariat pendant un moment529 a freiné le processus, sachant que
le secrétariat constitue le noyau dur de la Cellule chargée du processus
d’harmonisation.
314. Pour pallier les difficultés de fonctionnement de la Cellule, la Cour de Justice devrait
jouer un rôle d’interprétation qui permettra de renforcer l’harmonisation.
B. Une Cour de Justice pour une interprétation uniforme des textes harmonisés
315. L’institution juridictionnelle de l’UEMOA est un acteur important dans le processus
d’intégration juridique des réglementations pharmaceutiques. A travers son
528 HOUNNOU Carmelle, « Harmonisation de la réglementation pharmaceutiques au sein de l’UEMOA et de l’OOAS » Séminaire francophone sur les Politiques Pharmaceutiques, Département des Médicaments essentiels et produits de santé (EMP), 12 au 16 juin 2017, Genève, p. 6. 529 Cf. infra., § 302.
128
organisation (1) et sa compétence (2), elle interprète les normes communautaires afin
d’en garantir l’application uniforme dans tous les Etats membres.
1. Organisation et fonctionnement de la Cour de Justice
316. Un espace communautaire harmonisé dans le domaine pharmaceutique ne se
construit pas sans que l’élaboration de règles communes, de concepts communs ;
dont l’uniformité d’interprétation et d’application ; soit assurée par une instance
juridictionnelle indépendante des tribunaux nationaux. « Autant il serait difficile de
garantir l’interprétation identique d’une législation nationale par les tribunaux d’un
ordre juridique interne en l’absence d’une juridiction de cassation, autant et a
fortiori, il serait illusoire d’espérer une interprétation identique d’un texte
international dans différents ordres étatiques sans l’institution de mécanismes
adéquats »530. C’est dans le même ordre d’idée que Mireille DELMAS-MARTY a
estimé que « l’harmonisation ne pourra garantir l’harmonie des formes juridiques
qui prennent naissance en elle (le résultat, donc la formation d’un ordre), qu’à
travers des conditions institutionnelles, … l’existence d’un contrôle… »531.
317. En Europe, une grande partie de la législation communautaire sur le médicament a
été construite et élaborée par la jurisprudence de la CJCE et de la CJUE. Plusieurs
décisions de justice ont été rendues dans le domaine pharmaceutique, permettant
ainsi, à travers le contrôle exercé par la juridiction communautaire, de vérifier la
bonne application du droit harmonisé. Sur ce point, il est possible de citer l’arrêt
Dassonville532. A priori, c’est la pratique judiciaire, donc l’interprétation des textes
communautaires harmonisés par des juridictions communautaires, qui permettrait
une plus grande effectivité et efficacité du droit harmonisé533.
318. La réussite de l’Organisation pour l’Harmonisation du Droit des Affaires en Afrique
(OHADA) résulte également de la création de la Cour Commune de Justice et
530 FETZE Kamdem Innocent, « Harmonisation, unification et uniformisation. Plaidoyer pour un discours affiné sur les moyens d’intégration juridique », op.cit., p. 645. 531 Mireille DELMAS-MARTY « Etudes juridiques comparatives et internationalisation du droit », disponible sur : https://www.college-de-france.fr/media/mireille-delmas-marty/UPL12910_r_sum_cours0405.pdf p. 478 532 Arrêt de la Cour du 11 juillet 1974. Affaire 8-74. 533 Cf. HOUNYO Narcisse, « La Cour de justice de l’Union Economique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) dans sa fonction de garante de l’interprétation uniforme des normes communautaires », Université de Ouagadougou, UFR Sciences juridiques et politiques, Rapport de stage, DESS en droit des affaires, 2007-2008, précisait « … La construction d’une intégration économique nécessite que les normes édictées à cette fin soient appliquées de façon unifies et cohérente dans tout l’espace communautaire. Cela participe de la garantie d’une sécurité juridique pour les ressortissants de l’Union », p. 16.
129
d’Arbitrage (CCJA)534 chargée d’interpréter de manière unifiée les actes uniformes
OHADA et jouant ainsi le rôle d’un troisième degré de juridiction au niveau
communautaire535.
319. A l’instar d’autres organisations sous-régionales, l’UEMOA, dans l’article 38 de son
traité modifié, crée des organes de contrôle juridictionnel : « Il est créé au niveau de
l'Union deux organes de contrôle juridictionnel, dénommés Cour de Justice et Cour
des Comptes. Le statut, la composition, les compétences, ainsi que les règles de
procédures et de fonctionnement de la Cour de Justice et de la Cour des Comptes,
sont énoncées dans le protocole additionnel n°1 ».
320. C’est la Cour de Justice (CJ), en tant que juridiction communautaire, qui est chargée
de contrôler et de faire appliquer le droit communautaire et qui va retenir notre
attention dans les lignes qui suivent. Le fonctionnement de la Cour est déterminé par
le protocole additionnel n°1 relatif aux organes de contrôle par l’acte additionnel
n°10/96 qui détermine ses statuts et par le règlement de procédure n°01/96 du 05
juillet 1996.
321. L’article 14 de l’acte additionnel n° 10/96 portant statuts de la Cour précise que la
Cour de Justice est une juridiction permanente536 . Pourtant, l’article 3 du protocole
additionnel n°1 relatif aux organes de contrôle mentionne que : « La Cour de Justice
se réunit en tant que de besoin sur convocation de son Président ». Il y a, semble-t-
il, une contradiction entre ces deux articles. Le faible taux de litiges qui lui sont
soumis pourra peut-être expliquer pourquoi les rédacteurs du Traité ont voulu en
faire une CJ non permanente.
322. La CJ-UEMOA est composée de membres nommés pour un mandat de 6 ans
renouvelables. Les textes ne précisent pas le nombre de membres requis pour siéger
devant cette Cour, mais dans la pratique, il y a huit juges, en raison d’un juge par
Etat membre. Les qualifications requises pour être membre de cette Cour n’ont pas
été clairement spécifiées ni dans le protocole additionnel n°1 ni dans les statuts
régissant le fonctionnement de la Cour. L’article 2 du protocole précise simplement
que « les membres sont choisis parmi des personnalités offrant toutes les garanties
d’indépendance et de compétences juridiques ». Ces membres exercent au sein de la
534 http://www.ohada.org/index.php/fr/cour-commune-de-justice-et-d-arbitrage-ccja/ccja-en-bref 535 Cf. ASSEPO ASSI Eugène, « La Cour commune de justice et d’arbitrage de l’OHADA : un troisième degré de juridiction ? », in Revue internationale de droit comparé, Vol. 57 N°4,2005. pp. 943-955. 536 Article 14 de l’acte additionnel n° 10/96 portant statuts de la Cour de Justice de l'Union Economique et monétaire Ouest-Africaine.
130
Cour des fonctions de juges et d’avocats généraux. Il leur incombe cette tâche de
répartition des fonctions entre eux. Le Traité est une fois de plus muet quant au mode
de répartition de ces fonctions. Les juges prononcent les arrêts, et les avocats
généraux élaborent les conclusions motivées537.
323. Au-delà de sa composition, c’est surtout sa compétence et les pouvoirs qui lui sont
attribués qui devraient permettre à la CJ-UEMOA de veiller à l’interprétation dans
l’application des textes communautaires pharmaceutiques.
2. La compétence de la Cour de Justice
324. La CJ-UEMOA dispose d’une compétence d’attribution qui se limite aux attributions
que lui confèrent le Traité et les statuts. Elle a une fonction juridictionnelle et
consultative. Elle peut contrôler la légalité des actes des organes de l’Union et
interpréter les actes du droit primaire. Les juridictions nationales constituent en
réalité les instances de droit commun538. En effet, tout comme la CJ, les juridictions
nationales appliquent le droit communautaire.
325. La CJ-UEMOA est compétente pour connaître des recours en manquement, des
recours en appréciation de légalité, du plein contentieux de la concurrence, du
recours du personnel de l’Union, du recours en responsabilité, du recours préjudiciel,
des avis et recommandations539. L’analyse dans le cadre du respect de la
réglementation pharmaceutique harmonisée conduit à s’intéresser davantage aux
recours préjudiciels (b), aux recours en manquement des obligations des Etats
membres (c) et aux recours en appréciation de la légalité des actes (a).
326. Les recours préjudiciels et les recours en manquement sont des voies de droit qui
permettent de garantir, d’une part, le respect du droit communautaire par les Etats,
et, d’autre part, de sanctionner les Etats en cas de non-respect.
537 Cf. Règlement n° 1/96/CM portant Règlement des procédures de la Cour de Justice de l'UEMOA ; son article 9 précise : « Les Avocats généraux sont chargés de présenter publiquement, en toute impartialité et en toute indépendance des conclusions motivées sur les affaires soumises à la Cour, en vue d'assister celleci dans l'accomplissement de sa mission. L'Avocat général le plus ancien, au sens de l'article 4, prend le titre de 1er Avocat Général. II décide de l'attribution des affaires aux Avocats généraux et prend les dispositions nécessaires en cas d'absence ou d'empêchement d'un Avocat général ». 538 SARR Amadou Yaya, Chapitre II. L’institution des organes de contrôle démocratique et juridictionnel In : L’intégration juridique dans l’Union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA) et dans l’organisation pour l’harmonisation du droit des affaires en Afriques (OHADA) [en ligne]. Aix-en-Provence : Presses universitaires d’Aix-Marseille, 2008 (généré le 27 septembre 2018). Disponible sur Internet : <http://books.openedition.org/puam/394>. ISBN : 9782821853300. DOI : 10.4000/books.puam.394. 539 Règlement n° 1/96/CM portant des procédures de la Cour de Justice de l'UEMOA ; Protocole Additionnel n°1 relatif aux Organes de contrôle de l'UEMOA
131
a. Le recours en appréciation de la légalité des actes
327. La Cour peut être saisie par des personnes physiques ou morales pour apprécier la
légalité des règlements, directives, décisions et tout autre acte d’un organe de l’Union
lui faisant grief. Pourtant, ces actes constituent les instruments généralement utilisés
dans le cadre du rapprochement par harmonisation des normes nationales
pharmaceutiques des Etats membres. Cependant, les recours en appréciation de la
légalité n’ont été formulés jusque-là que dans le cadre du contentieux entre l’Union
et ses agents. Aucun recours n’a été formulé, pour le moment, contre les directives
et règlements adoptés dans le cadre de l’harmonisation du droit pharmaceutique. Les
saisines de la Cour de Justice par les personnes physiques se font par l’intermédiaire
d’un avocat. Ces saisines concernent généralement des litiges portant sur la non-
application de la législation communautaire en matière de concurrence. Toutefois,
les entraves diverses à la libre circulation des personnes et des biens, les préjudices
causés aux citoyens par la non-transposition des directives communautaires540
peuvent également faire l’objet d’un recours en appréciation de la légalité.
b. Le renvoi préjudiciel : mécanisme d’uniformisation dans l’interprétation du droit de l’Union
328. Le recours préjudiciel est une procédure qui permet à une juridiction nationale
d’interroger la CJ sur l’interprétation ou la validité du droit communautaire (sur la
légalité et l'interprétation des actes pris par les organes de l'Union, la légalité et
l'interprétation des statuts des organismes créés par un acte du Conseil) dans le cadre
d’un litige qu’une juridiction nationale doit trancher541. Le recours préjudiciel est
facultatif lorsque les décisions de la juridiction nationale sont encore susceptibles
d’un recours. Par contre, le recours préjudiciel est obligatoire si la juridiction
nationale statue en dernier ressort542. En effet, il n’existe pas de hiérarchie entre la
juridiction communautaire et les juridictions nationales. Le juge communautaire
n’est pas un juge de cassation des décisions judiciaires nationales543. Il existe plutôt
540 BABAKA Badjibassa, « Enjeux et perspectives de l’intégration régionale : cas de l’UEMOA » Séminaire Union Internationale des Avocats / Barreau du Bénin Cotonou, 23 mars 2013. 541 Article 12 du protocole additionnel n°1. 542 Article 15-6 du règlement n° 01/96/cm/UEMOA du 05 juillet 1996 portant règlement de procédures de la Cour de Justice de l'UEMOA, Article 12 du protocole additionnel n°1. 543 KOUADIO Kouassi, « Les techniques juridiques de l’intégration économique dans les Etats de la sous-région Ouest africaine francophone », Ohadata D-11-98, p. 21.
132
une collaboration entre le juge national et le juge communautaire. Le même constat
est fait dans d’autres organisations régionales comme dans l’Union Européenne544.
329. La jurisprudence de la CJ-UEMOA oriente les droits nationaux vers le respect du
droit communautaire, provoquant ainsi un rapprochement des droits nationaux545. De
ce fait, les questions préjudicielles visent à une interprétation uniforme du droit de
l’Union, de façon à éviter des appréciations divergentes des juridictions nationales
pouvant dénaturer le droit communautaire546. Ainsi, ce mécanisme va contribuer au
développement de la jurisprudence de la Cour et, par ricochet, à l’harmonisation du
droit communautaire. La Cour peut donc être saisie par une juridiction aux fins
d’interprétation d’un article du règlement portant harmonisation de l’autorisation de
mise sur le marché de médicaments dans la communauté ou pour l’interprétation de
la directive 06/2008/CM/UEMOA portant sur la libre circulation et l’établissement
des pharmaciens ressortissants de l’Union dans un Etat membre. Mais, le constat est
tout autre. Depuis l’installation de la Cour en janvier 1995, peu de recours
préjudiciels ont été formulés auprès de la Cour547. Les renvois préjudiciels
permettent ainsi de s’assurer de l’uniformité dans l’application du droit de l’union.
Le recours préjudiciel sur une question d’interprétation du droit communautaire peut
se faire dans le cadre d’une harmonisation du droit pharmaceutique. Mais, pour
l’instant, un tel recours n’a pas encore été formulé. Par contre, des recours
préjudiciels ont été formulés dans d’autre domaines. A titre d’exemple, la Cour a été
saisie par la Cour de Cassation du Burkina Faso afin de donner son avis sur « le sens
et la portée qu’elle entend donner aux barèmes indicatifs de frais et d’honoraires
d’avocats, au regard de l’article du Traité de l’UEMOA du dix (10) janvier mille
neuf cent quatre-vingt-quatorze (1994) et du règlement n° 02/2002/CM/UEMOA du
vingt-trois (23) mai deux mille deux (2002) relatif aux pratiques anticoncurrentielles
544 Au sein de l’Union Européenne, il n’y a pas de hiérarchie entre le juge national et le juge communautaire. C’est également un système de coopération entre les deux juges, in JACQUE Jean Paul, « Droit institutionnel de l’Union européenne », Paris, Editions Dalloz, 2015, 8ème éd., p. 411, note. 636. 545 JOUVE Denis, « La Cour de Justice de l’Union Européenne : instrument d’harmonisation des droits nationaux », Revue des Mutations de Droit, Janvier 2011, p. 3. 546 BLUMANN Claude, DUBOUIS Louis, Droit institutionnel de l’Union Européenne, op.cit., p. 738, note. 985. 547 HOUNYO Narcisse, « La Cour de justice de l’Union Economique et Monétaire Ouest-Africaine (UEMOA) dans sa fonction de garante de l’interprétation uniforme des normes communautaires », Université de Ouagadougou, UFR Sciences juridiques et politiques, Rapport de stage, DESS en droit des affaires, 2007-2008, p. 8 ; cf. Jurisprudence de la Cour de justice de l’Union Économique et Monétaires Ouest-Africaine, Service de la documentation, janvier 2018.
133
à l’intérieur de l’UEMOA » 548. En 2014, quatre (4) recours préjudiciels ont été
introduits devant la Cour de Justice549 : deux par la Cour de Cassation du Burkina
Faso550 et deux autres par la Cour d’Appel de Lomé551. Toutefois, ces recours
préjudiciels ne renvoient pas à des solutions exploitables dans le cadre du processus
d’harmonisation des réglementations pharmaceutiques.
330. Toujours dans le souci de veiller efficacement à l’interprétation uniforme du Traité
de l’Union et des actes pris par les organes de l’Union, la CJ-UEMOA, lorsqu’elle
constate après requête de la Commission l’usage insuffisant de la procédure de
recours préjudiciel, établit les interprétations exactes au profit des juridictions
supérieures des Etats membres552. La CJ-UEMOA peut ainsi donner son
interprétation d’une norme communautaire en dehors de tout litige relatif à cette
norme. Elle peut ainsi décider de donner son interprétation sur l’obligation ou non
pour chaque Etat de mettre en place une législation nationale sur l’information et la
publicité du médicament en se basant sur la décision n°10/2010/CM/UEMOA
portant adoption des lignes directrices pour le contrôle de l’information et de la
publicité des médicaments auprès des professionnels de santé553. Cela permet
d’éviter des interprétations erronées ou divergentes des actes de l’Union par les
juridictions nationales susceptibles de compromettre le rapprochement des
législations nationales.
331. La possibilité de saisir le juge communautaire par un recours préjudiciel est un
avantage pour assurer une interprétation uniforme des textes. En plus du recours
548 Affaire TRAORE T. Michel C/ Salifou Mohamed. Arrêt n°11 RP 001.12 du 30 avril 2014, Cour de Justice de l’UEMOA. 549 Jurisprudence de la Cour de Justice réalisé par le service de documentation de la Cour, Janvier 2018. Ce lien nous a été fourni à titre privé lors de nos échanges avec le service de documentation de la Cour. file:///C:/Users/DIANE/Desktop/Jurisprudence%20CJUEMOA/Sommaire2.htm 550 Recours préjudiciel provenant de la Cour de Cassation du Burkina Faso dans l'affaire TRAORE T. Michel C./ Salifou Mohamed. Recours préjudiciel provenant de la Cour de Cassation du Burkina Faso dans l'affaire TRAORE T. Michel C./ SYB L. S. Dieudonné. 551 Recours préjudiciel provenant de la Cour d'appel de Lomé (Togo) dans l'affaire BOAD C./ SOUMAHORO Youssouf « … La Cour d’Appel de Lomé a, en application de l’article 12 du Protocole Additionnel n° 1, saisi la Cour de Justice de l’UEMOA aux fins d’entendre la juridiction communautaire dire si la Banque Ouest-Africaine de Développement (BOAD) est justiciable ou non devant les juridictions du Togo. » Recours préjudiciel provenant de la Cour d'Appel de Lomé (Togo) dans l'affaire TRAORE Lassina C./ BOAD 552 Article 14 du protocole additionnel n°1 relatif aux organes de contrôle de l’UEMOA « Si, à la requête de la Commission, la Cour de Justice constate que dans un Etat membre, le fonctionnement insuffisant de la procédure de recours prejudictionnel permet la mise en œuvre d'interprétations erronées du Traité de l'Union, des actes pris par les organes de l'Union ou des statuts des organismes créés par un acte du Conseil, elle notifie à la juridiction supérieure de l'Etat membre un arrêt établissant les interprétations exactes. Ces interprétations s'imposent à toutes les autorités administratives et juridictionnelles dans l'Etat concerné ». 553 Cf. supra., § 609-661.
134
préjudiciel, le recours en manquement permet également d’assurer une uniformité
dans l’application des textes harmonisés.
c. Le recours contre les Etats : recours-en constatation de manquement à une obligation
332. Des obligations pèsent sur chaque Etat membre signataire du Traité. L’article 7 du
Traité de Dakar le spécifie en ces termes : « Les Etats membres apportent leur
concours à la réalisation des objectifs de l'Union en adoptant toutes mesures
générales ou particulières propres à assurer l'exécution des obligations découlant du
présent Traité. A cet effet, ils s'abstiennent de toutes mesures susceptibles de faire
obstacle à l'application du présent Traité et des actes pris pour son application ».
333. Il est donc difficile pour un Etat membre d’invoquer le droit interne pour justifier un
manquement à une obligation du droit communautaire. L’harmonisation des
réglementations pharmaceutiques impose à chaque Etat une mise en conformité de
sa réglementation nationale avec la réglementation communautaire.
334. L’intégration normative ne sera vraiment effective que si les Etats sont sanctionnés
en cas de manquement aux obligations nécessaires à la réalisation de l’objectif
général du Traité et de l’intégration.
335. La Cour peut être saisie par la Commission pour statuer sur des manquements d’un
Etat membre aux obligations qui lui incombent en vertu du Traité554. Cependant les
Etats membres ont également la possibilité de former un recours en manquement
contre un autre Etat devant la Cour. Mais, la Cour, avant de statuer, doit recueillir les
observations de la Commission. La Commission joue donc le rôle central dans la
mise en œuvre du recours en manquement.
336. La CJ-UEMOA peut condamner un Etat pour inaction lorsque l’Etat a l’obligation
de transposer, par exemple, une directive, mais ne le fait pas ou procède à une
transposition incomplète de celle-ci555. Il y a donc là un manquement de l’Etat à ses
obligations vis-à-vis du Traité. L’article 6 du protocole additionnel n°01 précise sur
ce point que « si la Cour de Justice constate qu'un Etat membre a manqué à une des
obligations qui lui incombent en vertu du Traité de l'Union, cet Etat est tenu de
prendre les mesures que comporte l'exécution des arrêts de la Cour. En cas
d'abstention de l'Etat membre dont le manquement a été constaté, la Commission a
554 Article 5 du protocole additionnel n°1 relatif aux organes de contrôle de l’UEMOA. 555 Article 5 et 6 du protocole additionnel n°1 relatif aux organes de contrôle de l’UEMOA.
135
la faculté de saisir la Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement afin qu'elle
invite l'Etat membre défaillant à s'exécuter ». Cela implique que la Commission n’a
aucune obligation d’interpeller la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement
si l’Etat n’exécute pas les arrêts de la Cour de Justice. Autrement dit, si l’Etat ne se
conforme pas à ses obligations en vertu du Traité. Un Etat peut donc continuer à ne
pas respecter des textes communautaires malgré un recours en manquement et un
arrêt de la Cour l’invitant pourtant à s’y conformer. Par contre, au sein de l’Union
Européenne, il est prévu à l’article 228 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union
Européenne (TFUE), la possibilité de condamner un Etat à des sanctions pécuniaires
lorsque ce dernier ne respecte pas une décision de justice le condamnant pour
manquement556.
337. Il en est de même lorsque l’Etat maintient une disposition d’une réglementation
nationale contraire au droit primaire de l’Union. Les Etats ayant fait l’objet d’un
recours en manquement devront alors modifier les dispositions de leurs droits
internes pour être en conformité avec les dispositions du Traité557. Ainsi, les droits
de ces Etats deviendront conforme aux droits des autres Etats membres. Il en résulte
alors un rapprochement plus accéléré des droits nationaux558.
556 JOUVE Denis, « La Cour de Justice de l’Union Européenne : instrument d’harmonisation des droits nationaux », op.cit., p. 11. 557 Article 6 du Protocole Additionnel n°1. 558 JOUVE Denis, « La Cour de Justice de l’Union Européenne : instrument d’harmonisation des droits nationaux », op.cit., p. 10.
136
CONCLUSION DU CHAPITRE
338. L’harmonisation des réglementations pharmaceutiques au sein de l’UEMOA
permettra d’instaurer des règles équivalentes dans chaque Etat membre. L’existence
d’un fondement juridique légale permet à l’Union d’adopter des normes pour établir
cette équivalence des règles pharmaceutiques. L’uniformité de ces règles ne peut être
prévu compte tenu de l’existence d’une marge d’appréciation pour chaque Etat. Cette
marge d’appréciation permet de distinguer l’harmonisation avec les autres moyens
d’intégrations juridiques tels que l’unification et l’uniformisation.
339. La création d’une Cellule chargé de l’harmonisation est un atout pour
l’aboutissement du processus. Aussi, la Cour de Justice par son action peut
contribuer également à l’effectivité de l’harmonisation. Mais, elle ne contribue pas
réellement à l’harmonisation par l’interprétation du droit communautaire
pharmaceutique. Il y a une quasi-inexistence de travaux d’interprétations de la Cour
dans le domaine de la santé, en général, et pharmaceutique, en particulier. Pourtant,
c’est la jurisprudence de la CJ-UEMOA559 qui devrait permettre de combler les
lacunes du droit de l’UEMOA et de renforcer l’harmonisation par son interprétation
des textes juridiques communautaires dans le domaine pharmaceutique. La saisine
de la Cour de Justice dans le domaine de la santé est relativement limitée,
contrairement à la Cour de Justice de l’Union Européenne qui, en matière de santé,
surtout dans le domaine pharmaceutique, a pu résoudre un grand nombre de
contentieux qui ont été à l’origine d’une abondante jurisprudence.
340. Face à l’inexistence d’une jurisprudence communautaire en droit pharmaceutique au
sein de l’UEMOA, une référence est généralement faite, comme dans la grande
majorité des domaines, à la jurisprudence de la CJCE et CJUE par les juridictions
nationales des Etats membres. En effet, la jurisprudence de la CJCE et de la CJUE
constitue une source d’inspiration pour les juges de la CJ-UEMOA. Cela s’explique
par la similitude entre les Traités constitutifs de chacune de ces organisations sous-
régionales, mais également des compétences quasi-similaires des deux juridictions.
559 En 1996, elle a rendu 1 avis sur le projet d’agrément unique pour les banques et les établissements financiers. En 1997, 3 ordonnances. En 2003, 3 avis et 2 arrêts. Plus récemment en 2017, 1 avis et 5 arrêts ont été rendus. Cette activité judiciaire de la Cour est dominée par de saisines concernant la gestion du personnel.
137
138
CONCLUSION DU TITRE
341. L’harmonisation des réglementations pharmaceutiques des Etats de l’UEMOA
n’implique pas alors une uniformité des textes dans chacun des Etats, mais une
équivalence de certaines notions ou procédures dans les droits nationaux. Plusieurs
instruments juridiques vont être utilisés pour réaliser cette équivalence : directives,
décisions et règlements. Toutefois, il est nécessaire d’assurer également une
harmonisation dans l’application des textes communautaires pharmaceutiques. C’est
ce contrôle de l’application des textes qui permettra de s’assurer que l’objectif que
l’UEMOA s’est fixé est atteint. Pour atteindre ce résultat, l’Union doit pouvoir
concilier les politiques de santé et les politiques économiques. L’élaboration d’un
droit communautaire plus rigoureux et plus élaboré favorisera l’importation, voire la
fabrication, de produits de santé de qualités sûres et efficaces. De plus, l’existence
d’un droit communautaire pharmaceutique conduira peut-être à la concrétisation de
la libre circulation des médicaments dans la sous-région.
342. Pour trancher sur l’existence de cette libre circulation des médicaments dans la zone
de l’UEMOA, il est nécessaire d’analyser les textes juridiques communautaires
adoptés dans le cadre de ce processus d’harmonisation.
139
TITRE 2. ETAT DES LIEUX DU DROIT PHARMACEUTIQUE HARMONISE
343. La réglementation pharmaceutique dans l’UEMOA ne couvre pas pour l’instant
l’ensemble du cycle de vie du médicament560. Le premier texte communautaire dans
le processus d’harmonisation du droit pharmaceutique est le règlement
n°06/2010/CM/UEMOA concernant l’homologation des produits pharmaceutiques
à usage humain. Ce règlement donne une définition juridique de la notion de produits
pharmaceutiques à usage humain et pose le principe d’une autorisation préalable de
la commercialisation de ces produits dans toute la zone communautaire. Ainsi,
l’AMM obéit à des procédures harmonisées dans le cadre de l’élaboration du droit
pharmaceutique communautaire, afin de garantir un niveau équivalent de protection
de la santé dans tous les Etats membres. Ce processus d’harmonisation vise à
permettre la mise en place d’un minimum de protection et de sécurité dans le
domaine pharmaceutique (CHAPITRE 1 ).
344. Par la suite, l’Union a adopté des guides de bonnes pratiques de fabrication, de
distribution et d’importation, et des lignes directrices pour le contrôle de
l’information et de la publicité sur les médicaments auprès des professionnels de
santé dans ses Etats membres (CHAPITRE 2 ).
345. Le règlement 06/2010/CM/UEMOA relatif aux procédures d’homologation des
médicaments à usage humain et les différentes décisions (bonnes pratiques de
fabrication, distribution, importation, publicité, etc.) ont été publiées au Bulletin
Officiel de l’UEMOA n°74 du quatrième trimestre 2010. C’est une procédure
obligatoire et prévue par l’article 45 du Traité de Dakar561. Cette publication permet
à ces instruments juridiques d’entrer en vigueur à la date qu’ils fixent.
346. L’objectif dans cette partie est de faire un état des lieux des aspects du droit
pharmaceutique ayant déjà fait l’objet de l’adoption d’un instrument juridique
communautaire en vue de la concrétisation du processus d’harmonisation. Une
analyse de ces instruments permettra de déterminer le type d’harmonisation
560 Les essais cliniques et la pharmacovigilance n’ont pas encore fait l’objet d’une réglementation communautaire harmonisée. 561 Article 45 du Traité modifié de l’UEMOA : « Les actes additionnels, les règlements, les directives et les décisions sont publiés au Bulletin Officiel de l'Union. Ils entrent en vigueur après leur publication à la date qu'ils fixent.
140
(harmonisation partielle ou totale) qui a été réellement mis en œuvre, ainsi que la
marge de manœuvre des Etats dans la mise en œuvre de ces règles équivalentes.
141
CHAPITRE 1. LA PROCEDURE COMMUNAUTAIRE DE MISE SUR LE MARCHE DES MEDICAMENTS A USAGE HUMAIN : UN EXEMPLE
D’HARMONISATION A ETENDRE
347. Le médicament est au cœur du droit pharmaceutique562. Il est « porteur
d’ambivalences et d’oppositions duelles (drogue/poison, marchandise/bien public,
nécessaire/superflu, pharmacologiquement actif/placebo, licite/illicite, sous
AMM/hors AMM, sur prescription/en automédication) »563. C’est un produit qui est
destiné à prévenir ou à traiter les maladies. Ces caractères inhérents au médicament
conduisent ainsi à contrôler sa commercialisation. Sa mise sur le marché doit donc
être autorisée dans la plupart des Etats en Afrique.
348. Pour ce faire, dans chaque Etat membre de l’UEMOA, des politiques publiques
existent pour réglementer, ne serait-ce que partiellement, le domaine du
médicament564 ; une réglementation qui s’inscrit dans un souci de protection de la
santé publique. Aujourd’hui, l’importance du « médicament » est réaffirmée dans le
domaine communautaire à travers l’encadrement juridique de sa commercialisation.
Ainsi, les Etats membres de l’UEMOA ont adopté le 1er octobre 2010 un règlement
pour l’homologation des produits pharmaceutiques à usage humain devant être
commercialisés sur leur territoire. Ce règlement est entré en vigueur le 1er octobre
2011565.
562 Le droit pharmaceutique se définit à partir des activités pharmaceutiques. Ces activités pharmaceutiques concernent, en général, la fabrication, la production, l’importation, la mise sur le marché, l’exploitation, la distribution des produits de santé. Et parmi ces produits de santé, le médicament est celui qui fait l’objet de plus d’attention dans le domaine juridique, comme techniques, dans la mesure où il constitue un produit de santé et un poison. Cf. MAURAIN Catherine, BELANGER Michel, « Généralités. Droit pharmaceutique », Fasc. 3., Date du fascicule : 28 Juillet 2015, Date de la dernière mise à jour : 28 Juillet 2015, Document consulté sur https://www.lexis360.fr 563 DESCLAUX Alice, BADJI Mamadou, et al., « Conclusion. Le médicament, objet central dans l’éthique des soins », in BADJI Mamadou, DESCLAUX Alice, Nouveaux enjeux éthiques autours du médicament en Afrique, Analyse en anthropologie, droit et santé publique, l’Harmattan Sénégal, 2015, p. 329. 564 Burkina Faso : la loi n°23/94/ADP portant CSP contient un livre IV consacré aux produits pharmaceutiques, autres produits et pharmacopée traditionnelle ; Mali : Loi n°2017-031 du 14 juillet créant un ordre des pharmaciens du Mali ; Togo : Loi n°2009-0007 du 15 mai 2009 portant CSP de la République togolaise ; Côte d’Ivoire : Loi n° 2015-533 du 20 juillet 2015 relative à l'exercice de la pharmacie, la Loi n° 2015-534 du 20 juillet 2015 portant Code de déontologie pharmaceutique, la Loi n° 2015-535 du 20 juillet 2015 portant organisation de l'Ordre national des pharmaciens de Côte d'Ivoire. 565 Les Etats n’ont pas mis en application le règlement dans les délais fixés par l’Union. Au Bénin, par exemple c’est en 2012 qu’il a été adopté une note de service pour la mise en œuvre du règlement : Note de service n°1230/MS/DPMED/DA/SA du 03 décembre 2012.
142
349. L’homologation des produits pharmaceutiques à usage humain regroupe l’ensemble
des processus conduisant à l’obtention d’une AMM, à savoir l’enregistrement, le
renouvellement et les variations566. C’est l’ensemble de ce processus qui a fait l’objet
d’un rapprochement par harmonisation dans les Etats membres. Une telle démarche
permettra d’avoir des règles équivalentes en termes de procédures pour l’obtention
de l’AMM. Cette Autorisation de Mise sur le Marché (AMM) est un document
officiel délivré par le Ministre en charge de la santé qui autorise la commercialisation
ou la distribution gratuite d’un produit pharmaceutique567 dans un Etat membre.
L’AMM constitue l’élément primordial et indispensable de la commercialisation des
produits pharmaceutiques. C’est la condition juridique pour mettre les médicaments
à la disposition des malades. A cette fin, le droit ou la réglementation étatique donne
une approbation à l’entrée du médicament sur le marché568.
350. Compte tenu de l’importance de cette autorisation dans la protection de la santé, et
donc dans la mise en œuvre progressive de la sécurité sanitaire, l’UEMOA a décrit
les conditions et les procédures à suivre pour l’obtention de cette autorisation.
351. Comme précisé dans le chapitre précédent, le règlement est obligatoire dans toutes
ses dispositions et pour tous les Etats membres569. Ainsi, au regard des dispositions
du Traité de Dakar, l’adoption d’un tel règlement permet d’éviter les délais de
transposition ou une transposition partielle de la procédure d’homologation pouvant
faire obstacle à cet objectif de protection de la santé570. Il fallait donc choisir un
instrument juridique qui permette une application rapide des dispositions
communautaires dans l’ordre juridique étatique. Tenant compte également que cet
instrument juridique communautaire est directement applicable et obligatoire, il faut
noter que, dans le principe, il est beaucoup plus efficace et cohérent571 que certains
instruments juridiques communautaires. Une telle affirmation est cependant à
566 Article premier du Règlement n°06/2010/CM/UEMOA relatif aux procédures d’homologation des produits pharmaceutiques à usage humain dans les Etats membres de l’UEMOA. 567 Article premier du Règlement n°06/2010/CM/UEMOA relatif aux procédures d’homologation des produits pharmaceutiques à usage humain dans les Etats membres de l’UEMOA. 568 URFALINO Philippe, « L'autorisation de mise sur le marché du médicament : une décision administrative à la fois sanitaire et économique », Revue française des Affaires sociales 2001/4 (n° 4), p. 86 569 Cf. supra., § 276-280. 570 Article 43 al 1 : « Les règlements ont une portée générale. Ils sont obligatoires dans tous leurs éléments et sont directement applicables dans tout Etat membre ». 571 BLANQUET Marc, DE GROVE-VALDEYRON Nathalie, « Le règlement communautaire concernant les médicaments de thérapie innovante », in Marc BLANQUET, Nathalie DE GROVE-VALDEYRON (dir.), Etudes de droit communautaire de la santé et du médicament, Institut de recherche en droit européen international et comparé (IRDEIC), Presses de l’Université des sciences sociales de Toulouse, 2009, p. 47.
143
relativiser en tenant compte de l’application réelle des textes communautaires au sein
de l’UEMOA. Cependant, dans la pratique, le constat ne permet pas de conclure à
une effectivité du droit harmonisé, même si l’instrument juridique communautaire
utilisé est d’application immédiate et obligatoire572.
352. L’analyse de l’encadrement juridique de l’AMM dans les Etats membres de
l’UEMOA depuis l’adoption du règlement n°06/2010/CM/UEMOA permettra de
décrire la procédure que tout demandeur devrait suivre pour obtenir une autorisation
de commercialisation d’un médicament à usage humain et les dérogations possibles
à ce principe. Ces observations permettront afin de trancher de l’existence ou non
d’une libre circulation des médicaments dans l’espace UEMOA (Section 2). Mais
avant, une définition juridique du médicament s’impose. Cette définition permettra
de distinguer les produits pouvant entrer dans la catégorie des médicaments pour, de
ce fait, obtenir une autorisation de commercialisation dans un Etat membre. Aussi,
des éléments essentiels pour l’instauration d’une sécurité sanitaire seront pris en
compte (Section 1).
Section 1. Encadrement juridique communautaire de l’AMM
353. L’objectif de protection de la santé publique impose, en ce qui concerne les
médicaments, d’effectuer un contrôle préalable de leur accès au marché, au travers
de l’autorisation de mise sur le marché. En effet, le médicament, avant toute
commercialisation, doit obtenir une autorisation de mise sur le marché délivrée au
préalable par une autorité compétente. L’article 4 du règlement le précise en ces
termes : « Aucun produit pharmaceutique à usage humain ne peut être mis sur le
marché, à titre gratuit ou onéreux dans un Etat membre de l’UEMOA, s’il n’a au
préalable obtenu une autorisation de mise sur le marché ». « L’AMM a vocation à
valider l’évaluation scientifique de chaque médicament pour assurer, dans l’objectif
de protection de la santé publique, que le bénéfice pour les patients des effets
préventifs ou thérapeutiques du médicament l’emporte sur les risques associés à sa
consommation », précisait ainsi Thomas DEVRED573. L’AMM est alors une
décision administrative prise par le Ministre en charge de la santé de chaque Etat
membre574. C’est, par conséquent, un document juridique qui permettra l’importation
572 Cf. infra., § 753-756. 573 DEVRED Thomas, Autorisation de mise sur le marché des médicaments, Rueil-Malmaison, Editions Lamy, 2011, Préambule, p. 9. 574 Article premier du Règlement 06/2010/CM/UEMOA.
144
et la distribution du médicament dans l’Etat qui a octroyé cette autorisation. Le
fabricant d’un produit pharmaceutique, pour pouvoir le vendre en pharmacie ou le
délivrer en milieu hospitalier doit obtenir au préalable une autorisation de mise sur
le marché.
354. L’Autorité de Réglementation Pharmaceutique (ARP) est responsable dans chaque
Etat de l’homologation des produits pharmaceutiques et des activités connexes au
domaine pharmaceutique575. L’Autorité de Réglementation Pharmaceutique
constitue l’organe clé et incontournable dans la mise en œuvre des normes
communautaires pharmaceutiques. Ces directions gèrent en général les fonctions de
réglementations, d’inspection pharmaceutique, etc. L’opérationnalité des ARP est
déterminante pour le succès du processus de rapprochement des droits nationaux sur
la base de principes communs. Pour ce faire, en octobre 2013, les Ministres de la
santé des différents pays membres de l’UEMOA ont validé la directive portant statut
des ARP. Il y a donc nécessité d’améliorer la capacité des ARP à mettre en œuvre de
façon effective leurs fonctions de réglementation. L’ARP à une dénomination
différente d’un Etat à l’autre576.
355. L’instauration d’une autorisation avant la commercialisation d’un médicament a
pour but un contrôle non seulement de l’origine du médicament, de son contenu, de
sa fabrication mais surtout de son efficacité, en analysant la balance bénéfices-
risques qui peut être réévaluée à tout moment. Ainsi, l’obtention de l’autorisation
nécessite que le demandeur prouve que le « bénéfice tiré de la consommation du
médicament l’emporte sur les risques liés à l’utilisation de ce produit »577. Elle
permet au laboratoire fabricant ou exploitant de bénéficier d’un droit d’exploitation
du produit dans l’Etat où il aura obtenu l’autorisation de mise sur le marché du
médicament.
575 Article 8 du Règlement 06/2010/CM/UEMOA. 576 Au Bénin : Direction de la pharmacie, du Médicament et des explorations diagnostiques (DPMED) ; Sénégal : Direction de la Pharmacie et du Médicament (DIPHARM), Côte d’Ivoire : Direction de la pharmacie et du Médicament (DPM) ; Togo : Direction des Pharmacies, du Médicament et des Laboratoires (DPML) ; Guinée : Direction Nationale de la Pharmacie et des Laboratoires (DNPL) ; Mali : Direction de la Pharmacie et des médicaments (DPM) Niger ; Burkina Faso : Direction Générale de la Pharmacie, du Médicament et des Laboratoires (DGPML) est devenue depuis 2017 la Direction Chargée de la Continuité des Activités Réglementaires et Pharmaceutiques (DCARP). 577 PODA Baimanai Angelain, La mise sur le marché et la distribution du médicament en Afrique noire francophone. Réflexions à partir des exemples du Burkina Faso et du Sénégal, Paris, l’Harmattan, 2015, p. 152, § 121
145
356. Cependant, ce sont quelques aspects de cette procédure d’homologation qui ont été
harmonisés. Les Etats disposent alors d’une marge d’appréciation sur les aspects non
harmonisés. La construction d’un droit communautaire ouest-africain a nécessité de
mettre en place une procédure permettant à chaque Etat d’octroyer des AMM à des
médicaments à usage humain répondant à des critères communautaires.
357. En France, la commercialisation des médicaments a été soumise à une autorisation
préalable par la loi du 11 septembre 1941578 qui a créé un visa administratif, une
autorisation de vente subordonnée à une étude complète du produit. L’obtention d’un
« visa » pour la mise sur le marché des médicaments était ainsi rendue obligatoire579.
Mais, suite aux drames provoqués dans les années 1950 par le Stalinon580 et la
Thalidomide, ce principe s’est révélé très insuffisant. C’est ainsi que le visa fut
remplacé par l’AMM par une ordonnance du 23 septembre 1967 ; l’AMM dont la
délivrance est conditionnée par un examen des critères de sécurité, d’efficacité et de
qualité des médicaments581.
358. En Europe, c’est la directive 65/65/CE du 26 janvier 1965 concernant le
rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives,
relatives aux spécialités pharmaceutiques qui marque le début de l'harmonisation
communautaire dans le domaine du médicament582. Elle permet ainsi de mettre en
place le « principe d’un marché commun des médicaments »583. Le règlement
communautaire de l’UEMOA s’est donc fortement inspiré de la directive
européenne.
359. Pour comprendre les contraintes à la commercialisation imposées aux produits
pharmaceutiques, il est nécessaire de commencer par définir la notion de « produits
pharmaceutiques à usage humain » utilisée par le droit communautaire (§ I). Cette
définition permettra de comprendre que le régime juridique du médicament nécessite
578 DEVRED Thomas, Autorisation de mise sur le marché des médicaments, op.cit., p. 14. 579 GUERRIAUD Mathieu, Droit pharmaceutique. Le cours. Exercices corrigés, Issy-Les-Moulineaux, Elsevier Masson, 2016, p. 12. 580 La Stalinon est un médicament dérivé d’étain qui a été employé comme topique pour le traitement de la furonculose. Ce qui a provoqué plus de cent décès par encéphalite. Cf. GUERRIAUD Mathieu, Droit pharmaceutique. Le cours. Exercices corrigés, Issy-Les-Moulineaux, Elsevier Masson, 2016, p. 27. 581 DEVRED Thomas, Autorisation de mise sur le marché des médicaments, op.cit., pp. 16 et 17. 582 Rapport d'information n° 382 (2005-2006) de Mmes Marie-Thérèse HERMANGE et Anne-Marie PAYET, fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 8 juin 2006 http://www.senat.fr/rap/r05-382/r05-3821.html. 583 DEBARGE Olivier, « La distribution au détail du médicament au sein de l'Union Européenne : un croisement entre santé et commerce. La délimitation des règles appliquées à l'exploitation des officines », Revue internationale de droit économique, 2011/2, p. 200.
146
l’instauration de certaines obligations aux titulaires de l’AMM, ainsi que des
sanctions pour le non-respect des conditions de l’AMM (§ II).
§ I. La notion de « produits pharmaceutiques à usage humain » : une définition juridique imprécise
360. Le médicament, issu de la racine grecque pharmakon, renferme à la fois la notion de
remède et de poison584. Il peut donc constituer un remède, dans la mesure où il
possède des propriétés curatives ou préventives. Des effets indésirables peuvent
survenir également par son usage. C’est la caractéristique inhérente au médicament.
Cette caractéristique nécessite que l’on puisse identifier très clairement les produits
pouvant être considérés comme des médicaments.
361. La définition juridique du médicament est fondamentale. De cette définition légale
du médicament découle un encadrement juridique particulièrement strict qui débute
dès sa fabrication jusqu’à son utilisation par un patient585.
362. Ainsi, la qualification d’un produit comme constituant un médicament est important.
Deux raisons principales expliquent cela. En effet, il peut s’avérer intéressant pour
un industriel de positionner son produit dans une autre catégorie que celle des
médicaments, afin de s’affranchir de la réglementation pharmaceutique applicable
aux médicaments586. Ceci s’expliquant par le fait, que la réglementation
pharmaceutique applicable aux médicaments est beaucoup plus contraignante. Aussi,
qualifier un produit de médicament a pour effet de le soumettre à l’ensemble de la
législation pharmaceutique, et donc de renforcer les conditions de sa mise sur le
marché (nécessité d’une autorisation préalable), de sa distribution (monopole du
pharmacien) et de sa publicité (autorisation préalable et interdiction de publicité de
médicaments à destination du grand public)587.
363. C’est la qualification de médicament qui permet également d’octroyer un monopole
de distribution aux officines pharmaceutiques. Cette qualification a donc une
importance en matière de protection de la santé.
364. Cette observation fait appel également au droit pénal, car pour retenir le délit
d’exercice illégal de la pharmacie, il est nécessaire de qualifier au préalable les
584 GUERRIAUD Mahieu, « Pharmacovigilance », Droit pharmaceutique-Profession pharmaceutique, Fasc. 14, LexisNexis SA, août 2017, p. 2. 585 LAUDE Anne, MATHIEU Bertrand, TABUTEAU Didier, Droit de la santé, Paris, Presses universitaire de France, 3éme éd., 2012, p. 110. 586 DEVRED Thomas, Autorisation de mise sur le marché des médicaments, op.cit., p. 31. 587 Cf., § 353-359 ; § 470-472 ; § 611-619 ; § 1015-1018.
147
produits litigieux588. Ainsi, pour une lutte efficace contre le marché illicite dans la
zone communautaire, l’identification des produits pharmaceutiques considérés
comme des médicaments devient indispensable.
365. Tout produit pharmaceutique n’est pas un médicament, et le juriste doit tracer la
frontière parfois subtile qui les sépare589. Aussi un produit doit-il répondre aux
critères contenus dans la définition du médicament (la définition par fonction ou par
présentation) pour être qualifié de médicament590.
366. Dans le droit communautaire de l’UEMOA, cette définition du médicament n’est pas
précise, dans la mesure où les notions clés contenues dans cette définition n’ont pas
été analysées (A). Mais, le règlement énumère les médicaments inclus dans son
champ d’application (B).
A. Définition juridique du « produit pharmaceutique à usage humain » : une harmonisation partielle
367. L’article 3 du règlement n°06/2010/CM/UEMOA relatif à l’homologation des
médicaments détermine les produits de santé qui sont soumis à homologation : « Les
dispositions du présent règlement s’appliquent aux produits pharmaceutiques à
usage humain destinés à être mis sur le marché d’un Etat membre de l’Union, sous
la forme de spécialité pharmaceutique, de médicament générique ou multi-source ou
de vaccin ». Seuls les produits pharmaceutiques à usage humain devant être
commercialisés dans la zone communautaire (sur le territoire d’un Etat membre) sont
soumis au règlement 06/2010/CM/UEMOA.
368. Le produit pharmaceutique à usage humain est défini selon le même règlement de
l’UEMOA comme toute « substance ou composition présentée comme possédant des
propriétés curatives ou préventives à l’égard des maladies humaines, ainsi que tout
produit pouvant être administré à l’homme en vue d’établir un diagnostic médical
ou de restaurer, corriger ou modifier leurs fonctions organiques »591. Cette
définition contenue dans le règlement de l’UEMOA correspond à la première
définition communautaire européenne du médicament fourni par la directive
588 FOUASSIER Eric, « Notion juridique de médicament », in Feuilles mobiles Litec Droit pharmaceutique, Fasc.4, LexisNexis, 2016, mise à jour le 31 juillet 2015, p. 3 589 DABURON GARCIA Corinne, Le médicament, Edition les études hospitalières, collection thèse, 2001, p 7 590 BADJI Mamadou, « Le droit au médicament et son application en Afrique », p. 38, in Mamadou BADJI et Alice DESCLAUX, Nouveaux enjeux éthiques autours du médicament en Afrique, Analyse en anthropologie, droit et santé publique, l’Harmattan, Sénégal, 2015 p. 38 591 Article 1 du règlement n°06/2010/CM/UEMOA. C’est la définition de médicament à usage humain qui est également donné aux produits pharmaceutiques à usage humain.
148
65/65/CEE du 26 janvier 1965 qui précise également que le médicament est « toute
substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou
préventives à l'égard des maladies humaines ou animales. Toute substance ou
composition pouvant être administrée à l'homme ou à l'animal en vue d'établir un
diagnostic médical ou de restaurer, corriger ou modifier des fonctions organiques
chez l'homme ou l'animal »592.
369. Dans le chapitre I du règlement consacré aux définitions, lorsque l’on recherche la
définition de « produits pharmaceutiques à usage humain », un renvoi est fait
automatiquement à la définition de « médicament à usage humain ». La notion
de « produits pharmaceutiques à usage humain » est utilisée comme un synonyme de
« médicament à usage humain » par l’UEMOA. Pourtant, la notion de produits
pharmaceutiques est très large et prend en compte d’autres produits qui ne sont pas
exclusivement des médicaments593.
370. Dans la loi portant code de santé publique au Burkina, la définition initiale du
médicament594 était la même que celle réadaptée aujourd’hui dans le droit
communautaire et qui ne concerne aujourd’hui que les médicaments à usage humain.
Le même constat a été fait au Sénégal et au Bénin595.
371. Cette définition du médicament à usage humain au sein de l’UEMOA trouve ses
origines dans les définitions française et européenne du médicament, compte tenu,
comme précisé précédemment, de l’histoire coloniale des Etats membres de cette
Union596.
372. Une comparaison peut être donc faite entre cette définition et celle donnée par la
directive européenne 2004/27/CE qui a modifié la définition initiale du médicament
592 Article 1. 2 de la Directive 65/65/CEE du 26 janvier 1965. 593 Le CSP burkinabè distingue le médicament du produit pharmaceutique. L’article 213 précise : « Les produits pharmaceutiques sont des produits utilisés en médecine humaine ou animale et dont la fabrication, la détention et/ou la délivrance nécessite des connaissances en sciences pharmaceutiques ». Le médicament y est pourtant défini par l’article 208 comme « toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l’égard des maladies humaines ou animales, ainsi que tout produit pouvant être administré à l’homme ou à l’animal en vue d’établir un diagnostic médical ou de restaurer, corriger ou modifier leurs fonctions organiques ». 594 Selon l’article 208 de la Loi n° 23/94/ADP portant Code de la santé publique : « On entend par médicament, toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l’égard des maladies humaines ou animales, ainsi que tout produit pouvant être administré à l’homme ou à l’animal en vue d’établir un diagnostic médical ou de restaurer, corriger ou modifier leurs fonctions organiques ». 595 La loi n° 94-57 du 26 juin 1994 abrogeant et remplaçant l’article L 511 du CSP de 1953 et l’ordonnance n° 75-7 du 27 janvier 1975 portant régime des médicaments au Bénin : « Le médicament comme : toute substance, composition ou préparation présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l’égard des maladies humaines ou animales, ainsi que tout produit pouvant être administré à l’homme ou à l’animal, en vue d’établir un diagnostic médical ou de restaurer, corriger ou modifier leur fonction organique ». 596 Cf. infra., § 37-47.
149
contenue dans la directive 65/65/CEE du 26 janvier 1965 : « Toute substance ou
composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à
l’égard des maladies humaines, ainsi que toute substance ou composition pouvant
être utilisée chez l’homme ou pouvant lui être administrée, en vue soit de restaurer,
corriger ou modifier des fonctions physiologiques en exerçant une action
pharmacologique, immunologique ou métabolique, soit d’établir un diagnostic
médical ».
373. Le médicament se définit alors aussi bien en droit de l’Union Européenne qu’en droit
communautaire de l’UEMOA en référence à sa finalité. Il en résulte alors une notion
dualiste de cette définition : le médicament par présentation et le médicament par
fonction597. Un produit sera donc qualifié de médicament s’il entre dans l’une ou
l’autre de ces deux définitions qui sont par conséquent alternatives et non
cumulatives. Cette définition a également le mérite de mettre une frontière entre le
médicament et certains produits tels que les compléments alimentaires et les produits
cosmétiques ou encore les dispositifs médicaux. Cependant, les dispositifs médicaux
n’ont pas encore fait l’objet d’une réglementation communautaire au niveau de
l’UEMOA.
374. Dans la mesure où cette définition fait maintenant l’objet d’harmonisation au sein de
l’UEMOA, il est important d’analyser ces différents aspects et de déterminer les
produits pharmaceutiques pouvant y être inclus.
375. L’UEMOA n’apporte pourtant pas de précisions sur les notions clés de cette
définition (comme la notion de substance, composition, maladie, etc.). L’absence de
précisions sur les notions principales de la définition du médicament à usage humain
constitue un véritable frein à la réalisation d’un marché du médicament entre les
différents pays membres. L’absence d’une définition précise des notions
fondamentales qui entourent le médicament par présentation pourrait, dès lors
soulever quelques difficultés d’interprétations pour les Etats.
376. La définition par présentation du médicament nécessite de clarifier au préalable
quelques notions clés qu’elle contient : substances, composition, maladie humaine,
etc. Des difficultés pouvant résulter, par exemple, du fait que le Togo adopte une
définition de la notion de « substances ou de maladie » différente du Mali, de la Côte
d’Ivoire, dans la mesure où ni le règlement 06/2010 ni la CJ-UEMOA ne se
597 LECA Antoine, Droit pharmaceutique, Bordeaux, LEH Edition, 8éme éd., 2015, p. 175
150
prononcent sur ces notions. Il aurait été plus judicieux d’apporter au moins des
définitions équivalentes ou des faisceaux d’indices pouvant éclairer les juridictions
nationales et les ARP des Etats membres.
377. Toutefois, cette imprécision peut être interprétée comme un droit à la différence, une
marge d’appréciation pour chaque Etat membre (3).
378. Le constat est le même en Afrique centrale. La Communauté Economique et
Monétaire des Etats de l’Afrique Centrale (CEMAC) qui a retenu également la même
définition du médicament (présentation et fonction) dans son règlement n°05/2013
n’apporte pas de précisions sur les notions de médicament par présentation et par
fonction598.
379. Tout compte fait, c’est la doctrine et la jurisprudence européenne qui permettent de
mieux appréhender ces deux conceptions de la définition du médicament.
380. Compte tenu du fait que cette définition ait été empruntée au droit français et au droit
de l’Union européenne, il est nécessaire d’aborder l’analyse faite par le droit
européen des différentes notions fondamentales de la définition du médicament à
usage humain. Le médicament par présentation, d’une part, et le médicament par
fonction, d’autre part (1). Ensuite, une distinction entre ces différentes définitions et
celle des produits cosmétiques et nutritionnels s’avère nécessaire (2).
1. Les précisions sur la dualité de la définition juridique du médicament à usage humain
381. La définition communautaire du médicament permet de distinguer deux types de
médicament : le médicament par présentation (a) et le médicament par fonction (b).
a. Le médicament par présentation
382. Le médicament par présentation est défini comme « toute substance ou composition
présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l’égard des
maladies humaines »599. C’est un critère qui permet de protéger les consommateurs,
car il consiste à soumettre obligatoirement à l’obtention d’une autorisation préalable
à la commercialisation tout produit qui sera présenté comme possédant des propriétés
598 Article 3 du Règlement n°05/2013-UEAC-OCEAC-CM-SE-2 portant référentiel d’harmonisation des procédures d’homologation des médicaments à usage humain dans l’espace CEMAC donne une définition du médicament à usage humain : « Substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l’égard des maladies humaines, ainsi que tout produit pouvant être administré à l’homme en vue d’établir un diagnostic médical ou de restaurer, corriger ou modifier ses fonctions organiques. Y sont comptés les vaccins et autres produits biologiques ». 599 Article premier du règlement n°06/2010/CM/UEMOA relatif aux procédures d’homologation des produits pharmaceutiques à usage humain dans les Etats membres de l’UEMOA.
151
curatives ou préventives. Ainsi, la commercialisation d’un produit dépourvu de tout
effet thérapeutique, mais présenté comme tel, pourra être évitée, car l’AMM ne
pourra être obtenue. L’idée principale qui sous-tend cette autorisation avant toute
commercialisation, c’est de lutter contre le charlatanisme.
383. Il était essentiel, à travers ce critère de médicament par présentation, d’éviter que
certaines personnes animées par la recherche de profits ne détournent l’attention des
malades en leur proposant des faux médicaments inactifs et dangereux600, alors qu’il
existe des médicaments actifs qui pourraient améliorer leur état. C’est ainsi que la
CJCE précisait de « préserver les consommateurs non seulement des médicaments
nocifs ou toxiques en tant que tel, mais aussi de divers produits utilisés en lieu et
place des remèdes adéquats »601.
384. A cette fin, ce critère du médicament par présentation est un critère non négligeable
dans la lutte contre la prolifération du marché illicite dans la zone UEMOA. Il permet
d’inclure dans la catégorie de médicaments un certain nombre de produits vendus
dans les rues et sur les marchés, et qui sont pourtant dangereux pour la santé ; lequel
exercice constitue de ce fait un exercice illégal de la pharmacie puni pénalement et
civilement par les textes législatifs des Etats membres. Cette définition du
médicament par présentation pourrait donc permettre aux Etats membres d’exiger
pour tous ces produits ayant l’apparence extrinsèque d’un médicament l’obtention
d’une autorisation préalable à leur commercialisation.
385. Ce critère doit être interprété de façon large afin d’éviter que les consommateurs
n’utilisent des produits pas ou peu efficaces. Par ce critère, le médicament est
appréhendé par rapport à la maladie. Aussi, le médicament doit avoir des propriétés
curatives ou préventives. Cependant, le droit communautaire UEMOA ne donne ni
de précision sur la notion de substance ou composition ni sur celle de « propriétés
curatives ou préventives ». A ce niveau également, la doctrine et la jurisprudence
européenne serviront de références pour mieux comprendre ces notions.
600 DABURON GARCIA Corinne, Le médicament, op.cit., pp. 41-48. 601 CJCE, 15 nov. 2007, Commission c/ Allemagne, CJCE, Van Bennekom.
152
La substance ou composition
386. La substance est une notion vague et difficile à préciser. Pour le dictionnaire
Larousse, c’est toute matière dont une chose est formée602. Le dictionnaire juridique
Capitant l’a définie comme toute composition physico-chimique d’une chose603. En
1950, le Doyen Poplawski a tenté de donner une définition précise de la notion de
substance thérapeutique ou médicamenteuse. Il s’agit de « toute matière vivante ou
inerte présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l’égard
des maladies humaines, et conditionnée en vue d’un usage médical »604, selon lui.
387. Mais aujourd’hui, c’est la définition donnée par la directive 2001/83/CE du
Parlement européen et du Conseil du 6 novembre 2001 qui est prise en considération.
La substance y est considérée comme « toute matière, quelle qu’en soit
l’origine…humaine…animale …végétale…chimique »605. Cette définition est très
large et englobe les produits de natures diverses. Même si la définition européenne
est prise en compte dans les Etats membres de l’UEMOA, il faut cependant souligner
que certains Etats membres ne donnent pas de précision sur la possibilité de qualifier
les produits issus du sang humain de médicaments. Ainsi, l’article 254 du CSP
burkinabè précise seulement que « les produits issus du sang humain, son plasma et
ses dérivés dont la stabilité est assurée peuvent être déposés dans les officines
pharmaceutiques ».
388. Toutefois, une fois qu’un produit est qualifié de substances ou de composition, il est
nécessaire également qu’il présente des propriétés curatives ou préventives.
La présentation de propriétés curatives ou préventives
389. Le produit doit être présenté comme possédant des propriétés curatives ou
préventives. Il n’est donc pas nécessaire de rechercher si le produit possède
effectivement les propriétés qu’il présente pour le classer dans la catégorie des
602 Dictionnaire Larousse en ligne. Disponible sur : https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/substance/75108?q=substances+#74252 603 CORNU Gérard « Vocabulaire Juridique » Association Henri Capitant, Paris, Editions presses universitaire de France, 11ème édition, janvier 2016. 604 POPLAWSKI Rober, « Traité de droit pharmaceutique », Paris, Jurisclasseur, 1950, p. 157, § 202. 605 Article premier de la Directive 2001/83/CE du Parlement Européen et du Conseil du 6 novembre 2001 instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage : « Substance: toute matière quelle qu'en soit l'origine, celle-ci pouvant être: — humaine, telle que: le sang humain et les produits dérivés du sang humain, — animale, telle que: les micro-organismes, animaux entiers, parties d'organes, sécrétions animales, toxines, substances obtenues par extraction, produits dérivés du sang, — végétale, telle que: les micro-organismes, plantes, parties de plantes, sécrétions végétales, substances obtenues par extraction, — chimique, telle que: les éléments, matières chimiques naturelles et les produits chimiques de transformation et de synthèse »
153
médicaments. C’est l’apparence du produit qui est ainsi prise en compte. Ce qui
signifie qu’il faut tenir compte de la présentation explicite, mais aussi implicite, du
produit.
- La présentation explicite
390. C’est un critère qui vise l’apparence extrinsèque du produit. Cette présentation peut
être sous forme écrite ou sous une forme orale. Lorsque, par des étiquettes ou par des
notices, le produit est décrit ou recommandé comme un médicament606, cette
présentation des propriétés curatives peut être constituée par des indications sur les
effets du produit, portées par le vendeur ou le fabricant sur le conditionnement.
391. La prise en compte de cet aspect est importante dans les Etats membres de
l’UEMOA, car il est très fréquent de voir des produits portant l’indication « Soigne
tout » ou « Contre tous les maux », vendus par des marchands ambulants607 et dans
les boutiques608 de quartiers. Le « Confo 100% »609, un produit fabriqué à Hong
Kong et vendu dans les boutiques au Burkina Faso et au Bénin610, en est un exemple.
Dans la notice de ce produit, on retrouve plusieurs posologies du genre : « Pour la
toux : endure un peu de confo 100% sur le haut du sternum ; Pour les maux de dentes
: imbiber du coton médical de confo et l’introduire dans la cavité de la dent malade
; Pour les maux de vente : mettre 2 gouttes sur le nombril, puis couvrir avec le tissu,
ou mettre 4 gouttes dans un verre d’eau pour boire ».
606 CJCE, 15 nov. 2007, Commission c/ Allemagne, préc., pt 44 - En ce sens, v. CJCE, 30 nov. 1983, Van Bennekom, préc., pt 18 - CJCE, 21 mars 1991, Monteil et Samanni. 607 « On découvre rapidement, sur une étagère de la boutique dans laquelle on vient acheter du sucre ou du café, une petite boîte en plastique transparent, contenant des médicaments. Des vendeuses ambulantes transportant des bassines, plateaux ou boîtes remplis de médicaments sont fréquemment aperçues dans les vons ou le soir au carrefour des grandes voies de circulation. Une promenade au centre-ville est toujours l’occasion de rencontrer de jeunes hommes portant un plateau en bois chargé, entre autres cigarettes, allumettes et bonbons, de plaquettes de gélules, de comprimés et de boîtes de médicaments ». Ces propos de Carine BAXERRES pour expliquer l’importance de cette vente informelle de médicaments. Cf. BAXERRES Carine, Du médicament informel au médicament libéralisé. Une anthropologie du médicament pharmaceutique au Bénin, Paris, Editions des archives contemporaines, 2013, p. 57. 608 Cf. BAXERRES Carine, Du médicament informel au médicament libéralisé. Une anthropologie du médicament pharmaceutique au Bénin, Paris, Editions des archives contemporaines, 2013, p. 58, « Les boutiques sont des commerces de taille variables, installés dans des kiosques en tôles métalliques et en fer, dans des cabanes en bois ou en bambou au parterre cimenté, ou encore des pièces en dur, situés au bord des rues, devant et dans les habitations ». 609 PODA Angelain dans sa thèse, mentionne également la vente de ce produit au Burkina et au Sénégal. Cf. PODA Baimanai Angelain, La mise sur le marché et la distribution du médicament en Afrique noire francophone. Réflexions à partir des exemples du Burkina Faso et du Sénégal, Paris, l’Harmattan, 2015, pp. 105-106, § 68 610 Nous avons constaté la vente de ce produit en l’achetant dans plusieurs boutiques de quartier à Ouagadougou, Bobo-Dioulasso, Koudougou, Saponé, Léo, Sapouy, etc. Dans les villes de Cotonou et Ouidah au Bénin, ce produit est également vendu en accès libre dans les boutiques et marchés.
154
392. Il en est de même de la pommade « Victago » vendue par des marchands ambulants
au Burkina Faso, au Bénin et au Togo. La boîte mentionne : « Guérit les maladies
suivantes : Fièvres, maux de hanche, plaies, toux, maux de dents, hémorroïde,
asthme, courbature, abcès ». Ce produit répond vraisemblablement à la définition du
médicament par présentation et ne devrait être vendu qu’après obtention d’une AMM
et faire l’objet d’un monopole de dispensation pharmaceutique.
393. Est aussi prise en compte la présentation orale du produit comme un médicament par
le vendeur. C’est le cas lorsque le vendeur affirme que son produit contient certaines
propriétés curatives ou préventives à l’égard de certaines maladies humaines. Sur ce
point également, dans l’espace UEMOA, des cas de figures sont fréquents611. Cette
présentation physique s’accompagne généralement d’une présentation orale.
- La présentation implicite
394. La CJCE a consacré cette notion de présentation implicite dans l’arrêt Van
Bennekom612. Cette présentation implicite implique que la forme et le
conditionnement du produit fassent penser à un médicament : tablettes, pilules,
cachets. Cette forme extérieure du produit peut constituer un indice de l’intention du
vendeur ou du fabricant de le commercialiser en tant que médicament613. La forme
du produit constitue alors un indice important, mais qui n’est ni exclusif ni
déterminant614. Cette forme ne peut donc constituer le seul critère permettant de
qualifier un tel produit de médicament. Lorsque, par exemple, la forme galénique est
un comprimé ou une gélule, cela n’est pas suffisant pour qualifier ce produit de
médicament615. Cela permet de ne pas qualifier certains produits alimentaires de
médicaments, même si leurs conditionnements ressemblent à certains médicaments.
C’est l’exemple des bonbons pectols vendus sous forme de tablettes dans les
boutiques et commerces de quartiers au Burkina Faso.
395. Il faut souligner également que la qualification d’un produit de médicament par
présentation implique également de tenir compte de la notion de maladie humaine
continue dans la définition juridique du médicament.
611 Constat lors d’un voyage en bus de Ouagadougou-Cotonou. A la frontière, un marchand ambulant a présenté un produit dont il vente quelques vertus : « Contre la fatigue, le manque de sommeil, etc.). 612 La Cour a précisé dans le considérant 22 de l’arrêt qu’« Il apparaît à cet égard qu'une substance qui possède « des propriétés curatives ou préventives à l'égard des maladies humaines ou animales», au sens de la première définition communautaire et qui pourtant n'est pas «présentée» comme telle, tombe en principe dans le champ d'application de la deuxième définition communautaire du médicament ». 613 CJCE, Van Bennekom, 30 novembre 1983, affaire 227/82. 614 Arrêt du CE, 11 juin 1990, Recueil Dalloz 1990, p. 215, Affaire Santa Cura/Ministre des affaires sociales. 615 GUERRIAUD Mathieu, Droit pharmaceutique. Le cours. Exercices corrigés, op. cit., p. 28
155
La notion de maladie humaine
396. Le médicament est défini par rapport à la maladie, au sein du droit communautaire
UEMOA, sans qu’il soit donné de définition de la maladie elle-même. Ainsi, la
qualification de médicament nécessite également que le produit ait des propriétés
curatives ou préventives à l’égard des maladies humaines.
397. Il peut paraître simple de définir la maladie. Pourtant, il n’est pas facile de tracer la
limite entre le pathologique et l’état normal616 d’une personne. De plus, l’évolution
de la notion de médicament à travers la qualification de certains produits comme
médicaments influence celle de maladie. Antoine LECA le précisait en ces termes :
« …La maladie est au fond un concept essentiellement culturel : elle renvoie à ce
qu’une société regarde comme pathologique et anormal »617. Ainsi, le stress peut
être considéré comme une maladie dans les sociétés développées qui disposent
généralement de médicaments contre cet état d’esprit (sachant qu’il existe des
critères médicalement définis permettant de distinguer un simple mal-être ou un
chagrin d’une véritable dépression ou anxiété) et n’être par contre pas considéré
comme une maladie dans certains pays africains.
398. C’est la jurisprudence qui finira par apporter une clarté à cette notion insaisissable.
Ainsi, la Cour de Cassation française a, pour sa part, retenu une conception très large
de la notion de maladie en y englobant les affections sans gravité, donc bénignes618.
Cependant, cette Cour n’est pas suivie par la CJCE qui apporte une nuance à la notion
de maladie, qui n’est pas définie par les directives communautaires. Elle distingue la
maladie de certaines sensations ou certains états physiques naturels comme la
faim619. Ainsi, elle lie la notion de maladie à celle de pathologie de l’organisme620.
399. Après avoir parcouru les caractéristiques permettant de qualifier un produit comme
un médicament par présentation, il est nécessaire d’appréhender la deuxième notion
616 FOUASSIER Eric, « Notion juridique de médicament », op. cit., p. 10. 617 LECA Antoine, Droit pharmaceutique, Bordeaux, LEH Edition, 8ème éd., 2015, p. 186. 618 Cass. Crim., 19 déc. 1989, n°88-87127 : Bull. Ordre pharm. n°326, avril/mai 1990, p. 501. 619 Sur ce point, GUERRIAUD Mathieu précisait que « il est nécessaire et important de distinguer un réel état pathologique d’un symptôme issu d’un état physiologique naturel : l’astémie est une pathologie, alors que la fatigue est un état physiologique naturel résultant d’une activité physique ou cérébrale. L’affection n’a par ailleurs pas besoin d’être considérée comme grave pour être une maladie : la couperose, les verrues, etc sont des maladies », in GUERRIAUD Mathieu, Droit pharmaceutique. Le cours. Exercices corrigés, Issy-Les-Moulineaux, Elsevier Masson, 2016, p. 28. 620 DABURON GARCIA Corinne, Le médicament, op.cit., p. 79, § 72.
156
issue de la définition du médicament : le médicament par fonction qui constitue une
définition à part entière autre que celle du médicament par présentation.
b. Le médicament par fonction
400. Tout produit pouvant être administré à l’homme en vue d’établir un diagnostic
médical ou de restaurer, corriger ou modifier ses fonctions organiques621 entre dans
la catégorie du médicament par fonction. C’est l’élément objectif622 dans la
définition du médicament à usage humain.
401. Le médicament est défini dans ce contexte par rapport à ses qualités intrinsèques. Ce
sont les propriétés pharmacologiques du produit qui sont prises en compte623.
402. Une différence est tout de même à noter entre la définition UEMOA ci-dessus citée
et la définition européenne. La directive 2001/83/CE instituant un code
communautaire relatif aux médicaments à usage humain, modifié par la directive
2004/27/CE du 31 mars 2004 du Parlement européen et du Conseil, a modifié la
définition du médicament par fonction624 en supprimant les termes « fonctions
organiques » pour les remplacer par « fonction physiologique »625. La notion de
fonction organique avait été prise en compte afin d’inclure dans la catégorie des
médicaments, soumis à une autorisation de commercialisation et au monopole
pharmaceutique, les contraceptifs oraux626. La CJCE estime sur ce point la nécessité
d’interpréter la définition du médicament de manière suffisamment large afin d’y
inclure toutes les substances pouvant avoir un effet sur le fonctionnement
proprement dit de l’organisme627.
403. A cet effet, le médicament par fonction, dans le droit communautaire européen, ne
se limite plus aux seuls produits pouvant être administrés à l’homme, mais s’étend
aux produits qu’il peut utiliser628.
404. Pour ce faire, le droit communautaire a adopté des lignes directrices afin de faciliter
la distinction entre les médicaments et certains produits (produits cosmétiques,
621 Chapitre I consacré aux définitions dans le règlement n°06/2010/CM/UEMOA. C’est la définition de médicament à usage humain qui est également donnée aux produits pharmaceutiques à usage humain. 622 PETIT Yves, « La notion de médicament en droit communautaire », RDSS, 1992, p. 571. 623 Ibid. 624 PEIGNE Jérôme, « Médicament, produits cosmétiques, Notion de médicament par fonction, Action pharmacologique, RDSS, 2012, p. 951 625 Cf. GUERRIAUD Mathieu, Droit pharmaceutique. Le cours. Exercices corrigés, op.cit., pp. 28-29. 626 FOUASSIER Eric, « Notion juridique de médicament », op.cit., p. 17. 627 CJCE, 16 avril 1991 : REC. CJCE 1991, I, p. 1703 b et s. 628 FOUASSIER Eric, « Notion juridique de médicament », op.cit., p. 8.
157
compléments nutritionnels). Ces produits ne sont pas soumis aux mêmes exigences
de commercialisation que les médicaments.
2. La distinction entre médicament à usage humain, produits cosmétiques et compléments nutritionnels
405. L’imprécision sur le contenu des termes clés de la définition du médicament à usage
humain par le droit communautaire UEMOA rend encore plus difficile la distinction
du médicament à usage humain des autres catégories de produits très proches.
Pourtant, une ligne de partage doit être établie entre les médicaments et d’autres
produits comme les produits cosmétiques et les compléments alimentaires. En effet,
il est parfois difficile de faire une distinction entre ces produits et le médicament.
Une distinction est pourtant nécessaire, compte tenu du fait que le régime juridique
de ces produits est moins rigoureux que celui s’appliquant au médicament à usage
humain.
406. Toutefois, ce rapprochement par harmonisation des droits nationaux sur des notions
communes n’a pas visé simplement les médicaments, mais concerne également des
domaines connexes comme celui du cosmétique et de l’alimentaire.
407. Ainsi, l’UEMOA, dans un souci de la protection de la santé et de la recherche d’une
sécurité sanitaire dans la zone ouest-africaine, a adopté une décision
n°06/2010/CM/UEMOA portant lignes directrices pour l’homologation des
compléments nutritionnels dans les Etats membres (b) et une autre décision
n°07/2010/CM/UEMOA portant lignes directrices pour l’homologation des produits
cosmétiques dans les Etats membres de l’UEMOA (a).
158
a. Les produits cosmétiques
408. Dans les Etats membres de l’UEMOA, il n’existait pas de réglementation
spécifique629 sur les conditions de commercialisation des produits cosmétiques630.
Pourtant, la vente des produits cosmétiques est un domaine très florissant, à tel point
que ces produits sont vendus dans les officines, sur les marchés, dans les boutiques
de quartier sans aucun contrôle spécifique631. On peut citer les crèmes, lotions, gels
et huiles pour la peau, les masques de beauté, les fonds de teint, les désodorisants,
les produits d'hygiène dentaire et buccale, les crèmes éclaircissantes, les savons
éclaircissants. Comme savons éclaircissants, au Burkina Faso, on trouve le Soap
Corrector, Miracle Medical632, etc., vendus dans les boutiques de marchés et dans les
commerces de quartiers.
409. Le droit communautaire, à travers la décision n°07/2010/CM/UEMOA, a mis en
place des lignes directrices pour l’homologation des produits cosmétiques dans ses
Etats membres. Cette décision vise les Etats comme destinataires. Les articles 2 et 3
de la décision n°07 le spécifient : « Les Etats membres de l’Union, à travers
l’Autorité de réglementation pharmaceutique, sont tenus de délivrer les autorisations
de commercialisation des produits cosmétiques, conformément aux lignes directrices
visées à l’article 1er de la décision », et « les Etats membres et la Commission sont
chargés, chacun en ce qui le concerne, de l’exécution de la présente décision ».
Chaque Etat avait un délai de 12 mois à compter de la date de signature de la décision,
donc jusqu’au 1er octobre 2011, pour mettre en place au niveau national un cadre
629 C’est la définition du médicament en général qui servait de base pour l’identification des produits cosmétiques. Pour le Sénégal cf. SYLLA Rokhaya, Les dépigmentant cutanés dans les produits cosmétiques commercialises au Sénégal, Thèse de pharmacie, Université Cheick Anta Diop de Dakar, Faculté de médecine et de pharmacie, 1993, n° 5, p. 25. Concernant les produits cosmétiques et les produits d’hygiène corporelle, la réglementation sénégalaise relève essentiellement de la définition du médicament selon l’article L 511 du C.S.P. : « toute substance ou composition présentée comme possédant les propriétés curatives ou préventives à l'égard des maladies humaines ou animales, ainsi que tout produit pouvant être administré à l'homme ou à l'animal en vue d'établir un diagnostic médical ou de restaurer, corriger ou modifier leurs fonctions organiques ». Ainsi, les produits cosmétiques (PC) et les produits d’hygiène corporelle (PHC), s'ils contiennent des substances vénéneuses soumises aux dispositions de l'article 626 du CSP, sont considérés comme des médicaments et aucune dose n'est exonérée. De plus, les PC et PHC sont également considérés comme des médicaments dans le cas où ils sont présentés comme ayant des 11vertus thérapeutiques". Dans ces cas, la publicité qui y est relative n’est également pas libre. 630 Au Burkina Faso, il existait déjà un arrêté sur la commercialisation des produits cosmétiques. Arrêté conjoint N°2003-011/MS/MFB/MCPEA du 30/01/2004 fixant modalités de contrôle de qualité sanitaire des produits cosmétiques avant leur mise à la consommation. 631 Décision n° 07/2010/CM/UEMOA portant adoption des lignes directrices pour l’homologation des produits cosmétiques dans les Etats membres de l’UEMOA, p. 4. 632 Sur l’emballage, il est mentionné « la gamme Médicale Miracle (au cocktail de bave d’escargot et d’huile d’argan) ; est reconnue mondialement pour sa lutte contre toute les impuretés et tout vieillissement précoce de la peau ».
159
juridique et institutionnel pour l’homologation des produits cosmétiques. Ce délai
n’a été respecté par aucun des pays membres. C’est en juin 2012 que le Bénin a mis
en place les modalités d’homologation des produits cosmétiques et les commissions
techniques d’homologation de ces produits633. La Côte d’Ivoire a adopté également
un décret n°2015-288 du 29 avril 2015 portant réglementation des produits
cosmétiques et des produits d’hygiène corporelle634. Encore faut-il, malgré
l’existence d’une législation, que les ARP reçoivent des demandes d’autorisation de
commercialisation. La remarque a été faite au Burkina Faso que les produits
cosmétiques pour lesquels les demandes d’autorisation sont faites sont des produits
étrangers. C’est l’exemple de la gamme château rouge, Topicreme, etc.635. Aussi, ces
produits bénéficiant d’une autorisation de commercialisation sont vendus dans les
pharmacies et très rarement dans les supermarchés.
410. Le produit cosmétique est très proche du médicament, tant par sa présentation que
par sa composition. La différence entre le produit cosmétique et le médicament est
parfois minime, mais fondamentale, car le régime juridique est distinct pour ces deux
produits. Le médicament, pour sa commercialisation, doit obtenir une AMM. Par
contre, le droit communautaire de l’UEMOA prévoit simplement des conditions à
remplir pour la commercialisation d’un produit cosmétique : le fabricant du produit
cosmétique doit faire une déclaration de commercialisation ; il doit disposer d’un
dossier qu’il pourra transmettre aux autorités sanitaires en cas de contrôle et il doit
tenir compte des Bonnes Pratiques de Fabrication (BPF)636.
411. Le droit communautaire de l’UEMOA définit les produits cosmétiques637 comme des
« substances ou préparations destinées à être mises en contact avec les diverses
parties superficielles du corps humain (notamment l'épiderme, les systèmes pileux et
capillaire, les ongles, les lèvres et les organes génitaux externes) ou avec les dents et
633 Arrêté 2012 n°0313/MS/DC/SGM/CTJ/DPMED/DA/SA portant création, attributions et fonctionnement de la Commission technique d’homologation des produits cosmétiques en république du Bénin 634 La Décision N° 07 /2010/CM/UEMOA portant adoption des lignes directrices pour l’homologation des produits cosmétiques dans les Etats membres de l’UEMOA, a été visée en deuxième position après la Constitution dans ce décret 635 Entretien avec Dr SOME Alain, chef de service homologation/DCARP-Burkina Faso, 17 juillet 2018, à 11h 636 Annexe à la Décision n° 07 /2010/CM/UEMOA portant adoption des lignes directrices pour l’homologation des produits cosmétiques dans les Etats membres de l’UEMOA. 637 La même définition se retrouve dans l’Union Européenne. Le Règlement (CE) No 1223/2009 du parlement européen et du conseil du 30 novembre 2009 définit les produits cosmétiques comme « toute substance ou mélange destiné à être mis en contact avec les diverses parties superficielles du corps humain, notamment l’épiderme, les systèmes pileux et capillaire, les ongles, les lèvres et les organes génitaux externes, ou avec les dents et les muqueuses buccales, en vue, exclusivement ou principalement, de les nettoyer, de les parfumer, d’en modifier l’aspect, de les protéger, de les maintenir en bon état ou de corriger les odeurs corporelles. ».
160
les muqueuses buccales, en vue, exclusivement ou principalement, de les nettoyer,
de les parfumer, d'en modifier l'aspect, de les protéger, de les maintenir en bon état
ou de corriger les odeurs corporelles »638. Cela sous-entend qu’une fois appliquer, le
produit cosmétique n’a pas d’effet systémique (il ne doit pas passer dans le sang à
travers la peau). Cette définition implique que les produits cosmétiques ne puissent
être appliqués que sur les parties externes. Or, certains médicaments sont également
destinés à un usage externe (usage dermatologique). Ainsi, trois (3) types de produits
sont essentiellement concernés : les produits pour le corps et le visage, les produits
capillaires et des ongles et les produits bucco-dentaires639.
412. La décision communautaire fixe les règles concernant la composition d’un produit
cosmétique en définissant les substances interdites et dangereuses640, des
concentrations maximales auxquelles certains ingrédients de produits cosmétiques
peuvent être utilisés en toute sécurité, la liste des colorants et conservateurs pouvant
être utilisés, les procédures d’homologation et la surveillance des produits
cosmétiques après leur commercialisation, etc.
413. Afin de permettre aux Etats membres de faire la distinction entre ces produits
cosmétiques et les médicaments, le droit communautaire précise dans ces lignes
directrices que les « produits destinés à être ingérés, inhalés, injectés, implantés dans
le corps humain ne sont pas des cosmétiques »641. Cette précision permet d’exclure
systématiquement un produit pharmaceutique qui est destiné à être ingéré ou inhalé,
et de rechercher ensuite si ce produit répond alternativement à la définition du
médicament par présentation ou par fonction. Les produits cosmétiques ainsi définis
peuvent avoir des effets néfastes sur la santé des populations, d’autant plus que, dans
la zone UEMOA, ces produits sont vendus sur les marchés et par des marchands
ambulants. On y trouve parfois-même des pâtes dentifrices périmées, des mélanges
d’ingrédients dangereux en vue de faire pousser les ongles, etc.
638 Annexe à la Décision N° 07 /2010/CM/UEMOA portant adoption des lignes directrices pour l’homologation des produits cosmétiques dans les Etats membres de l’UEMOA. 639 Annexe à la Décision N° 07 /2010/CM/UEMOA portant adoption des lignes directrices pour l’homologation des produits cosmétiques dans les Etats membres de l’UEMOA. 640 Pour ce qui concerne les substances interdites et dangereux, le droit communautaire UEMOA précise, en annexe de l’Annexe à la Décision N° 06 /2010/CM/UEMOA portant adoption des lignes directrices pour l’homologation des compléments nutritionnels dans les Etats membres de l’UEMOA qu’« une proposition de liste indicative extraite des directives de l’Union : pour les substances qui ne peuvent entrer dans la composition des produits cosmétiques 641 Annexe à la Décision n° 06 /2010/CM/UEMOA portant adoption des lignes directrices pour l’homologation des compléments nutritionnels dans les Etats membres de L’UEMOA
161
414. En 2012, il y a eu une mobilisation contre une publicité pour un produit éclaircissant
les peaux noires au Sénégal. Le produit portait la dénomination wolof « Khess
Petch » ; signifiant en français « Toute blanche ». Il contenait un corticoïde. Certains
dermatologues ont donc estimé que le corticoïde utilisé était un médicament et ne
devait être délivré que sur prescription médicale, car il est utilisé en dermatologie
pour le traitement de nombreuses dermatoses aiguës ou chroniques642. Ce produit
était présenté comme un produit pouvant rendre la peau claire en 15 jours, car
contenant une formule rapide. Pourtant, il faut qualifier ce produit de médicament
par fonction, car il modifie une fonction physiologique : la pigmentation. En outre,
il a un effet anti-inflammatoire.
415. Ainsi dit, le médicament est différent du produit cosmétique. Le fait pour l’UEMOA
de ne pas donner plus de précisions sur la définition de ces produits, laissant ainsi le
soin à chaque Etat membre de l’interpréter à sa guise, peut mettre à mal le principe
de sécurité juridique. De plus, l’activité jurisprudentielle est quasi-inexistante dans
le domaine et n’éclaire pas plus les Etats. Ainsi dit, une question majeure surgit :
faut-il faire primer le droit du médicament sur celui des produits cosmétiques ? Ni le
droit communautaire ni la jurisprudence de la Cour de Justice de l’UEMOA ne
permet de trancher valablement cette question. Mais, au regard de l’objectif de
l’UEMOA de distribution et d’accessibilité à des médicaments de qualité643, et
compte tenu de la mise en place d’une sécurité des systèmes pharmaceutiques, il y a
lieu de retenir une conception large de la définition du médicament afin d’y inclure
le maximum de produits.
416. Chaque Etat membre reste donc compétent pour déterminer les produits qu’il
considère comme pouvant entrer dans la définition des produits cosmétiques ou dans
celle des médicaments à usage humain. Au Burkina Faso, certains produits
cosmétiques sont qualifiés de médicaments. L’article 208 de la loi n°23/94 portant
code de santé publique le spécifie en ces termes : « Les produits cosmétiques
contenant une substance ayant une action thérapeutique (au sens de la définition du
642http://www.rtl.fr/actu/international/au-senegal-mobilisation-contre-une-publicite-pour-un-produit-eclaircissant-les-peaux-noires-7752413005,Disponible également sur : http://observers.france24.com/fr/20120913-senegal-dakar-peau-blanche-scandale-polemique-publicite-creme 643 Considérant du Règlement 06/2010/CM/UEMOA relatif aux procédures d’homologation des médicaments à usage humain dans les Etats membres de l’UEMOA.
162
médicament) ou contenant des substances vénéneuses à des doses et concentrations
supérieures aux doses d’exonération sont des médicaments ».
417. Après les produits cosmétiques, une autre catégorie de produits ; les compléments
alimentaires ; doit être distinguées des médicaments.
b. Les compléments nutritionnels
418. Le régime juridique particulier du médicament nécessite de le distinguer des produits
alimentaires. L’UEMOA classe parmi les compléments nutritionnels les vitamines,
les plantes et les préparations de plantes. Elle précise que ces produits font partie du
« paysage thérapeutique »644. Pourtant, l’effet thérapeutique est une caractéristique
du médicament. Il peut donc paraître difficile d’établir une frontière précise entre les
compléments nutritionnels, ainsi définis et décrits, et les médicaments.
419. Ainsi, la décision n°06/2010 donne une définition des compléments nutritionnels645 :
« Toute denrée alimentaire dont le but est de compléter un régime alimentaire normal
et qui constitue une source concentrée de nutriments ou d’autres substances ayant un
effet nutritionnel ou physiologique, présentée seule ou sous forme combinée,
commercialisée sous forme de doses, à savoir les formes de présentation telles que
les gélules, les comprimés, les pilules et autres formes analogues aux préparations
liquides ou en poudre, destinée à être prise en unités mesurées de faible quantité »646.
Pour la commercialisation de ces compléments nutritionnels dans un Etat membre
de l’UEMOA, il est obligatoire d’obtenir une autorisation de commercialisation
délivrée par une autorité de réglementation compétente647. Un tel exposé permet de
confirmer l’importance centrale de la définition juridique du médicament.
420. Tout comme pour les produits cosmétiques, il revient au juge national de qualifier
au cas par cas le produit litigieux en lui appliquant soit le régime juridique
contraignant du médicament, soit le régime moins rigoureux des compléments
644 Annexe à la Décision n° 07 /2010/CM/UEMOA portant adoption des lignes directrices pour l’homologation des produits cosmétiques dans les Etats membres de l’UEMOA, p. 4. 645 C’est la même définition que celle contenue dans la Directive 2002/46/CE du Parlement européen et du Conseil du 10 juin 2002 relative au rapprochement des législations des États membres concernant les compléments alimentaires. L’article 2 de ladite directive précise que les compléments alimentaires sont « les denrées alimentaires dont le but est de compléter le régime alimentaire normal et qui constituent une source concentrée de nutriments ou d'autres substances ayant un effet nutritionnel ou physiologique, seuls ou combinés, commercialisés sous forme de doses, à savoir les formes de présentation telles que les gélules, les pastilles, les comprimés, les pilules et autres formes similaires, ainsi que les sachets de poudre, les ampoules de liquide. 646 Annexe à la Décision n° 06/2010/CM/UEMOA lignes directrices pour l’homologation des compléments nutritionnels dans les Etats membres de l’UEMOA. 647 Article 2 de la Décision n° 06/2010/CM/UEMOA lignes directrices pour l’homologation des compléments nutritionnels dans les Etats membres de l’UEMOA.
163
nutritionnels. Ainsi, comme son homologue européen, il serait souhaitable que la
Cour de Justice, lorsqu’elle sera saisie à titre préjudiciel pour se prononcer sur une
telle qualification, adopte une définition extensive du médicament à usage humain
dans un but de protection de la santé. Cela n’empêche cependant pas l’existence de
divergences nationales et qu’un même produit puisse être qualifié de médicament au
Bénin ou de complément nutritionnel au Togo.
421. Même si les Etats disposent d’une grande marge d’appréciations dans la qualification
des produits, le règlement communautaire a identifié une catégorie de médicaments
concernée par la procédure d’homologation.
B. Une catégorie précise de médicaments concernés par l’AMM et une dérogation possible à cette autorisation de commercialisation
422. Le règlement communautaire précise son champ d’application, notamment les
médicaments qui sont concernés par la procédure d’homologation (1). Il prévoit
également une dérogation à cette procédure (2).
1. Les médicaments inclus dans le champ du règlement
423. L’article 3 du règlement 06/2010 détermine les produits pharmaceutiques concernés.
Ce sont les produits qui répondent à la définition du médicament par présentation ou
par fonction, et qui sont destinés à être mis sur le marché d’un Etat membre de
l’Union sous la forme d’une spécialité pharmaceutique (a), de médicament générique
ou multi-source ou encore de vaccin (b). Ainsi, le rapprochement par harmonisation
des critères d’homologation des produits pharmaceutiques concerne également le
type de médicaments : trois types sont seulement pris en compte par le règlement.
a. La spécialité pharmaceutique
424. Tout médicament préparé à l’avance dans l’industrie pharmaceutique, présenté sous
un conditionnement particulier et caractérisé par une dénomination spéciale ou un
nom de marque648, est considéré comme une spécialité pharmaceutique aux termes
de l’article 1 du règlement 06/2010/CM/UEMOA. C’est un médicament préparé
généralement à l’avance, possédant un conditionnement particulier et une
dénomination propre. Cette définition permet d’exclure les médicaments produits
hors d’un cadre industriel.
648 Article premier du règlement n°06/2010/CM/UEMOA relatif aux procédures d’homologation des produits pharmaceutiques à usage humain dans les Etats membres
164
425. En Europe, l’article 2 de la directive 2001/83/CE du Parlement Européen et du
Conseil du 6 novembre 2001 instituant un code communautaire relatif aux
médicaments à usage humain précise qu’elle s’applique aux médicaments à usage
humain produits industriellement649. Cette précision permet d’exclure, par exemple,
les médicaments préparés en pharmacie selon une prescription médicale destinée à
un malade déterminé, les médicaments préparés en pharmacie selon les indications
d’une pharmacopée, etc. Cette directive définissait la spécialité pharmaceutique
comme : « Tout médicament préparé à l'avance, mis sur le marché sous une
dénomination spéciale et sous un conditionnement particulier ». Cependant, la
directive 2004/27/CE du parlement européen et du conseil du 31 mars 2004 l’a
supprimée.
426. Tout compte fait, le processus d’harmonisation des procédures d’AMM concerne
aussi bien les vaccins que les médicaments génériques.
b. Les vaccins et les médicaments génériques ou multi-sources
427. Le médicament générique est défini par le règlement comme une « copie
essentiellement similaire d’un médicament original, encore appelé innovant, qui est
la référence et qui n’est plus protégé par un brevet d’exploitation ». Le droit
communautaire utilise le terme « multi-sources » sans pour autant en donner une
définition spécifique. Il l’utilise comme synonyme de médicament générique dans le
règlement communautaire. En se référant à la définition donnée par l’OMS, « les
médicaments multi-sources sont des médicaments équivalents du point de vue
pharmaceutique, mais pas nécessairement du point de vue thérapeutique. Les
médicaments multi-sources qui sont thérapeutiquement équivalents sont
interchangeables »650. Cette définition ainsi donnée est très différente de la définition
européenne du médicament générique. En effet, l’article 10 de la directive
2001/83/CE du Parlement Européen et du Conseil du 6 novembre 2001 définit le
médicament générique comme « un médicament qui a la même composition
qualitative et quantitative en substances actives et la même forme pharmaceutique
que le médicament de référence et dont la bioéquivalence avec le médicament de
référence a été démontrée par des études appropriées de biodisponibilité… ». Ainsi,
649 La directive de 2001 définissait la spécialité pharmaceutique comme : « Tout médicament préparé à l'avance, mis sur le marché sous une dénomination spéciale et sous un conditionnement particulier ». Cependant la directive de 2004 a supprimé cette définition. 650 http://apps.who.int/medicinedocs/fr/d/Jh1814f/3.4.2.html
165
le médicament générique, comme toute spécialité pharmaceutique, nécessite avant
sa commercialisation une autorisation. Les génériques ne peuvent donc obtenir
l’AMM que si le rapport bénéfices/risques est favorable et n’est pas différent du
médicament original qui fait l’objet de la copie.
428. Tout comme pour les médicaments génériques, les vaccins sont également pris en
compte. Ainsi, le droit communautaire cite tout simplement le vaccin comme une
forme de médicament, sans donner plus de précisions sur la définition qu’il attend
de ce médicament. A ce niveau, par exemple, chaque Etat disposant d’une marge
d’appréciation pourra ainsi se référer à sa définition nationale du vaccin. Ainsi, la
définition du vaccin sera différente d’un Etat à un autre, selon les droits nationaux651.
Le principe d’un vaccin est de confronter le système immunitaire d’une personne à
un agent infectieux rendu inoffensif. L’organisme confronté par la suite au véritable
agent infectieux sera alors capable de le neutraliser avant que la maladie ne se
déclare. Le vaccin est donc un outil de prévention administré à des sujets sains652.
En raison donc de l’impact que le vaccin peut avoir sur la santé, sa commercialisation
doit être approuvée préalablement par une autorité compétente.
429. L’autorité compétente de chaque Etat, peut toutefois accorder une autorisation de
commercialisation à certains médicaments pour des raisons de santé publique.
2. Dérogation au principe général de l’AMM : l’Autorisation Spéciale d’Importation (ASI), un possible frein à une sécurité sanitaire
430. Le règlement n°06/2010/CM/UEMOA relatif aux procédures d’homologation des
produits pharmaceutiques à usage humain dans les Etats membres de l’UEMOA
prévoit en son article 13 que, dans chaque Etat membre, l’autorité en charge de la
délivrance de l’AMM peut, à titre exceptionnel, accorder une autorisation spéciale
d’importation pour des raisons de santé publique. Cette autorisation spéciale
d’importation a une durée limitée, car elle ne peut excéder 12 mois. Elle permet de
mettre sur le marché, donc à la disposition des patients, des médicaments qui n’ont
pas encore reçu une AMM. Le champ d’application et les conditions d’octroi ou de
refus de l’ASI relèvent donc de la souveraineté de chaque Etat membre. Cette ASI
permet-elle d’importer des médicaments de qualité dans les différents pays ? En
651 Au Burkina Faso, la loi n°23/94/ADP portant CSP ne donne aucune définition du vaccin. 652 Position des Entreprises du médicament, « Le vaccin, un médicament comme les autres ? », Disponible sur http://www.leem.org/sites/default/files/802.pdf
166
principe, un médicament non homologué ne doit être importé que dans des
conditions bien strictes et pour des besoins bien identifiés.
431. Cette ASI peut être comparée à l’Autorisation Temporaire d’Utilisation (ATU)
prévue en droit français. L’ATU est cependant beaucoup plus précise et limitée en
droit français. Elle permet d’utiliser une spécialité pharmaceutique sans avoir obtenu
au préalable une AMM. Cette utilisation doit être exceptionnelle et n’est possible
que dans des conditions précises : c’est le cas, par exemple, lorsque « les spécialités
sont destinées à traiter, prévenir ou diagnostiquer des maladies graves ou rares.
Quand il n'existe pas de traitement approprié disponible sur le marché, leur efficacité
et leur sécurité d'emploi sont présumées en l'état des connaissances scientifiques, et
la mise en œuvre du traitement ne peut pas être différée »653.
432. Le Burkina Faso a élaboré un document interne concernant la procédure à suivre
pour le traitement des demandes d’autorisation d’importation et d’exportation des
médicaments et autres produits de santé654. Dans le formulaire de demande d’ASI
de médicaments et autres produits pharmaceutiques, les informations que le
demandeur doit fournir concernent : le nom et l’adresse du fabricant ou du
fournisseur, le nom et l’adresse du transitaire, le mode d’expédition, la porte d’entrée
au Burkina, le nombre d’entrées prévus, le certificat d’analyse de chaque lot à
expédier, le certificat de bonne pratique de fabrication. Cette autorisation ne peut être
sollicitée que pour les médicaments ne figurant pas dans la nomenclature
nationale655, donc qui ne sont pas enregistrés et utilisés couramment par les patients.
Elle peut concerner, par exemple, des cas de : situation de rupture nationale d’un
médicament, de catastrophe sanitaire (épidémie par exemple) ou encore une situation
de traitement spécifique (l’absence d’une molécule spécifique au Burkina Faso, mais
nécessaire pour les soins de certains patients)656.
433. Ces demandes d’autorisations spéciales ne sont pas en pratique évaluées comme
celles des AMM. C’est une évaluation lors du traitement du dossier qui est réalisée :
vérifier par exemple que le produit peut être importé, que l’importateur est agréé
pour le faire, la garantie en termes de santé publique du produit et la destinée du
653 http://ansm.sante.fr/Activites/Autorisations-temporaires-d-utilisation-ATU/Qu-est-ce-qu-une-autorisation-temporaire-d-utilisation/(offset)/0 654 DGPML, « Procédure pour le traitement des dossiers de demande d’autorisation d’importation ou d’exportation des médicaments et autres produits de santé », Réf : MQ-P-ME-SI1 Version : 01 655 La Nomenclature Nationale des Spécialités Pharmaceutiques et Médicaments Génériques est la liste des spécialités pharmaceutiques et médicaments génériques enregistrés au Burkina Faso. 656 Entretien avec Dr SOME Alain, chef de service homologation/DCARP-Burkina Faso, 17 juillet 2018, à 11h.
167
produit. C’est le service d’homologation de la Direction chargée de la continuité des
activités réglementaires et pharmaceutiques (DCARP) qui est chargé de cette
évaluation administrative657, sous réserve de la validation par la direction en charge
de la réglementation pharmaceutique. Aussi, il faut souligner qu’il est généralement
demandé certains documents tels que le certificat de bonnes pratiques de fabrication
et le certificat d’analyse de l’eau.
434. Toutefois, le nombre croissant chaque année des demandes d’ASI dans certains Etats
membres suscite des interrogations quant à la qualité des médicaments importés via
cette procédure. En effet, la DGPML (prédécesseur de la DCARP) a constaté qu’au
Burkina Faso, par exemple, parmi les médicaments faisant l’objet d’une demande
d’ASI, il y a des médicaments dont l’AMM a expiré et n’a pas été renouvelée. Le
titulaire de l’AMM, sachant bien qu’il existe une autre procédure lui permettant
d’importer ces médicaments, choisit de ne pas renouveler sa demande d’AMM et de
demander une ASI. Ces derniers avancent généralement l’argument d’un risque de
rupture du médicament concerné par la demande658. A titre d’exemple, il y a eu 2 135
demandes d’ASI traitées en 2015. Ces demandes d’ASI sont agréées d’office, dans
la mesure où il n’existe quasiment pas de refus du Ministère de la santé pour ces
demandes659.
435. C’est une procédure qui dénature l’effet utile de l’AMM du médicament. Tant que
le recours à l’ASI ne sera pas exceptionnel, comme le prévoit le règlement
communautaire de l’UEMOA, les industriels et les fabricants auront le sentiment que
l’AMM n’a plus sa raison d’être et n’est pas vraiment nécessaire, et ils trouveront les
ruses adéquates pour contourner le dispositif de l’AMM qui demeure pourtant le
principe légal de base pour la commercialisation d’un médicament à usage humain
dans l’Etat membre.
436. Pourtant, le droit communautaire de l’UEMOA pour des raisons de sécurité sanitaire
impose des obligations au titulaire de l’AMM.
657 Entretien avec Dr SOME Alain, chef de service homologation/DCARP-Burkina Faso, 17 juillet 2018, à 11h. 658 Entretien avec Dr SOME Alain, chef de service homologation/DCARP-Burkina Faso, 17 juillet 2018, à 11h. 659 Entretien réalisé en 2014 avec Dr TOE Natacha, Directrice du service de réglementation pharmaceutique à la DGPML au Burkina Faso.
168
§ II. Les obligations du titulaire de l’AMM et les sanctions étatiques aux demandes d’AMM non conformes : une mesure de sécurité sanitaire
437. L’Etat a une compétence de police sanitaire660 dans le domaine pharmaceutique.
Cette compétence combinée à la recherche de sécurité sanitaire conduit ainsi le
Ministère de la santé, qui exerce le pouvoir de police sanitaire au nom de l’Etat, à
ajourner, suspendre ou retirer des autorisations de mise sur le marché de
médicaments à usage humain (B). D’emblée, lorsqu’il accorde une AMM à un
médicament, le titulaire doit se soumettre à certaines obligations (A).
A. Les obligations du titulaire de l’AMM
438. Le titulaire de l’AMM est responsable de la mise sur le marché du médicament. Les
informations qu’il a fournies au moment de la demande d’AMM relèvent de sa
responsabilité s’il s’avère que ces informations sont erronées. Plusieurs catégories
de personnes peuvent être désignées titulaires de l’AMM : il peut s’agir du fabricant
lui-même ou de l’exploitant, voire de l’importateur.
439. L’obligation de surveillance du marché par le titulaire de l’AMM661 implique pour
lui un suivi de la sécurité du médicament, la notification de tout incident lié à son
utilisation aux autorités compétentes et la diffusion des mesures envisagées662. Il est
nécessaire d’actualiser en permanence les informations liées au médicament663. Le
titulaire de l’AMM doit donc veiller à mettre à jour le dossier du médicament664, et
surtout l’information destinée aux professionnels de santé et aux patients (1). Mais
aussi, il doit participer, dans chaque Etat membre, à la surveillance des médicaments
mis sur le marché (2).
1. La notification de toutes nouvelles informations sur le médicament mis sur le marché
440. Le titulaire de l’autorisation de mise sur le marché a l’obligation d’informer le
Ministre en charge de la santé de tout changement dans un élément du dossier. Donc,
de tout changement concernant le médicament lui-même (composition, fabrication,
660 TABUTEAU Didier, « Sécurité sanitaire et droit de la santé », RDSS, 2007 p. 823 661 Article 17 du Règlement 06/2010/CM/UEMOA relatif aux procédures d’homologation des médicaments à usage humain dans les Etats membres de l’Union : « Tout titulaire d’une Autorisation de Mise sur le Marché doit adhérer au système national de pharmacovigilance » 662 DEVRED Thomas, Autorisation de mise sur le marché des médicaments, op.cit., p. 66 663 ROBERT Jacques-Antoine, REGNIAULT Alexandre, « Médicaments : les règles du jeu », Editions médicales Internationales, Cachan, France, 2010, p.63. 664 Article 18 et 19 du Règlement 06/2010/CM/UEMOA relatif aux procédures d’homologation des médicaments à usage humain dans les Etats membres de l’Union.
169
dénomination, etc). En effet, chaque variation dans un élément du dossier doit faire
l’objet d’une modification auprès du Ministère en charge de la santé665 de chaque
Etat membre. Le titulaire doit donc notifier ce changement au Ministre lui ayant
octroyé l’AMM afin que ce dernier procède à l’actualisation du dossier.
441. Le document octroyant l’AMM au demandeur précise également que « l’information
sur le produit ne peut être modifiée sans autorisation préalable, à l’exception des
mises à jour concernant la sécurité qui conduisent à restreindre l’utilisation du
produit. Tout changement concernant la sécurité doit être notifié à l’Autorité de
Réglementation dans les cinq jours qui suivent le changement »666. En effet, tout
titulaire d’une AMM a une obligation d’information complète et sincère sur le
médicament, afin de garantir en permanence le maintien d’une évaluation favorable
entre les risques et les bénéfices apportés par ce médicament667. Ces nouvelles
informations sont nécessaires et vont participer à l’instauration d’une sécurité des
systèmes pharmaceutiques dans chaque Etat.
442. Un dossier sera donc exigé selon qu’il s’agit d’une variation mineure ou d’une
variation majeure. Une modification de l’AMM sera considérée comme mineure
lorsqu’elle n’affecte ni la qualité, ni l’efficacité, ni la sécurité, ni l’innocuité, ni les
propriétés du médicament concerné. Il peut s’agir de nouvelles informations sur le
nom ou l’adresse du fabricant, le nom ou l’adresse du titulaire de l’AMM, voire un
changement du nom du médicament ou de la dénomination commune internationale
de la substance active668. Ces modifications n’affectent pas en principe la santé des
utilisateurs du médicament. C’est pourquoi le titulaire de l’AMM doit simplement
fournir une lettre avec les informations nouvelles pour l’AMM. L’AMM sera
simplement réactualisée, car le Comité d’experts et la CNM ne vont pas réexaminer
le dossier.
443. Ces modifications, au regard des termes de l’annexe du règlement 06/2010, relèvent
de l’initiative du titulaire de l’AMM. Ce qui implique que si ce dernier ne notifie pas
665 Article 18 du Règlement 06/2010/CM/UEMOA relatif aux procédures d’homologation des médicaments à usage humain dans les Etats membres de l’Union : « …. Toute variation des éléments du dossier d’une Autorisation de Mise sur le Marché doit faire l’objet d’une notification justifiant la modification au Ministre en charge de la santé » 666 Annexe n°III du règlement n°06/2010/CM/UEMOA, Modèle type d’une autorisation de mise sur le marché, p. 67 667 DEVRED Thomas, Autorisation de mise sur le marché des médicaments, op.cit., p. 68 668 Partie II, Annexe du règlement n°06/2010/CM/UEMOA, « Le contenu du dossier de demande d’autorisation de mise sur le marché pour une variation », p. 35
170
aux ARP les nouvelles informations concernant le médicament, il n’y aurait pas de
modification possible des informations de l’AMM.
444. Malheureusement, le règlement est muet sur les mesures que chaque Etat peut mettre
en œuvre pour s’assurer que les titulaires des AMM respecteront leurs obligations de
notifier toute nouvelle information sur le médicament ayant obtenu l’AMM.
445. Les informations fournies lors de la demande d’AMM du médicament peuvent
changer au cours de sa commercialisation. La modification de ces informations peut
donc avoir des répercussions sur l’activité du médicament. Dans de telles
circonstances, le titulaire de l’AMM doit informer le Ministère de la santé et déposer
un nouveau dossier afin que le Comité d’experts et la CNM réexaminent la demande.
En effet, toute nouvelle information susceptible d’entraver la qualité ou l’efficacité
du médicament doit faire l’objet d’une nouvelle expertise. A cet effet, le règlement
communautaire fournit aux Etats une liste non exhaustive de modifications
considérées comme majeures669.
446. Toutefois, il faut souligner que l’autorisation de mise sur le marché d’un
médicament à usage humain est accordée pour une durée de 5 ans. Le titulaire de
l’AMM doit cependant demander le renouvellement avant l’expiration de la durée
de validité670. Le nombre de renouvellements possibles pour toute AMM n’est pas
précisé par le droit communautaire. Chaque Etat organise de ce fait ce processus de
renouvellement.
447. Le règlement 06/2010/CM/UEMOA fait de ce renouvellement une obligation pour
le titulaire, sans pourtant prévoir l’existence ou non de sanctions possibles à
l’encontre des titulaires qui ne demanderaient pas le renouvellement de l’AMM.
669 Exemples de modifications considérées par le droit communautaire UEMOA comme des variations majeures : Des modifications relatives au principe actif ; - Des modifications relatives à la forme pharmaceutique ; - Des changements dans le procédé de fabrication du principe actif (changement de la voie de synthèse, changement d'un produit intermédiaire de synthèse) ; - Des changements dans la composition du produit fini ; - Des changements de conditionnement primaire ; Hausse du prix ; Ajout d’une nouvelle indication ; Changement de la durée de conservation ; Transfert d’AMM ; Ajout ou changement d’un excipient (notamment ceux à effet notoire) ; Extension de forme de dosage et de conditionnement ; - Changement d’autorisation de mise sur le marché d’un laboratoire à un autre. Les modifications relatives au principe actif concernent : Le changement d’un principe actif par un autre principe actif ; Les inclusions d’un autre principe actif dans un médicament existant ; Le retrait de l’un des principes actifs dans une association de plusieurs principes actifs; Les modifications de la concentration d’un ou de plusieurs principes actifs. Les modifications relatives à la forme pharmaceutique sont : - La modification d’un médicament à libération immédiate pour un produit à libération lente ou retardée, ou vice-versa; - La modification d'une forme liquide à une forme poudre pour reconstitution ; et vice versa ; Modifications relatives à la voie d’administration 670 Article 19 du Règlement 06/2010/CM/UEMOA : « Toute Autorisation de Mise sur le Marché doit faire l’objet d’un renouvellement dont les modalités sont précisées à l’Annexe N°I, Partie III du présent Règlement, et ce, avant l’expiration de sa durée de validité ».
171
Dans de telles circonstances, l’AMM est-elle suspendue ? Ou le produit
pharmaceutique est-il retiré du marché de l’Etat concerné ?
2. L’obligation d’adhérer au système national de pharmacovigilance
448. Dans le cadre de la surveillance du marché après la mise sur le marché d’un
médicament, l’article 17 du règlement fait obligation au titulaire d’une AMM
d’adhérer au système national de pharmacovigilance671 de l’Etat membre où il a
obtenu l’autorisation pour mettre son médicament sur le marché. Mais, cette
adhésion initiale suffit-elle ? En effet, l’octroi d’une AMM à un produit
pharmaceutique n’implique pas une sécurité absolue et continue de ce produit pour
la santé des citoyens. Ainsi, Clotilde JOURDAIN fait remarquer qu’« il serait
illusoire de croire que les procédures d’AMM suppriment tous les risques pour la
santé humaine »672.
