universite jean moulin – lyon 3 · faculte de droit les techniques conventionnelles de lutte...
TRANSCRIPT
-
UNIVERSITE JEAN MOULIN LYON 3FACULTE DE DROIT
LES TECHNIQUES CONVENTIONNELLES DE LUTTE CONTRE LES
POLLUTIONS ET LES NUISANCES ET DE PREVENTION DES
RISQUES TECHNOLOGIQUES
THESE POUR LE DOCTORAT EN DROIT
DISCIPLINE : DROIT DE LENVIRONNEMENT
prsente et soutenue publiquement le 29 novembre 2005par
Christelle BALLANDRAS ROZET
JURY
Directeur de thse : Monsieur Jean UNTERMAIERProfesseur lUniversit Jean Moulin Lyon 3Directeur de lInstitut de droit de lenvironnement
Rapporteurs : Monsieur Raphal ROMIProfesseur lUniversit de Nantes
Chaire Jean Monnet de droit europen de lenvironnement
Monsieur Pierre LASCOUMESDirecteur de recherche au CNRS
Suffragants : Monsieur Stphane DOUMBE-BILLE Professeur lUniversit Jean Moulin Lyon 3
Directeur du Centre de droit international
Monsieur Jean-Franois SESTIER Professeur lUniversit Jean Moulin Lyon 3
-
REMERCIEMENTS
Je voudrais exprimer ma trs grande reconnaissance au Professeur Jean
UNTERMAIER qui, en me confiant ce travail, ma permis de progresser
intel lectuellement et de mener des rflexions passionnantes sur un thme
empreint dincomprhensions et dincertitudes. Je le remercie pour la
confiance quil ma tmoigne et les conseils quil ma prodigus tout au long
de cette recherche.
Je remercie galement :
Les professeurs qui me font lhonneur de juger ce travail,
Les professionnels et le personnel de ladministration qui, par leur
aimable contribution, mont permis de mener bien la ralisation de cette
thse :
Mme AOUNI, Sous-Direction de la pollution urbaine, Agence de l'eau Rhne-
Mditerrane et Corse,
Mme BAIZEAU, Charge de Mission Dchets, Direction de l'Environnement
et de l'Energie, Rgion Rhne-Alpes,
M. BAL, Directeur adjoint du Btiment et des Energies Renouvelables,
ADEME,
M. BONHOURE, Responsable cellule Eau, Direction de l'Environnement et de
l'Energie,
Mle DAUBERT, Service Juridique, Union des Industries Chimiques,
M. DECHAMBOUX, Etablissements Dechamboux, SA Dechamboux Henri,
usine de rgnration, Bonneville,
M. DENEUVY, Responsable SEMA, DIREN Lyon,
-
M. DUMAS, Responsable de la Mission Coordination Planification, Agence
de l'Eau, Rhne-Mditerrane et Corse,
M. DURAND, Adjoint au chef du service de l'environnement industriel ,
Direction de la prvention des pollutions et des risques, Ministre de
l'Environnement,
M. FAUCONNIER, Direction des Affaires Techniques, Fdration Nationale
du Btiment,
M. FRESSONNET, APORA,
M. GUILLERMIN, Services Techniques, Mairie de Bourg-en-Bresse,
M. HUBERT, Directeur rgional, Dpartement producteurs, Eco-Emballages,
Lyon,
M. JOURDE, CNPF,
Mme LAUNOIS, Commission Environnement, Chambre de Commerce Internationale,
M. LEHMANN, Chef du service rgional environnement, Direction rgionale
de lindustrie, de la recherche et de lenvironnement Rhne-Alpes,
M. MILLIERE, Directeur Socit Dalkia Centre Mditerrane,
M. MORETEAU, Directeur du service urbanisme, Villeurbanne,
M. PEAU, Responsable environnement la Communaut de Communes du
Bassin de vie de Bourg-en-Bresse,
M. REYDET, Syndicat National du Dcolletage,
Mme SIGIER, Responsable juridique et assurances, Socit Dalkia Centre
Mditerrane,
Mle THIBAUT, Charge de mission environnement, Chambre de Commerce et
d'Industrie de l'Ain,
M. TISSEUIL, Service environnement FEDEREC,
M. WEBER, ADEME.
Toutes les personnes qui, par leur gentillesse et leur patience, mont
soutenu en me transmettant courage et confiance, mes parents et Eric tout
spcialement.
-
A mes enfants,
Chlo et Baptiste,
-
7
SOMMAIRE
Introduction. 13
Premire partie :L'approche formelle des conventions de luttecontre les pollutions.La recherche dune systmatisation conventionnelle.. 49
Titre I : La gense du dveloppement des techniquesconventionnelles de lutte contre les pollutions 57
Chapitre I : Un clectisme conventionnel mergent,expression d'une mtamorphose du droit.. 63
Chapitre II : L'closion d'une panoplie de techniquesconventionnelles de lutte contre les pollutions 133
Titre II : La classification des conventions de lutte contreles pollutions 311
Chapitre I : La classification didactique des conventions delutte contre les pollutions 317
Chapitre II : La classification fonctionnelle des conventions delutte contre les pollutions. 377
Deuxime partie :Lapprhension des conventions de lutte contre
les pollutions fonde sur le critre matriel. La recherche dune rationalit conventionnelle 491
Titre I : Contribution la rationalisation des techniquesconventionnelles de lutte contre les pollutions 499
Chapitre I : La convention-cadre, support juridiquedes conventions de lutte contre les pollutions. 505
Chapitre II : Essai de modlisation des techniquesconventionnelles de lutte contre les pollutions... 647
Ti t r e I I : L e s t e ch n ique s c onv en t ionn e l l es d e lu t t ec o nt r e l e s po l lu t i o ns , i l lu s t r a t ion d ' u ne mu ta t i onf on c t i onn e l l e d e l ' E t a t .. 719
C h ap i t r e I : Le s c o nv en t io ns d e l u t t e c on t r e l e s p o l l u t i on s ,d e s do nn e s j u r id iq u es im pu l s an t e t r e f l t an t l at r an s fo rm at io n d e l E t a t . 7 2 7
C h ap i t r e I I : Le s c o n ve n t io ns d e l u t t e c on t r e l e s p o l l u t i on s ,t r ad u c t i on d un e go uv er n an c e t a t i qu e .. 7 79
-
8
-
9
LISTE DES ABREVIATIONSET DES SIGLES
ADEME : Agence de l'Environnement et de Matrise de l'EnergieAFDI : Annuaire franais de droit international, CNRS, Parisaff. : affaireA.J. : Actualit juridique-Droit administratifAJDA : Actualit juridique-Droit administratif, ditions du Moniteur,
Parisal. : alinaAN : Assemble NationaleAnn. IDI : Annuaire de l'Institut de Droit InternationalAPD : Archives Philosophiques du droit art. : articleAss. : AssembleBDEI : Bulletin de droit de lenvironnement industrielB.I.I.A.P. : Bulletin de lInstitut International de lAdministration PubliqueBOMETT : Bulletin Officiel du Ministre de l'quipement, du transport
et du tourismeBull. : BulletinC : Communication, subdivision du Journal officiel de lUnion europennec/ : contreC.A. : Cour d'appelC.A.A. : Cour administrative d'appelCass. : Cour de cassationCC : Conseil ConstitutionnelC.E. : Conseil d'EtatCE : Communaut europenneCEE : Communaut conomique europenneCEFIC : European Chemical Industry CouncilCGCT : Code gnral des collectivits territorialesCMP : Code des Marchs PublicsCf. : confer, se reporter civ. : chambre civile de la Cour de cassationchron. : chroniqueC.J.C.E. Rec. : Recueil de la jurisprudence de la Cour et du Tribunal de
premire instance des Communauts europennes, diteur :Office des Publications officielles des Communauts europennes, Luxembourg
C.J.C.E. : Cour de Justice des Communauts europennesCJEG : Cahier Juridique de l'Electricit et du Gaz, Revue mensuelle
dite par EDF et GDF, distribue par Les Librairies Techniques depuis 1976
coll. : collectioncomm. : commentaire
-
10
concl. : conclusionsD. : Recueil Dalloz, ParisDA : Droit administratifdir. : sous la direction dedoc. : documentdoctr. : doctrineDP : Dalloz Priodiqued. : dition(s), diteurEDCE : Etudes et documents du Conseil d'Etatfasc. : fasciculeFederec : Fdration Franaise de la Rcupration pour la Gestion
Industrielle de l'Environnement et du RecyclageFNB : Fdration Nationale du BtimentGAJA : Les grands arrts de la jurisprudence administrative, ditions
Sirey, Paris, 14me d. 2003GP : La Gazette du Palais, Parisibid. : ibidem, au mme endroitICCA : International Council of Chemical AssociationsICC : International Chamber of Commerce ou CCI : Chambre de
Commerce InternationaleICME : International Council on Metals and the Environmentinfra : au-dessous, plus basJ.Cl. : Jurisclasseur, ditions Techniques, ParisJCP : Jurisclasseur priodique (semaine juridique), dition gnraleJCP d. CI : Jurisclasseur priodique (semaine juridique), dition
commerce et industrieJCP d. E : Jurisclasseur priodique (semaine juridique), dition entrepriseJOCE : Journal Officiel des Communauts europennes, Office des
Publications officielles des Communauts europennesJORF : Journal Officiel de la Rpublique franaise, ditions des
Journaux officiels, ParisJOUE : Journal Officiel de lUnion europenne, Office des Publications de lUnion europenneJuris. : jurisprudenceL : Lgislation, subdivision du Journal officiel de lUnion
europenneLeb. : Recueil des arrts du Conseil d'Etat et du Tribunal des Conflits (Lebon)LGDJ : Librairie gnrale de droit et de jurisprudence, Parisloc. cit. : locus citatusLPA : Les Petites AffichesL.Q.J. : Le Quotidien juridiqueMl. : Mlanges offerts ou Etudes ddies MTP : Moniteur des Travaux Publicsn : numroNC : Numro complmentaire du JORFN.E.D. : Notes et tudes documentairesop. cit. : opus citatusord. : ordonnance
-
11
PMPOA : Programme de matrise des pollutions d'origine agricolep. : page(s)prc. : prcit(e)PUF : Presses universitaires de France, ParisRBDI : Revue belge de droit internationalRDP : Revue du droit public et de la science politique en France et
l 'tranger, diteur : LGDJ, ParisRec. : Recueil des arrts de la C.J.C.E ou du C.E.RA : Revue administrativeRCDIP : Revue critique de droit international privRDCC : Recueil des dcisions du Conseil constitutionnelRPDA : Recueil pratique de droit administratifRDSS : Revue de droit sanitaire et social, d. SireyRev. : RevueRFAP : Revue franaise d'administration publique, diteur : Institut
international d'administration publique, ParisRFDA : Revue franaise de droit administratif, dition Sirey, ParisRGDA : Revue Gnrale du Droit des Assurances (ancienne RGAT :
Revue Gnrale des Assurances Terrestres), revue trimestrielle,LGDJ, Paris
RGDIP : Revue gnrale de droit international public, dition Pedone, ParisRIDC : Revue internationale de droit compar, diteur : Socit de
lgislation compare, ParisRJE : Revue juridique de l'environnementRMC : Revue du March commun et de l'Union europenne, Editions
Techniques et Economiques, Paris RSF : Revue de sciences financiresRTDC : Revue Trimestrielle de Droit civil, ditions Sirey, ParisRTD Com. : Revue Trimestrielle de droit commercial et de droit
conomique, ditions Sirey, Paris RTD Comp. : Revue Trimestrielle de Droit Compar, ditions Sirey, ParisRTDE : Revue Trimestrielle de Droit Europen, ditions Sirey, Pariss. : et suivant(es)S. : Recueil SireySect. : SectionSNDEC : Syndicat National du Dcolletagesomm. : sommairespc. : spcialementSt : Socitsupp lt : supplmentSupra : au-dessus, plus hautt. : tomeT.A. : Tribunal administratifT.C. : Tribunal des conflitsT.G.I. : Tribunal de grande instance
-
12
trad. : traductionUIC : Union des Industries Chimiquesvol. : volume
-
13
"La nature s'est rserve tant de libert qu'avec notre savoir et notre
science nous ne pouvons jamais la pntrer entirement ni la pousser dans ses
derniers retranchements"1. La dialectique de J.W. Von Goethe tend reconnatre
une force inhrente la nature qui lui permet de survivre aux faits nfastes de
l'homme. Elle invite reconsidrer la problmatique lie aux rapports de l'tre
humain la nature et leur imputer la responsabilit d'une triste ralit :
l 'altration de l'quilibre entre les tres vivants et les ressources naturelles, la
rarfaction et la disparition d'espces animales et vgtales.
