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- 1 - UNIVERSITE DE ROUEN Année Universitaire 2017-2018 Travaux dirigés – 2 ème année Licence Droit FAIT JURIDIQUE - Cours de Mme le Professeur Julie KLEIN HUITIEME SEANCE LA RESPONSABILITE MEDICALE I. IDEES GENERALES La responsabilité médicale nous est déjà familière. On a eu l’occasion de l’évoquer à diverses reprises, à travers l’étude de la perte de chance, de l’affaire Perruche ou encore récemment de la causalité (séance précédente). Elle contribue dans ces hypothèses à l’évolution des notions et concepts du droit de la responsabilité, comme le montrent les solutions déjà évoquées concernant la causalité et le dommage (on s’y référera). A l’évidence, la responsabilité médicale occupe une place de plus en plus importante dans l’ensemble du droit de la responsabilité, les progrès de la médecine s’accompagnant non pas tant de plus d’accidents médicaux mais d’attentes plus fortes et plus marquées de la part des patients. Alors que le contentieux des accidents de la circulation s’est tari, à la suite de la loi du 5 juillet 1985 et d’une jurisprudence désireuse d’éviter une casuistique qui encouragerait à plaider, celui lié à la santé et à la médecine n’a fait que croître. Depuis quelques années, le mouvement est double : d’un côté, se manifeste une spécialisation de la responsabilité médicale et, de l’autre, une diversification des causes de son déclenchement et des régimes qui vont dès lors s’appliquer. Le premier mouvement conduit la responsabilité médicale à sortir du droit commun pour relever de règles spéciales : loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé (et modifiée pour certains aspects, par la loi du 30 décembre 2002 relative à la responsabilité civile médicale), loi du 19 mai 1998 relative aux produits défectueux, pour les vaccins notamment…

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UNIVERSITE DE ROUEN Année Universitaire 2017-2018

Travaux dirigés – 2ème année Licence Droit

FAIT JURIDIQUE - Cours de Mme le Professeur Julie KLEIN

HUITIEME SEANCE

LA RESPONSABILITE MEDICALE

I. IDEES GENERALES

La responsabilité médicale nous est déjà familière. On a eu l’occasion de l’évoquer à diverses

reprises, à travers l’étude de la perte de chance, de l’affaire Perruche ou encore récemment de la

causalité (séance précédente). Elle contribue dans ces hypothèses à l’évolution des notions et

concepts du droit de la responsabilité, comme le montrent les solutions déjà évoquées concernant

la causalité et le dommage (on s’y référera).

A l’évidence, la responsabilité médicale occupe une place de plus en plus importante dans

l’ensemble du droit de la responsabilité, les progrès de la médecine s’accompagnant non pas tant

de plus d’accidents médicaux mais d’attentes plus fortes et plus marquées de la part des patients.

Alors que le contentieux des accidents de la circulation s’est tari, à la suite de la loi du 5 juillet

1985 et d’une jurisprudence désireuse d’éviter une casuistique qui encouragerait à plaider, celui lié

à la santé et à la médecine n’a fait que croître.

Depuis quelques années, le mouvement est double : d’un côté, se manifeste une spécialisation de

la responsabilité médicale et, de l’autre, une diversification des causes de son déclenchement et

des régimes qui vont dès lors s’appliquer.

Le premier mouvement conduit la responsabilité médicale à sortir du droit commun pour relever

de règles spéciales : loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système

de santé (et modifiée pour certains aspects, par la loi du 30 décembre 2002 relative à la

responsabilité civile médicale), loi du 19 mai 1998 relative aux produits défectueux, pour les

vaccins notamment…

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Le second mouvement conduit à une expansion des obligations et des hypothèses dans lesquelles

la responsabilité médicale est engagée. A l’obligation de soins, s’ajoute l’obligation d’information,

et surtout aussi, des régimes spécifiques en fonction des causes d’accidents : il en va ainsi par

exemple en matière de responsabilité du fait des produits de santé ou encore d’infections

nosocomiales.

II. PREMIER THEME : NATURE DE LA RESPONSABILITE MEDICALE

L’existence d’un contrat entre le médecin et son patient a été affirmée le 20 mai 1936 dans le

célèbre arrêt Mercier. Le contrat médical s’analyse comme un contrat synallagmatique faisant

naître à la charge des parties des obligations réciproques.

Document 1 : Civ. 20 mai 1936, arrêt Mercier, Grands arrêts de la jurisprudence civile, T. II, n°

162-163.

Avec l’introduction de la loi n°2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits du malade et à la

qualité du système de santé, la question s’est alors posé de savoir si la responsabilité médicale

reposait toujours sur un fondement contractuel.

Bien qu’aucune précision n’ait été donnée par le législateur, plusieurs arguments plaident en

faveur d’un abandon de la qualification contractuelle.

En premier lieu, le nouveau régime instauré par la loi du 4 mars 2002 transcende la distinction

traditionnelle entre responsabilité contractuelle et délictuelle en prévoyant notamment la

réparation des dommages causés à toutes les victimes, qu’elles soient parties ou tiers au contrat

médical. En deuxième lieu, en unifiant les règles applicables aux cliniques privées et aux

établissements publics, la loi du 4 mars 2002 dépasse la distinction entre responsabilité civile et

administrative.

La loi du 4 mars 2002 a donc instauré un nouveau régime de responsabilité autonome qui

transcende la summa divisio traditionnelle, à l’instar de la loi du 5 juillet 1985 relative aux accidents

de la circulation ou de la loi du 19 mai 1988 relative à la responsabilité du fait des produits

défectueux.

La Cour de cassation semble avoir été séduite par cette analyse en visant directement l’article L.

1142-1 du Code de la santé publique lorsqu’est en jeu l’obligation de soins du médecin.

Document 2 : Cass. civ. 1ère, 14 octobre 2010, pourvoi n°09-69195, D. 2010. 2430, obs. I.

Gallmeister, 2682, note P. Sargos, 2011. 35, obs. P. Brun et O. Gout ; Gaz. Pal. 19-21 déc. 2010,

obs. M. Perini-Mirski ; RTD. civ. 2011. 128, note P. Jourdain.

Lorsque la Cour a eu à se prononcer sur le manquement du médecin à son obligation

d’information, elle l’a cette fois-ci fait au visa de l’article 1382 du Code civil, du droit au respect

de la dignité de la personne humaine consacré à l’article 16 du Code civil et du droit au respect de

l’intégrité corporelle prévu à l’article 16-3 du Code civil.

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Document 3 : Cass. civ. 1ère, 3 juin 2010, pourvoi n°09-13591, AJDA 2010. 2169, note C.

Lantero ; D. 2010. 1484, obs. I. Gallmeister, 1522, note P. Sargos, 1801, point de vueD. Bert,

2092, chron. C. Creton, 2011. 35, obs. O. Gout, et 2565, obs. A. Laude ; RDSS 2010. 989, note F.

Arhab-Girardin ; RTD civ. 2010. 571, obs. P. Jourdain ; JCP 2010. 788, note S. Porchy-Simon ;

RDC 2011. 335, note M. Bacache, 345, note F. Leduc, et 357, note P. Pierre ; RCA 2010. Comm.

22, obs. S. Hocquet- Berg.

Document 4 : Cass. civ. 1ère, 12 juin 2012, pourvoi n°11-18327, D. 2012. 1610, obs. I.

Gallmeister, 1794, note A. Laude, et 2013. 40, obs. O. Gout ; RDSS 2012. 757, obs. F. Arhab-

Girardin ; Gaz. Pal. 18-19 juill. 2012, p. 11, note M. Bacache.

Ces arrêts marquent ainsi une résurgence de la responsabilité délictuelle en matière médicale, qui

était appliquée avant l’arrêt Mercier.

III. DEUXIEME THEME : LE FAIT DE LA VICTIME : LA DIVERSIFICATION DES

REGIMES EN MATIERE DE RESPONSABILITE MEDICALE A – L’obligation de soins

Elle relève désormais de l’article L. 1142-1 alinéa 1er du CSP issu de la loi du 4 mars 2002.

Le texte requiert une faute. La responsabilité civile ne saurait conduire à réparer les accidents

médicaux sans faute – l’aléa thérapeutique. Dans ce dernier cas, il faudra, sous certaines

conditions, faire appel à la solidarité nationale.

On s’efforcera de bien délimiter le domaine de cette responsabilité.

Document 5 : Article L. 1142-1, I du Code de la santé publique.

Document 6 : Cass. civ. 1ère, 5 mars 2015, pourvoi n° 14-13292, JCP, 2015, 555, note M.

Bacache (reproduite).

B – L’obligation d’information

Au-delà de la question liée à la nature de la responsabilité médicale, la responsabilité du fait d’un

défaut d’information renvoie à plusieurs questions : quelle est l’étendue de l’information requise –

on se demandera si la solution a changé depuis la loi du 4 mars 2002, par rapport à celle qui était

consacrée par la jurisprudence antérieure ; quel est le préjudice lié au défaut d’information ?

Document 7 : Article L. 1111-2 du Code de la santé publique.

Document 8 : Cass. civ. 1re, 7 février 1990, Bull. civ. I, n° 39.

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Document 9 : Cass. civ. 1re, 12 juill. 2012, pourvoi n° 11-17.510, D. 2012. 2277, note M.

Bacache, et 2013. 40, obs. O. Gout ; RTD civ. 2012. 737, obs. P. Jourdain ; RTD eur. 2013. 292-

36, obs. N. Rias ; JCP 2012. 1036, note P. Sargos.

Dans cette dernière décision, la Cour de cassation considère, dans la suite de l’arrêt rendu le 3 juin

2010 (Document 3) que le manquement du médecin à son obligation d’information cause à son

patient un préjudice d’impréparation. S’agit-il d’un dommage moral causé par la violation d’un

droit subjectif à l’information ? La seule atteinte au droit à l’information ouvrirait alors droit à

réparation.

Document 10 : Cass. civ. 1ère, 23 janvier 2014, pourvoi n°12-22123, Bull. civ. I, n° 13, D. 2014.

589, 584 avis L. Bernard de la Gatinais, 590 note M. Bacache.

Document 11 : Cass. civ. 1ère, 25 janvier 2017, n° 15-27898.