449. Le droit communautaire n’harmonise que l’obligation d’adhésion des titulaires au
système national de pharmacovigilance. Il ne donne cependant aucune définition de
la notion de pharmacovigilance. Il revient par conséquent à chaque Etat membre de
définir dans son droit national cette notion. Certains disposaient avant l’adoption du
règlement communautaire d’un système national de pharmacovigilance673.
450. L’enjeu sécuritaire dans le domaine pharmaceutique doit inclure une évaluation
post-AMM. L’octroi d’une AMM ne peut définir stricto sensu la sécurité du
médicament. En effet, Marie-Christine BELLEVILLE considère que « les premières
années de la phase post-AMM constituent une phase d’observation clinique… »674.
C’est un système de surveillance de la sécurité des médicaments à usage humain qui
vise à détecter, à évaluer et à prévenir les effets indésirables des médicaments mis
sur le marché675. La pharmacovigilance est nécessaire pour la mise en place d’une
sécurité des produits de santé dans la zone communautaire. C’est en réalité
l’évaluation a posteriori du médicament qui a été mis sur le marché. Le recueil
d’informations sur les effets indésirables permet de renforcer la sécurité du système
671 Article 79 du règlement 06/2010/CM/2010 : « Tout titulaire d’une Autorisation de Mise sur le Marché doit adhérer au système national de pharmacovigilance ». 672 JOURDAIN Clotilde, L’applicabilité du principe de précaution au domaine de la santé publique, Mémoire DEA droit de l’économie, Université de Bourgogne, Faculté de droit et de science politiques, 1999, p. 48. 673 Arrêté n°05036 du 22/04/2009 portant système national de pharmacovigilance en République du Sénégal. 674 Séance « Santé et principe de précaution », Palais de la découverte, 16 novembre 2011, organisée par l’association française pour l’avancement des sciences et le comité national odontologique d’éthique. 675 DE GROVE-VALDEYRON Nathalie, Droit européen de la santé, Paris, Editions Lextenson LGDJ, 2013, p. 195, § 351.
172
sanitaire. Le titulaire de l’AMM doit ainsi veiller à ce que son produit soit retiré du
marché s’il présente un risque majeur pour la santé.
451. Le titulaire est responsable de la mise sur le marché de son médicament. C’est sur
ce fondement qu’il pourrait voir engager sa responsabilité en cas de dommages subis
par des patients qui ont utilisé le médicament qu’il a mis sur le marché. L’UEMOA
n’a pas harmonisé la réglementation sous-régionale en ce qui concerne la
pharmacovigilance. C’est par conséquent le droit national de chaque Etat qui
s’applique. Ainsi, le droit communautaire permet que chaque Etat puisse prévoir un
système de surveillance du marché. Cependant, les modalités de cette surveillance,
c’est-à-dire la mise en place de la pharmacovigilance, relèvent de la marge
d’appréciation de chaque Etat.
452. Chaque Etat est également compétent pour sanctionner les demandes d’AMM qui ne
respectant pas les dispositions juridiques prévues par le droit communautaire.
B. Les sanctions étatiques aux demandes d’AMM non-conformes
453. Une demande d’AMM d’un médicament peut faire l’objet d’un refus selon les
conditions établies par chaque Etat (1). Lorsque l’AMM est accordée, elle peut
également être suspendu ou retiré (2).
1. Les refus d’AMM
454. Le médicament est un objet d’ordre public en droit interne et il est régi par le droit
administratif. Ainsi, l’AMM est une décision administrative accordée par le
Ministère chargé de la santé de chaque Etat membre de l’UEMOA. Philippe
URFALINO précise alors que « l’AMM est une intervention ponctuelle de la
puissance publique dans l’histoire d’un médicament »676. La marge d’appréciation
de chaque Etat est grande à ce niveau, car il reste souverain dans la détermination
des situations pouvant conduire à un refus d’une demande d’AMM677. La CNM,
lorsqu’elle rejette une demande d’AMM, doit motiver sa décision. Cependant, le
droit communautaire ne précise pas s’il s’agit d’une obligation pour la CNM de
toujours motiver les refus d’AMM ou s’il s’agit d’une simple faculté pour elle de
motiver ses refus. L’ARP notifiera le refus au demandeur. Les motifs de refus
676 URFALINO Philippe, « L'autorisation de mise sur le marché du médicament : une décision administrative à la fois sanitaire et économique », Revue française des Affaires sociales, 2001/4 (n°4), p. 7. 677 Le règlement communautaire ne précise pas les conditions de rejet d’une demande d’AMM d’un produit pharmaceutique à usage humain.
173
concernent à 99%, au Burkina Faso, la qualité des médicaments et 1% en ce qui
concerne le protocole thérapeutique678.
455. Le juge administratif a l’obligation de veiller aux procédures préalables à l’adoption
d’un acte administratif. Il peut donc vérifier que les consultations prescrites par la
réglementation avant l’adoption de l’acte administratif de mise sur le marché ont été
respectées, ou sont régulières.
456. L’AMM étant un acte administratif, elle peut faire l’objet d’un recours auprès de
l’autorité administrative concernée. Il peut s’agir soit d’un recours gracieux, soit
d’un recours contentieux.
457. Toutefois, il faut préciser, que lorsque l’AMM est accordée, elle peut par la suite,
être suspendue ou retirée.
2. La suspension et les retraits d’AMM
458. Une fois l’autorisation accordée, le médicament est présumé sûr pour la santé679.
Toutefois, cette présomption d’efficacité peut être remise en cause au cours de la
commercialisation du médicament. Le médicament, même évalué par des experts,
peut présenter après sa mise sur le marché des risques particulièrement graves pour
la santé. En effet, certains effets indésirables sont statistiquement indétectables
pendant l’essai clinique680. C’est l’une des raisons pour lesquelles la décision
d’autorisation de commercialisation n’est pas définitive.
459. Pour ce faire, un médicament à usage humain commercialisé sur le territoire d’un
Etat membre peut faire l’objet d’une suspension par le Ministre en charge de la
santé681 dans chaque Etat pour une période de 6 mois, lorsque ce médicament est
considéré comme présentant un danger pour la santé publique. L’article 21 al 1 du
règlement n°06/2010/CM/UEMOA relatif aux procédures d’homologation des
produits pharmaceutiques à usage humain dans les Etats membres de l’UEMOA
précise à cet effet que « tout médicament à usage humain faisant l’objet d’une mesure
de suspension doit être retiré sans délai du circuit de distribution ». Pourtant, l’alinéa
4 ajoute que « l’annulation de la décision de suspension peut être sollicitée, si le
retrait de l’Autorisation de Mise sur le Marché n’a pas été prononcé dans un délai de
678 Entretien avec Dr SOME Alain, chef de service homologation/DCARP-Burkina Faso, 17 juillet 2018, à 11h. 679 CHALTIEL Florence, « La libre circulation des médicaments : développements récents », Petites affiches, 27/10/2005 - n° 214 – (p. 11), p. 6. 680 C’est la pharmacovigilance qui doit entrer en jeu après la commercialisation du médicament. 681 Article 21 al 2 du règlement 06/2010/CM/UEMOA relatif aux procédures d’homologation des produits pharmaceutiques à usage humain dans les Etats membres de l’UEMOA.
174
(6) mois à compter du jour où la suspension aura été notifiée ». Comment remettre
dans le circuit de distribution un médicament ayant déjà été retiré parce qu’il présente
un danger pour la santé publique ; même si le règlement prévoit la possibilité pour
le titulaire de l’AMM de fournir aux autorités compétentes toutes les informations
nécessaires relatives au médicament frappé par la suspension682 ?
460. Toute suspension relève alors de la compétence de chaque Etat. A ce niveau, la
marge de manœuvre de chaque Etat peut être constatée. En effet, il revient à chaque
Etat de déterminer les conditions dans lesquelles un médicament peut être considéré
comme un « danger pour la santé publique » et pouvant justifier une suspension de
sa commercialisation. Ainsi, la question se pose à propos de la définition de « danger
pour la santé publique ». Il n’est pas inutile d’appréhender la définition de santé
publique. L’OMS a défini la santé publique en 1952 comme « la science et l’art de
prévenir les maladies, de prolonger la vie et d’améliorer la santé physique et mentale
à un niveau individuel et collectif. Le champ d’action de la santé publique inclut tous
les systèmes de promotion de la santé, de prévention des maladies, de lutte contre la
maladie (médecine et soins) et de réadaptation »683. En évoquant la notion de santé
publique, cela implique que l’on dépasse le cadre individuel, peu importe qu’il
s’agisse de ce point de vue d’une collectivité : école, ville, nation, etc.684
461. Le médicament peut constituer un danger pour la santé lorsque les risques qu’il fait
courir sont disproportionnés par rapport au bénéfices escomptés. Au Burkina Faso,
la demande de suspension peut être faite par le titulaire de l’AMM. Généralement,
des raisons également commerciales sont avancées pour une telle demande. La
suspension peut résulter d’un transfert entre deux laboratoires, nécessitant un arrêt
provisoire de l’AMM. Mais, le plus souvent, c’est un problème de qualité qui justifie
la suspension d’une AMM685.
462. L’AMM étant étatique, cela implique que la suspension ne se fera que dans un seul
Etat. Le droit communautaire n’impose pas aux Etats de publier la liste des
médicaments suspendus ou retirés de leurs marchés nationaux. De ce fait, il n’y pas
un système de centralisation communautaire des médicaments susceptibles
682682 Article 21 al 3 : « La décision de suspension est notifiée au demandeur de l’Autorisation de Mise sur le Marché, qui a la faculté de fournir toute information nécessaire ». 683 Dictionnaire Larousse en ligne http://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/sant%C3%A9_publique/90008 684 MORELLE Aquilino, TABUTEAU Didier, La santé publique, Que sais-je ? Paris, Presses Universitaires de France, 2015, p. 4. 685 Entretien avec Dr SOME Alain, chef de service homologation/DCARP-Burkina Faso, 17 juillet 2018, à 11h.
175
d’affecter la santé des patients. Par conséquent, un médicament retiré du circuit de
distribution ivoirien peut continuer à être distribué au Togo ou au Sénégal. Cette
absence de centralisation des médicaments susceptibles d’affecter la santé des
patients peut être préjudiciable à la protection de la santé publique communautaire.
Cependant, le droit communautaire UEMOA oblige, par exemple, les distributeurs à
informer tous « les clients et toutes les autorités compétentes de tous les pays dans
lesquels un produit donné a été distribué... de toute intention de rappeler un produit
défectueux ou suspecté de l’être »686.
463. Aujourd’hui, plusieurs Etats ont publient à travers les sites internet de leur autorité
de réglementation pharmaceutique, les produits pharmaceutiques faisant l’objet
d’une suspension ou d’un retrait de lots ou d’AMM dans leur pays687.
464. Tout compte fait, la protection de la santé conduit à des retraits d’autorisations de
commercialisation de produits pharmaceutiques. Et, c’est le ministre en charge de la
santé qui autorise le retrait de l’AMM après avis motivé de la CNM688. Le droit
communautaire ne précise pas les circonstances pouvant conduire au retrait de
l’AMM. Le pouvoir de décision d’un retrait relève alors de la prérogative de chaque
Etat membre (marge de manœuvre de l’Etat).
465. Le gouvernement béninois a retiré l’AMM (datant de 2008) des produits du
laboratoire indien New Cesamex en mars 2018689. Il justifie ce retrait par une mesure
de précaution690.
466. La Côte d’Ivoire a retiré du marché le lot de Vogalène 10 mg/1ml, solution
injectable-B10, en septembre 2016. Un changement de la coloration de la solution
sur certaines ampoules de plusieurs lots avait été constaté. La Direction de la
Pharmacie, du Médicament et des Laboratoires justifie ce retrait par une mesure de
précaution. La Vitamine Ca-C1000 orange, comprimé effervescent-B10, a été
également retirée du marché ivoirien en septembre 2016 suite à la découverte d’un
défaut de qualité sur les lots vendus en Côte d’Ivoire et qui se traduit par un dépôt
686 Annexe à la Décision n°09/2010/CM/UEMOA portant guide de bonnes pratiques de distribution et d’importation des produits pharmaceutiques à usage humain dans les Etats membres de l’UEMOA, p. 13. 687 Site internet de la Direction de la pharmacie, du médicament et des laboratoires (DPML) de la Côte d’Ivoire https://www.dpml.ci/ 688 Article 22 du Règlement 06/2010/CM/UEMOA relatif aux procédures d’homologation des produits pharmaceutiques à usage humain dans les Etats membres de l’UEMOA. 689 94 tonnes de médicaments avaient été découvertes chez le représentant de ce laboratoire au Bénin. 690 VIDJINGNINOU Fiacre, « Bénin : le gouvernement suspend l’Ordre des pharmaciens », 15 mars 2018 à 15h49, Mis à jour le 20 mars 2018 à 17h28. Disponible sur : http://www.jeuneafrique.com/542486/societe/benin-le-gouvernement-suspend-lordre-des-pharmaciens/
176
brunâtre sur les rebords du tube. En France, par exemple, la non-conformité entre la
formule déposée et la composition du médicament est un motif de retrait.
467. De plus, plusieurs AMM ont été abrogées suite à la demande des laboratoires
fabricants concernés, pour des raisons commerciales, comme le spécifie dans ses avis
la DPML de la Côte d’Ivoire, sans en donner les raisons commerciales.
468. Dans ce processus d’harmonisation, il faut surtout prévoir des stratégies permettant
d’améliorer l’encadrement juridique de l’AMM du médicament à usage humain.
Section 2. Un encadrement juridique à renforcer
469. Les procédures d’octroi de l’AMM ont été harmonisées au sein de l’UEMOA. En
principe, la réussite d’une telle harmonisation devrait conduire à une libre circulation
des médicaments à usage humain au sein de l’UEMOA. Ainsi, le droit
communautaire prévoit une procédure à suivre dans chaque Etat pour obtenir une
autorisation pour commercialiser un médicament à usage humain (§ I). Toutefois, le
constat est fait que cette harmonisation des procédures n’a pas permis l’instauration
d’une libre circulation des médicaments dans la zone UEMOA (§ II).
§ I. Procédure d’octroi d’une AMM : une harmonisation réussie
470. L’harmonisation la plus aboutie dans l’UEMOA est celle qui concerne les
procédures d’octroi d’une AMM. La constitution du dossier de demande d’AMM et
les institutions compétentes pour l’évaluation des dossiers sont identiques dans
chaque Etat membre. C’est une harmonisation par la procédure, compte tenu du fait
que le règlement se borne à définir les procédures d’homologation des produits
pharmaceutiques à usage humain dans les Etats membres de l’Union691. Ce type
d’harmonisation implique alors l’existence de règles procédurales équivalentes en
termes d’homologation des médicaments. Equivalente ; car il va exister des
différences, des spécificités d’un Etat à un autre.
471. Le droit communautaire UEMOA a ainsi prévu dans l’annexe du règlement 06/2010
un formulaire de demande692 d’autorisation de mise sur le marché693. Ainsi, la
demande d’AMM doit être faite par la présentation d’un dossier pour
691 Article 2 du Règlement 06/2010/CM/UEMOA relatif aux procédures d’homologation des médicaments à usage humain dans les Etats membres de l’UEMOA : « Le présent Règlement a pour objet de définir les procédures d’homologation des produits pharmaceutiques à usage humain dans les Etats membres de l’Union » 692 C’est un formulaire à joindre à toute soumission de dossier dans le cadre d’une demande d’autorisation de mise sur le marché des produits pharmaceutiques. 693 Cf. Annexe du Règlement 06/2010/CM/UEMOA relatif aux procédures d’homologation des médicaments à usage humain dans les Etats membres de l’UEMOA, p. 46.
177
l’enregistrement694 du produit pharmaceutique à usage humain. Le contenu de la
demande d’AMM est identique, depuis cette harmonisation, dans les huit pays
membres de l’UEMOA (A). Ce dossier de demande d’enregistrement fera ensuite
l’objet d’une évaluation par l’ARP dans chaque Etat (B).
472. Pour ce faire, tout demandeur d’AMM d’un médicament à usage humain doit être en
mesure de fournir à l’autorité de réglementation pharmaceutique un dossier
contenant les informations sur le médicament, depuis sa fabrication jusqu’à sa
commercialisation dans le pays d’origine, afin de permettre l’examen des documents
concernant son produit pharmaceutique. La présentation de ce dossier à chaque ARP
est une obligation de résultat. Ce dossier doit être présenté dans chaque Etat à l’ARP
compétente695.
A. Le contenu du dossier : une obligation de résultat
473. Le souci de protection de la santé fait du contenu du dossier une obligation de
résultat. Ainsi, le demandeur doit fournir à l’autorité compétente toutes les
informations sur le médicament (par exemple : le nom du produit, la Dénomination
Commune Internationale (DCI), le dosage, la forme et la présentation, les
informations sur le demandeur, les informations sur le laboratoire fabricant ou
exploitant, les informations juridiques sur le produit pharmaceutique : AMM ou
Certificat de Produit Pharmaceutique (CPP), certificat d’analyse du modèle vente du
produit déposé, etc696), sous peine de voir sa demande rejetée. Le droit
communautaire impose donc au demandeur de l’AMM de constituer un dossier
complet conforme à la réglementation (1). Toutefois, la présentation d’un dossier
abrégé pour l’enregistrement d’une spécialité pharmaceutique est aussi prévue par le
droit communautaire (2).
1. Le principe : présentation d’un dossier complet
474. Le contenu du dossier d’enregistrement que tout demandeur doit présenter dépend
du type de produits pharmaceutiques qui doit être mis sur le marché communautaire
: une spécialité pharmaceutique (a), un médicament générique ou un vaccin (b). En
694 Procédure conduisant à l’octroi d’une Autorisation de Mise sur le Marché à un médicament pour la première fois. Cf. article premier règlement n°06/2010/CM/UEMOA. 695 Article 5 al. 1 du Règlement 06/2010/CM/UEMOA relatif aux procédures d’homologation des médicaments à usage humain dans les Etats membres de l’UEMOA 696 Annexe du règlement 06/2010 relatif aux procédures d’homologation des produits pharmaceutiques à usage humain dans les Etats membres de l’UEMOA, pp. 7 et svt.
178
effet, le dossier de demande d’enregistrement comporte 5 modules pour une
spécialité pharmaceutique, 4 pour un médicament générique et 3 pour un vaccin.
a. Le dossier d’enregistrement d’une spécialité pharmaceutique
475. Pour obtenir une autorisation pour commercialiser une spécialité pharmaceutique
dans la zone UEMOA, il faut désormais fournir un dossier technique général qui
comprend un dossier administratif, un résumé du dossier technique, un dossier
qualité, un dossier non clinique et un dossier clinique.
476. Le dossier administratif doit contenir toutes les informations non seulement sur le
produit pharmaceutique concerné, mais aussi sur le demandeur de l’AMM. Les
informations administratives sur le demandeur sont très importantes. En droit, une
condition première à toute procédure est de s’assurer de l’identité de la personne
concernée. Une erreur sur la personne peut rendre la procédure nulle, voire engager
certaines responsabilités. Ces informations sont donc très utiles pour situer les
responsabilités en cas de dommages occasionnés par le médicament.
477. Dans ce dossier, le droit communautaire de l’UEMOA fait obligation au demandeur
d’AMM de fournir les informations sur sa propre identité, mais également des
informations sur l’identité du laboratoire fabricant ou exploitant697, des informations
sur la commercialisation du produit pharmaceutique (la liste des pays de l’espace
UEMOA pour lesquels le médicament a obtenu l’autorisation de mise sur le
marché) :
- Une attestation délivrée par les autorités compétentes certifiant la
commercialisation effective de la spécialité pharmaceutique dans le pays d’origine
ou, le cas échéant, dans le pays de provenance ;
- Une attestation de prix public, notifiée par les autorités compétentes du pays
d’origine, ainsi qu’une attestation de prix grossiste hors taxes dans le pays
d’origine698.
Ces informations permettront au pays concerné par la demande d’AMM de connaître
la liste des pays membres de la zone UEMOA qui ont déjà octroyé une autorisation
de commercialisation au médicament.
697 Annexe du règlement 06/2010 relatif aux procédures d’homologation des produits pharmaceutiques à usage humain dans les Etats membres de l’UEMOA, p. 8. 698 Annexe du règlement 06/2010 relatif aux procédures d’homologation des produits pharmaceutiques à usage humain dans les Etats membres de l’UEMOA, p. 8.
179
A ce niveau, il est important pour le droit communautaire de s’assurer de la
commercialisation effective de la spécialité pharmaceutique dans le pays d’origine
ou, le cas échéant, dans le pays de provenance. C’est une information importante en
matière de sécurité sanitaire. Si le médicament est commercialisé dans son pays
d’origine, cela donne une certaine assurance aux autorités étatiques quant à la
possible qualité du médicament.
Aussi, le droit communautaire impose au demandeur de l’AMM d’indiquer, à côté
du nom du responsable de l’AMM, le nom et l’adresse du fabricant. C’est une
exigence qui participe à la protection du patient, car cela permettra au patient
d’identifier le fabricant en vue d’exercer un éventuel recours contre lui.
Il faut noter également que les informations sur la situation réglementaire du produit
pharmaceutique sont tout aussi importantes : il faut fournir l’AMM du produit ou le
Certificat de Produit Pharmaceutique (CPP), ainsi que le certificat d’analyse du
modèle vente du produit déposé. Le dossier administratif devra également permettre
de vérifier le produit lui-même. Le demandeur devra donc fournir des exemples du
modèle vente.
478. En plus du dossier administratif, il faut un résumé du dossier technique : l’UEMOA
a défini le contenu de ce dossier selon les guidelines ICH699 en prenant en compte
les résumés des études cliniques et non cliniques du produit pharmaceutique
concerné, ainsi que les propriétés pharmacologiques de la substance active et du
produit fini.
479. Quant au dossier qualité, il se compose de deux parties. Une partie sur la substance
active comprenant les informations générales sur la substance, le descriptif des
propriétés physicochimiques de fabrication, de contrôle des matières premières et un
résumé des études sur la stabilité. La deuxième partie de ce dossier va concerner la
description et la composition du produit pharmaceutique700.
480. En ce qui concerne le dossier non clinique, celui-ci traite des expérimentations
toxicologiques destinées à justifier la stabilité et l’innocuité de la spécialité
pharmaceutique. Les différentes ARP des Etats vont ensuite pouvoir établir
l’efficacité et la sécurité du produit pharmaceutique concerné par la demande à
travers l’étude du dossier clinique.
699 Cf. infra., § 486-487. 700 Annexe du Règlement 06/2010 relatif aux procédures d’homologation des produits pharmaceutiques à usage humain dans les Etats membres de l’UEMOA, pp. 12-16.
180
b. Pour l’enregistrement d’un médicament générique et d’un vaccin
481. Le dossier de demande d’enregistrement d’un médicament générique doit comporter
un dossier administratif, le résumé du dossier technique, le dossier qualité et un
rapport bibliographique des études cliniques et de bioéquivalence701. Pour ce type de
médicaments, le dossier toxicologique et dossier clinique ne sont pas demandés. Cela
s’explique par le fait que le médicament générique est une « copie » d’un
médicament innovant702. Le dossier d’AMM du médicament de référence peut donc
être consulté avant l’octroi de l’AMM au médicament générique703.
482. Comme précisé plus haut, le vaccin est un médicament. C’est la raison pour laquelle,
pour son homologation, le demandeur doit fournir un certain nombre de dossiers
pour permettre aux autorités nationales du pays dans lequel le vaccin veut être mis
sur le marché d’analyser le rapport bénéfices/risques de ce médicament. Ainsi, il doit
être fourni un dossier administratif, un dossier qualité, un dossier clinique et non
clinique et des informations spécifiques sur le vaccin (dossier de production,
spécificités des vaccins viraux et bactériens).
483. Toutefois, l’UEMOA a prévu dans le règlement une procédure dérogatoire pour la
demande d’enregistrement de certaines spécialités pharmaceutiques. Ainsi, le
demandeur présentera non pas un dossier complet, mais un dossier « abrégé »704.
2. Possibilité de présenter un dossier dit « abrégé » pour l’enregistrement d’une spécialité
484. Cette possibilité est offerte pour les demandes d’enregistrement d’une spécialité
pharmaceutique. Le dossier dit abrégé concerne les produits pharmaceutiques ayant
fait l’objet d’une évaluation par une autorité de réglementation pharmaceutique
appartenant au groupe ICH (a) ou les produits pré-qualifiés par l’Organisation
Mondiale de la Santé (OMS)705 (b).
La procédure étant donc allégée pour ce type de demande, le dossier sera composé :
d’un dossier administratif, du résumé du dossier technique et du dossier qualité.
701 Annexe du Règlement 06/2010 relatif aux procédures d’homologation des produits pharmaceutiques à usage humain dans les Etats membres de l’UEMOA, p. 23. 702 Article 1 du Règlement 06/2010 relatif aux procédures d’homologation des produits pharmaceutiques à usage humain dans les Etats membres de l’UEMOA. 703 Cf. DEVRED Thomas, « Autorisation de mise sur le marché des médicaments », op.cit., pp. 111-134. 704 Annexes au Règlement n° 06/2010/CM/UEMOA, « annexe n° i contenu du dossier technique pour l’homologation d’un produit pharmaceutique à usage humain dans les Etats membres de l’UEMOA-Format commun de présentation du dossier de demande d’homologation d’un produit pharmaceutique » p. 7. 705 Annexe du règlement 06/2010 relatif aux procédures d’homologation des produits pharmaceutiques à usage humain dans les Etats membres de l’UEMOA, p. 7.
181
485. Cette procédure n’exige donc pas la présentation de dossier non clinique et clinique,
dans la mesure où les expérimentations destinées à justifier l’innocuité, l’efficacité
et la stabilité du médicament ont été effectuées dans les pays membres de l’ICH ou
par les experts de l’OMS. L’UEMOA prévoit donc la possibilité de présenter ce
dossier en tenant compte non pas du type du produit pharmaceutique lui-même, mais
en fonction de la provenance du produit.
a. Les produits pharmaceutiques évalués par une autorité de réglementation appartenant au groupe ICH (Conférence Internationale pour l’Harmonisation)
486. La Conférence Internationale sur l’Harmonisation (ICH) des critères d’homologation
des produits pharmaceutiques à l’usage de l’homme a été créée en 1990 par les
autorités de réglementation pharmaceutique et les laboratoires pharmaceutiques de
l’Union européenne, du Japon et des Etats-Unis, dans le but de définir les normes à
appliquer pour la mise au point des nouveaux médicaments706.
487. Ainsi, l’UEMOA prévoit que lorsqu’un médicament a fait l’objet d’un
enregistrement dans l’un quelconque des pays membres de l’ICH, pour
l’enregistrement du même produit dans un pays membre de l’Union, il sera exigé au
demandeur de l’AMM un dossier abrégé et non un dossier complet. En effet, ces
pays disposent de l’expertise nécessaire pour contrôler la qualité des médicaments à
usage humain avant leur commercialisation. Ils ont mis en place des normes
exigeantes afin d’assurer une qualité et une sécurité des médicaments. Les Etats de
l’UEMOA n’ont pas besoin de reprendre des études cliniques et non cliniques d’une
spécialité pharmaceutique qui a déjà fait l’objet de ces études dans un pays membre
de la Conférence.
b. Les produits pharmaceutiques préqualifiés par l’OMS
488. Le programme de préqualification est un plan d’action visant à élargir l’accès aux
médicaments des personnes atteintes par le VIH/SIDA, la tuberculose ou le
paludisme et à assurer la qualité, l’efficacité et la sécurité de ces médicaments dans
toute la chaîne de fabrication et de distribution. Ainsi, l’OMS propose une liste de
produits et de fabricants préqualifiés dont la qualité et l’efficacité ont été évaluées,
inspectées et contrôlées. Ce système fonctionne sur le principe d’un volontariat ;
c’est-à-dire que c’est le fabricant qui prend l’initiative de demander à l’OMS une
706 OMS, « L’harmonisation mondiale et l’ICH », Médicament essentiels : Le point, n°30, 2001, p. 9.
182
préqualification de son produit. Elle est valable aussi bien pour les nouveaux
médicaments que pour les génériques.
489. Cette préqualification assure un contrôle rigoureux de la qualité de ces
médicaments. Par contre, il revient, bien sûr, aux agences d’approvisionnement de
s’assurer auprès du fabricant de la cohérence du produit livré avec les spécificités du
dossier de préqualification (même site de fabrication et même origine du principe
actif)707.
490. Ainsi, les pays membres de l’UEMOA ont la possibilité de consulter le dossier
technique des produits préqualifiés par l’OMS.
491. Si le droit communautaire a prévu la fourniture d’un dossier abrégé pour les produits
préqualifiés par l’OMS, c’est parce que l’OMS dispose des moyens nécessaires pour
évaluer efficacement le médicament. Ce qui n’est pas le cas pour la majorité des
Etats membres de l’Union. De nos jours, cette affirmation est à relativiser, dans la
mesure où le système de préqualification de l’OMS connaît certaines limites708 qui
ne garantissent pas la mise à disposition de médicaments sûrs et efficaces dans le
circuit pharmaceutique. En effet, certains fabricants de produits préqualifiés par
l’OMS distribuent néanmoins des médicaments sous-standards709.
492. Ces dossiers de demandes d’AMM feront ainsi l’objet d’une évaluation dans chaque
Etat membre.
B. L’évaluation des demandes d’AMM : une compétence étatique
493. Le dossier de demande de mise sur le marché d’un médicament à usage humain doit
faire l’objet d’une évaluation administrative710 et technique711 avant l’octroi de
l’autorisation au demandeur pour commercialiser son médicament sur le territoire
d’un Etat membre. Cette évaluation est une prérogative étatique. L’UEMOA a
707 OMS, « Préqualification des médicaments par l’OMS », Aide-mémoire n°278, Janvier 2013. Cf aussi Christopher LANTENOIS, Benjamin CORIAT, « La « préqualification OMS : origines, déploiement et impacts sur la disponibilité des antirétroviraux dans les pays du Sud », Sciences Sociales et Santé, Vol. 32, n° 1, mars 2014, pp. 71-99. 708 TRACMed, Renforcement du dispositif de sécurisation de la chaine du médicament Lutte contre les médicaments falsifiés, Annexe 1 – plan d’action 13INI203 Pharmacie et Aide Humanitaire (PAH), Initiative 5%, p. 3, Disponible sur : https://www.initiative5pour100.fr/wp-content/uploads/2014/05/annexe-1-Plan-daction-PAH.pdf 709 Ibid. 710 Article 6 du règlement 06/2010/CM/UEMOA relatif aux procédures d’homologation des produits pharmaceutiques à usage humain dans les Etats membres de l’UEMOA. 711 Article 7 du règlement 06/2010/CM/UEMOA relatif aux procédures d’homologation des produits pharmaceutiques à usage humain dans les Etats membres de l’UEMOA.
183
préconisé la création d’un Comité d’experts712 et d’une Commission Nationale du
Médicament (CNM)713. Chaque Etat est donc compétent pour créer au sein de son
Ministère de la santé ces deux organes d’évaluation des demandes d’AMM.
494. Ainsi, chaque Etat a un pouvoir discrétionnaire pour l’octroi ou le refus d’une AMM
sur la base des critères communautaires harmonisés d’évaluation. Des modèles-types
d’évaluations sont mis à la disposition des autorités nationales afin que les décisions
définitives soient équivalentes pour assurer une disponibilité de médicaments
efficaces dans toute la zone communautaire.
495. La demande d’AMM est adressée à chaque Etat à travers le Ministre en charge de
la santé. Comme précisé plus haut, cette demande fera ensuite l’objet d’une
évaluation administrative par l’autorité de réglementation pharmaceutique. Un
comité d’experts procédera également à une évaluation technique du dossier (1).
Mais, l’avis définitif d’octroi de l’autorisation est accordé par la Commission
nationale du médicament qui est sous la tutelle de l’autorité de réglementation
pharmaceutique (2).
1. L’évaluation des demandes de mise sur le marché du médicament
496. Cette évaluation des demandes d’autorisations de commercialisation des produits
pharmaceutiques comporte deux principales étapes : une évaluation administrative
(a) et une évaluation technique du dossier (b).
a. L’évaluation administrative
497. L’Autorité de Réglementation Pharmaceutique (ARP) de chaque Etat doit procéder
à une évaluation administrative des dossiers.
498. Elle consiste en la vérification des informations sur le médicament et le fabricant, en
l’examen de la documentation et de l’échantillon du modèle de vente fournis par le
demandeur. C’est la conformité du dossier présenté par le demandeur qui est ainsi
appréciée. Ainsi, les dossiers qui seront jugés conformes seront envoyés au Comité
d’experts pour évaluation, et les dossiers incomplets ramenés à la CNM pour constat
et avis714. Cette évaluation administrative est faite au Burkina Faso par le service
d’homologation composé de 4 pharmaciens.
712 Article 9 du règlement 06/2010/CM/UEMOA relatif aux procédures d’homologation des produits pharmaceutiques à usage humain dans les Etats membres de l’UEMOA. 713 Article 10 du règlement 06/2010/CM/UEMOA relatif aux procédures d’homologation des produits pharmaceutiques à usage humain dans les Etats membres de l’UEMOA. 714 Annexe n°II du règlement n°06/CM/UEMOA : procédure d’octroi d’une Autorisation de Mise sur le marché dans les Etats membres de l’UEMOA, p. 44.
184
499. Le rôle primordial ainsi conféré à l’ARP implique que la gestion de ces autorités ne
soit pas politique. Le directeur d’une telle autorité ne devrait pas être nommé
politiquement. Les autorités de réglementation pharmaceutique doivent être
indépendantes dans leurs activités. Pourtant, on a tendance à voir des nominations
purement politiques au sein de ces autorités de réglementation pharmaceutique715.
C’est l’une des raisons pour lesquelles la Cellule pour l’harmonisation a préconisé
de transformer ces ARP en des agences autonomes de régulation pharmaceutique.
500. L’évaluation administrative doit être suivie d’une évaluation technique.
b. L’obligation d’une évaluation technique
501. L’évaluation technique des dossiers consiste exactement en l’évaluation de la qualité
du produit pharmaceutique à usage humain. Elle nécessite de ce fait des compétences
professionnelles spécifiques. L’UEMOA a donc prévu que cette évaluation soit faite
par un Comité d’experts. Ce Comité créé par arrêté ministériel dans chaque Etat est
composé de personnes issues des universités, instituts de recherches, centres
hospitaliers et centres de santé périphériques. Toutefois, le Comité peut solliciter
toute autre personne qui dispose des compétences professionnelles pouvant l’aider
dans cette évaluation. L’impartialité des experts est importante pour une évaluation
technique efficace et une mise en place d’une réelle sécurité des produits de santé.
Ainsi, les membres du comité doivent signer une déclaration sur les conflits
d’intérêts, de confidentialité et de transparence. A titre d’exemple, la Côte d’Ivoire a
créé par décret n°2015-569 du 29 juillet 2015716 un comité d’experts pour
l’évaluation technique préalable des dossiers de demandes d’homologation des
médicaments.
502. A l’issue de ces deux évaluations, certaines conditions doivent encore être réunies
pour la validation définitive du dossier.
2. La validation du dossier de demande de mise sur le marché
503. Trois critères sont principalement recherchés à travers l’exigence et l’analyse de tous
ces dossiers : la qualité, l’efficacité et l’innocuité du produit pharmaceutique (a). La
715 AMARI Antoine Serge, « L’harmonisation de la régulation des médicaments en Afrique de l’Ouest : réalités et perspectives », in Première Conférence Scientifique sur la réglementation pharmaceutique en Afrique, 2 – 3 décembre 2013, Johannesburg, Afrique du Sud, p. 26-27. 716 Côte d’Ivoire, JO n°77 du 24 septembre 2015.
185
CNM va vérifier l’existence de ces critères avant de donner son avis définitif sur
l’octroi ou non de l‘autorisation de commercialisation (b).
a. Les critères harmonisés d’évaluation de l’autorisation : qualité, efficacité et innocuité
504. La délivrance de l’AMM est conditionnée par un examen des critères de sécurité,
d’efficacité et de qualité. Ce sont les conditions d’efficacité et d’innocuité qui vont
permettre d’obtenir l’AMM717. Les autorités étatiques vont ainsi prendre en compte
les risques associés au médicament et les bénéfices que ce médicament apporte dans
le traitement thérapeutique de certaines maladies. Ces critères répondent à l’objectif
de protection de la santé poursuivi par l’UEMOA. C’est la sécurité sanitaire qui
caractérise l’AMM718. Ainsi, la qualité, la sécurité, l’innocuité et l’efficacité sont les
critères essentiels qui sont analysés par le Comité d’experts lors de l’évaluation
technique des demandes d’AMM.
505. Le dossier ainsi présenté permettra de vérifier ; voire d’apprécier ; la qualité,
l’efficacité et l’innocuité du produit pharmaceutique. Seul le constat de ces trois
critères permettra de valider le dossier, et donc d’accorder une autorisation de la mise
sur le marché. Généralement, la partie qualité renseigne sur tous les aspects liés à la
fabrication industrielle du médicament (production des matières premières, du
produit fini et les procédures de contrôles mises en place pour garantir une parfaite
reproductibilité du procédé de fabrication). La partie sécurité concerne
principalement les études précliniques (pharmacologiques, toxicologiques et
pharmaceutiques). Quant à l’exigence d’efficacité, elle va correspondre plus à
l’ensemble des résultats des études cliniques menées sur l’homme sain et/ou malade,
qui permettent de définir les conditions exactes de l’utilisation du médicament et
d’établir le rapport bénéfices/risques favorable719.
717 BADJI Mamadou, « Le droit au médicament et son application en Afrique », in Mamadou BADJI et Alice DESCLAUX, Nouveaux enjeux éthiques autours du médicament en Afrique, Analyse en anthropologie, droit et santé publique, L’Harmattan Sénégal, 2015, p. 38. 718 DEVRED Thomas, Autorisation de mise sur le marché des médicaments, Rueil-Malmaison, Editions Lamy, 2011, p. 57, § 90. 719 Cf. Organisation Mondiale de la Santé, Perspectives politiques de l’OMS sur les médicaments, « Une réglementation pharmceutique efficace : assurer l’innocuité et la qualité des médicaments », Genève, 2013 ; ANKRI Joël, « Médicaments et santé publique », adsp, n°27, juin 1999, pp. 19-74 ; DEVRED Thomas, Autorisation de mise sur le marché des médicaments, Rueil-Malmaison, Editions Lamy, 2011, p. 57.
186
b. L’avis définitif de la Commission Nationale du Médicament
506. Le règlement 06/2010/CM/UEMOA donne compétence à la CNM720 pour valider les
travaux du Comité d’experts, et pour donner un avis définitif sur les dossiers de
demandes d’AMM, les suspensions, les projets de retrait définitif, les variations, et
les transferts d’AMM. Elle joue un rôle central dans le processus d’octroi des AMM,
car elle effectue un contrôle a posteriori de l’évaluation technique du Comité
d’experts. En théorie, elle peut annuler ou rejeter une évaluation technique non
conforme. Mais en pratique, il est rare que la CNM rejette un dossier déjà validé par
le Comité d’experts. Les membres du Comité d’experts et les membres de la CNM
sont tenus au respect de la confidentialité.
507. Par un décret n°2015-568, la Côte d’Ivoire crée sa Commission Nationale du
Médicament composée de seize membres nommés pour une durée de 3 ans
renouvelables721. Au Sénégal, c’est un arrêté n°17550 du 20 novembre 2014 qui crée
et met en place cette Commission. Au Burkina Faso, c’est l’arrêté n°2013-
243/MS/CAB qui crée la Commission d’enregistrement des produits de santé à usage
de médecine humaine. Elle se réunit en session, quatre (4) fois dans l’année.
508. Toutefois, le droit communautaire ne précise pas les conditions de fonctionnement
de cette commission. Ainsi, le droit national peut organiser ce fonctionnement. C’est
là un droit pour chaque Etat membre d’organiser le fonctionnement de cette
Commission au titre de la marge d’appréciation octroyée par le droit communautaire.
509. L’analyse des procédures permettant l’octroi de l’AMM d’un médicament a permis
de constater une réelle harmonisation des dossiers d’AMM dans la zone. Toutefois,
cette harmonisation ne permet pas une libre circulation des médicaments.
§ II. La libre circulation des médicaments, un aspect à acquérir
510. Le médicament est à la fois un produit de santé et de commerce722. De ce point de
vue, les règles du marché commun telles que la libre circulation s’appliquent en
principe aux médicaments. En effet, les médicaments étant considérés comme des
marchandises, ils sont normalement soumis à la libre circulation des
720 Dans la majorité des Etats membres de l’UEMOA, cette Commission porte le même nom : Commission Nationale du Médicament (CNM). 721 Côte d’Ivoire, JO, n°77, 24 septembre 2015. 722 JOURDAIN-FORTIER Clotilde, Santé et commerce international, CREDIMI, Paris, Éditions Jurisclasseur, LexisNexis, 2006, pp. 117-128.
187
marchandises723. Mais, ce principe prévaut-il vraiment au sein du droit
pharmaceutique UEMOA ?
511. Prenons l’exemple du FACA®, un médicament contre la drépanocytose. Médicament
traditionnel à l’origine, le FACA® est aujourd’hui produit industriellement par U-
Pharma au Burkina Faso. Le FACA® a obtenu une AMM de l’Autorité de
Réglementation Pharmaceutique burkinabè. Supposons ainsi que le fabricant décide
de demander une AMM au Sénégal, au Bénin et au Togo ; Et que le Ministère de la
santé du Sénégal rejette la demande au motif que l’évaluation technique des dossiers
n’a pas permis de s’assurer de l’efficacité du produit ; que celui du Togo accorde au
fabricant l’AMM pour la commercialisation du FACA® sur son territoire, et enfin le
Ministère béninois en charge de la santé accorde également l’AMM, et que U-
Pharma décide de vendre le FACA® néanmoins au Sénégal, mais est confronté au
refus d’accès au marché. Y a- t-il dans ces circonstances une violation du principe
de libre circulation par l’Etat sénégalais ? Le fabricant peut-il saisir la Cour de Justice
de l’UEMOA au motif de la violation du principe de libre circulation des
marchandises ? La réponse semble négative compte tenu de l’absence d’une
obligation de reconnaissance mutuelle d’une AMM délivrée par un autre Etat
membre de l’UEMOA. De plus, l’Union n’a pas prévu dans le Règlement un
mécanisme juridique permettant de trancher de telles difficultés.
512. De ce fait, il y a dans cette harmonisation de l’UEMOA une logique économique ;
une logique de commerce. Le droit communautaire a harmonisé les procédures
d’homologation des médicaments à usage humain. Pour les entreprises
pharmaceutiques, cela reste un avantage considérable, dans la mesure où cela facilite
la conquête du marché pharmaceutique ouest-africain. Le contenu du dossier de
demande d’AMM est le même dans tous les 8 pays. Ainsi, même en l’absence d’une
procédure communautaire et d’une AMM communautaire, les entreprises
communautaires optimisent en temps.
513. Pourtant, la libre circulation des médicaments nécessite d’abord l’harmonisation des
critères d’octroi des AMM. C’est l’objectif principal du règlement 06/2010 relatif
aux procédures d’homologation des médicaments à usage humain dans la zone
UEMOA. Cette logique économique est l’un des objectifs principaux de l’UEMOA
723 Cf., § 104-110.
188
au travers de la construction d’un « marché commun »724. L’adoption d’un
règlement, source de droit dérivé, de valeur juridique contraignante, en est bien
l’illustration.
514. Le règlement communautaire harmonise les définitions et les procédures pour
l’obtention de l’autorisation de mise sur le marché du médicament. L’harmonisation,
qu’elle soit totale ou partielle, doit permettre de réduire ou d’éliminer les effets liés
à la segmentation des marchés pharmaceutiques en instaurant une libre circulation
des produits pharmaceutiques. Au sein de l’UEMOA, les marchés pharmaceutiques
sont toujours segmentés malgré cet effort d’harmonisation partielle (A). Pour
remédier à cette absence de libre circulation, le droit communautaire de l’UEMOA
permet à chaque Etat d’interdire l’importation de certains médicaments pour des
raisons de santé publique (B).
A. Une libre circulation à construire
515. Le droit communautaire de l’UEMOA, dans le cadre de ce processus
d’harmonisation, donne compétence à chaque Etat membre de procéder à la
qualification des différents produits pharmaceutiques. Chaque Etat est compétent
pour déterminer les produits pouvant être qualifiés de médicaments sur son territoire
(1). Il a toutefois la possibilité avant l’octroi de l’AMM d’un médicament, de
consulter les résultats d’expertises techniques d’un autre Etat ayant accordé une
AMM à ce médicament (2).
1. Une grande marge d’appréciation des Etats membres
516. Le rapprochement par harmonisation des procédures d’homologation de
médicaments à usage humain a permis d’avoir des règles équivalentes dans les Etats
membres pour l’enregistrement des médicaments à usage humain. Cette
harmonisation n’a cependant pas permis la mise en place d’une AMM
communautaire. De ce fait, les médicaments à usage humain ne peuvent circuler
librement d’un Etat membre à un autre. Chaque Etat est donc compétent pour délivrer
des AMM nationales. Pour pallier l’absence d’une AMM communautaire, le droit
UEMOA a cependant prévu la possibilité pour chaque Etat de publier, au sein de la
724 Article 4 c) : « Créer entre les Etats membres un marché commun basé sur la libre circulation des personnes, des biens, des services, des capitaux et le droit d'établissement des personnes exerçant une activité indépendante ou salariée, ainsi que sur un tarif extérieur commun et une politique commerciale commune ».
189
Cellule chargée de l’harmonisation, le rapport technique pour la demande d’AMM
de chaque médicament.
517. Dans la procédure communautaire d’homologation des médicaments à usage
humain, les Etats membres disposent d’une grande marge d’appréciation, compte
tenu de l’absence d’une agence communautaire du médicament (a) et d’une AMM
communautaire (b).
a. L’absence d’une agence communautaire du médicament
518. L’absence d’une AMM communautaire se justifie partiellement par l’inexistence au
sein de l’UEMOA d’une agence communautaire qui serait chargée d’évaluer et
d’autoriser la commercialisation d’un médicament à usage humain sur le marché
communautaire. En Europe, par exemple, l’achèvement du marché intérieur du
médicament est intervenu avec la création de l’Agence Européenne du Médicament
(EMA) et la mise en place d’une AMM communautaire. L’UEMOA n’a pas encore
mis en place une agence communautaire du médicament qui serait chargée de
délivrer des autorisations communautaires de commercialisation aux demandeurs
d’AMM des différents Etats membres.
519. Elaborer des procédures communautaires pour l’AMM des médicaments à usage
humain725 sans instituer une agence communautaire qui veillera à une plus grande
évaluation des données, qui délivrera des AMM aux médicaments ayant vraiment la
qualité requise, peut constituer un obstacle à la poursuite de la sécurité sanitaire dans
l’espace communautaire. Un tel système n’est-il pas plus avantageux pour l’industrie
pharmaceutique ? N’a-t-il pas un inconvénient majeur pour la protection de la santé?
520. Un comité régional a pourtant été institué pour l’évaluation scientifique des données
relatives aux médicaments vétérinaires726. Ainsi, dans le domaine vétérinaire, la
procédure est centralisée par l’institution d’une AMM communautaire727, permettant
de ce fait une libre circulation des médicaments vétérinaires.
725 Cf. supra., § 470-509. 726 Article 6, 7, 8, et 9 du Règlement n°02/2006/CM/UEMOA établissant des procédures communautaires pour l’autorisation de mise sur le marché et la surveillance des médicaments vétérinaires et instituant un comité régional du médicament vétérinaire. 727 Article 49 du Règlement n° 08/2010/CM/UEMOA portant modification du règlement n° 02/2006/CM/UEMOA établissant des procédures communautaires pour l’autorisation de mise sur le marché et la surveillance des médicaments vétérinaires et instituant un comité régional du médicament vétérinaire : « La Commission dispose d’un délai d’un an, à compter de l’entrée en vigueur du présent Règlement, pour la mise en place du système centralisé d’autorisation de mise sur le marché des médicaments vétérinaires… ».
190
521. Un autre aspect de ce règlement constituant, de ce fait, un obstacle à la concrétisation
de la libre circulation concerne la définition du médicament à usage humain contenue
dans ce règlement. D’une part, l’absence de précision par le législateur
communautaire des notions clés de cette définition et, d’autre part, l’absence d’une
jurisprudence de la Cour de Justice de l’UEMOA en la matière ne favorisent pas
l’institution d’un marché communautaire du médicament qui aura pour objectif
principal la libre circulation des médicaments à usage humain.
522. Cela, sans oublier que le fait pour chaque pays d’homologuer ses médicaments
constitue un inconvénient et place ce dernier en position de faiblesse face aux firmes
pharmaceutiques.
523. Ainsi, la coexistence de plusieurs AMM au sein de l’UEMOA pose des difficultés
pour la mise en œuvre de la libre circulation des médicaments et pour la
concrétisation d’une sécurité sanitaire dans la zone communautaire ; du fait que les
procédures d’homologation des produits pharmaceutiques à usage humain soient
harmonisées, mais l’AMM reste une décision administrative nationale.
b. Une AMM exclusivement nationale
524. Les Etats membres de l’UEMOA bénéficient d’une marge d’appréciation très large
pour qualifier les produits de médicaments. Cependant, cette définition
communautaire harmonisée du médicament à usage humain n’exclut pas la
possibilité d’interprétations différentes d’un pays membre à un autre. C’est ainsi
qu’un même produit peut être considéré comme un médicament dans 3 pays
membres, et être par contre qualifié de complément alimentaire dans deux autres
pays. Ce, du fait que la classification d’un produit dans la catégorie des médicaments
à usage humain relève de la compétence de chaque Etat. Ce qui n’exclut toutefois
pas une saisine de la Cour de Justice de l’UEMOA en cas d’interprétations
divergentes sur la qualification d’un produit en médicament. Ce cas de figure n’a pas
encore été observé au niveau de cette Cour. Pourtant, l’existence d’une définition
commune du médicament peut conduire à des interprétations différentes d’un Etat
membre à un autre.
525. L’Union européenne a sa définition du médicament. L’UEMOA devrait également
revoir sa définition du médicament pour prendre en compte les aspects de
commercialisation du médicament en Afrique de l’Ouest et dans le contexte africain.
191
Compte tenu du manque de jurisprudence de la CJ-UEMOA pouvant guider les Etats
dans la définition du médicament par présentation et par fonction, il est nécessaire
de réadapter cette définition en prenant en compte les produits vendus comme
médicaments dans la zone ouest-africaine728.
526. Tout Etat membre de l’Union est souverain pour l’octroi ou non d’une autorisation
de commercialisation d’un médicament à usage humain sur son territoire. Au sein de
l’UEMOA, chaque Etat membre est compétent pour qualifier les produits qui entrent
sur son territoire de médicaments, au titre de sa responsabilité en matière de santé
publique729. L’harmonisation de l’homologation des médicaments à usage humain
n’a pas réduit cette marge. Cette AMM est donc nationale et n’est valable que dans
un Etat membre. Lorsque l’AMM est accordée pour un médicament, elle ne vaut que
pour l’Etat qui l’a octroyée. L’article 19 du règlement 06/2010 le spécifie en ces
termes : « Chaque Etat membre de l’UEMOA délivre une Autorisation de Mise sur
le Marché national ». Ainsi dit, l’AMM octroyée par le Burkina Faso pour la
commercialisation du Co-Arinate dans le traitement du paludisme n’est valable que
sur le territoire burkinabè. Le titulaire de cette AMM ne peut l’opposer valablement
au Ministère de la santé togolais ou nigérien afin de mettre en vente son produit sur
leurs marchés respectifs. C’est dans ce sens que Angelain PODA affirmait dans sa
thèse, parlant du marché UEMOA, que « c’est un grand espace constitué de petits
marchés dont chacun conserve son autonomie. Chaque Etat est un marché autonome
»730. La persistance de petits marchés pharmaceutiques dans chaque Etat pourrait
s’expliquer par l’intérêt et l’importance des redevances versées par les demandeurs
d’AMM. Il faut prendre en compte la faiblesse économique de chacun de ces pays,
728 Cf. BAXERRES Carine, « Du médicament informel au médicament libéralisé. Une anthropologie du médicament pharmaceutique au Bénin », Paris, Editions des archives contemporaines, 2013, pp. 94-123. BAXERRES Carine précisait : « Une typologie des différents médicaments vendus dans le marché informel a ainsi été réalisée à partir des représentations des vendeurs qui se prolongent partiellement parmi les populations de Cotonou. Elles se construisent selon quatre critères : la présentation des produits (emballage), leur prix, leur distribution ou non dans les circuits formels béninois et leurs sources d’approvisionnement. Certains de ces critères sont constants et permettent d’exclure clairement les différentes catégories les unes des autres (présentation des médicaments, emballage, prix). D’autres sont fluctuants et, en partie, communs à plusieurs d’entre elles (pays de provenance et de fabrication des médicaments, autorisation ou non des médicaments au Bénin) ». « Trois principaux types de médicaments sont vendus à Ajégunlè. Selon les appellations que leur donnent les vendeurs, il s’agit des médicaments du « Nigeria et du Ghana », des médicaments « français » ou « médicament de la pharmacie » et des médicaments « pharmaquick ». Un quatrième type de médicaments existe, il s’agit des médicaments « chinois » ». p. 95. 729 DEHOUSSE Franklin, LE BERRE Morvan, « L'Europe du médicament : un marché unique incomplet », Courrier hebdomadaire du CRISP, 1997/38 (n° 1583-1584), p. 10. 730 PODA Baimanai Angelain, La mise sur le marché et la distribution du médicament en Afrique noire francophone Réflexions à partir des exemples du Burkina Faso et du Sénégal, op.cit., p. 167, § 146
192
qui tirera donc parti des droits d’homologations et des dividendes liés à
l’homologation pour faire fonctionner son autorité de réglementation
pharmaceutique. L’article 10 al 5 du règlement 06/2010 souligne de ce fait que « les
rémunérations des experts et les frais de fonctionnement de la Commission nationale
du médicament, de contrôle de qualité, de l’inspection des bonnes pratiques de
fabrication, des systèmes de pharmacovigilance, sont en partie assurées par les
redevances d’homologation… ».
527. Il n’est donc pas évident que les Etats membres ne perdraient pas cet avantage si
l’homologation des médicaments était gérée uniquement au niveau communautaire.
Ce qui implique à ce niveau que l’instauration d’une AMM commune, donc d’une
seule homologation pour les huit (8) Etats, ne sera vraiment possible que si la
question des redevances liées à l’homologation était résolue. Ces redevances
constituent un revenu pour les Etats, surtout les autorités de réglementation
pharmaceutique.
528. Le règlement prévoit ainsi que les montants des redevances, en ce qui concerne
l’évaluation des dossiers de demande d’AMM, relèvent du pouvoir discrétionnaire
des Etats731.
529. Ainsi, tant que l’AMM reste limitée au territoire de l’Etat membre qui la délivre, et
tant qu’il n’existerait pas d’AMM communautaire, le marché communautaire restera
cloisonné.
530. Toutefois, pour pallier l’absence d’AMM communautaire, les Etats membres ont la
possibilité de publier le rapport technique des demandes d’homologation des
médicaments.
2. La publication du rapport technique : vers une reconnaissance mutuelle ?
531. L’article 15 du règlement n°06/2010 de l’UEMOA précise dans son alinéa 2 que «
dans le processus d’octroi d’une AMM à un médicament à usage humain, un Etat
membre peut se référer aux résultats d’expertise technique d’une autorité de
réglementation d’un autre Etat membre ». Ainsi, un Etat membre de l’Union peut se
731 Article 23 du Règlement 06/2010/CM/UEMOA : « Il est institué une redevance versée à l’autorité de réglementation pour toute demande d’Autorisation de Mise sur le Marché dont le montant de base est fixé par voie d’arrêté ministériel. La redevance est une somme versée par le demandeur d’une Autorisation de Mise sur le Marché au moment du dépôt du dossier de demande. Elle participe au financement des actes administratifs et de l’expertise technique posée dans le cadre de l’évaluation d’un dossier, conformément aux dispositions visées aux articles 6, 7,8. Chaque Etat membre fixe le montant et les modalités de perception de ces redevances. La redevance de base est réduite de 50% pour les médicaments produits localement dans les Etats membres de l’Union ».
193
référer aux résultats de l’expertise technique d’une autorité de réglementation
pharmaceutique d’un autre Etat membre pour accorder une demande d’autorisation
de mise sur le marché d’un médicament à usage humain.
532. En effet, le rapport d’évaluation technique du dossier de demande d’AMM est rendu
public auprès du Secrétariat de la CHRCP. Une telle centralisation des résultats de
l’expertise technique s’apparente à un embryon de reconnaissance mutuelle. Mais,
en pratique, aucune plateforme de publication de ces rapports techniques n’a été mise
en place. Il n’y a pas de centralisation de ces rapports permettant à un Etat membre
de l’UEMOA de consulter directement ces informations. Un système d’échanges ou
de demande d’informations pour une homologation d’un médicament donné a été
mis en place entre certains pays. En effet, un pays peut décider de demander
directement à l’autorité de réglementation pharmaceutique d’un autre pays des
informations concernant un produit pharmaceutique donné. Le Mali et le Burkina
Faso procèdent déjà à ce système d’échanges entre les autorités de réglementations
pharmaceutiques.
533. Tous les pays n’ont pas la même capacité d’évaluation des demandes d’AMM.
Certains pays membres de l’UEMOA n’ont pas encore pu mettre en place un système
efficace pour l’évaluation des dossiers de demandes d’homologation des
médicaments à usage humain. Les autorités nationales de réglementation
pharmaceutique n’ayant pas toute l’expertise nécessaire pour l’évaluation optimale
des dossiers de demande d’homologation, l’avènement de la reconnaissance
mutuelle dans l’espace UEMOA reste un espoir.
534. Ainsi dit, la mise en place de cette liberté de circulation va nécessiter également un
renforcement de la capacité des Agences de réglementation pharmaceutique. La non-
reconnaissance par un Etat membre de l’UEMOA d’une AMM délivrée par un autre
Etat membre ne favorise pas la construction du marché communautaire du
médicament. En Europe, par exemple, la construction du marché communautaire du
médicament à usage humain est devenue une réalité en ce qui concerne le
médicament, par la mise en place d’une procédure centralisée, une procédure
décentralisée, et d’une procédure de reconnaissance mutuelle, permettant la mise en
circulation d’une AMM communautaire.
535. La reconnaissance mutuelle est pourtant prévue par l’article 76 e) du Traité de Dakar
comme un des objectifs de l’Union : « L'harmonisation et la reconnaissance mutuelle
des normes techniques, ainsi que des procédures d'homologation et de certification
194
du contrôle de leur observation ». Et selon l’article 80, « sur proposition de la
Commission, le Conseil arrête à la majorité des deux tiers (2/3) de ses membres un
schéma relatif à l'harmonisation et à la reconnaissance mutuelle des normes
techniques et sanitaires, ainsi que des procédures d'homologation et de certification
en vigueur dans les Etats membres ». De ce point de vue, bien avant l’adoption du
règlement d’harmonisation de l’homologation des produits pharmaceutiques, le
système de reconnaissance mutuelle était déjà un objectif majeur poursuivi par le
Traité originaire.
536. Ce système est différent de celui prévu par le code communautaire européen relatif
aux médicaments à usage humain. Le système européen de reconnaissance mutuelle
permet aux Etats membres de reconnaître l’AMM déjà délivrée par un autre Etat
membre à un fabricant. Pourtant, au sein de l’UEMOA, il s’agit plutôt d’une
reconnaissance du rapport d’évaluation technique des dossiers de demandes d’AMM
et non d’une reconnaissance de l’AMM délivrée par un Etat membre.
537. L’absence de reconnaissance mutuelle des AMM, ne permet pas l’instauration d’une
libre circulation des médicaments. Ainsi, cette harmonisation partielle permet aux
Etats membres de s’opposer à l’importation de médicaments fabriqués dans un autre
Etat membre.
B. Les exceptions applicables à l’harmonisation partielle
538. L’UEMOA prévoit, en l’absence d’harmonisation au niveau communautaire, la
possibilité pour chaque Etat membre de fixer le niveau de protection qu’il juge
nécessaire pour sa population. Cette idée est transposable également aux cas
d’harmonisations partielles. En effet, l’article 79 indique que « sous réserve des
mesures d'harmonisation des législations nationales mises en œuvre par l'Union, les
Etats membres conservent la faculté de maintenir et d'édicter des interdictions ou des
restrictions d'importation, d'exportation et de transit, justifiées par des raisons de
moralité publique, d'ordre public, de sécurité publique, de protection de la santé ou
de la vie des personnes et des animaux, de préservation de l'environnement, de
protection des trésors nationaux ayant une valeur artistique, historique ou
archéologique et de protection de la propriété industrielle et commerciale….. ».
L’article 79 demeure donc applicable dans cette hypothèse d’harmonisation partielle
des réglementations nationales pharmaceutiques. Un élément de cet article intéresse
la libre circulation des médicaments : « La protection de la santé ».
195
539. Un Etat membre peut donc émettre des restrictions contre des médicaments à usage
humain fabriqués dans un autre Etat membre au titre de la protection de la santé, et
refuser ainsi à un industriel pharmaceutique la mise sur son marché d’un médicament
à usage humain. Cette interdiction de commercialiser ne sera valable que si elle ne
constitue ni un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée dans le
commerce entre les Etats membres732.
540. Aucun Etat n’a encore évoqué cet article pour interdire la commercialisation ou
l’importation d’un médicament à usage humain sur son territoire au titre de la
protection de la santé. Cela pourrait s’expliquer par l’inexistence-même dans la zone
communautaire d’une libre circulation des médicaments à usage humain.
732 Article 79 al 2 du Traité modifié de l’UEMOA.
196
Conclusion du chapitre
541. La mise en place d’une libre circulation des médicaments n’a pas été identifiée dans
ce premier règlement communautaire relatif à l’homologation des médicaments à
usage humain. Il n’y pas de clause précisant une libre circulation des médicaments
ayant obtenu une autorisation dans un Etat membre de l’Union communautaire.
L’UEMOA n’a peut-être pas voulu mettre en place pour le moment une libre
circulation des médicaments. Le règlement sur l’homologation des produits
pharmaceutiques à usage humain n’utilise pas la base juridique du Traité relatif à la
libre circulation. Il ne vise ni l’article 4 c733) ni les articles 76734 et 77735 relatifs au
marché commun.
542. L’esprit des rédacteurs du règlement ne consistait pas en la mise en œuvre
immédiate d’une libre circulation des médicaments, d’autant plus que la mise en
place d’une telle liberté de circulation nécessite un plus large transfert de
compétences étatiques à l’Union. Le règlement 06/2010/CM/UEMOA constitue la
première étape du processus d’harmonisation. Ce règlement pose les premiers jalons
du droit communautaire du médicament en harmonisant les procédures d’obtention
de l’AMM.
543. Aussi, l’Union justifie l’adoption du règlement par un objectif général de «
protection de la santé ». L’interprétation des exposés du motif et des considérants du
733 Article 4, c) : « Créer entre les Etats membres un marché commun basé sur la libre circulation des personnes, des biens, des services, des capitaux et le droit d'établissement des personnes exerçant une activité indépendante ou salariée, ainsi que sur un tarif extérieur commun et une politique commerciale commune ». 734 Article 76 : « En vue de l'institution du marché commun prévu à l'article 4 paragraphe c) du présent Traité, l'Union poursuit la réalisation progressive des objectifs suivants : a) l'élimination, sur les échanges entre les pays membres, des droits de douane, des restrictions quantitatives à l'entrée et à la sortie, des taxes d'effet équivalent et de toutes autres mesures d'effets équivalents susceptibles d'affecter lesdites transactions, sous réserve du respect des règles d'origine de l'Union qui seront précisées par voie de protocole additionnel ; b) l'établissement d'un tarif extérieur commun (TEC) ; c) l'institution de règles communes de concurrence applicables aux entreprises publiques et privées, ainsi qu'aux aides publiques ; d) la mise en œuvre des principes de liberté de circulation des personnes, d'établissement et de prestations de services ainsi que de celui de liberté de mouvements des capitaux requis pour le développement du marché financier régional ; e) l'harmonisation et la reconnaissance mutuelle des normes techniques ainsi que des procédures d'homologation et de certification du contrôle de leur observation. 735 Article 77 : « En vue de la réalisation de l'objectif défini à l'article 76 paragraphe a), les Etats membres s'abstiennent, dès l'entrée en vigueur du présent Traité : a) d'introduire entre eux tous nouveaux droits de douane à l'importation et à l'exploitation ainsi que toutes taxes d'effets équivalents et d'augmenter ceux qu'ils appliquent dans leurs relations commerciales mutuelles ; b) d'introduire entre eux de nouvelles restrictions quantitatives à l'exportation ou à l'importation ou des mesures d'effets équivalents, ainsi que de rendre plus restrictifs les contingents, normes et toutes autres dispositions d'effet équivalent. Conformément aux dispositions de l'article XXIV (5) (a) de l'Accord Général sur les tarifs Douaniers et le Commerce (GATT), l'Union s'assure que l'incidence globale des droits de douane et des autres règlements du commerce vis-à-vis des pays tiers n'est pas plus restrictive que celle des dispositions en vigueur avant la création de l'Union.
197
règlement laisse paraître un tel objectif. L’harmonisation des réglementations
nationales au sein de l’UEMOA constitue alors une priorité de santé publique pour
les Etats qui veulent mettre à la disposition des patients des médicaments plus sûrs
et plus efficaces. Elle met alors en retrait la logique économique et privilégie
l’objectif de protection de la santé. Cependant, une question mérite d’être posée à
travers ce processus d’harmonisation qui, sans instaurer une libre circulation des
médicaments à usage humain, a permis aux demandeurs d’AMM dans les pays
membres de l’Union d’avoir la même constitution de dossiers, comme souligné dans
les lignes précédentes. Alors, l’objectif de sécurité de l’UEMOA dans le domaine
pharmaceutique n’est-il pas d’un ordre quantitatif, que qualitatif ? Dans l’ordre
quantitatif, il faut voir la facilité pour des entreprises pharmaceutiques de constituer
un dossier identique (pièces requises) pour les 8 pays avec l’avantage d’un gain de
temps. Dans l’ordre qualitatif, l’UEMOA a eu pour objectif premier la mise en place
d’une stratégie d’amélioration de la santé publique et de la sécurité des systèmes de
santé736. Sur ce point, il est possible d’affirmer que ce processus d’harmonisation a
permis un nivellement par le haut des normes pharmaceutique des Etats membres.
544. Osons espérer que ce règlement n’est que le premier d’un processus global
d’harmonisation, et que la libre circulation des médicaments dans la zone
communautaire UEMOA est dans un avenir très proche l’un des objectifs majeurs
des rédacteurs du processus d’harmonisation communautaire des réglementations
pharmaceutiques.
736 COLLART DUTILLEUL François, « Le droit agroalimentaire en Europe Entre harmonisation et uniformisation » InDret, Barcelona, Juillet 2007, p. 5 Disponible sur : http://www.indret.com/pdf/453_fr.pdf
198
CHAPITRE 2. UNE NOUVELLE TENDANCE D ’HARMONISATION DU DROIT PHARMACEUTIQUE : LES INSTRUMENTS SOFT LAW D’HARMONISATION
545. Dans le cadre de son processus d’harmonisation des normes pharmaceutiques des
Etats membres, l’UEMOA a adopté des décisions portant guides de bonnes pratiques
de fabrication, de distribution, d’importation, ainsi que des lignes directrices
relatives à l’information et à la publicité des produits pharmaceutiques à usage
humain. Elle fait ainsi appel à une diversité de notions : guides de bonnes pratiques,
référentiels, lignes directrices, etc. Le droit communautaire de l’UEMOA ne se
prononce pourtant pas explicitement sur la valeur juridique des guides de bonnes
pratiques et des lignes directrices. Or, la précision de la valeur juridique des guides
de bonnes pratiques et des lignes directrices est primordiale pour leur prise en compte
par les Etats dans leurs réglementations nationales. L’effectivité de l’harmonisation
par les recommandations et les lignes directrices est tributaire de cette précision.
546. Une difficulté est survenue s’agissant de la conduite à tenir face aux lignes directrices
prévues pour la publicité et l’information sur le médicament. Certains Etats membres
estimant qu’il n’est pas nécessaire de mettre en place une réglementation nationale
en la matière, dans la mesure où il existe déjà des décisions communautaires.
D’autres en revanche, jugent nécessaire l’élaboration d’une réglementation nationale
sur la base des décisions communautaires737. De telles interprétations divergentes
des décisions communautaires s’expliquent par le manque de clarté et de précision
de la valeur juridique du droit communautaire quant au contenu de toutes ses
recommandations. Une telle situation pose la question, comme le dit Amanda
DEZALLAI, de « la force que l’émetteur du guide entend lui conférer et la force
perçue par le destinataire du guide »738. Cela, sans oublier que dans le cadre de
l’UEMOA, les Etats membres sont récepteurs de la norme, mais aussi émetteurs de
cette même norme.
547. Aussi, cette question de la force contraignante et de la valeur juridique des guides de
bonnes pratiques et des lignes directrices permet de déterminer la marge
737 Entretien avec Dr TOE Natacha de la DGPML, Directrice de la réglementation pharmaceutique, 2014. 738 DEZALLI Amanda, « La force normative d’un guide juridique : réflexion autour du guide de participation des victimes aux procédures de la Cour pénale internationale », in Catherine THIERGER et al., Force normative. Naissance d’un concept, Paris, LGDJ, oct. 2009, p. 373.
199
d’appréciation dont dispose chaque Etat dans la mise en œuvre au niveau national de
la norme communautaire, ainsi que la responsabilité de l’Etat en cas de non-respect
de ces recommandations communautaires. Une autre préoccupation à propos de ces
recommandations concerne l’effet direct de celles-ci. Créent-elles des droits dans le
chef des particuliers pour leur permettre de s’en prévaloir devant le juge national ?
548. La réponse à cette question nécessite de définir et de préciser la valeur juridique des
guides de bonnes pratiques et des lignes directrices dans l’ordre juridique
communautaire (Section 1), mais aussi d’analyser les décisions portant guides de
bonnes pratiques de fabrication, d’importation et de distribution, ainsi que les lignes
directrices pour l’information et la publicité des médicaments (Section 2).
Section 1. Les guides de bonnes pratiques et des lignes directrices du droit communautaire pharmaceutique : une source indirecte d’harmonisation
549. Avant même d’apporter plus de précisions sur la valeur de ces guides de bonnes
pratiques dans l’arsenal juridique actuel des Etats membres de l’Union, il convient
de préciser la définition donnée à ces différentes notions (§ I). Il va ressortir de ces
analyses que le respect de ces recommandations constitue une obligation de moyens
(§ II).
§ I. Définition et valeur juridique des guides de bonnes pratiques et des lignes directrices
550. Une approche terminologique de la notion de recommandations (A) permet de
comprendre et de donner une idée de sa valeur juridique et de la place qu’elle pourrait
occuper dans l’arsenal juridique de l’Union (B).
A. Définition
551. Les recommandations de bonnes pratiques sont définies par le dictionnaire juridique
de l’Association Henri Capitant comme un ensemble d’indications à suivre dans
l’accomplissement d’une mission739. La recommandation est donc une suggestion
générale dépourvue de caractère contraignant. Elle peut donc être considérée comme
un synonyme de guide de bonnes pratiques, de lignes directrices, etc.740
552. Les guides de bonnes pratiques sont en réalité des pratiques professionnelles
codifiées. Elles sont généralement considérées comme synonymes des
739 CORNU Gérard, « Vocabulaire Juridique », Association Henri Capitant, Paris, Editions presses universitaire de France, 11ème édition, janvier 2016, voir Recommandation, p. 862. 740 Ibid., p. 863.
200
recommandations qui sont pourtant dépourvues de caractère contraignant. Il faut
donc convenir avec Mireille DELMAS-MARTY que la recommandation est une
norme qui propose, par opposition aux normes constitutionnelles, législatives et
réglementaires telles que les directives et les règlements qui, elle, imposent741. Les
recommandations n’ont pas de force obligatoire742. L’article 43 du Traité modifié de
l’UEMOA précise que « les recommandations et les avis n’ont pas de force
exécutoire ». Ces recommandations ne lient pas en principe. Ce sont des indications,
des orientations pour guider certains professionnels intervenant dans le domaine
pharmaceutique (les fabricants, les distributeurs, les importateurs, etc.).
553. Panayotis SOLDATOS et Georges VANDERSANDE définissent la notion de
recommandation comme « un instrument juridique spécifique qui consiste en une
manifestation de volonté émanant d’une des institutions de l’ordre juridique
communautaire et impliquant une invitation pour les Etats membres à adopter un
comportement déterminé (action ou abstention) susceptible de favoriser le
rapprochement des législations nationales »743. De ce fait, elle suggère un
comportement, une ligne de conduite à adopter. Ce qui permettra de retrouver
certains principes dans chaque Etat membre et conduira ainsi indirectement à un
rapprochement par harmonisation de leurs législations. C’est ainsi que LAGELLE
Anaïs, dans sa thèse, assimile les standards à des directives : « Tout standard peut
être qualifié de directives, dans la mesure où il constitue une mesure destinée à
orienter l’action de ses destinataires tout en leur laissant la charge et la
responsabilité de l’exécution »744.
554. Pour ainsi dire, les guides de bonnes pratiques et les lignes directrices exercent une
influence sur le comportement de leurs destinataires dans leurs pratiques
professionnelles : les laboratoires fabricants, les agences de distribution,
d’importation et de promotion médicale. Cela conduit néanmoins à s’interroger sur
leur force normative. En cas de non-respect de ces recommandations, le juge
741 DELMAS-MARTY Mireille, Les forces imaginantes du droit-Le relatif et l’universel, Paris, Édition Seuil, 2004, p. 183. 742 DE SADELEER Nicolas, « Les actes hors nomenclature et le soft law européen », in Isabelle HACHEZ et al., Les sources du droit revisitées, Volume 1, Anthémis, 2012, p. 275. 743 SOLDAS Panayotis, VANDERSANDEN Georges, « La recommandation, source indirecte du rapprochement des législations nationales dans le cadre de la communauté économique européenne », in D. DE RIPAINSEL-LANYDY et al., Les instruments du rapprochement des législations dans la communauté économique européenne, Bruxelles, Editions de l’Université de Bruxelles, 1976, p. 105, § 19. 744 LAGELLE Anaïs, Les standards en droit international économique, contribution à l’étude de la normativité internationale, Paris, l’Harmattan, juin 2014, p. 37.
201
pourrait-il se référer à ces guides de bonnes pratiques ? Sont-elles pour ainsi dire
obligatoires ? Les recommandations relèvent-elle à cet égard du droit mou ; de la soft
law ?
555. Il faut s’attarder sur cette notion anglaise de plus en plus utilisée par les Français
pour comprendre la portée normative dévolue par la doctrine aux recommandations
ou aux lignes directrices. En se référant au dictionnaire de droit international public,
la notion de soft law y est définie comme « une règle dont la valeur normative serait
limitée, soit parce que les instruments qui les contiennent ne seraient pas
juridiquement obligatoires, soit parce que les dispositions en cause, bien que figurant
dans un instrument contraignant, ne créeraient pas d’obligation de droit positif, ou
ne créerait que des obligations peu contraignantes »745. Le critère d’identification de
cette notion serait l’absence d’un caractère obligatoire. 746
556. Jean CARBONNIER, dans son ouvrage « Flexible droit », à propos du non-droit,
considère qu’il ne faut pas y voir « un vide absolu de droit, mais une baisse plus ou
moins considérable de la pression juridique »747. L’idée n’est évidemment pas de
considérer le soft law comme du non-droit, mais plutôt d’y voir effectivement un
niveau plus bas de la pression juridique. Mais, cela ne signifie pas que tous les
instruments de soft law soient dépourvus de toute contrainte juridique. L’idée qui les
sous-tend est d’inciter les Etats à adopter des actions pouvant garantir la qualité des
médicaments sans user d’une contrainte juridique. L’harmonisation, dans ces
conditions, serait-elle vraiment effective ? Face à un instrument juridique
communautaire non-contraignant, les Etats respecteront-ils son contenu ?
557. Il faut tout de même reconnaître que les recommandations et bonnes pratiques
permettent de contourner certains blocages institutionnels. Les Etats sont attachés à
leur souveraineté, et donc l’encadrement juridique de certains domaines ne se
concrétisera que si l’Union opte pour le droit mou au détriment du droit dur.
558. Dans certains domaines comme celui de la santé, il peut être prématuré de recourir
dans un premier temps au droit dur. Les recommandations et guides de bonnes
pratiques permettent alors de réguler le domaine pharmaceutique, surtout en matière
745 SALMON Jean (dir.), « Dictionnaire de droit international public », Bruxelles, Bruylant, 2001, voir Soft law p. 1039. 746 CAZALA Julien « Le soft law international : entre inspiration et aspiration », in Isabelle HACHEZ et al. (dir.), Les sources du droit revisitées, Volume 1 : normes internationales et constitutionnelles, Anthémis, 2012, p. 21. 747 CARBONNIER Jean, Flexible droit – Pour une sociologie du droit sans rigueur, LGDJ, Paris, 10ème Édition, 2001, p. 26.
202
de fabrication, de distribution et d’importation. Le droit mou pourrait donc faciliter
l’harmonisation des normes en matière de fabrication, de distribution, d’importation
et de publicité.
559. En droit européen, par exemple, la CJCE, dans l’arrêt Grimaldi du 13 décembre
1989, a considéré que les recommandations748 de la Commission aux Etats ne
peuvent être considérées comme des actes dépourvus de tout effet juridique749.
Toutefois, ces instruments généralement considérés comme du soft law relèveraient
plutôt du hard law lorsqu’ils sont inscrits dans un instrument juridique obligatoire.
560. En réalité, les recommandations et les lignes directrices ne sont pas formellement
contraignantes, dans la mesure où elles ne sont pas contenues dans un instrument
juridiquement contraignant. C’est donc la forme matérielle qui est dépourvue de
caractère contraignant. Il est cependant difficile d’affirmer que les orientations
contenues dans les recommandations n’ont aucune valeur obligatoire. Les
recommandations ou lignes directrices s’imposent à leurs destinataires. Elles sont
susceptibles de produire, de ce fait, des effets juridiques. Mais, la détermination de
leur valeur juridique et de leur place dans l’ordonnancement juridique n’est pas
évidente.
561. Ainsi, relevant a priori du soft law (droit mou), les recommandations
communautaires en droit pharmaceutique renferment pourtant une forme normative,
certaine dans la mesure où elles influent sur le comportement des destinataires de ces
bonnes pratiques (les fabricants, les distributeurs, les agences de promotion médicale
et pharmaceutique, et les structures chargées d’informations médicales, etc).
562. Cependant, les recommandations communautaires du droit pharmaceutique de
l’UEMOA sont insérées dans un instrument juridique obligatoire (Décision). Il est
donc nécessaire de se pencher sur la valeur juridique de ces recommandations dans
le processus d’harmonisation pharmaceutique.
748 Une question préjudicielle était adressée à la Cour par le Tribunal du Travail de Bruxelles. La Cour devait se prononcer sur la valeur juridique de la recommandation. Il s’agissait de la recommandation de la Commission aux États membres, du 23 juillet 1962, concernant l'adoption d'une liste européenne des maladies professionnelles (JO 1962,80, p.2188), et de la recommandation 66/462 de la Commission, du 20 juillet 1966, relative aux conditions d'indemnisation des victimes de maladies professionnelles (JO 1966, 147, p. 2696), à la lumière de l'article 189, Cinquième alinéa, du traité CEE. 749 Affaire C-322/88 du 13/12/1989, Grimaldi c/Fonds des maladies professionnelles.
203
B. La valeur juridique des guides de bonnes pratiques
563. Ces guides de bonnes pratiques ont une influence indirecte sur le rapprochement des
législations. En effet, ils prescrivent un dénominateur commun de principes et de
procédures. Ainsi, les divergences entre les droits nationaux s’effaceront au fur et à
mesure que chaque Etat se conformera aux principes et dénominateurs communs.
564. En réalité, les législations nationales en matière de fabrication et de distribution ne
seront vraiment équivalentes que lorsque chaque Etat aura adopté les mesures et les
dispositions nécessaires pour permettre le rapprochement préconisé par l’UEMOA.
Anne LIMPENS, parlant de la mesure de recommandation, affirmait qu’« elle est et
reste une source aléatoire d'harmonisation, puisque n'ayant aucune portée
obligatoire, son exécution dépendra essentiellement du bon vouloir des Etats
membres »750. C’est principalement l’inquiétude qui se pose au regard du recours par
le droit communautaire de l’UEMOA aux recommandations comme outil
d’harmonisation. La recommandation n’est pas une source certaine
d’harmonisation, dans la mesure où elle est dépourvue de caractère vraiment
obligatoire. Les orientations ou indications contenues dans les guides de bonnes
pratiques et les lignes directrices sont comme des souhaits pour l’UEMOA que les
Etats alignent leurs législations nationales sur le contenu des recommandations.
565. L’UEMOA a pourtant incorporé ces recommandations dépourvues de force
obligatoire réelle dans un instrument juridique communautaire obligatoire tel que
la décision. Le lien entre ces deux instruments juridiques, l’un obligatoire ; la
décision ; et l’autre dépourvu prima facie de caractère obligatoire est
particulièrement significatif. Ainsi dit, les guides de bonnes pratiques de fabrication,
d’importation, de distribution et les lignes directrices relatives à l’information et la
publicité sont incorporés dans des décisions communautaires. Pourtant, l’article 43
du Traité de Dakar précise que « les décisions sont obligatoires dans tous leurs
éléments pour les destinataires qu’elles désignent ». Dans ce sens, la
recommandation permet de réglementer les situations particulières et se révèle
obligatoire dans ce cas précis pour les Etats membres, les fabricants, importateurs,
distributeurs de produits pharmaceutiques ; ainsi que pour les émetteurs de publicités
sur les produits de santé, en général, et pharmaceutiques, en particulier.
750 LIMPENS Anne, « Harmonisation des législations dans le cadre du Marché commun », in Revue internationale de droit comparé, Vol. 19 n°3, Juillet-septembre 1967, p. 637.
204
566. Le droit communautaire a ainsi voulu rendre contraignants ces guides de bonnes
pratiques. Mais, le contenu de ces recommandations correspond-il vraiment à la
forme qui lui a été attribuée ? Ainsi, prend toute son importance l’affirmation de
Jacky RICHARD selon laquelle « le droit souple est comme « l’ombre portée » du
droit dur »751.
567. La décision communautaire constitue alors une mesure de législation indirecte, car
elle définit à la charge des Etats membres la nécessité d’édicter des normes
nationales. Ce cas de figure la rapproche de la directive. Ainsi, les bonnes pratiques
définies dans le cadre d’une décision deviennent obligatoires. La méconnaissance de
ces règles de bonnes pratiques doit être sanctionnée si celle-ci entraîne un risque pour
la santé des patients. L’harmonisation par cet outil n’est donc pas facultative pour
les Etats, mais obligatoire.
568. L’UEMOA est allée au-delà des simples recommandations pour rendre obligatoires
et opposables aux Etats ces orientations dans le domaine pharmaceutique. Elle le
précise bien dans l’article 2 de la décision n°08/2010 relative aux guides de bonnes
pratiques de fabrication des produits pharmaceutiques à usage humain : « Les
établissements de fabrication de produits pharmaceutiques à usage humain établis
dans l’espace UEMOA sont tenus de se conformer à ces bonnes pratiques de
fabrication des produits pharmaceutiques à usage humain et aux différentes
évolutions s’y rapportant ».
569. Mais, la décision ne sera vraiment considérée comme un instrument qui participe à
l’harmonisation que si les Etats membres disposent d’une marge de manœuvre. Par
exemple, lorsqu’elle prévoit que chaque Etat devrait choisir la mesure nationale la
plus adéquate selon son système juridique pour son application.
570. L’harmonisation des réglementations pharmaceutiques par voie de recommandations
et de lignes directrices laisse alors une marge d’appréciation implicite752 aux Etats
membres. Est-il donc possible d’oser envisager que dans de telles circonstances
chaque Etat puisse se soumettre partiellement à ces recommandations ? L’existence
d’une telle marge d’appréciation multiplie certainement les incompatibilités entre les
différents droits nationaux. En effet, lorsque le droit pour les Etats membres de
751 Dalloz Actualité, « Le droit souple : quelle efficacité, quelle légitimité, quelle normativité ? », 3 octobre 2013, Disponible sur : http://www.dalloz-actualite.fr 752 DELMAS-MARTY Mireille, IZORCHE Marie-Laure, « Marge nationale d’appréciation et internationalisation du droit. Réflexions sur la validité formelle d’un droit commun pluraliste », Revue internationale de droit comparé, Vol. 52 n°4, Octobre-Décembre 2000, p. 760.
205
réglementer chacun à sa manière un aspect du domaine harmonisé n’est pas
clairement spécifié, cela conduit à plus de divergences entre les droits nationaux.
Prenant l’exemple de la décision n°10/2010/CM/UEMOA portant sur l’information
et la publicité des médicaments, celle-ci prévoit que les Etats membres peuvent se
référer à ses lignes directrices pour établir leurs droits nationaux sur l’information et
la publicité de médicaments. Elle ne précise cependant pas les aspects qui sont
soumis au droit communautaire et les aspects que les Etats doivent régler eux-
mêmes. Une telle imprécision conduit à une marge d’appréciation implicite qui va
aboutir à de grandes divergences entre les droits nationaux. Ainsi, l’UEMOA, à
travers ses différentes recommandations dans le domaine pharmaceutique, laisse une
grande latitude à chaque Etat membre dans l’élaboration de son droit national interne.
Ce qui contribue à limiter encore plus l’harmonisation entreprise dans le domaine
pharmaceutique.
571. La détermination précise de cette marge d’appréciation que l’Union laisse à ses Etats
membres dans l’élaboration de leurs réglementations nationales pharmaceutiques est
importante, car elle détermine l’étendue du contrôle que la Cour de Justice pourrait
exercer contre les éventuels manquements des Etats.
572. Toutefois, on ne pourrait parler d’harmonisation753 dans ce cas que lorsque les Etats
ont réellement adapté leurs droits internes aux recommandations. Mais, une
remarque fondamentale doit être faite à ce niveau. Le droit communautaire de
l’UEMOA n’a pas mentionné de façon expresse dans les décisions n°08/2010
relative à la fabrication des médicaments et 09/2010 relative à la distribution et
l’importation que les Etats membres devront mettre leurs législations en conformité
avec les guides de bonnes pratiques communautaires. Il se contente de mentionner,
d’une part, qu’« au-delà de la dimension réglementaire portée par les textes des
différents Etats membres de l'UEMOA pour ces activités, les contrôles et les
inspections des entités d'importation et de distribution de produits pharmaceutiques
comportent une composante technique importante décrite dans ce guide de bonnes
pratiques. Il importe que les inspecteurs des établissements d'importation et/ou de
distribution puissent se référer à des textes leur permettant de réaliser les contrôles
de la façon la plus équitable possible »754 et, d’autre part, qu’ « au-delà de la
753 Cf. supra., § 191 & svt. 754 Annexe à la Décision n° 08 /2010/CM/UEMOA guide de bonnes pratiques de fabrication des produits pharmaceutiques à usage humain dans les Etats membres de l'UEMOA, p. 9
206
dimension réglementaire portée par les textes des différents Etats membres de
l'UEMOA pour ces activités, les contrôles et les inspections des entités de fabrication
de produits pharmaceutiques comportent une composante technique importante
décrite dans ce guide de bonnes pratiques. Il est important et fondamental que les
inspecteurs des établissements de fabrication puissent se référer à des textes leur
permettant de réaliser les contrôles de la façon la plus équitable possible755».
573. Pour ainsi dire, les Etats membres ne sont pas obligés d’élaborer des mesures
nationales sur la base de ces guides de bonnes pratiques. Le droit communautaire fait
des guides un élément que les Etats peuvent consulter sans pour autant modifier les
réglementations nationales en la matière. Tout porte donc à croire que les guides de
bonnes pratiques de fabrication, de distribution et d’importation, contrairement aux
lignes directrices pour l’information et la publicité, ont une force informative.
L’Union a, en effet, précisé uniquement pour les lignes directrices relatives à
l’information et la publicité des produits pharmaceutiques que « le présent document
pourrait servir de lignes directrices pour l’élaboration de ce texte réglementaire au
niveau de chacun des Etats membres de l’Union »756. En rajoutant cette phrase dans
la décision n°10/2010/CM/UEMOA relative aux lignes directrices pour le contrôle
de l’information et la publicité sur les médicaments auprès des professionnels de la
santé, l’UEMOA crée une ambiguïté, dans la mesure où la décision est normalement
obligatoire dans tous ses éléments. Elle ouvre ainsi la porte à l’élaboration par chaque
Etat d’une réglementation nationale en la matière. Elle rajoute dans la décision
n°10/2010 que « le présent guide reste un outil d’orientation pour l’élaboration d’une
réglementation spécifique dont il appartient aux Etats membres de l’UEMOA de
cadrer les contours ». Cette seconde phrase ôte à la décision communautaire sa valeur
juridique qui la rend obligatoire dans tous ses éléments757. Un outil d’orientation
n’est rien d’autre qu’un guide pour les Etats.
574. Au regard de la définition et de la valeur juridique dégagées dans les lignes
précédentes, il n’est pas inutile d’analyser le respect de ces guides de bonnes
pratiques par les personnes destinataires. Ces personnes ont-elles une obligation de
résultat ou de moyens dans le cadre du respect de ces guides ?
755 Annexe à la Décision n°09/2010/CM/UEMOA, Guide de bonnes pratiques de distribution et d’importation des produits pharmaceutiques à usage humain dans les Etats membres de l’UEMOA, p. 4 756 Annexe à la Décision n°10/2010/CM/UEMOA relatif aux lignes directrices pour le contrôle de l’information et la publicité sur les médicaments auprès des professionnels de la santé dans les Etats membres de l’UEMOA 757 Article 43 du Traité modifié de l’UEMOA.
207
§ II. Le respect des guides de bonnes pratiques : une obligation de moyens
575. Les bonnes pratiques élaborées dans le cadre du droit communautaire de l’UEMOA
sont des guides pour les Etats membres. Le droit communautaire considère que ces
guides correspondent à une obligation de moyens que les entités de production, les
importateurs, les distributeurs, etc, doivent mettre en place, maintenir et améliorer
de manière continue ; pour les entités de production de médicaments à usage humain,
d’une part, et, d’autre part, pour les importateurs et les distributeurs de ces produits
pharmaceutiques758. L’obligation de moyens, appelée quelquefois obligation de
prudence et de diligence, implique que le débiteur s’engage seulement à faire le
nécessaire pour que le résultat puisse être atteint759. Le fabricant va mettre en œuvre
tous les moyens dont il dispose. Il fera diligence et prudence760 pour respecter les
bonnes pratiques de fabrication afin de mettre sur le marché des médicaments de
qualité, sûrs et efficaces. Il va donc essayer d’atteindre l’objectif fixé par ces guides.
Pourtant, le respect des bonnes pratiques constitue un élément clé pour l’obtention
de l’AMM. La qualité est l’un des éléments clés dont l’ARP tiendra compte au
moment de l’évaluation du dossier d’AMM. Aussi, le respect des BPF fait partie du
système d’assurance qualité. De ce point de vue, le respect de ces recommandations
peut-il encore être qualifié d’obligation de moyens ? Pour déterminer si le respect
des guides de bonnes pratiques résulte d’une obligation de moyens ou de résultat, il
convient d’analyser brièvement le fondement et l’étendue de cette obligation
incombant aux fabricants, aux importateurs et aux distributeurs de produits
pharmaceutiques.
576. En précisant expressément que ses guides de bonnes pratiques sont des obligations
de moyens, le droit communautaire de l’UEMOA pose le principe selon lequel la
responsabilité du fabricant, du distributeur, de l’importateur ne peut être retenue que
s’il n’a pas mis en œuvre les moyens nécessaires pour parvenir au résultat prescrit
par les décisions communautaires. Il est dès lors possible d’évoquer cette question
de la responsabilité du fabricant, compte tenu du fait que le droit communautaire
758 Annexe à la Décision n°09/2010/CM/UEMOA portant adoption du guide de bonnes pratiques de distribution et d’importation des produits pharmaceutiques à usage humain dans les Etats membres de l’UEMOA. p. 4 ; Annexe à la Décision n°10/2010/CM/UEMOA portant adoption des lignes directrices pour le contrôle de l’information et la publicité sur les médicaments auprès des professionnels de la sante dans les Etats membres de l’UEMOA, p.7. 759 LARROUMET Christian, BROS Sarah, Les obligations, le contrat, Traité de droit civil, Tome 3, Paris, Economica, 2014, 7ème éd., p. 42, § 52. 760 POUMAREDE Mathieu, LE TOURNEAU Philippe, « Classification des obligations contractuelles », Dalloz Action-Droit de la responsabilité et des contrats, 2014.
208
UEMOA ait rendu ces recommandations contraignantes en les intégrant à un
instrument juridique obligatoire (décision). Ces recommandations du droit
communautaire pharmaceutique, en plus d’émaner d’une décision qui est une source
de droit dérivé leur accordant de ce fait une valeur juridique contraignante pour leurs
destinataires, pourraient faire l’objet d’une référence dans un contrat de fournisseurs
de produits pharmaceutiques. Ce qui implique qu’en cas de litige, le juge pourrait se
référer à l’exécution des termes du contrat, donc au respect des bonnes pratiques de
fabrication et de distribution. En droit français, par exemple, la Cour de Cassation a
jugé que les usages professionnels ont valeur supplétive ; et que, dans le silence de
la convention des parties, ils doivent être appliqués761.
577. Au niveau national, l’inobservation de ces recommandations ne pourrait-elle pas
conduire le juge national, voire l’Ordre national des pharmaciens, à prononcer des
sanctions à l’encontre de certains professionnels ?
578. Il faudra au préalable, examiner les décisions communautaires sur la fabrication,
l’importation, la distribution et la publicité des médicaments.
Section 2. Analyse du contenu des guides de bonnes pratiques adoptés par l’Union dans le domaine pharmaceutique
579. La recommandation peut être, dans ces circonstances, un facteur d’harmonisation ou
de coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives des
Etats membres. Il est donc nécessaire d’examiner, d’une part, les guides de bonnes
pratiques et, d’autre part, les lignes directrices adoptées par le droit communautaire
de l’UEMOA, afin de voir si les orientations qu’ils contiennent entraînent ou non
une modification du droit interne des Etats membres.
580. Ainsi, dans le cadre du processus d’harmonisation des réglementations
pharmaceutiques dans les Etats membres de l’UEMOA, le droit communautaire met
en place un cadre normatif relatif à la fabrication, la distribution, l’importation (§ I),
l’information et la publicité des médicaments au sein des Etats membres (§ II).
§ I. Les règles communautaires de bonnes pratiques de fabrication, de distribution et d’importation des médicaments à usage humain
581. Pour garantir la conformité des opérations de fabrication, de distribution et
d’importation des médicaments dans la zone, le droit communautaire de l’UEMOA
761 Com. 19 février 2002, conrats, Cons. Consom 2002, n°91, note Leveneur.
209
a élaboré des guides de BPF (A), d’une part, et, d’autre part, des guides de bonnes
pratiques de distribution et d’importation des médicaments (B).
A. Les Bonnes Pratiques de Fabrication (BPF)
582. La décision n°08/2010 contient les orientations pour la fabrication des médicaments
dans la zone communautaire. Le champ d’application de cette décision est vaste,
dans la mesure où elle vise toute entreprise de fabrication de produits
pharmaceutiques, de fabrication des produits pharmaceutiques biologiques, de
fabrication des produits pharmaceutiques à base de plantes. Les BPF permettent une
approche globale de l’efficacité des médicaments sur le plan de contrôle de la qualité
des produits et de la gestion des risques (1).
583. Le fabricant de médicaments a intérêt à respecter ces BPF, car pour l’obtention de
l’AMM, une appréciation du respect de ces règles sera vérifiée, et demandée dans le
dossier. L’octroi de l’AMM du médicament est conditionné au respect des bonnes
pratiques. C’est-à-dire à la fabrication de médicaments de qualité (2).
1. Aperçu général du contenu des recommandations pour la fabrication des produits pharmaceutiques
584. Ce guide pour la fabrication des produits pharmaceutiques à usage humain vise à
permettre la mise en circulation de produits pharmaceutiques de qualité dans la zone
communautaire. Il s’agit alors de contrôler la qualité des médicaments, les conditions
dans lesquelles ils sont fabriqués. C’est dans l’objectif que chaque Etat membre
puisse disposer de médicaments de qualité que le droit communautaire a adopté des
règles et principes en matière de fabrication. A titre d’exemple, au Burkina Faso, U-
Pharma doit se conformer à ces guides.
585. Les Bonnes Pratiques de Fabrication (BPF) sont constituées de la partie du système
d’assurance qualité garantissant que les produits pharmaceutiques sont
uniformément fabriqués et contrôlés conformément aux règles de qualité établies et
à leurs autorisations de mise sur le marché762. Le système d’assurance qualité
représente l’ensemble des mesures prises pour s’assurer que les produits
pharmaceutiques fabriqués sont de la qualité requise pour l’usage auquel ils sont
destinés763.
762 Annexe à la décision n° 08 /2010/CM/UEMOA portant Guide de bonnes pratiques de fabrication des produits pharmaceutiques à usage humain dans les Etats membres de l’UEMOA, p. 11. 763 Annexe à la décision n° 08 /2010/CM/UEMOA portant Guide de bonnes pratiques de fabrication des produits pharmaceutiques à usage humain dans les Etats membres de l'UEMOA.
210
586. Une bonne documentation est un élément essentiel du système d’assurance qualité.
Le contrôle du produit fini (médicament) ne permet pas d’éliminer complètement les
risques tenant à la qualité du produit. Il faut ainsi installer un contrôle en amont de
la production pharmaceutique. Les BPF visent principalement à diminuer les risques
inhérents à la production pharmaceutique764. Elles permettent de mettre à la
disposition des fabricants les mesures de précautions permettant de minimiser ces
risques.
587. Ainsi, pour s’assurer de la qualité d’un produit pharmaceutique sur le plan de la
fabrication (conformité à une pharmacopée aux plans physico-chimique et
éventuellement microbiologique), il faut être sûr des conditions de fabrication, de la
conformité des locaux, du respect des procédures, de l’équipement adéquat et de la
réalisation d’analyses de contrôle (application des BPF).
588. L’entreprise fabricante doit également disposer de personnel qualifié, expérimenté
et en nombre suffisant, qui est informé des responsabilités qui lui incombent. Parmi
ce personnel, la présence d’un pharmacien responsable est obligatoire765. Une
formation continue de ce personnel doit également être mise en place.
589. Toutes ces conditions, en ce qui concerne la fabrication des médicaments, visent à
mettre sur le marché de chaque Etat des médicaments de qualité, sûrs et efficaces,
pour les patients.
2. La fabrication de médicaments de qualité : un prérequis à sa commercialisation
590. L’article 2 de la décision n° 08 /2010/CM/UEMOA fait ainsi obligation à tout
établissement de fabrication de produits pharmaceutiques à usage humain établis
dans la zone communautaire de se conformer à ses orientations pour la fabrication
764 Annexe de la Décision n° 08 /2010/CM/UEMOA portant Guide de bonnes pratiques de fabrication des produits pharmaceutiques à usage humain dans les Etats membres de l'UEMOA, p. 11. 765 Le droit communautaire de l’UEMOA considère le pharmacien responsable comme : « La personne responsable du respect des exigences techniques et réglementaires relatives à la qualité des produits et à l'approbation des lots en vue de leur libération pour la vente ». Le pharmacien responsable doit aussi être impliqué dans d'autres activités dont : l'application (ou, si nécessaire, la mise en œuvre) du système qualité ; la participation au développement du manuel qualité de l'entreprise ; la supervision des auto-inspections et des audits internes ; la supervision du département de contrôle de la qualité ; la participation aux audits externes (audits fournisseurs) ; la participation aux programmes de validation. Cf. Annexe de la décision n° 08 /2010/CM/UEMOA portant guide de bonnes pratiques de fabrication des produits pharmaceutiques à usage humain dans les Etats membres de l'UEMOA, pp. 15-16.
211
des produits pharmaceutiques à usage humain766. Ce respect sera pris en compte lors
de l’évaluation du dossier d’AMM d’un médicament à usage humain.
591. Pour ce faire, chaque Etat doit adopter les dispositions et les mesures nécessaires à
l’application par les établissements de fabrications des bonnes pratiques de
fabrication767. Toutefois, toute harmonisation suppose la modification des normes de
droit interne, même si cette modification ne concerne que quelques Etats. La décision
relative au guide de bonnes pratiques de fabrication est reprise expressis verbis dans
l’arsenal réglementaire des Etats membres. Ainsi, en Côte d’Ivoire, la Direction de
la Pharmacie, du Médicament, et des Laboratoire (DPML) met à la disposition des
industries pharmaceutiques la décision communautaire relative à la fabrication, à
l’importation et à la distribution des produits pharmaceutiques. Ces guides de bonnes
pratiques de fabrication sont également disponibles sur le site internet de la Direction
de la Pharmacie et du Médicament du Sénégal. Le recueil de textes réglementaires
de 2014 de la DGPML au Burkina contient également ces décisions. En effet, le
respect des BPF conditionne l’octroi de l’AMM, car pour la demande d’AMM, le
règlement 06/2010/CM/UEMOA prévoit que le demandeur doit fournir des
informations sur les autorisations d’ouverture et les certificats de BPF délivrés par
les autorités compétentes. Le demandeur doit également fournir des certificats de
BPF concernant le laboratoire fabricant ou exploitant768. Ce qui implique que les
BPF utilisées par le laboratoire fabricant ou exploitant ne doivent pas être en
contradiction avec celles prévues par le droit communautaire de l’UEMOA ; si ce
dernier souhaite commercialiser son produit pharmaceutique dans un Etat membre
de l’UEMOA.
592. Afin de s’assurer du respect de ces BPF, il est nécessaire de prévoir un contrôle
régulier des établissements de fabrication. Pour ce faire, les établissements de
fabrication des produits pharmaceutiques doivent faire l’objet d’un contrôle régulier
afin de prévenir toute situation présentant un risque pour la qualité des produits.
Ainsi, dans chaque Etat membre, les inspecteurs des établissements de fabrication
doivent se référer à ces guides de bonnes pratiques. Mais, le problème d’inspection
766 L’article 2 de la décision n°08/2010 portant adoption du guide de bonnes pratiques de fabrication des produits pharmaceutiques à usage humain dans les Etats membres de l’UEMOA. 767 Article 3 de la décision n°08/2010 portant adoption du guide de bonnes pratiques de fabrication des produits pharmaceutiques à usage humain dans les Etats membres de l’UEMOA. 768 Cf. Annexe du Règlement n°06/2010/CM/UEMOA relatif aux procédures d’homologation des médicaments à usage humain dans les Etats membres de l’UEMOA, p. 8
212
dans le domaine pharmaceutique se pose avec acuité dans les Etats membres. Il faut
souligner que les ARP ne disposent pas d’assez de pharmaciens inspecteurs pouvant
effectuer des contrôles réguliers769 dans les établissements pharmaceutiques, les
officines, chez les grossistes répartiteurs, etc.
593. Ainsi, le droit communautaire de l’UEMOA pour l’instauration d’un système
pharmaceutique efficace ne prévoit pas uniquement des règles de BPF, il prévoit
également des recommandations pour la distribution et l’importation des produits
pharmaceutiques à usage humain.
B. Les règles concernant la distribution et l’importation des produits pharmaceutiques à usage humain
594. La décision n°09/2010/CM/UEMOA rappelle les principes fondamentaux qui
doivent être respectés en matière de bonnes pratiques de distribution et d’importation
des produits pharmaceutiques dans les Etats membres de l’UEMOA. L’élaboration
de ces guides, en ce qui concerne la distribution et l’importation, est importante,
compte tenu de l’essor du marché illicite des médicaments dans les pays de
l’UEMOA. En effet, toute distribution de produits pharmaceutiques à usage humain
doit être effectuée dans le strict respect de l’exigence d’une assurance qualité. La
responsabilité de la qualité et de la sécurité des produits incombe à toutes les parties
engagées dans la distribution. C’est la raison pour laquelle l’ensemble du personnel
de l’organisation de distribution et d’importation doit être informé de l’existence de
ces bonnes pratiques. Aussi, les importateurs et les distributeurs ont l’obligation de
mettre tous les moyens nécessaires pour maintenir et améliorer de matière continue
les orientations issues de cette décision770.
595. Pour ce faire, l’activité de distribution et d’importation des médicaments ne peut
s’exercer qu’après une autorisation délivrée par l’autorité de réglementation
pharmaceutique.
596. La chaîne d’approvisionnement est réglementée dans une grande partie des Etats
membres. Il n’en demeure pourtant pas moins que les différentes composantes de
cette chaîne (fabrication, distribution, importation, dispensation aux patients) soient
tenues de respecter les bonnes pratiques communautaires dans leurs exercices
professionnels.
769 Cf. infra., § 1102-1105. 770 Annexe de la décision n°09/2010/CM/UEMOA portant guide de bonnes pratiques de distribution et d’importation des produits pharmaceutiques à usage humain dans les Etats membres de l’UEMOA
213
597. Les circuits de distribution des médicaments impliquent aujourd’hui l’intervention
de plusieurs personnes. Ce qui rend l’opération complexe et nécessitant un
encadrement de l’activité de distribution (1). Il en est de même de l’importation des
produits pharmaceutiques qui font l’objet d’un encadrement communautaire (2).
1. La distribution des produits pharmaceutiques dans la zone UEMOA
598. La distribution est définie par le droit communautaire comme toute « activité
physique d’expédition de produits pharmaceutiques depuis les locaux de leur
fabricant ou depuis un autre stockage central jusqu’à l’utilisation du produit ou à un
local intermédiaire et/ou un établissement de soins, quels que soient le moyen de
transport utilisé et les stockages correspondants »771.
599. L’ensemble des opérations de distribution doit être coordonné par un pharmacien
responsable772. Le droit communautaire précise que « la qualification et l’expérience
du personnel doivent répondre aux exigences posées par les réglementations
nationales en vigueur »773. Ce pharmacien responsable a l’obligation non seulement
de vérifier que les produits qui doivent être distribués ont des AMM, mais aussi que
leurs fournisseurs disposent d’une autorisation valide délivrée par une autorité
administrative compétente774.
600. Chaque pays dispose de son système de distribution. Cependant, ces orientations
communautaires permettent de s’assurer de la disponibilité des médicaments, de la
sécurité d’approvisionnement, de la rapidité de livraison et surtout des conditions
dans lesquelles un rappel de lots de médicaments peut s’effectuer afin de limiter les
risques pour la santé publique. Le droit communautaire préconise de ce fait
l’instauration d’un système de traçabilité de la distribution. Ainsi, la chaîne
d’approvisionnement doit faire l’objet de procédures écrites et de systèmes
d’enregistrement. Cela permet de connaître non seulement le circuit du produit
pharmaceutique, mais aussi pour faciliter le suivi du produit en cas d’un éventuel
retrait dû, par exemple, à une suspension de l’AMM. Aussi, toute activité
contractuelle, d’assurance qualité, effectuée dans le service de distribution doit être
écrite et conservée. Les services de distribution ont l’obligation de mettre en place
771 Annexe à la décision n°09/2010/CM/UEMOA portant guide de bonnes pratiques de distribution et d’importation des produits pharmaceutiques à usage humain dans les Etats membres de l’UEMOA 772 Ibid., p. 9 773 Ibid., p. 11 774 Annexe à la décision n°09/2010/CM/UEMOA portant guide de bonnes pratiques de distribution et d’importation des produits pharmaceutiques à usage humain dans les Etats membres de l’UEMOA, p. 18.
214
un système écrit permettant de rappeler rapidement et efficacement les produits
pharmaceutiques défectueux ou suspectés de l’être775.
601. Le Sénégal dispose, par exemple, de plusieurs structures intervenant dans la
distribution des produits pharmaceutiques. Il y a la Pharmacie Nationale
d’Approvisionnement (PNA) qui représente le grossiste-répartiteur du secteur public
et parapublic (hôpitaux, les districts et toute structure publique à but non lucratif).
Au niveau du secteur privé, l’importation et la distribution sont assurées par le
Laborex, Copharme, Sodipharm et SOGEN pour les spécialités pharmaceutiques et
les génériques en nom de marque776. La distribution des produits pharmaceutiques
est assurée en grande partie dans chaque pays par les Centrales d’achats, à l’image
de la Centrale d'Achat des Médicaments Essentiels Génériques et des Consommables
médicaux (CAMEG) au Burkina Faso. Au Bénin, nous avons la Centrale d'Achat des
Médicaments Essentiels et Consommables Médicaux (CAME) pour le secteur
public, et quatre (4) grossistes-répartiteurs privés pour le secteur privé. Pour ce qui
est des distributeurs détaillants, il faut noter les centres de santé publics, les centres
de santé privés, les centres de santé confessionnels ou associatifs777. La CAME
approvisionne les pharmacies d’officines privées, les structures de santé publiques,
les structures de santé privées libérales, confessionnelles ou associatives778.
2. L’importation des produits pharmaceutiques
602. L’importation des produits pharmaceutiques prend une proportion particulière et
importante dans la zone communautaire, compte tenu de la quantité importante de
produits pharmaceutiques importés dans les Etats membres de l’Union. Par exemple,
le Sénégal dépense chaque année 130 milliards de francs CFA pour assurer
l’importation des médicaments779. Pour la période 2012-2016, le Bénin a importé
3,2% de médicaments, le Burkina Faso 5,1%, la Guinée Bissau 5,12%, le Niger 2,9%
et le Sénégal 4,7%780.
775 Annexe à la décision n°09/2010/CM/UEMOA portant guide de bonnes pratiques de distribution et d’importation des produits pharmaceutiques à usage humain dans les Etats membres de l’UEMOA, p. 13. 776 http://www.dirpharm.net/index.php/publication/joomla-content/26-une/204-quel-est-le-circuit-officiel-pour-la-commercialisation-d-un-medicament-au-senegal 777 BAXERRES Carine, Du médicament informel au médicament libéralisé. Une anthropologie du médicament pharmaceutique au Bénin, Paris, Editions des archives contemporaines, 2013, p. 44. 778 Ibid., pp. 43-44. 779 NDIAYE Fatou « Actualités-Santé-Sénégal », 26/07/2016 à 15:42, Consulté le 8 février 2017, Disponible sur : https://senego.com/awa-marie-coll-seck-le-senegal-importe-90-de-ses-besoins-en-medicaments_345944.html 780 Les produits échangés en dehors de l’espace UEMOA sont essentiellement constitués de produits agricoles et miniers. Les importations sont spécifiquement beaucoup plus constituées de médicaments, de voitures
215
603. Dans cette optique, et pour pallier les difficultés rencontrées lors de la vérification
des dossiers de demande d’importation (manque de vigilance lors du contrôle,
compte tenu de la quantité de factures par lot de produits), le Sénégal a mis en place
un guichet électronique appelé « Orbus » permettant de collecter les documents de
pré-dédouanement et mettant en interconnexion plusieurs services intervenant dans
les opérations de commerce extérieur. Ainsi, des procédures spécifiques de
dédouanement781 des produits pharmaceutiques sont possibles. Les autorisations
d’importation sont donc électroniques au Sénégal. Les services de douanes reçoivent,
tout comme le demandeur, l’autorisation électronique. Il est donc possible avec ce
système électronique de déceler les structures qui ne disposent pas d’autorisations
d’importation, grâce à la base de données des structures pouvant importer des
produits pharmaceutiques dans le pays782. Un tel système pourrait être expérimenté
dans d’autres Etats de l’UEMOA.