Les conventions de lutte contre les pollutions2 tentent prcisment de redfinir
cette problmatique en contribuant au rtablissement de lquilibre cologique.
Elles favorisent la conciliation des intrts conomiques et environnementaux en
invitant les parties contractantes modifier leur comportement pour produire et
agir de faon mieux respecter la nature. Elles font de lhomme un alli
cologique. Elles incitent ce dernier une prise de conscience des impratifs de
protection du milieu et des conditions de vie, de manire modifier les
processus de production. Dans ces conditions, le partenaire conomique nest
1 J.W. VON GOETHE, Sentences en prose, 1870, tr . Lichtenberger, in La Sagesse de Goethe, La Renaissance du Livre , 1930.2 Lexpression "conventions de lutte contre les pollutions" sera employe tout au long de cette thse pour dsigner lensemble des conventions de lutte contre les pollutions et les nuisances et de prvention des risques technologiques.
INTRODUCTION
-
14
plus lennemi de la nature. Il devient un acteur favorisant la rduction des
atteintes de son activit sur les cosystmes et son cadre de vie.
Les conventions traduisent une volution comportementale propre djouer les
habitudes humaines qui, pour la plupart, expriment un dsintrt pour les
proccupations cologiques. Le plus souvent pris de progrs scientifique et
technique, l 'homme est en effet, appel exploiter, voire surexploiter les
richesses naturelles au risque de les puiser, sans se soucier aucunement des
rpercussions ventuelles sur sa sant, son bien-tre et lenvironnement, tel
point que l'on peut dire sans choquer quiconque : "Vivre c'est polluer"3.
L'environnement est faonn par lhomme de toute sa puissance. Il apparat
comme le rceptacle d'expriences multiples, lesquelles tentent de satisfaire les
exigences de chaque individu ; il devient une "chose", un outil au service du
bien-tre immdiat. Or, ces prouesses humaines le prdestinent un pril dont
l'vidence est dsormais nettement perue par l 'ensemble de la population.
Sans doute l'avenir de l'environnement est-il incertain si aucun
changement dattitude n'intervient rapidement : une prise de conscience
objective des risques que font courir les activits humaines la nature lui serait
salvatrice ; personne ne peut nier que les agressions de l'homme ont pris des
proportions telles qu'aujourd'hui il devient ncessaire de protger et de prserver
les espces vgtales et animales. Pour ce faire, l 'encadrement juridique des
conduites parat une solution efficace : l 'adoption de rgles dont le propre est de
contraindre un comportement donn, contribue une mutation socitale
conforme aux exigences environnementales, afin de rendre fusionnelle la
coexistence de l'ensemble des tres vivants.
La question de la capacit de cet "impratif juridique"4 assurer la survie des
espces ainsi que l'quilibre de la plante, se pose avec une acuit particulire
ds lors que l'on sait que les richesses provenant de la mer ou de la terre sont
puisables. D'aucuns contrediront ce caractre dnonc d'ailleurs ds le 17me
sicle par l 'anglais Selden, dans son ouvrage le Mare Clausum (La mer ferme)
3 M. BACHELET, L'ingrence cologique , Paris, Editions Frison-Roche, 1995, p.16.4 R. CAPITANT, Introduction l'tude de l 'i l l icite. L'impratif juridique , thse de doctorat en droit, Librairie Dalloz, Paris, 1928, p.1.
-
15
crit en 1635, dans lequel il contredit Grotius ; celui-ci, au dbut du mme
sicle, dans le "Mare Liberum" (La mer libre), douzime chapitre d'une
consultation intitule "De jure praedae" (Du droit des prises)5 qu'il a rdige la
demande de la Compagnie des Indes, relevait au contraire le caractre
inpuisable de ces richesses.
Le constat selon lequel les ressources naturelles diminuent cause des activits
humaines incite donc rflchir la faon d'agir autrement, c'est--dire en
respectant la nature, avant d'atteindre un point de non-retour dsastreux.
Pourtant, il faut attendre la fin du 20me sicle pour qu'une prise de conscience
collective apparaisse. L'industrie et la technologie n'ont cess, depuis des
dcennies, de se dvelopper au risque d'avoir des consquences dvastatrices
irrversibles. La socit accumule, depuis lre industrielle, les moyens
susceptibles de nuire la nature lchelle plantaire. Elle mne des actions qui
engendrent parfois des catastrophes cologiques la rparation desquelles elle
se trouve trop souvent dsarme. La seule rponse quelle est en mesure
dapporter nest pas la hauteur des exigences de la compensation laquelle
exige un retour au statu quo ante. Dans lhypothse dune pollution maritime par
les hydrocarbures, le remde apparat aussi pire que le mal. Lemploi de produits
constitus dun mlange de tensioactifs trs concentrs qui fragmentent les
nappes de ptrole pandues en mer et les rduit en fines particules engendre la
destruction de la flore marine. La rfrigration et la climatisation utilises de
plus en plus systmatiquement par les industriels et les particuliers, et les
activits de combustion des nergies fossiles, surtout le ptrole et le charbon,
rejettent des gaz polluants tels que les gaz fluors et le dioxyde de carbone, qui
contribuent la destruction de la couche dozone et leffet de serre. Les pluies
charges dlments acides par les dgagements gazeux des sites industriels et
urbains ont des rpercussions nfastes sur les vgtaux, les animaux, les mers et
4 En 1609, " le gouvernement hollandais publia le chapitre 12 d'une consultation rdige par Grotius la demande de la Compagnie des Indes : De jure praedae (Du droit des prises). Dans ce chapitre, intitul Mare Liberum ("La mer libre"), Grotius invoquait des arguments tirs de la nature de la mer (mobilit, fluidit, impossibilit d 'tablissement, caractre inpuisable des ressources) et du droit naturel (). Le principal contradicteur de Grotius fut l 'Anglais Selden qui crivit, en 1635, le Mare Clausum ("la mer ferme") par opposition au Mare Liberum du Premier" (P. DAILLIER, A. PELLET, Droit international public , Paris, LGDJ, 7 me d., 2002, p.1195, n692). I l dfendait l 'ide selon laquelle la mer tait susceptible d 'appropriation et que les ressources taient puisables.
-
16
les ocans. La qualit des eaux sen trouve altre, le transit des bancs de
poissons, leur reproduction et leur croissance sont perturbs. Les missions
polluantes qui se diffusent dans lair engendrent galement la fragilisation de la
sant humaine. Laugmentation du nombre de pathologies, tels que les maladies
respiratoires de lenfant, lasthme, les allergies, les troubles du dveloppement
neurologique, les cancers infantiles, les perturbations du systme endocrinien,
serait due la pollution environnementale, selon la Commission europenne
dans son "Plan daction europen 2004-2010 en faveur de lenvironnement et de
la sant"6. Les dioxines qui sont des molcules cycliques composes datomes de
carbone, dhydrogne, doxygne et dhalognes, accentuent le phnomne de
fragilisation. Elles sont largement associes lindustrie chimique des drivs
chlors et des chlorophnols. Elles rsultent des procds dincinration de
dchets, de fonderie, de mtallurgie, de sidrurgie, de blanchiment de la pte
papier, de fabrication dherbicides et de pesticides. Elles engendrent une
dgradation de lair, du sol et de leau dont les consquences se prolongent dans
la chane alimentaire. Leurs rpercussions sur la sant sont alors extrmement
inquitantes, puisquelles favorisent notamment la diminution des dfenses
immunitaires et le dveloppement des cancers.
Fort de ces rvlations, lhomme prend conscience, depuis les annes
1970, de lintrt quil a protger lenvironnement. Il ne sagit pas pour lui de
se contenter des dnonciations purement cologistes de cette poque qui, comme
lnonce le rapport du Club de Rome7, prdisent une catastrophe prochaine en
raison de l'puisement des ressources naturelles. Il sattache mieux
comprendre les interactions entre lenvironnement et la sant pour modifier les
processus de production. Il tente de sauvegarder lenvironnement afin de
prserver sa sant.