C – La responsabilité du fait des vaccins

Celle-ci trouve sa source dans la responsabilité du fait des produits défectueux. Mais en ce

domaine, les questions sont nombreuses, spécialement concernant le lien de causalité et le défaut

du produit.

On sait que certaines personnes s’étant fait vacciner contre le virus de l’hépatite B ont développé

une sclérose en plaques. En l’état actuel des connaissances médicales, il est absolument

impossible de déterminer si la vaccination est scientifiquement la cause de l’apparition de la

maladie. Cela devrait en principe conduire à rejeter les actions des victimes.

Toutefois, ainsi qu’on l’a déjà vu, depuis un arrêt de la première Chambre civile du 22 mai 2008

(cf. document 9 fiche 7), la Cour de cassation a allégé la charge de la preuve en admettant que le

lien de causalité soit établi par des présomptions graves, précises et concordantes. Les juges ne

doivent donc pas s’arrêter à l’absence de preuve scientifique. Concrètement, le faisceau d’indices

pris en considération est le suivant : délai entre l’injection et l’apparition des premiers symptômes,

état de santé général de la victime, prédispositions génétiques…

Cette jurisprudence est aujourd’hui très critiquée.

Certains militent pour l’absence de responsabilité des laboratoires. D’autres prônent la

reconnaissance d’une véritable présomption de droit, c’est-à-dire une présomption irréfragable, au

bénéfice de la victime.

On remarquera que le cap a été franchi pour d’autres maladies. Ainsi, en matière de

contamination par transfusion sanguine (Sida ou Hépatite C), le législateur a posé une

véritable présomption de causalité de droit en faveur des victimes (L. du 31 décembre 1991

et loi du 4 mars 2002).

Mais dans ces hypothèses, c’est le législateur qui est venu poser une telle présomption pour faire

relever l’indemnisation des victimes de la solidarité nationale.

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S’agissant du défaut du vaccin, la question n’est en outre pas seulement celle de la causalité. Sur le

terrain de la responsabilité du fait des produits défectueux, il faut également démontrer l’existence

d’un défaut du produit (art. 1386-4 c. civ.). La jurisprudence distingue alors le défaut extrinsèque

(problème d’information lié à la notice du vaccin) du défaut intrinsèque (question de défaut du

produit lui-même, qui dépend du caractère anormalement dangereux du vaccin. Cette

appréciation du caractère anormal s’apprécie alors au terme d’une balance des bénéfices

escomptés et des risques inhérents à l’utilisation d’un médicament).

La Cour de cassation a récemment étendu à la preuve du défaut la jurisprudence qu’elle avait

développée en matière de preuve du lien de causalité entre la vaccination contre l’hépatite B et la

survenue de sclérose en plaques. Pour établir le défaut du produit, le juge peut se contenter des

présomptions qui lui sont apportées par la victime dans l’espèce en cause :

Document 12 : Cass., civ. 1ère, 10 juillet 2013, pourvoi n°12-21314, D. 2013. 2311, 2306 avis C.

Mellotée, 2312, note P. Brun, et 2315 note J.-S. Borghetti ; RDSS 2013. 938, obs. J. Peigné ; JCP

2013. 1012, obs. B. Parance.

Cette jurisprudence fait l’objet de nombreuses critiques, qui ont conduit la Cour de cassation à

solliciter l’avis de la Cour de justice de l’Union européenne, qui a rendu une décision le 21 juin

2017 (Doc. 10, fiche 7)..

Cette décision intéresse aussi bien la preuve du lien de causalité que celle du défaut du vaccin.

Document 13 : Cass. civ. 1ère, 18 octobre 2017, n° 15-20791.

IV. EXERCICE

Commentez l’arrêt rendu par la première Chambre civile le 23 janvier 2014 (Document 10).

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Document 1 : Civ. 20 mai 1936, arrêt Mercier

Document 2 : Cass. civ. 1ère, 14 octobre 2010 Vu l’article L. 1142-1,I du code de la santé publique ; Attendu que pour débouter les consorts X... de leur demande en responsabilité envers M. Y..., médecin, à la suite du décès de Claire X..., leur épouse et mère, des complications d’une grippe maligne contractée en décembre 2003, l’arrêt attaqué retient que si M. Y... lui avait délivré des soins consciencieux, attentifs et diligents, son hospitalisation serait intervenue plus tôt, mais qu’il était extrêmement difficile de dire si l’évolution de la pathologie eût été différente, que l’administration de l’antibiothérapie aurait été avancée mais qu’aucun élément médical ne permettait de dire que cela aurait évité la dégradation brutale de l’état de santé de Claire X... et son décès, dans la mesure où la cause du syndrome de détresse respiratoire aiguë dont elle était décédée n’avait pu être déterminée, de sorte qu’il n’était pas établi que la faute de

M. Y... eût fait perdre à sa patiente une chance de survie ; Qu’en statuant ainsi, alors que la perte de chance présente un caractère direct et certain chaque fois qu’est constatée la disparition d’une éventualité favorable, de sorte que ni l’incertitude relative à l’évolution de la pathologie, ni l’indétermination de la cause du syndrome de détresse respiratoire aiguë ayant entraîné le décès n’étaient de nature à faire écarter le lien de causalité entre la faute commise par M. Y..., laquelle avait eu pour effet de retarder la prise en charge de Claire X..., et la perte d’une chance de survie pour cette dernière, la cour d’appel a violé le texte susvisé ; PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen : CASSE ET ANNULE, (…)

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Document 3 : Cass. civ. 1ère, 3 juin 2010

Attendu que M. X... fait grief à l’arrêt attaqué de l’avoir débouté de ses demandes, alors, selon le moyen : 1°/ que le médecin, tenu de suivre son patient aussitôt qu’il l’a opéré, doit être diligent et prudent dans l’exécution de cette obligation, dont il ne peut se décharger; qu’ainsi, viole ladite obligation le médecin qui se désintéresse du sort de son patient au point de ne le recevoir en consultation qu’un mois après l’avoir opéré, sauf à ce qu’il eut été convenu avec ce dernier que, durant ce délai de latence, il serait substitué par un autre médecin dans l’exécution de son obligation de suivi post-opératoire ; qu’en l’espèce, après avoir relevé que M. Y... n’a reçu en consultation M. X... que le 25 mai 2001, soit plus d’un mois après avoir pratiqué sur lui une adénomectomie prostatique, et en jugeant néanmoins que ce médecin n’avait pas failli à son obligation de suivi post-opératoire au prétexte qu’un autre urologue avait "vu" son patient, sans constater qu’il avait été convenu avec M. X... que son obligation de suivre ce dernier serait exécutée par cet autre urologue, la cour d’appel a violé l’article 1147 du code civil ; 2°/ que seul le fait du créancier constituant une force majeure exonère totalement le débiteur défaillant ; qu’en l’espèce, en écartant la faute de M. Y... consistant à avoir violé son obligation de suivi post-opératoire au motif que M. X... n’avait pas pris rendez-vous avec lui à l’issue de la seconde consultation en date du 16 juillet 2001, soit trois mois après l’intervention chirurgicale, sans caractériser le comportement imprévisible et irrésistible de M. X... qui aurait interdit son suivi par M. Y... aussitôt après l’opération, la cour d’appel a violé les articles 1147 et 1148 du code civil ; Mais attendu qu’ayant relevé que M. X... n’avait pas été laissé sans surveillance postopératoire, que le suivi avait été conforme aux données acquises de la

science, que le praticien avait reçu le patient à deux reprises et prévu de le revoir une troisième fois, ce qui n’avait pas été possible en raison de la négligence de M. X..., la cour d’appel a pu en déduire l’absence de manquement fautif dans le suivi postopératoire ; que les griefs ne sont pas fondés ; Mais sur la troisième branche du moyen : Vu les articles 16, 16-3, alinéa 2, et 1382 du code civil ; Attendu qu’il résulte des deux premiers de ces textes que toute personne a le droit d’être informée, préalablement aux investigations, traitements ou actions de prévention proposés, des risques inhérents à ceux-ci, et que son consentement doit être recueilli par le praticien, hors le cas où son état rend nécessaire une intervention thérapeutique à laquelle elle n’est pas à même de consentir ; que le non-respect du devoir d’information qui en découle, cause à celui auquel l’information était légalement due, un préjudice, qu’en vertu du dernier des textes susvisés, le juge ne peut laisser sans réparation ; Attendu que pour écarter toute responsabilité de M. Y... envers M. X..., l’arrêt, après avoir constaté le manquement du premier à son devoir d’information, retient qu’il n’existait pas d’alternative à l’adénomectomie pratiquée eu égard au danger d’infection que faisait courir la sonde vésicale, qu’il est peu probable que M. X..., dûment averti des risques de troubles érectiles qu’il encourait du fait de l’intervention, aurait renoncé à celle-ci et aurait continué à porter une sonde qui lui faisait courir des risques d’infection graves ; En quoi la cour d’appel a violé, par refus d’application, les textes susvisés ; PAR CES MOTIFS, CASSE ET ANNULE

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Document 4 : Cass. civ. 1ère, 12 juin 2012

Vu les principes du respect de la dignité de la personne humaine et d’intégrité du corps humain, ensemble l’article 1382 du code civil ; Attendu que le non-respect par un médecin du devoir d’information dont il est tenu envers son patient, cause à celui auquel cette information était légalement due un préjudice qu’en vertu du texte susvisé le juge ne peut laisser sans réparation ; Attendu que pour rejeter les demandes en dommages-intérêts de M. Y... à l’encontre de M. Z..., médecin rhumatologue, qui lui avait administré en 1988 une injection intra-discale d’Hexatrione pour soulager des douleurs lombaires, à laquelle il imputait une calcification ayant rendu nécessaire une intervention chirurgicale, la cour d’appel a jugé qu’il n’était pas démontré en l’espèce que, mieux informé, M. Y... aurait refusé la

technique proposée et préféré la chirurgie, le traitement médical classique ayant échoué et cette technique étant alors sans risque connu et réputée apporter fréquemment un soulagement réel ; Qu’en statuant ainsi, alors qu’elle avait constaté que M. Z... n’établissait pas avoir informé M. Y... que le traitement prescrit, quoique pratiqué couramment et sans risque connu, n’était pas conforme aux indications prévues par l’autorisation de mise sur le marché, la cour d’appel n’a pas tiré de ses constatations, desquelles il résultait que M. Y..., ainsi privé de la faculté de donner un consentement éclairé, avait nécessairement subi un préjudice, les conséquences légales qui en découlaient ; PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE (…)

Document 5 : Article L. 1142-1, I du Code de la santé publique

I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d’un défaut d’un produit

de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent

code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés

des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables

des conséquences dommageables d’actes de prévention, de diagnostic ou de soins

qu’en cas de faute.

Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des

dommages résultant d’infections nosocomiales, sauf s’ils rapportent la preuve d’une

cause étrangère.

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Document 6 : Cass. civ. 1ère, 5 mars 2015

Vu l’article 1147 du code civil ; Attendu que l’obligation, pour le médecin, de donner au patient des soins attentifs, consciencieux et conformes aux données acquises de la science comporte le devoir de se renseigner avec précision sur son état de santé, afin d’évaluer les risques encourus et de lui permettre de donner un consentement éclairé ; Attendu, selon l’arrêt attaqué, que Mme X..., souffrant depuis l’enfance de céphalées, a subi, en 1988, un examen révélant une malformation artério-veineuse, traitée au sein de la Fondation ophtalmologique Adolphe de Rothschild (la fondation), puis par radiothérapie ; qu’à la suite de nouveaux bilans confirmant la présence d’un angiome résiduel et d’une hémianopsie partielle, l’exérèse d’une partie du lobe occipital droit permettant l’ablation totale de cette malformation a été pratiquée le 23 septembre 1998 par M. Y..., chirurgien salarié de la fondation ; que, dans les suites immédiates de l’intervention, une dégradation de l’acuité visuelle de la patiente

est survenue, accompagnée d’une double hémianopsie latérale complète ; que Mme X... a assigné la fondation en réparation de ses préjudices ; Attendu que pour rejeter la demande de Mme X... en indemnisation de ses préjudices corporels, l’arrêt retient que l’indication opératoire était justifiée et qu’aucune faute ne peut être reprochée à M. Y... dans le geste chirurgical, compte tenu de la localisation anatomique de la malformation dans le lobe occipital du cerveau, siège de la vision, ni dans la technique mise en oeuvre qui était la seule possible ; Qu’en statuant ainsi, alors qu’elle avait constaté qu’avant l’intervention, le chirurgien croyait, à tort, que Mme X... était déjà atteinte d’une hémianopsie complète, la cour d’appel a violé le texte susvisé ; PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi : CASSE ET ANNULE, (…)

Note M. Bacache JCP, 2015, 555

La faute médicale n’a pas encore fini de révéler toutes ses richesses, comme en témoigne un arrêt

du 5 mars 2015.

En l’espèce, une patiente qui souffrait depuis l’enfance de céphalées, a subi un examen révélant

une malformation artério-veineuse, traitée dans un premier temps par séances d’embolisation et

ensuite par radiothérapie. À la suite de bilans confirmant la présence d’un angiome résiduel,

l’exérèse d’une partie du lobe occipital droit permettant l’ablation totale de cette malformation a

été pratiquée par un médecin salarié de la fondation Adolphe de Rothschild. S’étant plainte, après

l’intervention, d’une dégradation de l’acuité visuelle, accompagnée d’une double hémianopsie

latérale complète, la patiente assigne la fondation en responsabilité.

La cour d’appel rejette sa demande aux motifs que « l’indication opératoire était justifiée et

qu’aucune faute ne peut être reprochée à M. R. dans le geste chirurgical, compte tenu de la

localisation anatomique de la malformation dans le lobe occipital du cerveau, siège de la vision, ni

dans la technique mise en oeuvre qui était la seule possible ». L’arrêt est cassé, au motif que la

cour d’appel « avait constaté qu’avant l’intervention, le chirurgien croyait, à tort, que Mme C. était

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déjà atteinte d’une hémianopsie complète ». Au visa de l’article 1147 du Code civil, elle énonce

que « l’obligation, pour le médecin, de donner au patient des soins attentifs, consciencieux et

conformes aux données acquises de la science comporte le devoir de se renseigner avec précision

sur son état de santé, afin d’évaluer les risques encourus et de lui permettre de donner un

consentement éclairé ».

Ce faisant, l’arrêt consacre à la charge du médecin un nouveau devoir, celui de se renseigner avec

précision sur l’état de santé de son patient (1), dont il conviendra d’examiner la sanction (2).

1. La consécration de l’obligation de se renseigner

A. - De l’obligation d’information à l’obligation de soins

Cette obligation se rattache naturellement à l’obligation d’information dans la mesure où pour

informer il faut d’abord s’informer sur les besoins ou les attentes du cocontractant. Déjà présente

à la charge d’un certain nombre de professionnels (vendeurs : Cass. com., 1er déc. 1992, n° 90-

18.238 : JurisData n° 1992-003248. - Notaires : Cass. 1re civ., 21 févr. 1995, n° 93-14.233 :

JurisData n° 1995-000354), l’obligation de s’informer pour informer est ici étendue au médecin.

Comme le relève la Cour, l’obligation de se renseigner sur l’état de santé du patient est nécessaire

« afin (…) de lui permettre de donner un consentement éclairé ». Pour informer correctement le

patient des risques attachés à l’intervention préconisée le professionnel de santé doit au préalable

se renseigner correctement sur son état de santé afin d’identifier avec exactitude ces risques.

L’appréhension de l’intégralité des risques attachés à l’acte suppose une bonne connaissance de

l’état antérieur du patient. Or en l’espèce, le médecin n’avait pas informé sa patiente du risque

d’hémianopsie latérale complète, en raison de sa méconnaissance de la situation antérieure de

celle-ci.

En cela, l’arrêt contribue à illustrer l’influence réciproque du droit médical et du droit commun

des contrats. Rappelons que la Cour avait énoncé que « celui qui est légalement ou

contractuellement tenu d’une obligation particulière d’information doit rapporter la preuve de

l’exécution de cette obligation (…) » (Cass. 1re civ., 25 févr. 1997, n° 94-19.685 : JurisData n°

1997-000781). Cette présomption de faute, affirmée dans une espèce relative à la responsabilité

d’un médecin a par la suite été étendue aux avocats (Cass. 1re civ., 29 avr. 1997, n° 94-21.217 :

JurisData n° 1997-001803), aux notaires (Cass. 1re civ., 3 févr. 1998, n° 96-13.201 : JurisData n°

1998-000428), ou aux courtiers d’assurance (Cass. 1re civ., 9 déc. 1997, n° 95-16.923 : JurisData

n° 1997-004962). L’obligation de s’informer pour informer connaît ici un sort inversé. Née à la

charge d’autres professionnels, elle s’étend désormais aux professionnels de santé, témoignant

ainsi de l’unité du régime du devoir d’information, quel que soit le professionnel concerné.

Cependant, dans le domaine médical, l’obligation de se renseigner se rattache non seulement à

l’obligation d’information mais aussi et surtout à l’obligation principale de soins, ce qui constitue

l’apport le plus intéressant de l’arrêt commenté. Comme le relève la Cour, « l’obligation (…) de

donner au patient des soins attentifs, consciencieux et conformes aux données acquises de la

science comporte le devoir de se renseigner avec précision sur son état de santé ». L’obligation de

se renseigner se greffe sur l’obligation de soins, celle-ci « comportant » celle-là. Pour l’expliquer, il

convient de rappeler que l’obligation de soins se décline en un certain nombre d’obligations plus

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précises, telles que celle de poser le bon diagnostic, de faire preuve de prudence ou d’assurer la

surveillance du patient, de sorte que la faute de soins, encore appelée « faute technique » se

décline en un certain nombre de fautes de diagnostic, de maladresse ou de suivi. À ce titre, le

médecin a l’obligation de poser la bonne indication thérapeutique, la faute de soins traduisant

alors une faute dans le choix thérapeutique ou l’indication chirurgicale. Or, selon l’article L. 1110-

5, alinéa 1 du Code de la santé publique in fine « Les actes de prévention, d’investigation ou de

soins ne doivent pas, en l’état des connaissances médicales, lui faire courir de risques

disproportionnés par rapport au bénéfice escompté ». C’est la règle de la balance bénéfices-

risques qui permet d’évaluer l’indication thérapeutique proposée. Cette balance ne peut être

correctement établie que si le médecin envisage l’ensemble des risques encourus, risques dont

l’étendue dépend notamment de l’état de santé antérieur du patient. Comme le précise la Cour,

l’obligation de se renseigner s’impose au médecin « afin d’évaluer les risques encourus ». Elle

constitue ainsi l’une des ramifications de l’obligation générale de soins, en ce qu’elle est un

préalable nécessaire à l’élaboration de la bonne indication thérapeutique. Sa violation concrétise la

faute dans l’indication thérapeutique et représente l’une des variétés de la faute technique.

Il convient de relever que la solution est destinée à se maintenir pour des faits relevant de la loi

du 4 mars 2002, le législateur ayant consacré le principe de la responsabilité pour faute (C. santé

publ., art. L. 1142-1), affirmé par l’arrêt Mercier (Cass. civ., 20 mai 1936 : GAJ civ. 2008, vol. 2,

12e éd., n° 161, H. Capitant, F. Terré et Y. Lequette) dans des termes que reprend largement

l’arrêt commenté. Si la référence aux données acquises de la science avait été écartée par la loi au

profit de la notion de connaissances médicales avérées (C. santé publ., art. L. 1110-5), elle a par la

suite été reprise par la loi de 29 décembre 2011 (C. santé publ., art. L. 5121-12-1), les deux

expressions pouvant dès lors être tenues pour équivalentes.

B. - Du contrat vers la décision médicale

Si le devoir de se renseigner bénéficie d’un double rattachement, sa violation traduit à la fois une

faute technique et une faute d’humanisme. La frontière entre les deux catégories de fautes devient

dès lors poreuse et la distinction largement artificielle. On a l’impression que ces deux fautes sont

intégrées l’une à l’autre, imbriquées l’une dans l’autre, reflet de « l’imbrication du devoir de

“science” et de “conscience” » du médecin (Journ. de dr. de la santé et de l’ass. maladie 2015, n°

2, obs. S. Welsch, à paraître). Ce double rattachement reflète l’élargissement de la faute technique

par absorption de la faute d’information ou la promotion de la faute d’humanisme par intégration

à la faute technique.