604. Le droit communautaire met à la charge de chaque Etat membre des obligations. Il
ne doit autoriser que les importations des produits ayant reçu une autorisation,
s’assurer de la fourniture d’une documentation spécifique pour chaque lot de
produits, et surtout associer le pharmacien responsable aux procédures
d’importation783. Ce pharmacien responsable doit prendre part aux procédures de
dédouanement des produits pharmaceutiques importés. Le droit communautaire
prévoit l’alternative de pouvoir le joindre, sans autant préciser les modalités de cet
échange avec le pharmacien responsable784. Mais, il faut retenir en définitive que ce
dernier doit être toujours disponible.
605. L’importateur doit également s’assurer de l’origine réelle des produits
pharmaceutiques qu’il propose. Il doit disposer d’une documentation complète
fournie par l’exportateur et comprenant un certificat d’analyse pour chaque lot ou
chaque fraction de lot.
automobiles, d’hydrocarbures et de produits alimentaires dont le riz. Cf. Rapport régional 2017 de la surveillance commerciale dans l’espace UEMOA, novembre 2017. 781 Le dédouanement consiste en cas d’importation à acquitter les droits de douane et la TVA. En cas d’exportation, cette procédure permet parfois d’ouvrir un droit à exonération de la TVA. Cf. pour plus d’informations https://www.glossaire-international.com/pages/tous-les-termes/dundefineddouanement.html 782 Direction de la pharmacie et des laboratoires (DPL), « Bulletin d’Information Pharmaceutique (BIP) », République du Sénégal, Direction générale de la Sante, Trimestriel Numéro 3 - juillet 2014, p. 7-8. 783 Annexe à la décision n°09/2010/CM/UEMOA portant guide de bonnes pratiques de distribution et d’importation des produits pharmaceutiques à usage humain dans les Etats membres de l’UEMOA, p. 26 784 Ibid.
216
606. Ces guides de bonnes pratiques d’importation complètent et précisent certains textes
nationaux relatifs à l’importation des produits pharmaceutiques. Au Bénin, en 1973,
c’était l’ordonnance n°73-68 du 27 septembre 1973 portant définition des conditions
d’importation de produits pharmaceutiques et objets de pansements en Dahomey.
Cette ordonnance très succincte se cantonnait à lister les personnes habilitées à
importer des produits et spécialités pharmaceutiques, les objets de pansements et
autres articles présentés comme conformes à la pharmacopée, ainsi que l’obligation
d’obtenir un récépissé et de procéder à une déclaration en douanes. L’arrêté
interministériel de 1985 n°631/MSP/MFE/MCAT/DGM/DPH/SSSP portant
déclaration d’importations pharmaceutiques et objets de pansements viendra
apporter plus de précisions et de détails à cette activité d’importation. Aujourd’hui,
la Direction de la Pharmacie, du Médicament et des Explorations Diagnostiques
(DPMED) du Bénin publie les recommandations communautaires sur l’importation
des produits pharmaceutiques afin de permettre aux importateurs d’en prendre
connaissance.
607. Toutefois, il est important de préciser que le droit communautaire de l’UEMOA
prévoit un contrôle a posteriori des sites de fabrication ou de conditionnement. En
effet, la décision communautaire précise que les sites de fabrication ou de
conditionnement peuvent faire l’objet d’une inspection par les autorités compétentes
de l’UEMOA785. Cependant, le droit communautaire ne précise pas les instances
communautaires chargées de ce contrôle. S’agit-il en réalité des instances nationales,
puisque l’UEMOA ne dispose pas d’un service d’inspection pharmaceutique ? A
moins que cette inspection soit réalisée par la Cellule en charge du processus
d’harmonisation. Ce qui serait difficile, car cette Cellule ne dispose pas de
pharmaciens inspecteurs.
608. Dans les pays de l’UEMOA, la production pharmaceutique étant très faible, le
marché pharmaceutique est donc dominé par des firmes étrangères dont le but
principal est la promotion et la vente de leurs produits. C’est la raison pour laquelle
il est nécessaire d’élaborer des règles juridiques définissant les contours de
l’information et la publicité sur les médicaments. Jérôme PEIGNE reconnait ainsi,
s’agissant du marché en général, « qu’il existe bien un marché des produits de santé
785 Annexe de la décision n°09/2010/CM/UEMOA portant guide de bonnes pratiques de distribution et d’importation des produits pharmaceutiques à usage humain dans les Etats membres de l’UEMOA, p. 26.
217
impliquant des opérations de production, de distribution ou de consommation, et que
l’un des moyens destinés à animer ce marché, en permettant d’optimiser la réunion
de l’offre et de la demande, consiste à utiliser la publicité »786.
§ II. Contrôle de l’information et de la publicité des médicaments à usage humain dans la zone communautaire
609. La publicité et l’information sont des éléments importants pour la promotion des
produits pharmaceutiques. Cependant, le médicament étant un produit utile, mais
également dangereux, sa promotion doit être réglementée et contrôlée. Le
développement du marché illicite pose ainsi des problèmes en matière de publicité
et d’informations (A). L’élaboration d’une réglementation sur la publicité et
l’information du médicament est donc une nécessité (B).
A. Le rapprochement des droits nationaux sur la publicité et l’information des médicaments : une mesure de protection de la santé
610. L’information est une composante essentielle et fondamentale du médicament. Elle
contribue à promouvoir un usage rationnel du médicament. Tout comme
l’information, la publicité des médicaments est tout aussi important. Chaque Etat
membre de l’UEMOA doit disposer alors d’une réglementation rigoureuse en la
matière (1). Mais, il faut établir une frontière entre ces deux notions : l’information
et la publicité (2).
1. Les autorisations de publicité et d’information sur les médicaments : une compétence étatique
611. « Après avoir connu une règle commune qui aurait pu constituer un terrain
favorable à une harmonisation, chacun traite aujourd'hui ses problèmes selon des
vues qui, sans être illogiques ni même contradictoires, sont des vues isolées,
génératrices de difficultés administratives…lorsqu'elles se confrontent ou
s'additionnent ». Ces propos de Gilles BARBIER, parlant de la publicité pour les
spécialités pharmaceutiques dans les pays africains après l’accession à
l’indépendance en 1960787, sont transposables aujourd’hui encore dans les Etats
membres de l’UEMOA.
786 PEIGNE Jérôme, « La publicité des produits de santé », Les Tribunes de la santé 2014/4 (n° 45), p. 70. 787 BARBIER Gilles, « La publicité d'un produit pharmaceutique en Afrique noire », Les Cahiers de la publicité, n°17, p. 54.
218
612. Au sein de l’UEMOA, chaque Etat membre disposait de sa propre réglementation
sur l’information et la publicité788. C’est surtout la publicité qui faisait l’objet d’un
encadrement juridique.
Cependant, la mise en place d’une réelle sécurité sanitaire dans l’espace
communautaire UEMOA nécessite la prise en compte au niveau régional de
l’encadrement juridique de l’information et de la publicité des médicaments.
613. Aujourd’hui, les sources d’informations sur les médicaments sont multiples vu le
développement des moyens de communication, et donc aussi les risques de
déformations de l’information. Ainsi, avec les Techniques de l’Information et de la
Communication (TIC), la diffusion des informations est facilitée et accélérée. Il
s’avère donc nécessaire, voire indispensable, de contrôler, sélectionner les
informations qui doivent être mises à la disposition du public en ce qui concerne les
médicaments. L’information et la publicité doivent avoir un caractère fiable. En
effet, l’instauration d’une libre circulation des personnes dans la zone
communautaire pose même l’urgence d’harmoniser les législations des Etats
membres sur la base de principes communs. Déjà, en 1967, Gilles BARBIER plaidait
en faveur d’une telle harmonisation : « La publicité des produits pharmaceutiques
connaît, en outre, une pierre d’achoppement qui est le visa publicitaire. Ce dernier,
lorsqu’il était unique pour une zone constituant un marché, ne posait pas de
problème. Il en va autrement…quand il y a autant de visas que de segments du même
marché…Quant à notre vue finale, il sera conforme à ce que nous pensons être
l'intérêt de tous : qu'un effort d'harmonisation et un libéralisme mesuré dans
l'interprétation des règlements nous permettent d'investir davantage en Afrique
Noire et assurent à ces pays le bénéfice d'actions commerciales et publicitaires
encore plus vastes et plus nombreuses »789. De nos jours, la segmentation des
marchés pharmaceutiques conduit à une application divergente des règles en matière
de publicité des médicaments. Une telle divergence peut constituer un obstacle à
l’objectif de la mise en place d’une sécurité des systèmes pharmaceutiques. Il devient
alors urgent et important de rapprocher les droits nationaux des Etats de l’UEMOA
en matière d’information et de publicité sur les médicaments.
788 Côte d’Ivoire, Décret B°38-473 du 13/08/98 portant réglementation de la publicité des médicaments et des établissements pharmaceutiques ; Niger, Arrêté N°0050/MSP/DPHL DU 23/02/98 fixant les moyens de publicité des produits pharmaceutiques ; Sénégal, Loi N°65-33 du 13/05/65 portant modification des dispositions du code de la santé publique relatives à la préparation, à la vente et à la publicité des spécialités pharmaceutiques. 789 BARBIER Gilles, « La publicité d'un produit pharmaceutique en Afrique noire », op.ci., pp.54-55.
219
614. Retrouver dans certains pays une publicité de médicaments à destination d’un grand
public, alors que les mêmes médicaments sont interdits dans d’autres pays membres
de l’Union, influe considérablement sur la protection de la santé dans toute la région.
Un système de santé ne peut être sécuritaire que lorsque l’information sur le
médicament est conforme et exacte. Aussi, une publicité mensongère entravera la
recherche de cette protection de la santé pour la population. La publicité doit être
contrôlée dans l’intérêt de la santé publique.
615. Toute information ou publicité concernant le médicament, qui permettra au
consommateur de le connaître ou de l’acheter, doit obéir à une réglementation stricte
permettant de le protéger. La publicité des médicaments doit être plus règlementée
que celle des autres produits (alimentaires, cosmétiques), compte tenu des risques
pouvant résulter d’une consommation excessive de médicaments.
616. C’est dans le souci de fournir aux populations une telle information, en vue de
protéger leur santé, que l’UEMOA a pris une décision n°10/2010/CM/UEMOA
décrivant les lignes directrices pour le contrôle de l’information et de la publicité
auprès des professionnels de santé dans les Etats membres. Toutefois, le droit
communautaire précise que « le présent guide reste un outil d’orientation pour
l’élaboration d’une réglementation spécifique dont il appartient aux Etats membres
de l’UEMOA de cadrer les contours »790.
617. Les Etats membres de l’Union disposaient auparavant d’une réglementation sur la
publicité des médicaments. En Côte d’Ivoire, la publicité des médicaments et des
établissements pharmaceutiques était réglementée par le décret B°38-473 du
13/08/1998. Le Niger disposait d’un arrêté n°0050/MSP/DPHL du 13/05/1998 fixant
les moyens de publicité des produits pharmaceutiques. Au Sénégal, c’est la Loi n°65-
33 du 13/05/1965 portant modification des dispositions du Code de la santé publique
relatives à la préparation, à la vente et à la publicité des spécialités qui servait de base
pour réglementer la publicité des médicaments. Mais, en 2008, le Sénégal a adopté
également des circulaires dans ce sens (Lettre circulaire n°0073 MSPM/DPL du
10/01/2008 portant promotion des médicaments par remise d’unités gratuites et la
lettre circulaires n°013 MSPM/DPL des 04/05/2008 portant échantillons médicaux
à importer pour l’année 2008). Tous ces textes nationaux ont servi de base à
790 Annexe à la décision n°10/2010/CM/UEMOA relatif aux lignes directrices pour le contrôle de l’information et la publicité sur les médicaments auprès des professionnels de la santé dans les Etats membres de l’UEMOA, p. 19.
220
l’élaboration des lignes directrices pour l’information et la publicité au sein de
l’Union régionale.
618. Toutefois, la décision communautaire pour le contrôle de l’information et de la
publicité sur les médicaments pourrait servir de lignes directrices pour l’élaboration
de textes réglementaires au niveau de chacun des Etats membres de l’Union791.
D’ailleurs, l’article 2 de la décision n°10/2010/CM/UEMOA fait obligation aux Etats
de contrôler l’information et la publicité des médicaments sur la base de ces lignes
directrices792. L’adoption d’une réglementation nationale en la matière reste
néanmoins une faculté pour les Etats membres et non une obligation. Ainsi, la
décision n°10/2010/CM/UEMOA recommande la mise en place dans chaque Etat
membre d’une commission chargée du contrôle de la publicité et de la diffusion de
recommandations sur le bon usage des médicaments. Elle assure le contrôle
préalable (contrôle a priori) à toute publicité sur les médicaments, et les contrôles a
posteriori. Ainsi, dans certains pays comme le Burkina Faso, une commission de
contrôle de la publicité sur les médicaments a été mise en place par l’arrêté n°2010-
294/MS/CAB du 7 octobre 2010.
619. Cependant, une distinction doit être faite entre la notion de publicité et d’information
sur les médicaments.
2. Les contours de la notion de publicité et d’informations relatives aux médicaments
620. Une distinction entre ces deux notions, celles d’informations et de publicité, est
primordiale, car les règles juridiques applicables seront différentes en fonction de la
notion qui sera retenue. Les règles sont plus strictes en ce qui concerne la publicité,
car c’est un procédé commercial qui pourrait influencer le comportement des
personnes destinataires et aboutir ainsi à un achat plus important de médicaments.
621. L’UEMOA, dans son guide, définit la publicité sur les médicaments à usage humain
comme « toute information, forme d’information, y compris le démarchage de
prospection ou d’incitation, qui vise à promouvoir la prescription, la délivrance, la
791Annexe à la décision n° 10/2010/CM/UEMOA portant lignes directrices sur l’information et la publicité sur les médicaments auprès des professionnels de la sante dans les Etats membres de L’UEMOA, « Le présent document pourrait servir de lignes directrices pour l’élaboration de ce texte Réglementaire au niveau de chacun des Etats membres de l’Union ». 792 Article 2 de la décision n° 10/2010/CM/UEMOA, « Les autorités compétentes des Etats membres sont tenues de contrôler l’information et la publicité sur les médicaments auprès des professionnels de la santé, conformément aux dispositions des lignes directrices visées à l’article 1er de la présente Décision ».
221
vente ou la consommation de ces médicaments à l’exception de l’information
dispensée dans le cadre de leurs activités par les professionnels de santé »793. Deux
critères principaux ressortent de cette définition : un critère matériel (démarchage,
prospection ou incitation) et un critère fonctionnel (vise à…). Ces deux critères
cumulatifs permettent alors de définir la publicité des médicaments à usage humain
et d’aboutir à un champ d’application très étendu. Ainsi, ne sont pas inclus dans le
champ de définition de cette publicité :
- les correspondances accompagnées, le cas échéant, de tout document non
publicitaire nécessaire pour répondre à une question précise sur un médicament
particulier ;
- les informations concrètes et les documents de référence relatifs, par exemple, aux
changements d'emballages, aux mises en garde concernant les effets indésirables
dans le cadre de la pharmacovigilance, ainsi qu'aux catalogues de ventes et listes de
prix s'il n'y figure aucune information sur le médicament ;
- les informations relatives à la santé humaine ou aux maladies humaines, pour autant
qu'il n'y ait pas de référence, même indirecte, à un médicament794.
622. Pourtant, dans certains Etats membres, l’information sur le médicament donnée par
les firmes pharmaceutiques au travers des délégués médicaux s’apparente plus à une
publicité.795
623. Quant à l’information médicale et scientifique sur le médicament, elle est considérée
comme l’ensemble des données relatives au médicament et destinées à promouvoir,
à soutenir et à encourager l’amélioration des soins de santé par l’usage rationnel des
produits pharmaceutiques796 . Cette définition donnée par le droit communautaire ne
permet pas vraiment de faire la distinction entre les deux notions.
624. L’information médicale vise à rationaliser l’usage des médicaments. Elle informe sur
les médicaments tout en conseillant un usage modéré et utile. Elle doit se borner à
793 Décision n°10/2010/CM/UEMOA portant adoption des lignes directrices pour le contrôle de l’information et la publicité sur les médicaments auprès des professionnels de la santé dans les Etats membres de l’UEMOA- II Glossaire des définitions opérationnelles. 794 Annexe de la Décision n°10/2010/CM/UEMOA portant adoption des lignes directrices pour le contrôle de l’information et la publicité sur les médicaments auprès des professionnels de la santé dans les Etats membres de l’UEMOA. 795 Nous avons assisté au passage d’un visiteur médical dans un hôpital de Ouagadougou, dans le service pédiatrique qui incitait les professionnels de santé à prescrire son produit, car il en restait un grand nombre dans le dépôt pharmaceutique du service. 796 Décision n°10/2010/CM/UEMOA portant adoption des lignes directrices pour le contrôle de l’information et la publicité sur les médicaments auprès des professionnels de la santé dans les Etats membres de l’UEMOA- II Glossaire des définitions opérationnelles.
222
éclairer positivement les patients, non pas inciter à l’achat, et à une meilleure vente.
Ainsi, l’information renseigne sur le médicament ; tandis que la publicité fait une
promotion ; c’est-à-dire incite à l’achat ou à la prescription d’un médicament. Jérôme
PEIGNE le spécifie en ce sens : « On peut considérer la publicité comme une
information à finalité commerciale »797.
625. Dans l’affaire « Damgaard » rendu au sein de l’Union européenne par la CJCE,
l’avocat général Ruiz-Jarabo Colomer avait précisé que « l’élément déterminant pour
distinguer la simple information de la publicité réside dans l’absence ou la présence
d’intention promotionnelle »798. La différence doit donc être recherchée dans la «
finalité du message ». Il faut donc analyser le contenu des messages au cas par cas
pour déceler l’intention des auteurs. Par exemple, lorsque le message diffusé
concerne certaines maladies, sans citer expressément un médicament, le message
pourra être considéré comme de l’information.
626. La distinction entre l’information et la publicité de médicaments ainsi posée, il y a
lieu, en définitive, d’explorer le contenu de ces lignes directrices sur l’information et
la publicité des médicaments dans l’espace communautaire UEMOA afin
d’apprécier l’effectivité ou non de cette harmonisation et les conséquences sur la
sécurité sanitaire dans la sous-région.
B. La réglementation communautaire de l’information et de la publicité des médicaments
627. Le droit communautaire donne aux Etats des principes sur lesquels ils devront se
baser pour l’adoption d’une réglementation nationale sur l’information médicale et
scientifique sur le médicament (1). Mais, également sur les types de publicités
légales à destination des professionnels de santé ou du grand public (2). La marge de
manœuvre des Etats est donc très grande à ce niveau.
1. L’encadrement de l’information
628. Le droit communautaire UEMOA ne distingue pas à ce niveau les médicaments à
usage humain des médicaments vétérinaires. Il se contente de mentionner le
« contrôle de l’information médicale et scientifique sur le médicament »799.
797 PEIGNE Jérôme, « La publicité des produits de santé », op.cit., p. 70 798 Affaire C-421/07, CJCE, 2 avril 2009 ; Les faits sont également cités par le Professeur Louis DUBOUIS, cf., DUBOUIS Louis, « Soins de santé », Jurisclasseur Europe Traité, Fasc. 1996 : Date du fascicule : 10 Décembre 2009, Date de la dernière mise à jour : 5 Mai 2011, p. 64. 799 Décision n°10/2010/CM/UEMOA portant adoption des lignes directrices pour le contrôle de l’information et la publicité sur les médicaments auprès des professionnels de la santé dans les Etats membres de l’UEMOA, p. 9.
223
L’encadrement juridique de l’information concerne alors aussi bien les médicaments
vétérinaires que les médicaments à usage humain.
629. La disposition d’informations fiables et rigoureuses étant indispensable pour assurer
la protection de la santé publique, le bon usage des médicaments s’y fonde alors. Une
bonne information sur les médicaments permet d’éviter le gaspillage et le mauvais
usage. Cette information n’est rien d’autre que les données sur les médicaments.
Chaque Etat membre, à travers l’Autorité de Réglementation Pharmaceutique
(ARP), doit contrôler l’information médicale et scientifique. Ainsi, l’ARP doit
veiller à ce que l’information dans le domaine médical soit fiable et adaptée aux
besoins des patients. En effet, un médicament contenant des informations erronées
peut être dangereux. Il faut donc considérer l’information comme une composante
du médicament.
630. Cela pose également le problème de la notice du médicament. Cette notice contient
de l’information destinée aux malades. C’est la raison pour laquelle la notice doit
être libellée dans la langue officielle de l’Etat sur le territoire duquel la demande
d’AMM est faite. Il en est de même du RCP qui est une forme d’information au
même titre que la notice.
631. Non seulement l’information doit être divulguée ; c’est-à-dire connue du public ;
mais également contrôlée. C’est la raison pour laquelle les personnes habilitées à
diffuser des informations sur le médicament sont limitativement énumérées par le
droit communautaire. De plus, le droit communautaire donne une liste de personnes
et d’organismes habilités à diffuser l’information sur le médicament (a). Elle donne
également compétence à l’ARP, dans chaque Etat membre, pour vérifier toutes ces
informations (b).
a. Les sources crédibles de diffusion de l’information
632. L’information médicale et scientifique sur le médicament ne peut pas être divulguée
par n’importe quelle personne ou organisme. Compte tenu de l’importance du
médicament dans la vie des citoyens, il est indispensable de réglementer la diffusion
de l‘information médicale. En effet, une personne morale ou physique n’ayant pas
les compétences requises ne peut donner une information exacte et efficace sur des
médicaments afin de permettre un usage rationnel dudit médicament. Pour ce faire,
certaines personnes sont habilitées à diffuser l’information médicale. Ainsi,
l’information médicale et scientifique ne peut être diffusée que par des sources
224
officielles limitativement désignées par la décision communautaire. En effet, elle ne
peut être diffusée que par un service chargé de l’information ou encore un centre
d’information et de documentation sur le médicament généralement créé par l’ARP.
Le centre d’information doit disposer d’une information objective et récente, afin de
permettre aux professionnels de santé d’utiliser ces informations dans un but de
protection de la santé publique. Elle doit également éditer et diffuser des bulletins
d’informations sur le médicament. Le centre de documentation et d’information sur
le médicament (CEDIM) joue cet important rôle au Burkina Faso. A travers son
bulletin d’information pharmaco-thérapeutique, il divulgue les informations sur les
médicaments et certaines pathologies, leurs possibles effets positifs ou négatifs sur
la santé des populations800. Pour permettre à une grande majorité d’agents de santé
burkinabè d’avoir accès à cette information pharmaco-thérapeutique, une version
électronique du bulletin d’information est disponible sur le site internet de la
DGPML801. Aussi, le centre s’engage à envoyer les versions électroniques desdits
bulletins dans les boîtes électroniques des agents de santé par le canal des ordres
professionnels. Ce type de centres d’informations n’existe pas dans tous les Etats de
l’Union. Rachel KOUKPO affirmait que « sur l’ensemble des pays, il existe un seul
centre spécialisé, au Burkina Faso, le centre d’information sur le médicament »802.
633. Les institutions de formation de soins ou les associations de consommateurs peuvent
diffuser de l’information sur le médicament. Les laboratoires pharmaceutiques
peuvent également fournir aux professionnels de santé des informations sur le
médicament à travers des dictionnaires thérapeutiques, revues professionnelles,
visiteurs médicaux, congrès ou forum de lancement de médicaments. Ces
informations ne sont valables que pour les médicaments ayant obtenu une AMM.
Mais, les informations qu’ils diffusent ne doivent pas être contraires à l’information
officielle. L’ARP a un droit de regard sur cette activité. Elle doit coordonner toutes
les institutions en charge de diffuser cette information.
800 Dans le Bulletin d’information pharmaco-thérapeutique du Burkina Faso, Publication trimestrielle du Centre de Documentation et d’Information sur le Médicament (CEDIM) 20 ème année - Volume 18- n° 61 - Mars 2015, Le centre aborde la question des plantes médicinales « Plantes médicinales : attentions aux reins », mais aussi « Les résistances aux antibiotiques » 801 http://www.dgpml.sante.gov.bf/ 802 KOUKPO Rachel, « La réglementation de la publicité en Afrique de l’Ouest », in Mamadou Badji et Alice Desclaux (dir.), « Nouveaux enjeux éthique autour du médicament en Afrique- Analyses en anthropologie, droit et santé publique », l’harmattan, Sénégal, 2015, p. 180
225
634. Toutefois, des difficultés se posent principalement s’agissant de cette vérification.
En effet, les informations sur le médicament fournies par les firmes pharmaceutiques
ne font pas toujours l’objet de contrôles et de vérifications.
635. Toutefois, lorsque des informations précises doivent être transmises à des malades,
c’est aux professionnels de santé de fournir ces informations aux malades. Compte
tenu de ces difficultés, le droit communautaire de l’UEMOA fait obligation à l’ARP
de chaque Etat de vérifier les informations sur les médicaments803.
b. Le rôle de vérification de l’autorité de réglementation
636. L’ARP joue un rôle important dans la diffusion de l’information médicale et
scientifique. Elle a l’obligation de veiller à la conformité de l’information diffusée
avec l’information officielle dont elle dispose. Toute information diffusée par les
fabricants et distributeurs doit être conforme à l’autorisation de mise sur le marché,
et doit concerner le médicament ayant obtenu cette autorisation804. Mais, en pratique,
les Autorités de réglementation des Etats ne vérifient pas toujours la conformité de
l’information diffusée par les fabricants au travers des délégués médicaux805.
637. L’autorité doit également s’assurer que les informations à destination des malades,
notamment les prospectus, notices et opuscules, reflètent fidèlement les données
médicales et scientifiques à sa disposition. Dans la pratique, cela nécessite que ces
moyens d’informations soient soumis préalablement à l’autorité de réglementation
pharmaceutique.
638. Au Burkina Faso, ces informations ne font pas l’objet de vérifications, car certaines
agences de promotion médicale806 sont en situation irrégulière et contournent ainsi
la réglementation en divulguant des informations sur les produits pharmaceutiques.
Suite à un courrier envoyé par l’ARP aux agences de promotion, il y a eu 56
signalements et 37 autorisations accordées pour l’exercice des activités de promotion
803 Décision n°10/2010/CM/UEMOA portant adoption des lignes directrices pour le contrôle de l’information et la publicité sur les médicaments auprès des professionnels de la santé dans les Etats membres de l’UEMOA, p. 10. 804 Cf. supra., § 438-452. 805 Le droit communautaire de l’UEMOA ne prévoit pas une formation de base pour les délégués médicaux. Il précise simplement qu’il appartient à chaque Etat membre de définir les conditions d’exercice de la profession de délégué médical, ainsi que celles d’octroi des autorisations des agences de promotion. Cf Annexe de la Décision n°10/2010/CM/UEMOA portant adoption des lignes directrices pour le contrôle de l’information et la publicité sur les médicaments auprès des professionnels de la santé dans les Etats membres de l’UEMOA, p. 15. Au Burkina Faso c’est l’Arrêté n°2017-456/MS/CAB portant conditions d’exercice de la profession de visiteur médical qui réglemente la profession de délégué médical. 806 L’article 2 de l’Arrêté n°2017-451/MS/CAB portant conditions d’ouverture et d’exploitation d’une agence de promotion médicale ou de représentation d’établissement pharmaceutique de préparation, définit l’ agence de promotion médicale comme « toute entreprise dûment autorisée qui a pour activité la promotion des médicaments et autres produits pharmaceutiques ».
226
pharmaceutique et médicale807. Sur ce point, c’est l’inspection des agences de
promotion pharmaceutique qui permettra de répertorier celles en situation irrégulière
afin de les sanctionner.
639. Pour ce qui concerne la publicité des médicaments, les orientations communautaires
pour l’élaboration des règles nationales de publicité précisent qu’il s’agit de la
réglementation de la publicité des médicaments à usage humain.
2. Réglementation de la publicité des médicaments à usage humain
640. Dans le domaine pharmaceutique, comme dans toute activité commerciale, la
publicité est nécessaire afin de faire connaître les produits aux utilisateurs éventuels,
et de rechercher de la clientèle. Toutefois, la publicité dans le domaine de la santé
est strictement encadrée, dans la mesure où elle ne vise pas que de simples
consommateurs, mais des patients et des malades. La publicité d’un médicament ne
peut être arbitrairement décidée par les industries pharmaceutiques ou les personnes
faisant leur promotion. Le médicament étant un produit dangereux, la publicité
pharmaceutique doit être réglementée. Une autorisation de l’autorité de
réglementation pharmaceutique de l’Etat concerné est nécessaire pour la diffusion
d’une publicité, quelles que soient les personnes destinataires808.
641. Ainsi, le droit communautaire UEMOA préconise à chaque Etat de contrôler a priori
les publicités, qu’elles soient destinées aux professionnels de santé ou au grand
public (a), mais également d’effectuer un contrôle a posteriori de toutes ces
publicités (b). Mais aujourd’hui la pratique est tout autre. Il est fréquent que certaines
publicités sur les médicaments ne fassent pas l’objet d’un réel contrôle avant ou après
leurs diffusions auprès des professionnels de santé et du grand public. Ainsi, la
question principale qui se pose est celle de savoir si les Etats membres perçoivent
l’importance de la publicité des médicaments sur la santé de la population et la mise
en place d’une réelle sécurité sanitaire.
807 Entretien avec Dr SEDGHO Roland, pharmacien, spécialiste en réglementation/DCARP-Burkina Faso, 19 juillet 2018, à 11h. adresse électronique : [email protected] 808 Annexe de la Décision n°10/2010/CM/UEMOA portant adoption des lignes directrices pour le contrôle de l’information et la publicité sur les médicaments auprès des professionnels de la santé dans les Etats membres de l’UEMOA, p. 14 et 18.
227
a. Le régime juridique de la publicité
642. Le droit communautaire de l’UEMOA prévoit un ensemble de règles juridiques à
respecter pour la diffusion d’une publicité auprès des professionnels de santé ou à
destination du public.
La publicité auprès des professionnels de santé
643. L’Autorité de réglementation pharmaceutique de chaque Etat membre doit contrôler
toute publicité destinée aux professionnels de santé. Cette publicité doit comporter
les informations essentielles et identiques à celles transmises dans le dossier de
demande d’AMM. L’Union instaure ainsi un contrôle a priori pour toute publicité
auprès des professionnels de santé. Toute demande de publicité requiert alors un
dépôt de dossier auprès de l’Autorité Nationale de Règlementation Pharmaceutique
(ANRP) de chaque Etat membre. Ce dossier est très précis et contient : une lettre de
dépôt signée par le pharmacien responsable indiquant les noms des spécialités
concernées par la demande, les différentes catégories de professionnels destinataires,
les informations sur le support et les lieux de diffusion809. Des exemples originaux
de la publicité doivent être fournis afin de permettre d’apprécier le contenu de ladite
publicité810. Aussi, le droit communautaire énumère un certain nombre de personnes
habilitées à diffuser une publicité sur les médicaments auprès des professionnels de
santé. Par exemple, le laboratoire pharmaceutique est habilité principalement à
effectuer des publicités pour ces médicaments auprès des professionnels de santé.
Toutefois compte tenu de la capacité de production limitée des Etats membres dans
le domaine pharmaceutique, le droit communautaire prévoit la possibilité pour les
laboratoires pharmaceutiques de se faire représenter auprès des autorités
réglementaires par des agences de promotion ou des délégués médicaux. Cependant,
la réglementation de ces professions intermédiaires relève de la compétence de
chaque Etat membre.
644. La profession de délégué médical, bien que réglementée dans certains Etats, est
exercée par un certain nombre de personnes sans avoir obtenu au préalable une
autorisation de l’Autorité de réglementation pharmaceutique.
809 Annexe de la Décision n°10/2010/CM/UEMOA portant adoption des lignes directrices pour le contrôle de l’information et la publicité sur les médicaments auprès des professionnels de la santé dans les Etats membres de l’UEMOA, p. 16. 810 Ibid.
228
645. Il est important de souligner que la promotion d’un médicament auprès des
professionnels de santé doit se faire par un certains moyens matériels tels que les
encarts dans les journaux spécialisés, les documents audiovisuels ; à l’exclusion de
la radio et de la télévision ; les colloques, les congrès, les conférences, les séminaires,
les symposiums, ainsi que des matériels promotionnels tels que les échantillons
médicaux, les gadgets, les fiches posologiques, etc.811 En ce qui concerne les
échantillons, l’UEMOA préconise qu’ils soient remis directement à titre gracieux
aux professionnels de la santé qui sont habilités à les recevoir en respectant leurs
domaines de spécialités, et par conséquent les produits pharmaceutiques qu’ils sont
autorisés à prescrire. A titre d’exemple, un délégué médical ne doit pas faire la
promotion d’un médicament exclusivement pédiatrique dans un autre service que
celui de la pédiatrie.
646. Ces échantillons doivent aussi être identiques aux modèles vendus et ne pas contenir
les substances classées comme psychotropes ou stupéfiants. Ainsi, les délégués
médicaux représentant les laboratoires sont tenus personnellement responsables de
la qualité pharmaceutique des échantillons médicaux remis aux professionnels de
santé. Pour ce faire, les Etats membres doivent réguler les conditions d’importation
des échantillons. Mais, le manque d’inspection pharmaceutique limite le contrôle de
cette profession.
647. La publicité ainsi réglementée par le droit communautaire de l’UEMOA ne prend
pas en compte certains moyens de communication tels que Internet. Pourtant, il n’est
pas rare de voir de la publicité de produits pharmaceutiques sur Internet, via les
réseaux sociaux. Depuis quelque temps, les publicités sur les produits
pharmaceutiques diffusées sur Internet sont non négligeables. Ainsi, en matière de
publicité des médicaments, l’Union doit tenir compte de la voie électronique comme
moyen de communication qui nécessite d’être encadré juridiquement. A ce niveau,
la publicité sur certains produits pharmaceutiques circule sur Internet. Ce qui pourrait
influencer et inciter les malades, et même les non malades, à l’achat de médicaments,
influencer les professionnels de santé à prescrire certains médicaments.
648. C’est la raison pour laquelle la publicité auprès de personnes autres que des
professionnels de santé est également réglementée.
811 Annexe de la Décision n°10/2010/CM/UEMOA portant adoption des lignes directrices pour le contrôle de l’information et la publicité sur les médicaments auprès des professionnels de la santé dans les Etats membres de l’UEMOA, p. 15.
229
La réglementation de la publicité auprès du grand public : un contrôle a priori
649. Le principe général de la décision communautaire est l’interdiction de faire la
publicité d’un médicament auprès du grand public. Mais, une dérogation à ce
principe permet à des campagnes publicitaires pour un programme de santé de
s’adresser au grand public, à condition que cette campagne ait un caractère préventif
ou de protection de la santé publique. Les publicités à destination du « grand public »
font l’objet d’un contrôle a priori812. Le droit communautaire précise que le contrôle
concerne les publicités en faveur d’objets, d’appareils et méthodes généralement
présentés comme favorisant le diagnostic, la prévention, le traitement des maladies,
des affections relevant de la pathologie chirurgicale et des règlements
physiologiques ; permettant de restaurer, corriger ou modifier des fonctions
organiques813. Ce contrôle doit concerner en priorité des publicités destinées au
grand public sur la perte de poids, le sevrage tabagique, la douleur, les pathologies
ou dérèglements physiologiques liés aux ondes émises par les téléphones portables
ou autres appareils814.
650. Toutefois, ce contrôle a priori ne peut être exercé que si des demandes d’autorisation
de publicité sont faites auprès des autorités nationales de réglementation
pharmaceutique. Au Burkina Faso, malgré l’existence d’un décret815 pour les
demandes de publicités de médicaments, la DCARP ne reçoit quasiment pas de
demandes de publicité de médicaments. D’octobre 2017 à juillet 2018, le service
octroi des licences à réceptionné deux demandes d’autorisation de publicité. En 2015
par contre, il y a eu 7 demandes816. Il faut tout de même mentionner que certaines
demandes d’autorisation de publicité sont rejetées ou renvoyées pour compléments
d’informations. Comme motif de rejet des demandes, il y a l’expiration ou l’absence
de l’AMM du médicament objet de la publicité. Ce qui peut résulter essentiellement
d’un problème de dosage. C’est le cas de la demande de publicité concernant le
812 Annexe de la Décision n°10/2010/CM/UEMOA portant adoption des lignes directrices pour le contrôle de l’information et la publicité sur les médicaments auprès des professionnels de la santé dans les Etats membres de l’UEMOA, p. 14. 813 Annexe de la Décision n°10/2010/CM/UEMOA portant adoption des lignes directrices pour le contrôle de l’information et la publicité sur les médicaments auprès des professionnels de la santé dans les Etats membres de l’UEMOA, p. 17. 814 Ibid. 815Décret N°2010-244/PRES/PM/MS du 20/05/2010 portant publicité sur les médicaments et autres produits pharmaceutiques. 816 Entretien avec Dr SEDGHO Roland, pharmacien, spécialiste en réglementation/DCARP-Burkina Faso, 19 juillet 2018, à 11h. Adresse électronique : [email protected]
230
Paracétamol 10 g alors que l’AMM a été obtenue pour le Paracétamol de 20 g. Aussi,
l’absence dans la demande de référence scientifiques sur la molécule ou encore le
manque d’identification de la cible de la publicité817 sont causes de rejet.
651. Pourtant, au sein des officines pharmaceutiques, il n’est pas rare de voir des affiches
de publicité de médicaments. Ce qui a nécessité l’envoi d’un courrier aux
pharmaciens d’officines afin de les inciter à exiger un arrêté d’autorisation de
publicité avant l’acceptation de certaines affiches publicitaires818.
652. Il faut ici reconnaître que les publicités sur la pharmacopée et la médecine
traditionnelle sont beaucoup plus importantes dans les pays de l’UEMOA. Le Bénin
a même adopté une décision n°12-001 en janvier 2012 interdisant la publicité sur la
pharmacopée et la médecine traditionnelle dans la presse819. Au Burkina Faso, on
retrouve effectivement dans certains journaux spécialisés dans le domaine sanitaire
des publicités sur des guérisseurs traditionnels et leurs produits qui, pour la plupart,
« soignent tous les maux ». La décision communautaire n’aborde pourtant pas la
question de la publicité des médicaments traditionnels auprès des professionnels de
santé et du grand public. L’absence de réglementation de la publicité des
médicaments traditionnels compromet d’une certaine matière la protection de la
santé au sein de l’Union régionale.
653. L’utilisation d’un véhicule de livraison sur lequel figurent le nom et le logo d’un
produit auquel on attribue des vertus thérapeutiques ne peut-elle pas être qualifiée de
publicité à destination d’un grand public ? En effet, ce cas de figure se rencontre
dans certains pays comme le Burkina Faso. A titre d’exemple, un véhicule sur lequel
est mentionné « Victago médical » mettant en exergue les vertus thérapeutiques que
les fabricants attribuent à cette pommade sillonne les rues de la ville de
Ouagadougou. La pommade Victago est vendue dans les boutiques (commerces) de
quartiers820, comme une marchandise quelconque. Pourtant, elle répond à la
définition communautaire du médicament et ne devrait être commercialisée que dans
les pharmacies, après avoir obtenu l’AMM.
817 Entretien avec Dr SEDGHO Roland, pharmacien, spécialiste en réglementation/DCARP-Burkina Faso, 19 juillet 2018, à 11h. Adresse électronique : [email protected] 818 Entretien avec Dr SEDGHO Roland, pharmacien, spécialiste en réglementation/DCARP-Burkina Faso, 19 juillet 2018, à 11h. Adresse électronique : [email protected] 819 http://french.news.cn/afrique/2012-01/05/c_131342878.htm 820 Cf. supra., § 382-385.
231
654. Une question se pose également s’agissant de la publicité des médicaments
retransmis sur des chaînes de télévisions étrangères auxquelles ont accès la plupart
des ménages en Afrique de l’Ouest ?821.
655. Afin de permettre un usage rationnel du médicament dans l’espace de l’UEMOA, le
droit communautaire prévoit un contrôle a posteriori pour toutes les publicités.
b. Les contrôles postérieurs à la publicité
656. Certaines conditions sont requises pour la publicité d’un médicament dans les pays
membres de l’UEMOA. C’est la raison pour laquelle un contrôle a posteriori est
instauré pour toutes les publicités de médicaments. Il faut noter, par exemple, qu’une
AMM est obligatoire pour le médicament concerné par la publicité. Ainsi, la
condition première pour la publicité d’un médicament, c’est l’obtention de l’AMM.
Un médicament dont l’AMM a été refusée ou suspendue ne peut pas faire l’objet
d’une publicité. Par conséquent, toute publicité à l’égard d’un médicament doit
respecter les dispositions de l’AMM, être conforme aux renseignements figurant
dans le Résumé des Caractéristiques du Produit (RCP). Cette publicité doit favoriser
un usage rationnel du médicament. Elle ne doit pas être un moyen pour amener les
patients à une consommation excessive de médicaments.
657. Une autre condition requise pour la publicité est la protection de la santé. La publicité
relative à un médicament ne doit pas porter atteinte à la santé publique.
658. Le droit communautaire établit plus spécifiquement une liste d’éléments dont les
Etats membres devront tenir compte pour interdire toute publicité entrant dans cette
catégorie822. Ainsi, toute publicité sur les médicaments ne doit pas offrir un
diagnostic ou un traitement par correspondance, suggérer que l’effet du médicament
est acquis ou qu’il est sans effet indésirable, car même après la commercialisation,
821 Ces chaînes violent la législation de ces Etats membres qui n’autorise pas forcement la publicité de tels médicaments. Elles doivent normalement ne permettre la diffusion de telles publicités que dans le pays autorisant cette publicité pour ses consommateurs. 822 La publicité ne doit pas comporter les éléments ci-après : - faire apparaître l’acte médical comme superflu, en particulier en offrant un diagnostic ou un traitement par correspondance ; - suggérer que l’effet du médicament est acquis ; - qu’il est sans effet indésirable ; - qu’il est supérieur ou égal à celui du traitement par un autre médicament ; - que l’état de santé normal peut être amélioré par l’utilisation de ce médicament ; - suggérer qu’un état normal peut être affecté en cas de non utilisation de ce médicament (en particulier lors des campagnes de vaccination) ; - assimiler le médicament à une denrée alimentaire ; - se référer à des attestations de guérison ; - insister sur le fait que le médicament a obtenu une autorisation de mise sur le marché. Pour plus d’informations, conf. Annexe de la Décision n°10/2010/CM/UEMOA portant adoption des lignes directrices pour le contrôle de l’information et la publicité sur les médicaments auprès des professionnels de la santé dans les Etats membres de l’UEMOA, p. 14-16.
232
des effets indésirables du médicament peuvent apparaître823. Ce cas de figure pose
encore, la problématique des médicaments vendus dans les rues ou par les marchands
ambulants dans les Etats membres de l’Union. Ces vendeurs qui exposent les vertus
thérapeutiques de leurs produits incitent les individus à la consommation, à l’achat.
De plus, il s’agit, comme souligné dans les pages précédentes, de produits qui ne
disposent pas d’une autorisation de commercialisation. Même dans le cas où ces
produits disposent d’une AMM, une telle publicité reste problématique.
659. Aussi, le médicament objet de la publicité ne doit pas être présenté comme supérieur
ou égal à celui du traitement par un autre médicament ou encore suggérer qu’un état
normal peut être affecté en cas de non utilisation de ce médicament824.
660. Le contrôle a posteriori des publicités sur les médicaments permet d’interdire la
diffusion ou de contraindre à la modification d’un message publicitaire qui avait fait
l’objet d’un contrôle a priori. La commission chargée du contrôle de la publicité peut
émettre des avis de rectification des publicités qui ne sont pas conformes aux
dispositions réglementaires prises par l’Etat membre destinataire de la publicité.
Aussi, elle se prononce sur les suspensions ou retraits de visas de publicités des
médicaments et autres produits de santé destinés au public825.
661. C’est dans le même sens de la protection de la santé publique que des sanctions
administratives sont prévues en cas d’infractions à la réglementation sur
l’information et la publicité. Le droit communautaire prévoit ainsi des sanctions
administratives en cas d’infractions à la réglementation sur l’information et la
publicité des médicaments. Trois sanctions administratives sont ainsi proposées : la
mise en demeure de modifier le document dans un délai d’un mois, l’interdiction
d’utiliser un document promotionnel, avec éventuellement l’obligation de diffuser
un rectificatif auprès des professionnels ciblés par cette publicité, et enfin la
suspension d’urgence d’une campagne de publicité en cas de risque pour la santé
publique.
662. La Commission chargée de la publicité donne ainsi un avis consultatif à l’autorité de
réglementation sur les sanctions qu’elle propose pour certaines infractions.
Cependant, le droit communautaire de l’UEMOA n’a pas prévu de sanctions
823 Annexe de la décision n°10/2010/CM/UEMOA portant adoption des lignes directrices pour le contrôle de l’information et la publicité sur les médicaments auprès des professionnels de la sante dans les Etats membres de l’UEMOA, p. 14. 824 Ibid. 825 Annexe de la Décision n°10/2010/CM/UEMOA, op.cit., p. 17.
233
financières que les Etats pourraient imposer en cas d’infraction à la réglementation
sur la publicité. Cela peut être classé dans la marge d’appréciation dont chaque Etat
dispose dans le cadre de ce processus d’harmonisation.
663. Le Burkina Faso a adopté un arrêté n°2010/291/MS/CAB826 portant conditions de la
publicité sur les médicaments et autres produits pharmaceutiques. La Côte d’Ivoire
a adopté également en septembre 2016 un décret pour réglementer la publicité des
médicaments et autres produits de santé827.
664. Cet arrêté burkinabè comporte deux dates et deux signatures l’une datant du 21
septembre 2009, donc avant la signature de la décision communautaire portant lignes
directrices sur l’information et la publicité, l’autre datant du 1er octobre, soit le même
jour que la signature de la décision communautaire. Cet arrêté reprend néanmoins
les grands principes préconisés par la décision communautaire, pour ce qui est de la
publicité auprès des professionnels de santé et celle destinée au grand public.
Cependant, la réglementation nationale burkinabè fait une distinction, s’agissant de
la publicité au grand public, entre les médicaments soumis à prescription médicale
et les médicaments non soumis à prescriptions médicales. Le principe est
l’interdiction de publicité pour les médicaments soumis à prescription médicale, et
une dérogation pour ceux qui ne le sont pas. Ainsi, l’article 12 de l’arrêté spécifie
qu’« il est interdit, sauf dans le cadre des campagnes publicitaires des programmes
de santé, de faire la publicité des médicaments soumis à prescription médicale auprès
du grand public. Celle-ci ne doit pas s’adresser aux enfants, ni les impliquer… », et
l’article 13 de permettre une dérogation : « La publicité des médicaments non soumis
à prescription médicale peut se faire aux moyens d’encarts dans les journaux, de sites
web, par des moyens audio-visuels, par des présentations lors de colloques,
d’affiches, de posters, de panneaux ou de présentations dans les locaux des
établissements de santé et des établissements pharmaceutiques… ». Toutefois, un
nouvel arrêté n°2017-458 portant conditions de la publicité sur les médicaments et
autres produits pharmaceutiques a abrogé toutes les dispositions contenues dans
l’arrêté n°201°-291/MS/CAB du 1er octobre 2010 portant condition de la publicité
sur les médicaments et autres produits pharmaceutiques. Ce nouvel arrêté n’a pas
visé la décision communautaire n°10/2010/CM/UEMOA portant adoption des lignes
826 Ministère de la Santé, Burkina Faso, Arrêté 2010/291/MS/CAB 827 Côte d’Ivoire, Décret n°2016-717 du 14 septembre 2016 portant réglementation de la publicité des médicaments, des autres produits de santé et des établissements pharmaceutiques.
234
directrices pour le contrôle de l’information et la publicité sur les médicaments
auprès des professionnels de la santé dans les Etats membres de l’UEMOA ; et n’y
fait aucunement référence. Il est vrai que cette réglementation communautaire sur
la publicité et l’information constitue un guide pour les Etats, mais elle reste très
limitée.
665. En effet, le droit communautaire de l’UEMOA ne mentionne pas dans la décision, la
publicité des médicaments au sein des officines pharmaceutiques dans les Etats
membres. Une telle publicité peut-elle être considérée comme une publicité destinée
au grand public ou aux professionnels ? La définition de « grand public » par le droit
communautaire prend ici toute son importance. En l’absence d’une réglementation
communautaire en la matière, il appartient alors à chaque Etat membre d’inclure dans
sa réglementation nationale cette publicité dans les officines pharmaceutiques. A
l’examen de l’Arrêté n°2017-451/MS/CAB du Ministère de la santé burkinabè, la
publicité dans les officines n’est pas prise en compte. Pourtant, au Burkina Faso, une
grande partie des affiches publicitaires de médicaments se retrouve dans les officines
pharmaceutiques. Ces petites affiches vantant les effets positifs d’un médicament
sont très fréquentes.
666. Les lignes directrices de l’Union n’abordent pas également la question de la publicité
trompeuse.
667. Cependant, il faut retenir, qu’en matière d’information et de publicité des
médicaments, la formation des vendeurs en pharmacie est incontournable pour le
respect de ces recommandations. Certains vendeurs en officines ignorent la
réglementation en matière d’information et de publicité sur les médicaments, et
n’hésitent pas à fournir à certains patients des tracts contenant de la publicité de
certains médicaments828. L’harmonisation effective des principes en matière
d’information et de publicité des médicaments nécessite donc une formation du
personnel intervenant dans ce domaine.
668. Le droit communautaire reste muet également sur un certain nombre de difficultés.
En effet, il ne se prononce pas sur la publicité des médicaments bénéficiant d’une
ASI, dont le nombre est pourtant en croissance. Aussi lorsqu’un médicament doit
être réévalué à la suite d’un signalement de pharmacovigilance, quel sort est-il
réservé à la publicité de ce médicament ? Il faut souligner, cependant, qu’en principe
828 Nous avons assisté à cette scène dans une officine au quartier de Tampouy à Ouagadougou au Burkina Faso.
235
il n’est pas possible de faire une publicité pour un médicament dont la balance
bénéfices/risques est en cours de réévaluation.
669. Compte tenu de tous ces paramètres, il résulte une harmonisation très limitée des
législations nationales dans le domaine de l’information et de la publicité.
670. Pourtant, les guides de bonnes pratiques et les lignes directrices ainsi élaborés dans
le cadre de l’harmonisation du droit communautaire pharmaceutique pourraient être
qualifiés de « recommandations impératives »829, dans la mesure où les fabricants,
les distributeurs, les importateurs et les agences de promotion médicale doivent
respecter ces recommandations pour la concrétisation d’une véritable sécurité
sanitaire dans la zone communautaire.
671. A la suite de l’adoption de la réglementation sur l’information et la publicité des
médicaments, il n’a pas été observé une augmentation du volume des publicités des
médicaments, que ce soit à destination des professionnels de santé ou à destination
du public. Cela a permis, néanmoins, aux Etats de mettre en demeure les personnes
qui exerçaient irrégulièrement les activités de promotion pharmaceutique ou qui
diffuseraient des publicités irrégulières en vue de régulariser leurs situations.
829 LOISEAU Pauline, « La force normative des recommandations de bonnes pratiques médicales in Catherine THIERGER et al., Force normative. Naissance d’un concept, Paris, LGDJ, oct. 2009, p. 620.
236
Conclusion du chapitre
672. Le droit communautaire de l’UEMOA a permis ainsi d’harmoniser par des principes
communs les réglementations nationales sur la fabrication, l’information et la
publicité des médicaments. Mais, le problème majeur demeure au niveau de
l’application de ces textes. Dans la pratique, ces textes sont ignorés par les agences
de promotion de médicaments qui n’ont pas toutes les autorisations, mais qui
exercent sans avoir à craindre de leurs activités. Il serait important que l’UEMOA
initie des formations à destination des professionnels de santé sur les enjeux de la
promotion pharmaceutique et leurs influences sur les pratiques professionnelles.
673. Cependant, les recommandations constituent un outil d’harmonisation partielle. Le
caractère non-contraignant de cet instrument juridique ne favorise pas son effectivité
dans les droits nationaux. Mais, le droit communautaire UEMOA a su pallier cette
insuffisance en intégrant les recommandations dans un instrument juridique
obligatoire tel que la décision. Tout compte fait, le caractère obligatoire ainsi conféré
aux recommandations adoptées dans le cadre du processus d’harmonisation des
réglementations pharmaceutiques des Etats membres ne garantit pas l’effectivité de
l’harmonisation en matière de fabrication, d’importation, de diffusion de
l’information et de la publicité des médicaments dans l’espace communautaire. Il y
a lieu de garder à l’esprit que l’harmonisation par voie de recommandations ne donne
aucune garantie sur « l’harmonie ou la convergence des législations, ni quant aux
moyens adoptés ni quant aux résultats recommandés et atteints »830. Cela pourrait
s’expliquer par le type d’instruments juridiques communautaires adoptés. Un
règlement aura toujours plus d’impact qu’un avis ou une recommandation.
830 SAYEGH Joseph ISSA, « La production normative de l’UEMOA-Essai d’un bilan et perspectives », OHADATA, D-O3-18, p. 7.
237
CONCLUSION DU TITRE
674. Les textes communautaires adoptés par l’UEMOA afin d’harmoniser les droits
nationaux ont un impact considérable dans l’arsenal juridique pharmaceutique de
chaque Etat membre. Il en résulte ainsi une prise en compte par les Etats de ces
textes. On retrouve, en effet, dans les droits nationaux, que ce soit au niveau des
directions de la pharmacie et des médicaments, les références généralement faites
aux textes communautaires. Cette harmonisation évitera que les réglementations des
Etats membres de l’Union soient totalement différentes en termes d’exigences pour
les dossiers d’homologation, la fabrication, l’information et la publicité sur les
médicaments.
675. Le règlement sur l’homologation des produits pharmaceutiques à usage humain, les
recommandations en matière de fabrication, de distribution et d’importation, qui sont
des décisions obligatoires pour leurs destinataires, sont mis à la disposition des
laboratoires pharmaceutiques, des entreprises de distribution, au travers des sites
Internet des ARP comme en Côte d’ivoire, au Sénégal, au Burkina Faso, etc. Somme
toute, ce processus d’harmonisation des législations est nécessaire et constitue de ce
fait un bon début pour le renforcement des droits pharmaceutiques nationaux des
Etats membres.
676. En définitive, l’analyse des textes juridiques communautaires dans le domaine
pharmaceutique permet de conclure à l’existence d’une harmonisation ascendante
par le fait que le droit communautaire s’est inspiré du droit interne des Etats membres
pour l’élaboration des textes communautaires pharmaceutiques ; mais également par
l’existence du processus descendant831 impliquant une prise en compte, voire une
insertion, du droit international dans les droits internes des Etats membres. Cela
s’explique par le fait que l’Union, dans l’élaboration de ces textes communautaires,
a fait appel au droit international mis en œuvre par l’Organisation Mondiale de la
Santé, par la Conférence Internationale pour l’Harmonisation ICH, etc.
677. Harmoniser les réglementations pharmaceutiques est donc pertinente et nécessaire
pour la mise en place d’une sécurité sanitaire. Des difficultés compromettent
l’application et l’effectivité du droit communautaire pharmaceutique. Ces obstacles
résultent de l’organisation interne et externe des Etats et de l’Union elle-même. Pour
831 Dans l’harmonisation descendante/Rapprochement vertical, c’est le droit international qui sert de référence.
238
atteindre cette sécurité sanitaire dans la zone communautaire de l’UEMOA, il est
nécessaire de trouver des solutions pour pallier ces difficultés. Pour ce faire, la mise
en œuvre de certaines stratégies juridiques par un recours a deux moyens
d’intégration juridique s’avère nécessaire.
239
PARTIE II. LE DROIT PHARMACEUTIQUE HARMONISE : OBSTACLES ET PERSPECTIVES
240
678. L’état des lieux du droit pharmaceutique communautaire de l’UEMOA a permis de
constater l’existence d’un certain nombre de textes juridiques adoptés au niveau
communautaire. Il faut noter à cet égard que le processus de rapprochement par
harmonisation entamé par l’Union est encore aujourd’hui au même stade. Depuis
2010, de nouveaux textes communautaires visant à rapprocher par harmonisation les
réglementations pharmaceutiques des Etats n’ont pas été adoptés. Ainsi, comme
l’affirmait Carmelle HOUNNOU832, « il n’y a pas de nouveaux textes juridiques
concernant l’harmonisation, car il ne sert à rien d’adopter des textes qui ne sont pas
utilisés »833. Il est donc essentiel de relever les difficultés inhérentes à l’effectivité
du droit pharmaceutique harmonisé, afin d’envisager les solutions possibles pour
éviter l’effet « boule de neige » qui prévaut dans d’autres domaines et consistant à
poursuivre le processus par l’adoption de nouveaux textes communautaires, alors
que les premiers textes ne sont même pas pris en compte par les Etats. L’application
du droit communautaire pharmaceutique résulte d’abord de son insertion dans l’ordre
juridique national. Ainsi, l’effectivité de ce processus d’harmonisation implique la
mise en œuvre d’actions par les Etats pour sa concrétisation.
679. Il y a de ce fait lieu d’identifier les difficultés liées à l’effectivité du droit
communautaire pharmaceutique. Une telle identification des obstacles est
indispensable, car elle permettra d’envisager les solutions à ces difficultés. Certains
obstacles compromettent la bonne application du droit pharmaceutique harmonisé.
Alors, il sera procédé dans un premier temps à l’analyse des difficultés d’application
du droit pharmaceutique (Titre 1). Dans un second temps, des propositions seront
faites en vue d’une amélioration du rapprochement par harmonisation, afin d’aboutir
à une effectivité du droit communautaire pharmaceutique et à la concrétisation d’une
sécurité des systèmes pharmaceutiques (Titre 2).
832 Pharmacienne/CHRCP/Département du Développement Humain/Commission UEMOA 833 Entretien avec Dr HOUNNOU en février 2017 à la Commission de l’UEMOA
241
TITRE 1. LES DIFFICULTES D’APPLICATION DU DROIT PHARMACEUTIQUE HARMONISE
680. Traiter des obstacles à l’harmonisation du droit pharmaceutique reviendrait, de façon
générale, à aborder la question de l’effectivité du droit communautaire
pharmaceutique dans le droit interne des Etats membres. Aborder cette question de
l’effectivité, « c’est se préoccuper de son adéquation avec les comportements sociaux
et des écarts éventuels entre les normes juridiques et la réalité sociale qu’elles sont
censées régir, entre le droit et l’expérience ». Une règle de droit est effective «
lorsqu’elle produit l’effet voulu », lorsqu’elle réalise son objet. Cette question
d’effectivité de la norme communautaire relève en partie de la bonne volonté des
Etats membres. La notion d’effectivité est cependant à distinguer de la notion
d’efficacité et d’efficience. Pour François RANGEON, « l'effectivité, qui mesure les
écarts entre le droit et son application, tend alors à se confondre avec l‘efficacité,
qui permet d'évaluer les résultats et les effets sociaux du droit et avec l‘efficience,
qui consiste à vérifier que les objectifs assignés à la règle de droit ont été atteints au
meilleur coût ».
681. Il est donc difficile d’isoler la question de l’effectivité d’une norme de droit et son
efficacité. Aborder la question de l’effectivité des normes communautaires
pharmaceutiques au sein de l’UEMOA impliquera, d’une manière ou d’une autre, un
retour à la notion d’efficacité, afin de vérifier si les moyens juridiques utilisés en vue
du rapprochement par harmonisation des droits nationaux pharmaceutiques
permettent d’atteindre l’objectif visé.
682. Pour ce faire, les dispositions du droit communautaire pharmaceutique doivent
permettre et imposer aux Etats le respect de ces normes communautaires. Ainsi,
comme le précise Pierre KENFACK, « c’est le degré de réalisation dans les
pratiques sociales du droit qui caractérise l’effectivité »834. C’est ainsi que
l’effectivité dans la mise en œuvre des règles de droit pharmaceutique permettra de
mesurer la sécurité juridique de ces normes communautaires pharmaceutiques. Cette
effectivité dans la mise en œuvre implique nécessairement l’idée-même de survie de
la règle de droit835.
834 KENFACK Pierre, « La gestion de la pluralité des systèmes juridiques par les Etats d’Afrique noire : les enseignements de l’expérience camerounaise », CRDF, n°7, 2009, p. 159. 835 LASCOUMES Pierre, SERVERIN Évelyne « Théories et pratiques de l'effectivité du droit » Droit et société, n°2, 1986. pp. 110-114.
242
683. Ainsi, il devient crucial de déceler les obstacles qui pourraient empêcher le droit
communautaire pharmaceutique de réaliser son objet et d’être effectif. Les
contraintes qui bloquent l’avancement effectif du rapprochement des législations
pharmaceutiques par la voie d’une harmonisation. Comme le souligne Jean-Claude
JAVILLIER, « l’objectif n’est jamais qu’une norme s’applique sur le papier, mais
bien que les pratiques qui en découlent soient en conformité avec la norme nationale
comme internationale »836.
684. L’identification de ces obstacles dans le domaine pharmaceutique conduit à réaliser
un inventaire des aspects pouvant être considérés comme limites. En ce qui concerne
le droit pharmaceutique communautaire, les obstacles à son application s’identifient
au double niveau : national et communautaire. L’analyse de ces obstacles au
processus d’harmonisation pharmaceutique se fera au niveau interne (Chapitre 1)
comme externe (Chapitre 2), mais également en tenant compte des obstacles
techniques débutant au moment de l’élaboration de la norme jusqu’à sa mise en
œuvre.
836 JAVILLIER Jean-Claude, « Les obstacles juridiques à l’application des normes internationales du travail. Rapport introductif, vendredi 12 janvier 2007, p. 10. Disponible sur : http://www.crimt.org/PDF/JAVILLIER_Obstacles.pdf
243
CHAPITRE 1. LES LIMITES INTERNES A L ’APPLICATION DU DROIT PHARMACEUTIQUE HARMONISE
685. L’harmonisation n’a vraiment de sens que lorsque tous les Etats procèdent à une mise
en conformité réciproque du droit national avec le droit communautaire
pharmaceutique. Avec l’harmonisation, comme le dirait Mireille DELMAS-
MARTY, « …l’écueil de la fragmentation juridique est proche »837. Ce cas de figure
a été observé au sein de l’Union après l’adoption des textes visant à l’harmonisation
du droit pharmaceutique.
686. Aujourd’hui, si le processus d’harmonisation est suspendu, c’est précisément à cause
des difficultés de l’application et de l’effectivité des textes communautaires
pharmaceutiques déjà adoptés au sein des droits internes des Etats membres. Plus
précisément, sur ce point, il faut convenir avec Serge François SOBZE qu’en
Afrique, il existe une frontière entre l’élaboration des règles et leur application, voire
leur mise en œuvre838.
687. Dans ce travail, il s’agira surtout d’identifier l’ampleur, la diversité et la complexité
des difficultés rencontrées par le processus d’harmonisation du domaine
pharmaceutique. Ces difficultés sont d’ordre fonctionnelle (Section 1) et structurelle
au niveau étatique, que communautaire (Section 2). Un tel recensement devrait tenir
compte, comme l’a si bien souligné dans sa thèse Joël TCHUINTE, qu’« il arrive
très souvent que les politiques communautaires restent inappliquées, sans que l’on
puisse à première vue déterminer avec précision les raisons du blocage »839. Cela
implique que l’inventaire des obstacles à l’application de ces normes
communautaires pharmaceutiques ne sont pas évidentes.
Section 1. Les limites fonctionnelles
688. Au sein de l’UEMOA, certaines difficultés freinent l’avancée du processus
d’harmonisation et contribuent à surseoir à l’élaboration de textes dans le cadre de
ce processus. D’une part, l’imprécision des textes juridiques ne facilite pas une
837 DELMAS-MARTY Mireille, « Critique de l’intégration normative : l’apport du droit comparé à l’harmonisation des droits », Paris, Presses Universitaire de France, 1ère éd., 2004, p.28 838 SOBZE Serge François, « Existe-t-il un ordre juridique africain ? », RDIDC, 2017/2, 94e année, p. 235 839 TCHUINTE Joël, L’application effective du droit communautaire en Afrique centrale, Thèse de droit public, Université de Gergy-Pointoise, mai 2011, p. 261
244
application uniforme dans chaque Etat membre des principes communs mis en place
par l’Union (l’exemple de l’harmonisation par voie de recommandations suscite
quelques difficultés de compréhension de leur valeur juridique). D’autre part, la Cour
de Justice, censée contrôler la marge d’appréciation des Etats membres, est inactive.
Il faut également noter un laxisme des Etats dans la mise en place des moyens
nécessaires à une concrétisation du processus d’harmonisation et dans la mise en
place d’une sécurité sanitaire dans la sous-région ouest-africaine. Ce qu’il faut éviter
au sein de l’Union, c’est que le juridique ne soit laissé à la merci du politique, donc
piétiné par ce dernier.
689. Le degré d’harmonisation du droit pharmaceutique est pour l’heure assez faible. Il
est important que le nombre limité de règles communautaires pharmaceutiques ayant
été adoptées soit contrôlé et surveillé pour s’assurer de l’efficacité du processus.
690. Ainsi, l’activité de la Cour de Justice est très limitée dans le domaine
pharmaceutique. Ce qui ne lui permet pas de jouer son rôle d’harmonisation par
l’interprétation du droit communautaire (§ I). Aussi, l’existence de la marge
d’appréciation constitue une limite interne qui freine la concrétisation de
l’harmonisation (§ II).
§ I. Le rôle très limité de la Cour de Justice de l’Union
691. La marge d’appréciation, impliquant pour l’Etat la possibilité de s’écarter du contenu
de la norme communautaire, mais en respectant les principes communs de cette
norme, nécessite pour la concrétisation de l’harmonisation, l’existence d’un véritable
contrôle de sa mise en œuvre. En effet, l’existence d’une marge d’appréciation pour
les Etats dans un processus d’intégration normative implique des mécanismes
d’évaluations et de contrôles840. Ainsi, la Cour de Justice de l’UEMOA a un grand
rôle à jouer dans le processus d’harmonisation841, donc pour la mise en place d’une
sécurité des systèmes de santé. Pour ce faire, la jurisprudence de la Cour de Justice
doit pouvoir compléter et étendre l’harmonisation du droit pharmaceutique dans
chacun des Etats membres. A travers son activité842, la Cour de Justice doit permettre
de « limiter, gommer et atténuer » les différences entres les droits nationaux et le
840 DELMAS-MARTY Mireille, « Un ordre juridique en formation ? », Extrait de la conclusion des cours prononcés au Collège de France en 2005, p. 9. Disponible sur : https://www.uniceub.br/media/49557/Delmas_Marty___Un_ordre_juridique_en_formation__1_.pdf 841 Cf. OUEDRAOGO Sylvain, Les compétences nationales en matière fiscale et la communautarisation des règles dans l'espace ouest-africain, Thèse de droit, Université de Bordeaux, 2015, pp. 501-504, § 1089-1100. 842 Cf. supra., § 324-337.
245
droit communautaire843. Elle peut donc se prononcer844, lorsqu’un Etat s’abstient ou
refuse de prendre les dispositions législatives, réglementaires ou judiciaires
nécessaires, pour une application et une mise en œuvre des actes d’harmonisation845.
Ainsi, l’activité jurisprudentielle participe un tant soit peu à l’effectivité de
l’harmonisation.
692. Toutefois, il peut donc surgir des incompatibilités entre droit interne et droit
communautaire pharmaceutique. Pourtant, dans le domaine pharmaceutique et dans
bien d’autres domaines, l’activité judiciaire est quasi-inexistante au sein de la Cour
de Justice de l’UEMOA (A). L’absence de saisine de la Cour de Justice dans le
domaine pharmaceutique s’explique par la méconnaissance de ce domaine par les
acteurs de la justice (B). Et malheureusement, la Cour de Justice ne dispose pas de
moyens de pressions sur les Etats membres pour que ces derniers appliquent les actes
issus des organes de l’institution. C’est l’une des raisons pour lesquelles son inaction
limite la concrétisation et l’avancement du processus d’harmonisation
pharmaceutique.
A. La saisine limitée de la Cour de Justice
693. L’inactivité de la Cour de Justice en matière pharmaceutique ne signifie pas que le
droit communautaire pharmaceutique soit correctement appliqué dans chacun des
Etats membres. Justement, cette inactivité s’explique plutôt en partie par une saisine
limitée de la CJ-UEMOA par les juridictions nationales. Ce qui ne signifie pas,
encore une fois, que ces dernières appliquent correctement le droit communautaire.
Cela implique alors que les Etats ne sont pas sanctionnés pour le non-respect des
règles communautaires (2). Pourtant, la condamnation d’un Etat peut conduire les
autres Etats à modifier leurs législations et leurs pratiques pour se conformer au droit
communautaire.
694. Tout compte fait, la Cour de Justice doit permettre de consolider les fondements du
processus d’harmonisation pharmaceutique de l’Union. Cette consolidation
nécessite le recours au mécanisme du renvoi préjudiciel qui permet une coopération
843 JOUVE Denis, « La Cour de Justice de l’Union Européenne : instrument d’harmonisation des droits nationaux », Revue des Mutations de Droit, Janvier 2011, p. 1. Disponible sur : http://www.academia.edu/23575287/Revue_des_Mutations_du_Droit_Janvier_2011 844 Cf. supra., § 332-337. 845 SAYEGH Joseph Issa, « La production normative de l’UEMOA-Essai d’un bilan et perspectives », OHADATA, D-03-18, p. 8
246
des juges nationaux et communautaires. Cependant, ce mécanisme est mis en retrait
(2).
1. La mise en marge d’une harmonisation provoquée : le recours préjudiciel
695. Le développement et l’harmonisation effective du droit communautaire résultent
d’une manière ou d’une autre de l’usage de la procédure préjudicielle par les juges
nationaux des Etats membres de l’Union. Dans la mesure où les juges
communautaires, comme nationaux, ne connaissent d’une affaire que lorsqu’ils sont
saisis, leurs rôle et pouvoirs dans la concrétisation du droit pharmaceutique
harmonisé se trouvent relativement limités. Ce constat invite à conserver en l’esprit
cette absence d’auto-saisine des juges en matière d’application du droit
communautaire.
696. Depuis l’entrée en vigueur des textes communautaires harmonisant les
réglementations pharmaceutiques des Etats membres de l’UEMOA, aucun recours
préjudiciel n’a été porté par un juge national devant la CJ-UEMOA846. Pourtant, c’est
le mécanisme du recours préjudiciel qui permet d’assurer une uniformité dans
l’interprétation et l’application des règles communautaires au sein de l’Union ; parce
que ce recours préjudiciel provoque une harmonisation du droit847 par l’interprétation
que la Cour de Justice donne au droit communautaire pharmaceutique. Une
procédure de contrôle de l’application du droit communautaire dont fait usage la
majorité des systèmes d’intégration communautaire tels que l’OHADA, la CEMAC
et l’Union européenne.
697. Observons cependant qu’en matière pharmaceutique, ce mécanisme reste en retrait,
parce qu’aucun juge national n’a été saisi pour statuer sur un litige impliquant le droit
communautaire pharmaceutique. Cette inertie en matière pharmaceutique
n’implique pas pour autant l’inexistence de violations de droits en termes d’accès
aux médicaments, d’accès aux soins pharmaceutiques et de protection de la santé en
général.
846 Cf. Jurisprudence de la Cour de Justice réalisée par le service de documentation de la Cour, Janvier 2018. Ce lien nous a été fourni à titre privé lors de nos échanges avec le service de documentation de la Cour de Justice de l’UEMOA. file:///C:/Users/DIANE/Desktop/Jurisprudence%20CJUEMOA/Sommaire2.htm ; Serge François SOBZE précisait effectivement que « dans les Etats d’Afrique noire francophone, le rôle communautaire des juridictions nationales n’est pas encore suffisamment perceptible. On enregistre par contre une forte pénétration de l’ordre communautaire dans les ordres juridiques », in SOBZE Serge François, « Existe-t-il un ordre juridique africain ? », RDIDC, 2017/2, 94e année, pp. 221-262. 847 Cf. JOUVE Denis, « La Cour de Justice de l’Union Européenne : instrument d’harmonisation des droits nationaux », op.cit, 15 p.
247
698. Ce manque d’usage au recours préjudiciel pose également la question de la
connaissance du droit communautaire pharmaceutique par les juridictions nationales.
699. Certes, la doctrine juridique848 considère que l’analphabétisme849 de la grande
majorité des populations des Etats africains expliquerait cette marginalisation de la
justice étatique. Mais, cela est un point de vue à relativiser, car même les personnes
instruites les pharmaciens, les inspecteurs pharmaceutiques, les fonctionnaires ; sont
quelquefois réticentes à saisir la justice pour faire valoir leurs droits en matière de
protection des droits fondamentaux. Ces comportements pourraient se justifier plus
généralement par une certaine crainte de la justice, doublée du mauvais
fonctionnement des justices étatiques dans la majorité des Etats africains ; faisant
ainsi craindre aux personnes physiques et morales que leurs requêtes ne seraient pas
prises en compte ou traitées convenablement (la durée des procès, qui se solde très
souvent par des demandes de renvois sans limite, conduisant à une attente trop
longue durée pour voir aboutir sa requête devant une juridiction de droit national)850.
848 TCHUINTE Joël, L’application effective du droit communautaire en Afrique centrale, Thèse de droit public, Université de Gergy-Pointoise, mai 2011, p. 419 ; Jocelyn NGOUMBANGO KOHETTO cite l’analphabétisme comme un obstacle culturel de l’accès à la justice, de méconnaissance du droit par la population, in NGOUMBANGO KOHETTO Jocelyn, L’accès au droit et à la justice des citoyens en république centrafricaine, Thèse de droit privé, Université de Bourgogne, 2013, pp. 29-34 ; HOUNYO Narcisse, La Cour de justice de l’Union Economique et monétaire Ouest-Africaine (UEMOA) dans sa fonction de garante de l’interprétation uniforme des normes communautaires, Université de Ouagadougou, UFR Sciences juridiques et politiques, Rapport de stage, DESS en droit des affaires, 2007-2008, p. 48 : « Les populations sont majoritairement analphabètes, ce qui constitue déjà un frein à l’appropriation des normes communautaires » ; PODA Baimanai Angelain, La mise sur le marché et la distribution du médicament en Afrique noire francophone. Réflexions à partir des exemples du Burkina Faso et du Sénégal, Paris, l’Harmattan, 2015, pp. 332-333, § 342 et 343. 849 En 1958, l’UNESCO définit comme analphabète, « une personne incapable de lire et écrire, en le comprenant, un exposé simple et bref de faits en rapport avec sa vie quotidienne ». En 1978, est considéré comme analphabète toute personne qui est « incapable d’exercer toutes les activités pour lesquelles l’alphabétisation est nécessaire dans l’intérêt du bon fonctionnement de son groupe et de celui de sa communauté, de continuer à lire, écrire et calculer en vue de son propre développement et de celui de sa communauté », Disponible sur : https://perso.helmo.be/jamin/euxaussi/alphabet.html L’analphabétisme est une notion subjective qui dépend de normes arbitraires variant selon les lieux, les époques et les enjeux économiques et sociaux de la société. Les personnes pouvant être considérées comme analphabètes ou illettrées sont les personnes qui n’ont jamais (ou pas assez) appris à lire et à écrire dans une langue donnée. Pour plus d’informations sur les notions d’alphabétisme et analphabétisme, cf. Adeline SEURAT, « Questions d’alphabétisation dans le contexte africain », Sciences de l’éducation. Université de Bourgogne, 2012 ; Alain MINGAT, Francis NDEM et Adeline SEURAT, « La mesure de l’analphabétisme en question. Le cas de l’Afrique subsaharienne », Cahiers de la recherche sur l’éducation et les savoirs [En ligne], 12 | 2013, mis en ligne le 26 mars 2014, consulté le 11 juin 2018. URL : http://journals.openedition.org/cres/2288 ; http://communaute-francaise.lire-et-ecrire.be/images/documents/pdf/relais_alpha/lee_fiche1.pdf 850 Cf. « Rapport de recherche, Le droit à la santé en Côte d’Ivoire : état des lieux », Rapport conjoint de Human Dignity, du Mouvement Ivoirien des Droits Humains et de la Clinique de droit de l’Institut d’Etudes politiques de Paris (Sciences Po Paris) », 1er août 2017, p. 14, Disponible sur : http://www.cacit.org/wp-content/uploads/2017/08/RAPPORT-HUMAN-DIGNITY.pdf ; Cf. également Centre pour la Gouvernance Démocratique-Burkina Faso (CGD), « Rapport sur la Justice et l’Etat de droit au Burkina Faso », Septembre 2011, pp. 24-28 et pp. 46-47.
248
700. Pourtant, il faut convenir avec Yves D. YEHOUESSI que c’est le mécanisme du
recours préjudiciel « qui permettra le développement de la jurisprudence de la Cour
de Justice et l’harmonisation du droit communautaire »851 ; d’autant plus que depuis
l’arrêt Administration des douanes de l’Etat c/ SA Simmenthal du 9 mars 1978852 et
l’arrêt Nicolo du CE français853, les dispositions d’une norme communautaire
prévalent sur une loi ordinaire nationale. Ainsi, le juge national devient un juge de
droit commun du droit communautaire.
701. Ce manque de coopération entre les juridictions de droit national et communautaire
ne favorise pas une efficacité et une effectivité du droit communautaire UEMOA.
S’agissant du recours préjudiciel en droit pharmaceutique, ne faudrait-il pas procéder
à une plus large ouverture de ce recours ? Ce d’autant plus qu’une auto-saisine des
juges communautaires est difficile à justifier. Il y a donc un intérêt à prévoir une
saisine indépendante des Etats : une saisine par des inspections, des associations de
patients, etc. Aussi, prévoir l’ouverture de ce recours aux Autorités de
Réglementation Pharmaceutique (ARP) et même à la Cellule chargée de
l’harmonisation pharmaceutique, qui sont les acteurs directs de l’application de la
norme communautaire, s’avère profitable. Ce qui signifie qu’il faut tendre vers une
« déconcentration des questions préjudicielles ». C’est donc au niveau national qu’il
faut revoir l’usage du droit communautaire qui pourrait tendre vers un recours devant
les juridictions nationales.
702. Ces remarques portant sur le rôle limité de la CJ-UEMOA en matière
d’harmonisation pharmaceutique ne peuvent cependant, impliquer une conclusion
quant à l’ineffectivité du droit communautaire pharmaceutique harmonisé. Comme
le précise Jean CARBONNIER dans son célèbre ouvrage « Flexible droit »854, « il
serait imprudent de conclure à l’effectivité ou à l’ineffectivité d’une disposition
légale sans un examen détaillé de l’hypothèse ». Ainsi, d’autres paramètres doivent
851 YEHOUESSI Yves D., « Communication de la Cour de Justice de l’UEMOA », in Les actes du Colloque de Ouagadougou, L’Application du droit international dans l’ordre juridique interne des Etats d’Afrique francophone, 24-26 juin 2003, Les cahiers de l’Association Ouest-Africaine des hautes juridictions francophones, pp. 343-357. 852 Arrêt de la Cour du 9 mars 1978, « Administration des finances de l'État contre Société anonyme Simmenthal » Demande de décision préjudicielle : Pretura di Susa - Italie. Non-application par le juge national d'une loi contraire au droit communautaire. Affaire 106/77. 853 CE, arrêt Nicolo, du 20 octobre 1989. 854 CARBONNIER Jean, Flexible droit – Pour une sociologie du droit sans rigueur, LGDJ, Paris, 10ème Édition, 2001, 493 p.
249
être pris en compte pour conclure à l’effectivité ou à l’ineffectivité du droit
communautaire pharmaceutique.
703. Pour ce faire, « constitué par le droit, l’ordre juridique ne peut se consolider et se
développer qu’au moyen du droit »855. Les juges communautaire et national
deviennent ainsi les principaux vecteurs pouvant contribuer à l’avancée du droit
pharmaceutique harmonisé. Aussi, le contrôle par la Cour de Justice du respect des
réglementations pharmaceutiques communautaires par les Etats, au travers du
mécanisme du recours en manquement, est également important.
2. L’inertie du recours en manquement : un obstacle politique
704. Ce recours en manquement permet à la Cour de Justice de contrôler le respect par les
Etats membres des obligations qui leur incombent en vertu du Traité de Dakar856.
Ces obligations incombant à chaque Etat membre dans le cadre du droit
pharmaceutique se retrouvent dans l’article 7 du Traité constitutif de l’Union857.
C’est un recours aux contours politiques délicats. Cela constitue l’une des raisons
pour lesquelles le recours en manquement est tout simplement théorique dans la
jurisprudence de la Cour de Justice de l’UEMOA. En effet, le souci de préserver les
relations de bon voisinage entre les pays858 conduit à une certaine inertie du recours
en manquement859. Ni la Commission ni un Etat membre ne veut intenter un recours
en manquement contre un autre Etat membre. Le mécanisme du recours en
manquement devrait pourtant être renforcé et faire l’objet d’usage par les Etats
membres.
705. Même face au non-respect par un Etat des obligations du Traité et du droit
communautaire, les autres Etats ne saisissent pas la Cour de Justice aux fins de faire
constater le manquement de l’Etat fautif. L’analyse de la jurisprudence de la Cour
de Justice n’a pas permis de déceler un recours en manquement contre un Etat dans
l’application des textes communautaires adoptés dans le cadre du rapprochement par
harmonisation du droit pharmaceutique ; ni un avis quant à un possible conflit de
855 TCHUINTE Joël, L’application effective du droit communautaire en Afrique centrale, op.cit., p. 497. 856 Cf. supra., § 332-337. 857 Article 7 : Les Etats membres apportent leur concours à la réalisation des objectifs de l'Union en adoptant toutes mesures générales ou particulières, propres à assurer l'exécution des obligations découlant du présent Traité. A cet effet, ils s'abstiennent de toutes mesures susceptibles de faire obstacle à l'application du présent Traité et des actes pris pour son application. 858 AKA Narcisse, « La problématique des processus d'intégration judiciaire dans l'espace OHADA », Premier symposium sur l’intégration africaine, Abidjan, Institut Goethe, les 4 et 5 juillet 2008, p. 71. 859 Cf. Anicet Oloa ZAMBO, L’intégration africaine en question, Paris, l’Harmattan, 2011, p. 138-139.
250
compétences entre l’Union et un Etat membre dans le domaine de la santé en général.
Cependant, le contentieux le plus fréquent est celui relatif à la fonction publique
communautaire ; donc entre l’Union et ses agents860. Sans doute, par ce que les
agents travaillant au sein de l’UEMOA voient leurs intérêts individuels en jeu.
706. L’UEMOA gagnerait pourtant à renforcer le mécanisme du recours en manquement
en le rendant plus contraignant, comme l’affirme Ousmane BOUGOUMA861, et en
sanctionnant les écarts des Etats membres compromettant le processus d’intégration
juridique dans le domaine pharmaceutique.
707. La Cour de Justice dispose d’une marge d’interprétation de la norme communautaire,
mais elle ne pourra se prononcer sur la portée qu’elle entend donner au droit
communautaire que si elle fait l’objet d’une saisine par un Etat membre, un
particulier ou par la commission. C’est un constat inquiétant, dans la mesure où
aucun texte de loi ne prévoit la possibilité pour la Cour de Justice de s’autosaisir pour
contrôler l’application des textes communautaires862. Toutefois, par requête de la
Commission, elle peut mettre en œuvre les interprétations exactes d’un texte
communautaire au profit de la juridiction supérieure d’un Etat membre, s’il est
constaté une interprétation erronée des dispositions du Traité863. Mais, un tel pouvoir
ne s’exerce qu’uniquement dans le cadre du fonctionnement du recours préjudiciel
et non du recours en manquement. L’action d’interprétation du juge communautaire
participe à l’effectivité des normes communautaires harmonisées. Pourtant, le rôle
joué actuellement par le juge communautaire dans le processus d’intégration
juridique n’est pas vraiment perceptible.
708. Faudrait-il peut-être doter la Cour de Justice de nouvelles compétences ? Pourquoi
pas l’investir d’un pouvoir supranational à l’image de la Cour Commune de Justice
et d’Arbitrage (CCJA) de l’OHADA qui joue le rôle d’une Cour de Cassation864
860 Cour de Justice de l’UEMOA, Jurisprudence, Service de la documentation, janvier 2018. 861 BOUGOUMA Ousmane, « La libre circulation des marchandises en droit communautaire UEMOA et Union européenne : approche comparative sous l’angle commercial » in Elias. T. AYUK, Samuel T. KABORE, S’intégrer pour s’enrichir. Intégration et réduction de la pauvreté, Editions Springer, IDRC, CRDI, juin 2012, p. 164. 862 Cf., Traité de l’UEMOA ; Règlement n° 1/96/CM portant règlement des procédures de la Cour de Justice de l'UEMOA ; Protocole additionnel n°01 relatif aux organes de contrôle de l’UEMOA. 863 Article 14 du Protocole Additionnel n°1 relatif aux organes de contrôle de l’UEMOA. 864 Cf. ASSEPO ASSI Eugène, « La Cour commune de justice et d’arbitrage de l’OHADA : un troisième degré de juridiction. », in Revue internationale de droit comparé, Vol. 57 n°4,2005. pp. 943-955 ; Gaston Kenfack-DOUAJNI, « L’expérience internationale de la Cour commune de justice et d’arbitrage de l’OHADA. L’indépendance de la justice », Nov 2007, Dakar, Sénégal. pp.115, 2007, AHJUCAF.
251
lorsqu’une juridiction nationale est saisie d’une question relative au droit
communautaire OHADA865 ?
709. Tout compte fait, ce rôle très limité de la CJ-UEMOA dans le domaine
pharmaceutique pourrait s’expliquer par une méconnaissance de ce domaine par les
acteurs de la justice.
B. Le droit pharmaceutique, un domaine peu connu des acteurs de la justice
710. Pour développer l’activité de la Cour, il est important que le domaine
pharmaceutique soit connu des acteurs de la justice (1). Une nécessité, car il est
difficile, par exemple, de trouver des avocats spécialisés dans le domaine de la santé
(2).
1. L’absence de juges communautaires et internes spécialisés en droit de la santé
711. Un constat reste essentiel à souligner : celui de la formation des juges
communautaires et internes en droit de la santé, en général, et en droit
pharmaceutique, en particulier. Dans la grande majorité des pays africains, ont
longtemps existé et perduré deux principales branches du droit : le droit public et le
droit privé866. Aujourd’hui, c’est le droit des affaires que les citoyens alphabétisés
ou non connaissent, pour les aspects économiques que peut impliquer une telle
branche du droit. Les juges internes sont donc formés en tenant compte de ces deux
principales spécialités. Pour le citoyen, les juges connaissent des affaires
privées ayant généralement une incidence économique : le droit du travail, le droit
commercial, le droit des sûretés, etc.
712. Ainsi, le développement tardif du droit de la santé dans les pays de l’Afrique de
l’Ouest n’a pas permis aux citoyens de connaître la possibilité pour eux de faire
valoir leurs droits en matière sanitaire devant le juge interne. L’intervention du juge
national dans le domaine pharmaceutique est quasi-inexistante dans les Etats
membres de l’Union867. Aussi, l’absence de juridictions spécialisées dans les
questions sanitaires ne favorise-t-il pas cette intervention judiciaire. C’est ainsi qu’il
existe très peu de décisions judiciaires dans le domaine médical. En plus, les
865 KONE Mamadou, Le nouveau droit commercial des pays de la zone OHADA : comparaison avec le droit français, LGDJ, Paris, 2003, p. 6 et 7, § 6. 866 Cf. Vincent Kangulumba Mbambi, « Les droits originellement africains dans les récents mouvements de codification : le cas des pays d’Afrique francophone subsaharienne », Les Cahiers de droit, Volume 46, numéro 1-2, 2005, pp. 315–338. 867 Pourtant, il existe néanmoins quelques décisions judiciaires dans le domaine médical.
252
particuliers, les institutions étatiques, les ONG ignorent parfois l’existence d’un droit
pour eux de saisir la justice lorsqu’une situation juridique et économique compromet
leur droit constitutionnel à la santé.
713. Les affaires pharmaceutiques et l’importance de la sécurité sanitaire vont peut-être
nécessiter la mise en place d’un juge spécial du domaine pharmaceutique ; et même
nécessiter la création de juridictions spécialisées dans les questions de santé. Ce,
d’autant plus que les infractions relatives à la santé sont des contentieux « …parfois
techniques et souvent complexes qui requièrent une qualification juridique exacte
des faits et une bonne connaissance du contexte économique et sanitaire dans lequel
ces infractions ont été commises »868. La spécialisation des magistrats sera donc un
atout. De plus, il faut prendre en compte le fait que, dans certaines matières, les
décisions judiciaires sont fortement influencées par le politique.
2. L’absence d’avocats spécialisés en droit de la santé
714. L’accès à la justice pour un citoyen africain est parfois difficile sans l’aide d’un
avocat ou d’un conseil juridique. Pourtant, dans la grande majorité des Etats
membres de l’UEMOA, plus de la moitié des avocats intervient dans le domaine du
droit des affaires. Au Burkina Faso, des 173 avocats inscrits au barreau au 1er janvier
2016869, les 90% n’interviennent qu’en droit des affaires (le droit commercial, le
droit des sociétés, le droit immobilier, le droit du travail, etc.) et en droit de la famille.
De même, en Côte d’Ivoire, il n’existe quasiment pas un conseil juridique dans le
domaine pharmaceutique comme celui de l’accès aux médicaments870, des violations
des droits des patients par les officines pharmaceutiques, du contrôle de l’obligation
de l’Etat dans la protection de la santé des citoyens. En cas de violation du droit à la
santé, lorsque les citoyens ont recours aux services des avocats, ces derniers
préconisent souvent la recherche d’un arrangement, car ils ne connaissent pas ce droit
spécifique de la santé871. Pourtant, dans certains pays du Nord, il existe de plus en
868 Réponse du Ministère de la Justice publiée dans le JO Sénat du 28/03/2002 - page 934 à la question écrite n° 38168 de M. Georges Gruillot (Doubs - RPR) publiée dans le JO Sénat du 31/01/2002–p. 275. Disponible sur : https://www.senat.fr/questions/base/2002/qSEQ020138168.html 869 Ordre des avocats du Burkina 870 Cf. Rapport de recherche, « Le droit à la santé en Côte d’ivoire : état des lieux », Rapport conjoint de Human Dignity, du Mouvement Ivoirien des Droits Humains et de la Clinique de droit de l’Institut d’Etudes politiques de Paris (Sciences Po Paris), 1er août 2017, p.13., Disponible sur : http://www.cacit.org/wp-content/uploads/2017/08/RAPPORT-HUMAN-DIGNITY.pdf 871 Rapport de recherche, « Le droit à la santé en Côte d’ivoire : état des lieux », Rapport conjoint de Human Dignity, du Mouvement Ivoirien des Droits Humains et de la Clinique de droit de l’Institut d’Etudes politiques de Paris (Sciences Po Paris), 1er août 2017, p.14., Disponible sur : http://www.cacit.org/wp-content/uploads/2017/08/RAPPORT-HUMAN-DIGNITY.pdf
253
plus d’avocats spécialistes et des conseils juridiques sur les questions de santé et de
droit pharmaceutique.
715. Ce manque d’avocats spécialisés dans les questions sanitaires freine la saisine des
juges nationaux par les particuliers pour résoudre les litiges nécessitant une
application du droit communautaire pharmaceutique. Il serait ainsi nécessaire
d’intégrer dans les écoles de formation des magistrats et des facultés de droit des
modules spécifiques sur le droit pharmaceutique (le droit du médicament, le droit de
la fabrication, la distribution, l’information et la publicité sur le médicament).
716. Il serait intéressant que cette initiative soit adoptée au niveau communautaire, afin,
d’harmoniser les modules de formations. En effet, il faut réduire la marge
d’appréciation des Etats de la norme communautaire, car cette marge peut constituer
un frein à l’effectivité de l’harmonisation des réglementations pharmaceutiques.
§ II. L’existence d’une marge d’appréciation pour les Etats, un possible frein à l’instauration d’une sécurité sanitaire régionale
717. L’harmonisation entraîne l’existence d’une norme laissant des marges
d’appréciations872 à ses destinataires873. L’existence de cette marge d’appréciation
laissée aux Etats peut entraîner une dénaturation du contenu de l’instrument juridique
par l’adoption des outils de mise en œuvre.
718. Les recommandations de Bonnes Pratiques de Fabrication, de distribution, de
publicité et d’information sur les médicaments en sont un exemple. Le fait de
permettre à chaque Etat membre d’élaborer sa réglementation nationale sur la
publicité et l’information médicale sur la base des principes communautaires en la
matière a conduit certains Etats à garder leurs anciennes législations nationales sans
les modifier pour vraiment les adapter aux principes communautaires.
719. Le fait pour l’Union de laisser une marge d’appréciation implicite aux Etats
membres a conduit à l’existence de divergences entre les droits nationaux ; certains
Etats ayant élaboré leur droit national sous l’inspiration de ces décisions
communautaires, d’autres ayant adopté des textes nationaux sans vraiment tenir
compte de la décision communautaire n°10/2010/CM/UEMOA portant adoption des
lignes directrices pour le contrôle de l’information et la publicité sur les médicaments
872 Cf. supra., § 202-210. 873 DELMAS-MARTY Mireille, « Critique de l’intégration normative : l’apport du droit comparé à l’harmonisation des droits », op.cit., p. 27.
254
auprès des professionnels de la santé. Il faut sur ce point se référer à la Côte d’Ivoire
qui cite explicitement la décision communautaire dans son décret n°2016-717 du 14
septembre 2016 portant réglementation de la publicité des médicaments, des autres
produits de santé et des établissements pharmaceutique et le Burkina Faso qui, dans
son arrêté n°2017-458 portant condition de la publicité sur les médicaments et autres
produits pharmaceutiques, ne fait aucunement référence à la décision
communautaire874.
720. Le risque inhérent est d’assister, comme l’affirmait Mireille DELMAS-MARTY,
IZORCHE Marie-Laure, à un « pluralisme juridique qui n’est pas ordonné »875. Le
contexte particulier des Etats africains animés par l’engagement pour des
« déclarations d’intentions » plutôt que pour une mise en œuvre efficace et réelle de
leurs adhésions à des processus d’intégration normative invite à revoir la possibilité
d’une marge de manœuvre dans le processus particulier d’harmonisation du droit
pharmaceutique. Ces déclarations pourraient trouver leur fondement dans le fait que
généralement, en Afrique, les processus d’intégration régionale tendent plus vers une
organisation « intergouvernementale » que vers celle requise de
« supranationale »876. Cela tend à remettre en cause l’existence d’un véritable
transfert de souveraineté.
721. Ainsi, le droit pour chaque Etat de « s’écarter » de la norme communautaire doit tout
simplement être limité compte tenu des divergences d’interprétations de la norme
communautaire au sein de ces Etats (B). Une limitation qui va nécessiter de revoir
l’adoption des normes communautaires et nationales afin de les coordonner (A).
A. L’absence d’articulation entre le droit communautaire et le droit national
722. Les difficultés liées à l’application du droit communautaire dans les Etats membres
résultent de l’adoption des normes juridiques nationales et communautaires
874 Cf. supra., § 664. 875 DELMAS-MARTY Mireille, IZORCHE Marie-Laure, « Marge nationale d’appréciation et internationalisation du droit. Réflexions sur la validité formelle d’un droit commun pluraliste », Revue internationale de droit comparé, Vol. 52 n°4, Octobre-Décembre 2000, pp. 758-759. Dans son ouvrage, Critique de l’intégration normative, DELMAS-MARTY Mireille affirmait également que « …la notion de marge peut conduire à une pluralisme de juxtaposition qui tend à la négation de l’idée même d’intégration juridique. », cf. DELMAS-MARTY Mireille, Critique de l’intégration normative : l’apport du droit comparé à l’harmonisation des droits, Paris, Presses Universitaire de France, 1ère éd., 2004, p. 19. 876 LAVERGNE Réal (dir.), Intégration et coopérations régionales en Afrique de l’Ouest, Editions KARTHALA et CRDI, Paris, 1996, p. 12.
255
encadrant le même domaine (1). Mais, surtout, d’un manque de coordination des
actions communautaires et nationales (2).
1. Une pléthore de textes juridiques au niveau national encadrant le même domaine
723. Le droit communautaire n’intervient pas toujours dans le domaine pharmaceutique
que pour combler un vide juridique, mais aussi pour améliorer les règles déjà
existantes dans l’arsenal juridique national des Etats.
724. L’une des conséquences de l’existence d’une marge nationale dans un processus
d’harmonisation est l’adoption de plusieurs textes juridiques. Dans certains Etats
membres, l’arsenal juridique pharmaceutique contient dorénavant non seulement les
textes communautaires, les anciens textes nationaux, mais également les nouveaux
textes nationaux reprenant les principes communs préconisés par les textes
communautaires visant à l’harmonisation877. Des difficultés surgissent lorsque les
droits nationaux et le droit communautaire régissent le même objet et dans les mêmes
dimensions. Julien BETAILLE qualifie ce phénomène « d’inflation normative »
dans sa thèse878. Une inflation normative qui a des conséquences négatives sur la
qualité et l’application de la norme. L’identification des normes positives dans le
domaine pharmaceutique par les professionnels de la santé, tout comme par les
particuliers, devient difficile et peut conduire à une ineffectivité de ces normes du
fait de leur ignorance879. L’existence d’un tel phénomène dans le domaine
pharmaceutique et sanitaire en général entraîne des répercussions considérables sur
la sécurité-même des systèmes de santé. Il en résulte très souvent une superposition
des ordres juridiques interne et communautaire, avec pour conséquence une
illisibilité des règles de droit communautaire. Une chose qui ne facilite pas une
compréhension claire des règles nationales et communautaires de droit
pharmaceutique par le particulier, voire par le juge interne et les conseils juridiques.
Comme affirmé lors du Colloque de Ouagadougou en 2003, une telle superposition
des deux ordres juridiques laisse craindre « qu’en définitive ne se construise un
véritable labyrinthe procédural dans lequel se perdraient et le juge et le justiciable,
877 Cf. Recueil de textes réglementaires de la DGPML, 2014. 878 BETAILLE Julien, Les conditions juridiques de l’effectivité de la norme en droit public interne : illustrations en droit de l’urbanisme et en droit de l’environnement, Thèse de droit, Université de Limoges, Facultés de droit et sciences économiques, soutenue le 7 décembre 2012, p. 336. 879 BETAILLE Julien, Les conditions juridiques de l’effectivité de la norme en droit public interne : illustrations en droit de l’urbanisme et en droit de l’environnement, op.cit., p. 337 ; Cf. Jean Carbonnier, Droit et passion du droit sous la Vème République, Paris, Flammarion, octobre 2008.
256
et qui déboucherait sur un déni de justice »880. C’est principalement le problème de
l’harmonie entre les actions de l’Union et celles de ses Etats membres dans
l’adoption et l’application des textes juridiques qui se pose.
725. L’observation du système réglementaire pharmaceutique a permis de constater
l’existence de plusieurs décrets et arrêtés régissant le domaine pharmaceutique ; de
la fabrication à la dispensation au consommateur. Serge François SOBZE précisait
ainsi que « le caractère disparate des règles et principes dans les ordres juridiques
africains empêche d’envisager l’existence d’un ordre unitaire, suffisamment
cohérent et homogène. Cette absence de cohérence est à l’origine de la fragilité qui
caractérise lesdites règles »881.
726. En l’absence d’un véritable Code de santé publique dans la grande majorité des Etats
membres de l’Union882, ces textes ne sont pas connus de tous, et on assiste ainsi à
l’adoption de plusieurs textes juridiques qui ne feront pas l’objet d’application. Les
textes juridiques nationaux se retrouvent alors dans les lois, les arrêtés, les décrets,
etc. Au Burkina Faso, le CSP est contenu dans une loi qui date de 1994. Le système
sanitaire burkinabè a par la suite évolué, pourtant ce code est toujours en vigueur.
Dans le recueil de textes réglementaires de la DGPML de 2014, plusieurs nouveaux
textes juridiques ont aussi modifié le système pharmaceutique. Pourtant, le système
de hiérarchisation des normes juridiques (nationales, communautaires,
internationales) est applicable dans les pays de l‘UEMOA.
727. Le risque à ce niveau est que les textes communautaires pharmaceutiques demeurent
lettre morte au sein des Etats. Ce qui est inconcevable en principe, mais résulte
néanmoins d’un fait réel. Le principe de primauté du droit communautaire est très
souvent battu en brèche. Joël TCHUINTE qualifie cela de « législations à deux
étages »883.
728. Tout comme dans la grande majorité des organisations d’intégration régionale ou
sous- régionale africaine884, l’UEMOA ne dispose pas d’un organe chargé de
880 Les actes du Colloque de Ouagadougou, « L’application du droit international dans l’ordre juridique interne des Etats d’Afrique francophone » 24-26 juin 2003, Les Cahiers de l’Association Ouest-Africaine des hautes juridictions francophones, Rapport Général, p. 377. 881 SOBZE Serge François, « Existe-t-il un ordre juridique africain ? », RDIDC, 2017/2, 94e année, p. 234 882 Cf. Charles BECKER, « L’état de la codification sanitaire au Sénégal : vers un Code de la santé ? », Animation régionale de Dakar Réseau des chercheurs “Droit de la Santé”, Agence Universitaire de la Francophonie, Disponible sur http://rds.refer.sn/IMG/pdf/1BECKERCODESENEGALANIMA.pdf 883 TCHUINTE Joël, L’application effective du droit communautaire en Afrique centrale, op.cit., p. 140. 884 TCHUINTE Joël, L’application effective du droit communautaire en Afrique centrale, op.cit., p. 149.
257
contrôler la production normative des Etats membres dans le domaine
pharmaceutique et de la confronter à la production normative communautaire885.
2. L’absence de coordination des interventions étatiques et communautaires dans le domaine pharmaceutique
729. Le processus d’harmonisation des réglementations pharmaceutiques au sein de
l’Union est certes appréciable, mais il n’en demeure pas moins que ce processus
aggrave les difficultés quant à la connaissance du droit positif pharmaceutique dans
les Etats membres. Il faut souligner également que les actes communautaires
harmonisés ne s’inscrivent pas dans un total vide juridique au niveau des droits
internes des Etats. Pour certains aspects du droit pharmaceutique, des
réglementations nationales préexistent. D’où l’importance de coordonner les actions
communautaires avec celles des Etats membres.
730. L’une des difficultés qui existent et qui compromettent l’harmonisation dans le
domaine pharmaceutique vient du fait que l’intervention étatique dans le domaine et
celle de l’organisation supra-étatique ne sont pas coordonnées. Pour ainsi dire, au
moment où l’Union économique adopte des textes pour harmoniser le secteur
pharmaceutique dans toute la zone communautaire, on assiste à l’intervention de
certains Etats qui adoptent également des textes juridiques nationaux encadrant le
même domaine. Certes, le système juridique du droit communautaire de l’UEMOA,
dominé par un partage de compétences, prévoit parfois une coexistence entre le droit
communautaire et le droit national. Tel est le cas en matière de droit communautaire
de la concurrence où les deux ordres juridiques coexistent886. Cependant, la mise en
cohérence des différents systèmes juridiques ; communautaire et national ; est
nécessaire afin d’assurer une effectivité et une application du droit communautaire
pharmaceutique. Cette articulation des rapports entre le droit communautaire de
l’UEMOA et les droits nationaux déterminera l’existence d’une véritable sécurité
juridique887.
885 Cf. supra., § 518-523. 886 YEHOUESSI Yves D., « Communication de la Cour de Justice de l’UEMOA », in « l’Application du droit international dans l’ordre juridique interne des Etats d’Afrique francophone », op.cit., p. 354 887 ABARCHI Djibril, « Sécurité juridique et enjeux normatifs en Afrique de l’Ouest dans le domaine du droit des affaires », Ohadada D-12-27, p. 227. Communication faite au Colloque sur « La concurrence des organisations régionales africaines », tenu en 2009 à l’Université de Bordeaux IV.
258
731. Les Etats omettent généralement de procéder, après l’introduction du droit
communautaire harmonisé dans leurs droits nationaux, à une certaine harmonisation
du droit communautaire avec certaines lois nationales.
732. Ni dans le règlement n°02/2005 portant harmonisation des réglementations
pharmaceutiques, ni dans le règlement n°06/2010/CM/UEMOA portant
homologation des médicaments à usage humain, ni dans les décisions portant bonnes
pratiques de fabrication, distribution, information et publicité, l’Union ne précise
l’état du droit national pharmaceutique après l’entrée en vigueur du droit
communautaire harmonisé. Elle ne précise pas quel droit doit régir les situations de
droit postérieures à l’entrée en vigueur des dispositions communautaires
harmonisées. La cohérence du système juridique de l’UEMOA est pourtant
indispensable pour une application effective des textes communautaires.
733. A l’heure actuelle, l’observation du système juridique de l’UEMOA laisse paraître
que le droit communautaire pharmaceutique tolère l’existence du droit national
pharmaceutique régissant le même objet ; d’autant plus que les Etats qui ne se
conforment pas au droit communautaire pharmaceutique ne sont pas sanctionnés.
Pourtant, en se référant à l’article 6 du Traité de Dakar, toute norme nationale
postérieure ou antérieure à la norme communautaire est sans effet. Ainsi, une
disposition de droit interne ayant le même objet qu’une norme communautaire et qui
a été adoptée antérieurement ou postérieurement à cette norme communautaire n’a
en principe pas vocation à s’appliquer dans l’ordre juridique national888. De plus,
lorsque cette disposition interne est contraire à la norme communautaire, elle doit
dorénavant être considérée comme abrogée889. Mais, il aurait été plus judicieux pour
l’UEMOA d’être beaucoup plus précise en droit communautaire pharmaceutique en
prévoyant une primauté spéciale pour le droit communautaire pharmaceutique. Cette
primauté spéciale aurait permis une meilleure prise en compte des normes
communautaires par les ARP ; qui pourront, de ce fait, s’abstenir d’adopter des
normes pharmaceutiques contraires, antérieures ou postérieures, aux normes
communautaires.
734. Le principe de l’article 6 du Traité de Dakar implique pour les Etats de faire un point
sur toutes les normes de droit national ayant le même objet, par exemple régissant
888 Cf. supra., § 245-256. 889 ISSA-SAYEGH Joseph, « La production normative de l’UEMOA-Essai d’un bilan et perspectives », Ohadata, D-03-18, p. 11.
259
l’Autorisation de Mise sur le Marché des médicaments à usage humain et de procéder
à une comparaison afin de déceler toutes les dispositions contraires à celles
communautaires. Cependant, l’article 6 ne concerne pas uniquement les dispositions
nationales contraires, mais « toute disposition antérieure ou postérieure ». Ainsi,
certaines dispositions nationales importantes et utiles pouvant compléter et améliorer
le droit communautaire dans l’Etat membre seront obsolètes du fait de l’application
de l’article 6 du Traité. Une telle démarche n’est pas totalement satisfaisante en droit
pharmaceutique, lorsque l’objectif principal est la protection de la santé des citoyens
à travers la mise en place d’une sécurité des systèmes de santé.
735. Un tel procédé ne donne aucune garantie quant à l’application uniforme et effective
des dispositions communautaires. Toutes ces raisons conduisent à revoir le choix du
moyen d’intégration juridique du droit pharmaceutique et le choix de l’instrument
juridique communautaire nécessaire au rapprochement des droits pharmaceutiques
nationaux. Il est aussi à noter que l’ambiguïté de certains articles du Traité et de
certains textes communautaires adoptés dans le cadre du processus
d’harmonisation890 ne facilite pas l’application du droit communautaire par les Etats
membres. D’une part, parce que les Etats se heurtent à une interprétation difficile des
dispositions communautaires et, d’autre part, parce que la Cour de Justice ne se
prononce pas sur l’interprétation de ces dispositions. Toute reconsidération du choix
de l’instrument juridique d’intégration doit enfin tenir compte qu’au sein des
Autorités de réglementation pharmaceutique des Etats membres, il existe rarement
de juristes aidant les pharmaciens dans l’interprétation et l’application des textes.
736. Tout compte fait, les Etats de l’UEMOA devront apprendre à ordonner les règles de
droits internes et celles de droit communautaire, car cette complexité ne peut être
totalement supprimée, dans la mesure où la production communautaire du droit
continuera. Aussi, il est quasiment impossible de créer un « droit commun » du droit
pharmaceutique qui viendrait remplacer les droits nationaux891.
890 Décision n°10/2010 portant information et publicité des médicaments dans les Etats membres de l’UEMOA 891 Cf. Mireille DELMAS-MARTY qui, parlant de l’Europe, a fait la même remarque : « L’enjeu n’est pas seulement technique, il est aussi d’ordre épistémologique. En effet, je ne crois pas que la solution soit de supprimer la complexité. On peut, certes, la déplorer, mais on ne la supprimera pas. Mieux vaut apprendre à l’ordonner, car il est sans doute impossible, au stade actuel, de concevoir un droit commun qui serait appelé à remplacer le droit national. Le droit européen se rajoutera sans doute, pendant longtemps encore, aux systèmes nationaux ; ce qui devrait nous obliger à apprendre à ordonner sources multiples, voies et moyens hétérogènes et processus évolutif », in DELMAS-MARTY Mireille , « Le phénomène de l’harmonisation : l’expérience contemporaine » in FAUVARQUE-COSSON Bénédicte (dir.), Pensée juridique française et harmonisation européenne du droit, Volume 1, Paris, Société de législation comparée, 2003 p. 51 ; Article publié également dans « L’harmonisation
260
737. Il est donc nécessaire que la norme communautaire soit interprétée d’une manière
uniforme dans les Etats.
B. Des divergences d’interprétations compromettant l’harmonisation
738. L’interprétation est généralement définie comme une opération par laquelle une
signification est attribuée à une chose. L’interprétation du droit communautaire
pharmaceutique concerne la signification donnée à la norme communautaire
pharmaceutique. Elle participe à la mise en œuvre concrète et efficace de la norme
juridique par tous les systèmes juridiques des Etats membres. Ainsi, la doctrine
considère que « l’interprétation à une fonction essentielle de réalisation de la norme
qui, sinon, se réduirait à un simple énoncé vide de sens, et donc de force. Sans
interprétation, la norme n’existerait tout simplement pas »892.
739. Cette interprétation du droit communautaire harmonisé est parfois source de
difficultés pour la concrétisation de l’harmonisation, dans la mesure où chacun des
Etat à une compréhension différente des textes communautaires. Il en résulte alors
des applications divergentes qui sont susceptibles de remettre en cause l’objectif
général de rapprochement des droits nationaux sur la base de principes communs.
740. Toutefois, le succès de ce processus d’harmonisation des normes pharmaceutiques
est lié à l’interprétation que les organes communautaires et étatiques donnent aux
textes communautaires (1).
741. En Afrique, pourtant, le droit de la santé, à l’image du droit pharmaceutique, est un
droit jeune et non encore complètement enraciné. Ce constat, s’ajoutant au fait que
le processus d’harmonisation du droit pharmaceutique au sein de l’UEMOA est
récent, nécessite que ce départ juridique soit une réussite. L’interprétation des textes
communautaires pharmaceutiques par les instances étatiques se doit donc d’être
contrôlée et suivie.