Ce contexte nouveau marque le passage, selon lexpression de E. Morin, de la
"science cologique la conscience cologique". Bien qu'il soit apparu, dans un
6 "Plan daction europen 2004-2010 en faveur de lenvironnement et de la sant" de la Commission europenne du 9 juin 2004, IP/04/728.7 D. MEADOWS et al. , Halte la croissance , Paris, Fayard, 1972.
-
17
premier temps, sous la forme d'une "prophtie aux couleurs d'apocalypse"8, il
confirme la fin d'une priode d'une trs grande libert d'action o le savoir
technologique constitue l 'unique l imite, au profi t d 'un encadrement juridique
de l 'act ivit humaine. Surtout , i l t raduit le facteur essentiel lement
psychologique par lequel l 'homme porte un jugement mitig sur le bien-
fond de ses activits au regard de leurs rpercussions sur l 'environnement :
les actions humaines sont largement reconnues comme polluantes et
nuisibles, et certaines d 'entre el les comme comportant une part de risque
vident. Forts de cette lucidit , les acteurs conomiques doivent dsormais
agir en alliant respect de la nature et progrs technique : le maintien de
l'quilibre ncessaire la reconstitution des ressources, par rfrence au concept
"d'codveloppement" imagin par I. Sachs9, implique une attitude "responsable"
guide par les impratifs environnementaux.
L'tre humain doit intgrer le facteur cologique dans sa conception
conomique, pour ne pas puiser les richesses naturelles, pour limiter les
pollutions et les nuisances suscites par son activit et pour prvenir les risques
technologiques ventuels. C'est ce prix qu'il ne sera plus considr comme "le
destructeur n de la plante, comme le fils ingrat d'une mre jusqu'ici
nourricire, en dpit de sa pauvret dans certains cas"10.
Les modalits d'action des acteurs environnementaux sont en principe
rigoureusement fixes par l 'Etat, lequel dicte un nombre considrable de
normes sous forme de lois et de rglements11. Ces rgles s'avrent les
instruments de prdilection de tout Etat de droit, dont la finalit est prcisment
de protger le gouvern de l'arbitraire de cette instance12, et duquel merge une
8 E. MORIN, Pour une nouvelle conscience plantaire, Le Monde diplomatique , octobre 1989, p.1.9 I. SACHS, Stratgies de l'codveloppement , Les Editions ouvrires, Paris, 1980 ; L'codveloppement : stratgies pour le XXI m e sicle , Paris, Syros, 1997.10 M. BACHELET , op. cit ., p.94.11 Cf. X. LABBE, Les critres de la norme juridique , manuel, coll. Droit, Presses Universitaires de Lille, 1994.12 J. RIVERO, Etat de droit, Etat du droit, Mlanges en l'honneur de Guy Braibant , l 'Etat de droit, Paris, Dalloz, 1996, p.609. L'auteur donne la dfinition de l 'Etat de droit dans les termes suivants : "L'Etat de droit, c 'est celui dans lequel la toute puissance du pouvoir trouve sa limite dans la rgle juridique qu'il est tenu de respecter. Comme toute institution, i l rpond une finalit. Ici, la finalit n'est pas douteuse : c 'est la protection du citoyen
-
18
"socit de droit, dans laquelle peu prs toutes les activits humaines
pourraient, voire devraient, tre soumises au droit, et encadres par lui", comme
le souligne le professeur Carcassonne13. Il n'est donc pas surprenant de relever la
prolifration "quasi incontrle"14 des actes unilatraux, de dnoncer l 'tat de
surproduction normative qui favorise la "complexit" du droit. Qu'il s'agisse de
la dplorer en voquant ses effets nfastes comme procde le J. Chevallier15 ou
de plaider sa cause conformment aux remarques du professeur Untermaier16,
cette inflation constitue une ralit qui ne peut tre passe sous silence, tant il
est vrai qu'elle tend justifier le recours au procd conventionnel.
Elle se traduit par un accroissement du nombre de textes et par l 'augmentation
concomitante du volume de chacun d'eux ; l 'un et l 'autre nourrissant un flou
juridique qui favorise "un dficit d'excution"17 et entrane systmatiquement un
processus de rejet des normes.
Pour preuve, le domaine de la protection de l'environnement en gnral et celui
de la lutte contre les pollutions et les nuisances et de la prvention des risques
technologiques en particulier, subissent une prolifration juridique qui scrte
des troubles et des dysfonctionnements parvenant compromettre la pertinence
des rgles de droit. Le foisonnement exagr des textes unilatraux et leur
complexification croissante aboutissent ternir l 'aura de lgitimit dont sont
habituellement porteuses les normes ; celles-ci atteignent alors un degr
d'opacit qui engendre une perte d'effectivit. Le dispositif juridique semble
alors affaibli par cette prolifration au point de peser moins lourdement sur les
activits sociales et conomiques.
contre l 'arbitraire".13 G. CARCASSONNE, Socit de droit contre Etat de Droit, Mlanges en l 'honneur de Guy Braibant, L'Etat de droit , op. cit. , p.38.14 Cf. Conseil d 'Etat, Rapport public, 1991, EDCE , n43, La Documentation franaise, 1992, p.15.15 J. CHEVALLIER, La rationalisation de la production juridique, in L'Etat propulsif , contribution l'tude des instruments d'action de l'Etat, publi par C.-A. MORAND , Paris, Publisud, 1991, p.11, loc. cit. , p.20 et s.16 J. UNTERMAIER, Nous n'avons pas assez de droit ! Quelques remarques sur la complexit du droit en gnral et du droit de l 'environnement en particulier, in Les hommes et l 'environnement. Quels droits pour le vingt-et-unime sicle ? , Etudes en hommage Alexandre Kiss, Paris, Editions Frisons-Roche, 1996, p.499 et s.17 J. CHEVALLIER, op. cit . , p.23.
-
19
Les multiples textes en vigueur ne suffisent donc pas empcher les actions
prjudiciables de l'homme sur l 'environnement. En effet, nombreux sont les
industriels et les agriculteurs qui ne respectent pas la lgislation des
installations classes18, alors qu'ils y sont soumis. La violation de cette
rglementation lourde et complique tmoigne de la difficult qu'ont les
pouvoirs publics imposer les normes qu'ils laborent. Elle rvle en filigrane
un manque de volont pour ne pas dire de bonne foi que ce non-respect participe
affirmer : la mise aux normes des infrastructures entrane bien souvent des
frais considrables qui peuvent mettre lentreprise en difficult conomique.
Cette dvaluation contribue l 'mergence du procd contractuel. La convention
se prsente comme un instrument juridique dont le rle est de suppler la
rglementation et de compenser ses dfaillances. Elle est perue comme le seul
outil juridique palliant les dfauts de l'acte unilatral. Certes, elle n'est pas pour
autant exempte de toute imperfection, mais elle offre des spcificits qui sont
autant d'atouts favorables la protection de l'environnement. Son essor est donc
invitable. Cette technique juridique vise corriger les dfectuosits lies la
mise en uvre de la seule rgle unilatrale et s'inscrit dans une perspective
d'efficacit. Elle devient un support juridique incontournable au point
d'apparatre comme une rfrence idologique. Son augmentation quantitative
s'accompagne ncessairement d'une augmentation qualitative des rsultats
environnementaux : la rduction des pollutions et des nuisances et la prvention
des risques technologiques semblent dsormais mieux assures.
Il peut tre soutenu qu' l 'inflation ngative de l'acte unilatral correspond une
inflation positive de la convention : le mouvement d'expansion du procd
contractuel tend contrebalancer les imperfections de la rglementation et les
dysfonctionnements ns de la prolifration normative. Ce phnomne est
particulirement visible dans le domaine de la lutte contre les pollutions et les
nuisances et la prvention des risques technologiques.
La prsente recherche vise cerner et identifier les techniques
conventionnelles la fois d 'un point de vue thorique et pratique en veillant
18 Articles L 511-1 et s. du Code de l 'environnement.
-
20
garantir une approche conforme la dogmatique juridique. Elle sappuie sur
lanalyse rationnelle des concepts, tout en soulignant les difficults
dapprhension de la rali t. Il importe de prciser les termes du sujet et de
les dfinir, avant de s 'at tacher leur apprciation in concreto et d 'voquer des
considrations d 'ordre mthodologique l ies la collecte des donnes, afin de
dgager la problmatique de la recherche.
1/ L'acception thorique de la recherche
Rflchir aux techniques conventionnelles de lutte contre les pollutions
et les nuisances et de prvention des risques technologiques suppose un
travail smantique pralable. L'apprhension de cet intitul exige d 'envisager
successivement les termes suivants : "conventionnelles", "techniques", "la
lutte contre les pollutions et les nuisances et la prvention des risques
technologiques".
Ladjectif "conventionnel" signifie "qui rsulte dune convention"19. Il
renvoie explicitement au mot "convention" provenant du latin conventio qui
dsigne une runion. Ce nom est, en droit civil, un "accord de volont destin
produire un effet de droit quelconque. Par rapport au contrat, la convention est
le genre car ses effets peuvent tre autres que ceux qui rsultent d'un contrat.
Nanmoins, dans le langage courant, les deux termes sont utiliss l 'un pour
l'autre"20.
Bien que laconique, cette dfinition incite rflchir la distinction qui semble
tre fondamentale, entre les mots "convention" et "contrat", pour en prciser
davantage le sens et la porte sur le plan thorique. Il convient de les
19 Dictionnaire Le Grand Robert de la langue franaise, 6 volumes, 2 me dition augmente, 2001.20 G. MONTAGNIER, S. GUINCHARD, (dir .) , Lexique des termes juridiques , Paris, Dalloz, 14 me dition, 2003.
-
21
apprhender en tant que concepts21, c'est--dire en tant que mots exprimant une
ide abstraite et gnrale, et reprsentant un ensemble de caractres communs
relevant de lexprience.
A cet gard, la thorie dveloppe par Lon Duguit contenue dans son Trait de
droit constitutionnel22, apporte des claircissements prcieux. Le doyen de
Bordeaux prsente d'un point de vue formel les actes juridiques partir d'une
distinction entre l 'acte collectif, l 'union et le contrat dont les deux derniers
seraient les composantes de la convention. Il justifie sa position en leur donnant
des dfinitions trs rigoureuses.