Or cette présentation ébranle la structure d’un contrat, construit autour d’obligations essentielles,

principales et accessoires n’ayant pas le même contenu et conforte la spécificité de la relation

médecin-malade qui redevient progressivement extracontractuelle. Rappelons en effet, que

l’aspect moral, humain et psychologique de cette relation a longtemps fait obstacle à la

reconnaissance d’un véritable contrat en ce domaine, jusqu’au revirement de l’arrêt Mercier

motivé en opportunité par le souci de contourner la règle de l’identité des prescriptions civile et

pénale. Rappelons aussi que depuis la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 (V. JCP G 2002, I, 141,

Étude P. Mistretta) qui a mis en place un régime spécial transcendant la distinction des

responsabilité délictuelle et contractuelle, civile et administrative et qui s’applique quelle que soit

la qualité de la victime ou le caractère public ou privé de l’établissement dans lequel sont réalisés

- 12 -

les soins, la nature contractuelle de la responsabilité médicale est largement remise en cause (F.

Dreifuss-Netter, Feu la responsabilité civile contractuelle du médecin ? : Resp. civ. et assur. 2002,

chron. 17).

Ébranlant le contrat, ce double rattachement de l’obligation de se renseigner reflète l’avènement

de la codécision médicale.

Il convient alors de noter que même si la nature contractuelle de la relation médecin-malade est

contestée, la nécessité de recueillir le consentement du patient demeure toujours indispensable.

Paradoxalement, la loi du 4 mars 2002 qui a fragilisé le contrat médical a placé la volonté du

patient au centre de son nouveau régime par la promotion de la démocratie sanitaire et le recul du

paternalisme médical. Si la nécessité du consentement du patient avait déjà été affirmée par l’arrêt

Teyssier (Cass. req., 28 janv. 1942 : GAD santé 2010, n° 1, P. Sargos et C. Bergoignan-Esper) et

consacrée par les lois bioéthique, à l’article 16-3 du Code civil, elle est à nouveau énoncée à

l’article L. 1111-4, alinéa 3 du Code de la santé publique dans sa rédaction issue de la loi, selon

lequel « aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre

et éclairé de la personne et ce consentement peut être retiré à tout moment ». On a pu ainsi parler

du glissement du contrat vers la décision médicale (P. Lokiec, La décision médicale : RTD civ.

2004, p. 641), le consentement étant appréhendé non comme une exigence de formation du

contrat, mais comme une exigence de formation de la décision médicale (A. Laude, B. Mathieu,

D. Tabuteau, Droit de la santé : PUF, 2012, n° 335). La nécessité du consentement résulte du

constat que cet acte porte atteinte à l’intégrité corporelle du patient, droit fondamental, garanti à

chaque échelon de la hiérarchie des normes. Loin d’être emporté par le recul du contrat, le

consentement en sort renforcé, compte tenu des droits fondamentaux auxquels l’acte médical est

de nature à porter atteinte.

Bien plus, la loi consacre expressément le principe de la codécision. Aux termes de l’article L.

1111-4, alinéa 1er du Code de la santé publique « toute personne prend, avec le professionnel de

santé et compte tenu des informations et des préconisations qu’il lui fournit, les décisions

concernant sa santé ». Autrement dit, la décision médicale n’appartient plus au seul médecin mais

devient une décision partagée entre ce dernier et son patient. Or cette codécision suppose le

respect préalable d’une procédure apte à garantir le consentement éclairé, à savoir la transmission

de l’information du sachant vers le profane afin de lui permettre de décider en connaissance de

cause (P. Lokiec, préc.). Préalable nécessaire à la codécision, l’obligation d’information n’est plus

un devoir accessoire mais emprunte sa nature principale à l’obligation de donner aux malades des

soins consciencieux et conformes aux données acquises de la science. Cela explique l’imbrication

des deux obligations, comme en témoigne l’attendu de principe, la bonne indication

thérapeutique et l’information sur les risques permettant d’aboutir conjointement, par leur

combinaison, à la codécision la meilleure.

2. La sanction de la violation de l’obligation

A. - Une sanction renforcée

Rappelons que la violation de l’obligation principale de soins peut aboutir à une réparation

intégrale du dommage corporel subi par le patient du fait du risque réalisé alors que la violation

- 13 -

du devoir d’information ne peut tout au plus aboutir qu’à la réparation de la seule perte de chance

de l’éviter. Dès lors, puisque la violation du devoir de se renseigner sur l’état du patient traduit à

la fois une faute d’humanisme et une faute technique, les fautes étant imbriquées ou duales, quelle

sanction convient-il de retenir ? Le patient peut-il réclamer la réparation intégrale du dommage

subi ou l’indemnisation de la seule perte de chance de l’éviter ? Plusieurs arguments militent en

faveur de la première solution.

En premier lieu, aucune allusion n’est faite à la faute d’information sur les risques dans les motifs

de cassation, celle-ci étant faite sur le seul terrain de la faute technique, la cour d’appel ayant

constaté « qu’avant l’intervention, le chirurgien croyait, à tort, que Mme C. était atteinte d’une

hamianopsie complète ».

En deuxième lieu, la cassation est faite sur la première branche du premier moyen qui se fondait

uniquement sur l’obligation de soins. Le pourvoi reprochait à l’arrêt d’avoir rejeté les demandes

d’indemnisation du patient « alors que le médecin est tenu d’une obligation de fournir des soins

attentifs et consciencieux conformes aux données acquises de la science » de sorte que « commet

une faute le médecin qui se livre à l’amputation d’une partie du cerveau responsable de la vision,

sans s’être préalablement renseigné sur l’état de cette fonction de sa patiente, et dans la croyance

erronée de l’absence de risque lié à cette intervention sur la vision centrale compte tenu de la

préexistence d’une hémianopsie homonyme complète (absence de vision centrale) quand en

réalité, cette hémianopsie était incomplète » (même sens : S. Welsch, préc.). C’est la raison pour

laquelle la Cour ne reproduit que les seuls motifs de l’arrêt d’appel relatifs à la faute technique, à

la violation de l’obligation de soins, à savoir, la caractère justifié de l’opération, l’absence de faute

dans le geste chirurgical ou dans le choix de la technique mise en oeuvre. Or la cour d’appel avait

également constaté l’absence d’incidence du défaut d’information sur le consentement du patient,

compte tenu du caractère indispensable de l’intervention et de l’absence d’alternative

thérapeutique, pour en déduire que la patiente n’avait perdu aucune chance d’éviter la réalisation

du risque.

En troisième lieu, l’attendu de principe de l’arrêt commence par le rappel de l’obligation de soins

laquelle « comporte », comme ramification ou variété, le devoir de se renseigner sur l’état du

patient. L’information n’est même pas envisagée en tant que telle, nommément désignée, mais à

travers l’ellipse du consentement éclairé.

Enfin et surtout, si la Cour de cassation avait voulu se placer sur le terrain de la violation de

l’obligation d’information, elle aurait visé l’article 1382 et non 1147 du Code civil. Rappelons en

effet que depuis un arrêt du 3 juin 2010 (Cass. 1re civ., 3 juin 2010, n° 09-13.951, inédit), la

responsabilité médicale pour défaut d’information n’est plus contractuelle. Le visa de l’article

1147 révèle donc la volonté de la Cour de se placer sur le terrain de la violation de l’obligation de

soins.

Il en résulte que la sanction pourrait se faire directement sur le terrain de la faute technique et

justifier une réparation intégrale.

Qu’en est-il dès lors de la charge de la preuve de la violation ? Le rattachement partiel de cette

obligation au devoir d’information pourrait justifier l’extension du régime de la présomption de

- 14 -

faute, dégagé par la Cour de cassation (Cass. 1re civ., 25 févr. 1997, n° 94-19.685, préc.) et

consacré par la loi du 4 mars 2002 (C. santé publ., art. L. 1111-2), contribuant ainsi au

renforcement de la protection des victimes.

B. - Un renforcement nécessaire

L’arrêt commenté se situe dans la droite ligne de la jurisprudence qui appréhende de façon assez

large la faute médicale.

En effet, si toute faute est source de responsabilité, sans qu’il y ait lieu d’exiger une faute qualifiée

(Cass. 1re civ., 9 avr. 2002, n° 00-21.014 : JurisData n° 2002-013912. - 3 avr. 2007, n° 06-13.457 :

JurisData n° 2007-038376), les fautes médicales sont très variées. Il peut s’agir d’une faute de

diagnostic (Cass. 1re civ., 29 nov. 2005, n° 04-13.805 : JurisData n° 2005-031014. - 27 nov. 2008,

n° 07-15.963 : JurisData n° 2008-045981 ; JCP G 2009, II, 10067, note L. Mordefroy), de

prescription (Cass. 2e civ., 24 janv. 2006, n° 02-16.648 : JurisData n° 2006-031776 ; JCP G 2006,

II, 10082, note L. Grynbaum), de choix thérapeutique (Cass. 1re civ., 28 janv. 2010, n° 09-10.992

: JurisData n° 2010-051304. - 11 juin 2009, n° 08-10.642 : JurisData n° 2009-048624. - 25 nov.