742. L’interprétation est essentielle et importante, car elle fait évoluer la signification
originelle des textes juridiques et contribue à leur application uniforme ou
différenciée dans les Etats membres. Cette fonction d’interprétation dépend en
grande partie de la clarté des normes juridiques communautaires (2).
du droit des contrats en Europe », Christophe JAMIN, Denis MAZEAUD (dir.), Paris, Economica, Collections d’études juridique, 2001, pp. 23-56. 892 DUBOUT Edouard, « Interprétation téléologique et politique jurisprudentielle de la Cour Européenne des Droits de l’Homme », Rev. Trim. dr. h, 74/2008, p. 384.
261
1. Les organes chargés de l’interprétation des textes communautaires dans les Etats
743. S’intéresser à cette question renvoie d’une manière ou d’une autre à s’interroger sur
la légitimité de l’autorité qui interprète les textes communautaires pharmaceutiques,
notamment les standards en droit pharmaceutique.
744. En premier lieu, il y a l’interprétation par les institutions étatiques destinataires de
ces normes communautaires pharmaceutiques. En effet, les juges communautaires
n’ayant pas encore procédé à une interprétation de la norme communautaire
pharmaceutique, ce sont les institutions étatiques, qui sont chargées d’appliquer ces
textes communautaires, qui procèdent à une première interprétation de la norme
communautaire. Une telle interprétation, si elle n’est pas coordonnée par un organe
communautaire, risque d’aboutir à une application divergente des textes dans les
Etats. Il est donc nécessaire de réfléchir à la mise en place d’un tel organe. Toutefois,
ce rôle de coordination de l’interprétation faite par les ARP peut être assuré par la
Cellule en charge de la conduite du processus d’harmonisation des réglementations
pharmaceutiques au sein de l’UEMOA. Ce qui impliquerai un renforcement de son
rôle au même titre qu’une agence communautaire du médicament dotée de quelques
pouvoirs de sanctions.
745. L’interprétation du droit communautaire par le juge éponyme constitue en principe
un mécanisme nécessaire à une mise en œuvre uniforme du droit communautaire.
Cependant, comme précisé plus haut, aucun juge national n’a déjà saisi le juge
communautaire pour une interprétation d’une norme de droit communautaire
pharmaceutique. Pourtant, comme souligné au chapitre relatif aux recommandations
de bonnes pratiques, les décisions portant guide de bonnes pratiques et lignes
directrices ont fait l’objet d’une interprétation différente par les institutions
administratives des Etats membres, sans qu’aucun juge national n’ait été saisi aux
fins de recours préjudiciel auprès de la juridiction communautaire.
746. Un tel constat témoigne de la non-effectivité d’une harmonisation réelle du droit
interne des Etats membres en ce qui concerne la fabrication, la distribution,
l’information et la publicité sur les médicaments.
747. Toutefois, c’est la clarté de la norme qui peut résoudre les difficultés liées aux
interprétations divergentes.
262
2. L’importance de la clarté de la norme communautaire pour son application effective
748. Dans le cadre du processus d’harmonisation des réglementations pharmaceutiques,
certaines normes communautaires conduisent à des interprétations différentes d’un
Etat à un autre, compte tenu de leurs ambiguïtés. Il est possible de citer le règlement
n°02/2005/CM/UEMOA (a) et les normes communautaires de mise sur le marché,
d’information et de publicité des médicaments (b).
a. L’ambiguïté du règlement 02/2005/CM/UEMOA relatif à l’harmonisation des réglementations pharmaceutiques
749. Ce règlement constituant le point de départ du processus devrait être rédigé de façon
détaillée, avec toutes les précisions nécessaires concernant la procédure que va suivre
ce processus. Il n’est parfois pas évident d’obtenir l’accord des Etats pour
d’éventuels projets de rapprochement de leurs droits nationaux. D’autant plus que
cela a un impact sur les souverainetés. Il est donc judicieux, dès le départ, d’aller à
la précision et au détail dans la prescription du processus et des obligations de chaque
Etat en la matière. Malheureusement, les articles sont rédigés de manière trop
concises et abstraites. Au-delà de cet instrument juridique, disons propulseur du
processus d’harmonisation, il devient nécessaire pour l’Union de mettre en place un
programme général d’harmonisation893 des réglementations pharmaceutiques894
avec des échéances et des pénalités en cas de non-respect. L’élaboration au préalable
d’un tel programme aurait peut-être évité la léthargie du processus comme c’est le
cas aujourd’hui895. Un tel programme est nécessaire d’autant plus que l’article 19 du
règlement se borne à lister des thèmes qualifiés d’intérêt commun896, sans donner
aucune précision quant aux thèmes qui devront faire l’objet dans un délai précis d’un
893 Le programme décrivant de manière détaillée les domaines prioritaires par lesquels l’harmonisation a débuté, les échanges, l’objectif principal. C’est un travail nécessaire et indispensable qui contribuera à une certaine effectivité et efficacité des réglementations communautaires harmonisées. 894 Cf. Anne WEYEMBERGH, « L'harmonisation des législations : condition de l'espace pénal européen et révélateur de ses tensions », Bruxelles, Editions de l’Université de Bruxelles, 2004, p. 298-307, § 385-400. 895 Après l’élaboration des premiers instruments juridiques pour l’harmonisation des réglementations pharmaceutiques des Etats de l’UEMOA, la Cellule chargée de l’harmonisation est reste inactive de 2012-2016, car la pharmacienne qui en avait la charge était partie. La commission de l’Union n’a pas pu la remplacer immédiatement. Ce constat justifie une fois de plus qu’un tel projet ne peut reposer sur la compétence, ou être confiée qu’à une seule personne. Conf. Chapitre 1/Section 3 896 Article 19 du règlement n°05/2005 relatif à l'harmonisation de la réglementation pharmaceutique dans les Etats membres de L'UEMOA, « Homologation ; Assurance qualité ; Inspection ; Approvisionnement ;Veille sanitaire ; Exercice de la profession pharmaceutique ; Publicité sur les médicaments ; Echanges d’informations et coopération technique ;Formations ; Médecine et pharmacopée traditionnelles ».
263
rapprochement, ni comment l’Union va procéder pour dégager les règles communes,
comme mentionné dans l’article 4 al 2 du même règlement.
750. On a tout l’air que l’Union n’a pas réellement pris les outils juridiques nécessaires
pour inscrire ce processus de rapprochement dans le plus long terme. A travers la
méthode choisie, les instruments juridiques et les procédures y afférentes, la question
se pose de savoir si ce projet a été réellement précédé d’une réflexion approfondie
de ses fonctions.
751. Dans le même règlement, l’Union exprime clairement son souhait d’harmoniser la
réglementation pharmaceutique, mais pas de l’unifier. Aux articles 2, 3, et 4 897 du
droit dérivé cité, elle définit la méthode d’harmonisation qu’elle va mettre en place,
mais également rappelle à l’article 5898 la nécessité de cette harmonisation. Tout au
long du règlement, le mot harmonisation se retrouve dans presque tous les articles.
Cet instrument juridique qui constitue l’une des bases juridiques du processus décrit
nettement l’objectif visé.
752. Force est cependant de noter que l’harmonisation, compte tenu de l’expérience
acquise au travers des instruments déjà adoptés, va nécessiter pour l’avenir quelques
réaménagements. Il faut convenir avec les rédacteurs du projet de rapprochement des
réglementations pharmaceutiques que l’harmonisation est une méthode d’intégration
juridique parfaitement applicable en droit pharmaceutique. Toutefois, la rédaction de
l’article 4 al. 2 du règlement 02/2005 jette une ambiguïté sur la méthode
d’harmonisation choisie par l’Union. L’article est ainsi rédigé : « Ils favorisent, dans
le cadre du processus d’harmonisation, l’édiction par l’Union des règles communes
visant à organiser et à administrer le secteur ». Il est donc question de « règles
communes » et non de règles équivalentes. Cela explique en partie l’adoption du
897 Règlement 02/2005/CM/UEMOA, Article 2 : « L’harmonisation de la réglementation pharmaceutique, au sens du présent Règlement, s’entend de l’adoption de mesures en vue de disposer de procédures communautaires dans le domaine pharmaceutique en général et du médicament en particulier. L’harmonisation de la réglementation pharmaceutique est un processus dynamique que les Etats membres de l’Union entendent utiliser pour améliorer l’accessibilité, la disponibilité et la libre circulation des médicaments de qualité dans l’espace communautaire ». Article 3 : « L’harmonisation de la réglementation pharmaceutique est une nécessité pour les Etats membres de l’Union en vue : d’utiliser rationnellement les ressources ; de développer le système d’information et les échanges dans le domaine pharmaceutique ; d’améliorer l’application de la réglementation pharmaceutique ». Article 4 : « Les Etats membres de l’Union s’engagent à confronter leurs points de vue et à s’accorder sur les aspects d’intérêt commun en matière de réglementation pharmaceutique. Ils favorisent, dans le cadre du processus d’harmonisation, l'édiction par l'Union des règles communes visant à organiser et à administrer le secteur. Ils s’engagent ainsi à donner à l’individu et à la communauté un niveau de santé permettant de mener une vie socialement acceptable et économiquement productive ». 898Article 5 : « Les Etats membres de l’Union s’engagent à mettre en place les structures et les moyens nécessaires pour la réussite de l’harmonisation ».
264
règlement pour l’homologation des médicaments, et pourrait constituer une base
juridique pour la mise en place de règles uniques au travers d’une harmonisation
partielle.
b. L’ambiguïté des normes communautaires de mise sur le marché, d’information et de publicité sur les médicaments
753. La mise en œuvre, l’effectivité et l’efficacité d’une norme communautaire dans
l’ordre juridique interne des Etats membres dépend en grande partie de la clarté de
sa rédaction, d’où découle sa compréhension par les instances nationales. Ainsi, la
qualité matérielle de la norme peut être considérée comme une condition relative de
son effectivité899. Avec des normes juridiques ambiguës, les risques de divergences
d’interprétations au sein des autorités de réglementation se multiplient. Sur ce point,
il est possible de se référer à l’alinéa 2 de l’article 13 du règlement
06/2010/CM/UEMOA relatif aux procédures d’homologation des médicaments à
usage humain, qui prévoit la possibilité pour chaque Etat d’accorder, à titre
dérogatoire, à certains médicaments une Autorisation Spéciale d’Importation (ASI).
Ainsi, le droit communautaire prévoit tout simplement que cette autorisation peut
être accordée pour des raisons de santé publique ; sans évoquer les conditions de son
octroi900. Or, Maurice SCHIFF et Alan Winters soulignaient que « toute réforme doit
être claire et opérationnelle, et réduire l’ambigüité plutôt que d’y ajouter »901.
754. Aussi, le recours à certains standards902 pour harmoniser le droit pharmaceutique
participe un tant soit peu à l’ineffectivité de l’harmonisation recherchée. La
souplesse juridique de ces instruments de recommandation ne leur confère pas le
principe d’application immédiate et conduit très souvent à une application et
interprétation divergentes par les Etats membres. La décision
n°10/2010/CM/UEMOA portant adoption des lignes directrices pour le contrôle de
l’information et la publicité sur les médicaments auprès des professionnels de la
santé dans les Etats membres de l’UEMOA illustre partiellement cette affirmation.
899 BETAILLE Julien, Les conditions juridiques de l’effectivité de la norme en droit public interne : illustrations en droit de l’urbanisme et en droit de l’environnement, op.cit., p. 364. 900 Cf. supra., § 430-435. 901 SCHIFF Maurice, WINTERS Alan, Intégration régionale et développement, Paris, Editons Economica, 2004, p. 286. 902 Recours à des recommandations et lignes directrices dans les décisions n°10/2010 sur l’information et la publicité des médicaments.
265
755. Il faut un effort de la part des rédacteurs des textes communautaires pharmaceutiques
dans la définition et la précision des termes.903 Avec le règlement n°06/2010 sur
l’homologation, le médicament est défini de façon brute904, sans une précision des
termes clés comme « médicament par fonction » et « médicament par
présentation »905. Une rigueur à renforcer, compte tenu de l’activité limitée de la CJ
-UEMOA en matière d’interprétation du droit communautaire pharmaceutique ;
l’interprétation de ces textes communautaires étant effectuée en majorité par les
institutions étatiques concerné par la norme communautaire.
756. Tout compte fait, les obstacles à l’effectivité et l’application ne sont pas uniquement
d’ordre fonctionnel. Des obstacles d’ordre structurelle au niveau national et
communautaire compromettent également l’aboutissement du processus
d’harmonisation des réglementations pharmaceutiques.
Section 2. Les limites liées à la structure des systèmes pharmaceutiques nationaux
757. Ces limites concernent principalement le fonctionnement interne des Etats,
l’organisation de leurs systèmes pharmaceutiques. Les normes juridiques nationales
ne sont parfois pas acceptées et respectées par les institutions et les personnes
chargées de les mettre en œuvre (§ I). Pourtant, la responsabilité des professionnels
de santé n’est guère mise en œuvre (§ II).
§ I. La marginalisation de la « règle de droit » 758. La règle de droit peut être définie comme la norme censée régir la société. C’est
« une règle de conduite dans les rapports sociaux ; générale, abstraite et obligatoire ;
dont la sanction est assurée par la puissance publique »906. Cette règle de droit ne
peut réaliser son objet ; autrement dit, être effective ; que si la société qu’elle doit
régir l’accepte en tant que norme de droit. Sur ce point, Paul KIEMDE relève avec
justesse que « l’expérience montre que les Etats africains ont plus de facilités à
prendre les textes qu’à en assurer l’application, que ce soit sur le plan interne ou
903 MAGNIER Véronique, « Rapprochement des droits dans l’Union européenne et viabilité d’un droit commun des sociétés », LGDJ, Paris, 1999, p. 19. 904 Cf. supra., § 367-380. 905 Cf. supra., § 382-399 ; § 400-404. 906 GUINCHARD Serge, DEBARD Thierry (dir.), « Lexiques des termes juridiques », Editions Dalloz, 2016-2017.
266
sur le plan des conventions internationales. L’expérience de la libre circulation des
personnes dans la CEDEAO et l’UEMOA en est une bonne illustration »907.
759. En effet, même lorsque l’Etat adopte les textes juridiques communautaires
nécessaires au processus d’harmonisation, ceux-ci ne seront effectifs que lorsque,
dans la pratique, la société respecte et tient compte de ces normes communautaires.
Les règles communautaires doivent être comprises, acceptées et respectées par les
institutions en charge d’appliquer le droit. C’est principalement à l’Etat de prendre
les mesures nécessaires pour assurer une effectivité de ces règles communautaires.
Par exemple, en ce qui concerne l’information du public et des professionnels de
santé sur les médicaments, il revient aux autorités nationales de chaque Etat de
prendre les mesures nécessaires pour assurer une diffusion d’une bonne information
sur les médicaments. L’Etat doit s’assurer, par exemple, que les médicaments sont
réellement commercialisés sous leurs Dénominations Communes Internationales
(DCI), sous leurs noms de marques, et qu’au sein des officines, il n’y a pas de
publicité des produits pharmaceutiques.
760. Cependant, dans les pays africains, l’autorité de l’Etat, qui devrait permettre
d’assurer le respect des normes juridiques, est mise à mal. C’est la question de
l’autorité-même de l’Etat qui est en cause (A). De plus, l’accessibilité et la
connaissance du droit par les citoyens constituent une préoccupation. L’organisation
interne des systèmes pharmaceutiques contribue également à l’inapplication des
règles communautaires pharmaceutiques (B).
A. Au niveau de l’Etat, garant de la protection de la santé
761. Le non-respect des règles juridiques s’explique en partie, par une défiance de
l’autorité de certains Etats (1). A cette défiance de l’autorité s’ajoute une instabilité
politique (2).
1. La remise en cause de l’Autorité de l’Etat
762. Dans certains Etats membres de l’Union, à l’instar du Burkina Faso, on assiste à une
remise en cause de l’autorité de l’Etat et de ses institutions. Comme souligné dans
l’analyse des recommandations de bonnes pratiques, l’autorité de réglementation
907 KIEMDE Paul, « Intégration régionale et harmonisation du droit social en Afrique : problèmes et perspectives », Revue burkinabè de droit (RBD), Revue semestrielle, n°39-40, n° spécial 20ème anniversaire 2001, p. 155.
267
pharmaceutique, la DGPML, dispose de multiples textes juridiques encadrant le
domaine pharmaceutique, mais certaines agences de publicité pharmaceutique
exercent toujours sans autorisation et diffusent des informations sur les
médicaments. Ainsi, l’ineffectivité du droit communautaire pharmaceutique
s’observe de plus en plus au niveau individuel. L’individu, qui a l’obligation de se
conformer à la règle de droit908, s’abstient de le faire.
763. Ce constat de la défiance de l’autorité régalienne n’est pas spécifique au domaine
pharmaceutique, mais constitue de nos jours l’obstacle majeur au respect des règles
juridiques en général.
764. Notons à ce sujet que la prévalence des intérêts individuels des Etats peut conduire
à une remise en cause de leurs autorités par les citoyens. En effet, les Etats africains
n’ont pas encore véritablement intégré dans leur fonctionnement quotidien le slogan
« l’Union fait la force ». Au plan théorique, ils affirment le désir de s’unir pour
améliorer l’état de santé des populations de la sous-région, mais, dans la pratique, le
constat est tout autre : les intérêts individuels priment sur les intérêts
communautaires. Sylvain OUEDRAOGO précisait, à cet effet, que « cette faiblesse
des organisations d’intégration en Afrique s’explique par le fait que chaque Etat,
jaloux de sa souveraineté, préfère adapter le droit à ses propres aspirations et
besoins, au lieu de s’inscrire dans la logique des engagements contractés envers ses
pairs »909. Pour évoquer cette prévalence des intérêts individuels sur l’intérêt
communautaire, il utilise la notion d’« interétatisme ». L’interétatisme traduit « la
manifestation de l’emprise des Etats sur l’organisation, tant en ce qui concerne son
organisation que son fonctionnement, par le biais des représentants »910. Une telle
stratégie conduit à mettre au premier plan les intérêts individuels de chaque Etat.
765. Prenons l’exemple de la directive de l’UEMOA sur la libre circulation et
l’établissement des pharmaciens dans la zone communautaire ; elle n’a toujours pas
été transposée dans tous les Etats membres. Et même lorsqu’elle est transposée, les
pharmaciens qui désirent travailler dans les pharmacies de ces Etats rencontrent
d’énormes difficultés. Cela, compte tenu du fait, que l’Etat exerce une influence sur
908 CARBONNIER Jean, Flexible droit – Pour une sociologie du droit sans rigueur, LGDJ, Paris, 10ème édition, p. 145. 909 OUEDRAOGO Sylvain, Les compétences nationales en matière fiscale et la communautarisation des règles dans l'espace ouest-africain, Thèse de droit, Université de Bordeaux, 2015, p. 489, § 1056. 910 Ibid., p. 490, § 1058.
268
les systèmes pharmaceutiques et que les ARP ne sont pas autonomes et
indépendantes dans leurs fonctionnements.
766. A ce manque d’autorité étatique, s’ajoutent des difficultés d’ordre politique et
sécuritaire.
2. Une situation politique et sécuritaire compromettant les processus de rapprochement des réglementations
767. L’obstacle majeur à tout projet d’intégration juridique, que ce soit par harmonisation
ou uniformisation, reste l’instabilité politique ; comme celle qui prévaut en
Afrique911 de l’Ouest. L’instabilité politique constitue un phénomène négatif à tout
projet d’intégration juridique ou économique. Avec l’insécurité et l’instabilité
politique, on se retrouve parfois dans une zone où « la qualité sanitaire s’effrite »912.
Il ne faut pas perdre de vue que l’instauration des contrôles dans le domaine de la
santé, les décisions dans le domaine pharmaceutique, le choix des politiques
pharmaceutiques dépend du régime politique en place, voire, pourquoi pas, du
régime démocratique lui-même. « Un régime non-démocratique risque davantage
de sombrer dans le mépris des droits de la personne », affirmait Gérard
MEMETEAU parlant de l’unification du droit médical en Europe913. Didier
GOBBERT et Eric PICHARD précisent également que « … la vie politique peut
transformer rapidement la physionomie d’un système de santé »914.
768. Cette instabilité politique influence les systèmes pharmaceutiques nationaux qui
rencontrent des difficultés pour la mise en place d’une sécurité sanitaire.
B. Au niveau des systèmes pharmaceutiques nationaux
769. Les normes juridiques nationales ne sont pas respectées par les professionnels de
santé (1). L’application du droit communautaire et national dépendent pourtant de
cette ressource humaine dont le nombre reste insuffisant dans les structures de santé
(3). Toutefois, l’inapplication des normes est dû parfois, a une insuffisante
connaissance des normes par les personnes chargées de les mettre en œuvre (2).
911 ZAMBO Anicet Oloa, L’intégration africaine en question, Paris, l’Harmattan, 2011, p. 140-141. 912 MEMETEAU Gérard, « L’unification du droit médical en Europe ? », RGDM, n°07/2008, p. 135. 913 Ibid., p. 112. 914 GOBBERS Didier, PICHARD Eric, « L’organisation du système de santé en Afrique de l’Ouest », ADSP, n°30 mars 2000, p. 36.
269
1. Le non-respect des règles nationales de protection de la santé
770. Les systèmes nationaux de certains Etats fonctionnent mal. Il faut d’abord
réorganiser le domaine pharmaceutique au niveau national. L’ARP et les
professionnels de santé ne vont pas se focaliser sur le respect et l’application du droit
communautaire pharmaceutique, si déjà, au plan interne, les règles minimales de
protection de la santé ne sont pas respectées. Au Bénin, par exemple, le système
pharmaceutique connait d’énormes difficultés. Certaines officines pharmaceutiques
ne respectent ni les heures de fermetures ni de garde dans la ville de Cotonou.
Certaines-mêmes fonctionnent 24/24h915. Plusieurs de ces difficultés ont conduit, en
mars 2018, le Conseil des Ministres du Président Patrice TALON à procéder à une
suspension de l’Ordre des pharmaciens pour six (6) mois. Il ressort alors que
« l’Ordre n’a pas pu assurer ses missions, et l’Etat a décidé de prendre ses
responsabilités… »916. Pourtant, l’ordre des pharmaciens constitue un levier
important du développement des systèmes pharmaceutiques des Etats membres.
C’est à l’Ordre de surveiller et de sanctionner les pharmaciens qui ne se conforment
pas aux dispositions juridiques de la profession. Aussi, le Président Patrice TALON
a adopté un décret n° 2018-253 du 20 juin 2018 retirant l’agrément d’exercice légal
à la CAME. Son ambition est de reformer le secteur pharmaceutique béninois. Aussi,
un décret n°2018-252 du 20 juin 2018 a également mis en place un comité de pilotage
de la réforme du secteur de la pharmacie et des explorations diagnostiques917.
2. Les réalités sociologiques : l’insuffisante connaissance des normes communautaires et nationales
771. « Le premier obstacle, au regard de l’effectivité d’une norme juridique, reste toujours
celui de l’insuffisante connaissance de cette dernière »918. Et comme le précise
Dijbril ABARCHI, « l’accessibilité des règles fait partie des éléments
d’appréciation de la sécurité juridique »919. Dans une grande majorité des Etats de
915 C’est un constat que nous avons fait sur le terrain, lors de notre séjour à Cotonou en 2015 pour le colloque sur « L’automédication et ses déterminants ». Aussi, lors de notre second séjour en mars 2018 pour le colloque sur la « Régulations, Marchés, Santé : interroger les enjeux actuels du médicament en Afrique ». 916 VIDJINGNINOU Fiacre, « Bénin : le gouvernement suspend l’Ordre des pharmaciens », 15 mars 2018 à 15h49, Mis à jour le 20 mars 2018 à 17h28. Disponible sur : http://www.jeuneafrique.com/542486/societe/benin-le-gouvernement-suspend-lordre-des-pharmaciens/ 917 https://lanouvelletribune.info/2018/06/benin-sante-talon-met-fin-a-la-mission-de-la-came-et-engage-la-reforme-du-secteur-pharmaceutique/ 918 JAVILLIER Jean-Claude, « Les obstacles juridiques à l’application des normes internationales du travail », Rapport introductif, vendredi 12 janvier 2007, Genève, p. 12. 919 ABARCHI Djibril, « Sécurité juridique et enjeux normatifs en Afrique de l’Ouest dans le domaine du droit des affaires », Ohadada D-12-27, p. 229.
270
l’Afrique de l’Ouest, les personnes destinataires de la norme juridique n’ont
généralement pas connaissance de l’existence d’un texte de loi définissant leurs
droits ou leurs obligations. Dans les droits nationaux des Etats membres, une fois
que la loi est publiée au Journal officiel, elle est censée être connue de tous. C’est
même le principe qui sous-tend l’existence de ce journal. Pourtant, malgré cette
publication, la loi reste toujours méconnue de la population. Dans certains pays, il
faudra passer du Journal officiel papier à un Journal officiel numérique, à l’instar du
Burkina Faso920, du Bénin921, de la Côte d’Ivoire922, du Mali923, du Togo924, du
Sénégal qui ont mis en place un site web destiné spécialement à la publication des
contenus du Journal officiel. Tout de même, il faut reconnaître que ces sites internet
ne sont pas mis régulièrement à jour. Mais, cela permettra à un plus grand nombre
de citoyens d’avoir connaissance des textes de lois qui sont adoptés et publiés. C’est
dans le même sens que René DAVID précisait dès 1982 que : « L’application des
lois, à laquelle on tend, est conditionnée par l’existence de documents
complémentaires : manuels élémentaires, circulaires et instructions, rédigés en vue
de faire connaître le droit à un public de non-juriste : autorités chargées de
l’application des lois à l’échelon locale ou même citoyens en général »925.
772. Or, dans le domaine pharmaceutique, bon nombre de pharmaciens déclarent n’avoir
pas connaissance des textes harmonisés par l’UEMOA dans les 8 pays membres926.
773. Il ne faudrait pas aussi omettre que le manque de culture juridique des citoyens sur
le droit, en général, constitue un obstacle majeur quant à l’application du droit. C’est
à ce sujet que Justin KOUTABA précisait que « le droit communautaire ne peut
s’appliquer réellement sans qu’à l’intérieur des frontières cette culture du droit ne
soit d’abord une réalité »927. Ainsi, l’effectivité du droit communautaire
920 http://www.legiburkina.bf/SitePages/Accueil.aspx 921 http://legibenin.net/index.php/page/dernier-jo-publie 922 https://abidjan.net/JO/ 923 http://www.abamako.com/JO/ 924 http://www.jo.gouv.tg/ 925 DAVID René, « Observations critiques sur les possibilités et les limites de la législation dans les pays africains », in René DAVID, Le droit comparé, droits d’hier, droits de demain, Paris, Economica, 1982, pp. 254-255. 926 Entretien avec quelques pharmaciens au Burkina Faso. A Ouidah au Bénin, lors du colloque sur la « Régulations, marchés, santé. Interroger les enjeux actuels du médicament en Afrique », en mars 2018, des pharmaciens ont affirmé ne pas avoir connaissance d’un processus d’harmonisation des réglementations pharmaceutiques au sein de l’UEMOA. 927 KOUTABA Justin, « Les limites sociologiques à l’application du droit », in Sensibilisation au droit communautaire de l’UEMOA, Actes du séminaire sous régional, Ouagadougou, Burkina Faso, 6-10 octobre 2003, Paris, Editons GIRAF, p. 200
271
pharmaceutique va nécessiter une formation et une information des citoyens sur le
droit de la santé et le droit pharmaceutique.
774. La participation des citoyens au processus d’élaboration des textes communautaires
pharmaceutiques pourrait constituer un avantage pour l’application et l’effectivité du
droit communautaire928. Une participation qui pourrait s’organiser au travers du
parlement de l’UEMOA929.
775. Ce manque de culture juridique du domaine de la santé, devrait être résolu par les
Etats, compte tenu du nombre limité de professionnels de santé dans les structures
sanitaires.
3. Une ressource humaine en santé insuffisante
776. « Les textes juridiques ne valent que ce que valent les hommes chargés de les mettre
en œuvre »930. L’application du droit pharmaceutique harmonisé dépend ainsi en
premier lieu des institutions chargées de la mise en œuvre des textes, notamment les
institutions étatiques, et de la ressource humaine en santé. Cette ressource humaine
est au centre des systèmes de santé, et donc pharmaceutique. La qualité et la
gouvernance de ces systèmes dépendent de ce personnel931. Pourtant, les difficultés
inhérentes à la disponibilité de personnel de santé compétent, qualifié et en quantité
suffisante constituent encore aujourd’hui un obstacle principal à lever pour atteindre
l’harmonisation et instaurer un système de santé sécuritaire. En plus, il est
généralement avancé comme argument dans les Etats africains, en ce qui concerne
l’inapplication des textes juridiques, le manque de ressources humaines. Certes,
certaines ARP ont un effectif limité, mais au-delà de cette réalité, chaque institution
étatique devrait élaborer des stratégies de mise en œuvre des règles communautaires.
L’amélioration des règles juridiques pharmaceutiques ne peut être stoppée par
manque de personnel pour son application. En 2015, au Burkina Faso, le nombre de
pharmaciens inscrits à l’Ordre était de 774 pour 18 450 944 habitants ; donc 41,95
928 Par l’instauration d’une « démocratie sanitaire ». 929 Le parlement est créé par un Traité le 29 janvier 2003. L’article 14 dudit Traité précise que : « Le Parlement est chargé du contrôle démocratique des organes de l’Union et participe au processus décisionnel de l’Union dans les conditions fixées par le présent Traité » 930 SAWADOGO Filiga Michel, « Les conflits entre normes communautaires : aspects positifs et prospectifs » in Colloque sur, La concurrence des organisations régionales en Afrique, organisé par les universités Montesquieu - Bordeaux IV et Cheikh Anta DIOP de Dakar, Bordeaux, 28 septembre 2009, p. 29. Disponible sur : http://afrilex.u-bordeaux4.fr/sites/afrilex/IMG/pdf/Communication_Sawadogo.pdf 931 WATY Marie-Odile et al., « Crise des ressources humaines en santé en Afrique francophone et Politique française de coopération », Conférence sur les ressources humaines en santé en Afrique, Douala 6 au 8 juin 2017, p. 2, Disponible sur : http://www.who.int/workforcealliance/Cooperation_Francaise.pdf
272
pharmaciens pour 1 000 000 d’habitants ; Ce nombre était de 1501 en Côte d’Ivoire
pour 22 671 331 habitants, soit 66, 21 pharmaciens pour 1 000 000 habitants ; 229
au Togo soit 32, 71 pharmaciens pour 1000 000 d’habitants.932 ; le Mali affichait par
contre un total de 1154 pharmaciens pour l’année 2016 pour une population estimée
à 14 517 176 habitants ; soit 69, 49 pharmaciens pour 1 000 000 d’habitants933. Il est
vrai que tous ces pharmaciens n’exercent pas uniquement en administration. Parmi
eux figurent en effet des pharmaciens d’officines, des pharmaciens hospitaliers, des
pharmaciens biologistes, etc. Cela aboutit à un nombre insuffisant de pharmaciens
exerçant dans les ARP. Au Burkina Faso, par exemple, en 2014, 2 pharmaciens
étaient affectés au bureau d’évaluation des dossiers de demandes d’AMM.
777. L’effectivité des normes juridiques communautaires pharmaceutiques va nécessiter
d’investir plus, et mieux, dans les ressources humaines en santé au sein de l’Union.
Que ce soit en matière d’homologation des médicaments, d’autorisation de
publicités, de respect des Bonnes Pratiques de Fabrication, de distribution que
d’importation, il faut un personnel de santé (pharmaciens en particulier) qualifié et
compétent.
778. Aussi, lorsque la Commission Nationale du Médicament (CNM), chargée
d’accorder les AMM, se réunit en une session de 3 à 4 jours pour examiner un dossier
de plus de 500 pages, un problème d’efficacité et de performance se pose à la longue.
779. La protection de la santé et de la sécurité des citoyens impose de se pencher
également sur les responsabilités des différents acteurs du droit pharmaceutique. La
mise en place d’un système de santé sécuritaire nécessite un régime de responsabilité
des professionnels de santé. Cependant, une chose est de reconnaître la responsabilité
d’une personne pour une infraction, et une autre est de pouvoir sanctionner cette
dernière.
§ II. Une marginalisation dans la mise en œuvre de la responsabilité des professionnels de la santé
780. Le non-respect des principes d’indépendance, d’efficacité, d’impartialité des
juridictions étatiques934 constituent un obstacle à la mise en œuvre de la
responsabilité des professionnels de santé. Ces contraintes liées à l’exercice de
932 http://www.ciopf.org/layout/set/print/Fiches-des-pays 933 http://www.ciopf.org/layout/set/print/Fiches-des-pays/Mali 934 YEO Adama, « La problématique de la mise en œuvre de la responsabilité médicale en Côte-d'Ivoire », RGDM, n° 28, 2008, p. 257.
273
l’activité juridictionnelle freinent les actions en justice dans le domaine de la santé.
Par exemple, l’indépendance de la justice se trouve limitée et réduite, compte tenu
parfois de l’ingérence des hommes politiques (du pouvoir exécutif) dans l’exercice
des activités juridictionnelles935. Le droit à un procès équitable consacré par l’article
14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP)936 signé par
les Etats de l’UEMOA937 est remis en cause.
781. Le personnel judiciaire est généralement considéré comme « complice » de
l’administration en général. Cela pourrait s’expliquer aussi par le fait que les citoyens
méconnaissent leurs droits et ne comprennent pas forcément le fonctionnement et les
notions juridiques liées à l’activité judiciaire.
782. Si toutes ces difficultés perdurent, c’est parce que l’Etat se met de plus en plus en
retrait et développe de moins en moins des initiatives tendant à protéger le droit des
patients dans le domaine de la santé (B).
783. Pourtant, engager la responsabilité des professionnels de santé en cas de violation de
leurs obligations professionnelles devient une nécessité malgré les difficultés
d’application de la règle de droit dans les Etats membres de l’UEMOA (A).
A. Une responsabilité nécessaire…
784. Les affaires du Médiator, des prothèses PIP et Hépatite B ont bouleversé, au-delà des
frontières françaises et européennes, l’idée-même des risques liés aux produits de
santé et à la responsabilité à mettre en œuvre en cas de dommages sanitaires. Les
Etats africains ne sont pas restés en marge. Tous ces scandales sanitaires, même s’ils
ont concerné principalement la société occidentale, ont eu un retentissement dans la
935 BALLA KALTO Amina, «La problématique de l’accès à la justice au Niger» p. 7, Disponible sur http://afrilex.u-bordeaux4.fr/sites/afrilex/IMG/pdf/ThA_me_corrigA_c_la_problA_c_matique_de_laEUR_accA_s_A_la_justice_au_Niger.pdf 936 Article 14 du Pacte International relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966 : « Tous sont égaux devant les tribunaux et les cours de justice. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal compétent, indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil. Le huis clos peut être prononcé pendant la totalité ou une partie du procès soit dans l’intérêt des bonnes mœurs, de l’ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, soit lorsque l’intérêt de la vie privée des parties en cause l’exige, soit encore dans la mesure où le tribunal l’estimera absolument nécessaire, lorsqu’en raison des circonstances particulières de l’affaire la publicité nuirait aux intérêts de la justice; cependant, tout jugement rendu en matière pénale ou civile sera public, sauf si l’intérêt de mineurs exige qu’il en soit autrement ou si le procès porte sur des différends matrimoniaux ou sur la tutelle des enfants… ». 937 Bénin le signe le 12 mars 1992, le Burkina Faso y adhère le 4 janvier 1999, la Côte d’Ivoire y adhére le 26 mars 1992, La Guinée-Bissau le signe le 2 septembre 2000 et le ratifie le 1er novembre 2000 ; Le Mali y adhère le 16 juillet 1974 ; Le Niger y adhère le 7 mars 1986 ; Le Sénégal le signe le 6 juillet 1970 et le ratifie le 13 février 1978.
274
société africaine. Grâce aux médias, les citoyens ouest-africains ont pris conscience
que les produits pharmaceutiques ne sont pas exempts de risques.
785. Les risques liés aux médicaments sont malheureusement une réalité dans ces Etats.
Dans les pays ouest-africains, en vue de réduire le paludisme au cours des périodes
de haute transmission, une chimioprévention du paludisme saisonnier a été
recommandée par l’OMS. Ainsi, le Burkina Faso met en œuvre cette prévention
depuis 2014. Elle consiste en la prise d’une dose de Sulfadoxine-Pyriméthamine +
Amodiaquine distribuée de porte à porte par des distributeurs communautaires938 qui
sont chargés de superviser la première dose à J1. Un cas d’erreur médicamenteuse
est survenu suite à la prise de deux comprimés d’Amodiaquine à J1 au lieu d’un
comprimé de Sulfadoxine-Pyriméthamine et d’un comprimé d’Amodiaquine par un
nourrisson de 3 mois. Les distributeurs communautaires n’ont pas supervisé la prise
de la première dose à J1. Le nourrisson, après une hospitalisation de 72h, en est
décédé939. C’est une information qui a été publiée sur le site internet de la Direction
en charge de la réglementation pharmaceutique. Cependant, aucune précision n’est
donnée quant à la suite de l’affaire.
786. Dans certains Etats de l’UEMOA, les événements indésirables médicamenteux
n’ont cessé d’augmenter ces dernières années. Ce qui les a conduits à exiger une plus
grande prise en compte de leur sécurité sanitaire et surtout des sanctions à l’égard
des professionnels de santé qui, par des fautes professionnelles, portent atteinte à la
concrétisation de cette sécurité du système de santé. La doctrine juridique940 attire
l’attention des Etats africains sur la nécessité de s’appesantir sur cette notion de
« responsabilité des professionnels de santé ». Selon Adrien HOUNSA941, « si les
erreurs médicales et paramédicales sont « de plus en plus nombreuses » au Bénin,
938 Selon l’OMS, les Distributeurs Communautaires (DC) sont les volontaires, hommes et femmes, choisis par leurs communautés pour distribuer généralement des médicaments. Les personnes choisies pour être DC sont généralement perçues par leurs communautés comme étant des gens honnêtes et dignes de confiance, intègres, ayant une bonne conduite, et une bonne instruction. En tant que volontaires, leur motivation repose principalement sur les gains en termes de reconnaissance sociale, d’estime de soi et de connaissances, plutôt que sur des incitations financières. Disponible sur : http://www.who.int/apoc/cdti/cdds/fr/ Pour plus d’informations sur les agents de santé à base communautaires au Burkina Faso, cf. Awa SECK, Dieudonné VALEA, Rapport final, « Analyse de la santé communautaire au Burkina Faso », février 2011, Disponible sur : https://www.unicef.org/bfa/french/analyse_de_la_sante_communautaire_au_Burkina_Faso.pdf 939 http://www.dgpml.sante.gov.bf/ 940KOUKPO Sainhounde Rachel, Le droit des produits de santé en Afrique de l’Ouest : le cas du Bénin et du Sénégal, Thèse de droit, Université Montesquieu-Bordeaux IV, Université Cheick Anta Diop de Dakar, Juin 2012, 592 p. ; PODA Baimanai Angelain, La mise sur le marché et la distribution du médicament en Afrique noire francophone Réflexions à partir des exemples du Burkina Faso et du Sénégal, Paris, L’Harmattan, 2015, 781 p. 941 Un agent de santé du Bénin à la retraite.
275
c’est surtout parce qu’elles y ont trouvé un terrain des plus fertiles : le système de
santé, dans son ensemble »942. Effectivement, l’absence de véritables poursuites
judiciaires et de sanctions a conduit à un phénomène de normalité des fautes
professionnelles dans le domaine de la santé. Ainsi, il faut désormais sanctionner les
professionnels de santé, car si dans les Etats africains les professionnels de santé ne
prennent pas la mesure de l’importance de leur profession, c’est parce qu’ils ne font
pas l’objet de poursuites judiciaires et de sanctions.
787. Jean-Paul TEISSONNIERE, avocat des victimes de l’amiante, souligne ainsi « la
fonction anthropologique du droit pénal : la sanction pénale est symboliquement très
forte. L’indemnisation et le système assurantiel diluent la responsabilité »943.
788. Dans les pays membres de l’UEMOA, il n’y a pas encore de bouleversement en ce
qui concerne les poursuites judiciaires à l’encontre des professionnels du domaine
pharmaceutique. Les quelques rares cas de poursuites judiciaires qui ont existé
concernent plutôt les relations soignants-soignés, donc médecins-malades, et pas
pharmaciens-patients. Les pharmaciens sont pourtant des professionnels garants de
la « vie des malades », et doivent à ce titre contribuer à l’amélioration du système
sanitaire.
789. Les ordres des pharmaciens ont un rôle important à jouer dans cette mise en œuvre
de la responsabilité des professionnels de la pharmacie. L’implication de l’ordre est
nécessaire afin d’identifier certaines infractions au droit pharmaceutique. Cependant,
cette implication suppose l’existence d’un ordre des pharmaciens pouvant influencer
les activités pharmaceutiques. L’autorité de l’ordre est donc primordiale. Sur ce
point, au Bénin, par exemple, il n’existe pas cette autorité de l’ordre, dans la mesure
où il existe deux ordres de pharmaciens944. De tels agissements ne favorisent pas une
réelle application des normes nationales et des normes communautaires.
790. L’Etat, qui doit assurer la vie des citoyens, se doit de mettre en œuvre les moyens
nécessaires au travers de la responsabilité de ces professionnels afin de garantir ce
droit universel à la vie et à la santé. Envisager qu’il y ait plus de poursuites judiciaires
942 Erreurs médicales et paramédicales au Bénin : comment les agents de santé tuent impunément dans les hôpitaux, 7 mai 2013, « A la une Santé et environnement », in l’evenementprecis.com, Disponible sur http://levenementprecis.com/2013/05/07/erreurs-medicales-et-paramedicales-au-benin-quand-les-agents-de-sante-deviennent-des-bourreaux/ 943 DE SENNEVILLE Valérie, « Pourquoi les affaires de santé publique sont si dures à juger », Les Echos, 21/03/2013. Disponible sur : https://www.lesechos.fr/21/03/2013/LesEchos/21401-034-ECH_pourquoi-les-affaires-de-sante-publique-sont-si-dures-a-juger.htm 944 Cf. supra., § 770.
276
à l’encontre des professionnels de la pharmacie en cas de manquement à leurs
obligations nécessite également d’insister sur la formation des juges chargés
d’instruire ces dossiers de responsabilité. Il est donc nécessaire, voire impératif, que
les professionnels de la santé soient sanctionnés pour leurs infractions et leurs fautes
professionnelles par des autorités judiciaires avisées dans les questions de santé.
Malheureusement, la mise en œuvre de leur responsabilité est confrontée à des
obstacles.
B. …Mais difficile à mettre en œuvre dans ces Etats
791. Les juridictions judiciaires, pénales et administratives ne sont presque jamais saisies
pour des litiges portant sur le droit de la santé en général. Aussi, les difficultés liées
au fonctionnement de ces juridictions (1) et le désengagement de l’Etat en ce qui
concerne la répression des professionnels de santé ne contribuent pas à mettre en
œuvre leur responsabilité (2).
1. Absence quasi-totale de saisine des juridictions étatiques en cas de violation du droit à la santé
792. Les recours en justice dans le domaine pharmaceutique, dans les Etats de l’UEMOA
sont limités. Cette saisine limitée des juridictions s’explique par l’existence des
pesanteurs (a) et par les difficultés de la preuve que la victime doit apporter pour
prouver le dommage qu’elle a subi. A cela s’ajoute, les difficultés liées à
l’indemnisation des victimes par les professionnels de santé (b).
a. La prévalence des pesanteurs sociologiques
793. Rita, une jeune mariée, se procure dans une officine pharmaceutique de
Ouagadougou du « fer » recommandé pour les femmes enceintes. Elle se rend
compte après avoir pris le médicament que la date de péremption indiquée sur la
plaquette est passée. Comme un grand nombre de malades en Afrique, elle
recommande son sort et celui de son futur bébé à Dieu945 ; compte tenu du fait que
les patients ne portent pas plainte, certains parce qu’ils ignorent qu’ils ont le droit de
le faire, d’autres par crainte des procédures judiciaires, et, d’autres encore ne sachant
comment prouver que le dommage qu’ils ont subi est dû au médicament qui leur a
945 C’est un fait réel vécu par une citoyenne burkinabè à Ouagadougou dont le nom a été modifié.
277
été délivré946. Généralement, le patient mécontent ou ayant subi un dommage dû à
un produit pharmaceutique ou au comportement d’un professionnel de santé se plaint
à son entourage, sa famille, amis et voisins. Surtout que la souffrance et la mort
relèvent du destin et de la fatalité pour les populations ouest-africaines et non de la
faute commise par un professionnel de la santé. La résignation est le principe de
base947.
794. Tout comme Rita, Anita, maman d’un petit garçon de 10 mois, se procure du lait
infantile Nursie AR2 recommandé par la pédiatre pour les problèmes de
régurgitation sévère de son bébé. Elle achète, dans une pharmacie de la ville de
Ouagadougou, 4 boîtes de Nursie AR2 qu’elle donne à son bébé. Cinq semaines plus
tard, elle se rend dans la même officine pour prendre quelques boîtes
supplémentaires. A la caisse, la caissière se rend compte que les boîtes de lait que
Anita s’apprête à payer sont périmées. Elle le signale à Anita, qui est étonnée et
bouleversée pour avoir déjà acheté les mêmes boîtes les semaines précédentes pour
son fils. Après vérification, les premières boîtes de lait font partie du même lot que
celles périmées948.
795. Dans ces deux cas, le pharmacien d’officine à manquer à son devoir de vigilance et
de contrôle. Des médicaments périmés ne peuvent pas se trouver dans une officine,
encore moins être dispensés à des patients. Il n’a pas surveillé les médicaments qui
se trouvent dans son officine. Mais, Anita ne portera pas plainte à cause des
pesanteurs sociologiques et de l’ignorance. Les actions en responsabilité sont
pourtant nécessaires afin que les professionnels de la santé prennent non seulement
en compte leurs obligations professionnelles, mais également pour interpeller les
pouvoirs publics sur la nécessité de revoir le système pharmaceutique en général.
796. Dans certains droits étrangers, comme cela a été le cas en France, ce sont les
scandales sanitaires, les poursuites judiciaires intentées contre des professionnels de
la santé qui ont permis au système de la santé d’évoluer et d’atteindre un niveau de
protection très élevé pour ces citoyens. Par exemple, suite au scandale du Médiator,
946 YEO Adama, « La problématique de la mise en œuvre de la responsabilité médicale en Côte-d'Ivoire », op.cit., pp. 255-257 ; cf. NGOUMBANGO KOHETTO Jocelyn, L’accès au droit et à la justice des citoyens en république centrafricaine, Thèse de l’Université de Bourgogne, Droit privé, 2013, pp. 27-37.
947 YEO Adama, « La problématique de la mise en œuvre de la responsabilité médicale en Côte d’Ivoire », op.cit., p. 321. 948 C’est un cas réel. Le nom a été modifié.
278
il y a eu une réforme du système du médicament par la loi du 29 décembre 2011949 :
la création de l’Agence nationale de sécurité des médicaments et des produits de
santé (ANSM), le renforcement de la pharmacovigilance, le renforcement de la
protection des patients.
797. Les quelques rares cas qui ont fait l’objet de poursuites judiciaires à l’encontre des
professionnels de santé dans les Etats de l’UEMOA s’inscrivent dans un scandale
public ; à tel point que le procureur se voit obligé de se saisir de l’affaire, compte
tenu du fait que l’opinion publique demande justice. C’était le cas, en 2011, à
l’hôpital de Bobo-Dioulasso où une femme en travail est décédée suite à une
négligence du personnel soignant. La population réagit à cette faute professionnelle
par des manifestations publiques, des voitures incendiées, des centres de santé
vandalisés, etc. Le Tribunal Correctionnel de Bobo s’est donc saisi de l’affaire et les
deux agents de santé ont été condamnés au plan pénal, comme civil. Sans cette
manifestation publique, cette faute professionnelle serait restée impunie950.
798. Une affaire similaire a eu lieu en Côte d’Ivoire en novembre 2015. Dame K. Nadège
a trouvé la mort après avoir chuté de son lit de la maternité de Marcory au moment
où elle commençait le « travail » d’accouchement. L’ambulancier qui devait
l’amener aux urgences ne l’a pas fait immédiatement. La patiente est donc décédée
par la négligence des agents de santé de l’hôpital général de Marcory. Ainsi, grâce
au retentissement médiatique de l’affaire et à la pression de la population, ces agents
de santé, les sages-femmes et l’ambulancier, furent suspendus dans un premier temps
de leurs fonctions par une mesure conservatoire du Ministère de la santé et de la lutte
contre le Sida, puis écroués à la Maison d’Arrêt et de Correction d’Abidjan (MACA)
après avoir été attendus par les juges du Tribunal de première instance d’Abidjan-
Plateau951.
799. En Côte d’Ivoire, suite au décès d’une jeune dame de 23 ans aux urgences du CHU
de Cocody à Abidjan par manque de soins, une pétition a été signée sur les réseaux
949 Loi n° 2011-2012 du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé, JORF n°0302 du 30 décembre 2011 p. 22667, texte n° 1. 950 Tribunal Correctionnel de Bobo (Burkina Faso), 21 octobre 2011, Affaire Dame Sita Traoré 951 Connection ivoirienne, “Côte d’Ivoire hôpital général de Marcory : des sages-femmes et l’ambulancier écroués à la MACA”, 19 novembre 2015, disponible à l’adresse suivante : http://www.connectionivoirienne.net/114918/cote-divoire-doues-a-la-maca ; Cf. également Rapport de recherche, « Le droit à la santé en Côte d’ivoire : état des lieux », Rapport conjoint de Human Dignity, du Mouvement Ivoirien des Droits Humains et de la Clinique de droit de l’Institut d’Etudes politiques de Paris (Sciences Po Paris) 1er août 2017, p. 16, Disponible sur : http://www.cacit.org/wp-content/uploads/2017/08/RAPPORT-HUMAN-DIGNITY.pdf
279
sociaux « pour que les hôpitaux ne soient plus des mouroirs » et adressée au
Ministère de la Santé et de l’Hygiène Publique (MSHP) pour réclamer des poursuites
contre l’hôpital. Mais, malgré cette pression de la population, l’affaire n’a pas été
portée devant les juridictions compétentes952.
800. Il faut également noter que dans les villages, les habitants vivent en harmonie avec
les professionnels de santé qu’ils considèrent comme des « personnes très
importantes ». Adrien HOUNSA qualifie cela du « mythe de la blouse »953. Il y a
effectivement dans les sociétés africaines une confiance absolue en l’agent de santé
en général (médecin, pharmacien, infirmiers, etc.).
801. Eventuellement, on peut observer une certaine crainte de ces professionnels de la
part des patients dans les centres de santé. Certaines femmes, par exemple, craignent
de décevoir la sage-femme du village, de peur de représailles lors d’une maternité.
Cela, sans occulter le fait que les relations, les liens familiaux et culturels sont très
développés dans les villages des Etats de l’UEMOA. Ces propos d’Adame YEO954
traduisent bien la situation : « Comment le paysan peut-il admettre qu’il soit possible
de mettre en jeu la responsabilité du seul médecin du centre de santé de la commune
ou du village, sans qu’il ne soit appréhendé comme un emmerdeur ? Quelles seront
les conséquences de son action en réparation pour tout le village contre le médecin,
qui apparaît comme le sauveur, le bienfaiteur ? Son acte n’apparaîtrait-il pas
comme un signe d’ingratitude ? »955.
802. « L’impunité a fini par se tailler une chaise en or », selon Adrien HOUNSA956.
Effectivement, les erreurs médicales et paramédicales ont existé dans les pays
membres de l’Union pendant longtemps, et n’ont généralement pas fait l’objet de
poursuites judiciaires ; à tel point qu’il est aujourd’hui très difficile d’y remédier.
952 France 24, “Les urgences d’Abidjan clouées au pilori après la mort d’une jeune femme”, 27 mars 2014, disponible à l’adresse suivante : http://observers.france24.com/fr/20140327-urgences-abidjan-femme-awa-fadiga-mannequin-deces-cote-ivoirecocody. 953 Erreurs médicales et paramédicales au Bénin : comment les agents de santé tuent impunément dans les hôpitaux, 7 mai 2013, « A la Une Santé et environnement » in l’evenementprecis.com, Disponible sur : http://levenementprecis.com/2013/05/07/erreurs-medicales-et-paramedicales-au-benin-quand-les-agents-de-sante-deviennent-des-bourreaux/ 954 Enseignant chercheur, UFR SJAG-Bouaké, Université de Bouaké, République de Côte d'Ivoire 955 YEO Adama, « La problématique de la mise en œuvre de la responsabilité médicale en Côte-d'Ivoire », op.cit., p. 256. 956 Adrien HOUNSA (Ancien agent de la santé à la retraite au Bénin), in Erreurs médicales et paramédicales au Bénin : comment les agents de santé tuent impunément dans les hôpitaux, 7 mai 2013, « A la Une Santé et environnement », in l’evenementprecis.com, Disponible sur : http://levenementprecis.com/2013/05/07/erreurs-medicales-et-paramedicales-au-benin-quand-les-agents-de-sante-deviennent-des-bourreaux/
280
« L’analphabétisme juridique »957 et les difficultés liées à la justice étatique des Etats
membres favorisent cette impunité. René DAVID précisait déjà en 1982 que « ce
que les uns ou les autres ont pu apprendre dans les écoles d’enseignement général
ne leur permet pas d’utiliser correctement un code, ni de trouver leur chemin dans
les recueils de lois ou de décisions judiciaires existantes »958.
803. Toutefois, le non recours aux juridictions étatiques en cas de dommages résultant
d’un acte ou d’un comportement d’un professionnel de santé s’explique aussi par le
mauvais fonctionnement des juridictions étatiques ; par les difficultés liées à la
preuve que la victime doit apporter.
b. Le problème de la preuve et de l’indemnisation des victimes
804. Dans le droit interne des Etats membres de l’UEMOA, la responsabilité pour faute
du professionnel de santé, nécessite que la victime apporte la preuve de l’erreur et
du préjudice qu’elle a subi959. Une preuve difficile à apporter dans le contexte
africain. Aussi, l’indemnisation de la victime n’est pas également évidente.
La difficulté liée à la preuve dans les Etats africains
805. Déterminer le rôle joué par un médicament dans la survenance d’une pathologie est
très difficile. Encore plus, lorsque le patient a eu recours à plusieurs types de
médicaments. Ce qui rend la preuve du lien de causalité entre la faute commise par
le professionnel, pharmacien-fabricant, pharmacien d’officine et le dommage subi
par le malade très délicate. Cette difficulté est plus grande dans les Etats africains. Il
y manque en effet des experts qui pourraient contribuer à établir cette preuve. Aussi,
laisser la charge de la preuve à la victime, dans les Etats de l’UEMOA, est tout
simplement augmenter la rareté des actions en justice contre les manquements des
professionnels de santé. Où vraiment trouver ces experts dont l’expertise est
indispensable pour prouver le lien entre la faute commise et le dommage de la
victime ; en n’oubliant pas que tout ceci implique des coûts financiers, ce qui n’est
pas évident pour les patients africains qui sont déjà dans une position délicate d’accès
aux médicaments ? Prenons toujours l’exemple des laits infantiles périmés960. Si
toutefois les maladies développées plus tard par le bébé sont liées aux laits périmés
957 YEO Adama, « La problématique de la mise en œuvre de la responsabilité médicale en Côte-d'Ivoire », op.cit., p. 257. 958 DAVID René, « Observations critiques sur les possibilités et les limites de la législation dans les pays africains », in Le droit comparé, droits d’hier, droits de demain, op.cit, p. 254. 959 Cf. infra., § 1033-1039 ; § 1074-1080. 960 Cf. supra., § 794.
281
délivrés par l’officine, comment la maman pourra-t-elle prouver le lien de cause à
effet entre ces laits et les maladies de son fils ; surtout qu’il n’existe pas vraiment
une structure adaptée pouvant l’orienter sur ce point et l’aider à trouver les experts
nécessaires à l’établissement de cette preuve ? Certes, le juge n’est pas lié par les
conclusions de l’expert, mais il y accordera une certaine attention. Par conséquent,
si les conclusions de l’expert ne sont pas convaincantes, cela pourrait influencer
négativement la suite du procès961.
806. Même dans l’hypothèse où la victime apporte la preuve du dommage qu’elle a subi
et le lien de cause à effet entre ce dommage et la faute, elle n’a aucune garantie d’être
indemnisée.
Le problème particulier de la responsabilité civile : un système d’assurance
des professionnels de santé encore embryonnaire
807. Même dans l’hypothèse où un pharmacien se voit condamner à verser une indemnité
à un malade ayant subi des dommages suite à ses pratiques professionnelles,
l’absence d’assurance professionnelle obligatoire pour ces professionnels va
constituer un sérieux obstacle à sa solvabilité. La responsabilité civile consistant
généralement en un versement d’une compensation financière à la victime d’une
faute commise dans le domaine pharmaceutique, est difficilement mise en œuvre
dans les Etats africains. Les professionnels de santé ne sont pas obligés de souscrire
à ce type d’assurances. Il n’existe pourtant pas un fonds de solidarité nationale dans
les Etats de l’UEMOA pour gérer les indemnités des victimes de fautes
professionnelles du personnel de la santé (médecins, pharmaciens). Si un
pharmacien est condamné à verser des dommages-intérêts (DI) à un patient alors
qu’il ne dispose d’aucune assurance couvrant sa responsabilité civile, son
insolvabilité est grande. C’est un autre aspect qui peut freiner les actions en justice
dans le domaine de la santé.
808. Les compagnies d’assurances présentes dans l’espace UEMOA proposent pourtant
la possibilité pour toute personne de souscrire à une assurance responsabilité civile.
Si les professionnels de la santé ne souscrivent pas à cette assurance, c’est parce
qu’aucun texte de loi ne rend obligatoire cette assurance. Les pays membres de
l’UEMOA devront pourtant rendre obligatoire la souscription à cette assurance civile
961 www.sante.tropicale.com
282
professionnelle, tout comme le Burkina l’a fait pour certains établissements. En effet,
le droit burkinabè fait peser sur les propriétaires des établissements dont relèvent les
banques de sang une responsabilité sans faute pour les risques courus par les
donneurs volontaires et les oblige à contracter une assurance couvrant la
responsabilité de leurs établissements962.
809. En France, par exemple, la souscription à une assurance responsabilité civile
professionnelle est obligatoire pour les professionnels de santé exerçant à titre
libéral963.
810. Si la souscription des professionnels de santé, en particulier des pharmaciens
d’officines, à des assurances civiles professionnelles peine à se développer, c’est à
cause du nombre limité de poursuites judiciaires dans le domaine, et surtout de
l’absence de condamnations à des versements de DI. Les pharmaciens ne sont donc
pas inquiétés quant à la possibilité d’indemniser un patient qui aurait subi un
dommage suite à leurs fautes professionnelles.
811. Il faut souligner par conséquent, que l’Etat est absent. Il n’a plus d’autorité. Il se
désengage des politiques sanitaires pouvant conduire à une meilleure protection de
la santé. Ce désengagement s’observe dans la mise en œuvre de la responsabilité des
professionnels de santé.
2. Le désengagement de l’Etat
812. Au sein des Etats de l’UEMOA, on a l’impression d’assister à un « désengagement »
de l’Etat en termes de protection des droits des patients contre les abus des
professionnels de la santé et des établissements de santé. Il est pourtant le garant de
la vie de ses citoyens. Sur ce point, l’article 8 de la Constitution béninoise précise
que « la personne humaine est sacrée et inviolable. L’Etat a l’obligation absolue de
la respecter et de la protéger. Il lui garantit un plein épanouissement. A cet effet, il
assure à ses citoyens l’égal accès à la santé, à l’éducation, à la culture, à
l’information, à la formation professionnelle et à l’emploi »964. « Le droit à la santé
est reconnu. L’Etat œuvre à le promouvoir » précise également la Constitution du 02
juin 1991 du Burkina. C’est donc une obligation absolue pour l’Etat que de protéger
la santé. L’obligation désignerait dans ce cas une contrainte par laquelle l’Etat est
tenu de protéger la santé de ses citoyens. Son caractère absolu ôte toute limite ou
962 Article 258 du CSP du Burkina Faso. 963 Article L. 1142-2 du CSP français. 964 Loi Nº 90-32 du 11 Décembre 1990 portant Constitution de la République du Bénin.
283
restriction quant à l’accomplissement de l’obligation. Elle est donc totale. Il faut ainsi
convenir avec Parfait OUMBA qu’« en tant que droit de l’homme, le droit à la santé
n’est pas une option politique que les Etats peuvent choisir de suivre ou non »965.
Cela implique alors que la responsabilité de l’Etat puisse être engagée en cas
d’abstention, de manquement à cette obligation totale. Tel a été le cas en Afrique du
Sud, où le Treatment Action Campaign (TAC), face à l’inertie de l’Etat dans la
protection des femmes enceintes séropositives et de leurs bébés, intente un procès en
août 2001 contre le gouvernement. Elle estima que la position et les arguments du
gouvernement étaient anticonstitutionnels, et demanda à la Haute Cour « d’enjoindre
le gouvernement de mettre la névirapine à la disposition des femmes enceintes
séropositives qui accouchent dans le secteur de la santé publique et de leurs bébés ».
La Haute Cour se prononça en décembre 2001 en faveur de la TAC. Elle condamna
le gouvernement sud-africain à préparer dans les trois mois un plan pour un
programme national global efficace de prévention ou de réduction de la transmission
mère-enfant du VIH, y compris la fourniture de conseils et de tests volontaires et, le
cas échéant, de la névirapine ou d’autres médicaments appropriés. A cette occasion,
la Haute Cour déclare qu’il s’agit là d’une « obligation inéluctable » de l’Etat966.
813. Certaines infractions aux droits pharmaceutiques sont connues des services
administratifs de l’Etat, mais cela n’améliore pas pour autant les droits des patients.
Ce désengagement est lié en partie aux comportements de certains leaders politiques.
Le Ministre sud-africain de la Santé, Aaron MOTSOALEDI, résume ces
comportements comme suit : « …Nous sommes le seul continent qui a des leaders
qui se soignent en dehors du continent. Nous devons avoir honte de cela. Nous
devons promouvoir nos systèmes de santé »967. Tout porte à croire que les leaders
politiques africains ne se ne préoccuperaient pas des droits des patients, dans la
mesure où ils ne sont pas des « patients potentiels » des services publics de santé de
leurs pays. Pourtant, comme précisé dans les lignes précédentes, l’article 7 du Traité
965 OUMBA Parfait, « La garantie de l'état minimum de sante et sa mise en œuvre en Afrique. Développement et changement social en Afrique », HAL archives-ouvertes, 2012, p. 2. 966 Minister of Health and Others v Treatment Action Campaign and Others (No 2) (CCT8/02) [2002] ZACC 15 ; 2002 (5) SA 721; 2002 (10) BCLR 1033 (5 July 2002) ; Voir aussi International Budget Partneship, « De l’analyse de l’impact. Série d’études de cas du Parternishp Initiative » Disponible sur : https://www.internationalbudget.org/wp-content/uploads/LP-Case-Study-TAC-Summary_French.pdf 967 Africanew.com, Afrique : « Chefs d'Etat, soignez-vous en Afrique », selon le ministre sud-africain de la Santé, 29/08/2017 Disponible sur http://fr.africanews.com/2017/08/29/afrique-chefs-d-etat-soignez-vous-en-afrique-selon-le-ministre-sud-africain-de//
284
de Dakar invite d’une certaine manière les Etats à prendre toute mesure nécessaire
pour atteindre les objectifs du Traité. Ainsi, les Etats doivent prendre les dispositions
juridiques pouvant permettre de poursuivre les professionnels du domaine
pharmaceutique qui ne respecteraient pas les textes communautaires
pharmaceutiques. Les Etats membres peuvent ainsi obliger les professionnels de la
santé à respecter ces règles communautaires et conduire ainsi à une meilleure
application du droit communautaire.
814. Ne faut-il pas penser que, tout comme les citoyens, l’Etat considère que les
dommages, voire les décès des patients dus à des fautes professionnelles des
professionnels de la santé, sont une « fatalité » ?
815. Pourtant, les droits nationaux contiennent des dispositions permettant d’engager des
actions en justice contre des professionnels de santé qui violent les textes légaux.
285
CONCLUSION DU CHAPITRE
816. Ces limites internes, qui sont spécifiques à l’UEMOA et à ses Etats membres,
compromettent effectivement l’application et l’effectivité du droit communautaire
pharmaceutique. Il est difficile, en effet, que les professionnels de la santé respectent
les règles communautaires si, au niveau national, ils n’appliquent pas les dispositions
juridiques. A ce non-respect des règles pharmaceutiques nationales et
communautaires s’ajoute la quasi-absence d’une mise en œuvre de la responsabilité
de ces professionnels en cas d’infraction à la réglementation pharmaceutique. Une
absence qui s’expliquerait par l’ignorance, l’analphabétisme et les difficultés liées à
la saisine de la justice étatique, mais aussi communautaire. Pourtant, l’instauration
d’un système de santé efficace nécessite de résoudre ces obstacles fonctionnelles et
structurelles.
817. Cependant, d’autres phénomènes résultant de l’appartenance de l’Union à des
organisations sous-régionales et régionales également compétentes dans le domaine
de la santé, pourraient constituer des obstacles à une effectivité réelle du processus
d’harmonisation en cours au sein de l’UEMOA.
286
CHAPITRE 2. LES LIMITES EXTERNES OU L ’ INFLUENCE DES AUTRES INITIATIVES D ’HARMONISATION SUR LE DROIT PHARMACEUTIQUE DE
L ’UEMOA
818. « La mondialisation économique, qui a entraîné la mondialisation du droit du
commerce international, a également généré la mondialisation du droit
pharmaceutique »968. Pour Joe VERHOEVEN, « la mondialisation reflète un espace
non-cloisonné au sein duquel les personnes, les choses et les idées ou les services
s’échangent librement, sans entrave artificielle »969. Et Éric LOQUIN de préciser
sur ce point qu’« une règle est mondialisée lorsqu’elle s’affirme comme telle, parce
qu’elle propose une solution à une question juridique dans l’espace international,
indépendant de la localisation de cette question juridique »970. A côté de ce
mouvement dit mondial, se développe, à un degré près, un mouvement similaire au
niveau régional et sous-régional à travers les continents.
819. Le domaine pharmaceutique, en particulier celui du médicament, fait l’objet d’un
processus de rapprochement au niveau sous-régional et régional sur le continent
africain. Donc, à l’instar de l’UEMOA, des processus d’harmonisation sont en cours
au sein de la CEDEAO et de l’Union africaine. Ainsi, l’appréciation de
l’harmonisation entreprise au sein de l’UEMOA nécessite de s’attarder sur la
comptabilité de ce processus avec d’autres processus en cours. Pour ainsi dire, elle
soulève la question de la comptabilité des normes pharmaceutiques communautaires
avec d’autres normes de sources continentales, voire internationales. Ces autres
initiatives d’harmonisation sont-elles des obstacles à l’effectivité du droit
communautaire harmonisé ?
820. Il nous semble essentiel de traiter de cet aspect, car l’existence de processus
d’harmonisation parallèles n’est pas sans influence sur celle en chantier au sein de
l’UEMOA ; l’idée étant d’attirer l’attention de l’UEMOA sur cet aspect à travers
968 JOURDAIN-FORTIER Clotilde, Santé et commerce international, CREDIMI, Paris, LexisNexis, 2006, p. 424-425, § 470. 969 VERHOEVEN Joe, « Souveraineté et mondialisation. Libre propos », in Eric LOQUIN et Catherine KESSEDJIAN, La mondialisation du droit, Paris, Litec, 2000, Travaux du CREDIMI, p. 46 970 Eric LOQUIN lors de la discussion qui a suivi les communications sur la dynamique de la mondialisation, in Eric LOQUIN et Catherine KESSEDJIAN, « la mondialisation du droit », Paris, Litec, 2000, Travaux du CREDIMI, p. 173.
287
l’analyse juridique qui va faire ressortir les conséquences potentielles de ces
multiples processus d’harmonisation sur le droit communautaire UEMOA et celles
des droits nationaux. Le développement progressif d’un droit communautaire
pharmaceutique harmonisé en Afrique de l’Ouest va devoir se conjuguer avec le
développement d’un droit pharmaceutique au niveau continental à travers
l’harmonisation entreprise au sein de l’Union africaine.
821. L’UEMOA agit de façon autonome en tant qu’organisation sous-régionale ouest-
africaine. Cependant, son action d’harmonisation des réglementations
pharmaceutiques doit tenir compte de l’initiative également prévue dans le même
domaine par l’organisation régionale du continent. Notons que la prise en compte de
ces différentes initiatives conditionne l’effectivité, voire la stabilité du droit
pharmaceutique dans l’UEMOA971. Mais, il faut surtout garder à l’esprit que toutes
ces initiatives d’harmonisations des réglementations pharmaceutiques ne sont pas
sans influence sur les Etats membres de l’UEMOA qui sont également membres de
l’UA et de la CEDEAO. Pour ce faire, cette influence résulte de cette appartenance
à ces différentes organisations dont les normes juridiques s’imposent aux Etats de
l’UEMOA.
822. Ce qui est préoccupant, c’est la prolifération des différentes initiatives
d’harmonisations des réglementations pharmaceutiques au niveau régional et
continental. Comme le précise à juste titre Paul KIEMDE, ne faut-il pas voir en cette
adhésion des Etats à plusieurs organisations sous-régionales poursuivant les mêmes
objectifs une stratégie d’inertie ? 972 Mais, surtout, il faut noter que leurs influences
possibles sur la réalisation, voire l’effectivité de celles en cours au sein de l’UEMOA,
sont notoires ; le problème particulier de l’UEMOA étant son appartenance à
plusieurs organisations d’intégration régionale intervenant aussi bien dans le
domaine pharmaceutique que de la santé en général : CEDEAO, OAPI, UA973.
823. Ainsi, le chantier d’harmonisation de la réglementation pharmaceutique de
l’UEMOA doit donc tenir compte, voire « harmonisé », avec les autres chantiers
d’intégration juridique du droit pharmaceutique en cours en Afrique (UA, NEPAD,
971 PODA Baimanai Angelain, La mise sur le marché et la distribution du médicament en Afrique noire francophone. Réflexions à partir des exemples du Burkina Faso et du Sénégal, Paris, l’Harmattan, 2015, p. 718 972 KIEMDE Paul, « Intégration régionale et harmonisation du droit social en Afrique : problèmes et perspectives », op.cit., p. 149 973 Cf. DIAKITE Kémoko, « Droit de l’intégration africaine », l’Harmattan, octobre 2017, 192 p. ; SAWADOGO Paul, « Les regroupements régionaux en Afrique noire, l’exemple de l’Afrique de l’Ouest. Bilan et perspectives », Thèse de droit public, Université de Toulouse 1, 1998.
288
CEDEAO). Cela est d’autant plus nécessaire pour éviter d’éventuels conflits de
normes ou de compétences que pour éviter de surcharger les droits nationaux de
textes juridiques poursuivant tous le même objectif de protection de la santé et de la
concrétisation d’une sécurité sanitaire sur le continent. La multiplication de ces
projets d’harmonisation dans le même domaine peut entrainer un bouleversement
des habitudes et des pratiques des acteurs professionnels chargés d’appliquer tous
ces différents textes. L’OMS préconise pourtant l’alignement entre les initiatives
d’harmonisation pharmaceutique974. Mais, quelle est la hiérarchie dans le respect des
normes entre l’UA et l’UEMOA, l’UEMOA et la CEDEAO ? 975
824. L’essor de ces différentes initiatives de rapprochement des législations
pharmaceutiques traduit l’idée et la volonté des Etats d’améliorer leurs systèmes de
santé en Afrique, mais également de leur prise de conscience que la disparité des
législations constitue un obstacle à l’intégration économique et monétaire976 qu’ils
envisagent.
825. Hans VAN HOUTTE rappelait, lors du colloque de Dijon en 1999 sur la
mondialisation du droit, l’importance de tenir compte du contexte politique dans
lequel évolue l’organisation qui prend l’initiative de l’harmonisation. C’est donc
l’importance que les Etats accordent à l’organisation initiatrice du processus
d’harmonisation qui va conditionner le respect du droit issu de cette organisation977.
L’intervention croissante de toutes les organisations dans le rapprochement des
droits pharmaceutiques ne va pas tendre, dans l’avenir, vers la qualification de la
santé comme un bien public mondial. Ce qui traduirait la reconnaissance d’un intérêt
commun mondial978. Il faut ainsi analyser ces différents processus de rapprochement
par harmonisation du droit pharmaceutique : d’une part l’harmonisation en
974 OMS, bureau régional de l’Afrique, Soixante-sixième semaine, Addis Abeba, AFR/RC66/13 du 22 août 2013 975 Sur ce point, il faut se référer dans un premier temps à l’article 14 du Traité de Dakar pour ce qui concerne l’UEMOA : « Dès l'entrée en vigueur du présent Traité, les Etats membres se concertent au sein du Conseil afin de prendre toutes mesures destinées à éliminer les incompatibilités ou les doubles emplois entre le droit et les compétences de l'Union, d'une part, et les conventions conclues par un ou plusieurs Etats membres, d'autre part, en particulier celles instituant des organisations économiques internationales spécialisées » 976 ONANA ETOUNDI Félix, « Les expériences d’harmonisation des lois en Afrique », Revue de l’ERSUMA :: Droit des affaires - Pratique Professionnelle, N° 1 - Juin 2012 url: http://revue.ersuma.org/no-1-juin-2012/doctrine-12/LES-EXPERIENCES-D-HARMONISATION, Consultée le : 25 août 2014. 977 VAN HOUTTE Hans, « La modélisation substantielle », in LOQUIN Eric, KESSEDJIAN Catherine, la mondialisation du droit, Travaux du CREDIMI, Volume 19, Editions Litec, 2000, Travaux du CREDIMI, p. 217 978 DELAMS-MARTY Mireille, « Études juridiques comparatives et internationalisation du droit », p. 483. Disponible sur https://www.college-de-france.fr/media/mireille-delmas-marty/UPL12910_r_sum_cours0405.pdf
289
construction au sein de la CEDEAO (Section 1), d’autre part le projet
d’harmonisation en cours dans l’UA (Section 2).
Section 1. L’harmonisation entreprise au sein de la CEDEAO
826. Le Traité de Dakar donne compétence, dans son protocole additionnel n°03, à
l’UEMOA pour légiférer dans le domaine de la santé. Cependant, l’UEMOA n’est
pas la seule organisation sous-régionale qui œuvre dans le domaine de la santé en
Afrique de l’Ouest. La CEDEAO979 met également en œuvre un processus
d’harmonisation du domaine pharmaceutique980. L’existence de deux organisations
régionales dans la même zone géographique et dans les domaines similaires peut
conduire à des chevauchements, des contrariétés, des concurrences ; voire à des
conflits.
827. Mais la santé, élément clé pour des projets économiques, politiques, etc, ne saurait
continuer à faire l’objet d’une telle insécurité juridique. Pour l’heure, il est peu
probable que des normes communautaires du domaine pharmaceutique, élaborées
dans le cadre de la CEDEAO, entrent en conflit avec celles de l’UEMOA ; compte
tenu du fait que les normes harmonisées de la CEDEAO ne sont pas suffisamment
avancées.
828. Comment, au niveau national, les Etats peuvent-ils ordonner cette multitude de
normes communautaires ? Cette initiative au sein de le CEDEAO peut constituer une
difficulté pour l’application du droit communautaire pharmaceutique de l’UEMOA
(§ I). Toutefois, il n’est pas exclu d’envisager un regroupement ou une collaboration
de ces deux organisations sous-régionales (§ II).
§ I. L’existence d’organisations sous-régionales concurrentes
829. La CEDEAO a également pour objectif de promouvoir l’amélioration de la santé
dans la sous-région ouest-africaine. Dr Xavier CRESPIN, actuel directeur général de
l’OOAS981, affirmait que l’objectif majeur de cette communauté économique
régionale est de mettre en place un secteur pharmaceutique harmonisé et
performant982. Ainsi, l’UEMOA, depuis son règlement n°02/2005, poursuit le même
objectif983 que la CEDEAO.
979 http://www.ecowas.int/?lang=fr 980 Cf. infra., § 835-849. 981 Jusqu’en Août 2017 982 Plan Pharmaceutique Régional de la CEDEAO (PPRC), 2014 -2020, April 2014, p. 5 983 Article 2 et 3 du règlement n°02/2005/CM/UEMOA
290
830. Pour paraphraser Paul Dima EHONGO : « La coexistence des compétences laisse
présager un avenir d’insécurité et de désordre »984. Un désordre accentué par
l’absence de hiérarchie entre ces deux organisations sous-régionales.
831. Ce constat n’est pas spécifique au domaine pharmaceutique ni uniquement entre
l’UEMOA et la CEDEAO. Les textes sont donc adoptés de façon éparse dans les
deux organisations sous-régionales. On a l’impression d’assister à une concurrence
juridique dans le domaine pharmaceutique. Il n’y a pas que le domaine
pharmaceutique qui soit concerné par ce « conflit de compétences », mais plusieurs
domaines économiques font l’objet d’encadrements juridiques qui se chevauchent
entre les deux organisations sous-régionales.
832. L’existence de ces doubles compétences se retrouve partout en Afrique985. En droit
comptable, par exemple, l’OHADA a adopté un acte uniforme sur le système
comptable, et l’UEMOA un règlement portant sur le système comptable ouest-
africain. Aussi, en 2002, l’UEMOA a adopté une série de textes juridiques relatifs
au droit de la concurrence986, et la CEDEAO a également adopté une législation en
la matière en 2008. Selon Joseph Issa SAYEGH, « la concurrence des compétences
entre les organisations internationales peut conduire à deux situations
diamétralement opposées (soit un vide juridique, soit un trop plein de textes) qui
laissent présager un avenir de désordre »987. De plus, les pays membres de ces deux
organisations sous-régionales sont susceptibles de faire face à une insécurité
juridique. Il en ressort un constat majeur : celui d’une compétition juridique entre les
deux organisations.
984 EHONGO Paul Dima, « L’intégration juridique des économies africaines à l’échelle régionale et mondiale », in DELMAS-MARTY Mireille, Critique de l’intégration normative : l’apport du droit comparé à l’harmonisation des droits, Paris, Presses Universitaire de France, 1ère éd., 2004 p. 205. 985 Cf. ABARCHI D., « La supranationalité de l’Organisation pour l’Harmonisation du Droit des Affaires en Afrique », RBD, n°37, 1er septembre 2000, pp. 9 et s. ; BA Demba Boubacar, « Le problème de la comptabilité entre l’UEMOA et l’OHADA », in « Libéralisation de l’économie dans le cadre de l’intégration régionale : le cas de l’UEMOA », actes du colloque de Ouagadougou des 16 et 17 décembre 1999, publication du CEEI n°3, p. 157 ; IBRIGA Luc Marius, « Le problème de la comptabilité entre l’UEMOA et la CEDEAO », CEEI n°3, p. 197. 986 Règlement n°2/2002/CM/UEMOA relatif aux pratiques anticoncurrentielles à l’intérieur de l’Union Économique et Monétaire Ouest-Africaine. • Règlement n° 3/2002/CM/UEMOA relatif aux procédures applicables aux ententes et abus de position dominante à l’intérieur de l’Union Économique et Monétaire Ouest-Africaine ; • Règlement n° 4/2002/CM/UEMOA relatif aux aides d’État à l’intérieur de l’Union Économique et Monétaire Ouest-Africaine et aux modalités d’application de l’article 88 (c) du Traité ; • Directive n° 02/2002/CM/UEMOA relative à la coopération entre la Commission et les Structures Nationales de Concurrence des États membres pour l’application des articles 88, 89 et 90 du traité de l’UEMOA. 987 SAYEGH Joseph Issa, « Quelques aspects techniques de l’intégration juridique : l’exemple des actes uniformes de l’OHADA », Rev. dr. unif., 1999-1, p. 13.
291
833. Ne va-t-on pas assister à cette allure à la pratique du « forum shopping »988 dans le
domaine de la santé, d’autant plus que la CEDEAO dispose également d’une Cour
de Justice989 ? Il faut pourtant éviter d’en arriver là, pour ne pas réduire à l’extrême
la protection de la santé, l’accès à des médicaments et à des soins de qualité déjà
réduits dans la grande majorité des pays africains.
834. Cette convergence de compétences dans le domaine peut conduire à un trop plein de
textes, voire à un vide, par évitement réciproque. Dans la mesure où tous les Etats
membres de l’UEMOA font également partie de l’espace CEDEAO990, cela constitue
un obstacle politique à l’application des textes communautaires. Faut-il appliquer le
droit communautaire de l’UEMOA relatif à la santé ? Ou faut-il appliquer le droit
communautaire de la CEDEAO qui a trait à la protection de la santé ? Un malaise
renforcé par l’existence de l’organe de la CEDEAO ; l’Organisation ouest-africaine
de la santé (OOAS) (A). Une analyse des normes juridiques pharmaceutiques
adoptées par la CEDEAO est nécessaire (B).
A. Présentation de l’Organisation ouest-africaine de la santé (OOAS)
835. Créée par un protocole le 9 juillet 1987 à Abuja, l’OOAS est une institution
spécialisée de la CEDEAO en charge des questions de santé. Elle est née de la fusion
des deux organisations sanitaires intergouvernementales qui existaient dans la sous-
région : l’Organisation Francophone de Coordination et de Coopération pour la Lutte
988Le Dictionnaire juridique Gérard Cornu de l’Association Henri Capitant (11ème édition, janvier 2016) indique que, « Le forum shopping désigne la possibilité qu’offre à un demandeur la diversité des règles de compétences internationales de saisir les tribunaux du pays appelé à rendre la décision la plus favorable à ses intérêts », p. 477. 989 La Cour de Justice de la CEDEAO est consacrée dans le Traité révisé de 1993, à l’article 15 : « 1. Il est créé une Cour de Justice de la Communauté. 2. Le statut, la composition, les compétences, la procédure et les autres questions concernant la Cour de Justice sont définis dans le protocole y afférent. 3. Dans l'exercice de ses fonctions, la Cour de Justice est indépendante des Etats Membres et des Institutions de la Communauté. 4. Les arrêts de la Cour de Justice ont force obligatoire à l'égard des Etats Membres, des Institutions de la Communauté, et des personnes physiques et morales ». 990 La CEDEAO est une organisation interétatique regroupant principalement des Etats de l’Afrique de l’Ouest. Elle a été créée par un Traité en 1975. Elle regroupe 15 pays ayant des langues différentes. Cinq pays anglophones (le Ghana, le Libéria, le Nigeria, la Sierra Leone et la Gambie), huit (8) pays francophones (le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, la Guinée, le Mali, le Niger, le Sénégal, et le Togo), et deux (2) pays lusophones (la Guinée-Bissau et le Cap-Vert)990. L’UEMOA fait partie intégrante de la CEDEAO. Au sein de la CEDEAO, sa compétence dans le domaine pharmaceutique peut être recherchée dans les termes de l’article 3 de son Traité révisé de 1993 qui précise que «….l'action de la Communauté portera par étapes sur : (a) l'harmonisation et la coordination des politiques nationales et la promotion de programmes, de projets et d'activités, notamment dans les domaines de l'agriculture et des ressources naturelles, de l'industrie, des transports et communications, de l'énergie, du commerce, de la monnaie et des finances, de la fiscalité, des réformes économiques, des ressources humaines, de l'éducation, de l'information, de la culture, de la science, de la technologie, des services, de la santé, du tourisme, de la justice, … ». L’harmonisation dans le domaine de la santé y est donc expressément prévue. Aussi, le plan pharmaceutique régional 2014-2020 de la CEDEAO définit l’un de ses objectifs : « ...Avoir un secteur pharmaceutique harmonisé et performant de la CEDEAO, conforme aux politiques et normes nationales et internationales reconnues ».
292
Contre les Grandes Endémies (OCCGE) et l’Anglophone West African Health
Community (WAHC)991. Son siège se trouve à Bobo-Dioulasso, au Burkina Faso.
« L’objectif de l’organisation ouest-africaine de la santé est d’offrir le niveau le plus
élevé en matière de prestations de soins de santé aux populations de la sous-région,
sur la base de l’harmonisation des politiques des Etats membres, de la mise en
commun des ressources et de la coopération entre les Etats membres et les pays tiers,
en vue de trouver collectivement et stratégiquement des solutions aux problèmes de
santé de la sous-région »992. Dans le même sens, l’objectif qui sous-tend la création
de la Cellule en charge de l’harmonisation pharmaceutique au sein de l’UEMOA est
« d’impulser et de suivre progressivement l’harmonisation des réglementations
pharmaceutiques des Etats membres de l’Union en vue de contribuer à l’amélioration
de la qualité de vie des populations à travers l'accessibilité à des médicaments de
qualité et de sécurité garanties ». La vision de la CEDEAO est de faire reconnaître
par la communauté internationale que l’OOAS est l’instrument principal de
l’intégration régionale en matière de santé993. La CEDEAO a, par exemple, participé
en février 2009 au séminaire organisé par le NEPAD sur l’harmonisation de
l’autorisation de mise sur le marché des médicaments en Afrique. Le but était
d’inciter les initiatives en faveur de l’enregistrement régional des médicaments au
niveau des communautés économiques régionales994. Ainsi, la CEDEAO, à travers
son organe spécialisé dans le domaine de la santé ; l’OOAS ; a pris plusieurs
initiatives en vue d’harmoniser la réglementation pharmaceutique dans la sous-
région995.
991 http://www.ecowas.int/institutions-2/organisation-ouest-africaine-pour-la-sante-ooas/?lang=fr 992 http://www.ecowas.int/institutions-2/organisation-ouest-africaine-pour-la-sante-ooas/?lang=fr 993 http://www.wahooas.org/spip.php?page=rubriqueS&id_rubrique=24&lang=fr 994 BERGER M. et al., « Renforcer l'innovation Pharmaceutique en Afrique », Conseil de la recherche en santé pour le développement (COHRED), Nouveau Partenariat pour le développement de l'Afrique (NEPAD), 2010, p. 24. 995 En mars 2011, les représentants des fabricants de produits pharmaceutiques locaux de la région ont validé et adopté le Document technique commun (DTC) sur les médicaments à Bobo-Dioulasso ; L'OOAS a soutenu l'élaboration de directives sur les études de biodisponibilité ou de bioéquivalence (BD / BE), les 27-29 juin 2012 à Lomé ; l'OOAS a appuyé l'élaboration de directives pour les systèmes de la CEDEAO / OOAS pour la certification des produits finis, des matières premières du secteur pharmaceutique ainsi que des documents des critères de préqualification, destinés à évaluer les fabricants de produits pharmaceutiques afin de leur permettre d'obtenir l'autorisation de mise sur le marché ; Cf. ce point Plan pharmaceutique régional de CEDEAO (PPRC) 2014 -2020, p. 19 et svt Disponible sur http://www.wahooas.org/IMG/pdf/plan_pharmaceutique_CEDEAO_French.pdf
293
836. Pourtant, la mise en place de la sécurité sanitaire nécessite également des
professionnels de santé compétents. Ainsi, pour la communauté économique, c’est
dans le souci de garantir des prestations de services pharmaceutiques de qualité et de
favoriser le libre exercice de la profession pharmaceutique dans la région ouest-
africaine qu’elle a entrepris ce processus d’harmonisation dans le domaine
pharmaceutique.
B. Aperçu général de la réglementation pharmaceutique adoptée au niveau de la CEDEAO
837. La CEDEAO à travers l’OOAS a pour objectif l’adoption d’un Code de déontologie
harmonisé pour tous les pharmaciens de la zone (1). Pour cela, elle a procédé
préalablement à une harmonisation des curricula de formation des pharmaciens de
tous les Etats membres (2).
1. Le projet du code de déontologie harmonisé de l’exercice des pharmaciens dans l’espace CEDEAO
838. La déontologie informe les pharmaciens sur l’ensemble de leurs obligations, leurs
devoirs professionnels et offre un cadre d’exercice de la profession. C’est sur cette
lancée qu’en août 2011, l’OOAS a élaboré un projet de code harmonisé de
déontologie. Ce projet de code s’impose à tous les pharmaciens du secteur public ou
du secteur privé régulièrement autorisés par les instances compétentes à exercer la
profession pharmaceutique dans l’un des Etats membres de la CEDEAO996. Aussi,
en octobre 2012, une réunion de validation du code harmonisé de déontologie s’est
tenue à Abidjan, en Côte d’Ivoire. Mais, force est de constater que, jusqu’à nos
jours997, aucun document final relatif à ce projet de code de déontologie n’est
disponible au sein de l’OOAS. Des questions surgissent alors : le projet de code de
déontologie a-t-il été soumis au Conseil des Ministres de la CEDEAO ? La
Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement, l’instance suprême de décision, a-
t-il validé le projet de code de déontologie ? La CEDEAO ferait-elle des déclarations
d’intentions à propos de l’harmonisation du domaine pharmaceutique ? Ou est-ce
tout simplement une concurrence voulue de l’organisation sous-régionale de
l’UEMOA ?
996 Projet du code de déontologie harmonisé de l’exercice des pharmaciens dans l’espace CEDEAO, p. 1. 997 Jusqu’en décembre 2017.
294
839. Force est pourtant de constater que certains pays de l’UEMOA ignorent l’existence
de ce code harmonisé. A titre d’exemple, le décret n°2014-047/PRES/PM/MS
portant code de déontologie des pharmaciens du Burkina n’a pas visé le code
harmonisé de la CEDEAO qui doit pourtant s’appliquer également au Burkina.
840. Des déclarations d’intentions et des ateliers et séminaires qui n’aboutissent pas à
l’adoption d’un texte juridique définitif compromettent le développement et
l’effectivité du droit communautaire pharmaceutique en Afrique de l’Ouest.
2. L’harmonisation des curricula de formation des docteurs en pharmacie
841. Pour que la libre circulation et le libre exercice soient une réalité, la CEDEAO a
harmonisé en 2015 les programmes d’études, la structure générale de la formation
(les enseignements généraux, les sciences fondamentales et biomédicales, les
sciences pharmaceutiques, les études professionnelles et modules de soutien, la
thèse), l’évaluation et l’accréditation des étudiants en pharmacie.
842. Cette harmonisation des formations est adoptée 6 années après la directive de
l’UEMOA sur la libre circulation des pharmaciens. Pourtant, il faut se résoudre à
dire qu’il ne peut y avoir libre circulation et libre établissement que si la formation
dispensée aux étudiants en pharmacie est de même qualité dans tous les Etats
membres.
843. Cette directive a été adoptée le 26 juin 2008, harmonisant la libre circulation et
l’établissement des pharmaciens ressortissants de l’Union au sein de l’espace
communautaire. L’article 2 de celle-ci précise, en effet, que « la présente directive
a pour objet de faciliter la libre circulation et l’établissement des pharmaciens
ressortissants… ». Cette directive devant être mise en œuvre au plus tard le 31
décembre 2009. Les Etats membres de l’UEMOA, en tant que membres de la
CEDEAO, doivent cependant se conformer aux programmes de formations des
pharmaciens adoptés au sein de la CEDEAO, même s’il faut constater la difficulté
de mise en œuvre de la directive UEMOA sur la libre circulation et le droit
d’établissement des pharmaciens dans l’Union. Certains Etats n’ont même pas
transposé la directive, et n’en tienne pas compte ; tandis que d’autres émettent des
conditions à sa mise en œuvre. Tel est le cas de la Côte d’Ivoire qui, dans l’article 14
de la loi 2015-533 relative à l’exercice de la pharmacie, mentionne que « …lorsqu’un
Etat accorde à des pharmaciens ivoiriens le droit d’exercer leur profession sur son
295
territoire, les ressortissants de cet Etat peuvent être autorisés à pratiquer leur art en
Côte d’Ivoire ».
844. Ce bref aperçu de quelques textes juridiques adoptés d’une part par l’UEMOA et
d’autre part par la CEDEAO donne une idée globale du droit pharmaceutique en
Afrique de l’Ouest. Un droit communautaire pharmaceutique émergeant et partagé
entre deux organisations sous-régionales autonomes l’une de l’autre.
845. A première vue, d’aucuns diront qu’il s’agit de normes communautaires différentes.
Mais, le fait d’assister à l’adoption de normes communautaires dans le domaine
pharmaceutique par deux organisations peut conduire les Etats membres de
l’UEMOA à n’appliquer aucun des textes communautaires. Un pharmacien
burkinabè disait à ce propos qu’« on accuse les pharmaciens d’être plus actifs au sein
de l’UEMOA que de la CEDEAO »998. La CEDEAO ayant harmonisé la formation
des pharmaciens, adopté un code harmonisé de déontologie, il n’est pas exclu que,
dans les années à venir, elle adopte un instrument juridique pour permettre la libre
circulation dans son espace géographique.
846. Aussi, chacune des organisations demeure compétente dans le domaine de la santé.
Ce qui suppose qu’elles puissent modifier à tout moment leurs droits matériel et
substantiel. Le risque d’un conflit réel de normes en droit pharmaceutique n’est donc
pas anodin.
847. Certes, la CEDEAO n’a pas encore adopté une norme communautaire relative
spécifiquement à la mise sur le marché, la distribution, la publicité et l’information
sur les médicaments, mais l’adoption d’une directive communautaire relative à la
déontologie influence, d’une manière ou d’une autre, l’application effective des
normes communautaires par les Etats membres de l’UEMOA. Actuellement, les
conflits réels de normes communautaires pharmaceutiques n’existent pas, car
l’UEMOA a plus légiféré dans le domaine de la santé que la CEDEAO.
848. Toutefois, si les deux organisations adoptent les textes juridiques sur la distribution
ou l’homologation des médicaments, les Etats membres se trouveront dans une
position délicate. Ce qui aboutira à la mise en œuvre du texte le plus avantageux et
le moins difficile à mettre en œuvre, mais ne garantissant pas forcement une
meilleure sécurité sanitaire. Cela est sans oublier que le fait pour ces deux
organisations ouest-africaines de poursuivre chacune l’objectif d’harmoniser le
998 Entretien avec un pharmacien dans une officine à Ouagadougou, le 28 août 2017.
296
secteur pharmaceutique entraîne un gaspillage des ressources et une dispersion des
efforts. Ce qui est préjudiciable à la concrétisation de la sécurité sanitaire.
849. Il faudra pour la concrétisation de la sécurité sanitaire que les deux organisations
collaborent, afin de fusionner leurs projets d’harmonisation du domaine
pharmaceutique.
§ II. Une indispensable prise en compte des autres pays de la CEDEAO dans l’harmonisation du droit pharmaceutique entreprise par l’UEMOA
850. Il serait essentiel de trancher dès maintenant la question de l’extension de
l’harmonisation des réglementations pharmaceutiques aux autres Etats de la
CEDEAO. Car cela permettra de trouver des solutions aux nombreux concepts
juridiques utilisés dans les instruments communautaires pharmaceutiques de
l’UEMOA, qui pourraient avoir un sens différent dans certains pays anglophones (le
Nigeria et le Ghana). Si la question n’est pas résolue maintenant, elle le sera
difficilement après, puisque cela va nécessiter un réexamen de tous les textes
communautaires en la matière, et conduira ainsi à déstabiliser tout le processus du
droit communautaire pharmaceutique en cours d’harmonisation. Mais, il ne faut pas
perdre de vu que l’élargissement de ce processus va accroître la disparité des
législations nationales au niveau communautaire (B).
851. L’harmonisation est beaucoup plus concevable lorsque les pays concernés sont
juridiquement proches en termes de tradition juridique, de développement
économique ; voire de production pharmaceutique. Cependant, il est nécessaire de
revoir la méthode d’intégration juridique, donc le type d’harmonisation, lorsque
celle-ci devra prendre en compte les autres pays de la CEDEAO, donc des pays ayant
une autre tradition juridique, pour citer le cas du Ghana et du Nigeria qui sont de
tradition common-law. Le débat relatif au rapprochement de ces droits de traditions
juridiques différents va se mener entre common lawyers et civil lawyers.
852. Un dialogue crucial qui permettra d’éviter une hégémonie du droit pharmaceutique
d’un Etat membre. Pour Anne WEYEMBERGH, « s’il ne saurait être question de
contester les difficultés à concilier droits de common law et civil law, celles-ci ne
doivent pas être perçues comme des obstacles dirimants au rapprochement »999.
Mais, du fait que l’on fasse face à deux traditions juridiques, le risque d’arbitraire et
999 WEYEMBERGH Anne , L'harmonisation des législations : condition de l'espace pénal européen et révélateur de ses tensions, op.cit., p. 104 § 129.
297
d’hégémonie est grande1000. Aussi, abandonner une tradition civiliste ou common-
lawystes implique des aspects politiques et techniques1001.
853. Etendre l’harmonisation aux pays de la CEDEAO nécessite de prendre en compte la
possibilité d’aboutir à un droit hégémonique de l’un des pays les plus développés
parmi les 15. Toutefois, la prise en compte de l’harmonisation des droits
pharmaceutiques au niveau de la communauté économique régionale (CEDEAO)
impliquera de revoir son Traité fondateur afin de lui attribuer plus de pouvoirs. Car
si la production pharmaceutique ouest-africaine devrait être renforcée, elle doit
pouvoir jouir d’une autorité de négociation commerciale avec l’extérieur1002. Adolf.
F. SCHNITZER estime alors qu’« … il est justifié d’abolir les diversités qui gênent
la vie internationale et qui ne sont souvent que des résidus historiques »1003.
854. Tout compte fait, pour l’instauration d’une sécurité sanitaire en Afrique de l’Ouest,
une collaboration de l’UEMOA et de la CEDEAO est indispensable (A).
A. Nécessité d’une collaboration entre ces deux organisations
855. Dans le souci d’une concrétisation du rapprochement des droits nationaux
pharmaceutiques et pour mettre en marge toute possibilité de conflits de
compétences et de normes entre l’UEMOA et la CEDEAO, il est judicieux de mettre
en application l’article 13 du Traité de la CEDEAO rédigé en ces termes : « L'Union
établit toute coopération utile avec les organisations régionales ou sous-régionales
existantes. Elle peut faire appel à l'aide technique ou financière de tout Etat qui
l'accepte ou d'organisations internationales, dans la mesure où cette aide est
compatible avec les objectifs définis par le présent Traité ». Une coopération
nécessaire, dans la mesure où aucun accord ou pourparlers n’est engagé pour
résoudre ces conflits de compétences et de normes. Cette coopération devrait débuter
par des concertations1004 sur les projets de textes communautaires de chacune des
organisations visant à réglementer le domaine pharmaceutique.
1000 DELMAS-MARTY Mireille, « Critique de l’intégration normative : l’apport du droit comparé à l’harmonisation des droits », Paris, Presses Universitaire de France, 1ère éd., 2004, p. 33. 1001 MEMETEAU Gérard, « L’unification du droit médical en Europe ? », RGDM, n°07/2008, p. 133. 1002 WALLACE E. Tyner, « Contraintes et opportunités pour l'intégration régionale de L'agrobusiness et des industries connexes en Afrique de l’ouest », Université de Purdue, Institut Agronomique Méditerranéen de Montpellier, Institut National de la Recherche Agronomique, 2001, p. 9. 1003 SCHNITZER Adolf. F., De la diversité et de l’unification du droit. Aspects juridiques et sociologiques, Genève, Publication n°24 de l’institut universitaire des hautes études internationales, 1946, p. 108. 1004 ISSA-SAYEGH Joseph, « La production normative de l’UEMOA-Essai d’un bilan et perspectives », Ohadata, D-03-18, p. 14.
298
856. L’article 14 du Traité de Dakar est rédigé également dans le but d’une coordination
de l’Union avec les autres organisations régionales existantes : « Dès l'entrée en
vigueur du présent Traité, les Etats membres se concertent au sein du Conseil afin de
prendre toutes les mesures destinées à éliminer les incompatibilités ou les doubles
emplois entre le droit et les compétences de l'Union, d'une part, et les conventions
conclues par un ou plusieurs Etats membres, d'autre part, en particulier celles
instituant des organisations économiques internationales spécialisées ». Tout comme
l’article 60, « dans le cadre des orientations prévues à l'article 8, la Conférence des
Chefs d'Etat et de Gouvernement établit des principes directeurs pour
l'harmonisation des législations des Etats membres. Elle identifie les domaines
prioritaires dans lesquels, conformément aux dispositions du présent Traité, un
rapprochement des législations des Etats membres est nécessaire pour atteindre les
objectifs de l'Union. Elle détermine les buts à atteindre dans ces domaines et les
principes généraux à respecter ».
857. Cette coopération1005 est mise en œuvre dans le domaine pharmaceutique par
l’invitation de l’autre organisation à participer aux réunions d’élaboration de son
droit pharmaceutique communautaire (l’UEMOA a invité la CEDEAO à participer
à quelques réunions lors de l’élaboration de son droit pharmaceutique
communautaire). C’est dans le cadre de cette collaboration qu’un document conjoint
(Document technique commun : DTC) sur l’harmonisation de l’enregistrement des
médicaments dans l’espace CEDEAO a été adopté par les deux organisations1006.
Filiga Michel SAWADOGO souligne à ce propos qu’« il ne reste plus qu’à souhaiter
que la coopération ou la concertation soit complète, sincère et efficace »1007.
858. Les difficultés politiques qui existent entre la CEDEAO et l’UEMOA1008 ne
favorisent pas une réelle collaboration qui pourrait tenir sur de longues années en
1005 Cf. SAKHO Abdou El-Hadji, L’intégration économique en Afrique de l’Ouest. Analyses et perspectives, Paris, Editions Economica, 2011, p. 103. 1006 ZOURI Franceline, « Vente illicite des médicaments : l’antidote de la CEDEAO et l’OOAS », 18 septembre 2017, Disponible sur : http://www.sidwaya.bf/m-18247-vente-illicite-des-medicaments-l-antidote-de-la-cedeao-et-l-ooas.html ; http://www.wahooas.org/spip.php?article1820 1007 SAWADOGO Filiga Michel, « Les conflits entre normes communautaires : aspects positifs et prospectifs », in Colloque sur La concurrence des organisations régionales en Afrique, organisé par les Universités Montesquieu-Bordeaux IV et Cheikh Anta DIOP de Dakar, Bordeaux, 28 septembre 2009, p. 23. 1008 Cf. SAKHO Abdou El-Hadji, L’intégration économique en Afrique de l’Ouest. Analyses et perspectives, op.cit., p. 68 : « Bien que la CEDEAO et l’UEMOA disposent d’institution sensiblement identiques (commissions, Cour de justice, organes de contrôle parlementaire, Banque de développement), la vocation politique de la CEDEAO est plus parquée dans la pratique. La commission de la CEDEAO dispose d’un département des affaires publiques, de la paix et de la sécurité, contrairement à l’UEMOA ».
299
vue de parvenir à l’instauration d’une sécurité sanitaire dans la sous-région. Cette
situation participe, selon Paul KIEMDE, « à pousser les Etats francophones vers
l’exploitation des solidarités linguistiques et culturelles »1009.
859. La protection de la santé nécessite urgemment de revoir ces politiques juridiques au
niveau des deux organisations sous-régionales. Faut-il alors étendre le processus
d’harmonisation entamé au sein de l’UEMOA aux autres Etats de la CEDEAO ?
B. La CEDEAO menace-t-elle l’existence de l’UEMOA ?
860. Il existe une réelle collaboration entre ces deux organisations sous-régionales dans
le domaine de la santé. Cependant, cette collaboration est limitée et ne permet pas de
résoudre de manière définitive les difficultés dues à la compétence des deux
organisations sous-régionales dans le domaine de la santé. Pour résoudre les
difficultés juridiques, voire économiques, pouvant naître de la compétence de ces
deux organisations sous-régionales dans le domaine pharmaceutique, la solution
pourrait se trouver dans l’hypothèse d’un abandon de compétences dans ce domaine
par l’une des organisations. Ce qui impliquerait un transfert des acquis de l’une des
organisations au profit de l’autre. Une telle hypothèse est nécessaire si l’objectif réel
est l’instauration d’une sécurité sanitaire dans la sous-région.
861. Cela permettra de résoudre un tant soit peu le problème patent d’insécurité juridique
dans le domaine de la santé en général. L’élargissement de l’harmonisation du
domaine pharmaceutique de l’UEMOA a d’autre pays est réalisable, voire
souhaitable. En Europe, par exemple, la construction de l’Europe du médicament a
commencé par l’adoption de la directive 65/65/CEE du 26 janvier 1965 entre
uniquement les Etats membres de la Communauté Economique Européenne, pour
ensuite s’élargir avec l’intégration d’autres Etats membres. L’expérience déjà
acquise au sein de l’UEMOA par ce processus d’harmonisation, même s’il faut
reconnaitre que des ajustements sont nécessaires, pourrait intégrer d’autres Etats tout
en poursuivant le processus. Mais, le problème au sein de l’Afrique de l’Ouest, c’est
l’existence de ces deux organisations supranationales. Cette supranationalité de
chacune, sans existence d’une hiérarchie, constitue le véritable problème, dans la
mesure où il faut supprimer une des organisations ; et donc donner une légitimité
juridique à une seule de ces organisations.
1009 KIEMDE Paul, « Intégration régionale et harmonisation du droit social en Afrique : problèmes et perspectives », op.cit., p. 159.
300
862. Mais, la question majeure est de savoir quelle organisation est apte à faire ce transfert
de compétences sanitaires ?
863. La doctrine récente1010 préconise la disparition de l’UEMOA au profit d’une seule
organisation sous-régionale en Afrique de l’Ouest : la CEDEAO. L’objectif réelle de
la CEDEAO est de devenir, à terme, la seule organisation sous-régionale en Afrique
de l‘Ouest. Ainsi, par la décision n°A/déc.E/5/90 du 30 mai 1990, la Conférence des
chefs d’Etat de la CEDEAO affirme reconnaitre la CEDEAO comme la seule
organisation d’intégration de l’Afrique de l’Ouest. Pourtant, parmi les deux
organisations, on note une production législative plus abondante de l’UEMOA par
rapport à celle de la CEDEAO dans le domaine pharmaceutique. Aussi, l’UEMOA
affiche un taux de fonctionnement plus notable que la CEDEAO. Le risque, dans
l’hypothèse où la CEDEAO devient la seule organisation en Afrique de l’Ouest, est
d’aboutir à la création d’une organisation d’intégration dominée par un ou deux
Etats : comme le géant Nigeria. Une telle situation pourrait conduire à l’instauration
d’un système « hégémonique ». Jean Yves CARLIER précise que « seules les
intégrations unissant des souverainetés de poids relativement équilibrées peuvent
former réseau plutôt que pyramide »1011. Face à des Etats plus avancés au plan
économique, l’organisation sera soumise à une intégration plutôt hiérarchisée. Paul
KIEMDE soulevait à propos « la question classique de savoir s’il faut viser
l’intégration économique dans le cadre de l’ensemble de tous les Etats de l’Afrique
de l’Ouest ou dans le cadre plus modeste, mais peut-être plus facilement réalisable,
des Etats francophones de l’Afrique de l’Ouest »1012. Cette question est transposable
de nos jours dans le domaine pharmaceutique.
864. Faut-il vraiment envisager la disparition de l’UEMOA au profit de la CEDEAO ? A
cette interrogation, il faut convenir avec Réal LAVERGNE qui affirmait déjà en
1996 qu’« il semblerait peu astucieux d’en écarter l’une ou l’autre sur la base des
1010 PODA Baimanai Angelain, La mise sur le marché et la distribution du médicament en Afrique noire francophone. Réflexions à partir des exemples du Burkina Faso et du Sénégal, Paris, l’Harmattan, 2015, pp. 718-719 ; KIEMDE Paul, « Intégration régionale et harmonisation du droit social en Afrique : problèmes et perspectives », Revue Burkinabè de Droit (RBD), Revue semestrielle, n°39-40, n° spécial 20ème anniversaire, 2001, p. 153 : « Ce sont en toute logique, les regroupements plus ambitieux (UEMOA, CEDEAO) qui devraient viser une intégration juridique plus poussée dans l’étendue de l’harmonisation et la force contraignante des actes… ». 1011 CARLIER Jean Yves, « Intégration régionale et démocratie ; quelques réflexions à partir de la pensée d’Alexis de Tocqueville », Revue Burkinabè de Droit (RBD), Revue semestrielle, n°39-40, n° spécial 20ème anniversaire 2001, p. 17. 1012 KIEMDE Paul, « Intégration régionale et harmonisation du droit social en Afrique : problèmes et perspectives », op.cit., p. 138.
301
rivalités institutionnelles ou idéologiques »1013. Cependant, la mise en place d’une
véritable sécurité des systèmes de santé en Afrique nécessiterait une fusion de ces
deux organisations sous-régionales. « Sur le plan pratique, l’on perçoit surtout la
possible absorption de l’UEMOA par la CEDEAO lorsque cette dernière aura
atteint un degré d’intégration équivalent à celui de la première », affirmait Filiga
Michel SAWADOGO1014. Luc Marius IBRIGA, soulignait par contre qu’« un
rapprochement des Traités de la CEDEAO révisé et de l’UEMOA, ne laisse entrevoir
aucune incompatibilité notoire... C’est dire que ce n’est pas la nature du projet
d’intégration qui est ici en cause, mais la manière de le mettre en œuvre »1015.
865. Ainsi, en raison du faible marché pharmaceutique de chacun des Etats membres de
l’UEMOA, les firmes pharmaceutiques tirent le meilleur parti du jeu. Les pays de
l’UEMOA gagneraient à s’associer aux autres pays ayant une plus grande économie
pour faire face aux comportements de certaines firmes pharmaceutiques dans la sous-
région. Paul KIEMDE précisait déjà en 1979 dans sa thèse l’existence « d’une lutte
pour un leadership régional, entre ces deux organisations »1016. Il précise de ce fait
qu’« on ne peut, par conséquent, poser le problème de la coordination et de
l’harmonisation entre ces différentes organisations concurrentes. Il serait difficile
de rendre complémentaire des organisations qui, à l’origine, ont été créées par les
effets d’une compétition entre Etats »1017.
866. Mais, il faut être réaliste, car une disparition de l’UEMOA est difficilement
envisageable, dans la mesure où il faut noter que l’ancienne puissance coloniale, la
France, est le bras de fer de cette organisation1018. L’UEMOA correspond à
1013 LAVERGNE Réal (dir.), Intégration et coopérations régionales en Afrique de l’Ouest, Editions KARTHALA et CRDI, Paris, 1996, p.36. 1014 SAWADOGO Filiga Michel, « Les conflits entre normes communautaires : aspects positifs et prospectifs », in La concurrence des organisations régionales en Afrique, op.cit., p. 25. 1015 IBRIGA Luc Marius, « L'UEMOA ou l'actualisation de l'AOF », in BECKER Charles, MBAYE Saliou, THIOUB Ibrahima, (dir.), AOF : réalités et héritages Sociétés ouest-africaines et ordre colonial, 1895 – 1960, Tome 1, Direction des Archives du Sénégal Dakar, 1997, pp. 519-520. 1016 KIEMDE Paul, L’évolution de la coopération régionale en Afrique de l’Ouest, Thèse de droit, Université de Clermont-Ferrand, Faculté de droit et de sciences politique, 27 novembre 1979, p. 265. 1017 Ibid., p. 266. 1018 Déjà, lors de l’institution de l’UMOA, un accord de coopération a été signé également le 12 mai 1962 et est entré en vigueur à partir du 01/11/1962 entre la République française et les Républiques membres de l’UMOA. Le premier considérant de cet accord précise, par exemple, que « Les Etats de l’Afrique de l’Ouest parties au présent accord sont résolus à demeurer en Union monétaire ayant un institut d’émission commun ». Cela démontre, la véritable problématique qui entoure le souhait de disparition de l’UEMOA en Afrique de l’Ouest ; Cf., dans le même sens WATTEYNE André, « Une intégration économique africaine à l’image de l’intégration économique européenne : le cas de l’UEMOA », Revue burkinabè de droit (RBD), Revue semestrielle, n°39-40, n° spécial 20ème anniversaire, 2001, p. 90 : « Ce qui précède nous permet de dégager quelques particularités de l’UEMOA. Il s’agit du poids effectif limité de l’intégration commerciale et, par implication, de l’importance relative de la
302
l’ancienne zone coloniale de l’Afrique occidentale française1019 (AOF)1020. Ce qui
fait que la France exerce toujours une influence sur cette zone1021. Ce constat, Papa
Samba NDIAYE le rappelle dans son article analysant le triangle de maintien de la
paix en Afrique : « Dans le cas de la France en Afrique de l’Ouest, elle s’appuie sur
ces anciennes colonies pour torpiller les efforts d’intégration »1022. Un constat
majeur et tout aussi remarquable est que « l’UEMOA est l’une des rares
organisations internationales africaines à être en bonne santé financière »1023.
867. Aussi, l’UEMOA est plus avancée en matière d’intégration juridique que
l’ECOWAS. Son succès est tout aussi remarquable dans le domaine pharmaceutique
à travers le nombre d’instruments qu’elle a déjà adoptés pour harmoniser ce domaine.
868. Toutefois, l’union de ces deux organisations pourrait constituer également une
opportunité pour les pays de l’UEMOA qui pourraient voir leurs systèmes de santé,
surtout pharmaceutique, s’améliorer. La création, par exemple, d’une agence
communautaire du médicament pourrait constituer un centre d’excellence à cause du
développement dans le domaine pharmaceutique du Ghana et du Nigeria1024.
L’expertise dans le cadre des AMM sera plus développée. Grâce, aujourd’hui, au
développement des TIC, les ARP des différents Etats de toute la CEDEAO resteront
permanemment en relation.
869. Les risques prévisibles de ce regroupement UEMOA-CEDEAO sont : le niveau de
développement très différent d’ordre économique, financier, structurel et sanitaire,
médical et pharmaceutique des pays de l’UEMOA et des autres pays de la CEDEAO
(le Ghana, le Nigeria)1025. Un problème majeur se pose également dans le cadre de
coordination des politiques macroéconomiques dont le principal objectif semble être la préservation de l’Union monétaire sous l’égide de la France. Que l’UEMOA semble aussi viser le maintien du lien entre une métropole et ses anciennes colonies et non seulement d’instaurer une Union économique entre pays africain n’est pas forcément mauvais pour les africains concernés… ». 1019 NDIAYE Papa Samba, « Le nouveau triangle du maintien de la paix en Afrique (UA, CEDEAO, UEMOA) : Entre complémentarité inconsistante et concurrence déloyale ? » p. 21, Disponible sur : http://afrilex.u-bordeaux4.fr/sites/afrilex/IMG/pdf/Papa_Samba_NDIAYE_UEMOA-CEDEAO-1.pdf 1020 Cf. supra, § 40. 1021 NDIAYE Papa Samba, « Le nouveau triangle du maintien de la paix en Afrique (UA, CEDEAO, UEMOA) : Entre complémentarité inconsistante et concurrence déloyale ? », op.cit., p. 21, 1022 NDIAYE Papa Samba, « Le nouveau triangle du maintien de la paix en Afrique (UA, CEDEAO, UEMOA) : Entre complémentarité inconsistante et concurrence déloyale ? » op.cit., p. 27 1023 NDIAYE Papa Samba, « Le nouveau triangle du maintien de la paix en Afrique (UA, CEDEAO, UEMOA) : Entre complémentarité inconsistante et concurrence déloyale ? », op.cit., p. 29 1024 Cf. NIAUFRE Camille, « Le trafic de faux médicaments en Afrique de l’Ouest : filières d’approvisionnement et réseaux de distribution (Nigeria, Bénin, Togo, Ghana), Note de l’Ifri, Mai 2014, 31 p., Consulté le 27 février 2018. 1025 Cf. Banque Afrique de Développement (BAD), « Perspectives économiques en Afrique de l’Ouest 2018. Évolution macroéconomique et pauvreté, inégalité et emploi. Marchés du travail et emplois en Afrique de
303
la CEDEAO, car en termes d’application du droit harmonisé, la Cour de Justice de
la CEDEAO ne saurait contrôler l’application dans l’harmonisation1026, compte tenu
du fait qu’elle n’est pas très souvent active.
870. Mais, les problèmes de santé en Afrique de l’Ouest ne peuvent être résolus
uniquement par l’UEMOA à travers son processus d’harmonisation. Il faut un
rapprochement des réglementations à la base, donc en tenant compte des autres
organisations internationales. La prise en compte de l’espace CEDEAO dans le
processus d’harmonisation du droit pharmaceutique devient ainsi indispensable.
871. Observons cependant que, ce soit l’UEMOA ou la CEDEAO, chacune de ces deux
institutions devra tenir compte des initiatives naissantes d’harmonisation sur tout le
continent, notamment l’initiative d’harmonisation entreprise par l’Union africaine
(UA) et le Nouveau Partenariat pour le Développement de l’Afrique (NEPAD).
Section 2 : L’harmonisation entreprise au niveau de l’Union africaine
872. Le Nouveau Partenariat pour le Développement de l’Afrique (NEPAD) est un
programme socio-économique de l’Union africaine1027. Le projet d’harmonisation de
la réglementation pharmaceutique est donc piloté par le NEPAD1028. Il est ainsi mis
en place une initiative de l’harmonisation de la réglementation des médicaments en
Afrique (AMRH)1029 s’inscrivant dans le Plan de production pharmaceutique pour
l’Afrique (PMPA)1030. La réalité de cette harmonisation va dépendre
l’Ouest ». Disponible sur https://www.afdb.org/fr/documents/document/west-africa-economic-outlook-2018-100849/ 1026 KIEMDE Paul, « Intégration régionale et harmonisation du droit social en Afrique : problèmes et perspectives », op.cit., p. 155. 1027 AMRH, Cadre stratégique 2016-2020, p. 3, Disponible sur www.nepad.org/fr/download/file/fid/5185%20 1028 Nouveau partenariat pour le développement est une initiative née de la fusion du Millénium pour le programme de redressement en Afrique (MAP) et du plan OMEGA. Il est Créé en janvier 2001 par un nombre restreint d’Etats africains, notamment l’Afrique du Sud, le Nigeria, l’Algérie, l’Egypte et le Sénégal. Par la suite, l’Assemblée des chefs d’Etat et de gouvernement de l’OUA adopte le NEPAD comme un de leurs programmes en juillet 2001. Aujourd’hui, le NEPAD représente le programme de développement socio-économique de l’Afrique, car l’UA qui a succédé à l’OUA a approuvé cette initiative en 2002. Cf. sur ce point : http://www.nepad.org/content/african-medicines-regulatory-harmonisation-armh-programs ; BRODIN Claire, « Le NEPAD, une initiative politique de l’Afrique. Penser son développement au XXIè siècle » ; Dr Carmelle HOUNNOU, « Harmonisation des règlementations pharmaceutiques au sein de l’UEMOA et de l’OOAS », Séminaire francophone sur les Politiques Pharmaceutiques, Département des Médicaments essentiels et produits de santé (EMP), 12 au 16 juin 2017, Siège de l'OMS à Genève, Salle M105. 1029 Ce programme a pour objectif principal d’établir et d’améliorer les normes et les exigences relatives à la réglementation et l’accès à des médicaments de qualité sur tout le continent ; l’AMRH a été créée dans le cadre du plan de fabrication des produits pharmaceutiques pour l’Afrique (PMPA). Le PMPA estime qu’il est nécessaire de créer d’abord un environnement réglementaire favorable. ; Voir sur ce point Première Conférence Scientifique sur la réglementation pharmaceutique en Afrique2 – 3 décembre 2013, Johannesburg, Afrique du Sud ; http://www.nepad.org/content/african-medicines-regulatory-harmonisation-armh-programs 1030 AMRH, Cadre stratégique 2016-2020, p. 4, Disponible sur : www.nepad.org/fr/download/file/fid/5185%20
304
vraisemblablement de la culture juridique commune aux différentes parties
concernées1031.
873. Il est capital d’évoquer l’interaction entre le droit international de la santé, les droits
pharmaceutiques africains en émergence à travers l’UA et les droits pharmaceutiques
sous-régionaux en formation. D’autant plus que le droit communautaire
pharmaceutique harmonisé de l’UEMOA trouve son origine également dans les
normes internationales de l’OMS. C’est un droit international régional
pharmaceutique qui est en train de se mettre en place sur le continent africain.
874. L’UEMOA faisant partie du programme AMRH, il est judicieux d’analyser l’impact
de ce programme sur son processus d’harmonisation des réglementations
pharmaceutiques de ses Etats membres. Il s’agit précisément dans cette partie de
faire ressortir les conséquences de ce processus d’harmonisation au niveau
continental sur ceux en cours dans les CER1032, notamment l’impact de
l’harmonisation dans le cadre de l’UA sur l’harmonisation en cours au sein de
l’UEMOA.
875. L’UA compte plusieurs organisations sous-régionales composées de ses Etats
membres. En Afrique, chaque organisation sous-régionale produit un ordre juridique
autonome (l’UEMOA, la CEDEAO, la CEMAC). L’UA voudrait donc harmonier la
réglementation du médicament. Pourtant, ses organisations sous-régionales
procèdent déjà à une telle harmonisation. Comparativement à l’Afrique, l’Union
européenne produit un ordre juridique européen. C’est donc une seule organisation
qui produit cet ordre juridique. L’ordre juridique européen n’est pas construit sur la
base d’autres ordres juridiques sous-régionaux ou régionaux1033. Et, il faut le dire,
c’est ce qui contribue à la force du droit communautaire européen du médicament.
Dijlali BENAMRAME affirmait à ce propos que « le mode de l’intégration suivi par
l’Union européenne qui sert, consciemment ou non, de référence à l’Afrique, ne
1031 VAN HOUTTE Hans, « La modélisation substantielle », in LOQUIN Eric et KESSEDJIAN Catherine, La mondialisation du droit, Paris, Litec, 2000, Travaux du CREDIMI, p. 210 1032 Les CER jouent un rôle primordial dans divers programmes de l’UA ; ce sont les piliers de la Communauté économique africaine créée en 1991 par le Traité d’Abuja. L’article 1 du projet de protocole sur les relations entre l’UA et les CER, Conseil Exécutif, Onzième session ordinaire, 25-29 juin 2007, Accra (Ghana), EX.CL/348 (XI), définit les communautés économiques régionales (CER) comme un « groupement d’Etats africains organisés en une entité juridique par un Traité, avec essentiellement pour objectif l’intégration économique et sociale ». Cf. http://archive.au.int/collect/oaucounc/import/French/EX%20CL%20348%20(XI)%20_F.PDF ; http://www.un.org/fr/africa/osaa/peace/recs.shtml 1033 SOBZE Serge François, « Existe-t-il un ordre juridique africain ? », RDIDC, 2017/2, 94e année, p. 251
305
comporte pas de tels paliers sous-régionaux »1034. Le cas de l’Europe, à travers
l’Union européenne, doit inspirer tous ces processus d’harmonisation de la
réglementation pharmaceutique. L’expérience de l’UE dans le rapprochement des
réglementations peut permettre « d’apprendre des expériences et des difficultés
rencontrées dans l’harmonisation »1035.
876. L’Union africaine compte aujourd’hui 55 Etats membres, ce qui fait un peu énorme.
Alors, pourquoi ne pas opter dans ce processus pour des Etats pilotes ? Les CER sont
autonomes, mais elles restent cependant liées à l’UA1036. Les acquis juridiques déjà
obtenus dans les processus d’harmonisation en cours en sein des CER doivent
constituer le point de départ de l’harmonisation entreprise par l’Union africaine.
877. Ce n’est pas du pessimisme, mais il est d’ores et déjà urgent de s’interroger sur ce
processus d’harmonisation à l’échelle continentale, de peur qu’une fois de plus
certaines initiatives africaines ne tombent en désuétude.1037
878. Il faut ainsi déterminer la relation juridique entre l’UA et l’UEMOA, dans un premier
temps (§ I). Dans un second temps, il sera nécessaire d’analyser le contenu du
processus d’harmonisation de l’UA (§ II).
§ I. La relation juridique entre l’UA et l’UEMOA ?
879. Les relations juridiques entre l’UA et les CER sont d’une importance capitale pour
déterminer la valeur juridique des instruments de l’UA dans les CER, et surtout dans
le droit national des Etats membres. La détermination de l’existence d’une relation
hiérarchique ou non entre l’UA et les CER nécessite au préalable de déterminer la
personnalité juridique de l’UA. Est-elle dotée de droits et d’obligations qui prévalent
sur les CER ? Le Traité constitutif de l’Union africaine ne se prononce pas sur les
relations hiérarchiques pouvant exister entre l’Union et les Organisations
d’intégration sous-régionale sur le continent africain. Les échanges entre ces deux
1034 BENAMRANE Djilali, « NEPAD/NOPADA : le nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique : nouvelles politique ou nouvelle plaisanterie pour divertir l’Afrique », 2003, p. 8, § 31 1035 PINHEIRO Marie-Hélène, « EMA Expérience juridique de l’UE dans la mise en œuvre des décisions : lignes directrices par opposition à directives », in Première Conférence Scientifique sur la réglementation pharmaceutique en Afrique 2–3 décembre 2013, Johannesburg, Afrique du Sud, p. 33 1036 TCHIKAYA Blaise, Le droit de l’Union africaine, principes, institutions et jurisprudence, Paris, Berger-Levrault, 2014, p. 123. 1037 Dans le même sens, Jacqueline DUTHEIL de la ROCHERE lors du colloque de Dijon en 1999 dans sa communication parlant de l’Afrique précise que : « … Tous les mécanismes institutionnels, les modes les plus divers de règlement des différends inspirés des expériences européennes ou américaines ont été couchés sur le papier, puis tomber en désuétude à peine l’encre du paraphe ou de la signature avait-elle eu le temps de sécher », DUTHEIL de la ROCHERE Jacqueline, « Mondialisation et régionalisation », in LOQUIN Eric et KESSEDJIAN Catherine, La mondialisation du droit, Paris, Litec, 2000, Travaux du CREDIMI, p. 447.
306
organisations sont donc horizontaux. L’UA poursuit un objectif de rapprochement
des réglementations sur la base des principes communs.
880. Le droit de l’UEMOA est un droit communautaire. Pourtant, le droit issu de l’UA
est plutôt un droit à caractère intergouvernemental qui se limite à la coopération.
« La coopération se caractérise par la mise en place d’organisations qui tendent à
assurer une collaboration des Etats membres en vue d’un objectif commun, dans le
respect des souverainetés nationales », précise Etienne CEREXHE1038. Une telle
coopération implique que les Etats soient pleinement souverains. Aussi, dans la
coopération, c’est une coordination des politiques qui est recherchée1039. Mais, avec
l’initiative qui se développe au sein de l’UA, il ne s’agirait plus uniquement dans le
domaine pharmaceutique d’un droit de coopération, mais d’une combinaison entre
la coopération et l’harmonisation de certains aspects du domaine pharmaceutique1040.
Dans l’optique d’une coordination des processus d’harmonisation dans les CER,
l’UA permettra ainsi aux CER « d’effacer petit à petit les frontières entre les Etats et
entre les systèmes juridiques »1041 dans le domaine du droit pharmaceutique, pour
ensuite lui permettre d’envisager plus efficacement et de façon beaucoup plus
réaliste l’harmonisation de la règle de droit pharmaceutique au niveau régional.
881. Après avoir conclu que le droit issu de l’UA est un droit collaboratif, il y a lieu
maintenant de faire une brève analyse du contenu du programme d’harmonisation en
cours au sein de l’UA.
§ II. Le contenu du processus d’harmonisation de l’UA
882. Dans le cadre de son programme d’harmonisation de la réglementation des
médicaments, l’UA a adopté une loi-type pour la réglementation des produits
1038 CEREXHE Etienne, « L’intégration juridique comme facteur d’intégration régionale », Revue Burkinabè de Droit (RBD), Revue semestrielle, n°39-40, n° spécial 20ème anniversaire, 2001, p. 21. 1039 Cf. Elsa BERNARD, « La distinction entre organisation de coopération et organisation d’intégration : l’Union européenne aux carrefours des « méthodes » », in COLLIN Charlotte, DUBIN Laurence, RUNAVOT Marie-Clotilde (dir.), Le phénomène institutionnel international dans tous ses états : transformation, déformation ou réformation ? Actes du colloque Université de Cergy-Pontoise et Université de Paris VIII, 2014, in Annuaire français de droit international, volume 59, 2013. p. 683. 1040 Tel est le cas de la Convention de l’ONU sur le blanchiment et de la Convention de l’OCDE sur la corruption citée par DELMAS-MARTY Mireille comme des textes combinant coopération et harmonisation de certaines définitions. Cf. DELMAS-MARTY Mireille, « La pénalisation internationale des activités économiques : un espace à géométrie variable », in LOQUIN Eric et KESSEDJIAN Catherine, La mondialisation du droit, Paris, Litec, 2000, Travaux du CREDIMI, p. 409. 1041 VAN HOUTTE Hans, « La modélisation substantielle », in LOQUIN Eric et KESSEDJIAN Catherine, La mondialisation du droit, Paris, Litec, 2000, Travaux du CREDIMI, p. 211.
307
médicaux (A) et un projet en vue de la création d’une Agence Africaine du
Médicament (AMA) (B).
A. L’adoption d’une loi-type pour la réglementation des produits médicaux
883. Pour concrétiser son objectif de rapprochement des réglementations
pharmaceutiques sur la base de principes communs et son souhait de créer à terme
une AMA, l’UA adopte en janvier 2016 une loi-type sur la réglementation des
produits médicaux. Ainsi, une précision sur la force juridique (1), le contenu et les
limites de cette loi (2) s’avère nécessaire.
1. La valeur juridique de cette loi dans le droit interne des Etats membres
884. La loi-type est définie par la CNUDCI comme une loi visant à aider les Etats à
réformer et à moderniser leurs lois1042. Il faut souligner que la CNUDCI utilise
spécifiquement les lois-modèles comme instruments d’harmonisation du droit du
commerce international. Le préambule de la loi-type de l’UA sur la réglementation
des produits médicaux précise en effet que cette loi devrait être adoptée, puis adaptée
par chaque Etat à sa loi nationale1043. Elle vise principalement les Etats membres.
Les CER ne sont pas les destinataires principales de cette loi-modèle.
885. La seule loi-type adoptée par l’UA dans son processus d’harmonisation
pharmaceutique contient des ambiguïtés, car la qualification juridique de cette loi,
au regard du préambule de ladite loi et des termes contenus dans le projet de création
de l’AMA, tend à conclure que la valeur juridique que l’UA accorde à cette loi n’est
pas tranchée. En effet, dans le préambule du projet de création de l’AMA, il est
précisé que « la loi-type de l’UA sur la réglementation des médicaments est un
instrument devant guider les Etats membres dans la promulgation ou la révision des
lois nationales sur les médicaments et comme un appel aux Etats membres à signer
et à ratifier ledit instrument juridique, le cas échéant, le plus rapidement possible afin
de permettre son entrée en vigueur ». Cette invitation à « signer et ratifier » la loi-
type de l’UA vient créer une ambiguïté absolue quant à la valeur juridique que l’UA
confère réellement à cette loi-type sur la réglementation des médicaments. Sans
doute, cette position ne tient éventuellement pas compte que la loi-type est
1042 Loi type de la CNUDCI sur l'arbitrage commercial international (1985), avec les amendements adoptés en 2006, Disponible sur http://www.uncitral.org/uncitral/fr/uncitral_texts/arbitration/1985Model_arbitration.html 1043 Préambule de la loi-type sur la réglementation des produits médicaux « Convaincus que l’adoption et l’adaptation nationale d’une loi-type sur la réglementation des produits médicaux en Afrique sont essentielles pour la création d’un environnement de réglementation harmonisé sur le continent », p. 4.
308
généralement considérée comme une loi-modèle, et ne saurait faire l’objet d’une
ratification par les Etats.
886. Cette précision concernant la ratification d’une telle loi-type ne peut créer que
l’ambiguïté quant au caractère réellement facultatif de cette loi pour les Etats
membres. En réalité, la loi-type permet aux législateurs nationaux de disposer d’un
ensemble de règles-modèles appropriées au plan international1044. Elle est donc en
principe « dépourvue de valeur positive » et de « pouvoir normatif »1045.
887. Chaque Etat est donc libre de modifier autant qu’il le souhaite le contenu de la loi-
modèle1046. Il peut toutefois introduire la loi-type telle quelle dans son droit
interne1047. Ce choix de la loi-type par l’UA comme instrument d’harmonisation du
droit pharmaceutique peut toutefois se justifier, dans la mesure où cette organisation
compte aujourd’hui plusieurs Etats de cultures juridiques différentes ; mais aussi
parce que c’est une organisation de coopération et non d’intégration1048. Se basant
alors sur les caractéristiques de cette loi-type, il est possible de convenir avec Hans
VAN HOUTTE « qu’il n’est pas nécessaire que les Etats trouvent un consensus sur
toutes les questions pour qu’ils adoptent ensuite le texte »1049.
888. Toutefois, l’UA rappelle que cette initiative d’harmonisation de la réglementation
pharmaceutique s’inscrit dans un objectif plus large de création d’une Agence
africaine du médicament. Un tel objectif, quoi que ambitieux, requiert, prima faci,
l’adoption d’une définition commune du médicament. Or, dans cette loi-type, la
définition retenue est celle du droit interne de l’Afrique du Sud1050 qui reste quand
même différente à un degré près de celle retenue dans d’autres Etats membres de
l’UA.
889. Pourtant, les Organisations sous-régionales comme l’UEMOA et la CEMAC ont
retenu une définition commune du médicament dans leur règlement sur
l’homologation des médicaments à usage humain. La question qui se pose alors est
celle de savoir pourquoi l’UA n’exploite pas un tel acquis juridique pour poursuivre
une harmonisation sur d’autres aspects du droit pharmaceutique, sachant pourtant
1044 RAYNARD Jacques, « De la particularité de certaines sources internationales : l'exemple des lois-types de la CNUDCI », RTD Civ., 1998, p.1014. 1045 Ibid. 1046 VAN HOUTTE Hans, « La modélisation substantielle », in LOQUIN Eric, KESSEDJIAN Catherine, La mondialisation du droit, Paris, Litec, 2000, Travaux du CREDIMI, p. 226. 1047 Ibid. 1048 Cf. supra., § 879-880. 1049 VAN HOUTTE Hans, « La modélisation substantielle », in La mondialisation du droit, op.cit., p. 226 1050 Cf. infra., § 892.
309
que le fonctionnement d’une Agence africaine du médicament va dépendre de la
définition donnée aux médicaments ?
2. Les limites de cette loi-type
890. L’UA reconnaît la nécessité et l’importance de l’harmonisation des réglementations
pharmaceutiques dans les communautés économiques régionales (CER) comme
l’UEMOA, la CEDEAO, la CEMAC, etc.1051 Elle affirme également sa volonté de
coordonner les initiatives d’harmonisation du domaine pharmaceutique entreprises
dans les différentes régions du continent. Toutes ces affirmations d’une telle
collaboration se conjuguent difficilement avec le contenu-même de la loi-type. En
effet, l’analyse de cette loi révèle des contradictions avec les notions contenues dans
les instruments juridiques adoptés par l’UEMOA dans le cadre de son processus
d’harmonisation.
891. L’UA adopte une définition du médicament différente de celle contenue dans le
règlement n°06/2010/CM/UEMOA. Le médicament est défini dans cette loi-type
comme « toute substance ou mélange de substances utilisées ou censées être adaptées
à l’utilisation ou fabriquées ou vendues pour utilisation dans : a) le diagnostic, le
traitement, l’atténuation, la modification ou la prévention de la maladie, d’un état
physique ou mental anormal ou de leurs symptômes chez l’homme ; ou b) la
restauration, la correction ou la modification de toute fonction somatique ou
psychique ou organique chez l’homme… ». Dans cette définition du médicament
ainsi donnée, il y a lieu d’établir un repère. C’est-à-dire de « localiser cette
définition »1052 dans celle généralement donnée au médicament dans les ensembles
sous-régionaux en Afrique, et sur d’autres continents comme l’Europe. L’analyse de
cette loi révèle aussi des bases communes avec les autres définitions du médicament
contenues dans le règlement UEMOA, mais aussi de la CEMAC. Au moins, il est
possible de distinguer les deux types de médicaments : le médicament par
présentation et le médicament par fonction.
1051 Préambule de la loi-type sur la réglementation des produits médicaux « Reconnaissant la nécessité de l’harmonisation des politiques, des lois et des cadres juridiques relatifs aux produits médicaux par les Communautés Economiques Régionales (CER) et l’Union africaine comme un moyen efficace d’assurer l’accès à des produits médicaux sûrs, efficaces et de qualité à la population africaine ». Elle affirme à plusieurs rencontres sur l’harmonisation la nécessité de coordonner les initiatives d’harmonisation déjà entreprises dans les différentes régions de l’Afrique. 1052 MARCOS Aurore, « Repère dans la définition du médicament », in MOINE-DUPUIS Isabelle, Le médicament et la personne ; Aspects de droit international, Actes du colloque des 22 et 23 septembre 2005, Dijon, Paris, LexisNexis, Litec, 2007, p. 15.
310
892. C’est précisément à ce niveau que le problème se pose, car même si une loi-type
n’est pas contraignante pour les Etats membres, ceux qui choisiront d’adopter cette
loi pour en faire une loi nationale sur la réglementation du médicament, par exemple,
auront une définition du médicament différente de celles de certains pays. Et ce, dans
la mesure où cette loi s’adresse principalement aux Etats membres de l’UA. L’effet
d’harmonisation des réglementations recherchées par l’UA ne pourrait donc pas se
concrétiser. L’UA a repris dans cette loi-type la définition du médicament donnée
par le droit interne de l’Afrique du Sud1053. Ce sont les mêmes termes qui y sont
repris. Cela prouve une fois de plus que les différentes définitions du « médicament »
dans les autres pays et les instruments juridiques des organisations sous-régionales
harmonisant ce domaine n’ont pas été prises en compte. Cette définition sud-
africaine « cite les maladies mentales comme finalité combattue par le
médicament »1054, précise Aurore MARCOS. Pourtant, l’imposition du droit d’un
seul Etat membre dans ce processus d’harmonisation est préjudiciable à la suite du
processus ; dans la mesure où les autres Etats membres accepteront difficilement
l’imposition d’un système hégémonique.
893. Cette loi-type est dépourvue de caractère juridique contraignant ; son respect est par
conséquent volontaire. A côté de cette loi-modèle, existent des normes juridiques
contraignantes dans le cadre de l’homologation des médicaments à usage humain. Il
s’agit des règlements, sources de droit dérivé issues des communautés économiques
régionales comme l’UEMOA. Cette loi-type ferait donc partie de la catégorie d’actes
qualifiés de « droit mou », à l’instar des recommandations et des guidelines. Ainsi,
l’absence d’une relation hiérarchique entre l’UA et l’UEMOA laisse prévaloir la
primauté du règlement 06/2010/CM/UEMOA portant homologation des
médicaments à usage humain sur la loi-type de l’UA.
894. Dans la mesure où l’objectif principal de l’initiative d’harmonisation entreprise par
le NEPAD est la création à terme d’une Agence africaine du médicament, cela
nécessite l’élaboration d’une définition du médicament commune aux Etats
1053 “Medicine” means any substance or mixture of substances used or purporting to be suitable for use or manufactured or sold for use in -(a) the diagnosis, treatment, mitigation, modification or prevention of disease, abnormal physical or mental state or the symptoms thereof in man; or (b) restoring, correcting or modifying any somatic or psychic or organic function in man, and includes any veterinary medicine; [Definition of “medicine” substituted by s.1 of Act 17/79. 1054 MARCOS Aurore, « Repère dans la définition du médicament », in Le médicament et la personne ; Aspects de droit international, op.cit., p. 20.
311
membres. La recherche d’une définition continentale du médicament, voire
internationale du médicament, trouve son importance dans ce cas d’espèce. Une telle
définition a-t-elle obtenu l’approbation de tous les Etats membres ? L’aspect de la
définition ne doit pas être négligé. Il a été démontré dans le chapitre sur l’AMM1055
l’importance capitale d’une telle définition pour la santé publique et pour
l’économie, sans écarter celle pour le commerce sous-régional et régional.
895. Aussi, l’UA donne également, au travers de cette loi-modèle, une définition
particulière de sa notion d’harmonisation qui consiste en « l’alignement ou
l’ajustement des différences et des incohérences entre les différentes loi, règlements,
méthodes, procédures, programmes, spécifications ou systèmes d’Agences/Autorités
nationales de réglementation des produits médicaux ». Une telle définition du
processus de rapprochement ne rend pas réellement compte du travail qui sera réalisé
par cette initiative d’harmonisation des réglementations pharmaceutiques. A ce
niveau encore, il faut rappeler l’importance de l’usage du droit comparé dans un
processus d’harmonisation1056 ; d’autant plus que, dans le cas précis de l’Union
africaine, plusieurs systèmes juridiques sont en présence. Sans omettre que ce droit
comparé constitue un élément important pour l’adoption d’une loi-type.
896. Après toutes ces observations, la question principale qui pourrait se poser est celle
de savoir pourquoi l’Union africaine ne coordonne pas uniquement les initiatives
d’harmonisation sous-régionale déjà en cours sur le continent ? Doit-elle vraiment
adopter encore des instruments juridiques dans le même sens que les harmonisations
sous-régionales en cours ? La création de l’Agence Africaine du Médicament
nécessite-t-elle vraiment un nouveau cadre juridique qui viendrait se superposer à
ceux déjà existants dans le cadre interne et communautaire ?
897. L’élaboration d’un accord de reconnaissance mutuelle des diplômes de pharmacien,
des AMM entre les organisations sous-régionales ; l’UEMOA, la CEMAC, l’East
African Community (EAC)1057 doit être une première étape dans ce processus
d’harmonisation continentale. L’UA gagnerait pour l’heure à coordonner ces
initiatives d’harmonisation sous-régionales. Cette reconnaissance devrait passer par
« une harmonisation des niveaux de protection de la santé et de la sécurité »1058.
1055 Cf. supra., § 367-403. 1056 Cf. infra., § 961-971. 1057 Communauté de l’Afrique de l’Est. 1058 JOURDAIN-FORTIER Clotilde, Santé et commerce international, CREDIMI, Paris, LexisNexis, 2006, p. 428, § 474.
312
898. Ces ambiguïtés sèment des doutes quant aux résultats concrets de ce processus
d’harmonisation. Une certaine clarté dans l’utilisation des termes juridiques et de
leurs valeurs juridiques est indispensable pour une efficacité de ce processus. L’on
est en droit de s’interroger si l’aspect trop politique de l’UA ne constitue pas un frein
à l’harmonisation des réglementations pharmaceutiques au niveau continental ?
899. Il faut préciser, que l’adoption de cette loi-type, s’inscrit dans une perspective de
création d’une Agence africaine du médicament (AMA).
B. Création d’une Agence africaine du médicament
900. Le projet de création de l’AMA et d’harmonisation de la réglementation du
médicament ne pose pas en eux-mêmes d’incompatibilité flagrante avec les
initiatives d’harmonisation déjà en cours dans les organisations sous-régionales. En
effet, l’AMA devra coordonner les autres initiatives d’harmonisation de la
réglementation pharmaceutique en cours sur le continent africain. Elle va ainsi
renforcer les efforts des CER et des Etats membres1059. Le 22 mai 2018, les Ministres
de la santé des Etats africains ont adopté à l’unanimité le Traité visant à la création
d’une Agence africaine des médicaments1060. Cependant, l’initiative entreprise par
l’UA doit encore faire l’objet d’ajustements. En effet, cette coopération régionale
dans le domaine pharmaceutique doit passer à une réelle harmonisation de la
définition du médicament si elle veut aboutir à l’harmonisation de la réglementation
du médicament sur tout le continent. De ce fait, les définitions des concepts contenus
dans le droit communautaire pharmaceutique des organisations sous-régionales
devaient constituer la base de celles en cours d’élaboration au niveau continental.
901. En Europe, les Etats membres ont procédé d’abord par l’instauration d’une base
solide d’instruments juridiques harmonisant le domaine pharmaceutique, et surtout
celui du médicament, avant d’envisager la création d’une agence de coordination des
autorisations de commercialisation des médicaments. La création d’une agence
africaine du médicament est la bienvenue et nécessaire ; cependant une telle agence
nécessite préalablement un système juridique organisé par des instruments juridiques
1059 Agence Africaine des Médicaments, Plan d’affaires, Version 05, 26 janvier 2016, p. 4
1060 Déclaration de la conférence internationale sur l’accès aux médicaments et autres produits médicaux de qualité en Afrique francophone, Genève, le 22 mai 2018, Disponible sur https://www.francophonie.org/IMG/pdf/declaration_geneve_acces_medicaments.pdf
313
efficaces. Ce qui va conduire également à la création d’une Cour de Justice
semblable à celle existante au sein de l’Union européenne.
902. Le problème de financement de l’UA n’est pas sans impact sur la réalisation et la
réussite de la création de l’AMA, ainsi que l’harmonisation des réglementations
pharmaceutiques sur tout le continent. Avant de se lancer dans un tel processus, l’UA
devrait s’assurer au préalable des moyens matériels et juridiques nécessaires à
l’harmonisation des réglementations pharmaceutiques et à la création de l’Agence
africaine du médicament.
903. L’harmonisation des réglementations pharmaceutiques ne peut concerner
uniquement les principes communs. Il faut également une harmonisation dans
l’application des principes communs ainsi définis. Il faut au préalable élaborer une
réglementation contraignante, des normes et des modalités d’application de ces
normes. Ainsi, les Etats de l’UA devront comprendre qu’il est nécessaire, voire
primordial, de poser des bases juridiques solides avant de mettre sur pied l’AMA. Le
domaine particulier de la santé impose une rigueur élevée dans le choix des processus
d’intégration normative et des instruments juridiques pour sa mise en œuvre. Une
difficulté se pose s’agissant de l’élaboration d’une réglementation contraignante, car,
encore une fois, l’UA est une organisation de coopération qui respecte donc la
souveraineté de ses Etats membres.
904. Toutefois, sans un système juridique commun aux pays membres de l’UA dans le
domaine pharmaceutique, un doute subsiste quant à la faisabilité et à l’efficacité
d’une agence africaine du médicament. Le plan juridique doit être une priorité à la
création d’une telle agence.
905. La prise en compte d’un certain nombre d’Etats africains relativement homogènes
peut constituer un point de départ du processus d’harmonisation de la réglementation
du médicament.
906. Il faut souligner également qu’au travers-même du programme AMRH, l’UA attend
fonctionner avec 5 régions sur le continent : ECCAS1061-OCEAC1062, SADC1063-
1061 Communauté Economique des Etats de l’Afrique Centrale (CEEAC) 1062 Organisation de Coordination pour la lutte contre les Endémies en Afrique Centrale 1063 Communauté pour le Développement de l’Afrique Australe
314
COMESA1064, EAC, IGAD1065AMU1066/CEN-SAD1067, ECOWAS1068-UEMOA1069.
Ainsi, l’UA, elle-même, préconise une collaboration de la CEDEAO et de l’UEMOA
dans le cadre du processus d’harmonisation de la réglementation pharmaceutique au
niveau continental. Dans le cadre de la mise en œuvre de ce programme, l’UEMOA
et la CEDEAO collaborent pour la mise en place des réglementations dans la région
Afrique de l’Ouest.
907. Certains juristes pourraient toutefois voir dans ces initiatives d’harmonisation du
domaine pharmaceutique une occasion d’élargir ce processus d’intégration
normative à tout le continent. Cette initiative de rapprochement par voie
d’harmonisation au niveau continental est également, comme le spécifie l’UA, une
occasion d’encourager les initiatives d’harmonisation sous-régionale. Cependant, il
faut garder à l’esprit qu’elle peut constituer un obstacle aux efforts d’harmonisation
déjà entrepris, en ce sens que les organisations sous-régionales ne vont pas mettre à
l’écart les règles déjà harmonisées pour adopter en priorité le droit collaboratif de
l’UA.
908. A ce rythme de la multiplicité des entités ayant pour objectif l’harmonisation des
réglementations pharmaceutiques, les risques de dérapages et d’incohérences sont
grands. L’objectif de toutes ces initiatives d’harmonisation est de faire converger les
différents systèmes pharmaceutiques, pour aboutir à la circulation de médicamentes
de qualité sur tous les continents. Mais, au plan juridique, il est important de
s’interroger sur la meilleure manière de rapprocher les réglementations nationales
des différents pays.
909. Pour l’effectivité du processus d’harmonisation en cours au niveau continental avec
l’UA, il faudrait dans un premier temps revoir les relations juridiques entre l’UA et
les Unions économiques. Faudrait-il peut-être établir des relations verticales entre
l’UA et les Unions économiques. Par contre, entre ces différentes Unions sous-
régionales, les relations doivent être horizontales1070. Dans une telle hypothèse, cela
1064 Marché Commun de l’Afrique Australe et Orientale 1065 Autorité intergouvernementale pour le Développement 1066 Union du Maghreb Arabe 1067 Communauté des Etats Sahéo-Saharien 1068 Correspond à la CEDEAO 1069 AMRH, Cadre stratégique 2016-2020, p. 7, Disponible sur www.nepad.org/fr/download/file/fid/5185%20 1070 Cf. KIEMDE Paul, L’évolution de la coopération régionale en Afrique de l’Ouest, op.cit., p. 268
315
conduira à donner une valeur juridique supérieure aux normes adoptées dans le cadre
de l’UA par rapport aux normes issues des organisations sous-régionales.
910. L’harmonisation des règles juridiques dans un domaine nécessite généralement une
juridiction supérieure pour assurer l’harmonisation par l’interprétation des règles
juridiques. Ainsi, dans le cadre de l’harmonisation entreprise par l’UA, le problème
de la juridiction compétente pour assurer l’interprétation des textes juridiques
pourrait vraisemblablement se poser.
911. Observons cependant que cette coexistence des objectifs d’harmonisation du droit
pharmaceutique des organisations sous-régionales et régionales « … brouille
quelque peu les voies de l’intégration économique ou juridique »1071. Il faut alors
convenir avec Paul KIEMDE que « les difficultés de gestion des normes régionales
devraient aussi, à terme, contraindre les organisations d’intégration à recourir à
une coordination et à une hiérarchisation des normes juridiques qu’elles
adoptent »1072. La mise en place d’une telle hiérarchisation des normes juridiques
n’est pas évidente, compte tenu du fait, qu’il n’existe aucune hiérarchie entre les
organisations sous-régionales en Afrique de l’Ouest.
1071 KIEMDE Paul, « Intégration régionale et harmonisation du droit social en Afrique : problèmes et perspectives », op.cit., p. 149. 1072 KIEMDE Paul, « Intégration régionale et harmonisation du droit social en Afrique : problèmes et perspectives », op.cit., p. 150.
316
CONCLUSION DU CHAPITRE
912. L’Afrique doit travailler à éviter « les chevauchements d’activités »1073. Ces
chevauchements dispersent les forces des Etats et finiront par créer un vide juridique
dans les droits internes des Etats membres ; dans la mesure où l’on ne peut plus
savoir quel droit appliquer, les institutions étatiques pourront écarter toutes ces lois
communautaires et internationales. La crainte avec cette intervention au niveau
continental est que le processus de rapprochement des réglementations des Etats
membres de l’UEMOA ne devienne une « coquille vide ». Et, ainsi, compromettre
la recherche de la sécurité sanitaire en Afrique.
913. Une harmonisation peut bloquer une autre1074. Quand les pays de l’UEMOA
harmoniseront leurs droits pharmaceutiques, ils seront moins enclins à se référer au
droit issu de l’UA en la matière, même s’il s’agit d’un droit de collaboration qui reste
très différent du droit communautaire de l’UEMOA. N’y a-t-il pas une certaine
dispersion d’efforts au niveau continental dans les fonctions de régulation du droit
pharmaceutique, surtout celui du médicament ?
914. La duplication des activités d’harmonisation sur les mêmes aspects du domaine
pharmaceutique n’est pas forcement bénéfique aux Etats membres de toutes ces
organisations, même s’il faut noter que le droit issu de l’UA est un droit de
collaboration et pas un droit réglementaire comme celui issu des CER à l’image de
l’UEMOA. La viabilité et la pérennité du rapprochement des réglementations
pharmaceutiques en Afrique vont nécessiter que les Etats et les différentes
organisations sous-régionales concentrent leurs efforts sur un seul processus
d’harmonisation ; car, étant donné que le domaine de la santé est très particulier et
d’une importance capitale, la concentration des efforts de rapprochement des
réglementations pharmaceutiques dans une seule organisation est indispensable pour
l’instauration d’une sécurité sanitaire pérenne.
1073 OMS, Bureau régionale de l’Afrique, Soixante-sixième semaine, Addis Abeba, AFR/RC66/13 du 22 août 2013, p. 7. 1074 VAN HOUTTE Hans, « La modélisation substantielle », in La mondialisation du droit, op.cit., p. 219.
317
CONCLUSION DU TITRE
915. L’analyse des obstacles conduisant à une inertie du processus d’harmonisation dans
le domaine pharmaceutique a permis de constater que ces obstacles proviennent,
d’une part, du fonctionnement de l’Union et, d’autre part, des relations de l’UEMOA,
voire de son appartenance à plusieurs organisations sous-régionales. Les limites ainsi
étudiées ne sont pas vraiment spécifiques au droit pharmaceutique, mais
correspondent et s’appliquent à d’autres domaines faisant l’objet d’un
rapprochement par harmonisation au sein de l’UEMOA. Cependant, dans le domaine
pharmaceutique, les inconvénients liés à ces fonctionnements compromettent la mise
en place d’un système de santé efficace et sécurisé dans les Etats. Aussi, il faut noter
qu’un tel constat est gênant, car paralysant les initiatives déjà fragiles
d’harmonisation du droit pharmaceutique.
916. L’aboutissement et l’effectivité des processus d’intégration juridique dans le
domaine de la santé en Afrique nécessitent de procéder urgemment à une
concertation entre les différentes organisations sous-régionales et entre les
organisations sous-régionales et l’organisation régionale, afin de supprimer les
divergences et les risques de conflits entre les différents programmes de
rapprochement1075.
917. Ainsi, les difficultés de ce processus d’harmonisation doivent être anticipées au
moment du choix du moyen d’intégration et des acteurs juridiques communautaires
nécessaires à cette intégration. Jean Claude JAVILLIER affirme que « c’est bien dès
la conception de la norme elle-même qu’on doit anticiper de la meilleure façon sur
les difficultés prévisibles en matière d’application, comme de contrôle, et plus
généralement de suivi de cette dernière »1076. Ce point de vue renvoie ainsi au choix-
même de la méthode d’intégration juridique adaptée au domaine pharmaceutique.
Ainsi, pour pallier les difficultés de la méthode d’harmonisation en droit
pharmaceutique, il faut analyser l’opportunité du recours à d’autres méthodes de
rapprochement qui pourraient favoriser la mise en place d’un système de santé
sécuritaire.
1075 IBRIGA Luc Marius, « L’accord de Cotonou et l’intégration économique régionale en Afrique », Revue Burkinabè de Droit (RBD), Revue semestrielle, n°39-40, n° spécial 20ème anniversaire, 2001, p. 168. 1076 JAVILLIER Jean-Claude, « Les obstacles juridiques à l’application des normes internationales du travail », Rapport introductif, vendredi 12 janvier 2007, Genève, p. 6.
318
319
TITRE 2. UNE STRATEGIE JURIDIQUE COMBINANT HARMONISATION ET UNIFICATION
918. La mise en place d’une sécurité des systèmes pharmaceutiques des Etas membres
dans la zone communautaire nécessite de rechercher des solutions pour une meilleure
application et effectivité du droit communautaire pharmaceutique.
919. Il faudrait tout d’abord, dans ces circonstances, s’interroger sur le moyen
d’intégration juridique utilisé par l’UEMOA aux fins de rapprocher les
réglementations pharmaceutiques de ses Etats membres. Faut-il poursuivre par la
voie de l’harmonisation ? Ou basculer vers un autre moyen d’intégration normative
: unification ou uniformisation ? Il est important que l’Union puisse tenir compte,
à la reprise du processus, des aspects les plus importants pour parvenir à une réelle
intégration juridique des droits nationaux pharmaceutiques, pouvant permettre
l’instauration d’un marché communautaire du médicament et d’une sécurité sanitaire
dans la région ouest-africaine. Parmi les méthodes d’intégration juridique possibles,
nous avons opter pour un système hybride impliquant une combinaison entre
harmonisation et unification dans le domaine pharmaceutique. Il est plus judicieux
de procéder ainsi, mais il faut préciser que la technique de l’unification ne doit être
que partielle (Chapitre 1). Ainsi, il faudrait identifier les aspects à harmoniser ou à
unifier dans ce processus de rapprochement mixte. A ce titre, la mise en place d’un
fondement juridique commun de la responsabilité au niveau communautaire peut être
un exemple à harmoniser. En effet, il faut amener les acteurs du domaine
pharmaceutique à appliquer et à respecter le droit communautaire. Pour ce faire, la
mise en œuvre de leurs responsabilités par des poursuites judiciaires en cas de non-
respect de leurs obligations professionnelles peut constituer un atout pour une
effectivité du droit communautaire. De même, l’application de sanctions juridiques
ou d’indemnisations des victimes est également nécessaire pour cette effectivité
(Chapitre 2).
320
CHAPITRE 1. LES FONDEMENTS POSSIBLES D’UN RAPPROCHEMENT MIXTE OU « HYBRIDE » : ENTRE UNIFICATION ET HARMONISATION
920. La léthargie du processus d’harmonisation entamé depuis 2010 au sein de l’UEMOA
invite à se pencher sur le moyen d’intégration juridique à privilégier pour la poursuite
de l’harmonisation dans le domaine pharmaceutique. L’harmonisation est un
processus. Celle en réalisation dans la zone UEMOA n’est pas encore totalement
accomplie, et sa « tendance n’est pas bien déterminée »1077. Il est donc nécessaire
d’identifier les pistes pouvant contribuer à rendre son processus plus effectif dans les
Etats membres. Même si les différents moyens d’intégration juridique
s’interpénètrent et se superposent1078, il y a lieu de déterminer le moyen le plus adapté
dans le secteur pharmaceutique africain pour une sécurité des systèmes nationaux de
santé des Etats membres. Dans le domaine pharmaceutique africain, harmoniser
simplement les droits nationaux paraît insuffisant. Il est nécessaire de prévoir en plus
dans le processus des éléments qui devront faire l’objet d’une unification (Section
1). Pour la mise en œuvre d’un tel rapprochement mixte, il faut prendre en compte
l’importance du droit comparé et de la doctrine juridique (Section 2).
Section 1. Une combinaison nécessaire de deux moyens d’intégration juridique : harmonisation, unification
921. Dans le processus d’harmonisation en cours au sein de l’UEMOA, il y a des failles,
et donc des améliorations sont possibles. Sur ce point, Carmelle HOUNNOU
précisait que « l’harmonisation de la réglementation dans les Etats de l’Union
constitue aujourd’hui encore un chantier immense. On note une amélioration lente,
mais progressive des pratiques dans les pays »1079. Ce chantier immense de
l’harmonisation va nécessiter d’identifier les stratégies pour son amélioration. Pour
ce faire, il y a lieu de recenser les conditions pouvant permettre d’introduire des
1077 ĆEMALOVIĆ Uroš, Le mouvement d’unification du droit des marques dans l’union européenne, Thèse de doctorat en droit, Université de Strasbourg, Faculté de droit, des sciences politiques et de gestion- Centre d’études internationales de la propriété intellectuelle, Présentée et soutenue publiquement le 20 mai 2010, p. 369, § 410. 1078 VANDER ELST Raymond, « Les notions de coordinations, d’harmonisation, de rapprochement et d’unification du droit dans la cadre juridique de la communauté économique européenne » in D. DE RIPAINSEL-LANYDY et al., Les instruments du rapprochement des législations dans la communauté économique européenne, Bruxelles, Éditions de l’Université de Bruxelles, 1976, p. 12, § 16. 1079 HOUNNOU Carmelle, « Harmonisation de la réglementation pharmaceutiques au sein de l’UEMOA et de l’OOAS » Séminaire francophone sur les Politiques Pharmaceutiques Département des Médicaments essentiels et produits de santé (EMP),12 au 16 juin 2017, Genève.
321
éléments unificateurs dans le processus (§ I) ; mais également les avantages résultant
d’un recours à l’unification en droit pharmaceutique (§ II).
§ I. Les conditions de mise en œuvre d’un rapprochement par unification du droit pharmaceutique
922. Les compétences attribuées aux organes de l’Union sont limitées, et l’exercice de
ces compétences l’est également (A). Pourtant, il est nécessaire d’envisager un
rapprochement par combinaison de l'harmonisation et de l'unification (B).
A. Le principe d’édictions minimales permet-il à l’Union d’envisager une unification dans le domaine pharmaceutique ?
923. L’usage de ce principe renvoie à l’idée d’un partage de compétences entre l’Union
et les Etats membres. Envisager la méthode d’unification pour certains aspects du
droit pharmaceutique nécessite de déterminer la compétence de l’Union à adopter
des instruments juridiques permettant une unification de ce droit. L’initiative de
l’Union doit en somme être justifiée. Luc Marius IBRIGA et Pierre MEYER
précisaient à ce propos que le principe d’édictions minimales est un « principe qui
préfigure un espace juridique plus harmonisé qu’unifié »1080.
924. L’article 5 du Traité de Dakar permet à l’Union de ne poser que des prescriptions
minimales et des réglementations-cadres qu’il appartiendrait aux Etats membres de
compléter, si besoin, conformément à leurs règles constitutionnelles respectives1081.
Cet article pourrait-il constituer un obstacle à tout projet d’unification du droit
pharmaceutique ? Osons espérer que, tout comme l’OHADA, les termes de
prescriptions minimales ou la consécration d’une harmonisation des législations dans
la lettre du Traité n’empêchera pas l’UEMOA de s’orienter vers une unification
partielle du droit pharmaceutique. En réalité, le principe d’édictions minimales1082
tel que déduit de l’article 5 du Traité ne permet pas éventuellement à l’Union
d’envisager une unification totale du droit pharmaceutique, d’autant plus qu’elle ne
dispose pas d’une compétence exclusive1083 dans le domaine de la santé. Il faut
également rappeler que toute œuvre d’unification s’inscrit dans la durée. C’est l’une
des raisons pour lesquelles l’unification de tout le droit pharmaceutique n’est pas
1080 MEYER Pierre, IBRIGA Luc Marius, « La place du droit communautaire U.E.M.O.A dans le droit interne des Etats membres », R.D.B, 2000, n°38, p. 28. 1081 Article 5 du Traité modifié de l’UEMOA. 1082 Cf. supra., § 229-230. 1083 La compétence exclusive de l’UEMOA a été reconnue par la Cour de Justice de l’UEMOA dans le domaine de la concurrence, mais pas encore dans le domaine de la santé.
322
envisageable. Toutefois, une unification partielle de certains thèmes d’intérêt1084 du
domaine pharmaceutique est possible.
B. Le recours nécessaire aux deux moyens d’intégration juridique
925. « Nous n’avons pas à choisir entre unification et harmonisation…, car ces deux
termes ne sont pas contradictoires »1085. Cette affirmation du comparatiste René
DAVID résume la difficile entreprise d’opter, dans un domaine donné, pour une
seule des méthodes d’intégration juridique1086. Il faut dès lors poser autrement la
question : quels aspects du droit pharmaceutique sont aptes à être harmonisés,
unifiés, voire uniformisés ? L’idée étant de trouver une méthode d’intégration qui
corresponde le mieux aux circonstances sociales, économiques et juridiques de la
zone de l’UEMOA. L’harmonisation est, certes, une méthode souple, mais elle
présente des risques d’arbitraire1087. En effet, le recours aux marges d’appréciation
nationales pourrait finir par remettre en cause la primauté-même de l’ordre juridique
communautaire1088.
926. En effet, l’unification impose de mettre en place des règles précises et uniques1089
que les Etats doivent respecter et auxquelles ils doivent se conformer à
l’identique1090. Dans le domaine pharmaceutique, l’articulation entre le droit de
l’UEMOA et les droits des Etats membres ne pourrait obéir à un schéma unique
reposant sur la proximité des droits nationaux (harmonisation), mais devrait faire
intervenir l’harmonisation et l’unification. En effet, il est possible d’utiliser la
technique de l’unification pour réaliser l’harmonisation1091. Il est donc également
difficile de vouloir opter pour une seule méthode de rapprochement dans le domaine
précis du droit pharmaceutique.
1084 Cf. supra., § 749 ; Article 19 du règlement 02/2005/CM/UEMOA. 1085 DAVID René, « L’avenir des droits européens : unification ou harmonisation », in DAVID René, Le droit comparé, droits d’hier, droits de demain, Paris, Economica,1982, p. 296. 1086 Cf. supra., § 217-220. 1087 DELMAS-MARTY Mireille, « Le phénomène de l’harmonisation : l’expérience contemporaine » in FAUVARQUE-COSSON Bénédicte (dir.), Pensée juridique française et harmonisation européenne du droit, Volume 1, Paris, Société de législation comparée, 2003, p. 49. 1088 Cf. EHONGO Paul Dima, « L’intégration juridique des économies africaines à l’échelle régionale et mondiale », in DELMAS-MARTY Mireille, Critique de l’intégration normative, Paris, Presses Universitaire de France, 1ère éd., 2004, p.184. 1089 Cf. supra., § 186. 1090 DELMAS-MARTY Mireille, IZORCHE Marie-Laure, « Marge nationale d’appréciation et internationalisation du droit. Réflexion sur la validité formelle d’un droit commun pluraliste », in RIDC, vol. 52 n°04, Octobre-Décembre 2000, p. 758. 1091 DAVID René, « L’avenir des droits européens : unification ou harmonisation », in Le droit comparé, droits d’hier, droits de demain, op.cit., p. 296.
323
927. Dans ces circonstances, il faut souligner qu’il ne s’agit pas de remettre en cause
l’intégralité de l’harmonisation déjà en cours, mais plutôt d’opter pour l’utilisation
de moyens d’intégration juridique qui permettent de mettre en place des « règles
uniques »1092, mais surtout d’opter pour une méthode de rapprochement qui
permettrait une meilleure application du droit communautaire par les Etats.
928. Si l’harmonisation a été précédée d’une étude réelle et adéquate des systèmes
juridiques des Etats membres, elle ne sera qu’une étape vers une intégration juridique
plus poussée1093. Dans de telles circonstances, il n’y a pas à choisir entre
harmonisation, uniformisation ou unification. C’est le cheminement qu’empruntera
toute œuvre de rapprochement bien pensée techniquement et juridiquement dès le
départ. Ces termes ne sont pas en tant que tels contradictoires, mais
complémentaires1094. Joël TCHUINTE le traduit en ces propos : « Uniformisation et
harmonisation sont le plus souvent associées pour élargir les possibilités de l’action
communautaire »1095.
929. Le choix de la méthode d’intégration juridique va dépendre alors principalement du
domaine et de l’objectif de l’Union. Mais, il faut tenir compte de l’objectif qui a
prévalu au Traité de Dakar pour le « rapprochement des droits nationaux, dans la
mesure nécessaire au bon fonctionnement du marché commun ». Ce, parce qu’il ne
faut pas oublier que le domaine de la santé n’est pas inscrit dans le Traité de Dakar
comme un domaine prioritaire de l’Union. L’Union ne dispose alors que d’une
compétence d’attribution1096 pour légiférer dans les matières inscrites dans le Traité
de Dakar et dans les actes additionnels1097 qui font partie intégrante du Traité. Ainsi,
dans le domaine pharmaceutique, les Etats membres de l’UEMOA affirment
expressément dans le règlement 02/2005/CM/UEMOA portant harmonisation des
réglementations pharmaceutiques leur détermination à « faciliter le commerce et la
libre circulation de médicaments de qualité entre les pays membres ». Pour atteindre
cet objectif, il faut tendre plutôt vers une unification des réglementations
pharmaceutiques nationales et rompre dans certains cas d’avec un moyen
1092 Cf. supra., § 186. 1093 Cf. supra., § 217-220. 1094 Cf. supra., § 217-220. 1095 TCHUINTE Joël, L’application effective du droit communautaire en Afrique centrale, op.cit., p. 104. 1096 Cf., supra., § 229. 1097 Cf. supra., § 235.
324
d’intégration qui n’impose pas une unité approfondie des droits pharmaceutiques
nationaux.
930. Également, dans le Préambule du Traité de Dakar, les Etats affirment la nécessité de
favoriser leur développement économique et social grâce à l’harmonisation de leurs
législations, à l’unification de leurs marchés intérieurs. L’unification du marché
communautaire pharmaceutique du médicament va nécessiter la mise en place de
règles uniques. Une telle unification suppose des normes communautaires de
qualité1098. Cet effet recherché par l’Union justifie également la limitation de la
marge d’appréciation du droit communautaire pharmaceutique par les Etats1099.
931. Pour l’instant, comme précisé dans les chapitres précédents, il n’y a pas encore une
réelle libéralisation du commerce dans le marché communautaire de l’UEMOA1100.
Cela conduit à commencer à unifier également d’autres règles pouvant conduire plus
tard à une libre circulation des médicaments dans la zone communautaire. Pour
rependre les propos de René DAVID évoquant l’unification du droit international,
« le problème n’est pas de nos jours, de savoir si l’unification internationale du droit
se fera ; il est de savoir comment elle se fera »1101. Au sein de l’UEMOA, comment
procéder pour introduire des éléments unificateurs dans le processus
d’harmonisation déjà en cours ?
932. L’analyse des avantages d’un recours à l’unification permettra d’élaborer des
stratégies de mise en œuvre d’un rapprochement hybride.
§ II. Les raisons du choix de l’unification partielle comme moyen d’intégration en droit pharmaceutique
933. L’unification des règles du droit pharmaceutique dans les huit (8) Etats nous semble
plus appropriée pour la mise en place d’une sécurité sanitaire. Certes R. VANDER
ELST affirmait que « tout effort d’unification d’une matière ou d’une institution
juridique comprend une part de simple harmonisation, tandis que toute œuvre
d’harmonisation comporte certains éléments unificateurs »1102, mais il y a lieu de
1098 Cf. supra., § 186. 1099 Cf. supra., § 202-210. 1100 Cf. supra., § 524-537. 1101 DAVID René, « Les méthodes de l’unification », in DAVID René, Le droit comparé, droits d’hier, droits de demain, Paris, Economica,1982, p. 305. 1102 VANDER ELST Raymond, « Les notions de coordinations, d’harmonisation, de rapprochement et d’unification du droit dans la cadre juridique de la communauté économique européenne », in D. DE RIPAINSEL-LANYDY et al., Les instruments du rapprochement des législations dans la communauté économique européenne, Bruxelles, Éditions de l’Université de Bruxelles, 1976, p. 14, § 20.
325
privilégier les éléments unificateurs par l’adoption d’instruments juridiques
permettant cette unification. Cela y va de l’effectivité-même des normes
communautaires pharmaceutiques. Il faut ainsi convenir avec Véronique MAGNIER
que « l’harmonisation ne rivalise pas avec l’unification, mais donne à cette dernière
une garantie de résultat »1103. Le recours à ce moyen d’intégration juridique, qui
permet la mise en place de règles uniques dans chaque Etat, combiné avec la méthode
de rapprochement par harmonisation, pourrait se justifier par l’importance du
domaine pharmaceutique dans la protection de la santé (A). L’analyse de
l’unification du droit des affaires mis en place dans les Etats membres de l’OHADA
renforce l’intérêt de procéder par une telle méthode dans le domaine pharmaceutique
(B).
A. Rôle central du droit pharmaceutique dans la protection de la santé
934. Dans le domaine pharmaceutique, il est nécessaire et important de passer de la simple
obligation de compatibilité (harmonisation) à une obligation de conformité
(unification). Ainsi, la marge nationale d’appréciation laissée aux Etats dans ce
domaine doit être réduite au point d’aboutir à l’étape supérieure de l’harmonisation ;
l’unification des règles de droit.
935. L’encadrement du droit pharmaceutique doit promouvoir une réelle sécurité des
systèmes de santé, quitte à laisser un minimum de liberté aux Etats dans ce domaine.
La problématique de l’accès aux médicaments, de la production pharmaceutique et
du manque de ressources humaines qualifiées dans les Etats africains requiert, pour
l’instauration d’une sécurité sanitaire dans la zone communautaire UEMOA, le
recours à une méthode d’intégration juridique qui permettrait de substituer à la
diversité des régimes nationaux existants un régime unique et commun.
936. La marge d’appréciation dont disposent les Etats par rapport au droit communautaire
pharmaceutique harmonisé va dépendre également des instruments juridiques choisis
par l’Union pour effectuer le rapprochement.
937. Procéder par unification favorisera une approche plus globale du marché
pharmaceutique de l’Union sous-régionale. Cette unification pourrait constituer un
effet attractif pour des investissements en termes de production pharmaceutique.
Mais, il faut retenir que ces aspects seront mieux réalisés à l’échelon communautaire.
1103 MAGNIER Véronique, Rapprochement des droits dans l’Union Européenne et viabilité d’un commun des sociétés, LGDJ, Paris, LGDJ, Paris, 1999, p. 33, § 89.
326
Il est nécessaire pour les Etats de l’Union de déterminer quel degré d’unification il
est nécessaire d’atteindre (1). Pour ce faire, l’Union pourra privilégier l’adoption de
règlements. Le règlement constitut en effet, un moyen juridique d’unification du
droit (2).
1. Nécessité de revoir le choix des instruments juridiques de rapprochement
938. Il faut repenser la conception moniste1104 de Hans KELSEN1105 pour le droit
pharmaceutique, pour que le droit communautaire pharmaceutique soit intégré de
plein droit dans l’ordre juridique interne des Etats, sans aucune procédure spéciale
d’introduction. Cette conception favorise l’unité de l’ordonnancement juridique1106.
Une unité indispensable dans le domaine pharmaceutique. En effet, le domaine
pharmaceutique constitue un poste clé dans la protection de la santé. La mission de
délivrance de médicaments (monopole pharmaceutique), de fabrication des produits
et de leurs contrôles permet, par exemple, aux pharmaciens de contribuer à assurer
la santé des citoyens. Cette particularité du droit pharmaceutique, en raison de son
rôle central dans la protection de la santé, impose de rompre avec un pluralisme
juridique élevé, afin d’assurer la sécurité des systèmes de santé dans la sous-région.
Le secteur pharmaceutique est un secteur particulier dans lequel, précisaient Franklin
DEHOUSSE et Morvan LE BERRE, « l’acheteur ne maîtrise pas une série
d’éléments essentiels »1107. Le patient qui se procure un médicament dans une
pharmacie ignore vraiment le circuit de celui-ci, les précautions qu’il faut prendre
pour assurer la sécurité de ce produit. Ce d’autant plus que dans de telles
circonstances, l’essentiel et le plus urgent c’est d’assurer la sécurité des malades, de
toute la population qui reste de potentiels acheteurs de médicaments1108. Le droit
pharmaceutique peut être qualifié d’un droit relativement stable, ou plutôt qui évolue
1104 Par opposition à la conception dualiste de Anzioloti et Triepel. Cf. DE FROUVILLE Olivier, « Anzilotti d'hier et d'aujourd'hui », Droits, vol. 56, no. 2, 2012, pp. 239-254. 1105 Selon la conception moniste de Hans KELSEN, le droit international s’applique immédiatement en tant que tel, sans réception, ni transformation dans l’ordre interne des Etats parties. Cf. KELSEN Hans, « Théorie générale du droit et de l’Etat ; Suivi de la doctrine du droit naturel et le positivisme juridique », Traduit par Béatrice LAROCHE et Valérie FAURE, Paris, Bruylant, LGDJ, 1997, 517 p. 1106 NEMEDEU Robert, « OHADA : de l’harmonisation à l’unification du droit des affaires en Afrique », Intervention au CRDP (faculté de droit de Nancy) le 19 janvier 2005, p. 6, Disponible sur http://www.daldewolf.com/documents/document/20151221114721-47_42_ohada_de_l_x27_harmonisation_a_l_x27_unification_du_droit_des_affaires.pdf 1107 DEHOUSSE Franklin, LE BERRE Morvan, « L'Europe du médicament : un marché unique incomplet », Courrier hebdomadaire du CRISP, 1997/38 (n° 1583-1584), p. 39. 1108 Cf. supra., § 20.
327
lentement. En effet, la mise au point de nouveaux médicaments ne remet pas en cause
les normes juridiques en matière d’Autorisation de mise sur le marché (AMM). Il
n’y a donc pas une remise en cause de la pertinence et de l’efficacité des normes
nationales et communautaires qui encadrent le médicament et le domaine
pharmaceutique en général.
939. L’intégration de plein droit, du droit pharmaceutique dans l’ordre juridique des Etats
membres, nécessite l’adoption d’instruments juridiques d’application immédiate et
obligatoire. Pour ce faire, le choix des instruments juridiques pour le rapprochement
des réglementations pharmaceutiques par harmonisation et unification doit être
stratégique afin de permettre une plus grande application du droit communautaire.
940. En matière de protection de la santé, quelle est la forme d’acte la mieux adaptée dans
le domaine pharmaceutique dans un contexte africain où les formes d’intégrations
normatives sont balbutiantes : directives, règlements ou décisions ?1109 Mireille
DELMAS-MARTY affirmait : « … aucune norme n’est parfaitement effective, mais
aucune communauté, nationale ou internationale, ne peut laisser toutes les normes
inappliquées, ce qui conduirait à sa disparition »1110 . Il est donc important de revoir
le choix des instruments juridiques de rapprochement. Compte tenu du laxisme des
Etats africain à respecter les règles de droit communautaire, il faut privilégier des
instruments juridiques d’application immédiate et obligatoire, surtout que c’est le
Conseil des Ministres qui adopte aussi bien les règlements, les directives que les
décisions1111. L’édiction de tous ces actes juridiques requiert l’unanimité des
membres du Conseil1112. Il est nécessaire, dès le début d’un processus de
rapprochement en général, d’adopter des instruments juridiques contraignants qui
pourraient contribuer à l’application des textes communautaires dans les Etats
membres.
941. Soulignons cependant, que l’harmonisation est un moyen d’intégration juridique
utilisé par plusieurs organisations internationales dans le domaine pharmaceutique
1109 Cf. supra., § 261-280. 1110 DELMAS-MARTY Mireille, « Préface », in DELMAS-MARTY Mireille, Critique de l’intégration normative : l’apport du droit comparé à l’harmonisation des droits, Préface, Paris, Presses Universitaire de France, 1ère éd., 2004, p. 17. 1111Article 42 du Traité de Dakar : « Pour l'accomplissement de leurs missions et dans les conditions prévues par le présent Traité : - la Conférence prend des actes additionnels, conformément aux dispositions de l'article 19 ; - le Conseil édicte des règlements, des directives et des décisions ; il peut également formuler des recommandations et/ou des avis ; - la Commission prend des règlements pour l'application des actes du Conseil et édicte des décisions, elle peut également formuler des recommandations et/ou des avis ». 1112 Cf. supra., § 31.
328
afin de rapprocher les droits de leurs Etats membres. Au sein de l’Union européenne,
par exemple, c’est la technique d’harmonisation qui est utilisée pour la construction
de l’Europe du médicament. Cependant, c’est une harmonisation aux facettes
d’unification. En effet, l’Union européenne adopte, par exemple, des directives
tellement précises1113 que la différence avec les règlements est faible. Ces directives,
très détaillées, ne laissent pratiquement pas de marge de manœuvre aux Etats1114. Le
plus important est d’adopter des instruments juridiques qui réduisent pratiquement à
néant la possibilité pour les Etats de déroger au droit communautaire. Le règlement,
au sein de l’UEMOA, pourrait constituer ce type d’instrument juridique.
2. Le règlement : un instrument unificateur
942. Dans le droit communautaire, le règlement est un moyen d’unification des droits
nationaux. Il est directement applicable et obligatoire, et ne laisse donc pas de marges
d’appréciations aux Etats1115. User du règlement comme instrument d’harmonisation
conduit donc vers une unification. C’est une harmonisation rigide, pour reprendre les
propos de Roger MASAMBA1116. Le règlement n°06/2010/CM/UEMOA portant
homologation des médicaments à usage humain adopté par l’Union en est un
exemple. Il relève d’une stratégie d’unification1117.
943. Aussi, l’adoption par l’Union d’un règlement, plutôt que d’une directive, renferme
son souhait implicite de voir s’appliquer les mêmes règles en matière d’autorisation
de mise sur le marché dans tous les droits nationaux.
944. L’harmonisation par voie de règlements serait donc une étape avancée qui a pour but
principal d’aboutir à une unification des règles de droit. En Afrique centrale, la
CEMAC a adopté également un règlement en ce qui concerne l’homologation des
1113 Directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 novembre 2001 instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain ; Directive 2003/94/CE de la Commission du 8 octobre 2003 établissant les principes et lignes directrices de bonnes pratiques de fabrication concernant les médicaments à usage humain et les médicaments expérimentaux à usage humain ; La directive 65/65/CEE du Conseil du 26 janvier 1965 concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives aux médicaments. 1114 DELMAS-MARTY Mireille, « Le rôle du droit comparé dans l’émergence d’un droit commun, in, ALEJANDRO ALVAREZ E. et al., « Mireille DEMAS-MARTY et les années UMR », Paris, Unité Mixte de recherche de droit comparé de Paris (Université Paris I/CNRS UMR 8103), Société de législation comparée, 2005, p. 224. 1115 Cf. supra., § 276-270. 1116 MASAMBA Roger, « Réflexion pour une meilleure application substantielle du droit OHADA », Colloque Le système juridique de l’OHADA et l’attractivité économique des Etats parties 20 ans après : bilans et défis à relever, Association pour l’Efficacité du Droit et de la Justice (organisateur), Université Panthéon-Sorbonne, 20 juin 2013, p.6. 1117 Cf. infra., § 947.
329
médicaments à usage humain1118. Cela dénote de l’importance de l’homologation qui
est une fonction essentielle dans le processus de protection de la santé, et qui justifie
qu’il faille limiter la liberté des Etats d’adopter des moyens et des règles dont la
différence serait trop grande avec le droit communautaire.
945. Ainsi, l’harmonisation par voie de règlement peut être qualifiée de droit
communautaire contraignant, dans la mesure où son application immédiate ne doit
pas résulter d’une faculté pour les Etats, mais d’une obligation de résultat
contrairement à l’usage des recommandations de bonnes pratiques (droit mou) pour
la mise en place des principes communs de bonnes pratiques de fabrication, de
distribution, d’information et de publicité des médicaments. Il est essentiel sur ce
point d’éviter, pour reprendre les mots de Denis MAZEAU, une « unité de
façade »1119 qui, dans le cas de l’UEMOA, pourrait résulter des décisions de bonnes
pratiques et des lignes directrices pour l’information et la publicité des médicaments.
946. Son aspect unificateur tient au fait qu’il s’applique sans interposition des autorités
étatiques, sans qu’ils puissent effectuer une quelconque transformation des règles
contenues dans le règlement. Dans un avis motivé du 20 mai 1997, la Cour de Justice
de l’UEMOA a, par exemple, orienté la Commission quant au choix du règlement
comme instrument juridique à privilégier dans le cadre de l’intégration des règles
budgétaires et comptables1120.
947. Il faut noter que l’utilisation d’un instrument juridique tel que le règlement a permis
de parvenir non pas à rapprocher uniquement les droits des Etats membres sur des
principes communs, mais aussi à rendre les droits nationaux sur l’homologation des
médicaments uniques. Ce sont les mêmes principes qui doivent s’appliquer dans
chaque Etat membre pour l’homologation des médicaments à usage humain. Parmi
les instruments juridiques communautaires adoptés dans le cadre de cette
1118 Règlement n°05/2013-UEAC-OCEAC-CM-SE-2 portant référentiel d’harmonisation des procédures d’homologation des médicaments à usage humain dans l’espace CEMAC 1119 MAZEAU Denis, « La Commission Lando : le point de vue d’un juriste français », in JAMIN Christophe, MAZEAUD Denis, L’harmonisation du droit des contrats en Europe, Paris, Edition Economica, 2001, p. 142. 1120 « La cour est d’avis qu’en vertu des dispositions de l’article 67 du Traité de l’UEMOA, la norme juridique indiquée pour l’harmonisation des lois de finances, et des comptabilités publiques est le règlement ou la directive. Mais, compte tenu du délai imparti par la Conférence des Chefs d’Etat et de gouvernement, à savoir l’adoption avant la fin de l’année 1997 des actes juridiques comptables et des statistiques harmonisées des finances publiques, il y a lieu d'adopter les deux textes soumis à l’avis de la Cour sous forme de règlement en raison de son caractère d’applicabilité immédiate et directe, la directive demandant un délai de mise en œuvre pour permettre à chaque Etat membre de procéder aux transpositions utiles dans les conditions de son droit interne » ; Cf. YONABA Salif, « L’intégration des règles budgétaires et comptables dans le cadre de l’Union Economique et Monétaire Ouest-africaine (UEMOA) », Revue burkinabè de droit (RBD), Revue semestrielle, n°39-40, n° spécial 20ème anniversaire, 2001, p. 102.
330
harmonisation, le règlement est celui qui a fait l’objet d’une meilleure application. Il
est appliqué à ce jour à 60% dans tous les Etats de l’Union1121.
948. Pourtant, on constate un usage limité du règlement comme instrument juridique
d’harmonisation des réglementations pharmaceutiques au sein de l’UEMOA. Un
seul règlement a été adopté en la matière1122. L’Union fait pourtant recours à
plusieurs instruments juridiques dans le cadre du rapprochement des réglementations
pharmaceutiques de ses Etats membres : directives, décisions1123.
949. Il faudra peut-être rompre d’avec les normes qui proposent (recommandations, lignes
directrices), car cela influence fortement la force juridique donnée aux contenus de
ces normes. Par ailleurs, pour que le règlement joue réellement son rôle unificateur,
il faut que les règles qu’il contient soient précises et détaillées. Ainsi, certaines
lacunes du règlement n°06/2010/UEMOA doivent être comblées.
950. La précision dans la définition de certains termes, permettant un meilleur
rapprochement des droits nationaux, limitera les interprétations divergentes des
notions et concepts contenus dans le règlement. Prenons l’exemple de la définition
du médicament dans le règlement UEMOA. Le médicament y est défini sans aucune
référence à la définition des termes1124. L’interprétation de chaque Etat pourrait
diverger dans la compréhension des notions clés de cette définition. Si le règlement
sur l’homologation est pris en compte dans le droit interne des Etats, c’est parce que
c’est un instrument juridique qui ne laisse pratiquement aucune marge d’appréciation
aux Etats. En effet, la multiplication des concepts et des principes flous, voire
flexibles, pourrait constituer une source d’incohérences dans l’application des textes
pharmaceutiques1125, tendant vers ce que Denis MAZEAU a qualifié, parlant de
l’harmonisation du droit des contrats au sein de l’Union européenne, d’une «
harmonisation artificielle »1126.
951. L’harmonisation étant à ses débuts, il est judicieux dès le départ d’être précis sur les
définitions pour éviter les divergences. L’application uniforme dépend en grande
1121 HOUNNOU Carmelle, « Harmonisation de la réglementation pharmaceutiques au sein de l’UEMOA et de l’OOAS », op.cit. 1122 Règlement n°06/2010/CM/UEMOA relatif aux procédures d’homologation des produits pharmaceutiques à usage humain dans les Etats membres de l’UEMOA. 1123 Cf. supra., § 261-280. 1124 Cf. supra., § 360-380. 1125 Cf. supra., § 753-755. 1126 MAZEAU Denis, « La Commission Lando : le point de vue d’un juriste français », in L’harmonisation du droit des contrats en Europe, op.cit., p. 145.
331
partie de la rigueur employée et de la force obligatoire des instruments juridiques.
L’UEMOA ne doit plus être uniquement une union des échanges économiques, mais
doit tendre de plus en plus vers celle des patients, des consommateurs, par une
protection de leur santé.
952. A défaut de pouvoir unifier tout le droit pharmaceutique des Etats membres,
vaudrait-il mieux user d’autres instruments juridiques que les recommandations pour
l’harmonisation et procéder au maximum par réduire la marge d’appréciation dont
disposent les Etats dans le processus d’adoption de la norme communautaire ?
953. Un retour sur l’unification du droit des affaires au sein de l’OHADA permet de
comprendre la nécessité de réduire la marge d’appréciation des Etats.
B. Les enseignements de l’unification du droit des affaires en Afrique dans le cadre de l’OHADA
954. En se référant à l’acronyme Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit
des Affaires (OHADA)1127, la tendance reviendrait à affirmer que la technique
d’intégration qu’elle utilise est l’harmonisation1128. Pourtant, le contenu et la
procédure d’adoption de ses Actes uniformes traduisent une autre réalité, et renvoient
même à une autre méthode d’intégration juridique : l’unification1129. L’OHADA a
1127 Elle est une organisation intergouvernementale d’intégration juridique comptant 17 Etats membres y compris les 8 pays de l’UEMOA : le Bénin, le Burkina-Faso, le Cameroun, la Centrafrique, la Côte d’Ivoire, le Congo, les Comores, le Gabon, la Guinée, la Guinée-Bissau, la Guinée-Equatoriale, le Mali, le Niger, la République Démocratique du Congo, le Sénégal, le Tchad et le Togo. Le droit OHADA s’applique de ce fait dans la zone UEMOA. Bien que spécialisé dans le droit des affaires, le droit OHADA régit certains aspects du droit pharmaceutique. Le droit des sociétés et le droit commercial, par exemple, régissent le domaine d’activités des pharmaciens. 1128 Sur ce point KONE Mamadou note que « lorsqu’on analyse la technique d’intégration juridique utilisée dans l’OHADA, on ne peut s’empêcher de s’interroger sur la pertinence de l’utilisation du terme « harmonisation » pour la désigner. Il y a là une confusion qui s’explique sans doute par la jeunesse de la discipline de l’intégration juridique dont les termes ne sont pas encore fixés avec suffisamment de netteté », in KONE Mamadou, Le nouveau droit commercial des pays de la zone OHADA : comparaison avec le droit français, Thèse de droit privé, LGDJ, Paris, 2003, p. 4, § 4. 1129 Sur la qualification de la méthode d’intégration juridique utilisée au sein de l’OHADA, nous estimons qu’il s’agit d’une unification. Sur ce point, des auteurs partagent notre opinion ; à l’image de NEMEDEU Robert : « L’option retenue a été l’harmonisation. Cependant, l’analyse du système actuellement en vigueur au sein de l’OHADA, c’est-à-dire l’adoption par le Conseil des Ministres de la justice et des Ministres des finances, d’actes uniformes qui sont immédiatement applicables sur le territoire de chaque Etat partie (article 10 du Traité), fait montre d’une œuvre d’unification », in NEMEDEU Robert « OHADA : de l’harmonisation à l’unification du droit des affaires en Afrique », Intervention au CRDP (Faculté de droit de Nancy) le 19 janvier 2005 p. 2 ; KONE Mamadou, « L’OHADA réalise une unification juridique, judiciaire et politiques » in KONE Mamadou, Le nouveau droit commercial des pays de la zone OHADA : comparaison avec le droit français, Thèse de droit privé, LGDJ, Paris, 2003, p. 5. D’autres auteurs considèrent par contre qu’il s’agit d’une uniformisation. Cf. ISSA-SAYEGH Joseph, « Répertoire quinquennal OHADA 2000-2005 », Editions de l’Association pour l'Unification du Droit en Afrique - U.N.I.D.A., p. 14 : « Les Actes uniformes ont pour but l’uniformisation des droits positif internes des Etats parties » ; MASAMBA Roger, « L’harmonisation voulue s’est muée en uniformisation » in MASAMBA Roger, « Réflexion pour une meilleure application substantielle du droit OHADA », Colloque Le système juridique de l’OHADA et l’attractivité économique des Etats parties 20 ans après : bilans et défis à
332
largement dépassé la question-même de l’harmonisation. A la lecture de l’article 10
du Traité constitutif de l’OHADA, le constat est plutôt la tendance à une unification
comme mode d’intégration juridique.
955. L’OHADA réalise une unification, et c’est une analyse de son fonctionnement qui
permettra de comprendre que moins les Etats ont une marge d’appréciation des textes
juridiques communautaires, moins il y aura des différences entre les droits nationaux,
et plus on tendra vers une prise en compte des normes communautaires par les Etats.
Le succès de cette intégration juridique du droit des affaires tient à la quasi-
inexistence d’une marge d’appréciation pour les Etats, s’agissant du droit
communautaire. Et la stratégie des actes uniformes est un moyen efficace de
supprimer la marge d’appréciation des Etats. Selon l’article 10 du Traité OHADA, «
les actes uniformes sont directement applicables et obligatoires dans les Etats, partie
nonobstant toute disposition contraire de droit interne, antérieure, postérieure ».
L’OHADA procède ainsi par une adoption de normes directement applicables dans
ses Etats membres1130. L’unification qui s’opère au sein de l’OHADA concerne
plusieurs domaines du droit des affaires : l’Acte uniforme sur le droit commercial
général, l’Acte uniforme relatif au droit comptable et à l’information financière
(AUDCIF), l’Acte uniforme portant organisation des sûretés, etc. Selon Joseph Issa-
SAYEGH et Jacqueline LOHOUES-OBLE, ce n’est pas la primauté du droit
communautaire sur le droit national qui prévaut au sein de l’OHADA, mais plutôt la
substitution du droit communautaire au droit national1131. Les actes uniformes
abrogent ainsi les dispositions nationales qui leur sont contraires et se substituent à
elles de plein droit1132. Ainsi, dans l’ordre juridique national de chaque Etat membre,
c’est l’AUDCG qui constitue le texte en vigueur dans le domaine commercial.
Avocats, commerçants, conseils juridiques se réfèrent tous à ce droit communautaire.
relever, Association pour l’Efficacité du Droit et de la Justice (organisateur), Université Panthéon-Sorbonne, 20 juin 2013, p. 5. 1130 MARTOR Boris et al., Le droit uniforme africain des affaires issues de l’OHADA, LexisNexis, Litec, Jurisclasseur affaire finances, Paris, 2004, p. 32. 1131 ISSA-SAYEGH Joseph, LOHOUES-OBLE Jacqueline, Harmonisation du droit des affaires. OHADA, Bruxelles, Bruylant, Collection Droit uniforme africain, 2002, p. 93, §198. 1132 NEMEDEU Robert, « OHADA : de l’harmonisation à l’unification du droit des affaires en Afrique », Intervention au CRDP (Faculté de droit de Nancy) le 19 janvier 2005, p. 6, Disponible sur http://www.daldewolf.com/documents/document/20151221114721-47_42_ohada_de_l_x27_harmonisation_a_l_x27_unification_du_droit_des_affaires.pdf
333
Le droit OHADA acquiert ainsi, par l’effet d’unification, une applicabilité
directe1133. Il est alors une source de droit dans chaque Etat membre1134.
956. Pour ce faire, les actes uniformes prévus dans le Traité OHADA peuvent être
comparés au règlement dans l’UEMOA ou dans l’Union européenne. L’article 5 du
Traité définit alors l’acte uniforme comme l’acte pris pour l’adoption des règles
communes1135. Ces actes uniformes sont préparés par le secrétariat permanent, les
commissions nationales, la CCJA. Mais, c’est le Conseil des Ministres qui, après
délibération, est habilité à adopter l’acte uniforme1136. Ces actes ont pour but
l’unification du droit positif interne des Etats membres1137. Dans le cadre donc de
cette unification, l’organisation adopte jusque-là des actes uniformes et des
règlements. Les règlements adoptés ont principalement pour objet l’application du
Traité et le fonctionnement de ses institutions1138.
957. Ces instruments juridiques communautaires réduisent donc considérablement la
marge d’appréciation des Etats, et contribuent à réaliser une unification des règles et
une unification dans l’application, notamment par l’existence dynamique de la
CCJA.
958. Notons également que le recours à des instruments juridiques obligatoires nécessite
une volonté des Etats à réaliser l’unification. Il faut également tenir compte de cette
volonté politique mais également de la doctrine juridique et de l’importance du droit
comparé pour la mise en œuvre d’un rapprochement mixte.
Section 2. Le rôle primordial du droit comparé, de la volonté politique des Etats membres et de la doctrine juridique dans ce processus de rapprochement
959. Le rapprochement mixte par l’usage de l’harmonisation et de l’unification va
nécessiter le concours de la doctrine juridique et le recours à la méthode comparative
d’une part (§ I) et d’autre part une réelle volonté politique des Etats membres (§ II).
1133 Cf. supra., § 186. 1134 NEMEDEU Robert, « OHADA : de l’harmonisation à l’unification du droit des affaires en Afrique », op.cit., p. 7, 1135 Article 5 du Traité OHADA : « Les actes pris pour l’adoption des règles communes prévues à l’article premier du présent traité sont qualifiés « actes uniformes » ». 1136 ISSA-SAYEGH Joseph, LOHOUES-OBLE Jacqueline, Harmonisation du droit des affaires. OHADA, op.cit., p. 123, § 279. 1137 Voir dans le même sens KONE Mamadou, Le nouveau droit commercial des pays de la zone OHADA : comparaison avec le droit français, Thèse de droit privé, LGDJ, Paris, 2003, p. 5, § 5. 1138 ISSA-SAYEGH Joseph, Répertoire Quinquennal OHADA 2000-2005, Edition Association pour l'Unification du Droit en Afrique - U.N.I.D.A., p. 14.
334
§ I. Les fonctions du droit comparé et de la doctrine juridique dans le processus de rapprochement
960. Pour rapprocher des normes juridiques de plusieurs Etats, il est nécessaire, de
comprendre le fonctionnement de toutes ces normes. Cela, conduit à prendre en
compte les données issues de la comparaison de ces droits (A), mais également les
critiques soulevées par la doctrine (B).
A. Le droit comparé : un moyen de construire et de comprendre le droit pharmaceutique des Etats membres
961. Le règlement n°02/2005 relatif à l’harmonisation de la réglementation
pharmaceutique dans les Etats membres de l’UEMOA reste muet quant à l’usage du
droit comparé pour l’adoption des outils techniques de base pour l’harmonisation
d’un aspect du droit pharmaceutique. La procédure d’adoption des textes
communautaires telle que décrite dans le règlement et pratiquée actuellement n’est
pas suffisante. René DAVID affirmait pourtant, à propos de la législation africaine,
que « des lois ou règlements mal faits ne risquent pas seulement de demeurer lettre
morte ; ils risquent, et cela est plus grave, de compromettre et handicaper le
développement du pays, contrairement à l’intention qui les a inspirés »1139. En effet,
il est essentiel d’user de tous les moyens nécessaires afin d’établir un droit
pharmaceutique qui puisse répondre aux besoins de chaque Etat. Il faut ainsi prendre
en compte l’état du droit pharmaceutique dans chaque Etat pour l’élaboration du
droit communautaire.
962. Cinq (5) années se sont écoulées entre l’adoption du règlement n° 02/2005 qui a
lancé le processus d’harmonisation et l’adoption des premiers instruments juridiques
visant à ce rapprochement, en 2010. Pourtant, durant ces années, la Cellule en charge
de l’harmonisation n’a pas rendu public un rapport résultant d’un véritable travail de
comparaison des différents droits pharmaceutiques en présence au sein de l’Union.
Une telle publication aurait pourtant été fondamentale.
963. Au-delà de pouvoir faire ressortir les divergences et les ressemblances entre les droits
nationaux, la comparaison permet de critiquer et surtout de mieux comprendre et
connaître son propre droit national1140. Mais, c’est l’analyse des divergences existant
1139 DAVID René, « Observations critiques sur les possibilités et les limites de la législation dans les pays africains », in DAVID René, Le droit comparé, droits d’hier, droits de demain, Paris, Economica, 1982, p. 248. 1140 DAVID René, « L’avenir des droits européens : unification ou harmonisation », in Le droit comparé, droits d’hier, droits de demain, op.cit., p. 301.
335
entre ces différents droits qui permettra de mesurer les difficultés inhérentes à tout
projet de rapprochement1141. Par exemple, l’option d’une unification n’est possible
que si la synthèse des droits est possible et envisageable1142.
964. Il sera nécessaire que l’étude du droit comparé soit complète. Aucun Etat ne doit
accepter des textes juridiques, aussi communautaires soient-ils, sans vraiment
examiner et surtout comprendre dans quelle mesure ces règles juridiques seront aptes
à régler l’état des choses dans le pays. C’est parfois ce manque d’études qui empêche
les Etats africains d’aller de l’avant.
965. Dans l’UEMOA, les Etats ont tendance à signer des accords ou accepter des systèmes
sans prendre le temps d’étudier la faisabilité de ces accords ou de ces systèmes dans
le droit national. La conséquence qui en résulte est un trop plein de textes, une
difficulté à retrouver les plus utiles et efficaces ; donc tous les textes sont mis à
l’écart, et on recommence par une nouvelle production normative nationale.
966. Dans le cadre d’une perspective de rapprochement mixte des législations, le recours
au droit comparé est nécessaire pour éviter un système hégémonique et impérialiste
par lequel un Etat impose ses règles à tous les autres. Mais, il faut souligner qu’une
harmonisation ou unification par le bas n’est pas également concevable. Cela, pour
dire qu’il n’est pas judicieux qu’un Etat ayant le système pharmaceutique le moins
développé l’impose à ceux qui ont un système plus développé. Les Etats doivent
tendre vers un rapprochement par le haut, en s’inspirant du meilleur système
pharmaceutique présent dans la zone communautaire.
967. La méthode comparative permettra également de trouver un contenu-même à
l’harmonisation et à l’unification. Mais, « il faut être à la fois vigilant et critique. Le
droit commun ne surgit pas clé en main de la comparaison », précisait
l’internationaliste Mireille DELMAS-MARTY. « Le droit comparé peut contribuer
à concevoir et à ordonner le pluralisme, donc la complexité, par différentes voies
»1143.
1141 DELMAS-MARTY Mireille, Trois défis pour un droit mondial, Paris, Éditons du Seuil, 1998, p. 114. 1142 DELMAS-MARTY Mireille, « Le phénomène de l’harmonisation : l’expérience contemporaine », in FAUVARQUE-COSSON Bénédicte (dir.), Pensée juridique française et harmonisation européenne du droit, Volume 1, Paris, Société de législation comparée, 2003, p. 45. 1143 DELMAS-MARTY Mireille, « Conclusions de l’ouvrage « Variations autour d’un droit commun. Premières rencontres de l’UMR de droit comparé de Paris » », in ALEJANDRO ALVAREZ E. et al., « Mireille DEMAS-MARTY et les années UMR », Paris, Unité Mixte de Recherches de droit comparé de Paris, Université Paris I/CNRS UMR 8103, Société de législation comparée, 2005, p. 231.
336
968. La comparaison des droits est primordiale : nécessaire pour tirer des conclusions et
développer un droit communautaire. Pour commencer, il faut inviter chaque Etat
membre à codifier ses propres normes de droit pharmaceutique. L’absence de
véritables CSP dans les Etats conduit à l’existence de normes juridiques dispersées
dans des instruments juridiques nationaux (arrêté, décret, loi, etc.). Mais, il faut
convenir avec Philippe MALAURIE que « ...même là où il y a uniformisation du
droit, sa diversité ne disparait pas »1144.
969. Véronique MAGNIER affirmait ainsi que « le travail de comparaison des droits est
nécessaire. Elle qui renforce la compréhension des droits, étrangers et national, et
qui permet par ce jeu de dialectique d’étudier les moyens de sauvegarder la
cohérence et la logique d’un droit existant tout en essayant de lui apporter des
améliorations »1145. De plus, l’usage de la méthode comparative pour l’élaboration
des normes harmonisées ou unifiées est important, si l’on tient compte du fait que
l’adhésion à l’UEMOA d’Etats africains issus de traditions juridiques différentes
n’est pas exclue.
970. La marge d’appréciation des Etats devrait ainsi varier selon les divergences qui ont
résulté des études comparatives des droits nationaux.
971. L’urgence d’une réflexion de fond sur un tel processus de rapprochement est
inéluctable. A ce niveau, surgit, une fois de plus, la question du rôle central de la
doctrine dans le processus d’harmonisation. Jusqu’à présent, la doctrine juridique
africaine n’a pas réellement commenté l’harmonisation des réglementations
pharmaceutiques en cours dans la zone UEMOA.
B. La doctrine juridique : une importante source de rapprochement
972. La doctrine implique tout auteur d’écrits de nature juridique, de théorie juridique,
qui permet d’animer un débat d’arguments et d’idées contribuant à alimenter le
droit1146. La doctrine juridique a donc un rôle à jouer dans le processus de
rapprochement des droits. Elle est un vecteur efficace pour la diffusion des lois
internes, internationales et communautaires1147. La doctrine juridique dans le
1144 MALAURIE Philippe, « Loi uniforme et conflits de lois », in Travaux du Comité français de droit international privé, 25-27e année, 1964-1966, 1967, p. 85. 1145 MAGNIER Véronique, Rapprochement des droits dans l’Union Européenne et viabilité d’un commun des sociétés, op.cit., p. 332, § 871. 1146 MOULY Christian, « La doctrine, source d’unification internationale de droit », RIDC, n°1, janvier-mars 1986, p. 351 et p. 352. 1147 MAGNIER Véronique, Rapprochement des droits dans l’Union Européenne et viabilité d’un commun des sociétés, op. cit., p. 303, § 795.
337
domaine pharmaceutique est cependant très embryonnaire. Elle peut constituer
pourtant une source importante pour un rapprochement des droits nationaux au sein
de l’UEMOA.
973. Dans les pays de la zone UEMOA, la doctrine juridique n’est pas très développée,
surtout dans le domaine de la santé. Pourtant, la doctrine africaine doit contribuer à
cette intégration juridique des systèmes de santé pharmaceutique en propageant
l’idée et la nécessité d’un rapprochement des droits nationaux pharmaceutiques pour
la mise en place d’une sécurité des systèmes de santé. Elle doit également prendre
conscience du rôle qu’elle peut jouer dans l’élaboration d’un droit pharmaceutique
communautaire dans l’espace UEMOA ; et affirmer ainsi son rôle unificateur1148.
974. Une question mérite alors d’être posée : la doctrine africaine a-t-elle préparé le
terrain pour une véritable harmonisation des réglementations pharmaceutiques ? Les
juristes ont un rôle prépondérant à jouer dans ce processus d’intégration juridique
pharmaceutique. La contribution limitée des sources secondaires du droit, telle que
la doctrine1149, est un manque à gagner pour le rapprochement du droit
pharmaceutique dans la sous-région. Hans VAN HOUTTE précise à ce titre que « la
doctrine n’est sans doute pas source de droit, mais elle est bien source
d’harmonisation »1150.
975. Parlant de la reconnaissance du droit africain de la santé, Michel BELANGER
souligne : « Il revient ainsi au juriste, en Afrique comme ailleurs, de réussir la
synthèse entre tradition et modernité »1151. C’est à la doctrine de faire émerger les
éléments qui guideront les institutions communautaires dans le choix des méthodes
et instruments juridiques qui permettront une effectivité du droit communautaire
pharmaceutique et une instauration d’une sécurité sanitaire dans chaque Etat
membre.
976. Des réformes devront ainsi provenir de la doctrine1152. Parlant du rapprochement en
droit des sociétés en Europe, Véronique MAGNIER affirme que « le droit ne se
1148 MAGNIER Véronique, Rapprochement des droits dans l’Union Européenne et viabilité d’un commun des sociétés, op.cit., p. 303, § 795. 1149 CISSE Abdoullah, « L'harmonisation du droit des affaires en Afrique : L'expérience de l'OHADA à l'épreuve de sa première décennie », Revue internationale de droit économique 2004/2 (t. XVIII, 2), p. 207. 1150 VAN HOUTTE Hans, « La modélisation substantielle », in LOQUIN Eric, KESSEDJIAN Catherine, La mondialisation du droit, Paris, Litec, 2000, Travaux du CREDIMI, p. 229. 1151 BELANGER Michel, Eléments de doctrine en droit international de la santé (écrits 1981-2011), Bordeaux, Les Etudes hospitalières, Editions 2012, p. 575. 1152 MAGNIER Véronique, Rapprochement des droits dans l’Union Européenne et viabilité d’un commun des sociétés, op.cit., p. 305, § 800.
338
limite pas à une technique législative. Il naît aussi de la doctrine et de son outil,
l’enseignement, qui sont autant de données culturelles pouvant contribuer à
l’élaboration d’un droit commun européen »1153.
977. Même si les contextes sont difficilement comparables, il peut paraitre intéressant
d’évoquer l’exemple des Restatements 1154américains et des principes élaborés par la
Commission Lando dans le cadre du rapprochement des droits des contrats en
Europe1155. Ces exemples traduisent d’une certaine manière le rôle que la doctrine
juridique peut jouer dans la construction du droit interne et communautaire. Filali
OSMAN précisait que « …le travail de la Commission a été d’abord une œuvre
d’initiative doctrinale avant de recevoir l’appui du parlement européen… »1156.
L’idée est ici, à travers ces exemples, d’attirer l’attention sur le fait que l’œuvre
doctrinale dans le domaine du rapprochement des réglementations pharmaceutiques
peut inspirer les institutions communautaires qui pourraient tenir compte des
observations d’éminents juristes et d’universitaires pour la continuité de l’intégration
normative. Mais, un constat majeur est le fait que les juristes des Etats de l’UEMOA
ne se sont pas encore familiarisés, avec les différentes méthodes d’intégration
juridique.
978. Une autre difficulté à laquelle font face les juristes dans la construction d’une
doctrine juridique dans le cadre de l’intégration normative des réglementations
1153 MAGNIER Véronique, Rapprochement des droits dans l’Union Européenne et viabilité d’un commun des sociétés, op.cit., p. 306, § 803. 1154 Le Restatement est une technique juridique qui permet à des juristes américains de reformuler différents domaines du droit positif américain à partir de l’étude de la jurisprudence. Ils sont élaborés par l’Amercian Law Institut. Ils n’ont pas de valeur contraignante, mais sont sources d’autorité devant le juge américain. Le Restatement est devenu un instrument de travail indispensable pour ceux qui doivent s’occuper du droit non codifié américain. Cf. American Law Instituts, Restatement in the Courts 1954 Supplément, in Revue internationale de droit comparé, Vol. 7 n°1, Janvier-mars 1955, p. 219 ; Révision aux Etats-Unis d'Amérique du « « Restatement of the Law ». Le Code uniforme de commerce. Un code pénal modèle », in Revue internationale de droit comparé, Vol. 5 n°3, Juillet-septembre 1953, p. 570 ; BREEN Emmanuel , « La France face au droit américain de la lutte anti-corruption », Joly éditions, 7 mars 2017, 244 p. ; PRADAL Philippe, Le Restatement : Les Etats-Unis entre Tradition Civiliste et Tradition de Common Law (Restatements: The United-States Between Civil and Common Law Traditions) (September 1, 2010). Available at SSRN: https://ssrn.com/abstract=2330682 or http://dx.doi.org/10.2139/ssrn.2330682 1155 C’est des principes en droit européen des contrats ayant pour objectif l’harmonisation et l’unification du droit commercial en Europe. Les travaux de cette commission vont par exemple contribuer à l’élaboration d’une grande partie du droit des contrats. Cf. Commission Pour Le Droit Européen Du Contrat, « Les principes du droit européen du contrat. L'exécution, l'inexécution et ses suites », in Revue internationale de droit comparé. Vol. 50 n°1, Janvier-mars 1998, pp. 257-258, Disponible sur http://www.persee.fr/doc/ridc_0035-3337_1998_num_50_1_1138 1156 OSMAN Filali, « Codification, unification, harmonisation du droit en Europe : un rêve en passe de devenir réalité », in OSMAN Filali (dir.), Vers un code européen de la consommation, Actes et débats de colloque, Lyon, 12 et 13 décembre 1997, Edition Bruylant, 1998, p. 31.
339
pharmaceutiques nationales est l’existence d’un « puzzle »1157 juridique. En effet,
les textes juridiques communautaires et nationaux ne sont pas exhaustifs et se
trouvent de plus dispersés de part et d’autre. Les juristes doivent ainsi reconstituer le
puzzle avant de pouvoir établir un véritable raisonnement juridique. Cette
problématique conduit ainsi à une autre question fondamentale sur laquelle les Etats
de l’Union devront se pencher, mais qui ne fera pas l’objet d’un développement
exhaustif dans ce travail. Il s’agit de l’épineuse question de la mise en place d’un
véritable « Code de santé publique » dans chacun des Etats membres. Le
comparatiste René DAVID avait déjà préconisé aux Etats africains de rassembler les
textes juridiques qu’ils élaborent, car « la nécessité de regrouper chaque année toute
la réglementation pourrait avoir pour effet de réduire la prolifération excessive des
mesures réglementaires, comme il est éminemment souhaitable dans tous pays »1158.
Encore faut-il pour cela que les travaux doctrinaux sur une construction d’un droit
de la santé croisent le soutien et l’adhésion des autorités communautaires et
nationales.
§ II. Une sécurité sanitaire par le dépassement de la souveraineté de l’Etat
979. « Tout changement politique produit un changement en droit »1159, affirmait Adolf
SCHNITZER. La volonté politique dans un tel processus d’intégration juridique est
inéluctable. Elle doit être ferme dans le sens d’une volonté réelle de participer à
l’intégration juridique des réglementations pharmaceutiques des Etats de l’Union
pour une amélioration de la santé dans toute la sous-région. Ce, d’autant plus qu’en
matière pharmaceutique, l’Etat joue un rôle important et déterminant pour une
sécurité du système de santé. En tant que puissance publique, il est débiteur de
l’obligation de sécurité sanitaire. Le CSP du Togo1160 le spécifie en son article 3 :
« La protection et la promotion de la santé et les prestations de soins et services
relèvent de la responsabilité de l’Etat ». Ainsi, il doit être en mesure de contrôler les
1157 L’auteur soulignait s’agissant du règlement dans le cadre européen que « la technique du renvoi par le législateur na tional au droit communautaire est vue avec méfiance : il faut que les destinataires des règles d’origine communautaire et nationale soient en présence d’une réglementation exhaustive -et non pas d’un « puzzle » qu’ils doivent reconstituer » in LOUIS Jean-Victor, « Le règlement, source directe d’unification des législations », in D. DE RIPAINSEL-LANYDY et al., Les instruments du rapprochement des législations dans la communauté économique européenne, Bruxelles, Éditions de l’Université de Bruxelles, 1976, p. 20. 1158 DAVID René, « Observations critiques sur les possibilités et les limites de la législation dans les pays africains », in Le droit comparé, droits d’hier, droits de demain, op.cit., p. 255. 1159 SCHNITZER Adolf. F., De la diversité et de l’unification du droit. Aspects juridiques et sociologiques, Genève, Publication n°24 de l’institut universitaire des hautes études internationales, 1946, p. 5. 1160 Loi n°2009-007 du 15 mai 2009 portant code de la santé publique de la République togolaise, JO, numéro spécial 53e année, n°30 TER, du 25 mai 2009.
340
produits pharmaceutiques par des AMM, des retraits d’AMM, des suspensions et,
surtout, des contrôles de toutes les structures faisant intervenir un pharmacien :
officine, distributeur en gros de produits pharmaceutiques, fabricant, importateur,
etc.
980. Mais, il faut savoir que ce rapprochement des réglementations pharmaceutiques n’est
pas le fruit du hasard, mais procède d’une volonté politique des Etats à améliorer
leurs systèmes de santé. Cette volonté politique est importante, même s’il s’avère
nécessaire de la renforcer et de l’accompagner d’actions concrètes au niveau
national. Mireille DELMAS-MARTY, à ce propos, affirmait que « le droit est «
normatif », il dit ce qui doit être et fait ; donc appel à la volonté, voire au
volontarisme »1161. Cette notion de volonté implique nécessairement de prendre en
compte l’aspect politique du problème. Cette volonté politique renvoie également
d’une certaine manière à la souveraineté de l’Etat. La souveraineté renvoie en théorie
à l’idée d’une centralisation du pouvoir au sein d’une même autorité1162. Elle
implique également l’idée qu’au-dessus de l’ordre juridique de l’Etat, qui est un
ordre suprême, il n’existe aucun autre ordre1163. Il faut garder à l’esprit que la
souveraineté étatique ne peut être complétement mise en marge. L’intervention de
l’Etat dans le secteur pharmaceutique est donc justifiée et souhaitable. Il y a
cependant lieu de coordonner les interventions étatiques et celles communautaires.
Mais, il convient de relativiser cette approche ou perspective en tenant compte de la
pratique et de l’environnement pharmaceutique des différents Etats membres.
981. Cette « perspective de politique juridique1164 »1165 conduit ainsi à inviter les Etats à
s’engager davantage dans le processus des réglementations pharmaceutiques des
droits nationaux par de nouveaux abandons de souveraineté, dans la mesure où la
1161 DELMAS-MARTY Mireille, « Un ordre juridique en formation ? » Extrait de la conclusion des cours prononcés au Collège de France en 2005, p. 5, disponible sur https://www.uniceub.br/media/49557/Delmas_Marty___Un_ordre_juridique_en_formation__1_.pdf
1162 CHALTIEL Florence, La souveraineté de l’Etat et l’Union Européenne, l’exemple français -Recherches sur la souveraineté de l’Etat membre, Paris, LGDJ, 2000, p. 8. 1163 KELSEN Hans, Théorie générale du droit et de l’Etat. Suivi de la doctrine du droit naturel et le positivisme juridique, Traduit par Béatrice LAROCHE et Valérie FAURE, Paris, Bruylant, LGDJ, 1997, p. 428. 1164 BARRAUD Boris définit la politique juridique : « La politique juridique consiste à affirmer, subjectivement, ce que devraient être les normes constitutives du droit ou, du moins, constitutives d’un régime juridique donné… » p. 3 ; « L’objet de la politique juridique : discuter, critiquer et proposer le droit positif », p. 7, in BARRAUD Boris, La politique juridique. La recherche juridique, L’Harmattan, 2016. Disponible sur : https://hal-amu.archives-ouvertes.fr/hal-01367758/document 1165 MAZEAU Denis, « La Commission Lando : le point de vue d’un juriste français », in L’harmonisation du droit des contrats en Europe, op.cit., p. 141.
341
protection de la santé est aujourd’hui un défi communautaire nécessitant que les Etats
s’engagent davantage dans le processus de rapprochement de leurs réglementations
pharmaceutiques. Selon Florence CHALTIEL, la souveraineté de l’Etat renvoie à
l’idée que « l’Etat est le producteur exclusif de droit sur son territoire »1166. Chaque
Etat devrait pourtant renoncer partiellement à considérer que la protection de la santé
est inséparable de la souveraineté nationale et reconnaître aujourd’hui que la
protection de la santé est un défi communautaire. La recherche d’une sécurité
sanitaire n’est plus un objectif individuel, mais collectif, et donc régional, voire
continental. Ainsi, les Etats, en autorisant l’harmonisation des réglementations
pharmaceutiques, acceptent le transfert d’une partie de leur souveraineté1167 dans le
domaine pharmaceutique. Ils permettent que l’UEMOA puisse ainsi produire « un
droit dans et pour l’Etat »1168.
982. Les Etats accepteront-ils de transférer plus de compétences à l’Union, sachant que le
droit pharmaceutique touche spécifiquement le droit de la santé, qui pousse ses
ramifications au droit constitutionnel, aux libertés publiques et à la fonction
publique1169 de chaque Etat ? Le problème, c’est que les Etats sont parfois animés
par une double volonté à la fois libérale et solidariste1170. D’où l’intérêt de définir
des points communs de solidarité.
983. L’idée de rapprochement des droits pharmaceutiques par unification a des
implications juridiques sur la souveraineté de l’Etat. Il va entraîner un transfert de
pouvoirs de police dans le domaine pharmaceutique. L’adoption d’une intégration
juridique par la voie de l’unification nécessite que les Etats transfèrent une partie de
leur souveraineté à l’organe supranational. Avec le règlement 02/2005 relatif à
l'harmonisation de la réglementation pharmaceutique dans les Etats membres, adopté
par le Conseil des Ministres de l’UEMOA, les Etats ont concédé à l’UEMOA le
pouvoir d’harmoniser la réglementation pharmaceutique. Il est alors indéniable pour
l’instauration d’une véritable sécurité sanitaire dans la sous-région que l’Union
produise un droit qui puisse s’imposer aux souverainetés étatiques en matière de
santé. L’Etat ne peut donc plus monopoliser l’édiction du droit positif sanitaire, en
1166 CHALTIEL Florence, La souveraineté de l’Etat et l’Union Européenne, l’exemple français -Recherches sur la souveraineté de l’Etat membre, Paris, LGDJ, 2000, p. 2 1167 Ibid., p. 18. 1168 Ibid., p. 21. 1169 MEMETEAU Gérard, « L’unification du droit médical en Europe ? », RGDM, n°07/2008, p. 133. 1170 MAZEAU Denis, « La Commission Lando : le point de vue d’un juriste français », in L’harmonisation du droit des contrats en Europe, op.cit ;, p. 143.
342
général, et pharmaceutique, en particulier. Tout ceci sous-entend la nécessité d’un
consensus politique clair sur le rapprochement des droits nationaux. Il faut garder à
l’esprit que l’idée de partage et de transfert par l’Etat d’une partie de sa souveraineté
n’implique aucunement la négation de l’Etat1171. En effet, le transfert par l’Etat d’une
partie de sa souveraineté à une organisation sous-régionale n’empêche pas l’Etat de
remplir sa fonction avec efficacité. L’Etat doit continuer d’exister, même s’il partage
sa compétence dans le domaine pharmaceutique avec l’Union. Chaque Etat doit ainsi
continuer à travailler pour mettre en place un système pharmaceutique efficace et
sécurisé.
984. L’article 5 du Traité de Dakar illustre concrètement l’intérêt que les Etats portent à
leur souveraineté. En prévoyant le principe d’édictions minimales de règles par les
organes de l’Union1172, les Etats expriment leur parfaite réticence à se laisser
dépouiller d’une parcelle de leur souveraineté, précise Luc Marius IBRIGA1173.
985. Un autre aspect politique non négligeable, c’est le volet économique que tout projet
d’intégration économique ou juridique peut comporter. L’aspect financier est à
prendre en compte pour l’instauration d’une sécurité sanitaire. Lorsque l’Union met
en œuvre un rapprochement des droits nationaux, un coût financier est nécessaire
pour respecter et mettre en application ce droit communautaire harmonisé. Plusieurs
données juridiques dépendent de cet aspect financier des systèmes de santé des Etats
membres, mais surtout du budget alloué au Ministère tutelle du domaine
pharmaceutique. Sur ce point, il faut souligner que les Etats de l’UEMOA ont signé
la déclaration d’Abuja en avril 20011174, afin de consacrer au moins 15% de leurs
budgets annuels à l’amélioration du secteur de la santé1175. Cependant, une loi
uniforme ou des règles communautaires uniques, par exemple, sur le système de
distribution des produits pharmaceutiques en milieu hospitalier va entraîner, d’une
certaine manière, la nécessité de revoir le budget des hôpitaux publics, dans la
mesure où une réorganisation peut s’imposer.
1171 LAVERGNE Réal (dir.), Intégration et coopérations régionales en Afrique de l’Ouest, Editions KARTHALA et CRDI, Paris, 1996, p. 14. 1172 Cf. supra., § 229-230. 1173 Pierre MEYER, Luc MARIUS IBRIGA, « La place du droit communautaire U.E.M.O.A dans le droit interne des Etats membres », RDB, 2000, n°38, p. 28. 1174 Déclaration qu'ils ont adoptée au Sommet d'Abuja, qui s'est tenu du 24 au 27 avril 2001. 1175 Déclaration qu'ils ont adoptée au Sommet d'Abuja, qui s'est tenu du 24 au 27 avril 2001, Afrique Relance, Vol.15# 1-2 (juin 2001), p. 6.
343
CONCLUSION DU CHAPITRE
986. Il n’y a pas eu un constat d’échec de l’harmonisation classique. Toutefois, le constat
a été fait que certains instruments juridiques communautaires permettent une
meilleure application du droit communautaire. C’est l’exemple du règlement.
Pourtant, le règlement permet de mettre en place plutôt une unification qu’une
harmonisation. Pour ainsi remédier à l’application partielle des normes issues
d’autres instruments communautaires, il est important de privilégier l’adoption
d’instruments juridiques permettant un rapprochement par unification des règles
pharmaceutiques. Observons cependant qu’une unification totale n’est pas
concevable dans le droit de l’UEMOA, compte tenu du principe d’édictions
minimales prévue par le Traité de Dakar. C’est la raison pour laquelle il faut
privilégier un rapprochement hybride par une combinaison de deux moyens
d’intégration juridique : l’harmonisation et l’unification.
987. Ce rapprochement hybride va nécessiter de trouver des stratégies pour sa mise en
œuvre. Identifier par exemple dans le domaine pharmaceutique ce qu’il est important
à unifier et ce qu’il est préférable d’harmoniser.
344
CHAPITRE 2. LA MISE EN ŒUVRE D ’UN TEL RAPPROCHEMENT
988. Un rapprochement mixte des réglementations pharmaceutiques pourra contribuer à
une meilleure application du droit communautaire, compte tenu de l’option d’une
unification partielle. Pour cela, il faut s’assurer que certains thèmes du droit
pharmaceutique peuvent être unifiés ou harmonisés, car cela empiète sur la
souveraineté des Etats (Section 1). Toutefois, il y a des thèmes ou des aspects du
domaine, comme celui de la responsabilité, qui ne peuvent pas faire l’objet d’une
unification, car relevant en priorité de la compétence des Etats. Néanmoins, compte
tenu de l’influence de la mise en œuvre de la responsabilité des professionnels de la
santé sur l’effectivité du droit communautaire pharmaceutique, il n’est pas inutile
d’envisager son harmonisation (Section 2).
Section 1. L’option d’une unification partielle
989. Il est primordial de déterminer le degré d’unification nécessaire dans le domaine
pharmaceutique. Le recours à l’unification comme moyen d’intégration juridique ne
doit pas être généralisé, mais doit se limiter à des aspects très précis du droit
pharmaceutique ; éléments clés pour la mise en place d’une sécurité sanitaire. Pour
certains aspects du droit pharmaceutique, il sera nécessaire de réaliser une identité
rigoureuse des dispositions nationales. L’objectif étant de réduire, voire de
supprimer, la marge d’appréciation accordée aux instances nationales. « La diversité
favorise le pluralisme désordonné et de juxtaposition », précise à cet effet, Laurence
FIN-LANGE1176.
990. L’unification ne peut, de ce fait, être que partielle dans le domaine pharmaceutique
de l’UEMOA. Si l’unification devait couvrir tous les aspects du domaine
pharmaceutique prévus par le règlement n°02/2005 de l’UEMOA relatif à
l’harmonisation, elle se heurterait à d’énormes difficultés, d’autant plus qu’il n’existe
pas pour l’instant une agence sous-régionale du médicament qui coordonnera le
processus, à l’image de l’Agence européenne du médicament (EMA). Force est
cependant de souligner que l’unification du domaine général du droit
pharmaceutique dans l’espace UEMOA pourrait être une utopie. En effet, l’aspect
1176 FIN-LANGE Laurence, « L’intégration du droit du contrat en Europe », in DELMAS-MARTY Mireille, Critique de l’intégration normative : l’apport du droit comparé à l’harmonisation des droits, Paris, Presses Universitaire de France, 1ère éd., 2004, pp. 84-85.
345
institutionnel qu’implique l’homologation, la production pharmaceutique, la
distribution rend difficile l’imposition d’un modèle unique qui serait accepté par
tous. Le « circuit du médicament » constitue, par exemple, un aspect important à
unifier. Il faut sécuriser la fabrication des médicaments jusqu’à sa dispensation au
patient. Le règlement n°02/2005 relatif à l’harmonisation de la réglementation
pharmaceutique précise que « le médicament doit conserver toute sa qualité, de la
production à la consommation »1177. Même avec un processus d’unification, des
interprétations divergentes des règles uniques peuvent surgir dans les divers droits
internes. L’absence d’un système d’unification de l’interprétation1178 des textes
communautaires harmonisés pourrait constituer un obstacle majeur à l’obtention de
la « teneur normative recherchée »1179.
991. Dans le préambule du Traité de Dakar, les Etats membres affirment la nécessité
« d’unifier leurs marchés intérieurs »1180. Cette affirmation, pour être transposée
dans le domaine pharmaceutique, va donc devoir passer par l’adoption de « règles
uniques » dans certains aspects clés du domaine. Il est alors nécessaire de tendre vers
un marché unique en ce qui concerne le médicament, par exemple.
992. Mais, il faut garder à l’esprit que quels que soient les instruments juridiques utilisés,
même partielle, l’unification reste une œuvre difficile1181. Une difficulté relative à
l’élaboration des textes juridiques devant se substituer aux droits nationaux. Ces
textes juridiques doivent être suffisamment élaborés dans la précision des définitions
et des concepts. Difficile, certes, mais le rapprochement des réglementations
pharmaceutiques implique nécessairement d’adopter des éléments unificateurs. Il
faut donc convenir avec Filali OSMAN que l’unification « mérite d’être
essayée »1182.
1177 Dans le règlement 02/2005/CM/UEMOA après les considérants…, l’Union affirme être convaincue que le médicament doit conserver toute sa qualité, de la production à la consommation. 1178 JEAMMAUD Antoine, « Unification, Uniformisation, Harmonisation : de quoi s’agit-il ? », in OSMAN Filali (dir.), Vers un code européen de la consommation, Actes et débats de colloque, Lyon, 12 et 13 décembre 1997, Edition Bruylant, 1998, p. 52. 1179 Ibid. 1180 Préambule du Traité de Dakar : « Affirmant la nécessité de favoriser le développement économique et social des Etats membres, grâce à l'harmonisation de leurs législations, à l'unification de leurs marchés intérieurs et à la mise en œuvre de politiques sectorielles communes dans les secteurs essentiels de leurs économies ». 1181 OSMAN Filali, « Codification, unification, harmonisation du droit en Europe : un rêve en passe de devenir réalité », in OSMAN Filali (dir.), Vers un code européen de la consommation, Actes et débats de colloque, Lyon, 12 et 13 décembre 1997, Edition Bruylant, 1998, p. 33. 1182 Ibid.
346
993. Pour ce faire, la décision d’unifier, d’harmoniser ou de coordonner est applicable au
cas par cas, en fonction de la règle de droit pharmaceutique en cause. L’unification
est donc souhaitable pour certains thèmes d’intérêt commun prévus dans le
règlement n°02/2005 relatif à l'harmonisation de la réglementation pharmaceutique
dans les Etats membres de L'UEMOA, par exemple, pour ce qui concerne l’AMM,
la pharmacovigilance, les normes de contrôles des médicaments ; et l’harmonisation
pour d’autres : la distribution, la fabrication, la publicité et l’information.
994. Cependant, le règlement énumère des thèmes qu’il qualifie de « thèmes d’intérêt
commun » ; sans pour autant donner la signification que le droit communautaire
donne à cette notion. L’intérêt renvoi, à ce qui importe à une personne. Il peut être
la cause, le motif ou le mobile d’un acte1183. L’intérêt commun renvoie ainsi à ce qui
est important pour les membres d’un groupe, d’une organisation1184. En évoquant la
notion de « thèmes d’intérêt commun », le droit communautaire de l’UEMOA
énumère des thèmes du droit pharmaceutique qui sont importants pour tous les Etats
membres. La préoccupation de chaque Etat dans la réglementation de son droit
pharmaceutique concerne principalement ces thèmes.
995. Essayons d’établir, à partir de ces thèmes d’intérêt commun prévus dans l’article 19
du règlement 02/2005 sur l’homologation, les thèmes pour lesquels une unification
ou une harmonisation devrait être envisagée comme moyen d’intégration juridique.
Il est cependant nécessaire de définir cette notion de « thèmes d’intérêt commun ».
Cette notion d’intérêt commun permet de définir la marge d’appréciation des Etats,
et par là-même le choix des types de normes que les Etats veulent adopter dans le
domaine pharmaceutique au niveau communautaire.
996. Les thèmes du domaine pharmaceutique qui sont cités comme pouvant faire l’objet
d’une unification (§ I) ou d’une harmonisation (§ II) ne constituent qu’une piste de
réflexions pour la continuité du rapprochement. Des pistes qui devront faire l’objet
de comparaisons des droits nationaux avant d’opter pour un moyen d’intégration
juridique des réglementations pharmaceutiques des Etats de l’UEMOA.
1183 CORNU Gérard, « Vocabulaire Juridique », Association Henri Capitant, Paris, Editions presses universitaires de France, 11ème édition, janvier 2016, v. Intérêt, pp. 564-565. 1184 CORNU Gérard, « Vocabulaire Juridique », Association Henri Capitant, Paris, Editions presses universitaire de France, 11ème édition, janvier 2016, v. Commun, p. 206.
347
§ I. Des aspects à unifier
997. Cette unification peut concerner des thèmes fondamentaux du droit pharmaceutique
qui peuvent conduire à une garantie de sécurité pour les médicaments.
998. Dans le domaine pharmaceutique, le médicament constitue un poste central dans les
systèmes de santé. Il implique également un aspect financier important de soins des
populations. De plus, le médicament peut être qualifié de clé de voûte de la sécurité
des malades, voire du système de santé. Ainsi, certains aspects concernant la
fabrication et la commercialisation du médicament doivent faire l’objet d’une
unification. Cela permet d’aboutir à l’adoption d’un texte juridique communautaire
unique et applicable dans chaque Etat membre, en ne laissant aux Etats aucune
possibilité de déroger au droit communautaire. Il faut rappeler que l’homologation
des médicaments fait partie des thèmes d’intérêt commun1185 qui doivent faire l’objet
d’une unification. Tel est déjà le but poursuivi à travers le règlement
06/2010/CM/UEMOA relatif aux procédures d’homologation des produits
pharmaceutiques à usage humain dans les Etats membres de l’UEMOA.
999. Les contrôles des médicaments, par exemple, s’ils sont basés sur les mêmes règles
juridiques, contribueront à une effectivité de la libre circulation des médicaments.
1000. L’unification pourrait prendre en compte également la question de la « veille
sanitaire »1186. En effet, tout médicament peut provoquer des effets indésirables chez
les personnes qui les utilisent. Certains effets indésirables sont généralement
identifiés après la mise sur le marché du médicament1187. La sécurité du médicament
va ainsi conduire à la nécessité de notifier, d’enregistrer et d’évaluer les effets
indésirables des médicaments pour l’instauration d’un système de santé sécurisé. De
ce fait, la pharmacovigilance constitue un système obligatoire de la veille
sanitaire1188. Le patient, tout comme chaque citoyen, est un créancier d’une sécurité
de sa santé et l’Etat, tout comme l’organisation supra-étatique (UEMOA), est un
débiteur de cette sécurité du patient. Ils doivent prendre toutes les mesures
nécessaires pour parvenir à garantir cette sécurité dans le domaine sanitaire. Selon
1185 Article 19 du Règlement n°02/2005 relatif à l'harmonisation de la règlementation pharmaceutique dans les Etats membres de l'UEMOA. 1186 La veille sanitaire est un thème d’intérêt commun prévu par l’article 19 du Règlement n°02/2005 relatif à l'harmonisation de la règlementation pharmaceutique dans les Etats membres de l'UEMOA. 1187 GUERRIAUD Mathieu, « Pharmacovigilance », Droit pharmaceutique-Profession pharmaceutique, Fasc. 14, LexisNexis SA, août 2017, p. 2. 1188 SOULAYMANI-BENCHEIKH Rachida, « La Pharmacovigilance : un système obligatoire pour la veille sanitaire », centenaire de la législation pharmaceutique au Maroc, Rabat 20-‐21 Octobre 2013, Disponible sur : https://pharmacie.ma/uploads/pdfs/centenaire_dp_pr_souleymani.pdf
348
Jean-Pierre BESANCENOT, « il convient d’avoir présent à l’esprit que le concept
de précaution est inséparable de deux autres : celui de sécurité sanitaire et celui de
risque sanitaire »1189 . L’Etat, pouvant être qualifié de débiteur de l’obligation de
sécurité sanitaire envers les personnes, ne doit pas attendre qu’un risque sur la santé
des patients soit avéré pour prendre les mesures nécessaires, même restrictives du
marché communautaire.
1001. Unifier cet aspect permettra une surveillance et une notification des effets
indésirables au plan régional. Ce qui évitera les retraits tardifs de médicaments par
certains Etats dans lesquels le système de surveillance est peu ou pas développé. Un
réseau communautaire permettrait ainsi d’enregistrer et de diffuser auprès de toutes
les ARP, les effets indésirables et les mesures d’urgence à respecter. Ainsi, le
principe de précaution1190 relèvera du domaine communautaire et pas exclusivement
des Etats. Ce qui pourrait contribuer de manière significative à la protection des
patients. Unifier les références pour les déclarations des effets indésirables et
procéder par une centralisation des effets au niveau communautaire sont des voies à
suivre. Certains Etats membres ont organisé dans leurs droits internes un système de
surveillance des effets indésirables des médicaments. Le Burkina Faso a adopté, à
cet effet, un décret n°2012-1033 PRES/PM/MS du 28 décembre 20121191 portant
création, missions et organisation d’un système national de vigilance des produits de
santé à usage humain1192. Au sein du Ministère chargé de la santé, un circuit de
1189 BESANCENOT Jean-Pierre, « Le principe de précaution devant les risques sanitaires », in LARCENEUX André, BOUTELET Marguerite (dir.), Le principe de précaution. Débats et enjeux, colloque de Dijon, Université de Bourgogne, Editions universitaire de Dijon, collection société, 2005, p. 47. 1190 La notion de précaution est issue du verbe latin « praecavere » qui signifie « prendre garde ». Elle désigne en effet une attitude face à un danger qui représente en réalité un acte effectif de prudence. C’est une règle de droit, de procédure et de fonds. La notion est généralement utilisée lorsque des incertitudes subsistent. L’incertitude traduit l’état des connaissances disponibles qui ne permettent pas de caractériser de façon précise la situation de risque potentiel qui existe. Une mesure de précaution doit être donc prise dans ces moments d’incertitude avant même que le danger ne soit réellement connu. Apparu dans le domaine environnemental, c’est un principe qui n’est pas totalement inconnu du domaine de la santé. L’Organe d’Appel (OA) de l’OMC, dans l’affaire CE-Mesures affectant l’amiante et les produits contenants, a qualifié la protection de la santé et de la vie des personnes de « vitale » et « d’importante au plus haut niveau ». Cf. sur ce point : BECHMAN Pierre, MANSUY Véronique, « Le principe de précaution. Environnement, santé et sécurité alimentaire », Paris, Editions du Jurisclasseur, 2002, p. 1 ; LUFF David, « Le droit de l’Organisation Mondiale du Commerce. Analyse critique », Bruxelles, Editions Bruylant, 2004, p.16 ; BESANCENOT Jean-Pierre, « Le principe de précaution devant les risques sanitaires », in LARCENEUX André, BOUTELET Marguerite (dir.), Le principe de précaution. Débats et enjeux, colloque de Dijon, Université de Bourgogne, Editions universitaire de Dijon, collection société, 2005, p. 47 ; CORNU Gérard, « Vocabulaire juridique », Association Henri Capitant, Presses universitaires de France, Paris, Août 2011, 9ème édition mise à jour, p. 942. 1191 Burkina Faso-Décret n°2012-1033 PRES/PM/MS du 28 décembre 2012 portant création, missions et organisation d’un système national de vigilance des produits de santé à usage humain. 1192 Le Ministère en charge de la santé du Burkina Faso a adopté un arrêté d’application du Décret n°2012-1033 PRES/PM/MS du 28 décembre 2012 portant création, missions et organisation d’un système national de vigilance
349
notification des effets indésirables des produits de santé à usage humain a ainsi été
créé.
1002. Compte tenu, de l’importance de privilégier une unification partielle, le recours à
l’harmonisation dans le domaine pharmaceutique reste nécessaire.
§ II. Des aspects à harmoniser
1003. L’harmonisation serait retenue, par exemple, lorsque le droit comparé aurait permis
de constater que les divergences entre les droits nationaux sont tellement grandes
que l’intégration juridique par l’unification n’est pas réaliste. Il faut assurer au patient
le bon médicament, et de qualité.
1004. Cette harmonisation des aspects non « unifiables » sera acceptée, dans la mesure où
elle permettra à certains droits nationaux d’améliorer leurs règles et de prendre en
compte les principes indispensables à un meilleur accès des citoyens à des
médicaments de qualité, et à des services pharmaceutiques de qualité également. A
ce niveau, une harmonisation forte peut être envisagée pour ce début du processus
de rapprochement. Les systèmes de distribution peuvent alors avoir les mêmes règles
de base. Il devrait être de même pour l’information et la publicité des médicaments
à usage humain. A ce niveau, pour le rapprochement des réglementations nationales
sur l’information et la publicité, il faut adopter en priorité des instruments juridiques
contraignants. Cependant, il faut reconnaître qu’une simple harmonisation est
envisageable pour cet aspect. Adopter des principes communs à tous les Etats en leur
laissant la possibilité de réglementer chacun certains aspects de l’information et la
publicité ; la priorité, étant d’établir des règles communes de base et de laisser aux
Etats une petite marge d’appréciation. Par exemple, pour l’adoption des principes
communs sur la publicité des médicaments, ces principes devront être rédigés de
façon très détaillée en prenant en compte les spécificités liées à la publicité dans la
région communautaire. C’est l’objectif poursuivi par la décision
n°10/2010/CM/UEMOA portant adoption des lignes directrices pour le contrôle de
l’information et la publicité sur les médicaments auprès des professionnels de la
santé dans les Etats membres de l’UEMOA. Cette décision nécessite cependant des
améliorations1193. Il faut souligner qu’en matière de publicité, le droit
communautaire harmonisé permettrait de résoudre d’éventuels conflits de lois. Ainsi,
des produits de santé à usage humain. Arrêté n°2013-542/MS/CAB portant organisation du circuit de notification des effets indésirables des produits de santé à usage humain. 1193 Cf. supra., § 753-755.
350
quelle que soit la loi nationale qui sera désignée, la solution matérielle sera la
même1194.
1005. Une harmonisation de l’inspection pharmaceutique, des systèmes
d’approvisionnement, de même que la coopération technique, pourrait constituer une
piste de réflexions.
1006. Parmi les thèmes d’intérêt commun énumérés dans l’article 19 du règlement
n°02/2005, la responsabilité dans le domaine pharmaceutique n’est pas mentionnée.
Pourtant, pour une meilleure effectivité et efficacité du droit communautaire
pharmaceutique, il faut envisager la mise en place d’un fondement juridique commun
de la responsabilité dans le domaine.
Section 2. Instaurer un fondement juridique commun de la responsabilité
1007. Le Doyen Gérard CORNU définit la responsabilité comme « une obligation de
répondre d’un dommage devant la justice et d’en assumer les conséquences civiles,
pénales et disciplinaires... »1195. La responsabilité sera donc évoquée toutes les fois
que l’acte ou les choix d’une personne cause un dommage à une autre1196. Le
responsable est une personne qui est garante de quelque chose ou de quelqu’un1197.
En droit pharmaceutique, les pharmaciens sont garants des produits qu’ils fabriquent
ou qu’ils délivrent, mais également d’une certaine manière de la « vie et de la santé
des patients » à travers leur participation à la protection de santé publique.
1008. La grande majorité des organisations sous-régionales, que ce soit l’OHADA ou
l’UEMOA, n’a pas encore mis en place une réglementation spécifique de la
responsabilité des professionnels de santé. L’UEMOA a, certes, entrepris un
processus d’harmonisation de la réglementation pharmaceutique dans la sous-région
ouest-africaine, mais le droit pénal et civil des infractions liées à la pharmacie lui
échappe. Le Traité UEMOA ne donne pas explicitement compétence aux organes
d’inclure dans les dispositions communautaires des incriminations. C’est là l’une de
ses différences marquantes d’avec le droit OHADA qui prévoit dans son article 5 al
2 que « les Actes uniformes peuvent inclure des dispositions d’incrimination pénale.
1194 Cf. NGOUMTSA ANOU Gérard, Droit OHADA et conflits de lois, L.G.D.J., Lextenso éditions, Paris, 2013, p. 7 et 8 ; MALAURIE Philippe, « Loi uniforme et conflits de lois », in Travaux du Comité français de droit international privé, 25-27e année, 1964-1966. 1967, pp. 83-109. 1195 CORNU Gérard, « Vocabulaire Juridique », Association Henri Capitant, Paris, Editions PUF, janvier 2016. 1196 FABRE-MANAN Muriel, Droit des obligations 2 -Responsabilité civile et quasi-contrats, 3ème édition, Paris, Presses universitaires de France, 2013, p. 5. 1197 DALCQ Roger O., Traité de la responsabilité civile. I. Les causes de responsabilité, Bruxelles, Editions Maison Ferdinand Larcier, 1959, p.93.
351
Les Etats parties s’engagent à déterminer les sanctions encourues ». Dans le droit
communautaire pharmaceutique de l’UEMOA, seule la décision n°10/2010 portant
adoption des lignes directrices pour le contrôle de l’information et de la publicité des
médicaments1198 renferme une phrase tendant implicitement à évoquer une
possibilité de sanctions : « Les délégués médicaux sont personnellement
responsables de la qualité pharmaceutique des échantillons médicaux remis »1199. Le
droit communautaire se contente de mentionner cette phrase, sans guider même les
Etats, quant aux sanctions qu’ils pourraient appliquer lorsque ces délégués médicaux
seront reconnus personnellement responsables dans le cadre de la distribution des
échantillons médicaux. Pourtant, il est nécessaire de mettre en place, dans un cadre
communautaire, un système de responsabilité des professionnels de santé ; tout
comme l’Union européenne qui dès 1985 a pris une directive sur la responsabilité du
fait des produits défectueux.
1009. Mais, il faut déjà qu’il existe dans ce domaine des sanctions au niveau national.
Ainsi, les sanctions aux violations du droit communautaire pourront s’inspirer des
sanctions aux violations du droit pharmaceutique prévues dans chaque Etat.
1010. Les Etats conservent, en effet, leur souveraineté lorsqu’il est question de la
pénalisation des infractions pharmaceutiques. Les sanctions juridiques applicables
aux professionnels de santé relèvent jusque-là de la souveraineté de chaque Etat
membre. L’Etat est donc garant de la sécurité sanitaire. Ce pouvoir impliquerait celui
de déterminer la procédure judiciaire, les mesures d’incriminations, les peines et la
procédure d’exécution des sanctions1200. Une déduction de l’obligation générale pour
l’Etat de s’assurer de l’application effective du droit communautaire, même par voie
pénale, peut être faite de l’article 7 du Traité de Dakar qui dispose que « les Etats
membres apportent leurs concours à la réalisation des objectifs de l’Union en
adoptant toutes mesures générales, particulières, propres à assurer l’exécution des
obligations découlant du présent traité ». Ainsi, si sanctionner les professionnels de
santé permet de contribuer à l’efficacité du droit pharmaceutique harmonisé, cela
revient à dire que sanctionner les infractions au droit pharmaceutique constitue
désormais une obligation, et non une faculté, pour chaque Etat membre ; une
1198 Cf. supra., § 609 & svt. 1199 Annexe de la Décision n°10/2010/CM/UEMOA portant adoption des lignes directrices pour le contrôle de l'information et la publicité sur les médicaments auprès des professionnels de la santé dans les Etats membres de l'UEMOA. 1200 TCHUINTE Joël, L’application effective du droit communautaire en Afrique centrale, op.cit., p. 518.
352
obligation permettant d’assurer la réalisation des objectifs du Traité. Cependant,
l’Etat doit exercer cette obligation et un pouvoir de sanctionner, en respectant les
principes communautaires au nombre desquels les libertés économiques1201 inscrites
dans le Traité de l’UEMOA. Toutefois, la protection de la santé étant de nos jours
une préoccupation communautaire, la mise en œuvre d’une responsabilité commune
par un processus de rapprochement par harmonisation devient nécessaire.
1011. Afin d’envisager la nécessité d’un fondement commun de la responsabilité dans le
domaine de la santé, il est intéressant de procéder par une analyse de quelques
infractions et sanctions prévues par chaque Etat dans le domaine de la santé en
générale (§ I). L’analyse de ces infractions et sanctions permettra de comprendre les
difficultés qui entourent la mise en œuvre d’une responsabilité des professionnels de
santé dans les Etats de l’Union. Il faudra dans ces circonstances, mettre en place des
stratégies pouvant permettre une meilleure protection de la santé (§ II).
§ I. Analyse critique des infractions et sanctions prévues dans les droits nationaux
1012. « …L’état des sanctions dans un ordre juridique donné est un indicateur
particulièrement clair de la caractéristique et du degré de développement de cet
ordre »1202. Cette phrase de Charles LEBEN permet, au travers de sanctions
pharmaceutiques et médicales, d’évaluer l’ordre juridique des Etats membres de
l’UEMOA dans le domaine pharmaceutique. De voir de quelle manière la mise en
œuvre d’une responsabilité des professionnels de la pharmacie pourrait constituer un
outil d’harmonisation.
1013. La sécurité des patients impose également la possibilité pour eux d’engager la
responsabilité des professionnels de santé en cas de dommages subis du fait d’un
produit de santé1203, particulièrement lorsque le professionnel manque à ses
obligations. Comme le précise Antoine LECA, « la responsabilité dans le domaine
pharmaceutique est essentiellement polymorphe »1204. C’est donc une responsabilité
qui diffère en fonction de l’activité du pharmacien. La responsabilité peut donc
concerner le pharmacien d’officine, qui exerce une profession libérale, ou le
pharmacien en tant qu’agent public (pharmacien dans un hôpital, pharmacien
1201 TCHUINTE Joël, L’application effective du droit communautaire en Afrique centrale, op.cit., p. 523. 1202 LEBEN Charles, Les sanctions privatives de droit ou de qualité dans les organisations internationales spécialisées, Bruxelles, Editons Bruylant, 1979, p. 17. 1203 Il existe cependant un aléa thérapeutique : les effets indésirables qui sont inhérents aux médicaments et non du fait du professionnel de la santé. 1204 LECA Antoine, Droit pharmaceutique, Bordeaux, LEH Edition, 7ème éd., 2013, p. 351.
353
fonctionnaire de l’administration sanitaire). La responsabilité du pharmacien
directeur d’un laboratoire d’analyses médicales et celle du pharmacien d’une
industrie pharmaceutique qui intervient dans la fabrication, l’exploitation ou la
distribution des médicaments1205 sont aussi à envisager. En matière de protection de
la santé, plusieurs personnes peuvent ainsi voir leur responsabilité engager.
1014. Notons, cependant, qu’il existe des principes généraux communs applicables dans le
domaine pharmaceutique. Ces principes se retrouvent dans tous les Etats membres
de l’UEMOA. Ce qui constitue un avantage pour un projet d’harmonisation de la
responsabilité.
Le principe du monopole pharmaceutique
1015. L’exercice de la profession de pharmacien est soumis à certaines conditions dans
tous les Etats membres de l’Union : la possession du diplôme d’Etat de pharmacien
ou d’un certificat reconnu équivalent, l’inscription au tableau de l’Ordre des
pharmaciens1206 et la nationalité du pays concerné. Le droit communautaire
UEMOA, par la Directive 06-2008 relative à la libre circulation et à l’établissement
des pharmaciens ressortissants de l’union au sein de l’espace UEMOA, permet à tout
ressortissant d’un Etat membre de l’Union qui remplit les conditions de diplôme et
d’inscription à l’Ordre des pharmaciens de l’Etat d’accueil d’exercer librement sa
profession dans cet Etat. Pour ce qui est de la condition du diplôme, la directive
communautaire, contrairement aux droits nationaux des Etats membres, précise bien
qu’il s’agit des diplômes ou certificats de spécialités reconnus par le Conseil Africain
et Malgache pour l’Enseignement Supérieur (CAMES). Cette précision est
importante, vu l’essor dans les Etats d’Afrique francophone d’universités et d’écoles
supérieures privées ne réunissant pas les conditions pour dispenser des
enseignements de qualité.
1016. Compte tenu de la particularité de cette profession, elle bénéficie d’un monopole
relatif à certaines activités liées aux médicaments. Ainsi, les droits des Etats
membres réservent aux pharmaciens l’achat, la préparation, la détention, la vente en
gros, la vente au détail, la délivrance des médicaments destinés à l’usage de la
médecine humaine1207. L’article 220 du CSP du Burkina indique alors que « sont
1205 Ibid. 1206 Article 149 du CSP du Burkina Faso ; Article 385 de la loi n°2009-007 du 15 mai 2009 portant CSP de la République togolaise. 1207 Article 279 du CSP du Togo ; Article 11 de la loi n°2015-533 du 20 juillet 2015 relative à l'exercice de la pharmacie en Côte d’Ivoire.
354
réservés aux pharmaciens, la préparation des médicaments, la préparation des objets
de pansements, …, des produits et réactifs conditionnés en vue de la vente au public,
…l’achat, la détention, la vente en gros, la vente au détail et toute délivrance au
public des mêmes produits et objets ». Les médicaments constituent donc le cœur du
monopole pharmaceutique1208. Il faut noter que tous les produits que l’on retrouve
dans les pharmacies au Burkina Faso, par exemple, ne relèvent pas du monopole.
C’est le cas des laits infantiles vendus dans les commerces, mais également en
pharmacie. Comme le précise Antoine LECA : « Il convient de ne pas assimiler au
monopole pharmaceutique tous les produits accessibles dans une pharmacie »1209.
Le monopole pharmaceutique, qui consiste à confier tous les aspects liés aux
médicaments à usage humain à des personnes formées à cet effet, permet une certaine
protection de la santé publique ; et donc des patients. C’est la raison pour laquelle
les droits des Etats membres de l’UEMOA le consacre. Le monopole légal n’est pas
destiné à enrichir les pharmaciens. Son fondement, c’est la préservation de la santé
publique, la protection du patient. Mais tous les produits en pharmacie ne sont pas
systématiquement protégés par le monopole pharmaceutique.
1017. Vu l’importance de ce monopole et compte tenu des activités qui lui sont liées, les
Etats ont mis en place un système de protection du monopole pour la sanction de
l’exercice illégal de la profession de pharmacien.
1018. Ainsi, exercer ces activités sans avoir la qualité de pharmacien sera qualifié
d’exercice illégal de la profession de pharmacien1210. C’est une infraction protectrice
de la profession pharmaceutique, surtout de son monopole. Ce délit est généralement
commis par des non-pharmaciens. Cependant, cela n’exclut pas que des pharmaciens
puissent eux aussi le commettre par certains de leurs actes ou pratiques. En exerçant
par exemple la profession sans être inscrit au Tableau de l’Ordre des pharmaciens de
l’Etat concerné mais aussi en prêtant son concours à des personnes qui s’adonnent à
l’exercice illégal de la profession de pharmacien. Cette infraction est civilement et
pénalement sanctionnée par les pays de l’Union. Au Burkina Faso, les personnes
reconnues coupables d’exercice illégale de la pharmacie encourent une amende de
500 000 à 1 million de francs CFA et/ ou d’un emprisonnement d’un mois à 1 an1211.
1208 GUERRIAUD Mathieu, Droit pharmaceutique. Le cours. Exercices corrigés, Issy-Les-Moulineaux, Elsevier Masson, 2016, p. 176. 1209 LECA Antoine, Droit pharmaceutique, Bordeaux, LEH Edition, 8ème éd., 2015, p.162. 1210 Article 71 de la loi n°2015-533 du 20 juillet 2015 relative à l’exercice de la pharmacie en Côte d’Ivoire. 1211 Article 155 du CSP du Burkina Faso.
355
En Côte d’Ivoire, les sanctions vont d’un emprisonnement de 12 à 18 mois et d’une
amende de 5 000 000 à 10 000 000 F CFA1212. Au Togo, la peine d’emprisonnement
est la même qu’au Burkina Faso, et peut être assortie d’une amende de 500 000 à
5 000 000 FCFA1213.
Le principe de la légalité des peines et délits
1019. Pour qu’une mesure soit acceptée comme une sanction de droit, il faut que ce soit
une « mesure légale »1214 ; donc prévue et édictée par un système juridique1215. Ainsi,
pour sanctionner, il faut tenir compte du principe général de la « légalité des
infractions ». La légalité implique l’impérative existence d’un texte d’incrimination.
« Nullum Crimen sine lege (il n’y a pas de crime, donc d’infraction, sans un texte de
loi) ». Ainsi, si aucun texte de loi dans un Etat n’identifie clairement que le fait pour
un pharmacien de proposer des médicaments périmés à ses clients est une infraction,
il ne peut être prévu des sanctions juridiques. Ainsi, l’acte accompli par le
pharmacien ne peut en aucun cas être réprimé. Aucun comportement dans le domaine
pharmaceutique, tout comme ailleurs, ne saurait être sanctionné pénalement si
l’infraction n’est pas prévue par un texte de loi. Cela implique également que les
actes ou pratiques accomplies avant l’adoption d’un texte de loi les sanctionnant ne
pourraient être réprimées.
1020. De plus, pour que les professionnels de la pharmacie et de la santé puissent être
sanctionnés, il faut que ces derniers soient en mesure de distinguer, de différencier,
ce qui leur est interdit de ce qui est permis. Il faut donc informer, éduquer les
professionnels de la pharmacie sur leurs obligations envers les malades (clients,
patients), leurs obligations envers le service public de santé à travers leur
contribution à l’amélioration de la santé.
1021. La sécurité sanitaire des produits pharmaceutiques peut conduire à poursuivre le
fabricant en cas de défaut du médicament ou de défaut d’information (A). Mais aussi,
1212 Article 73 de la loi n°2015-533 relative à l’exercice de la pharmacie en Côte d’Ivoire. 1213 Article 387 de la loi n°2009-007 du 15 mai 2009 portant CSP de la République togolaise. 1214 LEBEN Charles, Les sanctions privatives de droit ou de qualité dans les organisations internationales spécialisées, op.cit., p. 22. 1215 Ce principe est reconnu par le Code pénal des différents Etats membres. En Côte d’Ivoire, l’article 13 du Code pénal de 2017 dispose : « Le juge ne peut qualifier d'infraction et punir un fait qui n'est pas légalement défini et puni comme tel. Il ne peut prononcer d'autres peines et mesures de sûreté que celles établies par la loi et prévues pour l'infraction qu'il constate. L'application par analogie d'une disposition pénale à un fait qu'elle n'a pas prévu est interdite » ; Au Burkina Faso, l’article 111-1 de la loi n°025-2018/AN du 31 mai 2018 portant Code pénal, dispose que : « Nulle infraction ne peut être punie et nulle peine prononcée si elles ne sont légalement prévues ».
356
la recherche de la protection du patient impose d’étudier la responsabilité du
pharmacien d’officine avec qui le patient est en contact direct (B).
A. La responsabilité des fabricants de médicaments dans une zone à forte importation pharmaceutique
1022. La production de médicaments dans la zone communautaire de l’UEMOA est quasi-
inexistante. Toute la zone UEMOA importe près de 90% de sa consommation en
médicaments1216. La production locale de médicaments, en Côte d’Ivoire, par
exemple, est estimée à 6% de son marché pharmaceutique national1217. Il est donc
nécessaire que les patients puissent connaître les possibilités qui leur sont offertes
pour intenter une action contre un producteur de médicaments en cas de dommages
liés à leurs utilisations.
1023. La Côte d’Ivoire définit l’établissement pharmaceutique industriel comme tout
établissement disposant d’une unité de fabrication et effectuant des opérations de
fabrications, d’importations, d’exportations et de vente en gros des médicaments1218.
Les CSP burkinabè et togolais, en revanche, utilisent le terme « établissement
pharmaceutique de préparation » pour désigner l’entreprise qui a pour activité de
fabriquer, stocker et vendre en gros des médicaments ou d’autres objets relevant du
monopole pharmaceutique1219. Pour une question de commodité, il sera fait référence
au cours de l’exposé à la notion de « pharmacien-fabricant », dans la mesure où les
droits nationaux des Etats membres de l’Union prévoient que l’établissement
pharmaceutique de fabrication doit être la propriété d’un pharmacien ou sous la
gestion d’un pharmacien1220. Le Togo précise même que ce pharmacien-fabricant est
personnellement responsable de l’application des règles édictées dans l’intérêt de la
santé publique1221. L’idée d’harmonisation pourrait résulter des textes adoptés dans
chaque Etat pour la mise en œuvre de la responsabilité du pharmacien en cas de
manquement à ses obligations professionnelles telles que prévues par la décision
1216 Cf. supra., § 48-51. 1217 COULIBALY Assane, TOUMI Amor, Organisation des Nations-Unies pour le développement industriel, « Côte d’Ivoire programme d’appui au commerce et à l’intégration régionale (PACIR) Projet d’Amélioration de la compétitivité des entreprises ivoiriennes des secteurs d’exportation non traditionnels », Projet EE/IVC/010/001 étude pour le développement des industries pharmaceutiques locales (ipl) en Côte d'Ivoire, Rapport final, Décembre 2014, p. 9, disponible sur https://remed.org/wp-content/uploads/2017/02/Etude_Industrie_Pharmaceutique2014.pdf 1218 Article 8 de la Loi 2015-533 relative à l’exercice de la pharmacie en Côte d’Ivoire. 1219 Article 224 du CSP du Burkina Faso, Article 440 du CSP du Togo. 1220 Article 449 al 1 du CSP du Togo, article 228 du CSP du Burkina Faso. 1221 Article 449 al 3 du CSP du Togo, article 228 al 3 du CSP du Burkina Faso.
357
n°08/2010/CM/UEMOA portant adoption du guide de Bonnes Pratiques de
Fabrication (BPF) de produits pharmaceutiques à usage humain dans les Etats
membres de l’UEMOA. L’existence de sanctions juridiques ou d’indemnisations, en
cas de non-respect des BPF, peut inciter les pharmaciens-fabricants de chaque Etat
à se conformer à ces bonnes pratiques. Ce qui va conduire à une certaine
harmonisation dans l’application des règles communautaires pharmaceutiques.
1024. L’examen des différents CSP des Etats membres de l’Union et des autres textes
réglementaires complémentaires n’a pas permis de retrouver des dispositions
spécifiques relatives à la responsabilité des fabricants de médicaments en cas de
dommages liés à leurs produits pharmaceutiques. L’inexistence dans ces pays de
dispositions spécifiques, d’un régime spécial applicable à la vente de médicaments
et des autres produits pharmaceutiques implique alors que c’est le droit commun de
la responsabilité qui va s’appliquer aux pharmaciens-fabricants de médicaments. Le
pharmacien-fabricant peut donc engager sa responsabilité civile (1) et sa
responsabilité pénale (2).
1. La responsabilité civile du pharmacien-fabricant
1025. La responsabilité civile engendre pour le responsable l’obligation de réparer le
dommage qu’il a causé. Le dommage peut avoir sa source dans un acte juridique tel
le contrat, lorsque ce dommage résulte de l’inexécution d’une obligation
contractuelle. Mais également dans un fait juridique et donc sans aucun lien avec un
contrat. Dès lors, il convient de se poser la question des liens entre le pharmacien-
fabricant de médicaments et le patient. Existe-t-il un contrat entre le pharmacien-
fabricant de médicaments et le patient, selon les droits nationaux des Etats de
l’UEMOA ? (a). Même en l’absence d’un contrat la responsabilité civile délictuelle
du pharmacien-fabricant peut être mise en œuvre (b).
a. Les relations juridiques entre le pharmacien-fabricant de médicaments et le patient
1026. Ni les CSP, ni le Droit civil, ni la jurisprudence des différents Etats de l’Union ne se
sont prononcés sur les possibles liens juridiques pouvant exister entre le pharmacien-
fabricant et le patient. En droit français, il y a eu un débat doctrinal et jurisprudentiel
sur la nature du contrat entre le pharmacien-fabricant et le patient1222. La Cour
1222 Cf. J.-M. Auby (dir.), « Auby et Coustou », in droit pharmaceutique, Litec, fasc. 44, p. 8 ; CA Paris, 15 déc. 1983, D. 1985.228, note Penneau ; TGI Nanterre, 12 déc. 1985 : Le paradoxe des médicaments et les risques de développement, D1987. Chron. 73, spéc. p. 78 ; Pour l'opportunité de la voie délictuelle, V. A. Viandier,
358
d’Appel de Paris, dans son arrêt du 4 juillet 19701223, reconnait que la responsabilité
du fabricant est de nature délictuelle. La Cour d’Appel de Rouen retient par contre
une responsabilité contractuelle du fabricant1224. Dans le domaine médical, par
exemple, la Cour de Cassation a admis, par un arrêt du 20 mai 1936, l’existence d’un
lien contractuel entre le médecin et son patient. Pourtant, avant l’arrêt Mercier, pour
engager la responsabilité d’un médecin, il fallait agir sur le fondement de la
responsabilité délictuelle1225. Cependant, la loi française du 4 mars 2002 a instauré
un nouveau régime de responsabilité. Ainsi, plusieurs arrêts sont rendus sur la base
d’une responsabilité délictuelle en matière médicale. La directive 85/374/CEE du 25
juillet 1985 est venue instaurer un régime de responsabilité objective fondée
dorénavant sur le défaut de sécurité du produit.
1027. Partant tout de même de la définition du contrat selon les droits nationaux des Etats,
il est possible de tenter d’établir les liens juridiques susceptibles d’exister entre le
pharmacien-fabricant et le patient qui est le destinataire final de son produit.
1028. Les droits ivoirien et burkinabè définissent le contrat comme « une convention par
laquelle une ou plusieurs personnes s'obligent, envers une ou plusieurs autres, à
donner, à faire ou à ne pas faire quelque chose »1226. L’accord de volontés entre les
parties contractantes est donc primordial. L’article 40 du Code des obligations civiles
et commerciales (COCC) du Sénégal précise également que « le contrat est un accord
de volonté générateur d’obligations ». C’est cet accord qui va organiser les rapports
et faire naître des obligations pour les deux parties. L’enjeu, qui réside dans la
distinction des liens contractuels ou non entre le pharmacien-fabricant et le patient,
réside dans l’accord de volontés des parties. Cet accord est déterminant, à tel point
qu’il est possible d’admettre l’existence de clauses limitatives ou exonératoires de
responsabilité1227. Cependant, le droit de la consommation interdit les clauses
abusives1228. Recourir au droit de la consommation permet d’assurer au patient,
considéré comme un consommateur, une plus grande protection.
Garantie des vices cachés et accident pharmaceutique, Bull. ordre pharm., n° 277, août/sept. 1984, p. 547 s., spéc. p. 550. 1223 CA Paris, 4 juill. 1970, D. 1971.73, note Plat et Duneau. 1224 CA Rouen, 14 févr. 1979, JCP 1980.II.19360, note P. Boinot ; D. 1979. IR. 350, obs. Larroumet. 1225 LAUDE Anne, « Les médecins et les malades face au droit », Revue française d'administration publique, 2005/1 (no113), p. 114. 1226 Article 1101 du Code civil burkinabè, et ivoirien 1227 BRUN Philippe, Responsabilité civile extracontractuelle, Paris, LexisNexis, 4ème éditions, 2016, p. 67, § 99. 1228 Article 10 de la loi n° 2007·21 du 16 octobre 2007 portant protection du consommateur en République du Bénin ; Article 69 et 70 de la loi ivoirienne n°2016-412 du 15 juin 2016 relative à la consommation.
359
1029. Aussi, la capacité est un élément essentiel du contrat. Pourtant, la responsabilité
délictuelle est susceptible de s’appliquer sans restriction particulière aux
incapables1229. Fonder alors la responsabilité du pharmacien-fabricant sur le contrat
pourrait réduire les possibilités de certaines victimes d’engager des poursuites
judiciaires à son égard.
1030. En droit pharmaceutique, c’est principalement le contrat de vente qui est concerné,
car c’est le contrat qui implique un transfert de propriété d’une chose du vendeur à
l’acheteur. Pourtant, la vente au détail directement au public de produits inclus dans
le monopole est interdite pour les établissements pharmaceutiques de préparation et
les établissements pharmaceutiques de distribution en gros1230. Le fabricant vend
ainsi les médicaments aux grossistes et aux distributeurs, qui sont ensuite chargés
d’approvisionner les officines pharmaceutiques. Il existe alors une chaîne de contrats
en matière de vente de médicaments1231. Mais, le patient ne peut contracter
directement avec le pharmacien-fabricant. En principe, il n’y a donc pas de contrat
entre un pharmacien-fabricant et le patient, sauf à recourir, en droit sénégalais, à
l’article 295 du COCC qui prévoit que « le vendeur est garant des vices cachés de la
chose alors même qu’il ne les aurait pas connus ». Et l’article 1641 des codes civils
ivoirien et burkinabè prévoient que « le vendeur est tenu de la garantie, en raison des
défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la
destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise,
ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus ». La garantie des vices
cachés permet une action directe au profit du sous-acquéreur. Cette stratégie permet
ainsi de surmonter l’obstacle lié à la relativité contractuelle1232. Toutefois, c’est une
garantie qui ne profite qu’au seul acheteur1233. En effet, pour agir contre le vendeur,
les tiers doivent passer par le terrain de la responsabilité délictuelle en prouvant une
faute1234. Ce qui veut dire que lorsqu’une personne X achète un médicament dans
une officine pour Y, si l’on découvre par la suite que le médicament avait un défaut
de fabrication, Y ne pourrait pas agir sur le fondement de la garantie des vices cachés,
1229 BRUN Philippe, Responsabilité civile extracontractuelle, op.cit., p.67, § 98. 1230 Article 227 al 3 du CSP du Burkina Faso. 1231 STORCK Jean-Patrice, « La responsabilité des établissements de préparation, de vente ou de distribution en gros de médicaments envers les patients doit être recherchée sur le fondement délictuel », Recueil Dalloz, 1995, p. 255. 1232 BORGHETTI Jean-Sébastien, La responsabilité du fait des produits, Etude de droit comparé, Paris, LGDJ, 2004, p. 203, § 203. 1233 Ibid., p. 203, § 204. 1234 CANFIN Thomas, Conformité et vices cachés dans le droit de la vente, Paris, Publibook, 1ère édition, p. 98
360
puisqu’il n’est pas lui-même un sous-acquéreur. Le problème, lorsque l’on agit sur
le fondement de cette garantie, il y a moins de chances d’obtenir des dommages-
intérêts pouvant couvrir le dommage causé par le médicament. L’article 298 du
COCC sénégalais dispose à ce propos que « lorsque la chose présente un vice caché,
l'acheteur a le choix de rendre la chose et s'en faire restituer le prix, ou de la garder
moyennant restitution d'une partie du prix ».
1031. En l’absence de lien contractuel, il est plus prudent pour le patient victime de
dommages dus aux médicaments fabriqués par le pharmacien d’engager des actions
en responsabilité pour faute de ce dernier.
b. La responsabilité délictuelle
1032. Le fondement de la responsabilité délictuelle se trouve dans les articles 13821235 et
1383 des Code civils burkinabè et ivoirien. En droit sénégalais, c’est l’article 1181236
du Code des obligations civiles et commerciales (COCC)1237 qui régit cette
responsabilité. Ces articles constituent des garanties légales contre les dommages
qui peuvent résulter pour la vie sociale1238. C’est une responsabilité qui est mise en
œuvre en cas de manquement à une obligation légale1239. Elle ne nécessite pas la
recherche d’un certain lien contractuel. C’est tout là son avantage, puisqu’elle peut
être mise en œuvre par la victime sans avoir à rechercher ce lien contractuel. Son
fondement se trouve directement dans la loi1240.
1033. Le problème particulier avec la responsabilité délictuelle pour faute, c’est que la
victime doit apporter la preuve de la faute du pharmacien-fabricant, du dommage
qu’elle a subi, et le lien de cause à effet entre la faute commise par le fabricant et son
dommage.
La faute
1034. La faute est un manquement à une obligation préexistante, de quelque nature qu’elle
soit1241. Il peut donc s’agir, dans ces circonstances, de la violation d’une norme ou
1235 Code civil, article 1382 : « Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. », article 1383 du code civil : « Chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence ». 1236 Article 118 du COCC du Sénégal : « Est responsable celui qui par sa faute cause un dommage à autrui ». 1237 Sur la base des articles 118 et 119 du COCC Sénégal, la CA de Dakar a retenu la faute d’un chirurgien-dentiste pour avoir manqué à son obligation de se faire délivrer le dossier médical de sa patiente afin de pouvoir apprécier les conditions dans lesquelles la dent infectée a été scellée et de procéder à une radiographie de la dent infectée avant de procéder à l’opération chirurgicale entreprise », Arrêt n°467 rendus le 20 juin 2011 par la CA de Dakar. 1238 DALCQ Roger O., Traité de la responsabilité civile. I. Les causes de responsabilité, op.cit., 1959, p. 93. 1239 LECA Antoine, Droit pharmaceutique, Bordeaux, LEH Edition, 8ème éd., 2015, p.376. 1240 BRUN Philippe, Responsabilité civile extracontractuelle, Paris, LexisNexis, 4ème éditions, 2016, p. 1241 Article 119 COCC du Sénégal.
361
d’un devoir qui s’imposait normalement au fabricant. Par exemple, le droit
communautaire, à travers la décision n°08/2010/CM/UEMOA portant adoption du
guide de bonnes pratiques de fabrication des produits pharmaceutiques à usage
humain dans les Etats membres de l’UEMOA, impose aux fabricants de mettre en
place un haut niveau d’hygiène et de propreté tout au long du processus de
fabrication des produits pharmaceutiques afin d’éviter une contamination des
produits. Pour ce faire, ils doivent établir un programme complet et détaillé pour
l’hygiène et la propreté1242.
1035. Cette preuve peut être difficile à établir dans le domaine pharmaceutique, car la
fabrication des médicaments fait l’objet d’un processus long et compliqué, à tel point
« qu’il est pratiquement impossible pour la victime de connaître le détail » de cette
production, affirme Jean-Sébastien BORGHETTI1243. La faute du fabricant de
médicaments peut concerner le défaut qui résulte de la fabrication-même du produit
ou encore le défaut qui résulte des informations qu’il a fournies sur le médicament.
- Le défaut dans la fabrication
1036. Le défaut dans la fabrication concerne généralement la composition-même du
médicament. Par exemple, le médicament n’a pas été fabriqué dans les conditions de
base requises pour assurer son intérêt thérapeutique. Afin d’éviter de tels défauts, le
droit communautaire UEMOA recommande au fabricant de produits
pharmaceutiques d’acheter les matières premières et les articles de conditionnement
auprès de fournisseurs approuvés1244.
1037. En droit français, cette exigence de sécurité était considérée à l’origine comme une
obligation de moyen. La Cour d’Appel de Versailles l’a requalifiée en 19961245 en
une obligation de résultat.
1242 Annexe de la Décision n°08/2010/CM/UEMOA portant adoption du guide de bonnes pratiques de fabrication des produits pharmaceutiques à usage humain dans les Etats membres de l’UEMOA, p. 25. 1243 BORGHETTI Jean-Sébastien, La responsabilité du fait des produits, Etude de droit comparé, Paris, LGDJ, 2004, p. 208, § 210. 1244 Annexe de la Décision n°08/2010/CM/UEMOA portant adoption du guide de bonnes pratiques de fabrication des produits pharmaceutiques à usage humain dans les Etats membres de l’UEMOA, p. 32. 1245 Versailles, 1re ch. 1re sect. arrêt 55, Bull. Ord. pharm. 1996, n° 351, p. 236. « « Qu’en sa qualité de fabricant d'un médicament, produit à but thérapeutique, la Société Y est tenue, non pas d'une obligation de moyens, mais d'une obligation de sécurité dont elle ne peut se libérer qu'en apportant la preuve d'une cause exonératoire ». « Le fabricant, débiteur d'une telle obligation est donc tenu de livrer un produit exempt de vice et de danger pour la santé des utilisateurs ».
362
- Le défaut d’informations
Le pharmacien-fabricant est soumis à plusieurs obligations en matière d’information.
Il doit, par exemple, respecter les règles prévues dans les CSP des Etats en ce qui
concerne l’étiquetage et la présentation de la notice. En droit communautaire UEMOA,
le fabricant doit tenir compte de la recommandation sur l’étiquetage : « L’étiquetage de
l’emballage doit, en plus de l’information protée sur l’étiquette du récipient, mentionner
au moins la nature et la quantité des agents conservateurs ou de tout additif introduit
dans le produit »1246. De même, la notice dans l’emballage doit mentionner les
instructions d’emploi du produit et également toutes les contre-indications et les
réactions adverses potentielles1247. En droit français, par exemple, la Cour de Cassation
a précisé que le devoir d’information du producteur de médicaments implique qu’il doit
indiquer les effets secondaires connus du médicament1248. Il était nécessaire d’avoir une
information complète et compréhensible. La notice du médicament doit alors contenir
toutes les informations précises, jugées essentielles pour orienter le patient dans son
traitement1249. Cependant, la Cour d’Appel de Paris, dans son arrêt du 4 juillet 19701250,
précise que « la loi ne met pas à la charge du laboratoire l'obligation de prévoir tous les
risques présentés par le médicament dans tous les cas, lesquels peuvent être liés à la
sensibilité particulière du malade »1251. Ainsi, le pharmacien-fabricant a la possibilité
de s'exonérer dans certaines circonstances de son obligation d’informations. La Cour
d’Appel de Bordeaux, dans son arrêt du 5 décembre 20061252, retient la possibilité pour
le fabricant d’apporter des modifications à la notice, lorsqu’il a connaissance au moment
de la mise sur le marché de nouveaux effets indésirables.
- La participation à la surveillance des effets secondaires des médicaments
après leur mise sur le marché
1038. Après la commercialisation d’un lot de médicaments, le pharmacien responsable
d’un établissement pharmaceutique industriel, qui a connaissance d’un incident ou
d’un accident survenu lors de la fabrication et susceptible d’entraîner un risque pour
la santé public, doit cesser toute distribution des lots concernés et procéder à leur
1246 Annexe de la Décision n°08/2010/CM/UEMOA portant adoption du guide de bonnes pratiques de fabrication des produits pharmaceutiques à usage humain dans les Etats membres de l’UEMOA, p. 76. 1247 Annexe de la Décision n°08/2010/CM/UEMOA portant adoption du guide de bonnes pratiques de fabrication des produits pharmaceutiques à usage humain dans les Etats membres de l’UEMOA, p. 76. 1248 Civ. 1 ère, 8 avr. 1986, JCP 1987.II.20721, note G. Viala et J. Huet. 1249 En droit français, la CA de Versailles a donné cette précision dans un arrêt du 25 juin 1992. 1250 CA Paris, 4 juill. 1970, préc., aff. du Dig Bill. 1251 Dans le même sens CA Paris, 15 déc. 1983. 1252 CA de Bordeaux, 5 décembre 2006.
363
rappel1253. Il doit, dans ces circonstances, faire une déclaration à l’administration qui
a délivré l’AMM. Pour ce faire, le fait pour un pharmacien-fabricant de ne pas
participer à la pharmacovigilance et à la matériovigilance de ses produits mis sur le
marché peut constituer une faute susceptible d’engager sa responsabilité. Surtout, si
la non-divulgation des informations dont il a connaissance a pu entraîner un
dommage pour une personne.
Le dommage et le lien de causalité entre le dommage et la faute
1039. Le dommage est une condition fondamentale de la mise en œuvre du droit de la
responsabilité. C’est l’atteinte portée à un bien ou à l’intégrité corporelle de la
victime1254. Cependant, le dommage peut également être psychologique1255.
Indépendamment du préjudice pouvant résulter de cette atteinte, la victime d’une
faute commise par un pharmacien doit prouver qu’il y a véritablement atteinte à son
intégrité corporelle, compte tenu, par exemple, des effets secondaires du médicament
qu’elle a pris. L’existence de ce dommage est nécessaire pour obtenir la
condamnation du pharmacien-fabricant. Elle doit également prouver que les effets
secondaires qu’elle présente sont effectivement dus à la prise des médicaments en
cause1256. Ce, dans le cas où le pharmacien-fabricant masque ou tarde à mentionner
sur la notice ou le RCP un effet indésirable nouveau, dont elle a connaissance. Le
lien entre la faute du fabricant et les dommages qu’elle a subis est une condition
nécessaire à une quelconque reconnaissance de la responsabilité du pharmacien-
fabricant. Ce, dans la mesure où il n’existe pas une responsabilité spécifique
applicable aux professionnels de santé. Il faut donc se référer à la preuve dans le droit
commun de la responsabilité des pays membres de l’UEMOA.
1253 Article 47 de la loi ivoirienne n°2015-533 relative à l’exercice de la pharmacie ; Article 7 de l’Arrêté N°2003-341/MS/SG/DGPML du 24/12/2003 portant conditions de délivrance des autorisations de mise sur le marché des médicaments, consommables médicaux stériles et réactifs de laboratoire de biologie médicale humaine au Burkina Faso : « Les détenteurs de l’Autorisation de Mise sur le Marché d’un médicament autorisé sont tenus de communiquer sans délai au Ministère de la santé, toute interdiction ou restrictions qui viendraient à être décidées par les autorités responsables des pays où le médicament intéressé est commercialisé ». 1254 ALLAND Denis, RIALS Stéphane, « Dictionnaire de la culture juridique », Puf-Lamy, Paris, 2003, Presses Universitaires de France, V. Dommage p. 412-413. 1255 Certains effets indésirables des médicaments peuvent entrainer des dommages de type dépression ou insomnie 1256 PELLET Marie, La responsabilité civile des laboratoires pharmaceutiques du fait des effets secondaires des médicaments, Université de Bourgogne, Mémoire de DEA, Faculté de droit et de sciences politiques, année 2003/2004, juillet 2004, p. 24
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2. La responsabilité pénale du fabricant de médicaments
1040. La responsabilité pénale a pour fonction essentielle de réprimer les comportements
antisociaux1257 en sanctionnant les délinquants pour protéger la sécurité publique1258.
Elle ne juge alors principalement que les actes. Le dommage ne sera une condition
nécessaire à l’existence d’une infraction pénale que de façon très exceptionnelle1259.
De ce fait, les infractions de droit commun relatives aux homicides involontaires, à
la négligence ou à l’imprudence pouvant entraîner une incapacité de travail sont
susceptibles de s’appliquer1260. Nonobstant, ces infractions de droit commun, il
existe des infractions spécifiques au droit pharmaceutique pouvant donner lieu à une
condamnation pénale. Certaines de ces infractions relevant du droit pharmaceutique
sont prévues par les CSP et certains codes de déontologie des Etats membre de
l’UEMOA.
- La mise sur le marché d’un médicament sans AMM
1041. Le CSP burkinabè interdit l’importation, la vente et la mise en circulation d’un
médicament qui n’a pas été enregistré. De même, après le retrait d’un médicament,
aucune commercialisation de celui-ci n’est en principe possible1261. Le droit ivoirien
fait également interdiction aux pharmaciens de délivrer et de dispenser un
médicament qui n’a pas obtenu l’autorisation de commercialisation, donc un
médicament sans AMM1262. Il en est de même au Togo1263. En cas d’infractions à
cette disposition, au Burkina Faso, une peine d’emprisonnement de 1 à 8 mois
s’applique, avec la possibilité d’être assortie d’une amende pouvant aller de 250 000
à 5 000 000 FCFA1264. Au Togo, par contre, c’est une peine d’emprisonnement de 3
à 6 mois et/ou une amende allant de 500 000 à 5 000 000. F CFA qui sont appliquées.
Ces sanctions s’appliquent également au professionnel de santé qui prescrit des
médicaments qui n’ont pas reçu une AMM. Ces infractions peuvent être assimilées
à de la falsification1265.
1257 BRUN Philippe, Responsabilité civile extracontractuelle, Paris, LexisNexis, 4ème éditions, 2016, p. 37, § 51. 1258 MATHIAS Éric, La responsabilité pénale, Paris, Édition Gualino, 2005, p. 9 1259 DALCQ Roger O., Traité de la responsabilité civile. I. Les causes de responsabilité, Bruxelles, Editions Maison Ferdinand Larcier, 1959, p. 225, § 2817. 1260 Cf. infra., § 1083-1087. 1261 Article 214, 218 du CSP du Burkina Faso. 1262 Article 48 de la loi n°2015-534 du Code de déontologie des pharmaciens de la Côte d’Ivoire. 1263 Article 284, 287 du CSP du Togo. 1264 Article 219 du CSP du Burkina Faso. 1265 Cf. supra., § 139-145.
365
1042. Toutefois, le droit burkinabè prévoit que les produits ayant fait l’objet de l’infraction
seront saisis et remis aux formations sanitaires publiques pour usage ou pour leur
destruction. Le CSP du Burkina ne donne aucune précision si de tels produits feront
l’objet d’une analyse dans les conditions requises pour l’obtention de l’AMM, avant
même que soit décidé de leur remise pour utilisation à des formations sanitaires ou
pour leur destruction. Pourtant, c’est un paramètre important qui aurait permis de
comprendre si les auteurs de l’infraction ont voulu contourner l’ultime étape de
demande d’AMM ou si ces produits pharmaceutiques sont susceptibles de
compromettre la santé et la sécurité des patients, ou encore s’il s’agissait simplement
d’une question de rentabilisation financière en évitant de payer les droits liés à
l’obtention de l’AMM.
- Vendre des médicaments à des personnes non autorisées à en faire le
commerce
1043. Le pharmacien-fabricant ne peut légalement vendre les médicaments qu’aux
personnes autorisées par la loi à faire un tel commerce1266. Il ne doit pas permettre
l’exercice illégal de la pharmacie de par ses agissements ou ses fonctions. Sa
responsabilité sera également engagée s’il accepte de fabriquer pour certaines
personnes des produits qu’il n’est pas autorisé à fabriquer. Le droit national togolais
condamne cette infraction à une peine d’emprisonnement de trois (3) mois à un (1)
an et/ou une amende de deux millions (2.000.000) à quinze millions (15.000.000) F
CFA1267.
- Le non-respect des règles nationales d’ouverture, de fonctionnement et
d’organisation de certaines entités pharmaceutiques
1044. L’ouverture d’un établissement pharmaceutique de fabrication, d’importation ou de
distribution est subordonnée à une autorisation administrative dans tous les Etats de
l’Union1268. L’alinéa 1 de l’article 230 du CSP burkinabè le spécifie : « L’ouverture
des établissements pharmaceutiques est subordonnée à l’octroi d’une autorisation ».
En cas de non-respect des obligations réglementaires et législatives, l’autorisation
peut être retirée. Ainsi, pratiquer des activités pharmaceutiques dans un
établissement pharmaceutique clandestin peut donner lieu à des sanctions pénales,
1266 Article 457 al 1 de la loi n°007 du 15 mai 2009 portant CSP au Togo. 1267 Article 457 al 2 de la loi n°007 du 15 mai 2009 portant CSP au Togo. 1268 Article 230 de la loi n°23/94/ADP portant Code de Santé Publique au Burkina Faso.
366
surtout lorsqu’une personne a subi des dommages dus à ces activités. Aussi, tout
défaut lié à la fabrication d’un médicament, qui va entraîner le décès ou l’incapacité
de travail d’une personne, peut faire l’objet de poursuites pénales.
1045. La responsabilité du pharmacien-fabricant, peut ainsi être mise en œuvre. Cette mise
en œuvre de la responsabilité peut également concerner le pharmacien d’officine
chargé de la distribution des produits de santé.
B. La responsabilité du pharmacien d’officine : l’acteur incontournable de la mise en place d’une sécurité sanitaire dans les officines ouest-africaines
1046. La pharmacie d’officine est un établissement affecté à l’exécution des ordonnances
magistrales, à la préparation des médicaments inscrits aux pharmacopées, des
médicaments spécialisés de l’officine, ainsi qu’à la vente au détail des médicaments,
produits cosmétiques, produits diététiques1269. Le pharmacien d’officine est un
intermédiaire entre le médecin et le patient. Il joue donc un rôle important dans
l’exécution et le contrôle des prescriptions. Le pharmacien est-il juridiquement lié
au patient par un contrat ? Envisager l’étude des responsabilités des professionnels
de santé intervenant dans la distribution au détail nécessite de qualifier préalablement
les relations juridiques entre l’officinal et le patient (1). Cette qualification des
relations entre le pharmacien d’officine et le patient va permettre d’identifier
plusieurs responsabilités qui peuvent être mises en œuvre contre lui (2).
1. Les relations juridiques entre le pharmacien d’officine et le patient
1047. Il est important de se pencher sur la question de la qualification de la relation
juridique entre le pharmacien d’officine et le patient afin que la population ouest-
africaine comprenne les raisons de la possible mise en œuvre de cette responsabilité
(a). Mais aussi que l’officinal, même ayant le statut de commerçant, ne doit en aucun
cas vendre des produits pharmaceutiques comme dans un commerce ordinaire de
quartier1270. Il doit respecter certaines obligations (b).
a. La nature juridique du contrat entre le pharmacien d’officine et le patient
1048. Pour répondre à cette question, il convient de se référer au droit OHADA qui régit le
droit des affaires des Etats membres de l’UEMOA. Quelle est donc la définition du
1269 Article 159 du CSP du Burkina Faso ; Article 6 de la loi ivoirienne n°2015-533 relative à l’exercice de la pharmacie. Sont également concernés en droit ivoirien (article 3), « les produits stables préparés à partir du sang et de ses composants. Certains produits de thérapie génique et cellulaire, les produits présentés comme supprimant l’envie de fumer ou réduisant l’accoutumance au tabac… ». 1270 On les appelle généralement « boutiques ».
367
commerçant au sens du droit OHADA ? Selon l’article 2 de l’Acte Uniforme révisé
portant sur le Droit commercial général (AUDCG), « est commerçant celui qui fait
de l’accomplissement d’actes de commerce par nature sa profession ». Deux
conditions cumulatives s’en dégagent ainsi : l’exercice d’actes de commerce et
l’exercice à titre de profession. Le commerçant peut cependant être une personne
physique ou morale (société commerciale). Qu’en est-il du pharmacien d’officine ?
1049. Précisons tout d’abord que l’activité pharmaceutique est un acte de commerce par
nature. L’acte de commerce par nature est celui par lequel une personne s’entremet
dans la circulation des biens qu’elle produit ou achète ou par lequel elle fournit des
prestations de services avec l’intention d’en tirer un profit pécuniaire1271. L’achat de
biens, meubles ou immeubles, en vue de leur revente est donc considéré comme un
acte de commerce par nature. La finalité d’achat en vue de la revente doit être
principale. Il faut savoir que c’est l’intention de revendre qui compte. Le fait de ne
pas parvenir à revendre n’enlève pas à l’achat son caractère commercial1272. Celui
qui achète pour revendre recherche nécessairement un bénéfice.
1050. L’activité pharmaceutique consiste pourtant à acheter des médicaments en vue de les
revendre. Le médicament est une marchandise dans le commerce international1273.
C’est donc un bien meuble qui circule. Il peut cependant être classé dans la catégorie
des meubles par nature.
1051. Le pharmacien d’officine achète généralement des médicaments aux industries
pharmaceutiques ou aux centrales d’achats en vue de les revendre à ses clients. En
effet, ce dernier accomplit quotidiennement des actes de commerce. Cela est même
affirmé par certains droits étrangers. Ainsi, une jurisprudence française de 19051274
affirme que « l’exercice de la pharmacie consiste à acheter des médicaments ou
substances médicamenteuses pour les revendre dans un but de spéculation, soit dans
le même état, soit après leur avoir fait subir une préparation. Qu’il s’ensuit que la
profession de pharmacien est commerciale ; que la réglementation dont elle est
l’objet dans l’intérêt de la santé et de la sécurité publiques, non plus que les
conditions d’aptitude exigées de ceux qui s’y destinent, ne sauraient en modifier le
1271 Article 3 de l’AUDCG. 1272 MENJUCQ Michel, Droit commercial et des affaires, Mémentos LMD, Gualino-Lextenso éd., 8ème édition, 2013, 24 p. 1273 Cf. JOURDAIN-FORTIER Clotilde, Santé et commerce international, CREDIMI, LexisNexis, 2006, Vol. 26, p. 117. 1274 Cass. Crim, 25 mars 1905, Dalloz 1905, 1, 399.
368
caractère ». Au Burkina Faso, l’article 164 du CSP portant Code de la santé publique
mentionne que « les pharmaciens sont autorisés à constituer entre eux une société en
nom collectif ou une société à responsabilité limitée, en vue de l’exploitation d’une
officine ». L’article 56 et 58 de la loi ivoirienne n°2015-533 précise dans le même
sens que les pharmaciens peuvent se constituer en association ou en société… ; sous
la forme de Société en nom collectif (SNC) ou sous celle de Société à responsabilité
limitée (SARL). Il en est de même au Togo. Ces articles permettent une fois de plus
de constater que les Etats accordent le statut de commerçant aux pharmaciens
d’officines1275.
1052. Les pharmaciens d’officines sont les seuls professionnels de santé à être aussi
commerçants1276. Mais, le pharmacien reste un commerçant très particulier. Il ne peut
vendre sa marchandise au prix qu’il veut ; le prix du médicament étant contrôlé par
l’Etat. Il peut même refuser de vendre un produit pour des raisons de santé publique.
1053. Ces éléments permettent de donner plus de précisions sur la nature juridique du
contrat entre le pharmacien et le patient.
1054. Le contrat est défini par l’article 1101 des Codes civils1277 burkinabè et ivoirien
comme une « convention par laquelle une ou plusieurs personnes s’obligent, envers
une ou plusieurs autres, à donner, à faire ou à ne pas faire quelques chose ». C’est à
l’occasion d’un litige portant sur l’application d’une règle d’un contrat que la
question de la qualification se pose. En effet, la nature juridique du contrat détermine
les conditions de sa formation et les conséquences applicables. Admettre qu’un
contrat est commercial entraine l’application de certaines règles juridiques relatives
à la compétence des tribunaux, la preuve, la prescription, etc.1278.
1055. La qualification de contrat civil ou commercial est fonction de la qualité des
contractants. L’article 1582 du Code civil burkinabè définit la vente comme une
convention par laquelle l’un s’oblige à livrer une chose, et l’autre à en payer le prix.
Le pharmacien livre le médicament au patient qui s’engage à payer le prix. Il y a
nécessairement un transfert de propriété. Mais, l’article 1583 ajoute qu’« elle est
parfaite entre les parties et la propriété est acquise de droit à l’acheteur à l’égard du
1275 Le Togo va dans le même sens, article 402 du CSP Togolais. 1276 ROBERT Jacques-Antoine, REGNIAULT Alexandre, Médicaments : les règles du jeu, Editions médicales Internationales, Cachan, France, p. 24. 1277 Article 1101 du Code civil burkinabè ; du Code civil ivoirien II (Droit des biens et des obligations), Edition 2017. 1278 GROSS Bernard, BIHR Philippe, Contrats. Ventes civiles et commerciales, baux d’habitation, baux commerciaux, Édition PUF, 2ème édition, octobre 2002, p. 13.
369
vendeur dès qu’on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n’a pas encore
été livrée ni le prix payé ».
1056. Le droit de la consommation, lui, permet une meilleure protection du
consommateur1279. Au Bénin, par exemple, l’article 1 de la loi n°2007-21 du 16
octobre 2007 dispose que « le consommateur de biens et services est la personne
physique ou morale qui achète ou offre d'acheter des biens ou services pour des
raisons autres que la revente ou qui bénéficie, en tant qu'utilisateur final, d'un droit
personnel ou réel sur des biens ou services quelle que soit la nature publique ou
privée, individuelle ou collective, des personnes ayant produit, facilité la fourniture
ou la transmission de ce droit. ». L’article 3 de ladite loi précise son domaine
d’application en citant expressément : le domaine de la santé et de la pharmacie.
1057. En utilisant le terme « vente de médicaments », il est fait référence spécifiquement à
la vente de médicaments par une pharmacie à un patient. Certes, en recherchant le
terme « vente de médicaments » dans les actes uniformes de l’OHADA, il est évident
qu’il est difficile de retrouver cette formulation. Mais la vente de médicaments n’est
en réalité rien d’autre qu’un contrat de vente. Comme précisé dans les lignes
précédentes, il existe un contrat de vente entre le pharmacien d’officine et le patient.
Cependant, lorsque nous analysons l’AUDCG révisé de l’OHADA, on s’aperçoit
que celui-ci ne mentionne que la vente commerciale. En effet, l’article 234 dispose
que « les dispositions du présent livre s’appliquent aux contrats de vente de
marchandises entre commerçants, personnes physiques ou personnes morales, y
compris les contrats de fourniture de marchandises destinées à des activités de
fabrication ou de production ». L’OHADA ne régit alors que la vente entre
commerçants, excluant ainsi toute vente entre un commerçant et un particulier. Le
fait d’acheter des médicaments à usage humain dans une pharmacie est pourtant un
contrat mixte entre un professionnel, voire un commerçant, et un particulier. Dans le
contrat mixte, l’acte sera considéré commercial pour le commerçant et civil pour le
particulier. Ainsi, les règles de preuves en cas de litige seront déterminées en fonction
de la qualité du demandeur.
1058. Le pharmacien met à la disposition du patient un médicament, avec en contrepartie
pour le patient de payer le prix. En raison de la relation contractuelle qui pèse sur le
pharmacien d’officine, il est tenu non seulement à une obligation de résultat dans
1279 Côte d’Ivoire, loi n°2016‐412 du 15 juin 2016 relative à la consommation.
370
l’exécution de l’ordonnance médicale, mais également à une obligation de moyens
quant à la vérification de l’ordonnance avant son exécution. Certains auteurs
retiennent par contre que le lien contractuel fait naître à l’encontre du pharmacien
une obligation de moyens lui imposant de mobiliser tous les moyens humains,
intellectuels et techniques à sa disposition afin de participer à l’objectif de guérison
du patient1280.
1059. Le lien contractuel entre l’officinal et son client peut donc être affirmé. Ce lien
contractuel fait peser sur le pharmacien des obligations contractuelles. Les mêmes
types d’obligations sont également imposés par les Codes de déontologie et les
Codes de santé publique des Etats membres de l’UEMOA. Ce qui constitue un atout
dans la perspective de la mise en œuvre d’un fondement juridique commun de la
responsabilité.
b. Les obligations professionnelles du pharmacien d’officine
1060. Les pharmaciens doivent respecter plusieurs règles professionnelles qui figurent
dans les Codes de santé publique des Etats et les Codes de déontologie élaborés par
l’Ordre des pharmaciens de chaque Etat. C’est la violation à ces règles
professionnelles qui pourrait engager la responsabilité du pharmacien d’officine au
plan civil, pénal et disciplinaire. Il doit d’abord s’assurer de l’existence d’une
ordonnance qui peut être vue comme « une autorisation de délivrer le
médicament… ». Ensuite, s’assurer qu’il peut légalement le faire, fournir au patient
l’information nécessaire et procéder à la délivrance du médicament indiqué1281.
1061. L’exercice personnel de la pharmacie est une conséquence et une condition du
monopole pharmaceutique1282. C’est une obligation importante, car on la retrouve
dans la grande majorité des Codes de déontologie des 8 pays membres1283.
- La dispensation : une obligation à renforcer, compte tenu du faible taux
d’alphabétisation
1062. Le pharmacien d’officine doit « dispenser le médicament ». Il est différent du
commerçant qui se limite à vendre une marchandise. L’utilisation du mot
1280 LECA Antoine, Droit pharmaceutique, op.cit., p. 279. 1281 ARBOUR Marie Eve, « Libre propos sur la responsabilité contractuelle du pharmacien d’officine » R.D.U.S 2007 (37), p. 284. 1282 DION Hervé, Droit pharmaceutique, Paris, Gualino, 2008, p. 117. 1283 Article 12 du code de déontologie des pharmaciens du Burkina ; l’article 15 de la loi n°86-36/AN-RM du 12 avril 1986 portant code de déontologie des pharmaciens du Mali ; l’article 7 al 2 de la loi n° 2015-534 du 20 juillet 2015 portant Code de déontologie pharmaceutique en Côte d’Ivoire ; l’article 12 du décret n°81-039 du 2 février 1981 portant code de déontologie des pharmaciens au Sénégal.
371
« dispenser » met en exergue l’importance de l’échange qui doit exister entre le client
(patient) et le pharmacien qui lui vend le produit de santé. C’est l’une des fonctions
essentielles du pharmacien.
1063. Cette dispensation d’un médicament conforme est une obligation de résultat pour le
pharmacien d’officine1284. Ainsi, le pharmacien d’officine à l’obligation de vérifier
la conformité de l’ordonnance médicale avec le produit qu’il livre1285. Dans les pays
africains, le constat est pourtant tout autre. La dispensation équivaut à un acte de
commerce. Les pharmaciens d’officines ne prennent pas le temps d’analyser
l’ordonnance pour donner aux malades les informations nécessaires à leurs
traitements. Pourtant, dans les pays de l’UEMOA, une grande partie de la population
ne sait ni lire ni écrire. En Côte d’Ivoire, sur 13 185 520 individus de 15 ans et plus,
plus de la moitié (56,1%) ne sait ni lire ni écrire dans une langue quelconque1286. Les
notices des médicaments sont pourtant en français. Il faut donc convenir avec
Angelain PODA que « lorsque le patient achète son médicament, sans que la notice
ne lui ait été expliquée dans sa langue, il y a défaut d’informations ». Pour pallier le
manque d’informations dans les pharmacies, au Burkina Faso, les agents de santé
(dans les CSPS1287 surtout) invitent généralement les malades à revenir vers eux avec
les médicaments achetés en pharmacie pour avoir les indications et les informations
sur les médicaments pour un meilleur suivi du traitement. Le Togo fait obligation
aux pharmaciens de mettre à la disposition du patient toute information utile à un
bon usage du médicament. Ce qui inclut les heures de prises, les modalités
d’administration, les précautions particulières à prendre, etc1288. Il pèse donc sur le
pharmacien d’officine une obligation de conseil et d’information concernant le
médicament qu’il vend.
1284 FOUASSIER Eric, « Responsabilité civile liée au médicament industriel : la nouvelle donne. Analyse critique de quelques conséquences de la directive « produits défectueux » du 25 juillet 1985 et du décret du 11 février 1998 relatif aux établissement pharmaceutiques », RDSS, 1998, p. 296 1285 Article 410 du CSP togolais. 1286 Recensement Général de la Population et de l’Habitat (RGPH) 2014, Rapport d’exécution et présentation des principaux résultats, Disponible sur http://www.ins.ci/n/documents/RGPH2014_expo_dg.pdf 1287 Les Centres de Santé et de Promotion Sociale (CSPS), qui constituent la porte d’entrée du système public de soins. Les CSPS sont au nombre de 1172. Le rayon moyen d’action théorique d’un CSPS est de 8,53 kilomètres. Un CSPS dessert en moyenne une population de 11 672 habitants. Cf. http://www.sante.gov.bf/apps/carteSanitaire/sante_bf/inf_sys_nat_soins.htm 1288 Article 410 du CSP- Togolais.
372
- L’interdiction de modifier l’ordonnance médicale et l’obligation de
vérification
1064. Les droits nationaux des Etats membres interdissent en majorité aux pharmaciens de
modifier la prescription médicale. C’est le cas de l’Article 26 de la loi n°86-36/AN-
RM du 12 avril 1986 portant Code de déontologie des pharmaciens du Mali. Ainsi,
cette modification, même si elle est nécessaire dans certains cas, ne pourrait
intervenir sans l’accord exprès du médecin prescripteur1289. C’est une obligation
corollaire à celle qui impose au pharmacien d’officine de vérifier l’ordonnance
médicale avant de délivrer les médicaments prescrits, mais aussi au devoir du
pharmacien de refuser de délivrer un médicament si cela y va de l’intérêt de la santé
du client1290. En droit français, par exemple, la Cour d’Appel de Versailles retient
que le pharmacien à l’obligation de contrôler, au moyen de ses connaissances, les
termes de l’ordonnance1291.
- L’obligation d’information et de conseil face à l’augmentation des « actes
médicaux » dans les officines : un phénomène inquiétant ?
1065. Les pharmaciens, dans leur mission de service public, doivent contribuer à la
préservation et à l’amélioration de la santé publique. Pour ce faire, pèse sur eux une
obligation d’information et de conseil envers les patients qui se procurent des
médicaments dans leurs officines. Ces médicaments sont des produits très
particuliers, qui ne sont pas généralement librement choisis par leurs utilisateurs qui
n’ont d’ailleurs pas la possibilité de choisir un autre produit, même si le prix est
élevé. L’obligation d’information vise à assurer le respect de l’intégrité de la
personne humaine tout en s’inscrivant dans un plus vaste projet de détection et de
prévention des problèmes pharmaco-thérapeutiques.
1066. Pour certains patients, « les conseils » fournis par le pharmacien d’officine
représentent une véritable consultation1292. Le Code de déontologie de certains pays
fait interdiction formelle aux pharmaciens de formuler un diagnostic sur la maladie
du patient1293. Le constat sur le terrain est tout autre. Certains malades se rendent
directement dans les officines pour expliquer leurs problèmes et demander les
1289 Article 72 du décret 2014-047/PRES/PM/MS portant code de déontologie des pharmaciens du Burkina Faso. 1290 Article 73 du décret 2014-047/PRES/PM/MS portant code de déontologie des pharmaciens du Burkina Faso. 1291 Versailles, 18 mars 1983, Bévitine c/ Bélustine. 1292 AMARI A.S.G, KABLAN BJ., « Commercialité et responsabilités civile, Pénale et disciplinaire du pharmacien en Côte d’Ivoire » J. sci. pharm. biol., Vol. 8, n°1 - 2007, p. 30 1293 Article 75 du décret 2014-047/PRES/PM/MS portant code de déontologie des pharmaciens du Burkina Faso ; Article 28 de la loi n°86-36/AN-RM du 12 avril 1986 portant code de déontologie des pharmaciens du Mali.
373
médicaments nécessaires pour traiter leur mal (par exemple, pour un cas de
paludisme). Les lois étatiques de l’Union interdisent pourtant cette pratique. La Côte
d’Ivoire le spécifie en ces termes : « Les consultations médicales, les actes médicaux
et les soins infirmiers sont interdits dans une officine »1294. Même pour les
nourrissons, certains parents n’hésitent pas à solliciter les pharmaciens d’officines
pour leurs traitements. Personne n’ignore pourtant que les médicaments de la
pédiatrie sont délicats à recommander sans avoir les capacités professionnelles
requises. A ce niveau, un autre problème se pose. C’est que généralement les
pharmaciens eux-mêmes ne sont pas disponibles ou sont absents de l’officine et ne
sont pas autorisés à effectuer « ces diagnostics » et à prescrire des médicaments.
Alors, ce sont très souvent les vendeurs en pharmacie qui procèdent à ces conseils et
prescrivent les médicaments sans en avoir le droit et les compétences.
1067. Pourtant, les codes de déontologie de certains pays interdisent formellement les
consultations médicales dans les officines1295. La Côte d’Ivoire va plus loin que la
simple interdiction et recommande aux pharmaciens d’inciter, lorsque cela est
nécessaire, leurs clients à consulter un praticien qualifié1296. Il en est de même du
Sénégal1297 et du Burkina Faso1298.
1068. Face à l’augmentation de ces types de consultations des pharmaciens d’officines,
certaines stratégies ont été mises en place pour renforcer les connaissances des
pharmaciens et de leur personnel. Dans certains Etats de l’Union, les officinaux
conseillent souvent des antipaludiques sans avoir toutes les informations sur la lutte
contre la maladie. Aussi, dans le cadre de la lutte contre le paludisme, le projet
paludisme et pharmacien d’officine1299 a permis de former des pharmaciens
d’officines sur l’utilisation de médicaments antipaludiques1300. Cela est d’autant plus
important qu’on retrouve souvent dans certaines pharmacies des combinaisons
antipaludiques qui ne sont pas celles recommandées par le programme de lutte contre
1294 Article 19 de la loi n°2015-533 du 20 juillet 2015 relative à l’exercice de la pharmacie en Côte d’Ivoire 1295 Article 74 de la loi n°2015-534 du 20 juillet 2015 portant code de déontologie en Côte d’Ivoire 1296 Article 69 de la loi n°2015-534 du 20 juillet 2015 portant code de déontologie en Côte d’Ivoire 1297 Article 70 du décret n°81-039 du 2 février 1981 portant code de déontologie des pharmaciens au Sénégal : « Chaque fois qu’il est nécessaire, le pharmacien d’officine doit inciter ses clients à consulter un médecin ». 1298 Article 74 du Code de déontologie du Burkina Faso. 1299 ReMeD coordonne depuis trois ans un projet financé par l’Initiative 5% au Bénin, au Burkina Faso et au Mali visant à augmenter l’impact des programmes nationaux de lutte contre le paludisme (PNLP) à travers la participation effective des pharmaciens d’officines. 1300 Projet « PALU-PO », « Le rôle des pharmaciens d’officines de Cotonou, Porto Novo, Bamako, Bobo Dioulasso et Ouagadougou dans la lutte contre le paludisme », Disponible sur http://remed.org/restitution-finale-de-lenquete-portant-sur-la-prise-en-charge-du-paludisme-en-officine-benin-burkina-faso-mali/
374
le paludisme1301. Il faut souligner également que certaines officines pratiquent même
des TDR (Test de diagnostic rapide) visant à confirmer l’existence ou non d’un
paludisme. Les consultations médicales dans les officines seront-elles bientôt
légales ? Si tel est le cas, ces pratiques pourraient réduire encore plus la fréquentation
des structures de santé dans ces pays. Qu’en sera-t-il de la responsabilité des
pharmaciens d’officines en cas de dommages causés par la prescription d’un
antipaludique qui n’est plus recommandé ? Ces questions méritent d’être posées,
dans la mesure où les CSP et les Codes de déontologie des différents Etats de l’Union
mentionnent la participation des pharmaciens aux soins de premiers secours et à la
prise en charge des malades1302. Cette obligation s’applique-t-elle à une personne qui
se présente délibérément à l’officine pour faire un TDR du paludisme et obtenir les
médicaments adéquats à la maladie ? Certains droits étrangers, comme celui de la
France, permettent tout de même aux pharmaciens de participer aux premiers secours
et à la prise en charge des malades au travers de l’article L1411-11 : « L'accès aux
soins de premier secours, ainsi que la prise en charge continue des malades, sont
définis dans le respect des exigences de proximité, qui s'apprécie en termes de
distance et de temps de parcours, de qualité et de sécurité…Ces soins comprennent :
1° La prévention, le dépistage, le diagnostic, le traitement et le suivi des patients ; 2°
La dispensation et l'administration des médicaments, produits et dispositifs
médicaux, ainsi que le conseil pharmaceutique ; 3° L'orientation dans le système de
soins et le secteur médico-social ; 4° L'éducation pour la santé….. », et peuvent
résulter des conseils du pharmacien.
1069. En termes d’obligations professionnelles des pharmaciens, on retrouve dans chaque
Etat membres les mêmes principes. Il y a ainsi une sorte d’harmonisation de
l’exercice de la profession des pharmaciens officinaux dans les Etats de l’UEMOA,
même si, au niveau communautaire, aucun texte juridique n’a encore été adopté dans
ce sens. Les sanctions ou les indemnisations qui sont prévues en cas de violations de
ces obligations diffèrent d’un Etat à un autre. Mais, ce qui est important, c’est la mise
en œuvre de la responsabilité d’un pharmacien qui n’aurait pas respecter ses
1301 COULIBALY Boubou, COULIBALY Nouhoum, DIALLO Tidiane, « Pharmaciens d’officine et paludisme au Mali » Rapport final, Janvier 2017, Bamako, p. 15, Disponible sur : http://remed.org/wp-content/uploads/2017/08/Rapport_Final_MALI.pdf 1302 L’article 46 de la loi n° 2015-534 du 20 juillet 2015 portant Code de déontologie pharmaceutique en Côte d’Ivoire, ne le spécifie pas expressément ; voir aussi article 5 du code de déontologie du Sénégal : « …Quelle que soit sa fonction ou sa spécialité, hors le seul cas de force majeure, le pharmacien doit dans la limite de ses connaissances, porter secours à un malade en danger immédiat, si des soins médicaux ne peuvent lui être assurés ».
375
obligations professionnelles. En effet, il faut contraindre les professionnels de la
santé à respecter les règles juridiques pharmaceutiques des Etats. C’est en se
conformant aux textes nationaux qu’ils vont apprendre à appliquer le droit
communautaire pharmaceutique harmonisé. Cette mise en œuvre de la responsabilité
va constituer un exemple pour les autres pharmaciens qui pourront, dès lors, se
conformer aux textes juridiques pharmaceutiques au niveau national et
communautaire.
1070. Le pharmacien pourrait-il alors être tenu pour responsable du préjudice causé à l’un
de ses clients en raison d’un médicament qu’il a dispensé ? L’on conclut que le
pharmacien d’officine peut engager, dans l’exercice de sa profession, une quadruple
responsabilité.
2. La mise en œuvre possible de plusieurs responsabilités
1071. Le pharmacien d’officine dans l’exercice de son activité de distribution peut voir sa
responsabilité engager au plan civil (a), pénal (b) et disciplinaire (c). La mise en jeu
d’une responsabilité n’exclut pas une autre1303. Toutes ces responsabilités peuvent
être cumulées.
a. La responsabilité civile contractuelle du pharmacien d’officine
1072. Un contrat lie le pharmacien d’officine au patient qui se présente à son officine pour
se procurer des produits pharmaceutiques. Ainsi, en cas de manquements de la part
de l’officinal à ses obligations contractuelles et déontologiques (exercice personnel,
conseils et informations aux clients, etc), sa responsabilité civile pourra être engagée.
Il s’agit précisément d’une responsabilité civile contractuelle. Ainsi, la force
obligatoire du contrat conduit à une sanction en cas d’inexécution. En droit ivoirien,
c’est l’article 1147 du Code civil qui pose le principe de cette responsabilité
contractuelle : « Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au payement de dommages
et intérêts, soit en raison de l'inexécution de l'obligation, soit en raison du retard dans
l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause
étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa
part ».
1073. Le pharmacien d'officine commet donc une faute de nature à engager sa
responsabilité civile s'il délivre un produit ne correspondant pas à celui qui lui est
1303 AMARI A.S.G, KABLAN BJ., « Commercialité et responsabilités civile, Pénale et disciplinaire du pharmacien en Côte d’ivoire », J. sci. pharm. biol., Vol. 8, n°1 - 2007, p. 26.
376
demandé, soit parce qu'il ne l'a pas vérifié lors de la livraison, soit parce qu'il a
commis une erreur en exécutant la prescription. Il doit en outre contrôler
l'authenticité et la régularité technique de l'ordonnance, et être attentif et prudent dans
l'octroi des conseils aux malades1304.
1074. Trois conditions sont généralement nécessaires pour établir la responsabilité civile :
l’existence d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité entre la faute et le
préjudice. Au Sénégal, par exemple, l’article 9 du COCC détermine le débiteur de la
preuve : « Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit en prouver l’existence.
Celui qui se prétend libéré doit prouver que l’obligation est inexistante ou éteinte ».
Tout comme en matière délictuelle, il appartient à la victime d’apporter la preuve de
ses allégations1305. Mais, deux cas de figure peuvent se présenter. Si le pharmacien
est débiteur d’une obligation de moyens, il faut prouver sa faute ; par exemple, qu’il
n’a pas mis les moyens nécessaires pour satisfaire à son obligation. Par contre, si le
pharmacien est débiteur d’une obligation de résultat, le patient est exempt de prouver
une faute. Il suffit que la victime prouve que l’obligation n’a pas été exécutée.
L’obligation de moyens va entrainer l’application d’une responsabilité pour faute, et
l’obligation de résultat une responsabilité sans faute1306.
Le fait dommageable ou la faute du pharmacien dans son exercice
professionnel
1075. Pour déterminer le fait dommageable dans le cadre d’une responsabilité civile
contractuelle, il faut au préalable identifier si le pharmacien est débiteur d’une
obligation de moyens ou de résultat. Sur ce point, l’article 7 du COCC sénégalais
précise que « le débiteur peut garantir au créancier l’exécution d’une obligation
précise ou s’engager simplement à apporter tous les soins d’un bon père de famille
dans l’exécution de son obligation. La responsabilité du débiteur est engagée par
l’inexécution ou l’exécution défectueuse de son obligation ». L’obligation du
pharmacien d’officine est généralement considérée comme une obligation de
1304 HARICHAUX de TOURDONNET Béatrice, « Santé. Responsabilité du pharmacien. Pharmacien-fabricant. Pharmacien d'officine. Laboratoire de biologie médicale », Jurisclasseur Civil Code, Fasc. 442, 13 Septembre 2013, point 137. 1305 Cf. supra., § 1032. 1306 RADÉ Christophe, « Synthèse - Responsabilité contractuelle », lexis360, Encyclopédies 19 mai 2017, p. 2, Document consulté sur https://www.lexis360.fr
377
moyens1307 (obligation de délivrance et de conseils). La victime devra, dans ce cas,
rapporter la preuve d’une faute commise par le pharmacien.
1076. La faute est la violation d’une obligation préexistante. C’est une défaillance, un
manquement à une règle préétablie1308. Il peut s’agir d’une négligence ou d’une
imprudence dans la délivrance de médicaments non conformes à la prescription
médicale. Ou encore une mauvaise conservation des spécialités qu’il a délivrées
(obligation de résultat). Cette dernière option est relativement importante dans les
pays africains où se pose un problème de stabilité des médicaments importés.
- L’erreur de délivrance du médicament
1077. C’est un manquement aux obligations du pharmacien envers les patients. Le fait de
dispenser un produit ne correspondant pas à l’ordonnance constitue une faute
pouvant engager la responsabilité civile du pharmacien d’officine1309. C’est
également le cas lorsque le pharmacien manque de vigilance face à une ordonnance
incomplète ou erronée. Raison pour laquelle le pharmacien doit procéder à l’analyse
pharmaceutique de l’ordonnance en vue de déceler une éventuelle interaction
médicamenteuse. Ce contrôle est impératif, dans la mesure où le pharmacien apparaît
comme le « dernier rempart » avant l’accident médical ou le préjudice1310.
Cependant, lorsque l’erreur de délivrance est due à une erreur de prescription, il y
aura partage de responsabilités entre le pharmacien qui a délivré le produit et le
médecin prescripteur.
- L’erreur sur la posologie
1078. L’obligation de contrôle de l’ordonnance médicale doit concerner également la
posologie. Ainsi, l’officinal doit vérifier les quantités et rythmes d’administration du
médicament en tenant compte de l’âge, du sexe et de l’état du malade. Une officine
située dans le quartier Larlé de Ouagadougou délivre à une cliente adulte du Fixim
20 mg au lieu de Fixim 100 mg comme mentionné sur l’ordonnance. Cet exemple
est symptomatique de l’erreur sur la posologie.
1307 HARICHAUX de TOURDONNET Béatrice, « Santé. Responsabilité du pharmacien. Pharmacien-fabricant. Pharmacien d'officine. Laboratoire de biologie médicale », op.cit., p. 61. ; Voir également sur ce point, LECA Antoine, Droit pharmaceutique, Bordeaux, LEH Edition, 8ème éd., 2015, p. 279. 1308 JOURDAIN Patrice, Les principes de la responsabilité civile, Paris, Editons Dalloz, 2014, 9ème édition, p. 46. 1309 LECA Antoine, Droit pharmaceutique, 6 éditions, LEH Edition, 2012, p. 260. 1310 HAMADI Saliha, La responsabilité du fait des médicaments, Mémoire-Magister en droit privé, Université aboubakrbelkaid, 2011-2012, p. 6.
378
- La faute dans les informations et conseils à fournir aux patients
L’obligation d’informations et de conseil du patient par le pharmacien résulte de son
statut de professionnel bénéficiant d’un monopole de vente de médicaments. C’est
aussi une obligation contractuelle pour lui que de fournir les informations adéquates
pour permettre au patient de bien utiliser le médicament délivré.
Le dommage et le lien de causalité entre la faute et le préjudice
1079. Tout comme dans la cadre de la mise en œuvre de la responsabilité du pharmacien-
fabricant, la victime, pour pouvoir obtenir la condamnation du pharmacien
d’officine, doit prouver qu’elle a subi un dommage1311.
1080. Elle doit également prouver que c’est une faute du professionnel de santé qui a causé
ou bien qui a facilité la survenue du dommage qu’elle a subi. Il lui appartient de
démontrer le lien de causalité entre le fait générateur du dommage (le manquement
du pharmacien à l’une de ses obligations) et le préjudice qu’elle a subi. Ainsi, il pèse
sur la victime une charge de la preuve qui est trop lourde. Dans le contexte africain,
les difficultés liées à cette preuve de la part de la victime sont plus nombreuses et
compromettent très souvent le recours à la justice, même en cas de dommages dus à
l’utilisation d’un produit pharmaceutique ou à la négligence ou imprudence d’un
professionnel de la pharmacie.
1081. Le pharmacien peut également engager sa responsabilité pénale.
b. La responsabilité pénale
1082. La responsabilité pénale est l’obligation pour une personne de répondre de ses actes
illicites sur la base des sanctions pénales prévues par la loi. L’infraction reste le
concept central de la responsabilité pénale. A ce niveau, ce sont les infractions de
droit commun, indépendamment de la spécificité pharmaceutique, qui
s’appliqueront. Mais, certaines infractions relevant spécifiquement du domaine
pharmaceutique peuvent également faire l’objet de sanctions pénales.
Les infractions pénales de droit commun prévues dans les droits nationaux
des Etats
1083. Ces infractions pénales de droit commun sont celles prévues dans le droit interne des
Etats membres de l’UEMOA. Ces infractions peuvent être appliquées dans le
domaine pharmaceutique.
1311 Cf. supra., § 1039.
379
- Les atteintes à l’intégrité corporelle : les homicides et blessures
involontaires
1084. Les atteintes à l’intégrité corporelle peuvent résulter de la dispensation des
médicaments. Ce sont des atteintes causées par des médicaments prescrits et délivrés
par le pharmacien, sans satisfaire à son obligation de contrôle1312. C’est la raison
pour laquelle le pharmacien est tenu d’une obligation de vérification, voire de refus
de délivrance du médicament. En se référant au droit commun de la responsabilité,
il est possible de citer quelques atteintes à l’intégrité corporelle. Constitue une
atteinte à l’intégrité physique : la maladresse, l’imprudence, l’inattention, la
négligence ou l’inobservation des règlements ; de la sorte à commettre même de
façon involontaire un homicide ou en être la cause. Au Burkina Faso, l’article 522-1
de la loi n°025-2018/AN du 31 mai 2018 portant Code pénal dispose « Le fait de
causer par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou inobservation d’une
loi ou d’un règlement, la mort d’autrui constitue un homicide involontaire. Est puni
d’une peine d’emprisonnement de six (6) mois à trois (3) ans et d’une amende de
deux cent cinquante mille (250 000) à deux millions (2 000 000) de francs CFA
quiconque commet un homicide involontaire ». Au Sénégal, par contre, l’homicide
involontaire est puni d’une peine d’emprisonnement de six (6) mois à cinq (5) ans et
d’une amende de 20 000 à 300 000 FCFA1313. Un pharmacien qui par inattention
délivre un médicament à la place d’un autre peut voir sa responsabilité pénale
engagée si cette prescription a entrainé la mort d’autrui.
1085. Le fait également de causer par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou
manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou les
règlements une incapacité (totale, ou partielle) de travail tombe sous le coup de cette
loi. C’est le cas si le médicament délivré par erreur par le pharmacien a entraîné un
dommage corporel conduisant à une incapacité de travail.
- La violation du secret professionnel
1086. Le pharmacien est généralement un des destinataires privilégiés d’informations
sensibles. La notion de secret s’applique à tous ceux à qui, par état ou par profession,
la loi impose de ne pas livrer à un tiers des informations concernant un particulier.
1312 LECA Antoine, Droit pharmaceutique, 7ème édition, LEH Edition, 2013, p. 247. 1313 Article 307 de la loi n°65-60 du 21 juillet 1965 portant Code pénal au Sénégal
380
Le secret professionnel s’impose alors à tout pharmacien1314. Ainsi, le pharmacien
doit s’abstenir de discuter en public, notamment à l’officine, des questions relatives
aux maladies des clients1315. Il peut toutefois s’agir d’informations acquises dans
l’exercice d’une fonction professionnelle1316. Dans le domaine pharmaceutique, le
secret va concerner spécialement l’état de santé d’une personne, cliente de l’officine
pharmaceutique. Sa violation peut donner lieu à une peine d’emprisonnement de 15
jours à 6 mois et d’une amende de 100 000 à 500 000 F CFA dans l’Etat ivoirien1317.
Au Sénégal, le code pénal ne contient pas de sanctions en cas de violation du secret
professionnel1318. Le Code de déontologie, par contre, fait référence au secret
professionnel sans pour autant prévoir des sanctions juridiques pour la violation.
C’est plutôt des sanctions disciplinaires qui s’appliquent. La violation du secret
professionnel par un pharmacien n’est pas pénalement punie au Sénégal. Pourtant,
des sanctions pénales sont prévues au Burkina Faso et en Côte d’Ivoire à cet effet.
L’article 525-1 de la loi n°025-2018/AN du 31 mai 2018 portant Code pénal au
Burkina Faso dispose que « Est punie d’une peine d’emprisonnement de six mois (6)
à deux (2) ans et d’une amende de cinq cent mille (500 000) cinq millions
(5 000 000) de francs CFA, la révélation d’une information à caractère secret par une
personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d’une
fonction ou d’une mission temporaire ».
1087. Le problème du secret professionnel, surtout dans les pharmacies d’officines,
concerne principalement les vendeurs en pharmacie. Il n’est pas rare d’attendre, lors
d’un passage dans une officine pharmaceutique, les vendeurs ou caissières discuter
des maladies des patients, les produits pharmaceutiques qu’ils se procurent, etc. Les
Etats africains devront surtout renforcer la réglementation de cette profession qui
occupe une place importante dans le fonctionnement des officines et qui, par leurs
actes, portent très souvent atteinte aux droits des patients usagers des officines.
1314 Article 11 du décret n°81-039 du 2 février 1981 portant Code de déontologie des pharmaciens au Sénégal 1315 Article 51 loi n°2015-534 portant code de déontologie de la pharmacie en Côte d’Ivoire 1316 LORENZI Jean, Les responsabilités du pharmacien, Paris, Editions Litec, 2002, p. 305 1317 Article 90 de la loi n°2015-534 du 20 juillet 2015 portant Code de déontologie en Côte d’Ivoire 1318 Aussi bien la loi n°65-60 du 21 juillet 1965 portant Code pénal ; Et la nouvelle loi n°2016-29 modifiant la loi de juillet 1965.
381
Les infractions du domaine pharmaceutique pénalement sanctionnées
1088. Certaines infractions spécifiques au domaine pharmaceutique peuvent être
pénalement sanctionnées.
- Délivrer aux patients des médicaments sans AMM
1089. Le pharmacien d’officine ne doit ni avoir, dans son office, ni distribuer des
médicaments qui n’ont pas reçu une autorisation de commercialisation. C’est une
interdiction qui est valable dans la plupart des Etats de l’Union1319. Les différents
droits nationaux prévoient des peines d’emprisonnement et des amendes. Ainsi, la
violation de « l’obligation de délivrance » est une infraction punie d’un
emprisonnement de 15 jours à 6 mois et/ou d’une amende de 100 000 à 500 000 F
CFA en Côte d’Ivoire1320.
- Conclure une convention avec des membres de certaines professions de
santé : le compérage
1090. Le droit burkinabè interdit au pharmacien d’officine d’accorder à un médecin ou
une sage-femme, un chirurgien-dentiste ou une infirmière un bénéfice quelconque
sur la vente de ses produits pharmaceutiques médicamenteux, cosmétiques ou
hygiéniques1321. L’article 388 du CSP du Togo interdit également ce type de
conventions entre un pharmacien et un membre des professions médicales. C’est le
fait, par exemple, pour un médecin d’orienter systématiquement ses patients vers une
officine précise, parce qu’il entretien certaines relations avec le pharmacien
d’officine ou parce qu’il va en tirer un bénéfice. Ce délit est puni d’une amende de
100 000 à 1 000 000 F CFA, et en cas de récidive, d’une amende de 1 000 000 F
CFA à 3 000 000 et/ou d’un emprisonnement de 6 jours à 6 mois en droit burkinabè.
Au Togo, par contre, les amendes sont plus élevées et vont de 500 000 F CFA à
10 000 000 F CFA pour une première infraction et une récidive. Une peine de prison
de 2 mois à 2 ans est également prévue pour les récidivistes.
1319 Article 214 à 218 du CSP du Burkina ; Article 48 du Code de déontologie de la Côte d’Ivoire ; Article 420 du CSP du Togo. 1320 Article 90 de la loi n°2015-534 du 20 juillet 2015 portant Code de déontologie en Côte d’Ivoire. 1321 Article 152 du CSP du Burkina Faso.
382
- Infraction à la réglementation de la publicité
1091. Le pharmacien ne doit pas « présenter un produit-conseil au public de telle manière
que celui-ci soit induit directement ou indirectement en erreur sur ses propriétés ou
la composition qualitative ou quantitative de sa préparation, sur ses avantages ou la
sécurité dudit médicament »1322. L’article 40 de la loi ivoirienne n° 2015-534 du 20
juillet 2015 portant Code de déontologie pharmaceutique interdit au pharmacien
d’être à l’origine d’informations ou publicité mensongères. L’ambiguïté se perçoit
plus nettement quand l’article précise que, lorsque l’information est autorisée, elle
doit être sincère, loyale et formulée avec tact et mesure. Ainsi rédigé, le droit ivoirien
donne l’impression de tolérer toute publicité faite par le pharmacien, tant qu’elle
n’est pas mensongère.
1322 Article 250 du CSP du Burkina Faso.
383
1092. Tableau récapitulatif des infractions et peines dans quelques pays membres de
l’UEMOA
Infractions Pays Peines Textes juridiques
Homicide et blessures involontaires
Burkina Faso 6 mois à 3 ans d’emprisonnement et d’une amende de 250 000 à 2 000 000 FCFA
Article 522-1 de la loi n°025-2018/AN du 31 mai 2018 portant Code pénal
Sénégal 6 mois à 5 ans d’emprisonnement et une amende de 20 000 à 300 000 F CFA
Article 307 de la loi n°65-60 du 21 juillet 1965 portant Code pénal au Sénégal
Côte d’Ivoire Emprisonnement de trois mois à trois ans et d'une amende de 100.000 à 1.000.000 F CFA
Article 353 du Code pénal ivoirien
Violation du secret professionnel
Côte d’Ivoire
15 jours à 6 mois d’emprisonnement + une amende de 100 000 à 50000 F CFA
Article 90 de la loi n°2015-534 du 20 juillet 2015 portant Code de déontologie en Côte d’Ivoire
Burkina Faso 6 mois à 2 ans d’emprisonnement et d’une amende de 500 000 à 5 000 000 F CFA
Article 525-1 de la loi n°025-2018/AN du 31 mai 2018 portant Code pénal
Délivrance des médicaments sans AMM
Côte d’Ivoire 15 jours à 6 mois d’emprisonnement et/ou une amende de 100 000 à 500 000 F CFA
Article 90 de la loi n°2015-534 du 20 juillet 2015 portant Code de déontologie en Côte d’Ivoire
Burkina Faso Une amende de deux cent cinquante mille (250 000) à cinq millions (5 000 000) de Francs CFA et d’un emprisonnement d’un (1) à six (8) mois ou de l’une de ces deux peines seulement
Article 219 de la loi n°23/94/ADP portant CSP
Conclure une convention avec des membres de certaines professions de santé (compérage)
Burkina Faso Amende de 100 000 à 1 000 000 F CFA et en cas de récidive d’une amende de 1 000 000 F CFA à 3 000 000 et/ou d’un emprisonnement de 6 jours à 6 mois
Article 152 du CSP du Burkina Faso
Togo Une amende 500 000 F CFA à 10 000 000 F CFA pour une première infraction et une récidive. Une peine de prison de 2 mois à 2 ans est également prévue pour les récidivistes.
L’article 388 du CSP du Togo
384
c. La responsabilité disciplinaire 1093. La responsabilité disciplinaire est celle qui sanctionne un manquement à une
obligation professionnelle et déontologique du pharmacien inscrit au tableau de
l’Ordre1323. Elle ne concerne donc pas uniquement les pharmaciens d’officines.
Ainsi, ces règles déontologiques s’appliquent aussi bien à l’officinal qu’au
pharmacien fonctionnaire exerçant dans l’administration publique, notamment dans
les ARP. La déontologie est l’ensemble des règles qui régissent la conduite d’un
professionnel vis-à-vis des personnes avec lesquelles il entre en relation, de ses
confères ou de la société1324. La déontologie est une norme juridique visant à
organiser l’exercice d’une profession. Les règles issues de la déontologie
pharmaceutique font partie intégrante du droit positif1325. La sanction des règles
déontologiques est personnelle et ne concerne que le pharmacien en cause. Le fait,
par exemple, pour un pharmacien de se livrer à la pratique de la pharmacie en
violation d’une interdiction temporaire ou définitive de la profession constitue un
exercice illégal de cette profession1326 qui engage sa responsabilité disciplinaire.
1094. La juridiction disciplinaire de l’Ordre est compétente pour prononcer les sanctions
en cas de violation des règles déontologiques. Mais, cela n’exclut pas des poursuites
judiciaires et pénales à engager par les autorités compétentes1327. Au sein de
l’UEMOA, chaque Etat dispose d’un Ordre national des pharmaciens et d’un Code
de déontologie. En Côte d’Ivoire, par exemple, l’ONP est organisé en conseils
centraux, conseils régionaux, avec un conseil national. Ce sont les conseils centraux
qui agissent en organes disciplinaires. La chambre de discipline du Conseil ne peut
être saisie que par le Ministre chargé de la santé, le procureur de la République, du
conseil central de la section concernée, le président du conseil régional ou tout autre
pharmacien. Contrairement à la Côte d’Ivoire, le Burkina Faso permet également au
patient de saisir le conseil régional pour faire constater et sanctionner une faute
professionnelle d’un pharmacien1328. Ce droit ainsi reconnu au patient participe à la
1323 Les cahiers de l’Ordre national des pharmaciens _ juin 2017 n°11, « La responsabilité du pharmacien. De la fabrication du médicament à sa dispensation, agir dans l’intérêt du patient », p. 3 1324 LECA Antoine, Droit pharmaceutique, 7ème édition, LEH Edition, 2013, p. 116. 1325 LORENZI Jean, Les responsabilités du pharmacien, Paris, Editions Litec, 2002, p. 27. 1326 Article 71 al 2 de la loi 2015-533 relative à l’exercice de la pharmacie en Côte d’Ivoire 1327 Article 32 de la loi n°027-2012/AN du 5 juin 2012 portant création, attribution, organisations et fonctionnement de l’Ordre national des pharmaciens du Burkina : « L’exercice de l’action disciplinaire ne fait obstacle : ni aux poursuites que le Ministère public ou les particuliers peuvent intenter devant les tribunaux répressifs conformément au droit commun, ni aux actions civiles en réparation de préjudice causés par un délit ou un quasi-délit » 1328 Article 21 al 1 de la loi n°027-2012/AN du 5 juin 2012 portant création, attribution, organisations et fonctionnement de l’Ordre national des pharmaciens du Burkina : « Le conseil régional peut être saisi par le
385
protection du droit à la santé, car ce sont les personnes qui sont directement
concernées par les manquements aux obligations professionnelles des pharmaciens,
surtout ceux exerçant en officine. Les sanctions généralement prononcées par ces
conseils de discipline sont : l’avertissement, le blâme, l’interdiction temporaire
d’exercer la profession, l’interdiction définitive d’exercer, voire la radiation du
tableau de l’Ordre1329.
1095. Au-delà de la contribution de la mise en œuvre de la responsabilité dans l’application
des règles communautaires pharmaceutiques, d’autres stratégies peuvent permettre
également une telle application et aboutir à une meilleure sécurité des patients et des
systèmes de santé des Etats.
§ II. De la nécessité d’adopter des stratégies permettant une meilleure sécurité des patients et des systèmes de santé des Etats
« Le rudimentaire est souvent inutile ; le complexe presque
toujours inutilisable. Entre les deux : la juste mesure ».1330
1096. Comme l’a si bien précisé Rachel KOUPKO dans sa thèse : « Stresser les
professionnels de santé, de sorte à développer chez eux un réflexe de survie,
condamnerait encore plus la configuration du système de soins déjà précaire »1331.
Cette responsabilité des professionnels de santé doit être strictement encadrée afin
de pas perdre de vue que trop de sanctions à leur égard influencerait les relations
Ministre en charge de la santé, par l’autorité régional, ou provinciale, par le procureur du Faso, par un pharmacien inscrit à l’ordre ou par le patient » 1329 Article 8 de la loi n°2015-535 du 20 juillet 2015 portant organisation de l’Ordre national des pharmaciens de Côte d’Ivoire : « La chambre de discipline peut prononcer, s'il y a lieu, l'une des sanctions suivantes : — l'avertissement ; — le blâme avec inscription au dossier ; — l'interdiction temporaire pour une durée maximum de 5 ans d'exercer la pharmacie ; — l'interdiction définitive d'exercer la pharmacie. Les deux premières sanctions sont assorties de l'interdiction d'appartenir à un organe de l'Ordre pour une durée n'excédant pas 5 ans. Les deux dernières sanctions sont assorties de : — la radiation du tableau de l'Ordre pour la durée de la sanction ; — l'interdiction définitive d'appartenir à un organe de l'Ordre ». Les décisions de la chambre de discipline sont adressées au conseil national de l'Ordre avec ampliation au conseil régional. ; Article 26 de la loi n°027-2012/AN du 5 juin 2012 portant création, attribution, organisations et fonctionnement de l’Ordre national des pharmaciens du Burkina : « Les sanctions disciplinaires que le Conseil peut prendre sont les suivants : l’avertissement et le blâme » et l’article 28 al 3 de préciser que : « La chambre de discipline de l’Ordre est compétente pour prononcer les sanctions suivantes : -l’interdiction temporaire d’exercer une, plusieurs ou la totalité des fonctions de pharmacien conférés ou rétribuées par l’Etat, la région, la province, la commune, les établissements reconnus d’utilité publique, -la radiation du tableau de l’ordre ». 1330 FOUASSIER Eric, « Responsabilité civile liée au médicament industriel : la nouvelle donne. Analyse critique de quelques conséquences de la directive « produits défectueux » du 25 juillet 1985 et du décret du 11 février 1998 relatif aux établissements pharmaceutiques », RDSS, 1998, p. 296. 1331 KOUKPO Sainhounde Rachel, Le droit des produits de santé en Afrique de l’Ouest : le cas du Bénin et du Sénégal, Thèse de droit, Université Montesquieu-Bordeaux IV, Université Cheick Anta Diop de Dakar, Juin 2012, p. 551.
386
entre soignants et soignés. Face à un système de santé africain dominé par
l’ignorance, le manque d’informations, l’analphabétisme, il faut éviter une trop
grande judiciarisation de la profession pharmaceutique qui, somme toute, pourra être
préjudiciable aux patients et faire perdre ainsi l’objectif principal de protection du
patient. Selon Georges HOLLEAUX, « il ne faut pas tout rendre pénal. Il faut être
raisonnable »1332. Il faut, certes, réparer les dommages causés par un manquement
d’un professionnel de santé, mais il faut surtout les prévenir. Les sanctions ne
peuvent à elles seules permettre cette prévention. Faut-il alors privilégier un régime
de prévention, par responsabilisation des professionnels de santé, plutôt qu’attendre
la commission d’une infraction pour procéder à des sanctions ?
1097. La société africaine peut-elle vraiment fonctionner sans règles de responsabilité ?
1098. Instructions indéterminables, mise en examen multiple, enquêtes judiciaires qui
piétinent, des années de procédures pour aboutir, … peut-être à des annulations, des
non-lieux et des relaxes. De telles procédures sont-elles bénéfiques à un malade qui
a vu sa situation sanitaire se dégrader par la faute d’un professionnel de santé ? En
prenant en compte le contexte des pays africains où la justice est déjà difficilement
accessible, avec une corruption inexplicable, en plus la pauvreté des citoyens qui
peinent déjà à trouver les médicaments adéquats pour se soigner, il faut repenser le
système de sanctions juridiques des professionnels de santé (B). Il est nécessaire au
préalable d’envisager un rapprochement par harmonisation des différentes
responsabilités et sanctions prévues dans les États (A).
A. Harmoniser les responsabilités et les sanctions prévues dans les droits nationaux au niveau communautaire
1099. Ne faut-il pas envisager une harmonisation des responsabilités des professionnels de
santé, en particulier des pharmaciens, dans le cadre communautaire ? Il faut partir
sur la base de principes communautaires en termes de sanctions et laisser ensuite la
latitude aux Etats à travers leurs souverainetés d’adopter les peines correspondantes.
Un espace pharmaceutique intégré, renforcé d’un espace judiciaire intégré, ne
pourrait être qu’un plus pour le processus d’harmonisation en cours.
1332 DE SENNEVILLE Valérie, « Pourquoi les affaires de santé publique sont si dures à juger », Les Echos, 21/03/2013, Disponible sur : https://www.lesechos.fr/21/03/2013/LesEchos/21401-034-ECH_pourquoi-les-affaires-de-sante-publique-sont-si-dures-a-juger.htm
387
1100. Dans l’exposé précédent, le constat principal a été que les sanctions juridiques
prévues dans les Etats en cas de violations du droit national pharmaceutique ont
beaucoup de points communs. Il existe des dénominateurs communs entre les Etats
de l’UEMOA dans le domaine pharmaceutique en ce qui concerne les responsabilités
et les sanctions juridiques applicables dans le domaine pharmaceutique et de la santé
en général. Un rapprochement ou une harmonisation peut donc être envisagée par le
droit communautaire. Aussi, certaines sanctions privatives de liberté et les amendes
infligées se rapprochent beaucoup, à l’exception de la Côte d’Ivoire qui prévoit de
façon générale des amendes plus lourdes en cas de violation du droit pharmaceutique
national. Cependant, une harmonisation partielle peut être faite par l’Union.
L’adoption d’un fondement juridique communautaire de la responsabilité et des
sanctions applicables aux professionnelles en cas d’infraction pourrait contribuer un
tant soit peu à lever les difficultés liées à la mise en œuvre d’une telle
responsabilité1333. Les Etats s’investiraient ainsi plus à contrôler les professionnels
de santé dans leurs activités.
1101. Ainsi, pour mettre en œuvre un tel rapprochement par harmonisation, il serait
intéressant de revoir la politique de l’inspection pharmaceutique dans les Etats (1),
mais aussi tenir compte de la survenue probable de litiges impliquant deux Etats ou
deux citoyens de nationalités différentes (2).
1. Développer le système de l’inspection pharmaceutique
1102. Les pharmaciens inspecteurs sont des acteurs incontournables en matière de santé
publique et de sécurité sanitaire. Ce sont les pharmaciens inspecteurs qui, à travers
leur mission d’inspection, peuvent signaler aux autorités compétentes les violations
au droit national et communautaire pharmaceutique. A travers les activités
d’inspection des services de santé, l’anticipation et la gestion des crises sanitaires
sont possibles.
1103. C’est au travers de l’inspection pharmaceutique également que certains
manquements au droit communautaire et national pourront être constatés, pour ainsi
faire l’objet de sanctions juridiques. La mise en œuvre de la responsabilité des
professionnels de la pharmacie dépend, d’une manière ou d’une autre, de la mise en
œuvre ou non de l’inspection. Mais, le problème principal de l’inspection
pharmaceutique dans la zone communautaire résulte du manque véritable de
1333 Cf. supra., § 290-294.
388
pharmaciens inspecteurs dans les ARP. Cela suppose aussi que les pharmaciens
inspecteurs soient dotés des pouvoirs nécessaires pour exercer leurs activités. Les
pharmaciens inspecteurs des Etats membres de l’Union n’ont cependant pas tous les
pouvoirs adéquats pour exercer leurs missions. Certains sont assermentés et d’autres
non. L’assermentation peut permettre à ces inspecteurs d’avoir des pouvoirs
spécifiques de saisie de documents, pièces et produits, de destruction de produits et
de procès-verbal de constat d’infractions à la législation1334. Ces pouvoirs sont
aujourd’hui indispensables aux inspecteurs dans le domaine pharmaceutique, dans la
mesure où, aujourd’hui, la mission d’inspection doit aller au-delà même de la simple
surveillance de l’application des réglementations pour participer à la mise en place
de la sécurité sanitaire. Au Togo, les pharmaciens inspecteurs sont assermentés. Ils
peuvent de ce fait mettre en œuvre leurs pouvoirs de police pour contribuer à
l’application du droit communautaire pharmaceutique. Le Sénégal a permis
également à ses inspecteurs de prêter serment devant le tribunal civil de leur
résidence. Ce qui leur donne la possibilité de saisir directement le procureur de la
République en cas de constat d’un fait susceptible de poursuites pénales1335.
1104. Au Burkina Faso, il y a 3 inspecteurs à l’ANRP. Pour pallier le nombre insuffisant,
une politique de déconcentration de l’inspection a été mise en place. Ainsi, au sein
des directions régionaux pharmaceutiques, des pharmaciens sont choisis pour être
formés à l’inspection. Des grilles communes d’inspection sont mises à leur
disposition. Ils établissent des rapports périodiques au profit du service d’inspection
de la DCARP1336.
1105. Il faut également harmoniser les responsabilités et les sanctions, car, il y a beaucoup
de mouvements de citoyens d’Etat à Etat. Un litige peut donc survenir entre des
citoyens de nationalité différente.
2. Le phénomène du droit international privé
1106. Le droit international privé permet de résoudre les problèmes juridiques qui
comportent des éléments d’extranéité dans les rapports entre les personnes
1334 CORMIER Maxence, « L'assermentation des fonctionnaires et agents de l'Etat et des agences sanitaires », RDSS, 2008, p.1. 1335 Direction de la pharmacie et des laboratoires (DPL), « Bulletin d’Information Pharmaceutique (BIP) », Sénégal, Edition n°01, février 2011, p. 5. 1336 Entretien le 17 juillet 2018 avec Dr. Casimir SAWADOGO, chef du service inspection pharmaceutique de la DCARP du Burkina Faso.
389
privées1337. C’est l’ensemble des règles juridiques applicables dans les relations
internationales1338. En harmonisant les réglementations pharmaceutiques des Etats
membres et prônant une libre circulation des pharmaciens et des personnes dans
l’Union économique, l’UEMOA doit ainsi tenir compte de la survenance éventuelle
d’un litige mettant en cause deux Etats membres et des citoyens de nationalités
différentes concernant, par exemple, la vente d’un médicament par un pharmacien
établi dans un autre pays de l’Union. Lorsque l’activité pharmaceutique dépasse les
frontières d’un seul Etat membre de l’Union, par quel droit cette activité sera régie ?
De cette activité peut naître un contentieux juridique : il faudra déterminer la
juridiction que le patient victime pourra saisir. Compte tenu du mouvement des
populations, de la liberté de circulation des personnes et même du droit
d’établissement des pharmaciens dans un Etat membre de l’Union, il est indéniable
que des rapports internationaux peuvent naître entre les personnes. « Aucun peuple
ne vit ni ne peut vivre entièrement replié sur son territoire, enfermé dans des murs
dépourvus de portes »1339. Pour pouvoir instaurer un système de santé efficace et
sécurisé, un Etat ne peut s'isoler. En effet, les enjeux économiques, juridiques,
sanitaires et politiques liés au domaine de la santé concernent tous les Etats. Il faut
donc une collaboration des Etats tendant à un rapprochement de leurs
réglementations pharmaceutiques.
1107. Ainsi, compte tenu du principe de libre circulation des personnes au sein de
l’UEMOA 1340, voire du droit d’établissement des pharmaciens dans un Etat membre
de l’Union, la question d’un litige international ayant pour objet un médicament à
usage humain n’est pas anodine. Gérard NGOUMTSA ANOU l’a si bien précisé
dans sa thèse : « La société internationale est organisée en Etats indépendants et
souverains, dont chacun est doté de ses propres règles juridiques, mais l’activité
humaine ne s’enferme pas toujours dans les limites territoriales d’un Etat ».
Imaginons que Monsieur X, de nationalité burkinabè, est envoyé par son entreprise
en mission consécutivement au Sénégal et en Côte d’Ivoire. Monsieur X, arrivé sur
le territoire sénégalais, se procure un médicament antipaludique auprès d’un
pharmacien. Il achève son traitement sur le sol ivoirien, compte tenu de son
1337 COURBE Patrick, Droit international privé, Paris, Editions Dalloz, 2003, 2ème édition, p. 1 1338 LOUSSOUARM Yvon, BOUREL Pierre, Droit international privé, Paris, Editions Dalloz, 2001, 7ème édition, p. 1. 1339 Ibid. 1340 Article 4, c) du Traité de l’UEMOA.
390
calendrier. Et, Monsieur X succombe malheureusement sur le sol ivoirien des suites
de sa maladie, parce que le médicament antipaludique qu’il a acheté n’était plus
recommandé par le projet de lutte contre le paludisme. Quelle est la juridiction
compétente : sénégalaise ? burkinabè ? Ou ivoirienne ? Quel est le droit applicable ?
Sans oublier aujourd’hui que le droit d’établissement des pharmaciens a permis à des
pharmaciens de s’installer dans d’autres pays membres de l’Union économique que
leur pays d’origine. De la réponse à toutes ces questions dépendra les sanctions
juridiques qui seront appliquées.
1108. Il faut également tenir compte du fait que les systèmes d’assurance maladie sont en
plein essor dans les différents Etats. Le problème de la mobilité des patients au sein
de l’Union se posera. Au Burkina Faso, il existe des assurances dans le domaine de
la santé, couvrant les patients dans l’espace UEMOA et parfois dans la zone
CEDEAO. Certains patients également se rendent dans d’autres pays de l’Union pour
obtenir des soins ou des méthodes qui ne sont pas disponibles dans leurs pays
d’origine.
1109. Toutefois, à défaut de pouvoir réellement harmoniser les droits nationaux des Etats
membres dans le domaine des sanctions en droit pharmaceutique, le droit
communautaire pourrait néanmoins exercer une influence sur les droits nationaux
des Etats quant à leur convergence et à l’application des sanctions juridiques dans le
domaine pharmaceutique. Aussi, le droit communautaire peut prendre des mesures
pour atténuer les divergences entre les Etats membres. Cela pourrait se faire en
définissant les comportements à sanctionner par le droit national, par exemple. Sans
oublier qu’il devrait inciter chaque Etat à créer des maisons de justice et de droit, des
bureaux d’accueil et de renseignements en droit de la santé. Cela permettra de fournir
aux justiciables des informations juridiques justes et adéquates.
1110. D’autres stratégies peuvent également permettre de résoudre partiellement les
difficultés inhérentes à la justice étatique.
B. Propositions pour remédier aux difficultés liées à la mise en œuvre de la responsabilité dans le domaine de la santé et pour développer le droit des patients
1111. A défaut de pouvoir mettre en œuvre efficacement la responsabilité des
professionnels de santé, il faudra envisager des stratégies de responsabilisation de
ces professionnels (1), la mise en place d’un système de règlement extra-judiciaire
391
des litiges (2) et enfin, l’instauration d’action de groupe contre les professionnels de
santé (3).
1. La responsabilisation : une solution appropriée
1112. Il est nécessaire, dans le contexte africain, de lier les notions de responsabilité et de
responsabilisation des professionnels de la santé. Responsabilité et
responsabilisation sont pourtant deux notions différentes. Responsabilité implique
l’idée d’une personne responsable ; celle qui répond du dommage qu’elle a causé, de
la faute qu’elle a commise ou du crime dont elle est accusée1341. La
responsabilisation implique par contre l’idée de responsabiliser ; donc le fait de
« rendre quelqu’un, un groupe, conscient de ses responsabilités »1342. C’est un
concept moralisateur1343, une responsabilité morale qui consiste à faire prendre
conscience aux professionnels de la santé de l’importance de leurs activités en termes
de sécurité du système de santé. La responsabilité implique l’hypothèse dans laquelle
un professionnel de santé peut voir sa responsabilité engager. Par contre, la
responsabilisation viserait à une prise de conscience des professionnels de santé
qu’ils sont garants de la « vie des citoyens » et qu’ils pèsent sur eux une obligation
de contribuer à préserver la vie. Redonner d’une certaine manière le sens du service
public à ceux exerçant dans les établissements de santé publics. Le but étant de
transformer le comportement des acteurs intervenant dans le domaine de la santé.
Laisser une femme en travail sans soins ou la faire descendre de la table
d’accouchement et la référer parce que considérée comme « récalcitrante » sont des
types de comportements qui interpellent quant à l’existence même d’une certaine
conscience professionnelle chez les agents de santé. Il faut donc comprendre qu’en
plus des sanctions juridiques, il faut élaborer des stratégies de responsabilisation de
ces professionnels. Le pharmacien d’officine, par exemple, exerce une profession
libérale qui repose sur son indépendance et qui n’obéit véritablement qu’à sa
conscience. Raison de plus de lui faire prendre conscience des conséquences pouvant
résulter de ses actes et de la nécessité de respecter les obligations résultant d’un bon
exercice de la profession.
1341 ALLAND Denis, RIALS Stéphane, Dictionnaire de la culture juridique, Puf-Lamy, Paris, 2003, PUF, voir Responsabilité, p. 1341. 1342 http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/responsabiliser/68693 1343 LAUDE Anne, « Le patient entre responsabilité et responsabilisation », Les Tribunes de la santé, 2013/4 (n° 41), p.79.
392
1113. Sans doute, faudrait-il tenir compte que pour responsabiliser ces professionnels du
domaine pharmaceutique il ne suffira pas de passer « de la soft law à la hard
law »1344. Lorsqu’un professionnel de la santé fait l’objet de poursuites judiciaires, il
sera affecté aussi bien professionnellement que personnellement. Et, ce constat n’est
pas différent lorsqu’il s’agit d’un citoyen lambda qui a commis une infraction.
Guillaume ROUSSET disait ceci : « Tout acte fautif doit induire une responsabilité,
sans que cela ne révèle une dérive procédurière et abusive »1345. Mais, la crainte
dans le domaine sanitaire et pharmaceutique, c’est que cette judiciarisation de la
profession pourrait affecter l’état de santé des populations africaines, qui ont une
situation sanitaire déjà précaire. La peur est d’assister à une « pharmacie défensive »,
à l’image de la « médecine défensive » ; d’autant plus qu’il existe dans les Etats de
l’Union une pénurie de personnel de santé1346, par manque de personnes formées
dans ces domaines, la fuite des cerveaux vers des pays plus développés, le
vieillement et décès de ceux exerçant déjà dans le domaine.
1114. Mais, il faut aussi être réaliste et tenir compte de quelques spécificités liées au
contexte africain. Il faut ainsi tenir compte de la surcharge de travail des
professionnels de santé, parfois en sous-effectif, mais aussi que certains d’entre eux
travaillent parfois sans un minimum de matériel sanitaire nécessaire1347.
1115. Les sanctions, surtout pénales, sont lourdes, et les procédures judiciaires y afférentes
longues. Et vu le système sanitaire précaire dans les Etats de l’Union, où la sécurité
sanitaire peine à se concrétiser, les sanctions juridiques sont d’une certaine manière
inappropriée dans le droit de la santé africain.
1116. Somme toute, déjudiciariser les litiges résultant du domaine pharmaceutique pourrait
également être une alternative au non-recours à la justice dans ces types de litiges.
2. Mettre en place un système de règlement extrajudiciaire des litiges pharmaceutiques
1117. Les affaires d’atteinte au droit de la santé d’un citoyen font rarement l’objet de
poursuites judiciaires dans les Etats d’Afrique francophone. Les parties négocient
1344 DELMAS-MARTY Mireille, Résister, responsabiliser, anticiper, Paris, Editions du Seuil, 2013, p. 150 1345 ROUSSET Guillaume, « La judiciarisation de la santé : De l’autre côté du miroir », in DUGUET Anne-Marie, Le droit de la santé et la justice, Conférence internationale, VIIe Forum des jeunes chercheurs, Ecole Européenne d’Eté de droit de la santé et éthique biomédicale, atelier de droit médical, Bordeaux, Editions Les Etudes Hospitalières, 2012, p. 51. 1346 GALLIAS Carlone, « les ressources humaines en santé dans les pays en développement », Solthis, Sciences po., 26 janvier 2010, p. 4. 1347 Nous soulignons ces faits, suite à l’observation dans les centres de santé au Burkina Faso.
393
généralement afin de trouver une solution à l’amiable. Le constat majeur est donc la
difficile condamnation judicaire des professionnels de santé. Aussi, la situation
financière de bon nombre de citoyens dans les Etats membres de l’UEMOA ne leur
permet pas d’attendre des procédures judiciaires longues et pénibles. C’est
finalement le système judiciaire, par sa lourdeur, sa lenteur et les corruptions1348, qui
ne favorise pas les poursuites judiciaires, surtout dans le domaine de la santé. Que
faut-il faire ? Ne rien faire développera les attitudes de non-recours à la justice. Ne
faut-il pas en plus de l’idée de responsabilisation de ces professionnels instaurer des
modes alternatifs de règlement des litiges dans le domaine sanitaire et
pharmaceutique dans ces Etats ? La santé est un domaine très sensible aussi bien
pour les malades que les professionnels de santé, qui privilégient généralement la
discrétion plutôt que la médiatisation des problèmes qui en résultent. Donc, il est
nécessaire, surtout dans le contexte africain, d’envisager la mise en place des modes
alternatifs de règlement des litiges qui permettraient de résoudre les conflits entre
professionnels de santé et patients en dehors d’un prétoire. L’idée n’est pas de
contourner la justice étatique, mais plutôt de résoudre différemment les litiges du
droit pharmaceutique.
1118. Les modes alternatifs de règlement des litiges tels que la conciliation1349, la
médiation et l’arbitrage1350 peuvent être envisagés. La médiation fait intervenir un
tiers au litige qui doit régler ledit litige en substituant à la situation conflictuelle à
une solution consensuelle. Il ne se limite donc pas uniquement à séparer les
antagonistes, mais recherche une solution adéquate à leur différend, sans pouvoir
leur imposer cette solution1351. La conciliation, quant à elle, permet de rechercher un
règlement amiable d’un différend qui peut soit être conduite par un juge, soit un
conciliateur de justice, soit par un particulier1352. La conciliation et la médiation
1348 En 2017, plusieurs magistrats ont été condamnés pour corruption au Burkina Faso 1349 La conciliation, selon Gérard CORNU, est un accord par lequel deux personnes en litige mettent fin à celui-ci soit par des transaction, soit par abandon unilatéral ou réciproque de toute prétention ; Cf. CORNU Gérard, « Vocabulaire Juridique », Association Henri Capitant, Paris, Editions presses universitaire de France, 11ème édition, janvier 2016. 1350 L’arbitrage désigne l’institution par laquelle un tiers règle le différend qui oppose deux ou plusieurs parties, en exerçant la mission juridictionnelle qui lui a été confiée par celles-ci. C’est aux parties de choisir un tiers qu’elles feront juge et dont elles acceptent par avance la sentence. Cf. ALLAND Denis, RIALS Stéphane, « Dictionnaire de la culture juridique », Lamy, PUF, Paris, 2003, V. Responsabilité, V. Arbitrage, p. 76 1351 ALLAND Denis, RIALS Stéphane, « Dictionnaire de la culture juridique », Lamy, PUF, Paris, 2003, V. Médiation, pp. 1009-1010. 1352 CABRILLAC Rémy (dir.), « Dictionnaire du vocabulaire juridique » Paris, LexisNexis, 8ème édition, 2017, V. Conciliation, p. 129.
394
peuvent jouer un rôle plus réel dans les sociétés africaines que la mise en œuvre de
sanctions juridiques à l’encontre des professionnels de la santé. L’arbitrage est
particulier, dans la mesure où il renferme un caractère juridictionnel du pouvoir de
l’arbitre qui dit le droit ; et donc tranche le litige comme le ferait dans ce cas un
juge1353. Aussi, les parties doivent prévoir d’un commun accord de soumettre le litige
à l’arbitrage par une convention antérieure (la clause compromissoire) ou par une
convention postérieure au litige (le compromis)1354. Cette dernière caractéristique
peut cependant rendre délicat l’usage de l’arbitrage dans le domaine de la santé,
particulièrement en pharmacie. La médiation dans le domaine de la santé, par
exemple, se développe dans certains pays : Canada, Belgique, Japon, etc1355.
1119. Au niveau national, chaque Etat pourrait mettre en place une commission nationale
qui sera chargée de recevoir et d’examiner les plaintes des patients en cas de
désaccord avec un professionnel de santé ou des conflits relatifs à la sécurité des
patients, à leurs droits, à la déontologie. Dans le cadre, par exemple, d’une erreur de
délivrance d’un médicament qui n’as pas été utilisé par le patient. Si cette erreur n’a
pas occasionné un dommage corporel et, si les parties le souhaitent en cas de plainte
du malade, le litige pourrait faire l’objet d’un règlement par des modes
extrajudiciaires. Au Burkina Faso, il existe déjà le Centre d’Arbitrage, de Médiation
et de Conciliation de Ouagadougou (CAMC-O), créé en janvier 2011 par la Chambre
de commerce et d’industrie du Burkina (CCI-BF)1356. Depuis sa mise en activité
réelle en 2007, le centre enregistre une importante demande dans le domaine de
l’arbitrage, la médiation ou la conciliation. Il est dommage de constater que son
intervention s’est limitée jusque-là à des domaines beaucoup plus économiques1357.
1120. Au niveau communautaire, l’UEMOA pourrait mettre en place une commission
communautaire qui coordonnera les activités des commissions nationales et qui sera
1353 ALLAND Denis, RIALS Stéphane, Dictionnaire de la culture juridique, Paris, Lamy, PUF, 2003, V. Responsabilité, V. Arbitrage, p. 76. 1354 Cf. PALGO Diane Horélie, L’arbitrage dans le système de règlement des litiges de l’OMC, Mémoire droit des affaires internationales, Université de Bourgogne, 2011, disponible sur www.memoireonline.com 1355 GIBELIN Anne, La médiation en santé : contribution à une étude des conflits et des différends dans la relation de soins, Thèse de droit, Université Montpellier, 2015, p. 109, § 202. 1356 BOLI/DJIBO Bintou, « Aperçu sur une institution de gestion des Modes Alternatifs de Règlement des Litiges (MARL) : Le Centre d’Arbitrage, de Médiation et de Conciliation de Ouagadougou (CAMC-O) », Revue de l’ERSUMA, Droit des affaires et pratique professionnelle, n° 01 juin, 2012, p. 498. 1357 Commerce, Services, Banques, BTP, social, immobilier, mine, Transport, Télécommunication, Assurances, in BOLI/DJIBO Bintou, « Aperçu sur une institution de gestion des Modes Alternatifs de Règlement des Litiges (MARL) : Le Centre d’Arbitrage, de Médiation et de Conciliation de Ouagadougou (CAMC-O) », op.cit., p. 500.
395
compétente pour connaître des litiges qui impliqueront des professionnels et des
patients de nationalités différentes ; donc, une autorité unique qui va centraliser les
demandes au niveau des Etats. Dans ce cas, chaque structure étatique sera
compétente pour certains litiges préalablement définis. Les cas les plus importants
feront l’objet de poursuites devant l’autorité communautaire pour établir la faute
professionnelle, exercer une tentative de conciliation ou de médiation. Lorsque la
faute professionnelle a pu entraîner le décès ou occasionner des dommages corporels
qui vont conduire à une incapacité totale ou partielle de travail, aucune conciliation
ou médiation ne serait possible. L’Autorité étatique chargée du règlement
extrajudiciaire des litiges dans le domaine de la santé pourrait transmettre les dossiers
directement aux autorités judiciaires compétentes. Le niveau communautaire ne sera
compétent que lorsque le litige aura un élément extraterritorial ; lorsque les parties
sont de nationalités différentes ou lorsque les faits se sont déroulés sur le territoire
d’un Etat membre. Organiser ce type de procédures au niveau communautaire sera
plus intéressant. Ainsi, l’organe communautaire chargé du règlement extra-judiciaire
des litiges dans le domaine de la santé, en général, et pharmaceutique, en particulier,
va réunir les compétences les plus qualifiées dans ce domaine. Ce qui permettra
également de palier les manques de compétences juridiques dans les Etats membres
pour résoudre ces questions. En France, par exemple, la Commission de conciliation
et d’indemnisation (CCI), l’ONIAM s’inscrit dans cette optique1358.
1121. Les citoyens ouest-africains adhéreront plus facilement à ces modes de règlement
extrajudiciaire, car dans la culture africaine, il faut toujours privilégier la conciliation
et la médiation que d’engager des poursuites judiciaires à l’encontre d’une personne.
1122. Une autre alternative aux difficultés de la justice étatique est de mettre en place des
« actions de groupe » dans le domaine de la santé.
3. L’institution des class actions 1123. La class action est une notion ancienne qui vient de la Common Law. C’est une
procédure qui permet l’exercice groupé d’une action en défense de droits
individuels1359. L’action de groupe pourrait permettre d’inciter les victimes à exercer
1358 ROUSSET Guillaume, « La judiciarisation de la santé : De l’autre côté du miroir », in DUGUET Anne-Marie, Le droit de la santé et la justice, Conférence internationale, VIIe Forum des jeunes chercheurs, Ecole Européenne d’Eté de droit de la santé et éthique biomédicale, atelier de droit médical, Bordeaux, Editions Les Etudes Hospitalières, 2012, p. 50. 1359 MAGNIER Véronique, L’opportunité d’une action de groupe en droit des sociétés, Paris, Presses Universitaire de France (PUF), Collection CEPRISCA, 2004, p. 5.
396
une action en justice. Cela permettrait par la même occasion d’apporter des solutions
étatiques à des dommages fréquents, dans la mesure où plusieurs personnes seront
concernées. Il sera ainsi possible d’identifier les professionnels de santé qui
manquent à leurs obligations légales et même d’exercer à leur encontre, à la suite de
l’action civile, une action disciplinaire.
1124. Dans le contexte africain, cela permettrait aux victimes d’avoir moins peur de la
justice et surtout de pouvoir partager les charges du procès entre plusieurs personnes.
Ce qui permettra de relancer l’activité jurisprudentielle des juridictions étatiques
dans le domaine de la santé. En matière de preuve, une seule expertise sera
suffisante1360. Ce qui constitue un avantage non négligeable. L’institution des actions
de groupe en droit de la santé se développe à travers le monde. En France, la loi
n°2016-41 du 26 janvier 2016 sur la modernisation de la justice du XXIème siècle a
étendu les actions de groupes aux dommages corporels en matière de santé. Ainsi,
l’Association des parents d’enfants souffrant du syndrome de l’anticonvulsivant
(APESAC) a intenté la première action de groupe en santé contre les dommages
causés par un médicament à base de Valproate de Sodium1361.
1125. En Italie, la Cour d’Appel (CA) de Milan a rendu, le 16 juillet 20131362, un arrêt
exemplaire à l’occasion d’une action de groupe. Une Association de protection des
consommateurs, le Codacons, a intenté une action de groupe contre une industrie
pharmaceutique (la Voden Medical Instruments) pour publicité trompeuse et pour
avoir commercialisé un produit censé diagnostiquer la grippe A avec une probabilité
de 100 %. La société a été condamnée pour pratiques commerciales incorrectes à
rembourser le prix d’achat du test à tous les consommateurs ayant adhéré à l’action
de groupe et démontré qu’ils ont effectivement acheté le test1363. Ces décisions
pourront inspirer les pays de l’UEMOA dans leurs réflexions sur l’institution de ce
genre d’actions de groupe dans le domaine de santé ; action qui sera un grand pas
pour les droits des patients dans toute la sous-région ouest-africaine. Pour ce faire, il
faut commencer par adopter un fondement juridique pour ce type d’actions de groupe
1360 LAUDE Anne, « L'action de groupe en santé, à l'épreuve de sa complexification », Recueil Dalloz, 2017, p. 412. 1361 Ibid. 1362 Milan, 16 juill. 2013, n° 3074/2012 et n° 3431/2012, Codacons c/ Voden Medical Instruments SPA 1363 LAFFAILLE Franck, « « Class action » de droit italien : condamnation d'une entreprise pharmaceutique », Recueil Dalloz, n°36/7573, 2013, p. 2456.
397
dans chaque Etat membre. Ce n’est qu’après l’opérationnalisation de cette option au
niveau national qu’il sera judicieux de l’élargir au niveau communautaire.
398
CONCLUSION DU CHAPITRE
1126. Pour remédier aux difficultés liées à la saisine des juridictions étatiques par les
patients, il faut surtout procéder à une « éducation pharmaceutique » de la population
ouest-africaine sur l’importance du médicament, leurs droits, les voies de droit qui
leur sont ouvertes en cas d’infractions commises par un professionnel de la santé,
afin qu’elles ne prennent plus pour de la fatalité les dommages qu’elle aura subis
dans les services de santé et les officines. Le comparatiste René DAVID affirmait
déjà 1982, parlant de la législation africaine, que « l’application des lois, à laquelle
on tend, est conditionnée par l’existence de documents complémentaires, manuels
élémentaires, circulaires et instructions, rédigés en vue de faire connaître le droit à
un public de non-juriste : autorités chargées de l’application des lois à l’échelon
local ou même citoyens, en général »1364.
1127. Le manque de jurisprudence empêche également le droit pharmaceutique sous-
régional des Etats de l’UEMOA d’évoluer. En Europe, c’est précisément la
jurisprudence qui a fait évoluer le droit de la responsabilité. En droit français et belge,
par exemple, la jurisprudence a permis de résoudre le problème de l’exigence de la
preuve d’une faute en admettant que la mise en vente d’un produit défectueux était
susceptible de constituer une faute délictuelle à l’égard des tiers1365.
1364 DAVID René, « Observations critiques sur les possibilités et les limites de la législation dans les pays africains », in DAVID René, Le droit comparé, droits d’hier, droits de demain, Paris, Economica, 1982, p. 254. 1365 BORGHETTI Jean-Sébastien, La responsabilité du fait des produits, Etude de droit comparé, Paris, LGDJ, 2004, 208, § 211.
399
CONCLUSION DU TITRE
1128. Somme toute, ce sont les données comparatives des différents droits nationaux qui
permettront de trancher véritablement en faveur de l’une ou l’autre moyen
d’intégration juridique. Pour paraphraser Mireille DELMAS-MARTY, « …on peut
observer comment la construction européenne va de la juxtaposition à
l’harmonisation, puis de l’harmonisation à l’unification »1366. Une uniformisation
n’est pas impossible et une unification de tout le droit pharmaceutique deviendrait
délicate. Ainsi, il est essentiel que la doctrine, les Etats, les institutions
communautaires parviennent à comprendre les différentes approches possibles de
l’intégration juridique des réglementations pharmaceutiques des Etats membres. Il
ne faut pas non plus confondre totalement les termes qui pourraient influencer
l’application du droit communautaire dans les droits internes. Faisons nôtres les
propos de Véronique MAGNIER qui pourrait trouver application dans le cas
d’espèce : « … Il est permis de penser que c’est au cas par cas que l’on décidera si
l’unification de telle règle est possible ou si une coordination ou une harmonisation
des fondements est préférable »1367. L’objectif à travers ces remarques et
propositions est de les soumettre à discussion de la doctrine juridique africaine afin
qu’elle puisse contribuer à l’instauration d’une sécurité sanitaire dans la sous-région
ouest-africaine.
1129. La plupart des droits ont développé un régime spécial de responsabilité du fait des
produits. Mais, les Etats de l’UEMOA n’ont toujours pas mis en place un tel régime
spécial pourtant nécessaire pour une meilleure protection des patients. Les Etats de
l’Union gagneront donc à s’ouvrir au droit comparé. Ce droit comparé permet de
faire évoluer les droits, les concepts et les notions de droit. En permettant une
meilleure connaissance du droit étranger, le droit comparé contribue
indispensablement à la résolution de conflits en matière de droit international privé.
L’ouverture des Etats africains aux droits étrangers constituera un atout non
négligeable pour le droit communautaire lui-même. Mais, la mise en place d’une
responsabilité du fait des produits défectueux, comme c’est le cas dans l’Union
1366 DELMAS-MARTY Mireille, « Le phénomène de l’harmonisation : l’expérience contemporaine » in FAUVARQUE-COSSON Bénédicte (dir.), Pensée juridique française et harmonisation européenne du droit, Volume 1, Paris, Société de législation comparée, 2003, p. 49. 1367 MAGNIER Véronique, Rapprochement des droits dans l’Union Européenne et viabilité d’un commun des sociétés, LGDJ, Paris, 1999, p. 54, § 146.
400
européenne, n’est peut-être pas idéal pour les Etats de l’UEMOA. En effet, fonder la
responsabilité des pharmaciens-fabricants sur une responsabilité sans faute peut
conduire à réduire les investissements des fabricants de produits pharmaceutiques
dans la zone communautaire.
1130. Aujourd’hui, il faut faire face à l’évolution des pratiques pharmaceutiques. Avec
l’avènement des nouvelles technologies, la gestion des officines, la vente et l’achat
des produits ont considérablement évolués dans les Etats de l’Union. Les officines
pharmaceutiques utilisent des logiciels de gestion pour leurs stocks et pour la vente
des produits pharmaceutiques. La vente de médicaments sur internet va toucher les
pays africains, vu le développement des TIC ces dernières années.
1131. Un tel constat impose donc l’adoption de nouvelles incriminations dans le domaine
pharmaceutique.
401
CONCLUSION GENERALE
1132. Le rapprochement des réglementations pharmaceutiques des Etats de l’UEMOA est
pertinente et importante, compte tenu des enjeux liés à ce secteur dans la zone : un
marché illicite qui ne cesse de s’accroître, l’absence quasi-totale d’une production
pharmaceutique, le lien intrinsèque entre développement économique et protection
de la santé, etc. Ainsi, rapprocher par harmonisation les normes permet de mettre en
place une réelle collaboration en réalisant un nivellement par le haut de leurs normes
pharmaceutiques. Ce qui aboutira à des systèmes de santé plus efficaces et protégera
les populations qui se déplacent beaucoup d’Etat à Etat ; un phénomène favorisé par
la libre circulation prévue par le Traité de Dakar. Cependant, ce rapprochement par
harmonisation comporte certaines limites qui nécessitent de revoir le choix du moyen
d’intégration juridique ; et de mettre en place de nouvelles stratégies en vue d’une
meilleure effectivité de la norme communautaire. Pour ce faire, il faut unifier certains
aspects du domaine pharmaceutique, et harmoniser ce qui ne peut être unifié. La mise
en place d’un tel rapprochement hybride requiert le recours au droit comparé et à la
doctrine juridique qui permettra de mieux connaître le droit de chaque Etat. Cela,
sans oublier qu’il faut une volonté politique par un réel transfert de souveraineté par
les Etats. Observons à ce titre que parmi les thèmes à harmoniser, il y a la
responsabilité, qui constitue un levier pouvant contribuer à faire progresser les règles
de santé publique.
1133. En somme, pour une concrétisation de la sécurité sanitaire, les Etats africains doivent
s’impliquer davantage : mettre en place un mécanisme de suivi des progrès
accomplis chaque année dans le domaine de la santé. Sans un tel mécanisme, les pays
africains travaillent toujours « en reculant », comme c’est le cas de nos jours. Comme
on le dit souvent, on a l’impression « qu’ils tournent en rond ».
1134. Ce serait peut-être trop osé, mais il faut souligner que, comme l’a si bien précisé
Gérard MEMETEAU, « celui qui finance oriente l’action ; celui qui paye
contrôle »1368 . C’est très souvent le cas dans les institutions régionales africaines,
voire dans les droits internes des Etats. Les Etats africains, quoi que regroupés dans
une organisation, reçoivent parfois des aides extérieures pour l’accomplissement de
1368 Gérard MEMETEAU, « L’unification du droit médical en Europe ? », RGDM, n°07/2008, p. 135.
402
leurs actions. Ce qui conduit parfois à limiter leurs décisions dans l’orientation de
leurs actions et le choix des domaines prioritaires. L’aide institutionnelle extérieure
participe au mouvement de « codification du droit africain »1369. Ce qui est important
à souligner, c’est que cette aide influence les intégrations normatives dans le domaine
de la santé, qui vont généralement dans le sens de l’unification de la législation
sanitaire internationale. Ces aides influencent fortement les mouvements
d’harmonisation du droit pharmaceutique en plein émergence sur le continent. Elles
peuvent prendre la forme technique, financière ou juridique1370. Il faut donc convenir
avec Michel BELANGER que le droit africain de la santé « subit ainsi de multiples
influences, ce qui réduit d’autant sa spécificité »1371.
1135. L’Etat régalien n’existe plus. Les Etats ont perdu leur pouvoir régalien. Pourtant, si
le pouvoir des Etats n’est pas restitué, les lois internes, comme le droit
communautaire d’ailleurs, resteront lettre morte aussi bien au niveau des structures
administratives qu’auprès des citoyens.
1136. L’harmonisation du droit pharmaceutique doit donc être une priorité. Elle ne doit pas
être seulement un moyen de mise en œuvre des autres politiques de l’Union
(politiques économiques et monétaires). Elle doit être un objectif prioritaire. Sur ce
plan, l’Union doit changer sa perspective. Le débat sur les aspects juridiques relatifs
au rapprochement des législations pharmaceutiques est donc ouvert, et il faut espérer
que la doctrine nourrira de l’engouement pour ce débat ci-nécessaire pour la réussite
et la concrétisation du rapprochement du droit pharmaceutique au travers de ses
méthodes d’intégration, des instruments juridiques, voire des institutions qui en ont
la charge.
1137. Au stade actuel du processus d’harmonisation, il est possible d’ores et déjà de
souligner que c’est encore un vaste chantier dont il mériterait de revoir la fondation
afin de poser, dès le départ, des bases solides qui permettront ainsi à ce bâtiment
futur de résister aux vents et marées.
1138. Le rapprochement des réglementations pharmaceutiques dans la sous-région ouest-
africaine est aujourd’hui une nécessité. Et ce rapprochement doit prendre une forme
1369 BELANGER Michel, Eléments de doctrine en droit international de la santé (écrits 1981-2011), Bordeaux, Les Etudes hospitalières, Editions 2012, p. 572. 1370 BELANGER Michel, Eléments de doctrine en droit international de la santé (écrits 1981-2011), Bordeaux, Les Etudes hospitalières, Editions 2012, p. 572. 1371 BELANGER Michel, Eléments de doctrine en droit international de la santé (écrits 1981-2011), Bordeaux, Les Etudes hospitalières, Editions 2012, p. 572.
403
qui puisse mettre en place dans les Etats des règles identiques. Il faut arriver à aller
au-delà de la simple équivalence pour certains aspects du domaine pharmaceutique.
Pour cela, il est essentiel que la doctrine et les Etats, les institutions communautaires
parviennent à comprendre les différentes approches possibles du rapprochement
juridique des droits des Etats membres ; A ne pas confondre totalement les termes
qui pourraient influencer l’application du droit communautaire dans les droits
internes.
1139. Aujourd’hui, la capacité d’autocritique de l’UEMOA sur son processus
d’harmonisation des réglementations pharmaceutiques et sa capacité à revoir le choix
de ses instruments juridiques en matière d’intégration normative constituent un enjeu
majeur pour une sécurité des systèmes de santé1372.
1372 Cf. MASAMBA Roger, « Réflexion pour une meilleure application substantielle du droit OHADA », Colloque Le système juridique de l’OHADA et l’attractivité économique des Etats parties 20 ans après : bilans et défis à relever, Association pour l’Efficacité du Droit et de la Justice (organisateur), Université Panthéon-Sorbonne, 20 juin 2013, p. 3 : « Le rayonnement mondial que connaît cette organisation, sa crédibilité, sa maturité, ainsi que sa capacité d’autocritique et de relecture, constituent des atouts majeurs pour son avenir ».
404
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La bibliographie reprend uniquement les sources qui ont été les plus utiles et intéressantes pour
la présente recherche. Elle ne comporte donc pas l’ensemble des sources consultées dans le
cadre de cette thèse.
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l’humanité, Université de Bourgogne-Faculté de Droit et de Science politique, 2 juillet 2004,
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PUGET François-Xavier, La falsification de médicaments en droit européen : Etude sur le
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Université d’Evry Val d’Essonne, 2009-2010, 35 p.
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Dictionnaires
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BERTONCINI Yves et al (dir.), « Dictionnaire critique de l’Union Européenne », Paris,
Editions Armand Colin, 2008, 479 p.
CABRILLAC Rémy (dir. ), « Dictionnaire du vocabulaire juridique » Paris, LexisNexis, 8ème
édition, 2017
CORNU Gérard, « Vocabulaire Juridique » Association Henri Capitant, Paris, Editions
presses universitaires de France, 9ème édition, Août 2011
CORNU Gérard, « Vocabulaire Juridique » Association Henri Capitant, Paris, Editions
presses universitaire de France, 11ème édition, Janvier 2016
DEGRYSE Christophe, « Dictionnaire de l’Union européenne », Bruxelles, Editions De
Boeck Université, 3ème édition, 2007
GUINCHARD Serge, DEBARD Thierry (dir.), « Lexiques des termes juridiques », Editions
Dalloz, 2016-2017
SALMON Jean (dir.), « Dictionnaire de droit international public », Bruxelles, Bruylant, 2001
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• BA Ibrahima « Recensement général de la population et de l’habitat 2014-Rapport d’exécution et présentation des principaux résultats », Côte d’Ivoire
• Banque Afrique de Développement (BAD), « Perspectives économiques en Afrique de l’Ouest 2018. Évolution macroéconomique et pauvreté, inégalité et emploi. Marchés du travail et emplois en Afrique de l’Ouest ».
• BERGER M. et al., « Renforcer l'innovation pharmaceutique en Afrique », Conseil de la recherche en santé pour le développement (COHRED), Nouveau Partenariat pour le développement de l'Afrique (NEPAD), 2010.
449
• COULIBALY Boubou, COULIBALY Nouhoum, DIALLO Tidiane, « Pharmaciens d’officine et paludisme au Mali » Rapport final, Janvier 2017, Bamako
• FOFANA / OUEDRAOGO Ramata, IBRIGA Luc Marius (dir.) « Formation des magistrats en Droit public des affaires UEMOA/CEMAC », du 20 au 31 octobre 2008, ERSUMA, Porto-Novo
• Inspection Générale des Affaires Sociales (IGAS), Anne-Carole BENSADON et al., « Enquête sur le Médiator », RM 2011-001P, Rapport définit, Janvier 2011
• COULIBALY Assane, TOUMI Amor, Organisation des Nations-Unies pour le
développement industriel, « Côte d’Ivoire programme d’appui au commerce et à l’intégration régionale (PACIR) Projet d’Amélioration de la compétitivité des entreprises ivoiriennes des secteurs d’exportation non traditionnels », Projet EE/IVC/010/001 étude pour le développement des industries pharmaceutiques locales (ipl) en Côte d'Ivoire, Rapport final, Décembre 2014
• Institut BIOFORCE, « La professionnalisation de la chaine d’approvisionnement des produits de santé en Afrique de l’Ouest », Rapport préliminaire, juillet 2012
• Les actes du Colloque de Ouagadougou sur « L’Application du droit international dans l’ordre juridique interne des Etats d’Afrique francophone », 24-26 juin 2003, les cahiers de l’Association ouest-africaine des hautes juridictions francophones, Rapport Général, pp. 363-384
• Les actes du colloque international de Dakar, « La santé et le droit en Afrique », 29 mars au 1er avril 2000
• Les cahiers de l’Ordre national des pharmaciens, Juin 2017, n°11, « La responsabilité du pharmacien. De la fabrication du médicament à sa dispensation, agir dans l’intérêt du patient »
• MBAYE Amadou Moctar, FOULON Gérard, « Fiscalité des médicaments, consommables et équipements médicaux dans les pays membres de l’UEMOA », 2ème Colloque international sur le financement de la santé dans les pays en développement, Clermont Ferrand, 1er et 2 décembre 2005
• Projet « PALU-PO », « Le rôle des pharmaciens d’officines de Cotonou, Porto Novo, Bamako, Bobo Dioulasso et Ouagadougou dans la lutte contre le paludisme », ReMeD, Restitution finale de l’enquête portant sur la prise en charge du paludisme en officine au Bénin, Burkina Faso et Mali
450
• Rapport de recherche, « Le droit à la santé en Côte d’ivoire : état des lieux », Rapport conjoint de Human Dignity, du Mouvement Ivoirien des Droits Humains et de la Clinique de droit de l’Institut d’Etudes politiques de Paris (Sciences Po Paris), 1 août 2017
• Rapport régional 2017 de la surveillance commerciale dans l’espace UEMOA
• Table ronde, « Une action conjointe contre les faux médicaments en Afrique de l’Ouest », octobre 2011, Ouagadougou-Burkina Faso
• TRACMed, « Renforcement du dispositif de sécurisation de la chaine du médicament-Lutte contre les médicaments falsifiés », Annexe 1 – Plan d’action 13INI203 Pharmacie et Aide Humanitaire (PAH), Initiative 5%
Sites internet
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www.lefigaro.fr
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DOCUMENTS OFFICIELS DES INSTITUTIONS ET DES ETATS
UEMOA
• Traité de l’UEMOA
451
• Règlement n°02/2005/CM/UEMOA relatif à l'harmonisation de la réglementation pharmaceutique dans les Etats membres de l'UEMOA
• Règlement n°06/2010/CM/UEMOA relatif aux procédures d’homologation des produits pharmaceutiques à usage humain dans les Etats membres de l’UEMOA
• Décision n° 06/2010/CM/UEMOA portant adoption des lignes directrices pour l’homologation des compléments nutritionnels dans les Etats membres de l’UEMOA
• Décision n° 07/2010/CM/UEMOA portant adoption des lignes directrices pour l’homologation des produits cosmétiques dans les Etats membres de l’UEMOA
• Décision n°08/2010/CM/UEMOA portant adoption du guide de bonnes pratiques de fabrication des produits pharmaceutiques à usage humain dans les Etats membres de l’UEMOA
• Décision n°09/2010/CM/UEMOA portant adoption du guide de bonnes pratiques de distribution et d’importation des produits pharmaceutiques à usage humain dans les Etats membres de l’UEMOA
• Décision n°10/2010/CM/UEMOA portant adoption des lignes directrices pour le contrôle de l’information et la publicité sur les médicaments auprès des professionnels de la santé dans les Etats membres de l’UEMOA
• Directive n°06/2008/CM/UEMOA relative à la libre circulation et à l’établissement des pharmaciens ressortissants de l’union au sein de l’espace UEMOA
• Rapport régional 2017 de la surveillance commerciale dans l’espace UEMOA, novembre 2017
• Jurisprudence de la Cour de Justice réalisée par le service de documentation de la Cour, Janvier 2018
• Règlement n° 1/96/CM portant Règlement des procédures de la Cour de Justice de l'UEMOA
• Recommandation n° 01/2000/CM/UEMOA relative à la mise en œuvre, dans l'union, d'actions communes en matière de santé
• Protocole additionnel n°01 relatif aux organes de contrôle de l’UEMOA
OMS
• Pour une réglementation efficace des médicaments : que peut faire un pays ? Genève 16-19 mars 1999
• OMS, Médicament contrefait, « Guide pour l’élaboration de mesures visant à éliminer les médicaments contrefaits », WHO/EDM/QSM/99.1, Genève, Suisse, 2000
• Activités de l’OMS dans la Région africaine 2008, AFR/RC59/2, Rapport annuel du Directeur régional à la cinquante-neuvième session du Comité régional de l’Afrique, Kigali, République du Rwanda, 31 août – 4 septembre 2009
• Organisation Mondiale de la Santé, « Santé, population et développement », Conseil Exécutif, Quatre-vingt treizième session, Point 22.2 de l’ordre du jour provisoire. EB93/INF.DOC. /6, 17 décembre 1993
452
• Centres des médias-OMS-Communiqué de presse, « Démence, vaccination, santé des réfugiés, drogues et médicaments falsifiés en discussion à l'Assemblée mondiale de la santé », Soixantième Assemblée Mondiale de la santé, 29 mai 2017/Genève
CEDEAO
• Plan pharmaceutique régional de CEDEAO (PPRC) 2014 -2020, April 2014, Elaboré
par l’Organisation Ouest-Africaine de la Santé, Bobo-Dioulasso, Burkina Faso
• Curriculum harmonisé de formation des docteurs en pharmacie dans l’espace CEDEAO,
Décembre 2015
• Traité révisé de la CEDEAO, 1993
• OOAS, Plan stratégique 2016-2020
UNION AFRICAINE
• La Loi type de l’Union Africaine sur la réglementation des produits médicaux
BENIN
• Arrêté n°2017-001/MS/DC/SGM/CT/DPMED/SA/006SGG17 du 30 janvier 2017, portant attributions, organisation et fonctionnement de la Direction de la Pharmacie, du Médicament et des Explorations Diagnostics (DPMED)
• Loi n°2015-42 portant institution du Régime d’Assurance Maladie Universelle (RAMU) en République du Bénin
• Loi n°90-32 du 11 décembre 1990 portant Constitution de la République du Bénin
• Loi n°2007-21 du 16 octobre 2007 portant protection du consommateur en République du Bénin
• Ministère de la santé du Bénin/Secrétariat général du Ministère/ Direction de la programmation et de la prospective, « Compte de la santé 2013 », Synthèse des résultats
BURKINA FASO
• Loi n°23/94/ADP portant Code de la santé publique
• Décret n°2012-590/PRES promulguant la loi n°027-2012/AN du 05 juin 2012 portant création, attributions, organisation et fonctionnement de l’ordre national des pharmacies du Burkina Faso
• Décret n°2014-047/PRES/PM/MS portant Code de déontologie des pharmaciens du Burkina Faso
• Plan stratégique pharmaceutique 2012-2016, 68 p.
• Politique pharmaceutique, 2ème édition, 2012, Ministère de la santé, 34 p. • Assemblée Nationale, « Rapport de synthèse de l’enquête parlementaire sur le système
de santé au Burkina Faso », 2006-2016, Juillet 2017, 93 p.
• Journal Officiel du Burkina n°10 du 05 mars 1998 • Arrêté n°2017-451/MS/CAB portant conditions d’ouverture et d’exploitation d’une
agence de promotion médicale ou de représentation d’établissements pharmaceutiques de préparation
453
• Arrêté n°2017-458 portant condition de la publicité sur les médicaments et autres produits pharmaceutiques
CÔTE D’IVOIRE
• Loi n° 2015-533 du 20 juillet 2015 relative à l'exercice de la pharmacie
• Loi n° 2015-535 du 20 juillet 2015 portant organisation de l'Ordre national des pharmaciens de Côte d'Ivoire.
• Loi n° 2015-534 du 20 juillet 2015 portant Code de déontologie pharmaceutique
• Code Civil I-Droit des personnes et de la famille, édition 2017 • Code civil II-Droit des biens et des obligations, édition 2017 • Constitution de novembre 2017
• Décret n°2015-288 du 29 avril 2015 portant réglementation des produits cosmétiques et des produits d’hygiène corporelle
• Décret n°2016-717 du 14 septembre 2016 portant réglementation de la publicité des médicaments, des autres produits de santé et des établissements pharmaceutiques
• Code pénal, édition 2017
• Loi n°2016-412 du 15 juin 2016 relative à la consommation MALI
• Décret 02-075/P-RM du 15 février 2002 portant Commission Nationale de lutte contre la vente illicite de médicaments
• Loi n°2017-031 du 14 juillet 2017 portant création de l’Ordre des pharmaciens du Mali
NIGER
• République du Niger, Ministère de la Santé publique, « Etude de faisabilité FBP dans le secteur santé au Niger », Rapport final, Mai 2012
SENEGAL
• Arrêté n°17550/MSAS/DGS/DPM du 20 novembre 2014 portant création, attributions, composition et fonctionnement de la Commission nationale du médicament en application du règlement n°06/2010/CM/UEMOA relatif aux procédures d’homologation des produits pharmaceutiques à usage humain dans les Etats membres de l’UEMOA
• Loi de base n°65-60 du 21 juillet 1965 portant Code pénal • Loi n°2016-29 du 08 novembre 2016 modifiant la loi n°65-60 du 21 juillet 1965 portant
Code pénal
• Décret n°81-039 du 2 février 1981 portant Code de déontologie des pharmaciens • Direction de la pharmacie et des laboratoires (DPL), « Bulletin d’Information
Pharmaceutique (BIP), Sénégal, Édition n°01, Février 2011, p.5
• Direction de la pharmacie et des laboratoires (DPL), « Bulletin d’Information Pharmaceutique (BIP) », République du Sénégal, Direction générale de la Santé, Trimestriel Numéro 3 - Juillet 2014
• Politique pharmaceutique nationale, Sénégal, Août 2006, 27 p.
454
• Journal Officiel de la République du Sénégal, (JORS) du 17 juin 1961
• Journal Officiel de la République du Sénégal 1965, n°3747 TOGO
• Loi n°2009-007 du 15 mai 2009 portant Code de la santé publique de la République togolaise, JO, Numéro spécial 53e année, N°30 TER, du 25 mai 2009
• Peoples’Health Movement, « Evaluation du droit à la santé et aux services médicaux au Togo », Cercle PHM-Togo, Décembre 2008
455
INDEX (Les numéros indiqués renvoient aux pages)
A
alphabétisation, 247, 370 arbitrage, 129, 250, 307, 393, 394, 413,
439 automédication, 39, 62, 63, 74, 75, 141,
269, 430 autorisation de mise sur le marché Voir
AMM autorisation spéciale d’importation, 165,
491 Autorisation Temporaire d’Utilisation, 1,
166
B
Bonnes Pratiques de Fabrication, 1, 159, 209, 357
C
CEDEAO, i, 1, 3, 10, 17, 21, 37, 69, 73, 105, 110, 123, 266, 286, 287, 288, 289, 290, 291, 292, 293, 294, 295, 296, 297, 298, 299, 300, 302, 303, 304, 309, 314, 390, 459
colonisation, 21, 22, 24, 25, 27 commerçant, 15, 366, 367, 368, 369, 370 compérage, 381 compétence d’attribution, 130, 323 compétence exclusive, 99, 103, 105, 321 compléments nutritionnels, 31, 126, 157,
160, 162, 163, 459 conciliation, 393, 394, 395 contrat, 42, 51, 76, 83, 92, 207, 208, 338,
344, 357, 358, 359, 366, 368, 369, 375, 407, 417, 419, 423, 438, 462
contrefaçon, 39, 55, 57, 58, 59, 60, 61, 63, 64, 70, 116, 117, 118, 119, 120, 121
coopération, 9, 11, 12, 17, 25, 29, 39, 40, 44, 68, 69, 76, 119, 120, 121, 123, 124,
125, 126, 132, 245, 248, 262, 271, 290, 292, 297, 298, 301, 306, 308, 312, 313, 314, 350
coordination, 10, 22, 25, 69, 77, 80, 84, 86, 88, 89, 93, 95, 125, 208, 257, 261, 291, 298, 301, 302, 306, 312, 315, 323, 399
Cour de Justice, i, 1, 50, 90, 104, 107, 113, 127, 128, 129, 130, 131, 132, 133, 134, 135, 136, 161, 163, 187, 190, 205, 244, 245, 246, 248, 249, 250, 257, 259, 291, 303, 313, 321, 329
D
déontologie, 23, 56, 141, 293, 294, 295, 364, 370, 372, 373, 374, 380, 381, 382, 383, 384, 394, 424, 452, 453, 506
directive, 48, 53, 91, 109, 110, 111, 112, 113, 115, 132, 134, 162, 164, 267, 294, 295, 299, 328, 329, 351, 353, 358, 371, 385
doctrine, 26, 81, 82, 86, 87, 112, 114, 150, 151, 201, 247, 260, 274, 288, 300, 320, 326, 333, 334, 336, 337, 338, 340, 399, 402, 403
dommage, 276, 280, 282, 350, 357, 360, 363, 364, 378, 379, 391, 394
droit à la différence Voir marge nationale d'appréciation
droit à la santé, 14, 30, 42, 101, 247, 252, 276, 278, 282, 385
droit comparé, 26, 36, 37, 39, 40, 41, 52, 76, 81, 83, 87, 90, 91, 92, 93, 94, 96, 112, 115, 127, 129, 203, 204, 243, 250, 253, 270, 280, 290, 297, 311, 320, 322, 324, 327, 328, 333, 334, 335, 338, 339, 344, 349, 359, 361, 398, 399, 401
droit de la santé, 14, 21, 29, 30, 98, 102, 108, 168, 251, 252, 260, 271, 276, 339, 341, 390, 392, 395, 396
456
droit dérivé, 97, 98, 105, 110, 112, 114, 188, 208, 263, 310
droit pharmaceutique, i, 3, 7, 11, 13, 14, 15, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 29, 30, 31, 33, 34, 37, 68, 72, 96, 100, 102, 105, 108, 110, 113, 116, 122, 125, 127, 131, 132, 136, 139, 141, 152, 187, 198, 202, 240, 241, 242, 243, 244, 246, 248, 249, 251, 253, 254, 255, 257, 259, 260, 261, 263, 264, 271, 272, 275, 286, 287, 288, 295, 296, 298, 303, 306, 308, 315, 316, 317, 321, 322, 324, 325, 326, 331, 334, 336, 337, 341, 344, 346, 347, 350, 351, 357, 359, 364, 387, 390, 393, 398, 399, 402
droit primaire, 47, 97, 98, 102, 103, 105, 109, 130, 135
droits fondamentaux, 14, 30, 42, 100, 101, 247, 414, 443, 461
E
effectivité, 7, 32, 40, 42, 50, 53, 107, 110, 118, 119, 121, 124, 128, 136, 143, 198, 222, 236, 240, 241, 243, 245, 248, 250, 255, 257, 261, 262, 264, 266, 269, 270, 271, 272, 285, 286, 287, 294, 314, 317, 319, 325, 337, 344, 347, 350, 401
effets indésirables, 146, 171, 173, 221, 232, 347, 348, 349, 352, 362, 363, 486, 487
efficacité, 3, 7, 17, 29, 39, 43, 61, 78, 105, 110, 119, 122, 128, 144, 145, 166, 169, 170, 173, 179, 181, 184, 185, 187, 204, 209, 241, 244, 248, 262, 264, 272, 312, 313, 327, 342, 350, 351
exercice illégale de la pharmacie, 354
F
falsification, 57, 58, 60, 61, 62, 64, 364 faute, 277, 278, 280, 281, 282, 359, 360,
361, 363, 375, 376, 377, 378, 384, 386, 391, 395, 398, 400
H
harmonisation ascendante Voir intégration ascendante
homicide involontaire, 379 homologation, 11, 31, 34, 35, 48, 96, 114,
126, 139, 141, 142, 144, 145, 147, 150, 157, 158, 159, 160, 161, 162, 163, 165, 166, 167, 168, 169, 173, 174, 175, 176, 177, 178, 179, 180, 181, 182, 183, 184, 187, 188, 189, 190, 191, 192, 193, 196, 211, 237, 258, 264, 265, 272, 295, 308, 310, 328, 329, 330, 345, 346, 347, 458, 459
I
importation, 14, 17, 28, 31, 35, 43, 45, 50, 56, 57, 59, 60, 63, 77, 80, 114, 126, 138, 139, 141, 143, 165, 166, 175, 188, 194, 195, 196, 198, 199, 200, 202, 203, 205, 206, 207, 208, 211, 212, 213, 214, 215, 216, 228, 236, 272, 356, 364, 365, 459
infraction, 233, 272, 285, 354, 355, 364, 365, 378, 381, 383, 386, 387, 392
inspection pharmaceutique, 216 instrument juridique, 3, 112, 117, 119, 120,
126, 139, 142, 200, 201, 202, 203, 208, 236, 253, 259, 262, 263, 295, 307, 328, 329, 330
intégration ascendante, 96 intégration descendante, 96 intégration économique, 7, 8, 9, 10, 12, 17,
20, 26, 27, 37, 40, 42, 45, 47, 103, 106, 128, 131, 288, 298, 300, 301, 304, 315, 317, 342
intégration juridique, 3, 8, 9, 10, 11, 20, 26, 29, 30, 32, 35, 36, 39, 46, 80, 83, 87, 88, 89, 92, 93, 104, 106, 110, 122, 127, 128, 130, 250, 259, 263, 268, 287, 290, 296, 300, 302, 306, 317, 319, 320, 322, 323, 325, 327, 331, 332, 337, 338, 339, 341, 343, 344, 346, 349, 399, 401
intégration normative, 11, 26, 36, 37, 40, 81, 82, 87, 90, 91, 92, 96, 115, 134, 243, 244, 253, 254, 290, 297, 313, 314, 319,
457
322, 327, 338, 344, 403, 405, 421, 422, 423, 428, 432
L
libre circulation, 3, 8, 17, 18, 20, 26, 35, 39, 41, 42, 44, 46, 47, 48, 49, 50, 51, 52, 53, 57, 71, 84, 95, 98, 102, 110, 131, 132, 138, 143, 173, 176, 186, 187, 188, 189, 190, 194, 195, 196, 197, 218, 250, 263, 266, 267, 294, 295, 323, 324, 347, 353, 389, 401
lien de causalité, 280, 363, 376, 378 loi-type, 306, 307, 308, 309, 310, 311, 312
M
maladie, 11, 65, 66, 67, 72, 74, 101, 149, 151, 154, 155, 165, 174, 309, 372, 373, 390
marché commun, 17, 18, 40, 42, 45, 46, 47, 48, 53, 94, 97, 98, 100, 102, 145, 186, 188, 196, 323
marché illicite, 3, 28, 34, 39, 54, 55, 56, 57, 58, 64, 67, 68, 69, 71, 72, 73, 76, 78, 147, 151, 212, 217, 401
marge de manœuvre Voir marge nationale d'appréciation
marge nationale d’appréciation, 91, 325 médiation, 393, 394, 395 médicament à usage humain, 71, 143, 147,
148, 149, 150, 156, 157, 163, 167, 170, 173, 176, 177, 182, 189, 190, 191, 192, 193, 195, 211, 389
médicament générique, 60, 147, 163, 164, 177, 180, 488, 491
médicaments sous-standards, 58, 61, 62, 63, 118, 182
Medicrime, 116, 117, 118, 119, 120 mondialisation, 6, 7, 8, 10, 13, 42, 61, 74,
112, 286, 288, 304, 305, 306, 308, 316, 337
monopole pharmaceutique, 56, 63, 156, 326, 353, 354, 356, 370
moyen d’intégration, 3, 8, 10, 29, 32, 36, 37, 46, 80, 81, 83, 89, 259, 317, 319, 320, 324, 325, 327, 344, 346, 401
N
norme communautaire, 41, 92, 101, 105, 106, 107, 109, 111, 133, 199, 241, 244, 248, 250, 254, 258, 260, 261, 262, 264, 265, 295, 331, 401
O
obligation d’information, 169, 372 obligation de conseil, 371 obligation de moyens, 199, 207, 361, 370,
376 obligation de résultat, 111, 177, 206, 329,
361, 369, 371, 376, 377 officine, 15, 64, 234, 276, 277, 280, 295,
340, 352, 356, 359, 366, 367, 369, 370, 371, 372, 373, 374, 375, 376, 377, 378, 380, 381, 385, 391
OHADA, 2, 8, 9, 10, 17, 22, 81, 85, 106, 110, 128, 129, 130, 246, 249, 250, 251, 290, 321, 325, 326, 328, 331, 332, 333, 337, 350, 366, 369, 403
OMS, 2, 11, 12, 14, 17, 28, 34, 39, 41, 54, 55, 56, 59, 60, 61, 66, 68, 75, 79, 93, 96, 116, 122, 123, 127, 164, 174, 180, 181, 182, 274, 288, 303, 304, 316
OOAS Voir CEDEAO
P
pharmacien-fabricant, 280, 356, 357, 358, 359, 360, 362, 363, 365, 366, 378
pharmacovigilance, 6, 72, 94, 139, 168, 171, 172, 173, 192, 221, 234, 278, 346, 347, 363
présentation explicite, 153 présentation implicite, 154 primauté du droit, 16, 105, 106, 107, 256,
332 principe d’édictions minimales, 99, 100,
321, 342, 343 produit pharmaceutique, 47, 93, 142, 143,
147, 148, 160, 171, 172, 177, 178, 179, 180, 181, 184, 185, 193, 210, 211, 213, 217, 218, 277, 378
458
produits cosmétiques, 31, 126, 149, 150, 156, 157, 158, 159, 160, 161, 162, 366, 459
produits médicaux, 60, 116, 117, 118, 119, 120, 307, 309, 311, 312
propriétés curatives, 61, 146, 147, 148, 149, 150, 151, 152, 153, 154, 155, 158
protocole additionnel, 20, 100, 102, 103, 129, 131, 133, 134, 196, 289, 461, 466, 472, 477, 479
publicité, 25, 31, 34, 35, 90, 97, 114, 123, 125, 126, 133, 139, 146, 158, 161, 198, 199, 202, 203, 205, 206, 207, 208, 216, 217, 218, 219, 220, 221, 222, 224, 225, 226, 227, 228, 229, 230, 231, 232, 233, 234, 235, 236, 237, 253, 258, 259, 261, 262, 264, 266, 267, 273, 295, 329, 346, 349, 351, 382, 396, 459
R
rapprochement des réglementations, 12, 15, 29, 32, 36, 38, 39, 98, 126, 263, 268, 303, 305, 306, 307, 316, 327, 330, 338, 340, 345, 349, 401, 402
recommandation, 11, 199, 200, 202, 203, 208, 236, 264, 362
reconnaissance mutuelle, 48, 99, 121, 187, 192, 193, 194, 196, 311
recours en manquement, 109, 130, 134, 135, 249, 250
recours préjudiciel, 130, 131, 132, 133, 246, 247, 248, 250, 261
Règlement, 31, 41, 53, 122, 123, 125, 126, 130, 132, 139, 142, 143, 144, 147, 149, 150, 159, 161, 163, 165, 168, 169, 170, 171, 175, 176, 177, 179, 180, 187, 188, 189, 190, 191, 192, 194, 196, 197, 211, 236, 237, 263, 264, 290, 330, 347, 394, 458
règles équivalentes, 44, 136, 140, 142, 188, 263
règles uniques, 81, 84, 264, 323, 324, 325, 345
responsabilisation, 386, 390, 391, 393 responsabilité, 66, 130, 168, 172, 191, 199,
200, 207, 212, 272, 273, 274, 275, 276,
277, 279, 280, 281, 282, 283, 285, 319, 339, 344, 350, 352, 353, 356, 357, 358, 359, 360, 361, 363, 364, 365, 366, 368, 370, 374, 375, 376, 377, 378, 379, 384, 385, 386, 387, 390, 391, 392, 398, 399, 401
responsabilité civile, 281, 282, 350, 357, 360, 363, 364, 375, 376, 377
responsabilité délictuelle, 358, 359, 360 responsabilité disciplinaire, 384 responsabilité pénale, 339, 357, 364, 378,
379
S
sanctions, 15, 55, 56, 90, 117, 118, 119, 120, 135, 146, 168, 170, 172, 208, 232, 261, 274, 319, 351, 352, 355, 357, 364, 365, 374, 378, 380, 384, 385, 386, 387, 390, 391, 392, 394
santé publique, 7, 11, 13, 22, 24, 35, 39, 41, 42, 47, 48, 52, 54, 57, 58, 59, 61, 62, 63, 64, 68, 72, 75, 94, 116, 117, 118, 141, 143, 147, 148, 161, 165, 166, 171, 173, 174, 175, 185, 188, 191, 197, 213, 218, 219, 223, 224, 229, 231, 232, 256, 264, 275, 283, 311, 339,350, 354, 356, 368, 370, 372, 386, 387, 401, 409, 410, 414, 415, 420, 422, 423, 424, 427, 430, 434, 440, 441, 447, 452, 454, 475, 476, 482, 491, 492, 506
secret professionnel, 379, 380, 383, 463 sécurité sanitaire, 3, 6, 11, 13, 14, 21, 28,
29, 30, 31, 55, 69, 70, 101, 120, 142, 143, 157, 165, 168, 179, 185, 189, 190, 218, 222, 226, 235, 244, 252, 253, 274, 278, 288, 293, 295, 299, 316, 319, 324, 325, 337, 339, 341, 342, 344, 348, 351, 355, 366, 387, 388, 392, 399,401
souveraineté de l’Etat, 339, 340, 341 spécialité pharmaceutique, 147, 163, 164,
165, 166, 177, 178, 179, 180, 181, 488, 491
spécificités nationales, 89, 90 substance, 62, 147, 148, 149, 150, 151,
152, 154, 158, 159, 161, 169, 179, 309, 310
459
système pharmaceutique, 22, 25, 29, 45, 79, 212, 256, 269, 277, 335, 342
T
Test de diagnostic rapide, 374 transposition, 91, 110, 111, 112, 113, 115,
131, 134, 142
U
unification, 3, 8, 10, 29, 30, 32, 36, 37, 38, 72, 80, 81, 82, 83, 84, 86, 87, 88, 89, 91, 93, 95, 100, 102, 105, 112, 114, 122, 128, 268, 297, 319, 320, 321, 322, 323, 324, 325, 326, 327, 328, 331, 332, 333, 334, 335, 336, 338, 339, 341, 343, 344, 345, 346, 347, 349, 399, 401, 402
uniformisation, 3, 10, 30, 36, 80, 81, 82, 83, 84, 87, 88, 89, 93, 95, 100, 122, 128, 131, 197, 268, 319, 322, 323, 331, 336, 399
Union africaine, 286, 287, 303, 305, 309, 311
Union économique, 9, 10, 12, 20, 41, 43, 47, 50, 94, 110, 130, 257, 302, 389, 390
Union européenne, 20, 26, 36, 46, 49, 50, 52, 53, 61, 85, 90, 101, 107, 108, 111, 115, 132, 150, 181, 190, 222, 246, 250, 265, 304, 306, 313, 328, 330, 333, 351, 400
V
vaccin, 147, 163, 165, 177, 180, 488, 491
460
TABLES DES ANNEXES
Annexe 1 : Traité de l’UEMOA
Annexe 2 : Règlement n°02/2005/CM/UEMOA relatif à l'harmonisation de la réglementation pharmaceutique dans les Etats membres de L'UEMOA
Annexe 3 : Règlement n°06/2010/CM/UEMOA relatif aux procédures d’homologation des produits pharmaceutiques à usage humain dans les Etats membres de l’UEMOA
Annexe 4 : Décision n° 06/2010/CM/UEMOA portant adoption des lignes directrices pour l’homologation des compléments nutritionnels dans les Etats membres de l’UEMOA
Annexe 5 : Décision n° 07/2010/CM/UEMOA portant adoption des lignes directrices pour l’homologation des produits cosmétiques dans les Etats membres de l’UEMOA
Annexe 6 : Décision n°08/2010/CM/UEMOA portant adoption du guide de bonnes pratiques de fabrication des produits pharmaceutiques à usage humain dans les Etats membres de l’UEMOA
Annexe 7 : Décision n°09/2010/CM/UEMOA portant adoption du guide de bonnes pratiques de distribution et d’importation des produits pharmaceutiques à usage humain dans les Etats membres de l’UEMOA
Annexe 8 : Décision n°10/2010/CM/UEMOA portant adoption des lignes directrices pour le contrôle de l’information et la publicité sur les médicaments auprès des professionnels de la sante dans les Etats membres de l’UEMOA
Annexe 9 : Les liens internet pour retrouver les autres documents
Annexe 10 : Quelques données sur le système sanitaire des Etats membres de l’UEMOA
Annexe 11 : Carte des pays membres de l’UEMOA et de la CEDEAO
Annexe 1 : Traité de l’UEMOA
TRAITE DE L'UEMOA LA CONFÉRENCE DES CHEFS D'ÉTAT ET DE GOUVERNEMENT D E L'UNION ÉCONOMIQUE ET MONÉTAIRE OUEST AFRICAINE (UEMOA) PREAMBULE Le Gouvernement de la république du Bénin, Le Gouvernement du Burkina Faso, Le Gouvernement de République de Côte d'Ivoire, Le Gouvernement de la République du Mali, Le Gouvernement de la République du Niger, Le Gouvernement de la République du Sénégal, Le Gouvernement de la République Togolaise En conformité des termes d'un Accord d'adhésion, en date du 5 mars 1997, la République de Guinée Bissau est devenue, depuis le 2 mai 1997, le huitième Etat membre de l'UEMOA. (NDLC). Fidèles aux objectifs de la Communauté Économique Africaine et de la Communauté Économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), Conscients des avantages mutuels qu'ils tirent de leur appartenance à la même Union Monétaire et de la nécessité de renforcer la cohésion de celle-ci, Convaincus de la nécessité d'étendre en conséquence au domaine économique la solidarité qui les lie déjà sur le plan monétaire, Affirmant la nécessité de favoriser le développement économique et social des Etats membres, grâce à l'harmonisation de leurs législations, à l'unification de leurs marchés intérieurs et à la mise en œuvre de politiques sectorielles communes dans les secteurs essentiels de leurs économies. Reconnaissant l'interdépendance de leurs politiques économiques et la nécessité d'assurer leur convergence. Déterminés à se conformer aux principes d'une économie de marché ouverte, concurrentielle et favorisant l'allocation optimale des ressources, Désireux de compléter à cet effet l'Union Monétaire Ouest Africaine (UMOA) par de nouveaux transferts de souveraineté et de transformer cette Union en une Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA), dotée de compétences nouvelles, Affirmant la nécessité de renforcer la complémentarité de leurs appareils de production et de réduire les disparités de niveaux de développement entre les Etats membres, Soulignant que leur démarche s'inscrit dans la logique des efforts d'intégration régionale en cours en Afrique, et appelant les autres Etats de l'Afrique de l'Ouest qui partagent leurs objectifs à se joindre à leurs efforts.
Conviennent de ce qui suit : TITRE PRELIMINAIRE : DEFINITIONS Article premier : Aux fins du présent Traité, on entend par : - " UEMOA " : l'Union Economique et Monétaire Ouest Africaine, objet du présent Traité ; - " Union " : l'Union Economique et Monétaire Ouest Africaine, objet du présent Traité ; - " UMOA " : l'Union Monétaire Ouest Africaine visée à l'article 2 du présent Traité ; - " Organes " : les différents organes de l'Union visés à l'article 16 du présent Traité ;
- " Conférence " : la conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement de l'Union prévue à l'article 17 du présent Traité ; - " Conseil " : le Conseil des Ministres de l'Union prévue à l'article 20 du présent Traité ; - " Commission " : la Commission de l'Union prévue à l'article 26 du présent Traité ; - " Comité " : le Comité Interparlementaire institué par l'article 35 du présent Traité ; - " Parlement " : le Parlement de l'Union prévu à l'article 37 du présent Traité ; - " Cour de Justice " : la Cour de Justice de l'Union créée par l'article 38 du présent Traité et régie par la section I du protocole additionnel n°I ; - " Cour des Comptes " : la Cour des Comptes de l'Union créée par l'article 38 du présent Traité et régie par la section II du protocole additionnel n°I ; - " Institutions spécialisées autonomes " : la BCEAO et la BOAD ; - " BCEAO " : la Banque Centrale des Etats de l'Afrique de l'Ouest visée à l'article 41 du présent Traité ; - " BOAD " : la Banque Ouest Africaine de Développement visée à l'article 41 du présent Traité ; - " Traité de l'Union " : le présent Traité ; - " Protocole additionnel n°I " : le protocole prévu à l'article 38 du présent Traité ; - " Protocole additionnel n°II " : le protocole prévu à l'article 101 du présent Traité ; - " Acte additionnel " : l'acte visé à l'article 19 du présent Traité ; - " Règlement " : l'acte visé à l'article 43 du présent Traité ; - " Décision " : l'acte visé à l'article 43 du présent Traité ; - " Directive " : l'acte visé à l'article 43 du présent Traité ; - " Recommandation " : l'acte visé à l'article 43 du présent Traité ; - " Avis " : l'acte visé à l'article 43 du présent Traité ; - " Marché commun " : le marché unifié constitué entre les Etats membres, visé aux articles 4 et 76 du présent Traité ; - " Politiques communes " : les politiques économiques communes prévues aux articles 62 à 100 du présent Traité ; - " Politiques sectorielles " : les politiques sectorielles prévues à l'article 101 du présent Traité et régies par le protocole additionnel n°II ; - " Surveillance multilatérale " : le mécanisme communautaire de définition et de contrôle des politiques économiques entre les Etats membres, prévu à l'article 63 et régi par les articles 64 et 75 du présent Traité ; - " Droit d'établissement " : le droit prévu à l'article 92 du présent Traité ; - " Etat membre " : l'Etat partie prenante au présent Traité tel que prévu par son préambule ; - " Membre associé " : tout Etat admis à participer à certaines politiques de l'Union conformément aux dispositions de l'article 104 du présent Traité ; - " Etat tiers " : tout Etat autre qu'un Etat membre. TITRE PREMIER : DES PRINCIPES ET OBJECTIFS DE L'UNI ON Article 2 : Par le Présent Traité, les Hautes Parties Contractantes complètent l'Union Monétaire Ouest Africaine (UMOA) instituée entre elles, de manière à la transformer en Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA), ci-après dénommée l'Union. Article 3 : L'Union respecte dans son action les droits fondamentaux énoncés dans la déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 et la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples de 1981. Article 4 : Sans préjudice des objectifs définis dans le Traité de l'UMOA, l'Union poursuit, dans les conditions établies par le présent Traité, la réalisation des objectifs ci-après : a) renforcer la compétitivité des activités économiques et financières des Etats membres dans le cadre d'un marché ouvert et concurrentiel et d'un environnement juridique rationalisé et harmonisé;
b) assurer la convergence des performances et des politiques économiques des Etats membres par l'institution d'une procédure de surveillance multilatérale ; c) créer entre les Etats membres un marché commun basé sur la libre circulation des personnes, des biens, des services, des capitaux et le droit d'établissement des personnes exerçant une activité indépendante ou salariée, ainsi que sur un tarif extérieur commun et une politique commerciale commune ; d) instituer une coordination des politiques sectorielles nationales, par la mise en œuvre d'actions communes et éventuellement de politiques communes notamment dans les domaines suivants : ressources humaines, aménagement du territoire, transports et télécommunications, environnement, agriculture, énergie, industrie et mines ; e) harmoniser, dans la mesure nécessaire au bon fonctionnement du marché commun, les législations des Etats membres et particulièrement le régime de la fiscalité. Article 5 : Dans l'exercice des pouvoirs normatifs que le présent Traité leur attribue et dans la mesure compatible avec les objectifs de celui-ci, les organes de l'Union favorisent l'édition de prescriptions minimales et de réglementations-cadres qu'il appartient aux Etats membres de compléter en tant que de besoin, conformément à leurs règles constitutionnelles respectives. Article 6 : Les actes arrêtés par les organes de l'Union pour la réalisation des objectifs du présent Traité et conformément aux règles et procédures instituées par celui-ci, sont appliqués dans chaque Etat membre nonobstant toute législation nationale contraire, antérieure ou postérieure. Article 7 : Les Etats membres apportent leur concours à la réalisation des objectifs de l'Union en adoptant toutes mesures générales ou particulières, propres à assurer l'exécution des obligations découlant du présent Traité. A cet effet, ils s'abstiennent de toutes mesures susceptibles de faire obstacle à l'application du présent Traité et des actes pris pour son application. Article 8 : Dès l'entrée en vigueur du présent Traité, la Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement fixe des orientations générales pour la réalisation des objectifs de l'Union. Elle constate à intervalles réguliers l'état d'avancement du processus d'intégration économique et monétaire et fixe, s'il y a lieu, de nouvelles orientations. TITRE II : DU SYSTEME INSTITUTIONNEL DE L'UNION CHAPITRE I : Du statut de l'Union Article 9 : L'Union a la personnalité juridique. Elle jouit dans chaque Etat membre de la capacité juridique la plus large reconnue aux personnes morales par la législation nationale. Elle est représentée en justice par la Commission. Elle a notamment capacité pour contracter, acquérir de biens mobiliers et immobiliers et en disposer. Sa responsabilité contractuelle et la juridiction nationale compétente pour tout litige y afférent sont régies par la loi applicable au contrat en cause. Article 10 : Le régime des droits, immunités et privilèges accordés à l'Union, aux membres de ses organes et à son personnel est déterminé par voie d'acte additionnel pris par la Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement. Article 11 : Le statut des fonctionnaires de l'Union et le régime applicable aux autres agents sont arrêtés par le Conseil statuant à la majorité des deux tiers (2/3) de ses membres sur proposition de la Commission. Les fonctionnaires de l'Union sont en règle générale recrutés par voie de concours parmi les
ressortissants des Etats membres. Les fonctionnaires et agents de l'Union sont tenus au secret professionnel même après la cessation de leurs fonctions. Article 12 : L'Union est représentée dans les relations internationales par la Commission agissant selon les directives que peut lui adresser le Conseil. Article 13 : L'Union établit toute coopération utile avec les organisations régionales ou sous-régionales existantes. Elle peut faire appel à l'aide technique ou financière de tout Etat qui l'accepte ou d'organisations internationales, dans la mesure où cette aide est compatible avec les objectifs définis par le présent Traité. Des accords de coopération et d'assistance peuvent être conclu avec les Etats tiers ou des organisations internationales, selon les modalités prévues à l'article 84 du présent Traité. Article 14 : Dès l'entrée en vigueur du présent Traité, les Etats membres se concertent au sein du Conseil afin de prendre toutes mesures destinées à éliminer les incompatibilités ou les doubles emplois entre le droit et les compétences de l'Union d'une part, et les conventions conclues par un ou plusieurs Etats membres d'autre part, en particulier celles instituant des organisations économiques internationales spécialisées. Article 15 : Les Etats membres se consultent en vue de prendre en commun les dispositions nécessaires afin d'éviter que le fonctionnement de l'Union ne soit affecté par les mesures que l'un deux pourrait être amené à prendre en cas de troubles intérieurs graves affectant l'ordre public, de guerre ou de tension internationale grave constituant une menace de guerre. CHAPITRE II : Des Organes de l'Union Article 16 : Les organes de l'Union sont constitués par : - la conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement, telle que définie à l'article 5 du Traité de l'UEMOA, - le Conseil des Ministres, tel que défini à l'article 6 du Traité de l'UMOA, - la Commission, - la Cour de Justice, - la Cour des Comptes. Ces organes agissent dans la limite des attributions qui leur sont conférées par le Traité de l'UMOA et le présent Traité et dans les conditions prévues par ces Traités. Un Comité Interparlementaire, des organes consultatifs et des institutions spécialisées autonomes concourent également à la réalisation des objectifs de l'Union. SECTION I : DES ORGANES DE DIRECTION Paragraphe 1er : De la Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement Article 17 : La Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement définit les grandes orientations de la politique de l'Union. Elle se réunit au moins une fois par an. Article 18 : La Conférence des Chefs d'Etat de l'Union Monétaire prévue à l'article 5 du Traité de l'UMOA exerce les fonctions qui lui sont dévolues par le présent Traité. Article 19 : La Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement prend, en tant que de besoin, des actes additionnels au Traité de l'Union. Les actes additionnels sont annexés au Traité. Ils complètent celui-ci sans toutefois le modifier. Leur respect s'impose aux organes de l'Union ainsi qu'aux autorités des Etats membres.
Paragraphe 2 : Du Conseil des Ministres Article 20 : Le Conseil des Ministres de l'Union assure la mise en œuvre des orientations générales définies par la Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement. Il se réunit au moins deux (2) fois par an. Article 21 : Le Conseil des Ministres de l'Union Monétaire prévu à l'article 6 du Traité de l'UMOA exerce les fonctions qui lui sont dévolues par le présent Traité. Article 22 : Toutes les fois que le présent Traité prévoit l'adoption d'un acte juridique du Conseil sur proposition de la Commission, le Conseil ne peut faire d'amendement à cette proposition qu'en statuant à l'unanimité de ses membres. Article 23 : Par dérogation à l'article 6 alinéa 2 du Traité de l'UMOA, pour l'adoption des décisions ne portant pas principalement sur la politique économique et financière, le Conseil réunit les ministres compétents. Les délibérations ne deviennent définitives qu'après vérification, par les ministres en charge de l'Economie, des Finances et du Plan, de leur comptabilité avec la politique économique, monétaire et financière de l'Union. Pour les questions politiques et de souveraineté, les Ministres des Affaires Etrangères siégeront au Conseil des Ministres de l'UEMOA. Article 24 : Le Conseil peut déléguer à la Commission l'adoption des règlements d'exécution des actes qu'il édicte. Ces règlements d'exécution ont la même force juridique que les actes pour l'exécution desquels ils sont pris. Article 25 : Les délibérations du Conseil sont préparées par le Comité des Experts, composé de représentants des Etats membres. La Commission est représentée aux réunions de ce Comité. Celui-ci adopte à la majorité de ses membres présents des avis qu'il transmet au Conseil. Le Conseil arrête le règlement intérieur du Comité des Experts à la majorité des deux tiers (2/3) de ses membres. Paragraphe 3 : De la Commission Article 26 : La Commission exerce, en vue du bon fonctionnement et de l'intérêt général de l'Union, les pouvoirs propres que lui confère le présent Traité. A cet effet, elle : - transmet à la Conférence et au Conseil les recommandations et les avis qu'elle juge utiles à la préservation et au développement de l'Union ; - exerce, par délégation expresse du Conseil et sous son contrôle, le pouvoir d'exécution des actes qu'il prend ; - exécute le budget de l'Union ; - recueille toutes informations utiles à l'accomplissement de sa mission ; - établit un rapport annuel sur le fonctionnement et l'évolution de l'Union qui est communiqué au Comité Interparlementaire et aux organes législatifs des Etats membres ; - assure la publication du Bulletin Officiel de l'Union. Article 27 : La Commission est composée de membres appelés Commissaires, ressortissants des Etats membres. Les Commissaires sont désignés par la Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement sur la base des critères de compétence et d'intégrité morale. Le mandat des membres de la Commission est de quatre (4) ans, renouvelable. Durant leur mandat, les membres de la Commission sont irrévocables, sauf en cas de faute lourde ou d'incapacité. La Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement peut modifier le nombre des membres de la Commission.
Article 28 : Les membres de la Commission exercent leurs fonctions en toute indépendance dans l'intérêt général de l'Union. Ils ne sollicitent ni n'acceptent d'instructions de la part d'aucun gouvernement ni d'aucun organisme. Les Etats membres sont tenus de respecter leur indépendance. Lors de leur entrée en fonction, les membres de la Commission s'engagent, par serment devant la Cour de Justice, à observer les obligations d'indépendance et d'honnêteté inhérentes à l'exercice de leur charge. Pendant la durée de leur mandat, ils n'exercent aucune autre activité professionnelle, rémunérée ou non. Article 29 : Les traitements, indemnités et pensions des membres de la Commission sont fixés par le Conseil, statuant à la majorité des deux tiers (2/3) de ses membres. Article 30 : Le mandat des membres de la Commission peut être interrompu par la démission ou par la révocation. La révocation est prononcée par la Cour de Justice à la demande du Conseil, pour sanctionner la méconnaissance des devoirs liés à l'exercice des fonctions de membre de la Commission. En cas d'interruption du mandat d'un membre de la Commission, l'intéressé est remplacé pour la durée de ce mandat restant à courir. Sauf révocation, les membres de la Commission demeurent en fonction jusqu'à leur remplacement. Article 31 : Le Gouverneur de la BCEAO participe de plein droit, avec voix consultative, aux réunions de la Commission. Il peut se faire représenter. Il peut demander l'inscription d'un point à l'ordre du jour ou suggérer au Conseil d'inviter la Commission à prendre une initiative dans le cadre de sa mission. Article 32 : Les délibérations de la Commission sont acquises à la majorité simple de ses membres. En cas de partage, la voix du Président est prépondérante. Article 33 : Le Président de la Commission est désigné parmi les membres de celle-ci par la Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement pour un mandat de quatre (4) ans, renouvelable. Cette désignation se fera de manière à appeler successivement à la présidence de la Commission tous les Etats membres. Le Président de la Commission détermine l'organigramme des services de la Commission dans la limite du nombre de postes autorisés par le budget de l'Union. Il nomme aux différents emplois. Article 34 : La Commission arrête son règlement intérieur. SECTION II : DES ORGANES DE CONTRÔLE PARLEMENTAIRE Article 35 : En attendant la création d'un Parlement de l'Union, il est institué un Comité Interparlementaire de l'Union. Celui-ci est composé de cinq (5) membres par Etat, désignés par l'organe législatif de chaque Etat membre. Le Comité contribue, par le dialogue et le débat, aux efforts d'intégration de l'Union dans les domaines couverts par le présent Traité. Il peut exprimer ses vues sous forme de résolutions ou de rapports. Il examine en particulier le rapport annuel que la Commission lui soumet conformément à l'article 36. A l'initiative du Comité ou à leur demande, le Président du Conseil et le Président de la Commission peuvent être entendus par le Comité. La présidence du Comité est exercée par l'Etat membre qui assure la présidence de la Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement. Le Comité se réunit au moins une fois par an sur convocation de son Président. Le Comité adopte son règlement intérieur. Article 36 :
Le Comité reçoit chaque année le rapport établi par la Commission sur le fonctionnement et l'évolution de l'Union, conformément aux dispositions de l'article 26. Article 37 : Le Comité est consulté par la Conférence en vue de la mise en place d'un Parlement de l'Union. Le projet de Traité portant création du Parlement de l'Union sera proposé par la Commission à la Conférence. Le Parlement sera chargé du contrôle démocratique des organes de l'Union et participera au processus décisionnel de l'Union. SECTION III : DES ORGANES DE CONTRÔLE JURIDICTIONNE L Article 38 : Il est créé au niveau de l'Union deux organes de contrôle juridictionnel dénommés Cour de Justice et Cour des Comptes. Le statut, la composition, les compétences ainsi que les règles de procédures et de fonctionnement de la Cour de Justice et de la Cour des Comptes sont énoncés dans le protocole additionnel n°1. Article 39 : Le protocole additionnel n°1 fait partie intégrante du présent traité. SECTION IV : DES ORGANES CONSULTATIFS Article 40 : Il est créé au sein de l'Union un organe consultatif dénommé Chambre Consultative Régionale, regroupant les chambres consulaires des Etats membres et dont les modalités de fonctionnement seront fixées par voie d'acte additionnel de la Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement. D'autres organes consultatifs pourront être créés, en tant que de besoin, par voie d'acte additionnel de la Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement. SECTION V : DES INSTITUTIONS SPECIALISEES AUTONOMES Article 41 : La Banque Centrale des Etats de l'Afrique de l'Ouest (BCEAO) et la Banque Ouest Africaine de Développement (BOAD) sont des institutions spécialisées autonomes de l'Union. Sans préjudice des objectifs qui leur sont assignés par le Traité de l'UMOA, la Banque Centrale des Etats de l'Afrique de l'Ouest (BCEAO) et la Banque Ouest Africaine de Développement (BOAD) concourent en toute indépendance à la réalisation des objectifs du présent traité. CHAPITRE III : Du régime juridique des Actes pris par les Organes de l'Union Article 42 : Pour l'accomplissement de leurs missions et dans les conditions prévues par le présent Traité : - la Conférence prend des actes additionnels, conformément aux dispositions de l'article 19 ; - le Conseil édicte des règlements, des directives et des décisions ; il peut également formuler des recommandations et/ou des avis ; - la Commission prend des règlements pour l'application des actes du Conseil et édicte des décisions, elle peut également formuler des recommandations et/ou des avis. Article 43 : Les règlements ont une portée générale. Ils sont obligatoires dans tous leurs éléments et sont directement applicables dans tout Etat membre. Les directives lient tout Etat membre quant aux résultats à atteindre. Les décisions sont obligatoires dans tous leurs éléments pour les destinataires qu'elles désignent. Les recommandations et les avis n'ont pas de force exécutoire. Article 44 : Les règlements, les directives et les décisions du Conseil et de la Commission sont dûment motivés. Article 45 :
Les actes additionnels, les règlements, les directives et les décisions sont publiés au Bulletin Officiel de l'Union. Ils entrent en vigueur après leur publication à la date qu'ils fixent. Les décisions sont notifiées à leurs destinataires et prennent effet à compter de leur date de notification. Article 46 : Les décisions du Conseil ou de la Commission qui comportent, à la charge des personnes autres que les Etats, une obligation pécuniaire forment titre exécutoire. L'exécution forcée est régie par les règles de procédure civile en vigueur dans l'Etat sur le territoire duquel elle a lieu. La formule exécutoire est apposée, sans autre contrôle que celui de la vérification de l'authenticité du titre, par l'autorité nationale que le Gouvernement de chacun des Etats membres désignera à cet effet. Après l'accomplissement de ces formalités, l'exécution forcée peut être poursuivie en saisissant directement l'organe compétent selon la législation nationale. L'exécution forcée ne peut être suspendue qu'en vertu d'une décision de la Cour de Justice. Toutefois, le contrôle de la régularité des mesures relève de la compétence des juridictions nationales. TITRE III : DU REGIME FINANCIER DE L'UNION CHAPITRE I : Dispositions générales Article 47 : Le Conseil, statuant à la majorité des deux tiers (2/3) de ses membres, arrête le budget de l'Union sur proposition de la Commission avant le début de l'exercice budgétaire. Le budget comprend toutes les recettes de l'Union et toutes les dépenses des institutions du présent Traité à l'exception des institutions spécialisées autonomes que sont la BCEAO et la BOAD, ainsi que celles afférentes à la mise en œuvre des politiques communes. Le budget est équilibré en recettes et en dépenses. Article 48 : L'Union est dotée de ressources propres qui assurent le financement régulier de son fonctionnement. Article 49 : Les ressources de l'Union sont soumises au principe de solidarité financière entre les Etats membres. Aucun Etat ne peut invoquer une équivalence entre sa contribution financière et les avantages qu'il tire de l'Union. Article 50 : L'Union ne répond pas des engagements des administrations centrales, des autorités locales, des autres autorités publiques, d'autres organismes ou entreprises publiques d'un Etat membre. Article 51 : Sur proposition de la Commission, le Conseil adopte à l'unanimité les règlements financiers spécifiant notamment les modalités d'élaboration et d'exécution du budget ainsi que les règles de reddition et de vérification des comptes. Les règlements financiers instituent la règle de la séparation des ordonnateurs et des comptables. Article 52 : Avant sa transmission au Conseil, le projet de budget est soumis pour avis au Comité des Experts visé à l'article 25. Article 53 : L'exercice budgétaire commence le 1er janvier et prend fin le 31 décembre de chaque année. Au cas où le budget n'a pas pu être adopté avant le début de l'exercice budgétaire, les dépenses peuvent être effectuées mensuellement dans la limite du douzième des crédits ouverts au titre du budget de l'exercice précédent. CHAPITRE II : Des ressources de l'Union
Article 54 : Les ressources de l'Union proviennent notamment d'une fraction du produit du tarif extérieur commun (TEC) et des taxes indirectes perçues dans l'ensemble de l'Union. Ces ressources seront perçues directement par l'Union. L'Union peut avoir recours aux emprunts, subventions et aides extérieures compatibles avec ses objectifs. Article 55 : A terme, une taxe à la valeur ajoutée (TVA) de l'Union sera instituée et se substituera à la fraction du produit des taxes indirectes nationales indiquée à l'article 54. Au besoin, des taxes additionnelles pourront être introduites par l'Union. Article 56 : Dans un délai de deux (2) ans à compter de l'entrée en vigueur du présent Traité, le Conseil, statuant à la majorité des deux tiers (2/3) de ses membres et sur proposition de la Commission, arrête les modalités d'application des articles 54 et 55, conformément aux principes directeurs fixés par la Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement par voie d'acte additionnel. Article 57 : Durant la phase de mise en œuvre du régime de ressources propres de l'Union, qui ne doit pas dépasser trois (3) ans à compter de l'entrée en vigueur du présent Traité, il sera institué, par voie d'acte additionnel de la Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement, un régime transitoire en vertu duquel le financement de la phase de démarrage de l'Union sera assuré notamment par la BCEAO et la BOAD. CHAPITRE III : Des interventions de l'Union Article 58 : Les moins-values de recettes douanières subies par certains Etats membres du fait de la mise en place de l'Union douanière font l'objet d'un traitement spécifique temporaire. Ce traitement comprend, durant une phase transitoire un dispositif automatique de compensations financières, conditionnées à la mise en place progressive par les Etats membres concernés d'une nouvelle assiette et d'une nouvelle structure de leurs recettes fiscales. Les modalités d'application du système transitoire de compensations seront précisées par voie d'acte additionnel. Article 59 : En vue du financement d'un aménagement équilibré du territoire communautaire, l'Union pourra instituer des fonds structurels dont les modalités d'intervention seront précisées par voie d'acte additionnel de la Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement. TITRE IV : DES ACTIONS DE L'UNION CHAPITRE I : De l'harmonisation des législations Article 60 : Dans le cadre des orientations prévues à l'article 8, la Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement établit des principes directeurs pour l'harmonisation des législations des Etats membres. Elle identifie les domaines prioritaires dans lesquels, conformément aux dispositions du présent Traité, un rapprochement des législations des Etats membres est nécessaire pour atteindre les objectifs de l'Union. Elle détermine les buts à atteindre dans ces domaines et les principes généraux à respecter. Dans l'exercice de ces fonctions, la Conférence tient compte des progrès réalisés en matière de rapprochement des législations des Etats de la région, dans le cadre d'organismes poursuivant les mêmes objectifs que l'Union. Article 61 : Le Conseil statuant à la majorité des deux tiers (2/3) de ses membres, sur proposition de la
Commission, arrête les directives ou règlements nécessaires pour la réalisation des programmes mentionnés à l'article 60. CHAPITRE II : Des politiques communes SECTION I : DE LA POLITIQUE MONETAIRE Article 62 : La politique monétaire de l'Union est régie par les dispositions du Traité du 14 novembre 1973 constituant l'Union Monétaire Ouest Africaine (UMOA) et par les textes subséquents. Sans préjudice des objectifs qui lui sont ainsi assignés, elle soutient l'intégration économique de l'Union. SECTION II : DE LA POLITIQUE ECONOMIQUE Article 63 : Les Etats membres considèrent leurs politiques économiques comme une question d'intérêt commun et les coordonnent au sein du Conseil en vue de la réalisation des objectifs définis à l'article 4 paragraphe b du présent Traité. A cette fin, le Conseil met en place un dispositif de surveillance multilatérale des politiques économiques de l'Union dont les modalités sont fixées aux articles 64 à 75. Article 64 : Sur proposition de la Commission, le Conseil se prononce sur les grandes orientations des politiques économiques des Etats membres et de l'Union par voie de recommandations arrêtées à la majorité des deux tiers (2/3) de ses membres. Ces orientations se rapportent aux objectifs économiques des pays membres et de l'Union, notamment aux objectifs : - de croissance soutenue du revenu moyen ; - de répartition des revenus ; - de solde soutenable de la balance des paiements courants ; - d'amélioration de la compétitivité internationale des économies de l'Union. Elles tiennent également compte de l'exigence de compatibilité des politiques budgétaires avec les objectifs de la politique monétaire, en particulier celui de stabilité des prix. Le Conseil informe le Comité Interparlementaire de ses recommandations. Article 65 : 1) Afin d'assurer une convergence durable de leurs performances économiques et d'établir les bases d'une croissance soutenable, les Etats membres mènent des politiques économiques qui respectent les grandes orientations visées à l'article 64 et les règles énoncées au point 3 ci-après. 2) Le Conseil statuant à la majorité des deux tiers (2/3) de ses membres, sur proposition de la Commission : - adopte les règles supplémentaires requises pour la convergence des politiques économiques nationales et leur mise en cohérence avec la politique monétaire de l'Union ; - précise les règles prescrites dans cet article et détermine leurs modalités d'application ainsi que leur calendrier de mise en œuvre ; - fixe les valeurs de référence des critères quantitatifs sur lesquels se fonde l'observation des règles de convergence. En vertu des règles de convergence arrêtées par le Conseil, tout déficit excessif devra être éliminé et les politiques budgétaires devront respecter une discipline commune, consistant à soutenir les efforts pluriannuels d'assainissement budgétaire et d'amélioration de la structure des recettes et des dépenses publiques. 3) Les Etats membres harmonisent leurs politiques fiscales, selon la procédure prévue aux articles 60 et 61, pour réduire les disparités excessives prévalant dans la structure et l'importance de leurs prélèvements fiscaux.
Les Etats membres notifient à la BCEOA et à la Commission toute variation de leur dette intérieure et extérieure. La BCEAO et la Commission prêtent leur concours aux Etats membres qui souhaitent en bénéficier, dans la négociation ou la gestion de leur dette intérieure et extérieure. Article 66 : Le Conseil, sur proposition de la Commission, examine dans quelle mesure les politiques des prix et des revenus des Etats membres, ainsi que les actions de certains groupes économiques, sociaux ou professionnels sont susceptibles de contrarier la réalisation des objectifs de politique économique de l'Union. Il adopte, au besoin, à la majorité des deux tiers (2/3) de ses membres, et sur proposition de la Commission, des recommandations et avis. Il en informe le Comité Interparlementaire et les organes consultatifs de l'Union. Article 67 : 1) L'Union harmonise les législations et les procédures budgétaires, afin d'assurer notamment la synchronisation de ces dernières avec la procédure de surveillance multilatérale de l'Union. Ce faisant, elle assure l'harmonisation des lois de Finances et des comptabilités publiques, en particulier des comptabilités générales et des plans comptables publics. Elle assure aussi l'harmonisation des comptabilités nationales et des données nécessaires à l'exercice de la surveillance multilatérale, en procédant en particulier à l'uniformisation du champ des opérations du secteur public et des tableaux des opérations financières de l'Etat membres les règlements et les directives nécessaires à la mise en œuvre des actions visées dans le présent article. Article 68 : 1) Afin d'assurer la fiabilité des données budgétaires nécessaires à l'organisation de la surveillance multilatérale des politiques budgétaires, chaque Etat membre prend, au besoin, les dispositions nécessaires pour qu'au plus tard un (1) an après l'entrée en vigueur du présent Traité, l'ensemble de ses comptes puisse être contrôle selon des procédures offrant les garanties de transparence et d'indépendance requises. Ces procédures doivent notamment permettre de certifier la fiabilité des données figurant dans les Lois de Finances initiales et rectificatives ainsi que dans les Lois de Règlement. 2) Les procédures ouvertes à cet effet au choix de chaque Etat membre sont les suivantes : - recourir au contrôle de la Cour des Comptes de l'Union ; - instituer une Cour des Comptes nationale qui pourra, le cas échéant, faire appel à un système d'audit externe. Cette Cour transmettra ses observations à la Cour des Comptes de l'Union. 3) Les Etats membres tiennent le Conseil et la Commission informés des dispositions qu'ils ont prises pour se conformer sans délai à cette obligation. La Commission vérifie que les garanties d'efficacité des procédures choisies sont réunies. 4) Le Conseil adopte à la majorité des deux tiers (2/3) de ses membres les règlements et directives nécessaires à la mise en œuvre de ces dispositions. Article 69 : Les Présidents des Cours des Comptes des Etats membres et les Conseillers de la Cour des Comptes de l'Union se réunissent au moins une fois par an, sur convocation du Président de la Cour des Comptes de l'Etat assurant la présidence de la Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement, pour procéder à une évaluation des systèmes de contrôle des comptes et des résultats des contrôles effectués durant l'exercice écoulé. Ils établissent un rapport assorti, le cas échéant, de suggestions d'amélioration des systèmes de contrôle, visant notamment l'harmonisation des procédures et la fixation de normes communes de contrôle. Ce rapport se prononce sur la conformité des comptes transmis par les Etats membres à l'Union aux règles comptables et budgétaires de cette dernière, ainsi que sur leur fiabilité comptable. Il est transmis au Conseil, à la Commission et au Comité Interparlementaire. Article 70 :
Pour les besoins de la surveillance multilatérale, les Etats membres transmettent régulièrement à la Commission toutes informations nécessaires, en particulier les données statistiques et les informations relatives aux mesures de politique économique. La Commission précise, par voie de décision, la nature des informations dont la transmission incombe aux Etats membres. Les données statistiques faisant foi pour l'exercice de la surveillance multilatérale de l'Union sont celles retenues par la Commission. Article 71 : Lorsqu'un Etat membre est confronté à des difficultés économiques et financières ou est susceptible de connaître de telles difficultés en raison d'événements exceptionnels, le Conseil, statuant à l'unanimité sur proposition de la Commission, peut exempter, pour une durée maximale de six (6) mois, cet Etat membre du respect de tout ou partie des prescriptions énoncées dans le cadre de la procédure de surveillance multilatérale. Le Conseil, statuant ensuite à la majorité des deux tiers (2/3) de ses membres, peut adresser à l'Etat membre concerné des directives portant sur les mesures à mettre en œuvre. Avant l'expiration de la période de six (6) mois mentionnés à l'alinéa premier, la Commission fait rapport au Conseil sur l'évolution de la situation dans l'Etat membre concerné et sur la mise en œuvre des directives qui lui ont été adressées. Au vu de ce rapport, le Conseil peut décider à l'unanimité, sur proposition de la Commission, de proroger la période d'exemption en fixant une nouvelle échéance. Article 72 : 1) Dans le cadre de la procédure de surveillance multilatérale, la Commission transmet au Conseil et rend public un rapport semestriel d'exécution. Ce rapport rend compte de la convergence des politiques et des performances économiques ainsi que de la comptabilité de celles-ci avec la politique monétaire de l'Union. Il examine la bonne exécution, par les Etats membres, des recommandations faites par le Conseil en application des articles 64 à 66. Il tient compte des programmes d'ajustement éventuellement en vigueur au niveau de l'Union et des Etats membres. Si un Etat membre ne satisfait pas aux exigences mentionnées au paragraphe précédent, la Commission fait, dans une annexe au rapport, des propositions de directives à son intention. Celles-ci spécifient les mesures rectificatives à mettre en œuvre. Sous réserve des dispositions prévues au paragraphe 2 du présent article, cette annexe n'est pas rendue publique. 2) Le Conseil prend acte du rapport d'exécution mentionné au paragraphe 1. Il adopte à la majorité des deux tiers (2/3) de ses membres les propositions de directives faites dans ce cadre par la Commission. Par dérogation à l'article 22 du présent Traité, il a la faculté d'amender celles-ci à la majorité des deux tiers (2/3) de ses membres. Il en informe le Comité Interparlementaire. Si le Conseil n'a pas été en mesure de réunir les conditions de majorité nécessaires à l'adoption d'une directive à l'issue du premier examen de celle-ci, la Commission a la faculté de rendre sa proposition publique. Article 73 : L'Etat membre destinataire d'une directive émise par le Conseil dans le cadre de la surveillance multilatérale, élabore en concertation avec la Commission et dans un délai de trente (30) jours, un programme de mesures rectificatives. La Commission vérifie la conformité des mesures envisagées à la directive du Conseil et à la politique économique de l'Union et tient compte des éventuels programmes d'ajustement en vigueur. Article 74 : L'exercice de la surveillance multilatérale de l'Union s'appuie sur le rapport de la Commission, les éventuelles directives du Conseil et les éventuels avis du Comité Interparlementaire, en vertu des procédures indiquées à l'article 72. Le Conseil peut renforcer ces procédures par la mise en œuvre d'une gamme de mesures explicites, positives ou négatives, selon les modalités ci-après :
a) la mise en place effective, constatée par la Commission, d'un programme reconnu conforme au sens de l'article 73, offre à l'Etat membre concerné le bénéfice de mesures positives qui comprennent notamment : - la publication d'un communiqué de la Commission ; - le soutien de l'Union dans la recherche du financement requis pour l'exécution du programme de mesures rectificatives, conformément aux dispositions de l'article 75 ; - un accès prioritaire aux ressources disponibles de l'Union. b) Si un Etat membre n'a pas pu élaborer un programme rectificatif dans le délai prescrit par l'article 73 ou si la Commission n'a pas reconnu la conformité dudit programme à la directive du Conseil et à la politique économique de l'Union, ou enfin si la Commission constate l'inexécution ou la mauvaise exécution du programme rectificatif, elle transmet, dans les meilleurs délais, au Conseil un rapport assorti éventuellement de propositions de mesures négatives explicites. Elle a la faculté de rendre son rapport public. c) L'examen des rapports et des propositions de sanctions mentionnés au paragraphe b) est inscrit de plein droit à l'ordre du jour d'une session du Conseil à la demande de la Commission. Le principe et la nature des sanctions font l'objet de délibérations séparées. Les délibérations du Conseil sont acquises à la majorité des deux tiers (2/3) de ses membres. Par dérogation à l'article 22 du présent Traité, les propositions de sanctions peuvent être amendées par le Conseil à la majorité des deux tiers (2/3) de ses membres. Le Conseil informe le Comité Interparlementaire des décisions prises. d) Les sanctions explicites susceptibles d'être appliquées comprennent la gamme des mesures graduelles suivantes : - la publication par le Conseil d'un communiqué, éventuellement assorti d'informations supplémentaires sur la situation de l'Etat concerné ; - le retrait, annoncé publiquement, des mesures positives dont bénéficiait éventuellement l'Etat membre ; - la recommandation à la BOAD de revoir sa politique d'interventions en faveur de l'Etat membre concerné ; - la suspension des concours de l'Union à l'Etat membre concerné. Par voie d'acte additionnel au présent Traité, la Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement peut compléter cette gamme de mesures par des dispositions complémentaires jugées nécessaires au renforcement de l'efficacité de la surveillance multilatérale de l'Union. Article 75 : A la demande d'un Etat membre éligible aux mesures positives en vertu de l'article 74 paragraphe a), l'Union apportera son aide à la mobilisation des ressources additionnelles nécessaires au financement des mesures rectificatives préconisées. A cette fin, la Commission utilise l'ensemble des moyens et l'autorité dont elle dispose pour appuyer l'Etat membre concerné dans les consultations et négociations requises. SECTION III : DU MARCHE COMMUN Paragraphe 1er : Dispositions générales Article 76 : En vue de l'institution du marché commun prévu à l'article 4 paragraphe c) du présent Traité, l'Union poursuit la réalisation progressive des objectifs suivants : a) l'élimination, sur les échanges entre les pays membres, des droits de douane, des restrictions quantitatives à l'entrée et à la sortie, des taxes d'effet équivalent et de toutes autres mesures d'effet équivalent susceptibles d'affecter lesdites transactions, sous réserve du respect des règles d'origine de l'Union qui seront précisées par voie de protocole additionnel ; b) l'établissement d'un tarif extérieur commun (TEC) ; c) l'institution de règles communes de concurrence applicables aux entreprises publiques et privées ainsi qu'aux aides publiques ;
d) la mise en œuvre des principes de liberté de circulation des personnes, d'établissement et de prestations de services ainsi que de celui de liberté de mouvements des capitaux requis pour le développement du marché financier régional ; e) l'harmonisation et la reconnaissance mutuelle des normes techniques ainsi que des procédures d'homologation et de certification du contrôle de leur observation. Paragraphe 2 : De la circulation des marchandises Article 77 : En vue de la réalisation de l'objectif défini à l'article 76 paragraphe a), les Etats membres s'abstiennent, dès l'entrée en vigueur du présent Traité : a) d'introduire entre eux tous nouveaux droits de douane à l'importation et à l'exploitation ainsi que toutes taxes d'effet équivalent et d'augmenter ceux qu'ils appliquent dans leurs relations commerciales mutuelles ; b) d'introduire entre eux de nouvelles restrictions quantitatives à l'exportation ou à l'importation ou des mesures d'effet équivalent, ainsi que de rendre plus restrictifs les contingents, normes et toutes autres dispositions d'effet équivalent. Conformément aux dispositions de l'article XXIV (5) (a) de l'Accord Général sur les tarifs Douaniers et le Commerce (GATT), l'Union s'assure que l'incidence globale des droits de douane et des autres règlements du commerce vis-à-vis des pays tiers n'est pas plus restrictive que celle des dispositions en vigueur avant la création de l'Union. Article 78 : Sur proposition de la Commission, le Conseil, statuant à la majorité des deux tiers (2/3) de ses membres, détermine conformément aux dispositions de l'article 5 du présent Traité, le rythme et les modalités d'élimination, sur les échanges entre les pays membres, des droits de douane, des restrictions quantitatives et de toutes autres mesures d'effet équivalent. Il arrête les règlements nécessaires. Le Conseil tient compte des incidences de l'unification des marchés nationaux sur l'économie et les finances publiques des Etats membres, en créant des fonds de compensation et de développement. Article 79 : Sous réserve des mesures d'harmonisation des législations faculté de maintenir et d'édicter des interdictions ou des restrictions d'importation et de transit, justifiées par des raisons de moralité publique, d'ordre public, de sécurité publique, de protection de la santé ou de la vie des personnes et des animaux, de préservation de l'environnement, de protection des trésors nationaux ayant une valeur artistique, historique ou archéologique et de protection de la propriété industrielle et commerciale. Les interdictions ou restrictions appliquées en vertu de l'alinéa précédent ne doivent constituer ni un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée dans le commerce entre les Etats membres. Les Etats membres notifient à la Commission toutes les restrictions maintenues en vertu de l'alinéa premier du présent article. La Commission procède à une revue annuelle de ces restrictions en vue de proposer leur harmonisation ou leur élimination progressive. Article 80 : Sur proposition de la Commission, le Conseil arrête à la majorité des deux tiers (2/3) de ses membres un schéma relatif à l'harmonisation et à la reconnaissance mutuelle des normes techniques et sanitaires ainsi que des procédures d'homologation et de certification en vigueur dans les Etats membres. Article 81 : Le Conseil arrête, sur proposition de la Commission et à la majorité des deux tiers (2/3) de ses membres, les règlements nécessaires à la mise en œuvre du schéma mentionné à l'article 80. Paragraphe 3 : De la politique commerciale Article 82 :
En vue de la réalisation des objectifs définis à l'article 76 paragraphes a) et b) du présent Traité, le Conseil adopte à la majorité des deux tiers (2/3) de ses membres, sur proposition de la Commission : a) les mesures relatives à l'harmonisation des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres nécessaires au fonctionnement de l'Union douanière ; b) les règlements relatifs au tarif extérieur commun (TEC) ; c) les règlements fixant le régime de la politique commerciale avec les Etats tiers ; d) le régime applicable aux produits du cru et de l'artisanat. Article 83 : Dans la réalisation des objectifs définis à l'article 76 du présent Traité, l'Union respecte les principes de l'Accord Général sur les Tarifs Douaniers et le Commerce (GATT) en matière de régime commercial préférentiel. Elle tient compte de la nécessité de contribuer au développement harmonieux du commerce intra-africain et mondial, de favoriser le développement des capacités productives à l'intérieur de l'Union, de protéger les productions de l'Union contre les politiques de dumping et de subventions des pays tiers. Article 84 : L'Union conclut des accords internationaux dans le cadre de la politique commerciale commune selon les modalités suivantes : - la Commission présente des recommandations au Conseil qui l'autorise à la majorité des deux tiers (2/3) de ses membres à ouvrir les négociations nécessaires ; - la Commission conduit ces négociations en consultation avec un Comité désigné par le Conseil et dans le cadre des directives élaborées par celui-ci. Les accords mentionnés à l'alinéa premier sont conclus par le Conseil à la majorité des deux tiers (2/3) de ses membres. Article 85 : Si les accords mentionnés à l'article 84 sont négociés au sein d'organisations internationales au sein desquelles l'Union ne dispose pas de représentation propre, les Etats membres conforment leurs positions de négociation aux orientations définies par le Conseil à la majorité des deux tiers (2/3) de ses membres et sur proposition de la Commission. Lorsque des négociations en cours au sein d'organisations internationales à caractère économique sont susceptibles d'avoir une incidence sur le fonctionnement du marché commun, sans pour autant relever des compétences de l'Union, les Etats membres coordonnent leurs positions de négociation. Article 86 : Le Conseil, statuant à la majorité des deux tiers (2/3) de ses membres sur proposition de la Commission, fixe par voie de règlement les modalités selon lesquelles les Etats membres sont autorisés à prendre, par dérogation aux règles générales de l'Union douanière et de la politique commerciale commune, des mesures de protection destinées à faire face à des difficultés graves dans un ou plusieurs secteurs de leurs économies. Les mesures de sauvegarde adoptées en vertu des règlements pris en application de l'alinéa précédent ne peuvent excéder une durée de six (6) mois, éventuellement renouvelable. Elles doivent être autorisées par la Commission, tant dans leur durée que dans leur contenu, avant leur entrée en vigueur. Article 87 : Les Etats membres s'abstiennent de conclure de nouvelles conventions d'établissement. Ils alignent, dans les meilleurs délais possibles, les conventions existantes sur les mesures d'harmonisation des législations visées à l'article 23 du Protocole Additionnel n°II, conformément à la procédure prévue aux articles 60 et 61. Paragraphe 4 : Des règles de concurrence Article 88 : Un (1) an après l'entrée en vigueur du présent Traité, sont interdits de plein droit :
a) les accords, associations et pratiques concertées entre entreprises, ayant pour objet ou pour effet de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur de l'Union ; b) toutes pratiques d'une ou de plusieurs entreprises, assimilables à un abus de position dominante sur le marché commun ou dans une partie significative de celui-ci ; c) les aides publiques susceptibles de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions. Article 89 : Le Conseil, statuant à la majorité des deux tiers (2/3) de ses membres et sur proposition de la Commission, arrête dès l'entrée en vigueur du présent Traité par voie de règlements, les dispositions utiles pour faciliter l'application des interdictions énoncées à l'article 88. Il fixe, selon cette procédure, les règles à suivre par la Commission dans l'exercice du mandat que lui confère l'article 90 ainsi que les amendes et astreintes destinées à sanctionner les violations des interdictions énoncées dans l'article 88. Il peut également édicter des règles précisant les interdictions énoncées dans l'article 88 ou prévoyant des exceptions limitées à ces règles afin de tenir compte de situations spécifiques. Article 90 : La Commission est chargée, sous le contrôle de la Cour de Justice, de l'application des règles de concurrence prescrites par les articles 88 et 89. Dans le cadre de cette mission, elle dispose du pouvoir de prendre des décisions. Paragraphe 5 : De la libre circulation des personnes, des services et des capitaux Article 91 : 1) Sous réserve des limitations justifiées par des motifs d'ordre public, de sécurité publique et de santé publique, les ressortissants d'un Etat membre bénéficient sur l'ensemble du territoire de l'Union de la liberté de circulation et de résidence qui implique : - l'abolition entre les ressortissants des Etats membres de toute discrimination fondée sur la nationalité, en ce qui concerne la recherche et l'exercice d'un emploi, à l'exception des emplois dans la Fonction Publique ; - le droit de se déplacer et de séjourner sur le territoire de l'ensemble des Etats membres ; - le droit de continuer à résider dans un Etat membre après y avoir exercé un emploi. 2) Le Conseil, statuant à la majorité des deux tiers (2/3) de ses membres et sur proposition de la Commission, arrête dès l'entrée en vigueur du présent Traité, par voie de règlement ou de directive, les dispositions utiles pour faciliter l'usage effectif des droits prévus au paragraphe 1. 3) Selon la procédure prévue au paragraphe 2, le Conseil adopte des règles : a) précisant le régime applicable aux membres des familles des personnes faisant usage de ces droits ; b) permettant d'assurer aux travailleurs migrants et à leurs ayants droit la continuité de la jouissance des prestations susceptibles de leur être assurées au titre des périodes d'emploi successives sur le territoire de tous les Etats membres ; c) précisant la portée des limitations justifiées par des raisons d'ordre public, de sécurité publique et de santé publique. Article 92 : 1) Les ressortissants d'un Etat membre bénéficient du droit d'établissement dans l'ensemble du territoire de l'Union. 2) Sont assimilées aux ressortissants des Etats membres, les sociétés et personnes morales constituées conformément à la législation d'un Etat membre et ayant leur siège statutaire, leur administration centrale ou leur principal établissement à l'intérieur de l'Union. 3) Le droit d'établissement comporte l'accès aux activités non salariées et leur exercice ainsi que la constitution et la gestion d'entreprises, dans les conditions définies par la législation du pays d'établissement pour ses propres ressortissants, sous réserve des limitations justifiées par des raisons d'ordre public, de sécurité publique et de santé publique.
4) Le Conseil, statuant à la majorité des deux tiers (2/3) de ses membres et sur proposition de la Commission, arrête dès l'entrée en vigueur du présent Traité, par voie de règlement ou de directive, les dispositions utiles pour faciliter l'usage effectif du droit d'établissement. 5) L'article 91, paragraphe 3, est applicable, mutatis mutandis. Article 93 : Les ressortissants de chaque Etat membre peuvent fournir des prestations de services dans un autre Etat membre dans les mêmes conditions que celles que cet Etat membre impose à ses propres ressortissants, sous réserve des limitations justifiées par des raisons d'ordre public, de sécurité publique et de santé publique et sans préjudice des exceptions prévues par le présent Traité. L'article 91, paragraphe 3, et l'article 92, paragraphes 2 et 4, sont applicables, mutatis mutandis. Article 94 : Par dérogation aux articles 92 et 93 et sous réserve des mesures d'harmonisation des législations nationales mises en œuvre par l'Union, les Etats membres peuvent maintenir des restrictions à l'exercice, par des ressortissants d'autres Etats membres ou par des entreprises contrôlées par ceux-ci, de certaines activités lorsque ces restrictions sont justifiées par des raisons d'ordre public, de sécurité publique, de santé publique ou par d'autres raisons d'intérêt général. Les Etats membres notifient à la Commission toutes restrictions maintenues en vertu des dispositions du paragraphe précédent. La Commission procède à une revue annuelle de ces restrictions en vue de proposer leur harmonisation ou leur élimination progressive. Article 95 : Selon la procédure prévue aux articles 60 et 61, il est procédé à l'harmonisation des dispositions nationales réglementant l'exercice de certaines activités économiques ou professions ainsi qu'à l'abolition des restrictions maintenues en vertu de l'article 93, en vue de faciliter le développement du marché commun et notamment du marché financier régional. Article 96 : Dans le cadre du présent Traité, les restrictions aux mouvements, à l'intérieur de l'Union, des capitaux appartenant à des personnes résidant dans les Etats membres sont interdites. Article 97 : 1) L'article 96 ne porte pas atteinte au droit des Etats membres à : a) prendre des mesures indispensables pour prévenir les infractions à leur législation fiscale ; b) prévoir éventuellement des dispositions afin de renforcer les moyens d'information statistique sur les mouvements de capitaux ; c) prendre des mesures justifiées par des raisons d'ordre public ou de sécurité publique. 2) La libre circulation des capitaux liés à l'investissement direct dans les entreprises définies à l'article 92 paragraphe 2 ne préjuge pas de la possibilité d'appliquer des restrictions en matière de droit d'établissement compatibles avec les dispositions du présent Traité. 3) Les mesures et procédures visées aux paragraphes 1 et 2 ne doivent constituer ni un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée à la libre circulation des capitaux définie à l'article 96. Article 98 : Sans préjudice de l'application du Traité de l'UMOA, le Conseil, statuant à la majorité des deux tiers (2/3) de ses membres sur proposition de la Commission, arrête dès l'entrée en vigueur du présent Traité, par voie de règlement ou de directive, les dispositions utiles pour faciliter l'exercice de l'usage effectif des droits prévus aux articles 96 et 97. Article 99 : Dès l'entrée en vigueur du présent Traité, les Etats membres s'abstiennent d'introduire toute nouvelle restriction à l'exercice des droits prévus aux articles 93 et 96. Aucune restriction existante ne peut être maintenue si elle constitue un moyen de discrimination arbitraire ou une restriction déguisée à l'exercice de ces droits. Article 100 : Pour la réalisation des objectifs définis à l'article 76 du présent Traité, l'Union prend en compte les acquis des organisations sous-régionales africaines auxquelles participent ses Etats membres.
CHAPITRE III : Des politiques sectorielles Article 101 : En vue de compléter les politiques économiques communes menées au niveau de l'Union, il est institué un cadre juridique définissant les politiques sectorielles devant être mises en œuvre par les Etats membres. Ces politiques sectorielles sont énoncées et définies dans le protocole additionnel n°II. Article 102 : Le protocole additionnel n°II fait partie intégrante du présent Traité. TITRE V : DISPOSITIONS DIVERSES CHAPITRE I : De l'admission de nouveaux Etats membres et de membres associés Article 103 : Tout Etat Ouest Africain peut demander à devenir membre de l'Union. Il adresse sa demande à la Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement qui se prononce sur rapport de la Commission. Les conditions d'adhésion et les adaptations du présent Traité que celle-ci entraîne font l'objet d'un accord entre les Etats membres et l'Etat demandeur. Cet accord est soumis à la ratification des Etats membres, conformément à leurs règles constitutionnelles respectives. Toutefois, si l'adhésion n'entraîne que des adaptations d'ordre purement technique, l'accord peut être approuvé par la Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement. Article 104 : Tout Etat Africain peut demander à participer à une ou plusieurs politiques de l'Union en qualité de membre associé. Les conditions d'une telle association font l'objet d'un accord entre l'Etat demandeur et l'Union. L'accord est conclu par la Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement. Article 105 : La langue de travail de l'Union est le français. La Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement peut ajouter d'autres langues de travail. CHAPITRE II : De la révision et de la dénonciation du Traité de l'Union Article 106 : Tout Etat membre ou la Commission peut soumettre à la Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement des propositions tendant à modifier le présent Traité. Les modifications approuvées par la Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement entrent en vigueur après avoir été ratifiées par tous les Etats membres, conformément à leurs règles constitutionnelles respectives. Article 107 : Le présent Traité peut être dénoncé par tout Etat membre. Sauf dispositions spéciales adoptées par la Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement, il cesse d'avoir effet à l'égard de l'Etat en question le dernier jour du sixième mois suivant la date de réception de la dénonciation par l'Etat dépositaire. En cas de dénonciation, la Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement apporte par voie d'acte additionnel les adaptations aux dispositions du présent Traité découlant de cette dénonciation. TITRE VI : DISPOSITIONS TRANSITOIRES ET FINALES CHAPITRE I : De la mise en place des Organes de l'Union Article 108 :
Au cours de la première session du Conseil suivant l'entrée en vigueur du présent Traité, il est procédé à la constitution de la Commission. La Commission entre en fonction dès sa constitution. Article 109 : La Cour de Justice est constituée dans un délai de six (6) mois après l'entrée en vigueur du présent Traité. La Cour de Justice entre en fonction dès la nomination de ses membres. Elle établit son règlement de procédures dans un délai de trois (3) mois à compter de son entrée en fonction. Les délais d'introduction des recours courent à compter de la date de publication de ce règlement. Article 110 : Le premier exercice financier s'étend de la date d'entrée en vigueur du Traité jusqu'au 31 décembre suivant. Toutefois, cet exercice s'étend jusqu'au 31 décembre de l'année suivant celle d'entrée en vigueur du Traité, si celle-ci intervient au cours du deuxième semestre. En attendant l'adoption du statut des fonctionnaires et du régime applicable aux autres agents de l'Union, le personnel nécessaire est recruté par la Commission qui conclut à cet effet des contrats à durée déterminée. Article 111 : La Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement détermine le Siège de la Commission, de la Cour de Justice et de la Cour des Comptes. CHAPITRE II : De la révision du Traité de l'UMOA Article 112 : En temps opportun, la Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement adoptera un Traité fusionnant le Traité de l'UMOA et le présent Traité. En attendant cette fusion, le Traité de l'UMOA est modifié conformément aux dispositions des articles 113 à 115 ci-après. Article 113 : 1) l'article 1er : "l'Union Monétaire Ouest Africaine constituée entre les Etats signataires du présent Traité se caractérise par la reconnaissance d'une même unité monétaire dont l'émission est confiée à un institut d'émission commun prêtant son concours aux économies nationales, sous le contrôle des Gouvernements, dans les conditions définies ci-après". est complété par : "Le Traité constituant l'Union Monétaire Ouest Africaine (UMOA) est complété par le Traité de l'Union Économique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA), ci-après dénommé Traité de l'UEMOA". 2) L'article 2 alinéa 2 : "Les modalités de son adhésion seront convenues par accord entre son Gouvernement et les Gouvernements des Etats membres de l'Union sur proposition du Conseil des Ministres de l'Union institué par le Titre III ci-après". est rédigé comme suit : "Les modalités d'admission sont arrêtées selon la procédure prévue à l'article 103 du Traité de l'UEMOA". 3) L'article 4 : "Les Etats signataires s'engagent, sous peine d'exclusion automatique de l'Union, à respecter les dispositions du présent Traité et des textes pris pour son application, notamment en ce qui concerne : 1 - les règles génératrices de l'émission, 2 - la centralisation des réserves monétaires, 3 - la libre circulation des signes monétaires et la liberté des transferts entre Etats de l'Union. 4 - les dispositions des articles ci-après. "La Conférence des Chefs d'Etat de l'Union constatera, à l'unanimité des Chefs d'Etat des autres membres de l'Union, le retrait de celle-ci d'un Etat n'ayant pas respecté les engagements ci-dessus.
Le Conseil des Ministres en tirera les conséquences qui s'imposeraient pour la sauvegarde des intérêts de l'Union". est rédigé comme suit : "Les Etats membres s'engagent, sous peine d'exclusion automatique de l'Union, à respecter les dispositions du présent Traité, du Traité de l'UEMOA et des textes pris pour leur application, notamment en ce qui concerne : (i) les règles génératrices de l'émission, (ii) la centralisation des réserves monétaires, (iii) la libre circulation des signes monétaires et la liberté des transferts entre Etats de l'Union, (iv) les dispositions des articles ci-après. Conformément à la procédure prévue à l'article 6 du protocole additionnel n°I la Cour de Justice de l'Union est compétente pour connaître des manquements des Etats membres aux obligations qui leur incombent en vertu du Traité de l'Union. Si l'Etat membre qui n'a pas respecté ses engagements ne s'est pas exécuté suite à l'invitation prévue à l'article 6 dudit protocole, la Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement constatera, à l'unanimité des Chefs d'Etat et de Gouvernement des autres Etats membres de l'Union, le retrait de cet Etat. L'article 107 alinéa 3 du Traité de l'UEMOA s'applique par analogie. En outre, le Conseil, statuant à l'unanimité de ses membres, peut prendre les mesures qui s'imposeraient pour la sauvegarde des intérêts de l'Union. Article 114 : L'article 5 : "Les Chefs des Etats membres de l'Union réunis en Conférence constituent l'autorité suprême de l'Union. La Conférence des Chefs d'Etat décide de l'adhésion de nouveaux membres, prend acte du retrait et de l'exclusion de membres de l'Union et fixe le siège de son institut d'émission. La Conférence des Chefs d'Etat tranche toute question n'ayant pu trouver une solution par accord unanime du Conseil des Ministres de l'Union et que celui-ci soumet à sa décision. Les décisions de la Conférence dénommées "acte de la Conférence", sont prises à l'unanimité. La Conférence siège pendant une année civile dans chacun des Etats de l'Union à tour de rôle dans l'ordre alphabétique de leur désignation. Elle se réunit au moins une fois l'an et aussi souvent que nécessaire, à l'initiative du Président en exercice ou à la demande d'une ou plusieurs des Chefs d'Etat membre de l'Union. La présidence de la Conférence est assurée par le Chef de l'Etat membre dans lequel siège la Conférence. Le Président en exercice fixe les dates et les lieux des réunions et arrête l'ordre du jour des travaux. En cas d'urgence, le Président en exercice peut consulter à domicile les autres Chefs d'Etat de l'Union par une procédure écrite". est complété par l'alinéa suivant : "Le Président de la Commission, le Gouverneur de la BCEAO et le Président de la BOAD peuvent assister aux réunions de la Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement pour exprimer les points de vue de leur institution sur les points de l'ordre du jour qui les concernent". Article 115 : 1) L'article 7 dernier alinéa : "Pour l'exécution de son mandat, le Président du Conseil des Ministres peut recueillir information et assistance de l'Institut d'Emission de l'Union. Celui-ci pourvoit à l'organisation des séances du Conseil des Ministres et à son secrétariat". est modifié comme suit : "Le Conseil peut inviter la Commission, la BCEAO et la BOAD à lui soumettre des rapports et à prendre toute initiative utile à la réalisation des objectifs de l'Union. La Commission, la BCEAO et la BOAD pourvoient à l'organisation des séances du Conseil des Ministres et à son secrétariat". 2) l'article 8 :
"Le Gouverneur de l'Institut d'Emission de l'Union assiste aux réunions du Conseil des Ministres. Il peut demander à être entendu par ce dernier. Il peut se faire assister par ceux de ses collaborateurs dont il estime le concours nécessaire". est rédigé comme suit : Il peut se faire assister par ceux de ses collaborateurs dont il estime le concours nécessaire." est rédigé comme suit : "Le Président de la Commission ou un membre de celle-ci ainsi que le Gouverneur de la BCEAO et le Président de la BOAD assistent aux réunions du Conseil. Ils peuvent demander à être entendus par ce dernier. Ils peuvent se faire assister par ceux de leurs collaborateurs dont ils estiment le concours nécessaire". CHAPITRE III : De l'entrée en vigueur du Traité de l'UEMOA Article 116 : Le Présent Traité sera ratifié par les Hautes Parties Contractantes, conformément à leurs règles constitutionnelles respectives. Les instruments de ratification seront déposés auprès du Gouvernement de la République du Sénégal. Le présent Traité entrera en vigueur le premier jour du mois suivant le dépôt de l'instrument de ratification de l'Etat signataire qui procédera le dernier à cette formalité. Toutefois, si le dépôt a lieu moins de quinze (15) jours avant le début du mois suivant, l'entrée en vigueur du Traité sera reportée au premier jour du deuxième mois suivant la date de ce dépôt. En foi de quoi, ont apposé leur signature au bas du présent Traité, le 10 janvier 1994. Pour la République du Bénin S.E. Nicéphore Dieudonné SOGLO Président de la République Pour la République du Mali S.E. Alpha Oumar KONARE Président de la République Pour le Burkina Faso S.E. Blaise COMPAORE Président du Faso Pour la République du Niger S.E. Ousmane MAHAMANE Président de la République Pour la République de Côte d'Ivoire S.E. Daniel Kablan DUNCAN Premier Ministre Pour la République du Sénégal S.E. Abdou DIOUF Président de la République Pour la République Togolaise S.E. Joseph Kokou KOFFIGOH Premier Ministre
Annexe 2 : Règlement n°02/2005/CM/UEMOA relatif à l'harmonisation de la règlementation pharmaceutique dans les Etats membres de L'UEMOA
REGLEMENT N°02/2005/CM/UEMOA RELATIF A L'HARMONISATION DE LA REGLEMENTATION PHARMACEUTIQUE DANS LES ETATS MEMBRES DE L'UEMOA LE CONSEIL DES MINISTRES DE L'UNION ECONOMIQUE ET MONETAIRE OUEST AFRICAINE (UEMOA) VU VU VU VU le Traité de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA), notamment en ses articles 6, 16, 20, 25, 42, 43, 60, 101 et 102 ; le Protocole Additionnel n° II relatif aux politiques sectorielles de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA), notamment en son article 3 ; la Déclaration des Chefs d’Etat et de Gouvernement en date du 10 mai 1996 en ses orientations relatives à la santé; l'Accord-cadre de coopération signé en mai 2000 entre le Bureau Régional pour l'Afrique de l'Organisation Mondiale de la Santé et l’UEMOA ; les Recommandations des Ministres de la Santé des pays de la Zone Franc et des Pays associés lors des rencontres de Libreville en mars 1998 ; les Recommandations de la deuxième réunion des Ministres chargés de la Santé des pays de l’UEMOA à Cotonou en mars 2000 ;
la Recommandation No 01/00/CM du 29 juillet 2000 relative à la mise en œuvre d'actions communes en matière de santé des populations de l’Union ;
CONSIDERANT CONSIDERANT RECONNAISSANT CONSCIENTS les principes de complémentarité et de solidarité entre les Etats membres de l’UEMOA ; le rôle du médicament dans la promotion et la protection de la santé de nos populations ; que la majorité de nos populations a un accès limité aux médicaments de qualité ; de la menace que font peser sur la santé des populations des pays de l’UEMOA la vente illicite des médicaments et les médicaments contrefaits ; que le médicament doit conserver toute sa qualité, de la production à la consommation ; la nécessité de l’harmonisation de la réglementation pharmaceutique au niveau communautaire ; de la disponibilité limitée de ressources matérielles, financières et humaines compétentes dans les pays de l’UEMOA pour contrôler efficacement la qualité
CONVAINCUS CONSIDERANT CONSCIENTS CONSCIENTS CONSCIENTS des médicaments qui y circulent ; de la nécessité de la mise en commun des moyens en vue de promouvoir une utilisation plus rationnelle des ressources ;
du besoin de coopération technique entre les pays de l’UEMOA pour renforcer la production, la distribution et l'accessibilité à des médicaments de qualité et de sécurité garanties ; le Référentiel pour l’harmonisation des procédures d’enregistrement des médicaments essentiels génériques dans les pays de la zone franc et pays associés, adopté à Ouagadougou en février 1999 ; à faciliter le commerce et la libre circulation des médicaments de qualité entre les pays membres ;
PRENANT EN COMPTE DETERMINES Sur proposition de la Commission ; Après avis du Comité des Experts statutaire en date du 17 juin 2005 ; Edicte le Règlement dont la teneur suit :
TITRE I : DES DISPOSITIONS GENERALES Chapitre I : Des objectifs Article 1er : La réglementation pharmaceutique intègre plusieurs activités complémentaires qui se renforcent mutuellement et qui visent toutes à promouvoir et à protéger la santé publique. La réglementation pharmaceutique s’exerce dans un cadre légal et exige des connaissances et des compétences médicales, scientifiques et techniques. Article 2 : L’harmonisation de la réglementation pharmaceutique, au sens du présent Règlement, s’entend de l’adoption de mesures en vue de disposer de procédures communautaires dans le domaine pharmaceutique en général et du médicament en particulier. L’harmonisation de la réglementation pharmaceutique est un processus dynamique que les Etats membres de l’Union entendent utiliser pour améliorer l’accessibilité, la disponibilité et la libre circulation des médicaments de qualité dans l’espace communautaire. Article 3 : L’harmonisation de la réglementation pharmaceutique est une nécessité pour les Etats membres de l’Union en vue : -d’améliorer l’accès des populations aux médicaments de qualité ; -d’utiliser rationnellement les ressources ; -De développer le système d’information et les échanges dans le domaine pharmaceutique ; -d’améliorer l’application de la réglementation pharmaceutique. Chapitre II : Des principes et de la nécessité de l ’harmonisation de la réglementation pharmaceutique Article 4 : Les Etats membres de l’Union s’engagent à confronter leurs points de vue et à s’accorder sur les aspects d’intérêt commun en matière de réglementation pharmaceutique. Ils favorisent, dans le cadre du processus d’harmonisation, l'édiction par l'Union des règles communes, visant à organiser et à administrer le secteur. Ils s’engagent ainsi à donner à l’individu et à la communauté un niveau de santé permettant de mener une vie socialement acceptable et économiquement productive.
Article 5 : Les Etats membres de l’Union s’engagent à mettre en place les Structures et les moyens nécessaires pour la réussite de l’harmonisation. TITRE II : DE LA STRUCTURE CHARGEE DE L’HARMONISATI ON DE LA REGLEMENTATION ET LA COOPERATION PHARMACEUTIQUES Chapitre I : DE LA CREATION DE LA STRUCTURE Article 6 : Il est créé, au sein de la Commission de l'UEMOA, une structure dénommée Cellule pour l’Harmonisation de la Réglementation et la Coopération Pharmaceutiques, en abrégé CHRCP ou "Cellule.
Chapitre II : DE L'OBJET DE LA CELLULE Article 7 : L'objet de la Cellule est d'impulser et de suivre progressivement l’harmonisation des réglementations pharmaceutiques des Etats membres de l’Union en vue de contribuer à l’amélioration de la qualité de vie des populations à travers l'accessibilité à des médicaments de qualité et de sécurité garanties. Chapitre III : DES MISSIONS DE LA CELLULE
Article 8 : La Cellule a pour missions : d’harmoniser les normes, les standards, les lignes directrices et les procédures utilisées au niveau de la réglementation pharmaceutique dans les Etats membres de l’Union ; de renforcer la capacité de réglementation pharmaceutique dans les pays de l’Union par la formation du personnel dans les domaines de la réglementation, de l’enregistrement, de l’inspection et de l’assurance qualité des médicaments ; de renforcer les capacités des Autorités nationales de réglementation pharmaceutique ; de promouvoir et de susciter la mise en œuvre de projets d’harmonisation de la réglementation et la coopération pharmaceutiques ; de renforcer les systèmes de gestion et d’échange des informations entre les Autorités nationales de réglementation pharmaceutique ; d’encourager le travail en réseau et la coopération technique. La Cellule peut être sollicitée pour toute autre question relevant du domaine de l’harmonisation de la réglementation et la coopération pharmaceutiques Article 9 : La Cellule est composée des organes suivants : un Comité de pilotage, dénommé "Comité" ; des Groupes de travail techniques, dénommés "Groupes de travail" ; un Secrétariat. Article 10 : Le Comité est l'organe principal d'aide à la décision en matière d’harmonisation de la réglementation et la coopération pharmaceutiques. Article 11 : Le Comité est composé : des Directeurs chargés de la Pharmacie et du Médicament des pays membres de l’Union ou de leurs représentants dûment mandatés ; Des représentants de la Commission de l’UEMOA ; des représentants de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) et de l’Organisation Ouest Africaine de la Santé (OOAS). Article 12 : Le Comité peut faire appel à toute personne ressource en matière de réglementation pharmaceutique et aux autres partenaires qui interviennent en qualité d’observateurs. Article 13 : Les Groupes de travail se composent d’experts nationaux, régionaux et/ou internationaux dont la compétence est reconnue dans la matière considérée. Les Groupes de travail examinent les différences d'exigences entre les pays et recherchent les conditions et les solutions susceptibles de concilier les différentes positions. Article 14 : Le secrétariat est assuré par la Commission de l’UEMOA. Dans le cadre de sa mission, le secrétariat exécute les tâches ci-après : la préparation matérielle et technique des réunions ; La proposition d'un ordre du jour de chaque réunion ; l'organisation matérielle des réunions et la diffusion des conclusions des réunions. Chapitre V : DU FONCTIONNEMENT DES ORGANES DE LA CE LLULE Article 15 : Le Comité se réunit au moins une fois par an. Article 16 : Le Comité élabore son Règlement intérieur. Les différents organes de la Cellule fonctionnent conformément aux dispositions du Règlement intérieur. Article 17 : Le Comité élabore un plan de travail pluriannuel. Article 18 : La Commission de l’UEMOA assure la disponibilité des ressources nécessaires au fonctionnement de la Cellule. TITRE III : DU PROCESSUS D’HARMONISATION DE LA REGL EMENTATION ET LA COOPERATION PHARMACEUTIQUES Chapitre I : DES DOMAINES D’HARMONISATION Article 19 : Les thèmes d’intérêt commun portent, entre autres, sur les domaines suivants :
- Production ; - Homologation ; - Assurance - qualité ; - Inspection ; - Approvisionnement ; - Veille sanitaire ; - Exercice de la profession pharmaceutique ; - Publicité sur les médicaments ; - Echanges d’informations et coopération technique ; - Formations ; - Médecine et pharmacopée traditionnelles.
Chapitre II : DES MECANISMES DE LA SAISINE Article 20 : Toute initiative d’harmonisation peut provenir soit du Comité soit de tout Etat membre de l’Union. Article 21 : La partie initiatrice de l’action d’harmonisation doit présenter un sommaire de la proposition indiquant le type d’harmonisation préconisée.
Article 22 : La requête d’harmonisation d’un pays membre de l’Union est adressée au Secrétariat du Comité. TITRE IV : DES DISPOSITIONS FINALES Article 23 : La Commission et les Etats membres de l’Union doivent, chacun en ce qui le concerne, prendre toutes les dispositions et mesures nécessaires pour l’application du présent Règlement. Article 24 : Le présent Règlement entre en vigueur à la date de sa signature et sera publié au Bulletin Officiel de l'Union. Fait à Dakar, le 04 juillet 2005 Pour le Conseil des Ministres
Annexe 3 : Règlement n°06/2010/CM/UEMOA relatif aux procédures d’homologation des produits pharmaceutiques à usage humain dans les Etats membres de l’UEMOA
UNION ECONOMIQUE ET MONETAIRE OUEST AFRICAINE ---------------- Le Conseil des Ministres REGLEMENT N° 06/2010/ CM/ UEMOA RELATIF AUX PROCEDU RES D’HOMOLOGATION DES PRODUITS PHARMACEUTIQUES A USAGE HUMAIN DANS LES ETATS MEMBRES DE L’UEMOA LE CONSEIL DES MINISTRES DE L’UNION ECONOMIQUE ET MONETAIRE OUEST AFRICAINE (UEMOA) Vu le Traité de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine en ses articles 6, 7,16, 20 à 25, 42 à 46, 100 et 101 ; Vu le Protocole additionnel N° II relatif aux Politiques sectorielles de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine, notamment en son article 3 ; Vu le Règlement N°02/2005/CM/UEMOA du 4 juillet 2005, relatif à l'harmonisation de la réglementation pharmaceutique dans les Etats membres de l'UEMOA ; Considérant le rôle du médicament dans la promotion et la protection de la santé des populations ; Reconnaissant que la majorité des populations a un accès limité aux médicaments de qualité ; Soulignant la nécessité de l’harmonisation de la réglementation pharmaceutique au niveau communautaire et de la mise en commun des moyens en vue de promouvoir une utilisation rationnelle des ressources ; Ayant à l’esprit le besoin de coopération technique entre les Etats membres de l’UEMOA pour renforcer la production, la distribution et l'accessibilité à des médicaments de qualité et de sécurité garanties ; Prenant en compte le Référentiel pour l’harmonisation des procédures d’enregistrement des médicaments essentiels génériques dans les pays de la zone franc et pays associés, adopté à Ouagadougou en février 1999 ; Soucieux d’agir contre la menace que font peser sur la santé des populations des Etats membres de l’UEMOA, le marché illicite et la contrefaçon des médicaments ; Sur proposition de la Commission de l’UEMOA ; Après avis du Comité des Experts statutaire, en date du 24 septembre 2010 ; ADOPTE LE REGLEMENT DONT LA TENEUR SUIT : TITRE I : DISPOSITIONS GENERALES CHAPITRE I : DEFINITIONS Article premier : Définitions Aux fins du présent Règlement on entend par : « Autorisation de Mise sur le Marché (AMM)» : document officiel délivré par le Ministre en charge de la Santé qui autorise la commercialisation ou la distribution gratuite d’un produit pharmaceutique ;
« Autorité de réglementation pharmaceutique » : organisme national responsable de l’homologation et /ou des activités réglementaires en rapport avec les produits pharmaceutiques à usage humain ; « Biodisponibilité » : fraction maximale de la dose administrée qui parvient dans l’organisme (vitesse et taux de libération) ; « Bioéquivalence » : deux médicaments sont bioéquivalents s'ils sont équivalents du point de vue pharmaceutique et si leur biodisponibilité, après administration de la même dose molaire, est suffisamment voisine pour que l'on puisse s'attendre à des effets essentiellement identiques ; « Bonnes pratiques de fabrication » : éléments de l’assurance de la qualité qui veillent à l’homogénéité de la fabrication des produits pharmaceutiques et au respect des normes de qualité qui correspondent à l’usage auquel ils sont destinés ; « Conditionnement » : toutes les opérations, y compris le remplissage et l’étiquetage, qu’un produit en vrac doit subir pour devenir un produit fini ; « Conditionnement primaire » : le récipient ou toute autre forme de conditionnement avec lequel le médicament se trouve en contact direct ; « Conditionnement secondaire » : l’emballage dans lequel est placé le conditionnement primaire ; « Contrôle de la qualité » : dans le cadre de l’assurance qualité, il s’agit d’une pratique recouvrant l’échantillonnage, la caractérisation et les essais des produits, ainsi que les procédures d’organisation, de documentation et de libération des produits. Il s’agit de vérifier que tous les tests nécessaires ont bien été effectués et qu’aucun matériel ou produit ne soit proposé à la vente ou à l’approvisionnement, sans que sa qualité n’ait été jugée satisfaisante ; « Date de fabrication » : date fixée pour chaque lot, correspondant à la date d'achèvement de la fabrication ; « Date limite d'utilisation (date de péremption) » : la date au-delà de laquelle l’efficacité, la sécurité et l’innocuité ne sont plus assurées ; « Demandeur de l’autorisation de mise sur le marché » : il s’agit de tout laboratoire fabriquant ou exploitant, ou de toute personne physique ou morale habilitée à représenter le fabriquant ou l’exploitant du laboratoire pharmaceutique ; « Dénomination commune internationale » : le nom donné à la molécule par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) ; « Dosage du médicament » : quantité de (des) principe (s) actif (s) contenue dans une forme unitaire d’un médicament ; « Durée de conservation » : période pendant laquelle un médicament, s’il est convenablement stocké, reste conforme aux spécifications ; « Enregistrement » : procédure conduisant à l’octroi d’une Autorisation de Mise sur le Marché à un médicament pour la première fois ; « Essai clinique » : étude systématique d’un médicament chez des sujets humains en vue de déterminer ou de confirmer des effets pharmacologiques et thérapeutiques ; « Excipient » : substance sans activité thérapeutique, entrant dans la formulation d’un médicament, en vue de faciliter sa préparation, sa conservation et son administration ; « Excipient à effet notoire » : excipient capable de développer des effets indésirables chez le patient ; « Essais de stabilité » : ensemble des études menées sur la molécule ou le médicament, visant à déterminer la durée et les conditions de conservation ;
« Fabricant » : établissement où s’effectue l’étape de libération des lots de produits finis ; « Forme galénique » : présentation physique du produit fini ; « Forme pharmaceutique » : présentation du médicament dans son conditionnement final ; « Homologation » : ensemble des processus conduisant à l’obtention d’une Autorisation de Mise sur le Marché à savoir, l’enregistrement, le renouvellement et les variations ; « Informations sur le produit » : ensemble des données sur le médicament, destinées au corps médical et au public ; « Inspection » : ensemble des contrôles officiels menés par les autorités compétentes sur les lieux et/ou dans les établissements pour vérifier le respect de la réglementation et des bonnes pratiques en vigueur ; « Lot » : quantité définie de médicaments devant présenter des caractéristiques uniformes produites au cours du même processus de fabrication ; « Libération de lot » : acte par lequel le pharmacien responsable assure la conformité d’un lot ; « Médicament à usage humain (Produit pharmaceutique à usage humain) » : substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l’égard des maladies humaines, ainsi que tout produit pouvant être administré à l’homme en vue d’établir un diagnostic médical ou de restaurer, corriger ou modifier leurs fonctions organiques ; « Médicament essentiel » : tout médicament satisfaisant aux besoins sanitaires de la majorité de la population et répondant aux critères d’efficacité, de qualité prouvée, d’utilisation facile, de disponibilité permanente, d’un minimum d’effets indésirables et d’une bonne accessibilité géographique et financière ; « Médicament générique ou multi source » : copie essentiellement similaire d’un médicament original encore appelé innovant, qui est la référence et qui n’est plus protégé par un brevet d’exploitation ; « Médicament innovant » : médicament contenant un nouveau principe actif, concernant une nouvelle voie d’administration, un nouveau dosage, une nouvelle modification ou une nouvelle association à doses fixes, n’ayant jamais reçu une Autorisation de Mise sur le Marché dans le pays concerné par la demande ; « Modèle vente du médicament » : modèle d’échantillon médical qui sera commercialisé ; « Pays d’origine » : pays du fabricant du médicament ; « Production » : ensemble des opérations de fabrication permettant l'obtention du produit fini ; « Produit fini » : produit présenté sous son conditionnement définitif ; « Produit pharmaceutique à usage humain » : voir la définition du médicament à usage humain ; « Renouvellement » : procédure conduisant à l’octroi d’une nouvelle Autorisation de Mise sur le Marché à un médicament dont l’autorisation de mise sur le marché précédente est arrivée à expiration ; « Résumé des caractéristiques du produit » : ensemble des informations essentielles sur le médicament proposées par le fabricant, et approuvées par l’autorité de réglementation pharmaceutique ;
« Révision du résumé des caractéristiques du produi t » : procédure à l'initiative de l'autorité de réglementation pharmaceutique ou du demandeur qui décide de réévaluer le résumé des caractéristiques du produit ; « Spécialité pharmaceutique » : tout médicament préparé à l’avance dans l’industrie pharmaceutique, présenté sous un conditionnement particulier et caractérisé par une dénomination spéciale ou nom de marque ; « Stabilité » : aptitude d'un médicament à conserver ses propriétés dans des limites déterminées, pendant toute sa durée de conservation ; « Titulaire de l'Autorisation de Mise sur le Marché » : toute personne physique ou morale bénéficiant d'une Autorisation de Mise sur le Marché d'un médicament ; « Variation majeure de l’Autorisation de Mise sur l e Marché » : toute modification ayant des répercussions sur l’activité du médicament. Le dossier est entièrement réexaminé par le Comité d’experts et la Commission nationale du médicament ; « Variation mineure de l’Autorisation de Mise sur l e Marché » : toute modification n’ayant aucune répercussion sur l’activité du médicament. Le dossier n’est pas réexaminé par la Commission nationale du médicament. CHAPITRE II : OBJET ET CHAMP D’APPLICATION Article 2 : Objet Le présent Règlement a pour objet de définir les procédures d’homologation des produits pharmaceutiques à usage humain dans les Etats membres de l’Union. Article 3 : Champ d’application Les dispositions du présent Règlement s’appliquent aux produits pharmaceutiques à usage humain destinés à être mis sur le marché d’un Etat membre de l’Union, sous la forme de spécialité pharmaceutique, de médicament générique ou multi source, ou de vaccin. TITRE II : MISE SUR LE MARCHE DES PRODUITS PHARMACE UTIQUES A USAGE HUMAIN. CHAPITRE I : DISPOSITIONS GENERALES Article 4 : L’Autorisation de Mise sur le Marché de s produits pharmaceutiques à usage humain Aucun produit pharmaceutique à usage humain ne peut être mis sur le marché à titre gratuit ou onéreux dans un Etat membre de l’UEMOA, s’il n’a au préalable obtenu une Autorisation de Mise sur le Marché. Article 5 : De la demande d’Autorisation de Mise su r le Marché des produits pharmaceutiques à usage humain L'Autorisation de Mise sur le Marché d'un produit pharmaceutique à usage humain est sollicitée auprès du Ministre en charge de la Santé. La demande introduite à cette fin est déposée auprès de l’autorité de réglementation, accompagnée du récépissé de paiement des redevances prévues aux articles 23 à 25 du présent Règlement. Le dossier de demande d’Autorisation de Mise sur le Marché est composé de cinq modules organisés ainsi qu’il suit : - Un dossier administratif ou Module 1, qui comprend : un formulaire de demande d’Autorisation de Mise sur le Marché dûment rempli ; des renseignements sur le demandeur de l’Autorisation de Mise sur le Marché ; des renseignements sur le fabricant et/ou l’exploitant du produit ;
l’état de commercialisation du produit ; l’Autorisation de Mise sur le Marché et/ou le certificat de produit pharmaceutique délivré par une autre autorité de règlementation ; le modèle-vente du produit pharmaceutique soumis à homologation ; autres documents jugés pertinents par l’autorité de réglementation pharmaceutique. - Un dossier technique comprenant les modules suivants : Module 2 ou résumé du dossier technique ; Module 3 ou dossier qualité ; Module 4 ou dossier non clinique comprenant la documentation pharmacologique et toxicologique sur le produit pharmaceutique ; Module 5 ou dossier clinique comprenant la documentation clinique, les données de bioéquivalence ou des tests de dissolution lorsqu’il s’agit d’un médicament sous dénomination générique. Le contenu et les exigences du dossier de demande d’Autorisation de Mise sur le Marché sont décrits dans l’Annexe N° I, Parties I, II et I II. L’Annexe I fait partie intégrante du présent Règlement. Article 6 : Evaluation administrative du dossier de demande d’Autorisation de Mise sur le Marché des produits pharmaceutiques à u sage humain Le dossier de demande d'Autorisation de Mise sur le Marché doit faire l’objet d’une évaluation administrative par l’autorité de réglementation pharmaceutique. Article 7 : Obligation d’évaluation technique et de validation du dossier de demande d’Autorisation de Mise sur le Marché Toute demande d’Autorisation de Mise sur le Marché doit faire l’objet d’une évaluation technique préalable par un Comité d’experts visé à l’article 9 du présent Règlement, suivie de la validation par la Commission nationale du médicament à usage humain, visé à l’article 10 du présent Règlement. Article 8 : Missions de l’autorité de réglementatio n pharmaceutique Dans chaque Etat membre, l’autorité de réglementation pharmaceutique est l’organisme responsable de l’homologation des produits pharmaceutiques et des autres activités réglementaires en rapport avec les produits pharmaceutiques à usage humain. Cet organisme est chargé d’instruire et de suivre les dossiers de demande d’homologation des produits pharmaceutiques. CHAPITRE II : ORGANISMES TECHNIQUES CHARGES DE L’EVALUATION ET DE L’HOMOLOGATION Article 9 : Le Comité d’experts Chaque Etat membre met en place, par voie d’arrêté du Ministre en charge de la Santé, un Comité d’experts chargé de : - procéder à l’évaluation technique des dossiers de demande d’homologation des produits pharmaceutiques à usage humain ; - donner un avis sur la qualité, la sécurité, l’innocuité et l’efficacité des produits pharmaceutiques à usage humain soumis à homologation. Le Comité d’experts est constitué par des personnes ressources ès qualité, externes à l’autorité de réglementation pharmaceutique et provenant des universités, instituts de recherche, centres hospitaliers et centres de santé périphériques. Le Comité d’experts peut s’adjoindre toute personne ressource. La composition et le mode de fonctionnement dudit Comité sont définis par le Ministre en charge de la Santé.
Les membres du Comité d’experts sont tenus au respect des principes de confidentialité et de transparence. Ils doivent signer une déclaration de conflit d’intérêt et d’engagement de confidentialité. Les membres du Comité d’experts perçoivent une rémunération pour leur expertise, dont le montant et les modalités sont fixés par l’autorité ministérielle compétente. Article 10 : La Commission nationale du médicament Chaque Etat membre met en place une Commission nationale du médicament chargée, d’une part, de valider les travaux du Comité d’experts, et d’autre part, de donner un avis définitif sur : - les dossiers de demande d’Autorisation de Mise sur le Marché ; - les suspensions temporaires d’Autorisation de Mise sur le Marché ; - les projets de retrait définitif de l’Autorisation de Mise sur le Marché ; - les variations de l’Autorisation de Mise sur le Marché ; - les transferts de l’Autorisation de Mise sur le Marché. Les activités de la Commission nationale du médicament sont coordonnées par l’autorité de règlementation pharmaceutique. La Commission nationale du médicament est composée de membres répartis comme suit : - un représentant de la Direction en charge de la santé ; - un représentant de l’autorité de règlementation pharmaceutique ; - un représentant du laboratoire national chargé de contrôle de la qualité des médicaments ; - des médecins cliniciens et des professionnels de la santé des centres hospitaliers universitaires ; - des représentants désignés par les Ordres professionnels (pharmaciens, médecins et chirurgiens dentistes) ; - des professeurs de l’enseignement supérieur (pharmacologues, chirurgiens, toxicologues et pharmaciens galénistes). La Commission nationale du médicament peut faire appel à toute personne ressource. Les membres de la Commission nationale du médicament sont tenus au respect des principes de confidentialité, et doivent signer une déclaration de conflit d’intérêt avant chaque session de la Commission. Les rémunérations des experts et les frais de fonctionnement de la Commission nationale du médicament, de contrôles de qualité, de l’inspection des bonnes pratiques de fabrication, des systèmes de pharmacovigilance, sont en partie assurés par les redevances d’homologation. Un arrêté de l’autorité ministérielle compétente précise les modalités de fonctionnement de la Commission nationale du médicament. Le montant et les modalités de rémunération des membres de la Commission nationale sont fixés par l’autorité ministérielle compétente. CHAPITRE III : PROCEDURES D’HOMOLOGATION Article 11 : Procédure de traitement d’un dossier d e demande d’Autorisation de Mise sur le Marché La procédure d’évaluation d’un dossier de demande d’homologation est décrite dans l’Annexe II du présent Règlement dont elle est partie intégrante. Article 12 : Critères de validation du dossier de d emande d’homologation par la Commission nationale du médicament
La Commission nationale du médicament procède à la validation des dossiers de demande d’Autorisation de Mise sur le Marché par référence aux éléments d’appréciation suivants : l’avis technique du comité d’experts ; l’intérêt et l’efficacité thérapeutiques ; l’innocuité dans les conditions normales d’emploi ; le Prix Grossiste Hors Taxe (PGHT) ; le coût des traitements journalier et total ; le nombre de produits finis multisources similaires sur le marché. CHAPITRE IV : DELIVRANCE DE L’AUTORISATION DE MISE SUR LE MARCHE Article 13 : Conditions de délivrance de l’Autorisa tion de Mise sur le Marché L’Autorisation de Mise sur le Marché est délivrée à une personne morale, pour un produit pharmaceutique correspondant à une spécialité pharmaceutique, à un médicament générique ou à un vaccin. Une autorisation spéciale d’importation peut être accordée, à titre exceptionnel par le Ministre en charge de la Santé, pour des raisons de santé publique et pour une durée n’excédant pas douze (12) mois. Article 14 : Conditions d’octroi de l’Autorisation de Mise sur le Marché L’Autorisation de Mise sur le Marché est accordée par le Ministre en charge de la Santé, sur proposition de la Commission nationale du médicament après satisfaction des conditions prescrites par le présent Règlement. Le Ministre en charge de la Santé peut déléguer ses prérogatives pour le renouvellement de l’Autorisation de Mise sur le Marché à l’autorité de réglementation pharmaceutique, laquelle peut procéder au renouvellement de l’Autorisation de Mise sur le Marché par lettre de notification au laboratoire demandeur. Article 15 : Contenu et libellé de l’Autorisation d e Mise sur le Marché Chaque Etat membre de l’UEMOA délivre une Autorisation de Mise sur le Marché nationale. Le contenu et le libellé de cette autorisation sont précisés en Annexe N°III du présent Règlement dont il est partie intégrante. Dans le processus d’octroi d’une Autorisation de Mise sur le Marché d’un médicament à usage humain, un Etat membre peut se référer aux résultats de l’expertise technique d’une autorité de réglementation d’un autre Etat membre. Le rapport d’évaluation technique du dossier est, à ce titre, rendu public auprès du Secrétariat de la Cellule pour l’Harmonisation de la Réglementation et la Coopération Pharmaceutiques, et peut être utilisé par une autorité nationale de réglementation qui ne dispose pas de l’expertise requise. CHAPITRE V : DUREE DE VALIDITE, VARIATION ET RENOUV ELLEMENT D’UNE AUTORISATION DE MISE SUR LE MARCHE Article 16 : Durée de validité de l’Autorisation de Mise sur le Marché La durée de validité d’une Autorisation de Mise sur le Marché est de cinq (5) ans. Article 17 : Surveillance du marché Tout titulaire d’une Autorisation de Mise sur le Marché doit adhérer au système national de pharmacovigilance. Article 18 : Conditions de variation de l’Autorisat ion de Mise sur le Marché Toute variation des éléments du dossier d’une Autorisation de Mise sur le Marché doit faire l’objet d’une notification justifiant la modification au Ministre en charge de la Santé.
Le contenu et les exigences du dossier de demande de variation sont précisés à l’Annexe N° I, Partie II du présent Règlement. Article 19 : Condition de renouvellement de l’Autor isation de Mise sur le Marché Toute Autorisation de Mise sur le Marché doit faire l’objet d’un renouvellement dont les modalités sont précisées à l’Annexe N°I, Partie III du présent Règlement, et ce, avant l’expiration de sa durée de validité. CHAPITRE VI : REFUS, SUSPENSION OU RETRAIT D’UNE AU TORISATION DE MISE SUR LE MARCHE Article 20 : Conditions de refus de l’Autorisation de Mise sur le Marché L’Autorisation de Mise sur le Marché peut être refusée, après un avis motivé de la Commission nationale du médicament à usage humain. Dans ce cas, l’Autorité de réglementation pharmaceutique notifie la décision de refus au demandeur, dans un délai de 30 jours ouvrables à compter de la date de signature de la notification Article 21 : Conditions de suspension de l’Autorisa tion de Mise sur le Marché Tout médicament à usage humain présentant un danger pour la santé publique peut faire l’objet d’une suspension pour une période de 6 mois. Tout médicament à usage humain faisant l’objet d’une mesure de suspension doit être retiré sans délai du circuit de distribution. La décision de suspension est prise par le Ministre en charge de la Santé. Le produit sera retiré du circuit de distribution, conformément aux règles de Bonnes Pratiques de Distribution des Médicaments. La décision de suspension est notifiée au demandeur de l’Autorisation de Mise sur le Marché, qui a la faculté de fournir toute information nécessaire. L’annulation de la décision de suspension peut être sollicitée, si le retrait de l’Autorisation de Mise sur Marché n’a pas été prononcé dans un délai de (6) mois à compter du jour où la suspension aura été notifiée. La mesure de suspension n’ouvre droit à aucune indemnisation de la part des autorités sanitaires. Article 22 : Conditions de retrait de l’Autorisatio n de Mise sur le Marché Toute Autorisation de Mise sur le Marché peut faire l’objet d’un retrait, après avis motivé de la Commission nationale du médicament. La décision de retrait est prononcée par le Ministre en charge de la Santé. TITRE III : REDEVANCES DUES POUR L’AUTORISATION DE MISE SUR LE MARCHE D’UN PRODUIT PHARMACEUTIQUE A USAGE HUMAIN Article 23 : La redevance due à l’autorité de régle mentation dans le cadre d’une demande d’Autorisation de Mise sur le Marché Il est institué une redevance versée à l’autorité de réglementation pour toute demande d’Autorisation de Mise sur le Marché dont le montant de base est fixé par voie d’arrêté ministériel. La redevance est une somme versée par le demandeur d’une Autorisation de Mise sur le Marché au moment du dépôt du dossier de demande. Elle participe au financement des actes administratifs et de l’expertise technique posée dans le cadre de l’évaluation d’un dossier, conformément aux dispositions visées aux articles 6, 7,8.
Chaque Etat membre fixe le montant et les modalités de perception de ces redevances. La redevance de base est réduite de 50% pour les médicaments produits localement dans les Etats membres de l’Union. Article 24 : Redevance de base pour l’Autorisation de Mise sur le Marché d’un produit pharmaceutique à usage humain La redevance de base est exigée pour chaque dosage, chaque forme pharmaceutique, et chaque présentation. Article 25 : Redevance pour une demande de variatio n majeure de l’Autorisation de Mise sur le Marché d’un produit pharmaceutique à usage humain La redevance due au titre d’une demande de variation majeure d’une Autorisation de Mise sur le Marché correspond à la redevance de base. Article 26 : Redevance pour une demande de variatio n mineure de l’Autorisation de Mise sur le Marché d’un produit pharmaceutique à usage humain La redevance due au titre d’une demande de variation mineure d’une Autorisation de Mise sur le Marché, correspond à 10% de la redevance de base. Article 27 : Redevance pour une demande de renouvel lement de l’Autorisation de Mise sur le Marché d’un produit pharmaceutique à usage humain La redevance due au titre d’une demande de renouvellement d’une Autorisation de Mise sur le Marché correspond à 50% de la redevance de base. TITRE IV : DISPOSITIONS FINALES Article 28 : Mise en œuvre A compter de l’entrée en vigueur du présent Règlement, les Etats membres disposent d’un délai de douze (12) mois pour mettre en place un cadre institutionnel et juridique de délivrance des autorisations de mise sur le marché, conformément aux dispositions du présent Règlement. Dans l’intervalle, les autorisations de mise sur le marché continueront d’être délivrées en application des réglementations nationales en vigueur. A l’expiration du délai prescrit à l’alinéa premier du présent article, aucune autorisation de mise sur le marché ne devra être délivrée selon les règles et procédures des réglementations nationales en vigueur dans les Etats membres. Les Etats membres et la Commission sont chargés chacun en ce qui le concerne de la mise en œuvre du présent Règlement. Article 29 : Entrée en vigueur et publication Le présent Règlement qui entre en vigueur à compter de sa date de signature, sera publié au Bulletin Officiel de l’Union. Fait à Ouagadougou, le 1er octobre 2010 Pour le Conseil des Ministres Le Président, José Mário VAZ
DECISION N° 06/2010/CM/UEMOA PORTANT ADOPTION DES L IGNES DIRECTRICES POUR L’HOMOLOGATION DES COMPLEMENTS NUTRITIONNELS DANS LES ETATS MEMBRES DE L’UEMOA LE CONSEIL DES MINISTRES DE L’UNION ECONOMIQUE ET MONETAIRE OUEST AFRICAINE (UEMOA) Vu le Traité de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) en ses articles 6, 7,16, 20 à 25, 42 à 46 ; Vu le Protocole additionnel N° II relatif aux Politiques sectorielles de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA), notamment en son article 3 ; Vu le Règlement N°02/2005/CM/UEMOA du 4 juillet 2005 relatif à l'harmonisation de la réglementation pharmaceutique dans les Etats membres de l'UEMOA ; Convaincu de la nécessité de l’harmonisation de la réglementation pharmaceutique au niveau communautaire ; Conscient de la nécessité de mise en commun des moyens en vue de promouvoir une utilisation plus rationnelle des ressources ; Conscient du besoin de coopération technique entre les pays de l’UEMOA pour renforcer la sécurité d’utilisation des compléments nutritionnels afin de minimiser les nombreux risques pour la santé causés par ce type de produit ; Conscient des risques pour la santé causés par ces compléments nutritionnels ; Convaincu de la nécessité de définir une réglementation stricte afin d’assurer et de garantir la sécurité d’utilisation de ces produits ; Déterminé à faciliter le commerce et la libre circulation de compléments nutritionnels de bonne qualité entre les Etats membres ; Sur proposition de la Commission de l’UEMOA; Après avis du Comité des Experts statutaire, en date du 24 septembre 2010 ; DECIDE : Article premier : Sont adoptées les lignes directrices pour l’homologation des compléments nutritionnels telles qu’annexées à la présente Décision dont elles font partie intégrante. Article 2 : Les Etats membres de l’Union à travers les autorités de réglementation sont tenus de délivrer les autorisations de commercialisation des compléments nutritionnels, conformément aux lignes directrices visées à l’article 1er de la présente Décision. Article 3 : Les Etats membres et la Commission sont chargés chacun en ce qui le concerne de l’exécution de la présente Décision. A compter de l’entrée en vigueur de la présente Décision, les Etats membres disposent d’un délai de douze (12) mois pour mettre en place un cadre institutionnel et juridique conformément aux lignes directrices pour l’homologation des compléments nutritionnels visées à l’article 1er de la présente Décision. Article 4 : La présente Décision qui entre en vigueur à compter de sa date de signature, sera publiée au Bulletin Officiel de l’Union. Fait à Ouagadougou, le 1er octobre 2010 Pour le Conseil des Ministres Le Président, José Mário VAZ
Annexe 4 : Décision n° 06/2010/CM/UEMOA portant adoption des lignes directrices pour l’homologation des compléments nutritionnels dans les Etats membres de l’UEMOA
Annexe 5 : Décision n° 07/2010/CM/UEMOA portant adoption des lignes directrices pour l’homologation des produits cosmétiques dans les Etats membres de l’UEMOA DECISION N° 07/2010/CM/UEMOA PORTANT ADOPTION DES LIGNES DIRECTRICES POUR L’HOMO LOGATION DES PRODUITS COSMETIQUES DANS LES ETATS MEMBRES DE L’UE MOA LE CONSEIL DES MINISTRES DE L’UNION ECONOMIQUE ET MONETAIRE OUEST AFRICAINE (UEMOA) Vu le Traité de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) en ses articles 6, 7,16, 20 à 25, 42 à 46 ; Vu le Protocole additionnel N° II relatif aux Politiques sectorielles de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA), notamment en son article 3 ; Vu le Règlement N°02/2005/CM/UEMOA du 4 juillet 2005 relatif à l'harmonisation de la réglementation pharmaceutique dans les Etats membres de l'UEMOA ; Soulignant la nécessité de l’harmonisation de la réglementation pharmaceutique au niveau communautaire et de mise en commun des moyens en vue de promouvoir une utilisation rationnelle des ressources ; Ayant à l’esprit le besoin de coopération technique entre les Etats membres de l’UEMOA pour renforcer la sécurité d’utilisation des produits cosmétiques afin de minimiser les nombreux risques pour la santé causés par ce type de produit ; Conscient des risques pour la santé causés par les produits cosmétiques ; Convaincus de la nécessité de définir une réglementation stricte afin d’assurer et de garantir la sécurité d’utilisation de ces produits ; Déterminés à faciliter le commerce et la libre circulation des produits cosmétiques de bonne qualité entre les Etats membres ; Sur proposition de la Commission de l’UEMOA; Après avis du Comité des Experts statutaire, en date du 24 septembre 2010 ; DECIDE : Article premier : Sont adoptées les lignes directrices pour l’homologation des produits cosmétiques telles qu’annexées à la présente Décision dont elles font partie intégrante. Article 2 : Les Etats membres de l’Union à travers les autorités de réglementation pharmaceutique, sont tenus de délivrer les autorisations de commercialisation des produits cosmétiques, conformément aux lignes directrices visées à l’article 1er de la présente Décision. Article 3 : Les Etats membres et la Commission sont chargés chacun en ce qui le concerne de l’exécution de la présente Décision. A compter de l’entrée en vigueur de la présente Décision, les Etats membres disposent d’un délai de douze (12) mois pour mettre en place un cadre institutionnel et juridique conformément aux lignes directrices pour l’homologation des produits cosmétiques visées à l’article 1er de la présente Décision. Article 4 : La présente Décision qui entre en vigueur à compter de sa date de signature, sera publiée au Bulletin Officiel de l’Union.
Fait à Ouagadougou, le 1er octobre 2010 Pour le Conseil des Ministres Le Président,José Mário VAZ
Annexe 6 : Décision n°08/2010/CM/UEMOA portant adoption du guide de bonnes pratiques de fabrication des produits pharmaceutiques à usage humain dans les Etats membres de l’UEMOA
UNION ECONOMIQUE ET MONETAIRE OUEST AFRICAINE ---------------- Le Conseil des Ministres DECISION N° 08/2010/CM/UEMOA PORTANT ADOPTION DU GU IDE DE BONNES PRATIQUES DE FABRICATION DES PRODUITS PHARMACEUTIQU ES A USAGE HUMAIN DANS LES ETATS MEMBRES DE L’UEMOA LE CONSEIL DES MINISTRES DE L’UNION ECONOMIQUE ET M ONETAIRE OUEST AFRICAINE (UEMOA) Vu le Traité de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine en ses articles 6, 7,16, 20 à 25, 42 à 46 ; Vu le Protocole additionnel N° II relatif aux Politiques sectorielles de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine, notamment en son article 3 ; Vu le Règlement N°02/2005/CM/UEMOA du 4 juillet 2005 relatif à l'harmonisation de la réglementation pharmaceutique dans les Etats membres de l'UEMOA ; Considérant le rôle du médicament dans la promotion et la protection de la santé des populations ; Reconnaissant que la majorité de nos populations a un accès limité aux médicaments de qualité ; Ayant à l’esprit le besoin de coopération technique entre les Etats membres de l’UEMOA pour renforcer la production, la distribution et l’accessibilité à des médicaments de qualité et de sécurité garanties ; Conscient de la menace que font peser sur la santé des populations des Etats membres de l’UEMOA le marché illicite et la contrefaçon des médicaments ; Convaincu de la nécessité de l’harmonisation de la réglementation pharmaceutique au niveau communautaire et de la mise en commun des moyens en vue de promouvoir une utilisation rationnelle des ressources ; Déterminé à faciliter le commerce et la libre circulation des médicaments de qualité entre les Etats membres ; Sur proposition de la Commission de l’UEMOA; Après avis du Comité des Experts statutaire, en date du 24 septembre 2010 ; DECIDE: Article premier : Est adopté le Guide de bonnes pratiques de fabrication (BPF) des produits pharmaceutiques à usage humain tel que annexé à la présente Décision dont il fait partie intégrante. Article 2 : Les établissements de fabrication de produits pharmaceutiques à usage humain établis dans l’espace UEMOA sont tenus de se conformer à ces bonnes pratiques de fabrication des produits pharmaceutiques à usage humain et aux différentes évolutions s’y rapportant. Article 3 :
Les Etats membres et la Commission sont chargés de l’application de la présente Décision. A cet effet , ils prennent toutes les dispositions et mesures nécessaires pour assurer le respect des bonnes pratiques de fabrication des produits pharmaceutiques à usage humain sur leur territoire dans un délai de douze (12) mois après l’entrée en vigueur de la présente Décision. Article 4 : La présente Décision qui entre en vigueur à compter de sa date de signature, sera publiée au Bulletin Officiel de l’Union. Fait à Ouagadougou, le 1er octobre 2010 Pour le Conseil des Ministres Le Président, José Mário VAZ
Annexe 7 : Décision n°09/2010/CM/UEMOA portant adoption du guide de bonnes pratiques de distribution et d’importation des produits pharmaceutiques à usage humain dans les Etats membres de l’UEMOA
DECISION N° 09/2010/CM/UEMOA PORTANT ADOPTION DU GU IDE DE BONNES PRATIQUES DE DISTRIBUTION ET D’IMPORTATION DES PROD UITS PHARMACEUTIQUES A USAGE HUMAIN DANS LES ETATS MEMBR ES DE L’UEMOA LE CONSEIL DES MINISTRES DE L’UNION ECONOMIQUE ET MONETAIRE OUEST AFRICAINE (UEMOA) Vu le Traité de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine en ses articles 6, 7,16, 20 à 25, 42 à 46 ; Vu le Protocole additionnel N° II relatif aux Politiques sectorielles de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine, notamment en son article 3 ; Vu le Règlement N°02/2005/CM/UEMOA du 4 juillet 2005 relatif à l'harmonisation de la réglementation pharmaceutique dans les Etats membres de l'UEMOA ; Considérant le rôle du médicament dans la promotion et la protection de la santé des populations ; Reconnaissant Ayant à l’esprit que la majorité de nos populations a un accès limité aux médicaments de qualité. le besoin de coopération technique entre les Etats membres de l’UEMOA pour renforcer la production, la distribution et l’accessibilité à des médicaments de qualité et de sécurité garanties ; Conscient de la menace que font peser sur la santé des populations des Etats membres de l’UEMOA le marché illicite et la contrefaçon des médicaments ; Convaincu de la nécessité de l’harmonisation de la réglementation pharmaceutique au niveau communautaire et de la mise en commun des moyens en vue de promouvoir une utilisation rationnelle des ressources ; Déterminé à faciliter le commerce et la libre circulation des médicaments de qualité entre les Etats membres ; Sur proposition de la Commission de l’UEMOA; Après avis du Comité des Experts statutaire, en date du 24 septembre 2010 ; DECIDE : Article premier : Est adopté le Guide de bonnes pratiques de distribution et d’importation (BPD) des produits pharmaceutiques à usage humain tel que annexé à la présente Décision dont il fait partie intégrante. Article 2 : Les établissements de distribution et d’importation de produits pharmaceutiques à usage humain, établis dans l’espace UEMOA sont tenus de se conformer à ces bonnes pratiques de distribution et d’importation des produits pharmaceutiques à usage humain et aux différentes évolutions s’y rapportant. Article 3 : Les Etats membres et la Commission sont chargés de l’application de la présente Décision.
A cet effet, ils prennent toutes les dispositions et mesures nécessaires pour assurer le respect des bonnes pratiques de distribution et d’importation des produits pharmaceutiques à usage humain sur leur territoire dans un délai de (12) mois après l’entrée en vigueur de la présente Décision. Article 4 : La présente Décision qui entre en vigueur à compter de sa date de signature, sera publiée au Bulletin Officiel de l’Union. Fait à Ouagadougou, le 1er octobre 2010 Pour le Conseil des Ministres Le Président, José Mário VAZ
Annexe 8 : Décision n°10/2010/CM/UEMOA portant adoption des lignes directrices pour le contrôle de l’information et la publicité sur les médicaments auprès des professionnels de la sante dans les Etats membres de l’UEMOA
DECISION N° 10/2010/CM/UEMOA PORTANT ADOPTION DES LIGNES DIRECTRICES POUR LE CON TROLE DE L’INFORMATION ET LA PUBLICITE SUR LES MEDICAMENT S AUPRES DES PROFESSIONNELS DE LA SANTE DANS LES ETATS MEMBRES D E L’UEMOA LE CONSEIL DES MINISTRES DE L’UNION ECONOMIQUE ET MONETAIRE OUEST AFRICAINE (UEMOA) Vu le Traité de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) en ses articles 6, 7,16, 20 à 25, 42 à 46 ; Vu le Protocole additionnel N° II relatif aux Politiques sectorielles de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA), notamment en son article 3 ; Vu le Règlement N°02/2005/CM/UEMOA du 4 juillet 2005 relatif à l'harmonisation de la réglementation pharmaceutique dans les Etats membres de l'UEMOA ; Soulignant la nécessité de l’harmonisation de la réglementation pharmaceutique au niveau communautaire et de la mise en commun des moyens en vue de promouvoir une utilisation rationnelle des ressources ; Convaincu que le bon usage des médicaments est une composante essentielle et fondamentale pour sécuriser l’utilisation des médicaments ; Conscient que l’information et la publicité sur les médicaments sont des outils essentiels pour favoriser le bon usage des médicaments ; Sur proposition de la Commission de l’UEMOA ; Après avis du Comité des Experts statutaire, en date du 24 septembre 2010 ; DECIDE : Article premier : Sont adoptées les lignes directrices pour le contrôle de l’information sur les médicaments et la publicité auprès des professionnels de santé dans les Etats membres de l’UEMOA, telles que annexées à la présente Décision dont elles font partie intégrante. Article 2 : Les autorités compétentes des Etats membres sont tenues de contrôler l’information et la publicité sur les médicaments auprès des professionnels de la santé, conformément aux dispositions des lignes directrices visées à l’article 1er de la présente Décision. Article 3 : Les Etats membres et la Commission sont chargés chacun en ce qui le concerne de l’exécution de la présente Décision. A compter de l’entrée en vigueur de la présente Décision, les Etats membres disposent d’un délai de douze (12) mois pour mettre en place un cadre institutionnel et juridique pour le contrôle de l’information et de la publicité sur les médicaments auprès des professionnels de santé dans les Etats membres de l’UEMOA visés à l’article 1er de la présente Décision. Article 4 : La présente Décision qui entre en vigueur à compter de sa date de signature, sera publiée au Bulletin Officiel de l’Union.
Fait à Ouagadougou, le 1er octobre 2010 Pour le Conseil des Ministres Le Président, José Mário VAZ
Annexe 9 : Les liens internet pour retrouver les autres documents
- Annexe du Règlement n°06/2010/CM/UEMOA relatif aux procédures d’homologation des produits pharmaceutiques à usage humain dans les Etats membres de l’UEMOA https://www.izf.net/upload/2011/bulletins/Annexe_Reg_06_2010_CM_UEMOA.pdf
- Annexe de la Décision n° 06/2010/CM/UEMOA portant adoption des lignes directrices pour l’homologation des compléments nutritionnels dans les Etats membres de l’UEMOA http://www.uemoa.int/sites/default/files/annexe/annexe_dec_06_2010_cm_uemoa.pdf
- Annexe de la Décision n° 07/2010/CM/UEMOA portant adoption des lignes directrices pour l’homologation des produits cosmétiques dans les Etats membres de l’UEMOA http://www.uemoa.int/fr/decision-ndeg072010cmuemoa-portant-adoption-des-lignes-directrices-pour-lhomologation-des-produits
- Annexe de la Décision n°08/2010/CM/UEMOA portant adoption du guide de bonnes pratiques de fabrication des produits pharmaceutiques à usage humain dans les Etats membres de l’UEMOA http://www.uemoa.int/fr/decision-ndeg082010cmuemoa-portant-adoption-du-guide-de-bonnes-pratiques-de-fabrication-des-produits
- Annexe de la Décision n°09/2010/CM/UEMOA portant adoption du guide de bonnes pratiques de distribution et d’importation des produits pharmaceutiques à usage humain dans les Etats membres de l’UEMOA http://www.uemoa.int/fr/decision-ndeg092010cmuemoa-portant-adoption-du-guide-de-bonnes-pratiques-de-distribution-et
- Annexe de la Décision n°10/2010/CM/UEMOA portant adoption des lignes directrices pour le contrôle de l’information et la publicité sur les médicaments auprès des professionnels de la santé dans les Etats membres de l’UEMOA http://www.uemoa.int/fr/decision-ndeg102010cmuemoa-portant-adoption-des-lignes-directrices-pour-le-controle-de-linformation
- Protocole additionnel n°01 relatif aux organes de contrôle de l’UEMOA http://www.uemoa.int/sites/default/files/bibliotheque/pages_-_protocole_additionnel_i.pdf
- Règlement n°1/96/CM portant Règlement des procédures de la Cour de Justice de l'UEMOA http://www.uemoa.int/fr/reglement-ndeg196cm-portant-reglement-des-procedures-de-la-cour-de-justice-de-luemoa
- Traité révisé de la CEDEAO http://www.ecowas.int/wp-content/uploads/2015/02/Traite-Revise.pdf
- La loi-type de l'Union Africaine sur la réglementation des produits médicaux http://www.nepad.org/scientificconference/index.php/ju-download/3-2017-3rd-biennial-scientific-conference-documents/6-loi-type-de-l-union-africaine-sur-la-reglementation-des-produits-medicaux
Annexe 10 : Quelques données sur le système sanitaire des Etats membres de l’UEMOA
• Le Bénin
Le Bénin s’étend sur une superficie de 112 622 km2, avec une population estimée à 10,9
millions d’habitants en 2017. Il est entouré par 4 pays (la République du Niger, le Burkina Faso,
le Togo, et le Nigeria)1373. L’espérance de la vie à la naissance est de 60/62 ans1374. Les dépenses
totales consacrées à la santé par habitant s’estiment à 86 $ pour l’année 20141375. Dans le cadre
de l’amélioration des conditions sanitaires des populations, un Régime d’Assurance Maladie
Universelle (RAMU) a été institué par la loi n°2015-42.
• Le Burkina Faso
La population burkinabè est estimée à 19 millions d’habitants en 2017 ; avec une superficie de
274. 222 km2. C’est un pays continental, limité au Nord et à l’Ouest par le Mali, à l’Est par le
Niger et au Sud par le Bénin, le Togo, le Ghana et la Côte d’Ivoire1376. Le taux brut de mortalité
est de 11, 8 pour 1000 habitants, avec une espérance de vie à la naissance de 56, 7 ans1377. En
matière de protection sociale, il y a eu une évolution avec la loi n°060-2015/CNT du 5
septembre 2015 qui a créé le Régime d’Assurance Maladie Universelle. Le calendrier
d’opérationnalisation de ce RAMU a été adopté par le Conseil des Ministres le 24 janvier
20181378. C’est dans la même dynamique que la gratuité des soins au profit des femmes
enceintes et des enfants de moins de 5 ans a été décidée le 2 mars 2016 lors du Conseil des
Ministres. En 2017, les coûts liés à cette gratuité s’élevaient à 28. 860.966. 357 francs CFA1379.
• La Côte d’Ivoire
Elle s’étend sur 322 462 km2 et sa population en 2017 s’élève à 23,7 millions d’habitants.
L’espérance de vie à la naissance, en 2016, est de 54 ans pour les hommes et 56 ans pour les
femmes. Les dépenses totales consacrées à la santé en % du PIB en 2014 est de 5,7 %1380. En
1373 Institut BIOFORCE, « La professionnalisation de la chaine d’approvisionnement des produits de santé en Afrique de l’Ouest », juillet 2012, p. 9. 1374 http://www.who.int/countries/ben/fr/ 1375 http://www.who.int/countries/ben/fr/ 1376 Institut BIOFORCE, « La professionnalisation de la chaine d’approvisionnement des produits de santé en Afrique de l’Ouest », juillet 2012, p. 9. 1377 Assemblée Nationale, Commission d’enquête parlementaire sur le système de santé, « Rapport de synthèse de l’enquête parlementaire sur le système de santé au Burkina Faso », 2006-2014, juillet 2017, p. 7 1378 KAMMANL Anselme Marcel, « Régime d’assurance maladie universelle (RAMU) au Burkina Faso : une révolution en matière de protection sociale », lefaso.net, vendredi 2 février 2018, Disponible sur http://lefaso.net/spip.php?article81744 1379 BALIMA Jacques Théodore, « Gratuité des soins : plus de 28 milliards de francs CFA investit en 2017 », lefaso.net, jeudi 1er mars 2018, Disponible sur http://lefaso.net/spip.php?article82219 1380 http://www.who.int/countries/civ/fr/
ce qui concerne la production pharmaceutique, elle compte neuf unités de production
pharmaceutique : GALEFOMY, S-TERRE, ROUGIER-PHARMA, PHARMIVOIRE
NOUVELLE SA, OLEA, CIPHARM, LPCI, DERMOPHARM, LIC PHARMA1381. Le
législateur a doté la Côte d’Ivoire de plusieurs nouvelles lois réglementant le domaine
pharmaceutique, à l’image de la loi n° 2015-533 du 20 juillet 2015 régissant l’exercice de la
pharmacie. Ce texte définit les conditions et les règles d’exercice de cette profession et abroge
toutes les dispositions antérieures contraires, en l’occurrence la loi n°54-418 du 15 avril 1954
étendant aux territoires d’Outre-Mer, au Togo et au Cameroun certaines dispositions du code
de la santé publique relatives à l’exercice de la pharmacie et la loi n°65-250 du 4 août 1965
portant modification d’articles du Code de la santé publique relatifs au régime des médicaments.
Une nouvelle loi portant Code de déontologie pharmaceutique ; la loi n°2015-534 ; vient
également abroger l’ancienne loi n°62-249 du 31 juillet 1962. Cette nouvelle loi ivoirienne
s’applique à tous les pharmaciens inscrits au tableau de l’Ordre des pharmaciens et aux
étudiants en pharmacie inscrits en année de thèse d’exercice, autorisés à faire des
remplacements. La CMU a également été instaurée par la loi n°2014-131 du 24 mars 2014
instituant la Couverture Maladie Universelle (CMU), permettant ainsi la mise en place d’un
système de protection sociale qui devrait permettre un égal accès à la santé pour tous les
citoyens.
• La Guinée-Bissau
La Guinée-Bissau, bien que faisant partie de l’UEMOA, n’a pas le FCFA comme monnaie. Il
a été créé une monnaie guinéenne en s’appuyant sur le franc français1382. C’est un pays
lusophone, limité au Nord par le Sénégal, au Sud et à l’Est par la Guinée-Conakry et à l’Ouest
par l’Océan Atlantique1383. Elle affiche le taux de pauvreté le plus élevé au sein de l’UEMOA :
69,3%. Sa superficie est de 36. 125 km2 avec une population estimée à 1,9 million d’habitants.
Pour l’année 2016, l’espérance de vie à la naissance est de 58 ans pour les hommes et 61 ans
pour les femmes. Malgré le taux de pauvreté très élevé, les dépenses totales consacrées à la
santé en % du PIB pour l’année 2014 est de 5,6 %1384.
1381 http://www.pndap-ci.org/wp-content/uploads/2017/06/secteurs1.pdf 1382 Protocole d’accord relatif aux modalités d’appartenance de la République de Guinée à la zone franc, in Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), Histoire de l’Union Monétaire Ouest-Africaine, Edition Georges Israël, Paris, Tom II de 1958 à 1997, 2000, pp. 27-29. 1383 Initiative 5%, « Sécurisation de l’accès aux médicaments et produits médicaux nécessaires à la lutte contre le VIH/SIDA, la tuberculose et la malaria en Guinée Bissau », Annexe I A LA CS 13INI205– plan d’action, p. 5 1384 http://www.who.int/countries/gnb/fr/
• Le Togo
Le Togo est une ancienne colonie allemande. Par la suite, il fut placé sous la tutelle de la France
et de l’Angleterre. La partie française du Togo intégrera finalement l’AOF1385 entre 1936 et
19451386. Sa superficie est de 56. 785 km2, avec une population de 7,1 millions d’habitants. Les
Togolais avaient une espérance de vie à la naissance de 60 ans pour les hommes et 62 ans pour
les femmes en 2016. Mais, les dépenses totales consacrées à la santé en % du PIB en 2014 est
de 5,2 %1387. La constitution togolaise, en son article 34, dispose que « l’'Etat reconnaît aux
citoyens le droit à la santé. Il œuvre à le promouvoir ». Le marché pharmaceutique privé du
Togo est constitué de deux (2) usines de production de médicaments : GGIA (initiative privée
nationale) et TONGMEI (usine chinoise). Seul TONGMEI produit des MEG de la liste
nationale ; GGIA ne produisant que des spécialités pharmaceutiques. Il y a trois (3) grossistes-
répartiteurs : GT PHARM, SOCOPHARM et SOTOMED dont les importations représentaient
un chiffre d’affaires d’environ 10,04 milliards de FCFA en 2004 ; et enfin 129 pharmacies
privées dont 113 à Lomé 1388. La loi n°2011-003 du 18 février 2011 a institué le régime
obligatoire d’assurance maladie pour les agents publics et assimilés. Aussi, le décret n°2011-
034/PR fixe les statuts de l’Institut National d’Assurance Maladie (INAM), établissement
public chargé de gérer le régime obligatoire d’assurance maladie. Les prestations de ce régime
obligatoire d’assurance maladie sont effectives depuis le 1er mars 20121389.
• Le Mali
Sa population est estimée à 18, 4 habitants en 2017, avec une superficie de 1. 240. 198 km2.
Sept (7) pays limitent le Mali : l’Algérie au Nord, le Niger et le Burkina Faso à l’Est, la Côte
d’Ivoire au Sud, la Guinée Conakry et le Sénégal à l’Ouest, la Mauritanie au Nord-Ouest1390.
L’espérance de vie à la naissance pour l’année 2016, pour les hommes et les femmes, est de 58
ans1391. En 2016, cet Etat a engagé des dépenses totales pour la santé de 6,9 % du PIB1392.
1385 C’est par un décret du 19 septembre 1936, modifié en 1937, que le Gouverneur Général de l’AOF assume les fonctions de commissaire de la République du Togo ; in Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), Histoire de l’Union Monétaire Ouest-Africaine, Edition Georges Israël, Paris, Tom II de 1958 à 1997, 2000, p. 57. 1386 Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), « Histoire de l’Union Monétaire Ouest-Africaine », Edition Georges Israël, Paris, Tom II de 1958 à 1997, 2000, p. 55 1387 http://www.who.int/countries/tgo/fr/ 1388AGBOKPE Totekpomawu Koku, Les médicaments essentiellement génériques au Togo : évaluation de l’accessibilité dans les structures de soins publiques, Thèse de pharmacie, Université de Lomé, 2005, p. 15 1389 ADOGLI Komigan, PAGNAN Esso, « Le système de protection sociale en santé au Togo », COOPAMI 2015, Formation en protection sociale, orientation santé, p. 14 disponible sur : http://www.coopami.org/fr/coopami/formation%20coopami/2015/pdf/2015090306.pdf 1390 Institut BIOFORCE, « La professionnalisation de la chaine d’approvisionnement des produits de santé en Afrique de l’Ouest », Rapport préliminaire, juillet 2012, p. 16 1391 http://www.who.int/countries/mli/fr/ 1392 http://www.who.int/countries/mli/fr/
• Le Niger
Il a la plus grande superficie au sein de l’Union : 1. 267. 000 km2, avec 19,5 millions d’habitants
en 2017. C’est un pays sahélien limité au Sud par le Nigeria et le Bénin, à l’Ouest par le Burkina
Faso et le Mali, au Nord par l’Algérie et la Lybie, et à l’Est par le Tchad1393. 59 ans pour les
hommes et 61 ans pour les femmes, c’est l’espérance de vie à la naissance en 2016 pour les
Nigériens1394.
• Le Sénégal
La population sénégalaise est de 15,3 millions d’habitants. Sa superficie est de 196. 712 km2.
Il se situe à l’extrême ouest du continent africain, entre la République du Mali à l’Est, l’Océan
Atlantique à l’Ouest, la République Islamique de Mauritanie au Nord, la République de Guinée-
Bissau et la République de Guinée-Conakry au Sud1395.
Il affiche l’espérance de vie la plus élevée de la zone UEMOA avec 65 ans pour les hommes et
69 ans pour les femmes1396.
1393 République du Niger, Ministère de la Santé publique, « Etude de faisabilité FBP dans le secteur santé au Niger », Rapport final, Mai 2012, p. 12. 1394 http://www.who.int/countries/ner/fr/ 1395 Institut BIOFORCE, « La professionnalisation de la chaine d’approvisionnement des produits de santé en Afrique de l’Ouest », Rapport préliminaire, juillet 2012, p. 41 1396 http://www.who.int/countries/sen/fr/
Annexe 11 : Carte des Etats membres de l’UEMOA et de la CEDEAO
LES ETATS MEMBRES DE L’UEMOA
LES ETATS MEMBRES DE LA CEDEAO
Source http://www.ecowas.int/wp-content/uploads/2014/11/CEDEAO_ECOWAS_MAPS_fr.html
461
TABLE DES MATIERES
TABLE DES MATIERES Sigles et abréviations ....................................................................................................... 1
Résumé ............................................................................................................................ 3
Abstract ............................................................................................................................ 4
Sommaire ......................................................................................................................... 5
Introduction générale ....................................................................................................... 6
PARTIE I. LES PREMICES D’UN DROIT PHARMACEUTIQUE HARMONISE ............. 33
Titre 1. L’harmonisation, un moyen d’intégration juridique .............................................. 36
Chapitre 1. Les enjeux économiques et juridiques de l’harmonisation des reglementations pharmaceutiques .................................................................................. 38
Section 1. La protection de la santé, un instrument de l’intégration économique ..................... 40
§ I. La nécessaire prise en compte de la santé dans le processus d’intégration économique 40
A. La santé, un élément clé pour un développement économique ................................. 40
B. Une protection de la santé par un accroissement de la production pharmaceutique ..... 42
§ II. Création d’un marché pharmaceutique commun ........................................................... 45
A. Aperçu du principe général de la libre circulation des marchandises ....................... 47
1. Base juridique de la libre circulation ..................................................................... 47
2. Interdiction d’obstacles pécuniaires et non pécuniaires à la libre circulation ....... 49
B. Un principe de libre circulation particulier pour les médicaments ............................... 51
1. Une libre circulation dans une logique de protection de la santé .......................... 51
2. Les acquis tendant à la libre circulation des médicaments au sein de l’Union ...... 53
Section 2. La lutte contre le marché illicite du médicament : une implication collective indispensable ............................................................................................................................. 54
§ I. Un marché illicite persistant dans les pays membres de l’UEMOA ............................... 54
A. Clarification entre contrefaçon, faux et falsification des médicaments ..................... 58
1. Les difficultés liées à la circulation des médicaments : précision sur la notion de contrefaçon .................................................................................................................... 58
2. Les limites terminologiques de la notion de falsification et de médicaments sous-standards ........................................................................................................................ 61
B. Historique et développement du marché illicite en Afrique de l’Ouest .................... 64
1. L’impact de la stratégie mise en place par la conférence d’Alma-Ata et l’initiative de Bamako ..................................................................................................................... 65
2. L’impact de la dévaluation du F CFA ................................................................... 67
§ II. Un marché illicite impliquant des stratégies de protection de la santé .......................... 69
462
A. Le droit d’être protégé contre la vente illicite de médicaments : un aspect particulier de sécurité sanitaire ........................................................................................................... 69
B. Une protection nécessaire compte tenu de la progression du trafic ........................... 72
Chapitre 2. Le cadre juridique de l’harmonisation ........................................................ 80
Section 1. Les contours juridiques de l’harmonisation .............................................................. 80
§ I. La notion d’harmonisation ............................................................................................. 80
A. Unification, uniformisation et coordination ................................................................. 80
1. L’unification et l’uniformisation ........................................................................... 81
2. La coordination ...................................................................................................... 84
B. L’harmonisation proprement dite ................................................................................. 85
1. L’harmonisation est un moyen de rapprocher les législations ................................... 85
2. L’harmonisation : une similitude et une spécificité des normes nationales .............. 89
§ II. Les fondements juridiques de l’harmonisation pharmaceutique .................................... 97
A. Les bases juridiques ...................................................................................................... 98
1. La base juridique générale de l’harmonisation des législations ............................ 98
2. La base juridique spéciale de l’harmonisation des législations pharmaceutiques 100
a. L’influence de la Déclaration universelle des droits de l’homme et de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples ....................................................... 101
b. L’influence du droit primaire de l’Union ......................................................... 102
B. La place du droit communautaire dans le droit interne des Etats membres ................ 104
1. Nécessité d’une cohérence entre l’ordre juridique communautaire et l’ordre juridique national ........................................................................................................................ 104
2. La primauté du droit communautaire pharmaceutique sur les droits nationaux ...... 105
Section 2. La mise en œuvre de l’harmonisation pharmaceutique .......................................... 109
§ I. Les outils de mise en œuvre de l’harmonisation ........................................................... 109
A. Les instruments communautaires ............................................................................... 110
1. La directive et la décision : les instruments privilégiés d’harmonisation des droits 110
2. Le règlement : l’instrument de rapprochement des législations par application immédiate .................................................................................................................... 114
B. L’influence des instruments internationaux (l’exemple de Medicrime) ..................... 116
1. Régime juridique de la convention Medicrime ....................................................... 116
2. Une adhésion dans un cadre communautaire pour une efficacité des sanctions harmonisées ................................................................................................................. 119
§ II. Les acteurs de la mise en œuvre de l’harmonisation ................................................... 121
A. Création d’une Cellule chargée de l’harmonisation pharmaceutique ...................... 122
1. La composition et mission de la CHRCP ............................................................ 123
2. Procédure d’adoption d’un outil technique pour l’harmonisation de la réglementation pharmaceutique ................................................................................... 126
463
B. Une Cour de Justice pour une interprétation uniforme des textes harmonisés ........ 127
1. Organisation et fonctionnement de la Cour de Justice ........................................ 128
2. La compétence de la Cour de Justice ................................................................... 130
a. Le recours en appréciation de la légalité des actes ........................................... 131
b. Le renvoi préjudiciel : mécanisme d’uniformisation dans l’interprétation du droit de l’Union ................................................................................................................ 131
c. Le recours contre les Etats : recours-en constatation de manquement à une obligation ................................................................................................................. 134
Titre 2. Etat des lieux du droit pharmaceutique harmonisé .............................................. 139
Chapitre 1. La procédure communautaire de mise sur le marché des médicaments à usage humain : un exemple d’harmonisation à étendre ............................................... 141
Section 1. Encadrement juridique communautaire de l’AMM ................................................ 143
§ I. La notion de « produits pharmaceutiques à usage humain » : une définition juridique imprécise ............................................................................................................................. 146
A. Définition juridique du « produit pharmaceutique à usage humain » : une harmonisation partielle .................................................................................................... 147
1. Les précisions sur la dualité de la définition juridique du médicament à usage humain ......................................................................................................................... 150
a. Le médicament par présentation .......................................................................... 150
b. Le médicament par fonction ............................................................................. 156
2. La distinction entre médicament à usage humain, produits cosmétiques et compléments nutritionnels ........................................................................................... 157
a. Les produits cosmétiques ..................................................................................... 158
b. Les compléments nutritionnels ............................................................................ 162
B. Une catégorie précise de médicaments concernés par l’AMM et une dérogation possible à cette autorisation de commercialisation .......................................................... 163
1. Les médicaments inclus dans le champ du règlement ............................................. 163
a. La spécialité pharmaceutique .............................................................................. 163
b. Les vaccins et les médicaments génériques ou multi-sources ............................. 164
2. Dérogation au principe général de l’AMM : l’Autorisation Spéciale d’Importation (ASI), un possible frein à une sécurité sanitaire .......................................................... 165
§ II. Les obligations du titulaire de l’AMM et les sanctions étatiques aux demandes d’AMM non conformes : une mesure de sécurité sanitaire ............................................................... 168
A. Les obligations du titulaire de l’AMM .................................................................... 168
1. La notification de toutes nouvelles informations sur le médicament mis sur le marché ......................................................................................................................... 168
2. L’obligation d’adhérer au système national de pharmacovigilance .................... 171
B. Les sanctions étatiques aux demandes d’AMM non-conformes ................................ 172
1. Les refus d’AMM .................................................................................................... 172
2. La suspension et les retraits d’AMM ....................................................................... 173
464
Section 2. Un encadrement juridique à renforcer .................................................................... 176
§ I. Procédure d’octroi d’une AMM : une harmonisation réussie ....................................... 176
A. Le contenu du dossier : une obligation de résultat...................................................... 177
1. Le principe : présentation d’un dossier complet .................................................. 177
a. Le dossier d’enregistrement d’une spécialité pharmaceutique ......................... 178
b. Pour l’enregistrement d’un médicament générique et d’un vaccin .................. 180
2. Possibilité de présenter un dossier dit « abrégé » pour l’enregistrement d’une spécialité ...................................................................................................................... 180
a. Les produits pharmaceutiques évalués par une autorité de réglementation appartenant au groupe ICH (Conférence Internationale pour l’Harmonisation) ..... 181
b. Les produits pharmaceutiques préqualifiés par l’OMS ....................................... 181
B. L’évaluation des demandes d’AMM : une compétence étatique ................................ 182
1. L’évaluation des demandes de mise sur le marché du médicament .................... 183
a. L’évaluation administrative ................................................................................. 183
b. L’obligation d’une évaluation technique ............................................................. 184
2. La validation du dossier de demande de mise sur le marché ............................... 184
a. Les critères harmonisés d’évaluation de l’autorisation : qualité, efficacité et innocuité .................................................................................................................. 185
b. L’avis définitif de la Commission Nationale du Médicament ............................. 186
§ II. La libre circulation des médicaments, un aspect à acquérir ......................................... 186
A. Une libre circulation à construire ............................................................................ 188
1. Une grande marge d’appréciation des Etats membres ............................................. 188
a. L’absence d’une agence communautaire du médicament ................................ 189
b. Une AMM exclusivement nationale ................................................................. 190
2. La publication du rapport technique : vers une reconnaissance mutuelle ?............. 192
B. Les exceptions applicables à l’harmonisation partielle ............................................... 194
Chapitre 2. Une nouvelle tendance d’harmonisation du droit pharmaceutique : les instruments soft law d’harmonisation .......................................................................... 198
Section 1. Les guides de bonnes pratiques et des lignes directrices du droit communautaire pharmaceutique : une source indirecte d’harmonisation ......................................................... 199
§ I. Définition et valeur juridique des guides de bonnes pratiques et des lignes directrices 199
A. Définition .................................................................................................................... 199
B. La valeur juridique des guides de bonnes pratiques ................................................ 203
§ II. Le respect des guides de bonnes pratiques : une obligation de moyens ...................... 207
Section 2. Analyse du contenu des guides de bonnes pratiques adoptés par l’Union dans le domaine pharmaceutique ......................................................................................................... 208
§ I. Les règles communautaires de bonnes pratiques de fabrication, de distribution et d’importation des médicaments à usage humain ................................................................. 208
A. Les Bonnes Pratiques de Fabrication (BPF) ............................................................... 209
465
1. Aperçu général du contenu des recommandations pour la fabrication des produits pharmaceutiques .......................................................................................................... 209
2. La fabrication de médicaments de qualité : un prérequis à sa commercialisation ... 210
B. Les règles concernant la distribution et l’importation des produits pharmaceutiques à usage humain ................................................................................................................... 212
1. La distribution des produits pharmaceutiques dans la zone UEMOA ................. 213
2. L’importation des produits pharmaceutiques ...................................................... 214
§ II. Contrôle de l’information et de la publicité des médicaments à usage humain dans la zone communautaire ............................................................................................................ 217
A. Le rapprochement des droits nationaux sur la publicité et l’information des médicaments : une mesure de protection de la santé ....................................................... 217
1. Les autorisations de publicité et d’information sur les médicaments : une compétence étatique .................................................................................................... 217
2. Les contours de la notion de publicité et d’informations relatives aux médicaments ..................................................................................................................................... 220
B. La réglementation communautaire de l’information et de la publicité des médicaments ......................................................................................................................................... 222
1. L’encadrement de l’information .............................................................................. 222
a. Les sources crédibles de diffusion de l’information ............................................ 223
b. Le rôle de vérification de l’autorité de réglementation ....................................... 225
2. Réglementation de la publicité des médicaments à usage humain .......................... 226
a. Le régime juridique de la publicité ...................................................................... 227
b. Les contrôles postérieurs à la publicité ................................................................ 231
PARTIE II. LE DROIT PHARMACEUTIQUE HARMONISE : OBSTACLES ET PERSPECTIVES .................................................................................................................... 239
Titre 1. Les difficultés d’application du droit pharmaceutique harmonisé ....................... 241
Chapitre 1. Les limites internes à l’application du droit pharmaceutique harmonisé . 243
Section 1. Les limites fonctionnelles ....................................................................................... 243
§ I. Le rôle très limité de la Cour de Justice de l’Union ...................................................... 244
A. La saisine limitée de la Cour de Justice ...................................................................... 245
1. La mise en marge d’une harmonisation provoquée : le recours préjudiciel ........ 246
2. L’inertie du recours en manquement : un obstacle politique ............................... 249
B. Le droit pharmaceutique, un domaine peu connu des acteurs de la justice ................ 251
1. L’absence de juges communautaires et internes spécialisés en droit de la santé 251
2. L’absence d’avocats spécialisés en droit de la santé ........................................... 252
§ II. L’existence d’une marge d’appréciation pour les Etats, un possible frein à l’instauration d’une sécurité sanitaire régionale ........................................................................................ 253
A. L’absence d’articulation entre le droit communautaire et le droit national ................ 254
1. Une pléthore de textes juridiques au niveau national encadrant le même domaine 255
466
2. L’absence de coordination des interventions étatiques et communautaires dans le domaine pharmaceutique ............................................................................................. 257
B. Des divergences d’interprétations compromettant l’harmonisation ........................... 260
1. Les organes chargés de l’interprétation des textes communautaires dans les Etats 261
2. L’importance de la clarté de la norme communautaire pour son application effective ..................................................................................................................................... 262
a. L’ambiguïté du règlement 02/2005/CM/UEMOA relatif à l’harmonisation des réglementations pharmaceutiques ........................................................................... 262
b. L’ambiguïté des normes communautaires de mise sur le marché, d’information et de publicité sur les médicaments ............................................................................. 264
Section 2. Les limites liées à la structure des systèmes pharmaceutiques nationaux .............. 265
§ I. La marginalisation de la « règle de droit » .................................................................... 265
A. Au niveau de l’Etat, garant de la protection de la santé .......................................... 266
1. La remise en cause de l’Autorité de l’Etat .............................................................. 266
2. Une situation politique et sécuritaire compromettant les processus de rapprochement des réglementations ..................................................................................................... 268
B. Au niveau des systèmes pharmaceutiques nationaux .............................................. 268
1. Le non-respect des règles nationales de protection de la santé ............................... 269
2. Les réalités sociologiques : l’insuffisante connaissance des normes communautaires et nationales ................................................................................................................. 269
3. Une ressource humaine en santé insuffisante .......................................................... 271
§ II. Une marginalisation dans la mise en œuvre de la responsabilité des professionnels de la santé ..................................................................................................................................... 272
A. Une responsabilité nécessaire… ................................................................................. 273
B. …Mais difficile à mettre en œuvre dans ces Etats ...................................................... 276
1. Absence quasi-totale de saisine des juridictions étatiques en cas de violation du droit à la santé .............................................................................................................. 276
a. La prévalence des pesanteurs sociologiques ........................................................ 276
b. Le problème de la preuve et de l’indemnisation des victimes ............................. 280
2. Le désengagement de l’Etat ..................................................................................... 282
Chapitre 2. Les limites externes ou l’influence des autres initiatives d’harmonisation sur le droit pharmaceutique de l’uemoa ...................................................................... 286
Section 1. L’harmonisation entreprise au sein de la CEDEAO ............................................... 289
§ I. L’existence d’organisations sous-régionales concurrentes ........................................... 289
A. Présentation de l’Organisation ouest-africaine de la santé (OOAS) ....................... 291
B. Aperçu général de la réglementation pharmaceutique adoptée au niveau de la CEDEAO ......................................................................................................................... 293
1. Le projet du code de déontologie harmonisé de l’exercice des pharmaciens dans l’espace CEDEAO ....................................................................................................... 293
467
2. L’harmonisation des curricula de formation des docteurs en pharmacie ................ 294
§ II. Une indispensable prise en compte des autres pays de la CEDEAO dans l’harmonisation du droit pharmaceutique entreprise par l’UEMOA ................................... 296
A. Nécessité d’une collaboration entre ces deux organisations ....................................... 297
B. La CEDEAO menace-t-elle l’existence de l’UEMOA ? ............................................ 299
Section 2 : L’harmonisation entreprise au niveau de l’Union africaine .................................. 303
§ I. La relation juridique entre l’UA et l’UEMOA ? ........................................................... 305
§ II. Le contenu du processus d’harmonisation de l’UA ..................................................... 306
A. L’adoption d’une loi-type pour la réglementation des produits médicaux .............. 307
1. La valeur juridique de cette loi dans le droit interne des Etats membres ............ 307
2. Les limites de cette loi-type ................................................................................. 309
B. Création d’une Agence africaine du médicament .................................................... 312
Titre 2. Une strategie juridique combinant harmonisation et unification ......................... 319
Chapitre 1. Les fondements possibles d’un rapprochement mixte ou « hybride » : entre unification et harmonisation ........................................................................................ 320
Section 1. Une combinaison nécessaire de deux moyens d’intégration juridique : harmonisation, unification ....................................................................................................... 320
§ I. Les conditions de mise en œuvre d’un rapprochement par unification du droit pharmaceutique ................................................................................................................... 321
A. Le principe d’édictions minimales permet-il à l’Union d’envisager une unification dans le domaine pharmaceutique ? .......................................................................................... 321
B. Le recours nécessaire aux deux moyens d’intégration juridique ................................ 322
§ II. Les raisons du choix de l’unification partielle comme moyen d’intégration en droit pharmaceutique ................................................................................................................... 324
A. Rôle central du droit pharmaceutique dans la protection de la santé ...................... 325
1. Nécessité de revoir le choix des instruments juridiques de rapprochement ............ 326
2. Le règlement : un instrument unificateur ................................................................ 328
B. Les enseignements de l’unification du droit des affaires en Afrique dans le cadre de l’OHADA ........................................................................................................................ 331
Section 2. Le rôle primordial du droit comparé, de la volonté politique des Etats membres et de la doctrine juridique dans ce processus de rapprochement ...................................................... 333
§ I. Les fonctions du droit comparé et de la doctrine juridique dans le processus de rapprochement ..................................................................................................................... 334
A. Le droit comparé : un moyen de construire et de comprendre le droit pharmaceutique des Etats membres ........................................................................................................... 334
B. La doctrine juridique : une importante source de rapprochement ........................... 336
§ II. Une sécurité sanitaire par le dépassement de la souveraineté de l’Etat ....................... 339
Chapitre 2. La mise en œuvre d’un tel rapprochement ................................................ 344
Section 1. L’option d’une unification partielle ........................................................................ 344
§ I. Des aspects à unifier...................................................................................................... 347
468
§ II. Des aspects à harmoniser ............................................................................................. 349
Section 2. Instaurer un fondement juridique commun de la responsabilité ............................. 350
§ I. Analyse critique des infractions et sanctions prévues dans les droits nationaux .......... 352
A. La responsabilité des fabricants de médicaments dans une zone à forte importation pharmaceutique................................................................................................................ 356
1. La responsabilité civile du pharmacien-fabricant ................................................ 357
a. Les relations juridiques entre le pharmacien-fabricant de médicaments et le patient ...................................................................................................................... 357
b. La responsabilité délictuelle ............................................................................. 360
2. La responsabilité pénale du fabricant de médicaments ....................................... 364
B. La responsabilité du pharmacien d’officine : l’acteur incontournable de la mise en place d’une sécurité sanitaire dans les officines ouest-africaines .................................... 366
1. Les relations juridiques entre le pharmacien d’officine et le patient ....................... 366
a. La nature juridique du contrat entre le pharmacien d’officine et le patient ...... 366
b. Les obligations professionnelles du pharmacien d’officine ............................. 370
2. La mise en œuvre possible de plusieurs responsabilités .......................................... 375
a. La responsabilité civile contractuelle du pharmacien d’officine ......................... 375
b. La responsabilité pénale ...................................................................................... 378
c. La responsabilité disciplinaire .......................................................................... 384
§ II. De la nécessité d’adopter des stratégies permettant une meilleure sécurité des patients et des systèmes de santé des Etats ........................................................................................... 385
A. Harmoniser les responsabilités et les sanctions prévues dans les droits nationaux au niveau communautaire ..................................................................................................... 386
1. Développer le système de l’inspection pharmaceutique ...................................... 387
2. Le phénomène du droit international privé .............................................................. 388
B. Propositions pour remédier aux difficultés liées à la mise en œuvre de la responsabilité dans le domaine de la santé et pour développer le droit des patients .............................. 390
1. La responsabilisation : une solution appropriée ...................................................... 391
2. Mettre en place un système de règlement extrajudiciaire des litiges pharmaceutiques .......................................................................................................... 392
3. L’institution des class actions .............................................................................. 395
Conclusion générale .................................................................................................... 401
Références bibliographiques ........................................................................................ 404
Index ............................................................................................................................ 455
Tables des annexes ...................................................................................................... 460
Table des matières ....................................................................................................... 461