Il expose en des termes prcis ce qu'il entend par union, contrat et convention de
la manire suivante : "Tout contrat est une convention, mais il y a beaucoup de
conventions qui ne sont pas des contrats. Ce sont des conventions que certains
auteurs allemands23 appellent des Vereinbarungen et que je propose d'appeler
des unions. Deux ou plusieurs personnes entrent en relation et s'accordent sur un
point dtermin ; mais la suite de cet accord on ne voit point apparatre une
situation juridique subjective, un rapport particulier individuel et momentan de
crancier et de dbiteur ; on aperoit, au contraire, la naissance d'une rgle
permanente ou bien d'une situation juridique objective, d'un tat (status). On ne
21 Les mots "concept" et "conceptualisation" proviennent du latin conceptus qui signifie action de contenir, pense, et concipere qui signifie contenir, admettre dans sa pense, concevoir. Le dictionnaire encyclopdique de thorie et de sociologie du droit (dir . A.J. ARNAUD), Bruxelles, LGDJ, 1988, donne la dfinition suivante des mots "concept" et "conceptualisation" : "L'acte et/ou l 'objet de pense dont la source est le sujet pistmique aboutissant une reprsentation gnrale d 'une classe dtermine de phnomnes. Les phnomnes reprsents peuvent appartenir au monde dit naturel (physique, physiologique), au monde dit intentionnel (social, historique, culturel) ou au monde des lois logico-mathmatiques. La reprsentation elle-mme est considre depuis Kant comme un schmatisme runissant les proprits essentielles ou typiques des phnomnes reprsenter ." En somme, le "concept" permet la reprsentation abstraite et gnrale des objets donns dans lexprience en leur attribuant un mme mot. Le concept darbre, par exemple, est form partir de la perception de chnes, de peupliers, de marronniers, de sapins, etc., grce lopration de conceptualisation. Le "concept" se distingue du mot "notion" qui consiste en la reprsentation mentale dun objet de pense abstraite. Ce terme dsigne "la connaissance intuitive, synthtique et assez imprcise (dun objet de connaissance)" , au point de devancer lexprience, selon le dictionnaire Le Grand Robert de la langue franaise (2001, Paris). I l renvoie, notamment la notion de temps, despace, aux notions de bien et de mal.22 L. DUGUIT, Trait de droit constitutionnel , 3 me d. en cinq volumes, Paris, Editions Fontemoing de Boccard, 1927, rimpression Cujas, Paris, 1972. Voir spc. tome 1.23 L'auteur se rfre JELLINEK et TRIEPEL : JELLINEK, System der subjectiven ffentlichen Rechte, 1892, p.193 et 194, TRIEPEL, Vkerrecht und Landsrecht , 1899, p.63 et s. , cits par L. DUGUIT, op. cit . , 37, p.367, loc. cit . , p.375-376.
-
22
peut pas dire qu'il y ait contrat. L'extrieur de l'acte est contractuel ; le fond ne
l'est pas. () L'union serait en quelque sorte une convention"24.
En revanche, le contrat est par dfinition mme un acte subjectif qui cre une
situation elle-mme subjective. En effet, selon l'auteur, "il est constitu par deux
dclarations de volont (qui sont l 'acte qui a pour objet de faire le contrat et
celui qui s'attache prciser le rle que chacun entend jouer), impliquant un
accord pralable. Chacune de ces dclarations de volont a un objet diffrent ;
chacune a un but diffrent parce qu'elle est dtermine par l 'autre. L'acte pris en
son tout a pour objet la naissance d'une situation runissant deux personnes ou
deux groupes de personnes, entre lesquelles nat un rapport de crancier
dbiteur"25.
Ces deux dfinitions montrent que l'union et le contrat sont deux actes distincts
car le premier, contrairement au second, ne cre pas d'obligation la charge de
l'une des personnes contractantes qui deviendrait dbitrice au profit de l'autre sa
crancire.
Malgr leur nature juridique diffrente, ces deux actes n'en demeurent pas moins
des conventions, lesquelles se dfinissent autrement que par la rfrence la
volont : l 'objet semble une caractristique primordiale. Selon Lon Duguit, en
effet, "dans la convention, () prcisment parce qu'elle est la condition de la
naissance d'une rgle ou d'une situation lgale, la distinction ne doit pas tre
faite entre la volont de faire la convention et la volont d'y jouer un certain
rle. Les deux participants veulent la mme chose. Leur vouloir peut avoir un
but diffrent, mais il a toujours le mme objet ; mme objet immdiat : dclarer
accepter la convention ; mme objet mdiat : la naissance de la rgle ou de la
situation lgale et objective, de l'tat, que la convention conditionne"26.
En vertu de cette dfinition, l 'objet, qui caractrise la convention, apparat
comme le dnominateur commun au contrat et l 'union. Grce lui, ces deux
derniers actes peuvent tre considrs comme les composantes du premier.
24 L. DUGUIT, op. cit . , p.409, 40.25 Op. cit . , p.383-384, 38.26 Op. cit . , p.410, 40.
-
23
Cette analyse thorique, quoique soutenue plus rcemment par les professeurs de
Laubadre, Moderne et Delvolv27, ne fait cependant pas l 'unanimit parmi les
juristes. Tout en reconnaissant qu'elle est trs fine et pntrante, certains d'entre
eux, notamment les civilistes28 et quelques publicistes29, sont trs critiques et
relvent son caractre subtil qui la rend difficilement applicable. Ainsi, la
distinction duguiste est souvent considre comme "trop rductrice de la ralit
et de la diversit des objectifs poursuivis par les parties"30, pour la simple raison
que la ligne de sparation entre ces actes n'est pas suffisamment significative.
Par consquent, la distinction est souvent inutilise, de telle sorte que les termes
"convention" et "contrat" sont employs indiffremment pour dsigner le mme
acte sans, toutefois, y inclure l'union. La convention est, alors, considre
comme un contrat et non plus comme un concept regroupant en son sein deux
types d'actes, le contrat et l 'union.
Au demeurant, la construction de Lon Duguit parat devoir tre prise en compte
dans le cadre de la prsente recherche, car elle permet d'apporter des
claircissements notables sur la dlimitation du champ d'investigation. Sa
rigueur permet de l'largir aux actes juridiques qualifis d'union qui y seraient
exclus si les vocables "convention" et "contrat" taient confondus. De ce fait, y
seront intgres les deux catgories d'actes, savoir l 'union et le contrat, en tant
que composantes de la convention.
Il ne s'agit cependant pas de prendre en compte isolment le mot
convention, mais de se pencher sur la signification de l'expression "techniques
conventionnelles". La combinaison de ces deux termes contribue prciser
davantage le sens de chacun d'eux.
27 Cf. A. DE LAUBADERE, F. MODERNE, P. DELVOLVE, Trait des contrats administratifs, tome 1, Paris, LGDJ, 2 me d., 1983.28 Cf. pour une prsentation critique de l 'analyse de L. Duguit : J. CARBONNIER, Les Obligations, tome 4, Thmis, Droit priv, Paris, PUF, 22me d. refondue, 2000, n15, p.50 ; F. TERRE, PH. SIMLER, Y. LEGUETTE, Droit civil , Les Obligations , Paris, Prcis Dalloz, 8 me d., 2002, n45, p.52.29 Cf. , par exemple, G. ROUHETTE, Contribution l'tude critique de la notion de contrat, thse, Paris, 1965 ; J. GHESTIN, La notion de contrat, Droits, Revue franaise de thorie juridique, n12, Le contrat , Paris, PUF, dcembre 1990, p.7.30 J. GHESTIN, op. cit. , p.23.
-
24
Le vocable "technique" concourt la dlimitation et lorientation de la
prsente recherche : il constitue un substantif qui permet une apprhension
rigoureuse de la notion de convention et de ladjectif "conventionnel". En tant
que nom fminin issu du grec "technikos", "propre un art", et "techn", "art,
mtier", il recouvre plusieurs significations, selon Le grand Robert de la langue
franaise31. Il voque suivant les cas, l '"ensemble des procds empiriques
employs pour produire une uvre ou obtenir un rsultat dtermin" en ce
sens, il se rfre l 'art, la facture, la manire, la mthode -, l'"ensemble
des procds mthodiques plus ou moins rgulariss et structurs, fonds sur des
connaissances scientifiques et destins obtenir un rsultat, satisfaire des
besoins, selon une finalit et une ustensilit" en ce sens, il est une technologie -,
l '"ensemble des processus par lesquels s'accomplit une fonction, en biologie, en
psychologie", et la "connaissance et (la) capacit employer les suites
d'oprations requises, dans une technique" (au sens de technologie) il est alors
une technicit. Il apparat la fois comme un procd stratgique et un
processus matriel, comme le relve le professeur Sestier32.
Appliqu la convention, ce terme prend une dimension spcifique. Il dsigne
les moyens mis en uvre pour obtenir le rsultat dtermin et le support
juridique qui permet cet aboutissement. L'expression "technique conventionnelle"
est alors une "technique juridique" qui se dfinit comme "l'ensemble des moyens
juridiques (formulation de la rgle, application par les praticiens) permettant la
ralisation du droit dans un but dtermin"33. Certes, elle apparat trop gnrale
eu gard la recherche qui ne concerne que les conventions, mais elle permet de
situer celles-ci en son sein, dans la mesure o le concept "juridique" recouvre
l'ensemble des techniques de droit utilises par l 'Etat.
L'tude de P. Amselek relative l'volution gnrale de la technique juridique
dans les socits occidentales34, fournit d'ailleurs des arguments convaincants et
31 Op. cit .32 J.-F. SESTIER, Le dveloppement des techniques administratives conventionnelles , thse, Lyon III, 1988, p.12-13.33 Ibid .34 P. AMSELEK, L'volution gnrale de la technique juridique dans les socits occidentales, RDP , 1982, p.275 et in L'Etat propulsif , contribution l'tude des instruments d'action de l 'Etat , publi par C.A. MORAND, Paris, Publisud, 1991, p.129.
-
25
prcieux pour tayer ce point de vue. Selon lui, cette expression s'analyse
c o mm e l a t e c hn i qu e d e d i r e c t i o n h t r onom e o u a u to no m e d es c on du i t es
humaines par les autorits politiques, au moyen de normes juridiques qui
peuvent tre des commandements ou des recommandations. En effet, c'est en
examinant la technique juridique elle-mme, qu'il dfinit comme "la direction
des conduites par des autorits publiques au moyen de normes", qu'il en retrace
l'volution historique dans les socits occidentales dont il relve quatre
caractristiques : sa dsacralisation, l 'extension de son champ d'application, le
changement de sa finalit et ses changements structuraux. Cette dernire ligne
d'volution, qui concerne les modalits de la technique juridique, n'est en fait
qu'une consquence des prcdentes. Ainsi, le droit qui, dans l'Antiquit et le
Moyen-Age avait une origine divine, s'est transform pour devenir une technique
humaine et laque. Cette dsacralisation lui a permis de se dvelopper pour
guider la population dans ses agissements. Elle a engendr l 'avnement de
l'"Etat de droit" dans lequel l 'autorit au pouvoir doit, au mme titre que tout
autre citoyen, se rsoudre respecter la rgle juridique. Les gouvernants ne sont
donc plus en dehors du droit. Tout en s'y soumettant, ils n'en demeurent pas
moins les principaux metteurs. On parle alors d'"Etat-Gendarme". Or, dans la
mesure o ils interviennent de plus en plus dans la vie des personnes, c'est--
dire dans les domaines conomiques et sociaux, ils ont influenc le changement
de finalit de la norme juridique, laquelle devient davantage une technique de
gestion. Aussi, cet interventionnisme, caractristique de l'"Etat-Providence", a-t-
il engendr une mutation de la rgle de droit qui comporte dsormais deux
aspects structurels dont l 'un est li la nature des normes juridiques et l 'autre
est relatif la nature de la direction de la conduite humaine. C'est ainsi que P.
Amselek distingue les commandements qui sont des normes thiques dont la
vocation instrumentale est d'tre obligatoirement suivie par ses destinataires, et
les recommandations qui sont des normes thiques dont l 'observance est conue
comme souhaitable mais pas obligatoire. Il les qualifie respectivement de
technique de direction autoritaire, et de technique de direction souple de la
conduite humaine ; la technique des commandements, comme celle des
recommandations, implique soit une situation d'htronomie, dans laquelle les
individus entretiennent des relations de suprieurs subordonns, soit une
-
26
situation d'autonomie dans laquelle chacun dcide de se forger soi-mme des
normes.
Conformment cette distinction, la technique conventionnelle se prsente, in
fine, comme un procd de droit de direction autonome de la conduite humaine,
dans la mesure o elle est labore d'un commun accord sans faire natre de
relations hirarchiques entre les parties concernes. Elle peut noncer des
normes autoritaires qui constituent des commandements, ou des normes souples,
c'est--dire des recommandations.
Elle sous-tend par ailleurs une multitude de "sous-techniques" qui sont autant de
moyens juridiques distincts dont l 'objectif commun est la lutte contre les
pollutions et les nuisances et la prvention des risques technologiques. La forme
plurielle de l'intitul du sujet de recherche incite en effet concevoir la
technique conventionnelle en tant que genre, englobant des techniques
conventionnelles multiples considres alors comme des espces.
La prsente recherche consiste apprhender les techniques conventionnelles
qui ont trait, dune part, la lutte contre les pollutions et les nuisances et,
dautre part, la prvention des risques technologiques. Il est ncessaire de
prciser chacun de ces groupes de mots.
Lexpression "lutte contre les pollutions et les nuisances" se compose de
trois noms qui doivent tre expliqus sparment.
La lutte suppose un combat ou "une opposition violente entre deux
adversaires (individus, groupes), dont chacun sefforce dimposer lautre sa
volont et de faire triompher sa cause"35. Elle exprime un effort que fait une
personne pour tenter de lemporter sur lautre. Applique lenvironnement, elle
consiste en laction de sopposer aux pollutions et aux nuisances.
35 Dictionnaire Le Grand Robert de la langue franaise, op. cit.
-
27
La notion de pollution concerne l'altration des milieux. Elle vise latteinte
porte la qualit physique, chimique et bactriologique de l'eau36, de l ' a i r 37 e t
du so l 38 pa r l a d i f fus ion ou l a d i l u t i on de subs t ances nui s ib l es e t
t ox iques .
Le milieu aquatique subit une dgradation frquente de sa qualit en raison des
eaux domestiques uses, du lessivage du matriel agricole, des rejets industriels
et de matires en suspension emmenes par les eaux pluviales. Laltration de
ses proprits physiologiques peut rsulter dune concentration de germes
pathognes, dune difficult doxygnation en raison de la prsence dun film
comme une couche dhuile empchant loxygne de lair de pntrer leau, dun
rejet de substances toxiques, et dune eutrophisation due la prsence excessive
de certains dchets favorisant un dveloppement dsquilibr de la flore
aquatique.
Lair qui est lenveloppe atmosphrique entourant la plante, est menac dans sa
qualit par la dispersion de substances nocives dont lorigine est soit naturelle -
lanhydride sulfureux peut se dgager dune ruption volcanique -, soit
provoque par lactivit humaine. Lhomme est lorigine des smogs, cest--
dire des brouillards en milieu urbain dans les climats temprs et froids, qui
rsultent de la concentration doxydes de soufre et dazote, et dont les
rpercussions sur la sant sont importantes : les citadins se plaignent
dirritations des yeux, de maux de gorge et des bronches, de problmes
cardiaques et dasthme. Il est par ailleurs responsable des pluies acides qui
36 L'article L 211-1 du Code de l 'environnement voque expressment la question de la protection de la ressource en eau contre toute pollution.37 La pollution de l 'air est dfinie par l 'article L 220-2 du Code de l 'environnement de la manire suivante : "Constitue une pollution atmosphrique au sens de la prsente loi l 'introduction par l 'homme, directement ou indirectement, dans l 'atmosphre et les espaces clos, de substances ayant des consquences prjudiciables de nature mettre en danger la sant humaine, nuire aux ressources biologiques et aux cosystmes, influer sur les changements climatiques, dtriorer les biens matriels, provoquer des nuisances olfactives excessives".38 Selon la Rsolution (72) 19 du Comit des ministres du Conseil de l 'Europe du 30 mai 1972 relative la Charte europenne des sols (M. PRIEUR, S. DOUMBE-BILLE, Recueil francophone des textes internationaux en droit de l'environnement , CD-Rom, vol.1, AUPELF-UREF, Bruylant), "le sol est un milieu vivant et dynamique qui permet l 'existence de la vie vgtale et animale. Il est essentiel la vie de l 'homme en tant que source de nourriture et de matires premires. Il est un lment fondamental de la biosphre et contribue, avec la vgtation et le climat, rgler le cycle hydrologique et influencer la qualit des eaux".
-
28
contribuent la dgradation des forts de conifres. La combustion de fuel et de
charbon engendre une concentration dacides sulfuriques et nitriques dans lair
qui tend dcimer une partie des forts.
Le sol subit galement les consquences nfastes de lactivit humaine. Sa
fertilit est indispensable une agriculture de qualit. Or, les pratiques
culturales intensives par lutilisation massive dengrais chimiques afin
daugmenter la productivit, engendre une modification de lquilibre du sol et
appauvrit ses proprits naturelles. Cette dgradation aboutit par ailleurs une
perte de qualit des aliments qui peut savrer nuisible pour la sant.
Lexploitation des ressources minrales qui sont dites non-renouvelables en
raison du temps quil faut pour quelles se constituent, incite repenser les
modes de production nergtique. La plante contient des rserves en
combustibles dorigine fossile (charbon, gaz et ptrole) et en minerais quil
importe de prserver en recherchant des nergies de substitution, comme la
gothermie, les biocarburants, lnergie solaire et olienne, et en dveloppant le
recyclage, en particulier celui du cuivre, du zinc, du plomb et de laluminium
produit par lindustrie sidrurgique.
La notion de nuisance suppose en revanche une subjectivit lie
l'hypothse d'un dsagrment sonore ou matriel subi par l 'homme. Elle se
dfinit comme "toute agression d'origine humaine contre le milieu physique ou
biologique, naturel ou artificiel, entourant l 'homme, l'ide d'agression traduisant
prcisment le jugement dfavorable port sur la modification de
l 'environnement en cause"39. Elle renvoie aux problmes dus au bruit40, ceux
suscits par les dchets.
Le bru i t n en t ra ne pas s t r ic to sensu de dsqui l ib res co logiques . Ses
ef fe t s touchent au cadre de v ie des popula t ions rura les e t u rbaines , qu i l
39 F. CABALLERO, Essai sur la notion juridique de nuisance , thse Droit, Paris, LGDJ, 1981, p.6.40 Selon le professeur PRIEUR (Droit de lenvironnement , Prcis Dalloz, Paris, 5 me dition,
2004, n840, p.601), "le bruit peut tre dfini comme toute sensation auditive dsagrablegnante ou tout phnomne acoustique produisant cette sensation. Le bruit tant par natureun phnomne subjectif, on a pu dire aussi que c 'tait tout son non dsir. () C'est donc lanuisance la plus insidieuse, celle qui est ressentie physiquement par le plus grand nombrede personnes et contre laquelle les pouvoirs publics semblent les plus dmunis".
-
29
dtr iore . Il es t l a p lupar t du temps peru comme une gne quot id ienne
qu i l es t ncessa i re de rdui re . Il a f fec te de surcro t l a san t des ind ividus
en ayant une inf luence d i rec te sur l e sys tme nerveux vgta t i f qu i d i r ige
les fonct ions au tomat iques de l organisme41, en susc i tan t des l s ions
audi t ives , des modi f ica t ions du rythme card iaque, une augmenta t ion de la
tens ion ar tr iel l e , notamment . Ces consquences pathologiques font du
bru i t une nuisance qui l fau t combat t re .
Les dchets qu i sont , aux termes de l ar t i cle L 541-1-II du Code de
l envi ronnement , "tout rsidu dun processus de production, de transformation
ou dutilisation, toute substance, matriau, produit ou plus gnralement tout
bien meuble abandonn ou que son dtenteur destine labandon", apparaissent
comme des "anti-biens quil faut se hter dliminer", selon le doyen
Carbonnier42, eu gard leur dangerosit environnementale. La ques t ion de
leur l iminat ion se pose avec une acui t par t i cul ire en ra i son de
l augmenta t ion cons tan te depuis plus ieurs dcennies de la quant i t
dordures des mnages qui se chi f f re en mi l l ions de tonnes par an , e t de la
toxicit des produits laisss par les activits industrielles. Le constat de la
contamination des nombreux sites dlimination des dchets du fait dune
gestion non approprie aux risques et nuisances potentiels des dchets incite les
pouvoirs publics ragir en rglementant. Or, ce nest que depuis le milieu des
annes 1970 quils ont pris en compte les risques lis aux dchets, avec la
directive du Conseil de la Communaut europenne n75/442 du 15 juillet 197543
et la loi cadre n75-633 du 15 juillet 1975 relative llimination des dchets et
la rcupration des matriaux44. Les co l lec t iv i ts locales e t l es indus t r ie l s
unissent l eurs ef for t s pour rdui re t an t l e vo lume des dchets urbains que
la nociv i t des dchets indus t r ie ls e t o rganiques . Il s recourent au
processus de valori sa t ion par recyclage , c es t --d i re par r in t roduct ion
di rec te comme mat ire premire "secondai re" dun dchet dans le cycle de
41 L. ABDELMALKI, P. MUNDLER, Economie de lenvironnement , Hachette, Coll. Les Fondamentaux, Paris, 1997, p.15.42 J. CARBONNIER, Droit civil Les biens , Paris, PUF, 16 me dition, 1995, p.393-394.43 Directive du Conseil 75/442/CEE, du 15 juillet 1975 relative aux dchets, JOCE N L 194/39, du 27 juillet 1975.44 Loi n75-633 du 15 juillet 1975 modifie relative llimination et la rcupration des matriaux, JORF 3 avril 1992, p.5003.
-
30
production dont il est issu, par rgnration, cest--dire par rintroduction
directe aprs transformation physico-chimique, ou par inc inra t ion avec
rcupra t ion dnergie . Il s concluent ensemble des convent ions avec des
organismes spcia l i ss en mat ire d l iminat ion des dchets dembal lages
te l s que Eco-Embal lages , Cyclamed e t Adelphe 45. Les en t repr i ses conf ien t
en out re l es fer ra i l l es , l es mtaux non fer reux ( i l s agi t de l a luminium,
du p lomb, du z inc , du cuivre e t des al l i ages cu ivreux) , l es t ex t i l es , l e
verre , l es pa le t tes en bois , l es papiers e t car tons aux profess ionnels de la
rcupra t ion e t du recyclage qui en assurent l a ges t ion e t l a va lori sa t ion .
Par a i l l eurs , l e dveloppement du t raf ic t ransf ronta l ier des dchets
dangereux depuis l es annes 1980 a inc i t l es gouvernements
rglementer l es mouvements d impor ta t ion e t d expor ta t ion des dchets ,
e t ce no tamment aprs que l on a i t perdu la t race de 41 ft s de dchets de
diox ine en provenance de l usine ch imique de Seveso , en Ita l i e , qu i
avaien t t l or igine dun accident t rs grave en 1976. Il s on t t
re t rouvs dans un abat toi r abandonn en France . La rvla t ion par
l organisa t ion Greenpeace en 1988 de l ex is tence de cont ra t s conclus
ent re des en t repr i ses europennes et amr ica ines e t des gouvernements de
pays en voie de dveloppement par l esquels des dchets dangereux ta ient
t ransfrs vers ces pays tmoigne dune s i tua t ion inqui tan te . Le
commerce des dchets s ef fec tuai t en tou te i l l i c i t : i l fa isa i t l ob jet de
cont ra t s de vente en tre l en t repr i se product r ice des dchets e t l a soci t
rcupra t r ice sans que l Eta t ai t donn son accord , a lors qu i l es t l e
s ignata i re du cont ra t d acquis i t ion f ina le des dchets . Il convenai t a lors
de les soumet t re une rglementa t ion spci f ique qui compensai t
l inappl icab i l i t des rgles de commerce : en tan t que dchets , l eur
march s ef fec tuai t , l or igine , en marge de tou te rglementa t ion , tant
donn quun dchet nes t pas , par df in i t ion , un produi t qu i a une valeur
marchande ; i l ne peut donc re lever des rgles de commerce . Les pouvoi rs
publ ics on t ragi en instaurant un cont r le e t en garan t i ssan t l a t raabi l i t
45 Le statut de ces organismes est prcis dans la premire partie, t i tre I, chapitre II, section II (cf. infra).
-
31
des f lux de dchets . Le Consei l des Communauts europennes a adopt la
d i rec t ive 84/631/CE le 6 dcembre 1984, re la t ive l a survei l l ance e t au
cont r le des mouvements t ransf ront ires de dchets dangereux 46. Ce tex te
tab l i t une procdure de cont rle des changes de dchets e t p rc i se l es
condi t ions de leur t ransport . La convent ion sur l e cont r le des
mouvements t ransf ront ires de dchets dangereux e t de leur l iminat ion
s igne Ble l e 22 mars 1989 sous l gide du Programme des Nat ions
unies pour l envi ronnement 47 condamne le t raf ic i l l i c i t e de dchets e t
reconna t l a poss ibi l i t de fa i re du commerce de dchets pour l es Eta ts qui
y consenten t , par l a conclus ion daccords . Ces tex tes t enten t de conci l i e r
les f lux de dchets avec les impra t i f s envi ronnementaux . Lexpans ion du
commerce de dchets a mis en v idence leur ventuel le ut i l i t conomique
nonobs tant l eur dangeros i t . E l le a mont r que les dchets n taien t pas
seulement des rs idus des t ins t re mis au rebut , mais qu i ls avaien t une
valeur commercia le .
La "prvention des risques technologiques" se rfre plus spcifiquement
aux mesures prises pour viter que se ralise un vnement ventuel dont les
consquences seraient irrversibles pour la nature, les cosystmes et la sant de
lhomme. Elle tend sopposer ce que des accidents majeurs48 lis lactivit
industrielle se produisent. Certaines catastrophes ont en effet pu avoir des
consquences irrmdiables.
Lexemple de la catastrophe de Bhopal en Inde en 1984, o la fuite dun gaz
toxique dune usine amricaine de pesticides a provoqu 4 000 dcs et des
handicaps irrversibles chez 20 000 personnes. Lexplosion, en 1986, du
46 Directive du Conseil 84/631/CEE, JOCE , N L 326/31 du 13 dcembre 1984.47 La convention est entre en vigueur en France le 5 mai 1992, grce au dcret n92-883 du 27 aot 1992, JORF 2 septembre 1992, p.11971.48 La directive 96/82/CE du Conseil du 9 dcembre 1996 concernant la matrise des dangers l is aux accidents majeurs impliquant des substances dangereuses (JOCE , N L 10/13 du 14 janvier 1997) (dite directive Seveso II) dfinit en son article 3-5 la notion d'accident majeur comme : "Un vnement tel qu'une mission, un incendie ou une explosion d 'importance majeure rsultant de dveloppements incontrls survenus au cours de l 'exploitation d'un tablissement couvert par la prsente directive, entranant pour la sant humaine, l 'intrieur ou l 'extrieur de l 'tablissement, et/ou pour l 'environnement, un danger grave, immdiat ou diffr, et faisant intervenir une ou plusieurs substances dangereuses".
-
32
racteur nuclaire de la centrale ukrainienne de Tchernobyl a libr un nuage
radioactif qui a gravement irradi un grand nombre de personnes et provoqu la
contamination de millions dhectares de terre. Les mares noires ont galement
des rpercussions irrversibles sur la faune et la flore marine, comme lattestent
le naufrage du ptrolier librien Torrey-Canyon au large de la Cornouaille le 18
mars 1967, qui a entran le dversement de 60 000 tonnes d'hydrocarbures en
mer et la pollution de 180 kilomtres de ctes franaises et anglaises, celui de
l 'Olympic Bravery le 24 janvier 1976 sur les roches de la cte d'Ouessant o
250 000 tonnes d'hydrocarbures ont t dverses, l 'chouement du ptrolier
librien Amoco-Cadiz le 16 mars 1978 au large des ctes bretonnes qui a
engendr le dversement de 230 000 tonnes de ptrole, celui du navire Exxon-
Valdez le 24 mars 1989 sur un rcif en Alaska, librant ainsi 40 millions de
litres de ptrole brut qui ont englu 1 500 kilomtres carrs de glaces arctiques
et souill 1 700 kilomtres de ctes, le naufrage de l'Erika prs des ctes
franaises en dcembre 1999, et celui du Prestige le 13 novembre 2002 qui a
dvers plus de 60 000 tonnes de fuel lourd au large du cap Finistre.
Ces vnements sont reprsentatifs des dangers que peuvent occasionner les
activits industrielles. La manipulation de substances chimiques et fossiles,
lactivit nuclaire prsentent des risques qil importe de matriser en recourant
une politique prventive.
La prsente recherche concerne les actes de nature conventionnelle
contribuant combattre les effets nfastes de lactivit humaine, notamment
industrielle, tant sur la sant, la salubrit que sur les lments naturels, et ceux
permettant d'viter que ne se produise un vnement incertain d l 'utilisation
des outils, des procds et des mthodes industriels49. Cette acception thorique
commande une approche pragmatique qui repose sur une mthodologie
spcifique.
49 Pour la commodit de lexpos, les expressions "les techniques conventionnelles de lutte contre les pollutions", "les conventions de lutte contre les pollutions" ou "les conventions environnementales" dsigneront " les techniques conventionnelles de lutte contre les pollutions et les nuisances et de prvention des risques technologiques".
-
33
2/ L'apprhension rationnelle de la recherche
Il convient de procder au recensement des conventions de lutte contre les
pollutions et les nuisances et de prvention des risques technologiques, et ce
conformment une mthode d'analyse rationnelle.
Il est ncessaire de rflchir, au pralable, une dmarche logique
d'identification et de collecte des donnes, dans la mesure o ces accords sont
signs par des parties de nature juridique diverse et ne respectent pas
ncessairement de formalisme prtabli. Tant et si bien qu'aucune approche
rationnelle ne semble guider leur laboration. De surcrot, aucun cheminement
logique vers la conclusion de certains d'entre eux n'est perceptible, ce qui rend
alors leur identification et leur collecte trs prilleuses. Cet obstacle pourrait
tre facilement surmont si les acteurs environnementaux, que ce soit
l 'administration ou les industriels, taient plus cooprants. Or, ce n'est pas
toujours le cas.
Certains intervenants, dont bon nombre d'entreprises, sont en effet assez
rticents transmettre les documents juridiques, sous prtexte que
l'environnement est peru comme un sujet sensible qui ncessite le plus grand
secret.
Parfois aussi, l 'administration met une rserve quant la communication des
actes en avanant des prtextes multiples et varis dont le bien-fond est
discutable, prcisment en raison d'un droit l 'information consacr par la loi
n2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations
avec les administrations50, et larticle 7 de la Charte de lenvironnement qui en
fait un principe de valeur constitutionnelle51.
Cette rticence communiquer les informations tmoigne d'un contexte
symptomatique mis en lumire par le thme de la "maladministration" dvelopp
depuis une douzaine d'annes avec notamment la politique du renouveau du
50 Loi n2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, JORF 13 avril 2000, p.5646.51 Loi constitutionnelle n2005-205 du 1 e r mars 2005 relative la Charte de l 'environnement, JORF 2 mars 2005, p.3697.
-
34
service public52. Le cloisonnement excessif des services administratifs largement
dplor par les pouvoirs publics, constitue un obstacle la transmission des
donnes. Les agents administratifs, quoique performants, s'affichent comme des
spcialistes capables de fournir des renseignements pointus sur des questions
prcises. Pour autant, l 'embarras se ressent ds lors qu'il s'agit d'apprhender
globalement les problmes, si bien que seules des bribes d'information peuvent
tre obtenues de chacun des services, charge pour le citoyen de multiplier ses
dmarches administratives, dont la lourdeur est ncessairement source de
complication et de dcouragement, et de voler de service en service, de faire du
"porte--porte" pour tenter d'obtenir l 'ensemble des renseignements.
C'est prcisment dans ce contexte que s'inscrit la dmarche de collecte
des conventions. Il accrot la difficult de la tche en rendant prilleuse
l'accessibilit de l'information et en contribuant laisser planer une part
d'incertitude dans l'accomplissement de la recherche documentaire. L'objectif de
l'exhaustivit parat illusoire, tant il est vrai que la prolifration des actes et leur
dispersion gographique rendent impossible une liste complte et jour de
l'ensemble des donnes. Il convient alors de poursuivre un objectif moins
ambitieux et de se contenter de recenser un nombre suffisamment important de
textes pour qu'ils soient reprsentatifs des techniques conventionnelles de lutte
contre les pollutions et les nuisances et de prvention des risques
technologiques. Pour ce faire, il importe de procder au recensement en ayant
une approche rationnelle d'identification des accords et de collecte des actes.
52 Circulaire du 23 fvrier 1989 relative au renouveau du service public (JORF 24 fvrier 1989, p.2526).
-
35
3/ La dmarche didentification et de collecte des conventions
Il s'agit alors de cerner prcisment les actes qui seront par la suite
rclams aux partenaires privs (personnes physiques, associations, socits) et
publics (Etat, collectivits territoriales et leurs dmembrements).
La recherche se limite aux techniques conventionnelles dont l 'objet consiste
soit combattre et rduire les pollutions qui altrent la qualit de l'eau, de
l'air, du sol, ainsi que les nuisances acoustiques, olfactives et alimentaires, soit
prvenir la ralisation d'un vnement ventuel et incertain d'une exceptionnelle
gravit d l'utilisation d'outils industriels, et ce conformment l 'approche
thorique expose prcdemment53.
Encore faut-il dterminer rigoureusement le champ d'investigation du point de
vue gographique. L'tendue territoriale de la prsente recherche commande la
dmarche de collecte, puisqu'elle constitue un indicateur de l'chantillonnage
conventionnel intgrer.
Tenter l'identification des techniques conventionnelles sur un plan international
serait un objectif ambitieux, mais constituerait une preuve difficilement
surmontable et risque tant donn l'ampleur du phnomne, la disparit des
actes et leur maintien dans "les obscurits d'un espace no-corporatiste"54. Par
consquent, il parat souhaitable de se limiter au droit interne et de prendre en
compte incidemment, lorsque l'intrt l 'exige, tant le droit tranger que le droit
international : l 'un et l 'autre offrent des exemples conventionnels topiques qui
procdent d'une dmarche formelle prtablie par des textes unilatraux, et ce
contrairement certains types d'accords de droit franais.
En effet, les conventions de lutte contre les pollutions et les nuisances et de
prvention des risques technologiques conclues au niveau international se
comprennent, en principe, comme des traits qui sont "des accords internationaux
conclus par crit entre Etats et rgis par le droit international"55. A ce titre, elles
53 Cf. supra, 1/ de l 'introduction.54 P. LASCOUMES, L'co-pouvoir. environnements et politiques , Paris, Editions La Dcouverte, Srie Ecologie et Socit, 1994, p.170.55 Art. 2 1-a de la Convention sur le droit des traits signe Vienne le 23 mai 1969, in P.-M. DUPUY, Les grands textes de droit international public, Paris, Dalloz, 3me d., 2002, p.243.
-
36
respectent les rgles de formation des traits contenues dans la Convention sur
le droit des traits signe Vienne le 23 mai 196956 : la violation des formalits
relatives leur laboration, leur conclusion, leur validit et leur application,
dont l 'origine est soit coutumire, soit conventionnelle57, constitue une cause de
responsabilit de l'Etat. Au demeurant, un certain nombre d 'acco rds
in t e rna t ionaux qui , comme l es t r a i t s , son t i s sus d 'une concertation entre
sujets du droit international, ne sont pas soumis au droit des t rai t s , e t en
particulier au principe pacta sunt servanda58 grce auquel le droit
international conventionnel est obligatoire59. Ces documents sont qualifis
d'actes concerts non conventionnels qui sont des gentlemen's agreements ou
des non-binding agreements anglo-saxons en vertu desquels des personnes
habilites engager l 'Etat signent un accord dont le respect s'impose comme une
"question d'honneur ou de bonne foi"60.
56 Prc.57 Certaines rgles sont des coutumes que la Convention de Vienne sur le droit des traits du 23 mai 1969 prcite codifie, notamment, en confirmant les cinq phases de conclusion des traits, savoir : la ngociation, la signature, la ratification, la publication et l 'enregistrement. En revanche, d 'autres sont directement issues de cette convention, soit par les prcisions qu'elles apportent aux coutumes (voir notamment, la dfinition conventionnelle du trait qui est plus complte que celle retenue par la coutume), soit par le caractre nouveau de la rgle qu'elles noncent (il s 'agit par exemple de la notion de jus cogens, norme imprative de droit international qui est prvue par l 'article 53 de ladite Convention).58 Pacta sunt servanda : principe du respect de la parole donne (P. DAILLIER, A. PELLET, Droit international public , op. cit. , n25, p.56), les parties sont lies par laccord et doivent lexcuter de bonne foi (J . COMBACAU, S. SUR, Droit international public , Domat droit public, Paris, Montchrestien, 6 me dition 2004, p.76). Ce principe est formul par larticle 26 de la Convention de Vienne sur le droit des trait (prc.) : "Tout trait en vigueur lie les parties et doit tre excut par elles de bonne foi."59 H. KELSEN, dans sa Thorie pure du droit ( trad. Ch. Eisenmann, Dalloz, Institut Kelsen, 1962 ; Bruylant-LGDJ, 1999, spc. p.314), explique le fondement du caractre obligatoire du droit par rfrence une loi dite "loi de normativit", selon laquelle les normes juridiques forment un systme hirarchis. Cette hirarchisation permet chaque norme de se situer par rapport l 'autre et de fonder son caractre obligatoire. Ainsi, chacune d'elle tire sa force obligatoire de celle qui lui est suprieure, et inversement, chacune d'elle sert de fondement celle qui lui est infrieur. Par rfrence cette pyramide dite "pyramide hirarchique", le droit international conventionnel reposerait sur le principe pacta sunt servanda qu'il considre comme un principe de droit coutumier. A ce titre, le droit conventionnel, dans la hirarchie des normes juridiques internationales, serait situ au-dessous du droit coutumier.60 M. VIRALLY, La distinction entre textes internationaux de porte juridique et textes internationaux dpourvus de porte juridique ( l 'exception des textes manant des organisations internationales) : Rapport provisoire, Ann. I.D.I. , volume 60-1, 1983, p.207, loc. cit. , p.208.
-
37
Les Etats recourent frquemment cette technique de droit dont l 'essor actuel
tend complexifier le schma juridique : les accords dits formels, c'est--dire
ceux dont les rgles d'laboration sont expressment prvues par un texte,
coexistent dsormais avec les actes informels qui s'apparentent des gentlemen's
agreements. Comme le souligne E. Rehbinder61, en Allemagne, Autriche,
Belgique, France et Grande-Bretagne, les accords environnementaux informels
dnomms "non-binding agreements" ou "self commitments" prvalent
quantitativement, alors qu'aux Pays-Bas et au Portugal la situation est inverse,
les contrats formels ont de loin la prfrence des acteurs environnementaux. Le
Danemark et la Sude utilisent, quant eux, de manire quilibre les deux
types d'accords.
Ce constat invite procder une comparaison avec la situation en droit
franais o la prolifration normative implique un processus de formalisation
des faits, et ce afin de leur attribuer une assise juridique. La rglementation
s'affiche de plus en plus comme un support prcis contribuant l 'encadrement
des relations contractuelles. Ce processus de juridicisation des donnes du rel
s'apparente celui dvelopp par certains Etats trangers.
Le "covenant" nerlandais considr comme le pionnier en ce domaine, fait
figure de modle et influence largement l 'apprhension des accords. Il dsigne
deux contrats encadrs par une rglementation trs prcise. Il donne lieu d'abord
la signature par l'autorit publique et une association professionnelle d'un
accord-cadre qui est dpourvu de valeur j u r id i qu e , pu i s c e l l e d e c on t r a t s
a u s e ns c iv i l i s t e du t e rm e p a r c ha qu e firme qui souhaite y adhrer62. Il est
essentiellement considr comme l'instrument de mise en uvre de la
rglementation par laquelle les usines doivent obtenir un permis d'exploitation
pour fonctionner et se soumettre aux seuils d'missions polluantes qu'elle
61 E. REHBINDER, Environmental Agreements - a New Instrument of Environmental policy, Environmental Policy and Law , 27/4 (1997), p.258, loc. cit . , p.260.62 Les "covenants" aux Pays-Bas sont une pice matresse de la politique environnementale. Dfinie par le National Environmental Policy Plan (NEPP) de 1989-1990, elle poursuit des objectifs qualitatifs et les traduit en plus de 200 objectifs quantitatifs. Voir, J . W. BIEKART, Environmental Covenants Between Government and Industry, A Dutch NGO's Experience, 4 RECIEL , Number 2, 1995, p.141 ; J. PETERS, Voluntary Agreements between Government and Industry, The Basic Metal Covenant as an Example, in, Environmental Contracts and Covenants : New Instrument for a Realistic Environmental Policy? , J. van Dunn (d.), 1993, p.19 ; J . van den Broek, Covenant and Permit in the Dutch Target Group Consultation, in J. van Dunn (d.) , op. cit . , p.33.
-
38
prvoit. Cette prsence conventionnelle et rglementaire simultane tend
garantir l 'application de sanctions en cas de violation des dispositions
convenues.
Le Dual System Deutschland (DSD) arbore un formalisme semblable celui qui
caractrise le "covenant" nerlandais et s'apparente galement au contrat-type. Il
a t conu dans un Etat, l 'Allemagne, o peu d'accords formels sont en principe
conclus en matire environnementale. Il constitue un engagement sign par six
cents firmes du secteur des biens de consommation, de la distribution et des
fabricants d'emballages dont l 'objectif est le recyclage des dchets d'emballages
de vente quantifis et diffrencis par type de matriaux. Grce au support
rglementaire, en l'occurrence le dcret Tpfer du 12 juin 199163, la procdure
conventionnelle est strictement encadre et tmoigne d'une solennit propre
garantir l 'application d'une sanction pour violation des formalits d'laboration
de l'accord.
L'encadrement lgislatif prsente un intrt vident : il contribue prciser le
rgime de droit du contrat et parvient entourer ce dernier d'une garantie
d'effectivit.
Convaincu de l'attrait de ce type d'acte, l 'Etat franais en a dvelopp la
technique par le contrat dit Eco-Emballages : prvu par le dcret du 1er avril
199264 aux termes duquel le producteur ou l'importateur de produits
commercialiss dans des emballages est soumis l 'obligation de pourvoir
l'limination de ses dchets d'emballages, cet accord reprend, in fine, les mmes
caractristiques que le DSD en Allemagne.
Au demeurant, peu d'engagements sont ainsi formaliss en droit franais,
de sorte qu'ils apparaissent a priori dpourvus de tout statut juridique et leur
violation n'est en principe assortie d'aucune sanction. Ces exemples
63 Le dcret Tpfer du 12 juin 1991 a t rdig sous l 'initiative des industriels concerns et permet de lgaliser les dcisions prises antrieurement par les firmes et de confirmer l 'objectif de recyclage des dchets d 'emballages. A ce titre, il devient un support juridique formel grce auquel est dtermin le statut des engagements pris et prcis les sanctions applicables pour non-respect des mesures ainsi prvues.64 Cf. le dcret n92-377 du 1 er avril 1992 portant application pour les dchets rsultant de l 'abandon des emballages de la loi n75-633 du 15 juillet 1975 modifie relative l 'limination des dchets et la rcupration des matriaux (JORF 3 avril 1992, p.5003).
-
39
conventionnels s'apparentent de toute vidence des contrats-type, lesquels se
prsentent comme des modles d'actes labors par l 'autorit administrative et
qui servent de rfrence l 'application des accords qu'ils sous-tendent : ces
documents s'analysent comme des rglements et "les contrats conclus en
application (de ces textes) seraient en ralit des accords attributifs de situations
rglementaires"65. La jurisprudence a d'ailleurs reconnu le caractre
rglementaire des contrats-type en dclarant recevables les recours pour excs
de pouvoir forms contre eux66. Ils sont parfois issus directement de textes
lgislatifs : larticle L 326-5 du Code rural sur les contrats-type sert de cadre
lgal aux accords dintgration conclus titre individuel ou au contrat collectif ;
larrt de la Cour de cassation du 4 mars 2003, SA Volailles Corico c/ Brizard
Gilles67 rserve clairement la notion de contrat-type par secteur de production
aux seuls contrats labors en application des dispositions particulires de
larticle L 326-5 prcit68.
Pour autant, la nature et la force juridiques de ces engagements paraissent
incertaines. Ressortissent-ils au droit ou au non-droit, et dans ce cas, ont-ils une
propension devenir du droit ? S'apparentent-ils des gentlemen's agreements ?
Quel rgime peut-il leur tre appliqu ? Ces questions constituent, de facto, les
lignes directrices de la recherche. Elles permettent de souligner la spcificit de
la matire et incitent une dmarche de rationalisation des donnes factuelles
l'appui de laquelle pourront tre cits les exemples du droit tranger et du droit
international.
Forte de cette dlimitation gographique, la recherche d'identification des
conventions repose sur trois approches successives dont chacune contribue un
recensement des accords.
65 A. DE LAUBADERE, F. MODERNE, P. DELVOLVE, Trait des contrats administratifs , op. cit . , p.78.66 Voir ce titre, la jurisprudence bien tablie depuis plusieurs dcennies : CE 5 mai 1961, Ville de Lyon , Leb. , p.294 ; CJEG 1961.J. 175, concl. Braibant, note Teste et Chaudouard ; CE 13 juillet 1962, Conseil national de l'ordre des mdecins , RDP 1962, p.739, concl. Braibant.67 Cass. 1 r e civ., 4 mars 2003, SA Volailles Corico c/ Brizard Gilles, pourvoi n R 00-16.436 .68 J.-P. DEPASSE, Double clairage de la Cour de cassation en matire de contrats dintgration sur la notion de contrats-type et sur le contenu des contrats individuels, Revue de Droit Rural, n318, dcembre 2003, p.688, loc. cit . , p.690.
-
40
Tout dabord, elle consiste compulser la littrature juridique. Cette lecture
permet de rpertorier d'un point de vue gnral les diffrents types de
conventions qui sont susceptibles d'tre employs en matire de lutte contre les
pollutions et les nuisances et de prvention des risques technologiques : il
s'avre que les diffrents genres conventionnels dj apprhends par le droit
sont d'une utilisation frquente en ce domaine ; bon nombre d'accords
s'apparentent en effet aux contrats de droit priv et de droit public, contrats
d'assurance pour les uns, contrats de plan, contrats de marchs publics pour les
autres. Cependant, cette dmarche n'est pas entirement satisfaisante, puisqu'elle
ne permet pas une identification prcise de chacun des engagements dont
certains arborent des traits particuliers.
Puis, il s'agit de procder une approche rationnelle loigne de toute
qualification fige et prtablie par le droit, et axe sur l 'analyse du contenu des
stipulations. Prcisment, c'est au regard de l'objet des accords que ceux-ci
seront intgrs la recherche : toute stipulation contribuant lutter contre les
pollutions et les nuisances et prvenir les risques technologiques fera de l'acte
pris dans son ensemble une technique conventionnelle prsentement
apprhende.
Enfin, une dmarche pragmatique est ncessaire. Il importe de recenser les
filires industrielles pour tenter d'obtenir un panel suffisamment reprsentatif
des engagements conclus en ce domaine. Pour chacune des branches d'activits,
il sera procd une recherche systmatique des accords, dans un but de rigueur
et de pertinence.
Au terme de cette dmarche d'identification commence le processus de
collecte des donnes. L encore, une approche rationnelle s'impose et commande
un effort de communication qui demande un dplacement sur le terrain et la
rencontre des partenaires environnementaux : les contractants privs, - les
entreprises et les organismes professionnels69 -, et publics, - l 'administration
69 Ce furent, par exemple, l 'Union des industries chimiques (UIC), la Fdration nationale du btiment (FNB), la Fdration franaise de la rcupration pour la gestion industrielle de l 'environnement et du recyclage (FEDEREC), le Syndicat national du dcolletage (SNDEC), notamment.
-
41
centrale (notamment, le ministre de l'Environnement), les collectivits
territoriales, les tablissements publics nationaux (l'Agence de l'environnement
et de la matrise de l'nergie et les agences de l'eau, par exemple) et territoriaux
ainsi que leurs dmembrements70 -, devaient donc tre consults.
De la sorte, il a pu tre rassembl un nombre de documents jugs suffisamment
reprsentatifs des conventions existantes.
4/ La problmatique de la recherche
A la lumire de ces prcisions mthodologiques, il convient de
s'interroger sur la "teneur" de ce droit conventionnel, pour paraphraser le
professeur Amselek71, afin de rsoudre les doutes structurels qui tiennent
essentiellement l 'ontologie juridique et la pratique. Sans doute l'incertitude
quant la nature et au rgime de ces conventions conditionne-t-elle la prsente
recherche et l 'oriente-t-elle invitablement vers un effort de thorisation des
donnes.
La lecture des accords invite se reporter la distinction fondamentale entre le
critre formel et le critre matriel. Elle contribue une analyse rigoureuse des
documents et permet de fixer la trame de la problmatique qui va guider la
rflexion.
Le flou qui entoure le statut juridique de certains actes proviendrait de la seule
rfrence leur forme extrieure, alors que la prise en compte de la nature de
leurs clauses permettrait de manire infaillible sa dtermination. En somme,
dans la mesure o le critre formel n'apporte pas de rponse satisfaisante, le
critre matriel lui supple remarquablement grce l 'analyse approfondie des
dispositions qu'il suscite.
La complmentarit et l 'interdpendance vidente des critres formel et matriel
renvoient l 'une et l 'autre la dfinition thorique du concept de rgle de droit.
En effet, cette distinction qui nourrit l 'esprit des juristes, constitue concrtement
70 Ce furent principalement, les socits d 'conomie mixte et les associations.71 P. AMSELEK, La teneur indcise du droit, RDP , 1991-5, p.1199.
-
42
une sorte de dissection pistmologique de l'acte, de laquelle merge une
structure dichotomique compose de deux concepts indissolublement lis. L'acte
et la norme apparaissent comme les composantes constantes et ncessaires de la
rgle de droit, comme l'affirme Kelsen72. L'un et l 'autre entretiennent une
relation d'interdpendance qui parvient crer une situation symbiotique.
L'acte est lui-mme porteur de deux sens complmentaires, dans la mesure o il
se prsente la fois comme le negotium qui dsigne l'opration par laquelle les
normes sont labores et l 'instrumentum en tant que support ou procd
juridique d'diction des normes73. Il s'apparente alors une coquille vide prvue
par l 'ordre juridique et institue par le droit, dont la vocation est de comporter
un ensemble de normes : autrement dit, il prpare la venue de la norme en la
prcdant et en lui assurant une prennit grce son caractre solennel. Ainsi
dsigne-t-il "tout acte accompli volontairement en vue de produire des effets de
droit"74.
La norme, quant elle, constitue une proposition imprative indiquant un
modle de conduite qui se comprend comme la signification de cet acte. Ce
rapport de mutuelle dpendance dmontre par H. Kelsen se manifeste alors par
le fait que "la norme qui con