2010, n° 09-68.631 : JurisData n° 2010-022102), de surveillance ou de suivi (Cass. ass. plén., 30

mai 1986, n° 85-91.432 : JurisData n° 1986-001117. - Cass. 1re civ., 6 oct. 2011, n° 10-21.212 :

JurisData n° 2011-022149 ; JCP G 2011, 1349, P. Sargos). Plus récemment, la Cour de cassation a

encore estimé que, loin d’alléger les obligations des professionnels de santé, l’exercice en équipe

aboutit à un renforcement de celles-ci, l’obligation de suivi se doublant d’une obligation de

collaboration entre professionnels de santé (Cass. 1re civ., 16 mai 2013, n° 12-21.338 : JurisData

n° 2013-009394 ; JCP G 2013, 762, P. Sargos ; Gaz. Pal. 11 juill. 2013, p. 12, note A. Zelcevic-

Duhamel ; Journ. de dr. de la santé et de l’ass. maladie 2013, p. 67, n° 2, note M. Bacache). Dans

cet esprit, le devoir « de se renseigner avec précision » sur l’état de santé du patient participe de

cette approche extensive de la faute médicale. Cette approche se vérifie également lorsque l’on

examine les critères de celle-ci. Si traditionnellement, la faute de maladresse s’apprécie par rapport

aux données acquises de la science, un nouveau critère négatif se dégage, consistant à adopter une

démarche inversée, c’est-à-dire à constater d’abord l’absence de risque inhérent à l’acte, pour en

déduire ensuite l’existence de la faute (Cass. 1re civ., 18 sept. 2008, n° 07-13.080 : JurisData n°

2008-045006. - 18 sept. 2008, n° 07-12.170 : JurisData n° 2008-045001. - 20 janv. 2011, n° 10-

17.357 : JurisData n° 2011-000368 ; RTD civ. 2011, p. 354, obs. P. Jourdain).

Cette appréhension large de la faute médicale peut être approuvée dans l’intérêt des victimes. Elle

est d’autant plus nécessaire que le domaine de la responsabilité sans faute ne cesse de se réduire.

Notons en effet que les exceptions traditionnelles au principe de la responsabilité pour faute en la

matière ont pratiquement disparu, d’abord sous l’effet de la loi du 4 mars 2002, la responsabilité

sans faute en cas d’infections nosocomiales étant désormais réservée aux seuls établissements de

santé (C. santé publ., art. L. 1142-1, al. 2) et ensuite sous l’effet d’une interprétation

jurisprudentielle de ses dispositions, la Cour ayant opéré un revirement de jurisprudence pour

estimer désormais que « la responsabilité des prestataires de services de soins (…) ne relève pas,

hormis le cas où ils en sont eux-mêmes les producteurs, du champ d’application de la directive et

ne peut dès lors être recherchée que pour faute lorsqu’ils ont recours aux produits, matériels et

dispositifs médicaux nécessaires à l’exercice de leur art ou à l’accomplissement d’un acte médical »

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(Cass. 1re civ., 12 juill. 2012, n° 11-17.510 : JurisData n° 2012-015717 ; JCP G 2012, act. 892 ;

JCP G 2012, 1036, P. Sargos ; D. 2012, p. 2277, note M. Bacache ; RTD civ. 2012, p. 737, obs. P.

Jourdain ; D. 2013, p. 40, obs. Ph. Brun et O. Gout. - Contra : CE, 25 juill. 2013, n° 339922 :

JurisData n° 2013-015783 ; JCP G 2013, act. 915, obs. F. Tesson ; JCP G 2013, 1079, C. Paillard ;

JCP G 2014, doctr. 568, n° 5, obs. C. Bloch ; D. 2013, p. 2438, M. Bacache ; D. 2014, p. 47, obs.

Ph. Brun et O. Gout ; RTD civ. 2013, p. 134, obs. P. Jourdain ; Resp. civ. et assur. 2014, étude 1,

L. Bloch). Quant au domaine de compétence de l’ONIAM, il reste limité par des critères positifs

dont le plus contraignant a trait à la gravité du dommage (C. santé publ., art. L. 1142-1, II). Il a

encore récemment connu un recul pour les accidents médicaux liés à des actes de chirurgie

esthétique, l’article 70 de la loi n° 2014-1554 de financement de la sécurité sociale du 22

décembre 2014 ayant sur ce point renversé la jurisprudence (Cass. 1re civ., 5 févr. 2014, n° 12-

29.140 : JurisData n° 2014-001589).

Dans ces conditions la faute reste le seul moyen d’engager la responsabilité du médecin pour les

victimes qui ne répondent pas aux critères cumulés de compétence de l’ONIAM pour bénéficier

de la solidarité nationale. Une approche large de celle-ci est donc indispensable, comme en

témoigne l’arrêt commenté.

Document 7 : Article L. 1111-2 du Code de la santé publique

Toute personne a le droit d’être informée sur son état de santé. Cette information

porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont

proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques

fréquents ou graves normalement prévisibles qu’ils comportent ainsi que sur les

autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus.

Lorsque, postérieurement à l’exécution des investigations, traitements ou actions de

prévention, des risques nouveaux sont identifiés, la personne concernée doit en être

informée, sauf en cas d’impossibilité de la retrouver.

Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses

compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables.

Seules l’urgence ou l’impossibilité d’informer peuvent l’en dispenser.

Cette information est délivrée au cours d’un entretien individuel.

La volonté d’une personne d’être tenue dans l’ignorance d’un diagnostic ou d’un

pronostic doit être respectée, sauf lorsque des tiers sont exposés à un risque de

transmission.

Les droits des mineurs ou des majeurs sous tutelle mentionnés au présent article sont

exercés, selon les cas, par les titulaires de l’autorité parentale ou par le tuteur. Ceux-ci

reçoivent l’information prévue par le présent article, sous réserve des dispositions de

l’article L. 1111-5. Les intéressés ont le droit de recevoir eux-mêmes une information

et de participer à la prise de décision les concernant, d’une manière adaptée soit à leur

- 16 -

degré de maturité s’agissant des mineurs, soit à leurs facultés de discernement

s’agissant des majeurs sous tutelle.

Des recommandations de bonnes pratiques sur la délivrance de l’information sont

établies par la Haute Autorité de santé et homologuées par arrêté du ministre chargé

de la santé.

En cas de litige, il appartient au professionnel ou à l’établissement de santé

d’apporter la preuve que l’information a été délivrée à l’intéressé dans les conditions

prévues au présent article. Cette preuve peut être apportée par tout moyen.

L’établissement de santé recueille auprès du patient hospitalisé les coordonnées des

professionnels de santé auprès desquels il souhaite que soient recueillies les

informations nécessaires à sa prise en charge durant son séjour et que soient

transmises celles utiles à la continuité des soins après sa sortie.

Document 8 : Cass. civ. 1re, 7 février 1990

Attendu selon l’arrêt attaqué (Dijon, 9

septembre 1987) que le docteur X... a

pratiqué sur M. Y..., atteint d’une sinusite

aiguë, une opération chirurgicale au cours de

laquelle s’est produite une effraction de la

paroi interne de l’orbite droit, risque

inhérent à cette intervention et dont la

réalisation n’a impliqué aucune faute

opératoire ; que M. Y..., atteint d’importants

troubles de la vision, a mis en cause la

responsabilité de M. X..., lui reprochant

d’avoir omis de l’informer de ce risque, qui

ne présentait pas un caractère exceptionnel ;

que les juges du fond, qui ont retenu la faute

ainsi commise par M. X... et ont évalué à 10

000 francs le préjudice moral subi par M.

Y..., ont en revanche estimé qu’il n’existait

pas de relation directe de causalité entre la

faute de M. X... et les divers préjudices "

d’ordre corporel " dont M. Y... demandait

réparation ;

Attendu que celui-ci fait grief à l’arrêt d’avoir

ainsi statué, alors, selon le moyen,

qu’informé du risque opératoire le malade

aurait pu refuser l’opération et qu’il existait

donc un lien direct de causalité entre les

dommages corporels invoqués et cette

absence fautive d’information, qui a entraîné

le risque même qui s’est réalisé ;

Mais attendu qu’en manquant à son

obligation d’éclairer M. Y... sur les

conséquences éventuelles de son choix

d’accepter l’opération qu’il lui proposait, M.

X... a seulement privé ce malade d’une

chance d’échapper, par une décision peut-

être plus judicieuse, au risque qui s’est

finalement réalisé, perte qui constitue un

préjudice distinct des atteintes corporelles

qui seules ont fait l’objet de la demande de

réparation de M. Y... ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi

- 17 -

Document 9 : Cass. civ. 1re, 12 juill. 2012 Attendu, selon l’arrêt attaqué, qu’à la suite de l’intervention pratiquée, le 16 juin 1999, par M. X..., chirurgien, pour résoudre une hernie inguinale, M. Y... a souffert d’une atrophie douloureuse du testicule droit nécessitant l’ablation de cette glande, effectuée, le 8 novembre 1999, avec pose d’une prothèse, par un autre chirurgien, M. Z... ; qu’en raison du déplacement de la prothèse, ce chirurgien en a posé une seconde, lors d’une nouvelle intervention en date du 20 décembre 1999 ; que cette seconde prothèse ayant éclaté, le 4 mars 2000, lors d’une partie de tennis, M. Y... a subi une nouvelle intervention pour la retirer, le 17 mars 2000 ; que les époux Y... ont assigné M. X..., l’assureur de celui-ci, la Mutuelle d’assurance du corps de santé française (MACSF), M. Z... et le fabricant de la prothèse, la société Laboratoire Eurosilicone, en réparation de leurs préjudices ; que l’arrêt déclare M. X... responsable, pour manquement à son obligation d’information envers M. Y... à l’origine de la perte d’une chance, de moitié des conséquences dommageables de l’intervention initiale et des interventions subséquentes, déclare M. Z... et la société Eurosilicone responsables in solidum de la totalité des conséquences dommageables de la défaillance de la seconde prothèse à l’origine de sa rupture et les condamne in solidum à réparer les préjudices, en précisant que, dans leurs rapports entre eux, M. Z... et la société Eurosilicone seront tenus à parts égales ; Sur le moyen unique du pourvoi incident : Attendu que M. X... et la société MACSF font grief à l’arrêt de déclarer M. X... responsable, pour manquement à son obligation d’information envers M. Y... à l’origine d’une perte de chance, de moitié des conséquences dommageables de l’intervention initiale du 16 juin 1999 et des interventions subséquentes et, en conséquence, de le condamner in solidum avec son assureur, la MACSF, à verser

certaines sommes aux époux Y..., en réparation de leurs préjudices respectifs, alors, selon le moyen, que le médecin n’ayant pas recueilli le consentement libre et éclairé de son patient doit être condamné à réparer, non l’entier dommage corporel subi par ce dernier, mais la perte de chance d’échapper, par une décision peut-être plus judicieuse, au risque qui s’est finalement réalisé ; que, toutefois, le patient ne peut prétendre à aucune indemnisation au titre d’une perte de chance, lorsqu’il est avéré que l’acte médical était nécessaire ou ne présentait pas de meilleure alternative, de sorte qu’il l’aurait quand même accepté s’il avait été correctement informé ; qu’en revanche, indépendamment de toute atteinte corporelle causée par l’acte médical non consenti, le non-respect du devoir d’information cause à celui auquel l’information était légalement due, un préjudice que le juge ne peut laisser sans réparation, mais qui ne saurait être constitué par une perte de chance d’éviter le dommage ; qu’en confirmant néanmoins la décision des premiers juges, qui avaient condamné M. X... à indemniser M. Y... au titre d’une perte de chance d’éviter le dommage, après avoir pourtant constaté qu’au regard de la nécessité de l’intervention, M. Y... avait uniquement subi un préjudice moral, la cour d’appel a violé les articles 16 et 16-3 du code civil, dans leur rédaction issue de la loi n° 94-653 du 29 juillet 1994 relative au respect du corps humain et l’article 1382 du code civil ; Mais attendu que l’arrêt énonce que, s’agissant d’un droit personnel, détaché des atteintes corporelles, accessoire au droit à l’intégrité physique, la lésion de ce droit subjectif entraîne un préjudice moral, résultant d’un défaut de préparation psychologique aux risques encourus et du ressentiment éprouvé à l’idée de ne pas avoir consenti à une atteinte à son intégrité corporelle ; que c’est dans l’exercice de son pouvoir souverain que la cour d’appel, qui

- 18 -

n’a pas retenu la perte de chance, indemnisée par le tribunal, a évalué le préjudice moral qu’elle réparait à hauteur des indemnités fixées par les premiers juges au profit de M. Y... ; que le moyen, qui ne tend qu’à remettre en cause cette évaluation souveraine, ne peut être accueilli ; Mais, sur le moyen unique du pourvoi principal : Vu l’article 1147 du code civil, ensemble les articles 1386-1 à 1386-18 du code civil portant transposition de la directive 85/374/CEE du 25 juillet 1985 modifiée ; Attendu qu’en considération des objectifs et de l’économie de cette directive et de l’interprétation qu’en a donné la Cour de justice de l’Union européenne en énonçant que ladite directive déterminait celui qui devait assumer la responsabilité qu’elle instituait parmi les professionnels ayant participé aux processus de fabrication et de commercialisation et n’avait pas vocation à harmoniser de manière exhaustive le domaine de la responsabilité du fait des produits défectueux au-delà des points qu’elle réglemente, la responsabilité des prestataires de services de soins, qui ne peuvent être assimilés à des distributeurs de produits ou dispositifs médicaux et dont les prestations visent essentiellement à faire bénéficier les patients des traitements et techniques les plus appropriés à l’amélioration de leur état, ne relève pas, hormis le cas où ils en sont eux-mêmes les producteurs, du champ d’application de la directive et ne peut dès lors être recherchée

que pour faute lorsqu’ils ont recours aux produits, matériels et dispositifs médicaux nécessaires à l’exercice de leur art ou à l’accomplissement d’un acte médical, pourvu que soit préservée leur faculté et/ou celle de la victime de mettre en cause la responsabilité du producteur sur le fondement de ladite directive lorsque se trouvent remplies les conditions prévues par celle-ci ; Attendu que, pour condamner M. Z... in solidum avec la société Eurosilicone à indemniser les époux Y... de leurs préjudices respectifs, l’arrêt retient que, tenu d’une obligation de sécurité de résultat quant aux choses qu’il utilise dans la pratique de son art, le seul fait de l’éclatement de la prothèse à l’occasion d’un sport qui n’est pas défini comme dangereux ou comportant des risques d’atteinte physique anormaux ou encore dont la pratique était déconseillée pour les porteurs d’une telle prothèse, suffit à engager sa responsabilité en l’absence d’une cause d’exonération ayant les caractéristiques de la force majeure ; Qu’en se déterminant ainsi, après avoir retenu que M. Z... n’avait pas commis de faute, la cour d’appel a violé les textes susvisés, le premier par refus d’application et les autres par fausse application ; PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi incident ; CASSE ET ANNULE (…)

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Document 10 : Cass. civ. 1ère, 23 janvier 2014

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Orléans, 10 avril 2012), que M. Y..., médecin généraliste, a administré ou prescrit à Mme X..., entre 1996 et 1999, plusieurs injections vaccinales, dont cinq du vaccin GenHevac B contre l’hépatite B, produit par la société Sanofi-Pasteur MSD ; que, Mme X... ayant présenté un état de fatigue persistant et une instabilité des membres inférieurs provoquant des chutes, des examens ont mis en évidence des anomalies neurologiques, puis l’existence d’une sclérose latérale amyotrophique (SLA) ; qu’attribuant sa pathologie aux vaccinations, Mme X... a recherché la responsabilité de la société Sanofi-Pasteur MSD et de M. Y..., puis, s’étant désistée de l’instance d’appel à l’égard de la société, a maintenu ses demandes envers le médecin ; Sur le premier moyen, pris en ses deux branches : Attendu que Mme X... fait grief à l’arrêt de rejeter ses demandes à l’encontre de M. Y..., alors, selon le moyen : 1°/ que toute personne a le droit d’être informée, préalablement aux investigations, traitements ou actions de prévention proposés, des risques inhérents à ceux-ci ; que son consentement doit être recueilli par le praticien, hors le cas où son état rend nécessaire une intervention thérapeutique à laquelle elle n’est pas à même de consentir et que le non-respect du devoir d’information qui en découle cause à celui auquel l’information était légalement due un préjudice que le juge ne peut laisser sans réparation ; que la preuve du respect de cette obligation incombe au praticien ; qu’en jugeant qu’en l’absence de risque avéré d’apparition d’une SLA après injection du vaccin GenHevac B, aucun manquement de M. Y... à son devoir de conseil et d’information ne pouvait lui être imputé, la cour d’appel a statué par des motifs inopérants, impropres à caractériser le respect par M. Y... de son obligation

d’informer Mme X... de l’intérêt et des risques liés à la vaccination qu’il lui avait prescrite ; qu’elle a ainsi privé sa décision de toute base légale au regard des articles 16, 16-3 et 1382 du code civil ; 2°/ que l’indemnisation du préjudice résultant du non-respect par un médecin du devoir d’information dont il est tenu envers son patient peut résulter d’une défaillance contractuelle ; qu’en jugeant qu’en l’absence de risque avéré d’apparition d’une SLA après injection du vaccin GenHevac B, aucun manquement de M. Y... à son devoir de conseil et d’information ne pouvait lui être imputé, la cour d’appel a statué par des motifs inopérants, impropres à caractériser le respect par M. Y... de son obligation d’informer Mme X... de l’intérêt et des risques liés à la vaccination qu’il lui avait prescrite dans le cadre du contrat qui les liait ; qu’elle a ainsi privé sa décision de toute base légale au regard de l’article 1147 du code civil ; Mais attendu qu’indépendamment des cas dans lesquels le défaut d’information sur les risques inhérents à un acte d’investigation, de traitement ou de prévention a fait perdre au patient une chance d’éviter le dommage résultant de la réalisation de l’un de ces risques, en refusant qu’il soit pratiqué, le non-respect, par un professionnel de santé, de son devoir d’information cause à celui auquel l’information était due, lorsque ce risque se réalise, un préjudice résultant d’un défaut de préparation aux conséquences d’un tel risque, que le juge ne peut laisser sans réparation ; qu’ayant constaté, alors que Mme X... exposait, sans être contredite par M. Y..., n’avoir reçu aucune information sur l’intérêt de la vaccination ou sur ses risques, que les experts, comme la quasi-unanimité des scientifiques, écartaient tout lien de causalité entre le vaccin contre l’hépatite B et l’apparition de la SLA, qui n’est pas une maladie auto-immune mais une dégénérescence des motoneurones, et que ni

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la notice du GenHevac B ni le dictionnaire médical Vidal ne mettaient en garde contre une éventualité d’apparition d’une SLA après une vaccination par GenHevac B, la cour d’appel en a exactement déduit que la demande de Mme X... ne pouvait être accueillie ; que le moyen, inopérant en sa seconde branche, n’est pas fondé en sa première ; Sur le deuxième moyen, ci-après annexé : Attendu que Mme X... fait grief à l’arrêt de rejeter ses demandes à l’encontre de M. Y... ; Attendu qu’ayant constaté que M. Y... avait prescrit la cinquième injection vaccinale le 10 septembre 1999 et que Mme X... avait présenté des signes de fatigue importants et les premières manifestations de sa maladie vers le mois d’octobre 1999, de sorte que la prescription était antérieure à l’apparition de l’état général déficient de Mme X..., la cour d’appel a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ; Sur le troisième moyen, ci-après annexé : Attendu que Mme X... fait grief à l’arrêt de rejeter ses demandes à l’encontre de M. Y... ;

Attendu qu’après avoir retenu que la seule faute commise par M. Y... était d’avoir prescrit, sinon pratiqué, la cinquième injection de GenHevac B dont les experts judiciaires avaient estimé qu’elle n’était pas nécessaire, la cour d’appel a relevé que cette injection n’avait causé qu’un très faible surdosage, non susceptible, selon les experts, d’avoir un effet délétère et, de surcroît, qu’il n’existait aucun lien scientifiquement démontré entre une injection de GenHevac B et l’apparition d’une SLA et que Mme X... n’invoquait, pour faire le lien entre la vaccination et sa maladie, que des considérations générales, tirées d’un rapport médical dont les conclusions n’étaient pas convaincantes, ainsi que des éléments personnels qui n’étaient pas probants ; qu’elle a pu en déduire l’absence de responsabilité de M. Y..., y compris au titre de la perte de chance, peu important que la cause de la SLA demeure inconnue ; que le moyen n’est pas fondé ; PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi

Document 11 : Cass. civ. 1ère, 25 janvier 2017.

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 30

septembre 2015), qu'à la suite du diagnostic

d'une sténose carotidienne droite, et après

avoir consulté M. X..., chirurgien vasculaire,

Mme Y..., épouse Z..., a été admise, le 11

mai 2003, à la polyclinique de l'Europe en

vue d'un bilan vasculaire complémentaire ;

qu'après la réalisation, le lendemain, par M.

A..., radiologue, d'une artériographie, Mme

Z... a présenté une hémiplégie des membres

inférieur et supérieur gauches ; qu'elle a

assigné en responsabilité et indemnisation

les praticiens et l'Office national

d'indemnisation des accidents médicaux, des

affections iatrogènes et des infections

nosocomiales (l'ONIAM), en invoquant,

d'une part, un défaut d'information préalable

sur le risque d'hémiplégie lié à la pratique

d'une artériographie, d'autre part, la

survenue d'un accident médical non fautif

relevant d'une indemnisation au titre de la

solidarité nationale ; qu'elle a mis en cause la

caisse primaire d'assurance maladie du

Morbihan (la caisse), qui a sollicité le

remboursement de ses débours ; que les

praticiens ont été condamnés, pour défaut

d'information, à payer certaines indemnités à

Mme Z... et à la caisse, en réparation, en

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premier lieu, de la perte de chance d'éviter le

dommage, en second lieu, d'un préjudice

moral d'impréparation ; que la part du

dommage corporel non réparée par les

praticiens a été mise à la charge de l'ONIAM

;

Sur le premier moyen du pourvoi principal

et sur les premier et deuxième moyens du

pourvoi incident, ci-après annexés :

Attendu que ces moyens ne sont

manifestement pas de nature à entraîner la

cassation ;

Sur le second moyen du pourvoi principal et

le troisième moyen du pourvoi incident,

rédigés en termes identiques, réunis :

Attendu que M. A... et M. X... font grief à

l'arrêt de les condamner solidairement à

payer à Mme Z..., outre une somme en

réparation de la perte de chance subie, une

indemnité au titre de son préjudice moral

d'impréparation, alors, selon le moyen :

1°/ que le créancier d'une obligation

contractuelle ne peut se prévaloir à

l'encontre du débiteur de cette obligation,

quand bien même il y aurait intérêt, des

règles régissant la responsabilité délictuelle ;

qu'en condamnant M. A... et M. X..., sur le

fondement des principes régissant la

responsabilité délictuelle, à indemniser le

préjudice de Mme Z... résultant du défaut de

préparation à la réalisation du risque

d'accident vasculaire cérébral résultant de

l'artériographie, bien qu'elle les ait déjà

condamnés, sur le fondement de la

responsabilité contractuelle, à l'indemniser

de son préjudice consistant en une perte de

chance d'éviter le

dommage, la cour d'appel a violé les articles

1147 et 1382 du code civil, et le principe de

non-cumul des responsabilités délictuelle et

contractuelle ;

2°/ que, l'indemnité réparant la perte de

chance d'éviter le dommage, provoquée par

un manquement du médecin à son

obligation d'information, englobe le

préjudice d'impréparation à la réalisation du

dommage ; qu'en condamnant M. A... et M.

X... à indemniser le préjudice de Mme Z...

résultant du défaut de préparation à la

réalisation du risque d'accident vasculaire

cérébral résultant de l'artériographie, bien

qu'elle les ait déjà condamné à l'indemniser

de son préjudice consistant en la perte de

chance d'éviter la réalisation de ce risque, la

cour d'appel, qui a réparé deux fois le même

dommage, a violé les articles 1147 et 1382

du code civil ;

Mais attendu qu'indépendamment des cas

dans lesquels le défaut d'information sur les

risques inhérents à un acte individuel de

prévention, de diagnostic ou de soins a fait

perdre au patient une chance d'éviter le

dommage résultant de la réalisation de l'un

de ces risques, en refusant qu'il soit pratiqué,

le non-respect, par un professionnel de

santé, de son devoir d'information cause à

celui auquel l'information était due, lorsque

ce risque se réalise, un préjudice moral

résultant d'un défaut de préparation aux

conséquences d'un tel risque, qui, dès lors

qu'il est invoqué, doit être réparé ; qu'il en

résulte que la cour d'appel a retenu, à bon

droit et sans méconnaître le principe de

réparation intégrale, que ces préjudices

distincts étaient caractérisés et pouvaient

être, l'un et l'autre, indemnisés ; que le

moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

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Document 12 : Cass., civ. 1ère, 10 juillet 2013

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que Mme X... a reçu, entre 1986 et 1993, plusieurs injections de vaccins, Hevac B et Genhevac B, contre l’hépatite B, renouvelées du fait qu’elle ne développait pas d’anti-corps, qu’à partir de la fin de l’année 1992, elle s’est plainte d’épisodes de paresthésie des mains puis, en 1995, d’un état de fatigue et de troubles sensitifs, qu’elle a dû cesser de travailler en juillet 1998, que le diagnostic de sclérose en plaques a été posé en décembre 1998 ; que Mme X... a recherché la responsabilité de la société Sanofi Pasteur, fabricant des produits ; Sur le moyen unique du pourvoi incident, pris en ses trois branches : Attendu que la société Sanofi Pasteur fait grief à l’arrêt de dire que le lien entre le déclenchement de la sclérose en plaques et la vaccination de Mme X... était établi, alors, selon le moyen : 1°/ que la responsabilité d’un fabricant du fait d’un produit défectueux est subordonnée à la preuve préalable du lien de causalité entre le dommage et le produit ; que l’incertitude scientifique sur un tel lien au stade de l’état actuel des connaissances scientifiques et techniques fait obstacle à la preuve du lien de causalité par présomptions au cas particulier ; qu’en l’espèce, la société Sanofi Pasteur MSD faisait valoir que l’existence d’un lien entre le vaccin contre l’hépatite B et l’apparition d’une sclérose en plaques avait été écarté par la communauté scientifique et qu’aucun élément de nature scientifique ne permettait d’envisager l’existence d’un tel lien ; qu’en considérant que l’absence de lien scientifiquement établi entre la vaccination et le déclenchement d’une sclérose en plaques ne constituait pas un obstacle dirimant aux prétentions des demandeurs à l’indemnisation et ne leur interdisait pas de tenter d’établir, par des présomptions graves, précises et

concordantes, cas par cas, l’imputabilité de la maladie à la vaccination, tout en ayant retenu qu’il existait une impossibilité de prouver scientifiquement le lien de causalité, la cour d’appel a violé l’article 1382 du code civil ; 2°/ que l’imputabilité de l’apparition d’une sclérose en plaques à l’administration du vaccin contre l’hépatite B ne peut être admise qu’à la condition d’être apparue dans un délai bref à compter de cette administration ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a relevé que Mme X... avait présenté les premiers symptômes d’une sclérose en plaques « fin 1992 », après avoir constaté qu’elle avait reçu une première série d’injections du vaccin en 1986 ; qu’il en résultait qu’un délai de plusieurs années s’était écoulé entre la première administration du vaccin et l’apparition chez Mme X... d’une sclérose en plaques, ce qui devait conduire à exclure tout lien entre le vaccin et cette pathologie ; qu’en décidant le contraire, la cour d’appel a violé l’article 1382 du code civil ; 3°/ que l’imputabilité de l’apparition d’une sclérose en plaques à l’administration du vaccin contre l’hépatite B ne peut être admise qu’à la condition d’être apparue dans un délai bref à compter de cette administration ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a relevé que Mme X... avait présenté les premiers symptômes d’une sclérose en plaques « fin 1992 », après avoir relevé que la dernière vaccination datait de février 1992, soit un délai d’environ dix mois ; qu’à supposer que le délai à prendre en considération ait débuté à la date de la dernière injection de vaccin, sa durée devait conduire à exclure toute proximité temporelle entre le vaccin et l’apparition de la sclérose en plaques ; qu’en décidant le contraire, la cour d’appel a violé l’article 1382 du code civil ; Mais attendu que la cour d’appel, après avoir exactement énoncé que l’impossibilité de

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prouver scientifiquement tant le lien de causalité que l’absence de lien entre la sclérose en plaques et la vaccination contre l’hépatite B, laisse place à une appréciation au cas par cas, par présomptions, de ce lien de causalité, a estimé qu’au regard de l’état antérieur de Mme X..., de son histoire familiale, de son origine ethnique, du temps écoulé entre les injections et le déclenchement de la maladie, et du nombre anormalement important des injections pratiquées, il existait des présomptions graves, précises et concordantes permettant d’établir le lien entre les vaccinations litigieuses et le déclenchement de la sclérose en plaques dont elle était atteinte ; que le moyen n’est fondé en aucune de ses branches ; Mais sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en ses deuxième et troisième branches : Vu l’article 1386-4 du code civil ; Attendu que, pour rejeter les demandes de Mme X..., l’arrêt, après avoir exactement retenu que la seule implication du produit dans la maladie ne suffit pas à établir son défaut ni le lien de causalité entre ce défaut et la sclérose en plaques, relève qu’un produit ne peut être retiré du marché du seul fait qu’il ne répond pas à l’attente particulière d’une personne, que le bénéfice attendu du vaccin contre l’hépatite B, par le public utilisateur, est avant tout une protection efficace contre ce virus, ce qui est le cas, ce

pourquoi le vaccin contre l’hépatite B, qui a probablement sauvé des milliers de vie pour lesquelles le risque "hépatite B" était infiniment plus grand que le risque " sclérose en plaques", n’a pas été retiré du marché et a reçu jusqu’à aujourd’hui les autorisations requises, que si le ministère de la santé a mis un terme aux campagnes de vaccination systématiques, cette réserve ne peut contribuer à établir le caractère défectueux du produit ; Attendu qu’en se déterminant ainsi, par une considération générale sur le rapport bénéfice/risques de la vaccination, après avoir admis qu’il existait en l’espèce des présomptions graves, précises et concordantes tant au regard de la situation personnelle de Mme X... que des circonstances particulières résultant notamment du nombre des injections pratiquées, de l’imputabilité de la sclérose en plaques à ces injections, sans examiner si ces mêmes faits ne constituaient pas des présomptions graves précises et concordantes du caractère défectueux des doses qui lui avaient été administrées, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ; PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi principal : REJETTE le pourvoi incident ; CASSE ET ANNULE (…)

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Document 13 : Cass. civ. 1ère, 18 octobre 2017. Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 17 avril 2015), rendu sur renvoi après cassation (1er Civ., 10 juillet 2013, pourvoi n° 12-21. 314), que Mme X...a reçu, en 1986, trois injections de vaccins contre l'hépatite B, Hevac B et Genhevac B, puis, jusqu'en 1993, dix nouvelles injections en raison du fait qu'elle ne développait pas d'anticorps ; qu'à la fin de l'année 1992, elle se serait plainte d'épisodes de paresthésie des mains, puis, en 1995, d'un état de fatigue et de troubles sensitifs ; qu'elle a dû cesser de travailler en juillet 1998 ; que le diagnostic de sclérose en plaques a été établi en décembre 1998 ; que Mme X...a agi en responsabilité contre la société Sanofi Pasteur MSD, devenue Sanofi Pasteur Europe (la société Sanofi), fabricant des produits ; Attendu que Mme X...fait grief à l'arrêt de rejeter l'ensemble de ses demandes, alors, selon le moyen : 1°/ que des présomptions graves, précises et concordantes de l'imputabilité de la sclérose en plaques aux injections d'un vaccin font présumer le caractère défectueux des doses administrées à la victime ; qu'il ressort des propres constatations de l'arrêt l'existence de présomptions graves, précises et concordantes tant au regard de la situation personnelle de Mme X...que des circonstances particulières résultant, notamment, du nombre des injections pratiquées, de l'imputabilité de la sclérose en plaques à ces injections ; qu'il en résulte que le défaut du vaccin était présumé, à charge pour le producteur de celui-ci de rapporter la preuve contraire ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a donc violé l'article 1386-4 du code civil ; 2°/ que, s'il existe des présomptions graves, précises et concordantes de l'imputabilité de la sclérose en plaques aux injections d'un vaccin, il revient au juge de rechercher si les mêmes faits ne constituent pas des présomptions graves, précises et

concordantes du caractère défectueux des doses administrées à la victime ; que, pour écarter le défaut du vaccin, la cour d'appel a considéré qu'était en cause l'utilisation du produit, voire sa posologie et non un éventuel défaut ; qu'elle relevait, encore, que rien dans la littérature médicale contemporaine des vaccinations ne justifiait une mise en garde quant à la posologie recommandée, soit six injections, et que c'est uniquement à la suite de la réunion internationale du 21 septembre 1998 que la stratégie vaccinale a été modifiée ; qu'elle relevait, enfin, que le risque de sclérose en plaques n'était apparu dans le Vidal et sur les notices des vaccins qu'en 1994, qu'avant cette date, les effets indésirables du produit étaient encore inconnus et qu'il n'existait alors aucune étude sérieuse sur une éventuelle corrélation entre les affections démyélinisantes et la vaccination contre l'hépatite B ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si, indépendamment de la connaissance du risque lié à une sur-vaccination, la seule circonstance que le nombre d'injections ait provoqué une apparition très rapide des premiers symptômes de la sclérose en plaques chez une personne en parfaite santé, sans antécédents familiaux et appartenant de surcroît à une population présentant une rareté accrue de la maladie, ne suffisait pas à faire présumer le caractère défectueux des doses administrées, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1386-4 et 1386-9 du code civil ; 3°/ qu'un produit est défectueux lorsqu'il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre et que, dans l'appréciation de la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre, il doit être tenu compte de toutes les circonstances et, notamment, de la présentation du produit, de l'usage qui peut en être raisonnablement attendu et du moment de sa mise en circulation ; que, pour écarter le défaut du vaccin, la cour d'appel a considéré qu'était en

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cause l'utilisation du produit, voire sa posologie et non un éventuel défaut ; qu'elle a encore relevé que rien dans la littérature médicale contemporaine des vaccinations ne justifiait une mise en garde quant à la posologie recommandée, soit six injections, et que c'est uniquement à la suite de la réunion internationale du 21 septembre 1998 que la stratégie vaccinale a été modifiée et, enfin, que le risque de sclérose en plaques n'est apparu dans le Vidal et sur les notices des vaccins qu'en 1994, qu'avant cette date, les effets indésirables du produit étaient encore inconnus et qu'il n'existait alors aucune étude sérieuse sur une éventuelle corrélation entre les affections démyélinisantes et la vaccination contre l'hépatite B ; qu'en se fondant ainsi sur des circonstances générales, tirées du consensus médical à la date des injections, sans avoir égard à toutes les circonstances propres à établir que les doses injectées à la victime étaient défectueuses, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1386-4 du code civil ; 4°/ qu'un produit est défectueux lorsqu'il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre et que, dans l'appréciation de la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre, il doit être tenu compte de toutes les circonstances et, notamment, de la présentation du produit, de l'usage qui peut en être raisonnablement attendu et du moment de sa mise en circulation ; que, dans ses écritures d'appel, Mme X...avait fait valoir que le laboratoire devait nécessairement avoir analysé les effets de son produit et avait invoqué les motifs du jugement suivant lesquels « le laboratoire ne produit aucun étude qu'il aurait faite préalablement à la commercialisation de son vaccin, et son ignorance supposée des effets indésirables ne peut résulter que de l'absence de recherche faite en ce domaine » ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher si, nonobstant l'évolution du consensus médical postérieurement aux injections litigieuses, le producteur du vaccin avait pu légitimement ignorer le risque d'apparition d'une sclérose en plaques découlant d'une

sur-vaccination, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1386-4 du code civil ; 5°/ que, dans ses écritures d'appel, Mme X...avait fait valoir qu'à supposer que le producteur ait réellement pris toutes les précautions nécessaires, il lui appartenait de fournir toutes les informations nécessaires sur la posologie du produit, ce qu'il n'a pas fait ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher si, nonobstant l'évolution du consensus médical postérieurement aux injections litigieuses, il n'appartenait pas au producteur du vaccin d'en définir les conditions d'utilisation, la posologie et de vérifier l'innocuité de la multiplication des injections, la cour d'appel a de nouveau privé sa décision de base légale au regard de l'article 1386-4 du code civil ; 6°/ que, dans ses écritures d'appel, Mme X...avait soutenu que le vaccin ne présentait pas la sécurité à laquelle elle pouvait légitimement s'attendre, dès lors que, pour produire son effet attendu contre l'hépatite B, les injections avaient dû être multipliées sur sa personne, sans que son producteur n'ait mentionné le risque découlant d'une telle multiplication, à l'origine, suivant les propres constatations de l'arrêt, de l'apparition de la sclérose en plaques dont elle a été atteinte ; qu'en s'abstenant de répondre à ces chefs de conclusions, de nature à établir le défaut des vaccins, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 7°/ que les juges ne peuvent procéder par voie d'affirmation d'ordre général sans indiquer l'origine de leurs constatations de fait ; qu'en ayant énoncé, pour écarter la responsabilité du producteur, que dûment informée du risque de développer une sclérose en plaques du fait de la vaccination, Mme X...n'y aurait pas renoncé, la cour d'appel a statué par un motif d'ordre général et a ainsi violé l'article 455 du code de procédure civile ;

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Mais attendu qu'aux termes de l'article 1386-9, devenu 1245-8 du code civil, transposant l'article 4 de la directive 85/ 374/ CEE du Conseil, du 25 juillet 1985, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux, le demandeur doit prouver le dommage, le défaut et le lien de causalité entre le défaut et le dommage ; que, dès lors, il lui incombe d'établir, outre que le dommage est imputable au produit incriminé, que celui-ci est défectueux ; que cette preuve peut être rapportée par des présomptions pourvu qu'elles soient graves, précises et concordantes ; qu'il appartient aux juges du fond ayant, au vu des éléments de preuve apportés par la victime d'un dommage, estimé qu'il existait de telles présomptions que le dommage soit imputable au produit de santé administré à celle-ci, d'apprécier si ces mêmes éléments de preuve permettent de considérer le produit comme défectueux ; Qu'examinant si, tant la situation personnelle de Mme X...que les circonstances particulières résultant notamment du nombre des injections pratiquées établissent l'existence de présomptions graves, précises et concordantes du caractère défectueux des vaccins commercialisés par la société Sanofi et des doses injectées, l'arrêt retient, d'abord, qu'il résulte des différentes expertises exprimant un doute sur l'utilité de si nombreuses injections, que cet élément, relatif à l'utilisation du produit, voire à sa posologie, ne constitue pas une présomption permettant d'établir le caractère défectueux des vaccins administrés ; Qu'il considère, ensuite, que le délai écoulé entre la dernière vaccination et l'apparition des symptômes ne constitue pas non plus une présomption suffisante en raison de la difficulté à dater précisément les premiers troubles de Mme X..., de la multiplicité des injections pratiquées et des éléments de nature scientifique remettant en cause la durée du délai jusqu'à présent admise pour caractériser l'existence d'un défaut ;

Qu'il constate, en outre, que les doutes sérieux exprimés par certains experts sur l'existence d'un lien entre le vaccin et la maladie ne peuvent constituer une présomption, dès lors que le défaut d'un vaccin ne peut se déduire de l'absence de certitude scientifique de l'innocuité du produit ; Que l'arrêt relève, de plus, que le fait que Mme X...ait été en bonne santé avant la vaccination, comme 92 à 95 % des malades atteints de scléroses en plaques, et qu'elle soit issue d'une population faiblement affectée par la maladie sont insuffisants, à eux seuls, à établir le défaut du produit ; Qu'il ajoute, enfin, qu'en ce qui concerne la présentation du produit, le risque de contracter la sclérose en plaques, qui n'était pas mentionné lorsque les vaccins ont été administrés à Mme X..., entre 1986 et 1993, n'est apparu dans le dictionnaire médical Vidal et les notices des vaccins qu'en 1994, année au cours de laquelle a été menée une enquête nationale de pharmacovigilance, de sorte qu'il ne peut être reproché à la société Sanofi un défaut d'information à cet égard ; Qu'en déduisant de ces constatations et appréciations souveraines qu'il n'est pas établi que les vaccins administrés à Mme X...étaient affectés d'un défaut, la cour d'appel, qui ne s'est pas exclusivement fondée sur des circonstances générales tirées du consensus médical existant à la date des injections, qui a procédé à la recherche visée par la deuxième branche et n'était pas tenue de faire les recherches visées par les quatrième, cinquième et sixième branches, que ses constatations rendaient inopérantes, a légalement justifié sa décision, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par la septième branche ; PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ;