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2,00 Première édition. N o 10984 MERCREDI 14 SEPTEMBRE 2016 www.liberation.fr IMPRIMÉ EN FRANCE / PRINTED IN FRANCE Allemagne 2,50 , Andorre 2,50 , Autriche 3,00 , Belgique 2,00 , Canada 5,00 $, Danemark 29 Kr, DOM 2,60 , Espagne 2,50 , Etats-Unis 5,00 $, Finlande 2,90 , Grande-Bretagne 2,00 £, Grèce 2,90 , Irlande 2,60 , Israël 23 ILS, Italie 2,50 , Luxembourg 2,00 , Maroc 20 Dh, Norvège 30 Kr, Pays-Bas 2,50 , Portugal (cont.) 2,70 , Slovénie 2,90 , Suède 27 Kr, Suisse 3,40 FS, TOM 450 CFP, Tunisie 3,00 DT, Zone CFA 2 300 CFA. UN SAUVETAGE À GRANDE VITESSE A quelques mois de la présiden- tielle, la fermeture du site de Bel- fort serait malvenue pour l’exé- cutif. Le constructeur a accepté de rouvrir les discussions. PAGES 2-4 Du NPA au Front national Depuis le mois de juin, sur tout le territoire, au moins cinq membres du personnel soignant ont mis fin à leurs jours. En cause, les condi- tions de travail, toujours plus difficiles dans les hôpitaux. Une grève nationale est prévue ce mercredi. ENQUÊTE, PAGES 14-15 Le mal-être infirmier A Syrte l’EI encerclé LORENZO MELONI. MAGNUM Conseiller de Marine Le Pen, en passe d’inté- grer son équipe de campagne, le professeur d’histoire Aurélien Legrand est un cas à part au sein du FN. Il y a quelques années encore, il militait activement pour le Nouveau Parti anticapitaliste. PROFIL, PAGES 16-17 Cinéma «Victoria», portrait de flamme ET TOUTES LES SORTIES, PAGES 26-31 ALSTOM Virginie Efira dans Victoria, de Justine Triet. PHOTO AUDOIN DESFORGES REPORTAGE, PAGES 10-13

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Page 1: UNSAUVETAGE ÀGRANDE VITESSE - LeWebPédagogique · tel de ville de Belfort à l’appel de la CGT pour lancer la mobilisation contrelafermetureprogramméede l’usine de construction

2,00 € Première édition. No 10984 MERCREDI 14 SEPTEMBRE 2016 www.liberation.fr

IMPRIMÉ EN FRANCE / PRINTED IN FRANCE Allemagne 2,50 €, Andorre 2,50 €, Autriche 3,00 €, Belgique 2,00 €, Canada 5,00 $, Danemark 29 Kr, DOM 2,60 €, Espagne 2,50 €, Etats-Unis 5,00 $, Finlande 2,90 €, Grande-Bretagne 2,00 £,Grèce 2,90 €, Irlande 2,60 €, Israël 23 ILS, Italie 2,50 €, Luxembourg 2,00 €, Maroc 20 Dh, Norvège 30 Kr, Pays-Bas 2,50 €, Portugal (cont.) 2,70 €, Slovénie 2,90 €, Suède 27 Kr, Suisse 3,40 FS, TOM 450 CFP, Tunisie 3,00 DT, Zone CFA 2 300 CFA.

UNSAUVETAGEÀ GRANDEVITESSE

A quelques mois de la présiden-tielle, la fermeture du site de Bel-fort serait malvenue pour l’exé-cutif. Le constructeur a acceptéde rouvrir les discussions. PAGES 2-4

Du NPA auFront national

Depuis le mois de juin, sur tout le territoire, aumoins cinq membres du personnel soignantont mis fin à leurs jours. En cause, les condi-tions de travail, toujours plus difficiles dans leshôpitaux. Une grève nationale est prévue cemercredi. ENQUÊTE, PAGES 14-15

Le mal-êtreinfirmierA Syrte l’EI

encerclé

LOR

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I.M

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Conseiller de Marine Le Pen, en passe d’inté-grer son équipe de campagne, le professeurd’histoire Aurélien Legrand est un cas à partau sein du FN. Il y a quelques années encore,il militait activement pour le Nouveau Partianticapitaliste. PROFIL, PAGES 16-17

Cinéma«Victoria»,portraitde flammeET TOUTES LES SORTIES, PAGES 26-31

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REPORTAGE, PAGES 10-13

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2 u Libération Mercredi 14 Septembre 2016

AlstomI l y avait urgence à éteindre le départ de feuAlstom. L’annonce, en fin de semaine der-nière, du transfert de 400 personnes sur

480 du site emblématique de Belfort vers undes onze autres que possède le groupe enFrance, a fait ressurgir le spectre de la cascadede plans sociaux qui avait empoisonné –etparalysé– le début du quinquennat Hollande.Comme Florange et ses hauts fourneaux, Als-tom et ses TGV de Belfort sont un symbole del’industrie française. Sa quasi-fermeture–même sans suppression d’emploi– laisse-rait, à moins de huit mois de la présidentielle,une image politique désastreuse pour un gou-vernement de gauche: celle de dirigeants po-litiques définitivement impuissants devantla désindustrialisation. A l’heure où Hollandeet Valls tentent de reprendre la main à coupsde –bons– résultats sur le terrain économi-que et social, cet épisode Alstom –après le ra-chat de la branche énergie par General Elec-tric en 2015– pollue quelque peu leur fin d’été.

«DIX JOURS»Depuis Bucarest, où il était en voyage officiel,François Hollande a ainsi promis mardi en finde matinée que «tout sera fait pour que le sitede Belfort puisse être pérennisé. Ça veut direpour de nombreuses années». «Hors de ques-tion [qu’il] ferme, a abondé Manuel Valls de-puis Verdun. Je veux dire aux dirigeants d’Als-tom qu’ils doivent oublier toute idée de fermerle site de Belfort et qu’ils peuvent compter surl’Etat pour avancer.» Problème: au même mo-ment, l’AFP diffusait un courrier du PDGd’Alstom transmis mardi aux salariés dugroupe. Henri Poupart-Lafarge y justifie cechoix de transférer sa production de locomoti-ves de Belfort à Reichshoffen (Bas-Rhin) d’icià 2018, car il apparaît «aujourd’hui impossibled’assurer un avenir pérenne» : «Aucune loco-motive n’a été commandée depuis plus dedix ans à Alstom en France, et la productiondes motrices TGV, non assurée après 2018, estau rythme le plus bas de son histoire, explique-t-il. Nous avons maintenu une production àBelfort aussi longtemps que nous l’avons pu.»Une fin de non-recevoir après les propositionsfaites, le matin même, par le secrétaire d’Etataux Transports, Alain Vidalies (lire ci-contre)?Dans l’après-midi, la communication d’Alstoma fait savoir que ce message distribué mardiaux salariés avait été rédigé «le week-end der-nier et n’est pas une réponse aux déclarationsdu gouvernement». Dans la foulée, le tout nou-veau secrétaire d’Etat à l’Industrie, ChristopheSirugue, a confié aux syndicats du site reçusà Bercy qu’il se donnait «dix jours» pour «ap-porter des réponses». De son côté, Alstom a as-suré, en fin de journée, «s’être engagé dans desdiscussions avec le gouvernement français surl’avenir de son site de Belfort» et promisqu’«aucune décision ne sera prise avant leursconclusions». Incendie circonscrit.A Bucarest, Hollande avait déjà expliqué que«le site de Belfort peut être conforté à travers uncertain nombre de prises de commandes dansle cadre de marchés qui existent et qui doiventêtre accélérés». C’est donc via de la commandepublique que l’Etat compte sortir du bourbierAlstom. Pas évident alors que la restriction dela dépense est la règle depuis le début et quela SNCF est endettée à hauteur de plusieursdizaines de milliards d’euros. De plus,même si Alstom développe bien le TGVdu futur –en phase de conception etdont la production ne débuterait qu’en 2021–,le site de Belfort, spécialisé dans les motricesde TGV, ne serait pas pour autant sauvé carrien ne se profile entre 2018 et 2021. Enfin, rha-

ParLILIAN ALEMAGNA et JONATHANBOUCHET-PETERSENPhoto PASCAL BASTIEN

billler Alstom pourrait déshabiller Bombar-dier, disposant à Crespin (Nord) de la plusgrosse usine ferroviaire française.Mais les responsables politiques de droitecomme de gauche préfèrent s’écharper pour

savoir si, oui ou non, l’Etat aurait pu–dû– empêcher cette annonce d’Als-tom alors que les 20 % de capital du

groupe dont il dispose –grâce à un prêt tem-poraire de Bouygues, l’actionnaire principal,négocié en février 2015 par le ministre del’Economie d’alors, Arnaud Montebourg– lui

donne un certain poids au conseil d’adminis-tration. «Nous n’étions pas informés du tout[…] de la proposition formulée par le PDGd’Alstom qui aboutit à la fermeture du site deBelfort», a assuré Sirugue mardi matin. Selonlui, Poupart-Lafarge «n’a pas fait cette infor-mation devant les instances normales de l’en-treprise, c’est-à-dire devant le conseil d’admi-nistration. […] C’est une faute». «Posture»,«jeu de rôles», «comédie», a répondu le patrondu Medef, Pierre Gattaz : «Je crois savoirqu’Alstom, notamment à Belfort, a tiré la son-

nette d’alarme depuis des années. Nos politi-ques font semblant de découvrir qu’il y a unproblème.» Des élus de droite d’Alsace et duDoubs ont, eux, expliqué qu’ils ont «alert[é]»le gouvernement «depuis l’été 2015». Via sixcourriers, dont trois à Alain Vidalies et un àEmmanuel Macron, alors ministre de l’Eco-nomie. «Faute de réponses satisfaisantes, troiscourriers ont également été adressés au prési-dent de la République: le 7 mars, le 2 juin et le5 septembre», expliquent-ils. Macron leuraurait d’ailleurs indiqué le 3 août 2015 qu’ilprenait en compte la situation du site de Bel-fort. Mais depuis, plus rien.

FANTÔME DE FLORANGEDe quoi inciter l’exécutif à maintenir sa lignede défense: faire porter le chapeau à Macron,parti du gouvernement au profit de son ambi-tion personnelle. Et démontrer, actes à l’ap-pui, que l’Etat reste capable de maintenir l’em-ploi industriel en France. Manière aussi delutter contre le fantôme de Florange, où Hol-lande doit se rendre «dans les prochaines se-maines» pour revendiquer son bilan :«180 millions d’euros d’investissements, […]aucun licenciement et même aucun plan so-cial.» L’enjeu: que la fermeture définitive sousson quinquennat des hauts fourneaux du sited’Arcelor Mittal ne reste pas comme l’équiva-lent de «l’Etat ne peut pas tout» prononcé parJospin en 2000 devant les Michelin. Avec Als-tom, l’Etat a montré qu’il peut, un peu. •

L’exécutifse paiela paixsocialeAprès avoir annoncé qu’il videraitson site de Belfort, le constructeura finalement accepté de négocier,le gouvernement ayant ébauchéde quoi conserver l’usine en l’état.Récit d’un coup de chaud pourFrançois Hollande.

RÉCIT

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Libération Mercredi 14 Septembre 2016 www.liberation.fr f facebook.com/liberation t@libe u 3

Un train sur le site d’Alstom, à Belfort mardi.

ÉDITORIALPar LAURENTJOFFRIN

VolontéLa République françaised’un côté, un fabricant delocomotives de l’autre: quidoit l’emporter? En pu-bliant, par maladresse oupar calcul, un communi-qué qui sonnait commeun défi public aux autori-tés, annonçant que le sitede Belfort serait fermé mal-gré les demandes de l’exé-cutif, la direction d’Alstoma tranformé un conflit in-dustriel classique en brasde fer national. Dès lors,l’affrontement était inévi-table et le gouvernement,sauf à perdre ce qui luireste de crédit, ne pouvaitpas reculer. A Belfort,vieille ville résistante, lelion qui en est le symbolene serait pas allé se cou-cher dans son paniercomme un matou fatigué.Et surtout, que n’aurait-ondit sur l’impuissance pu-blique face aux oukases ducapital privé et de la mon-dialisation si le gouverne-ment avait parlé en vain?Symbole éclatant: seul leMedef défendait la direc-tion d’Alstom, alors quetout un chacun, élus, gou-vernement et oppositionconfondus, réclamait lemaintien du site d’Alstomdans la ville symbole.L’économie a-t-elle défini-tivement marginalisé lapuissance publique?Echaudé par l’affaire deFlorange, François Hol-lande avait pris les devantsen annonçant que le gou-vernement ferait tout poursauvegarder l’emploi à Bel-fort. Contre les jérémiadeslibérales habituelles, cetteligne doit être maintenue.Alstom est une belle entre-prise qui remporte des suc-cès à l’étranger, mais quidépend des achats françaispour préserver l’emploi enFrance. En orientant intel-ligemment les commandespubliques, le gouverne-ment est en mesure d’assu-rer l’avenir des 400 salariésmenacés. L’intendancedoit-elle suivre, ou biencommander? Il est bon,pour montrer que les sala-riés ne sont pas toujourslivrés aux soubresauts dumarché mondial, que labonne vieille interventionpublique, de temps entemps, fasse prévaloirla volonté collective. •

D ix jours. C’est le délai que s’estdonné le gouvernement parla voix du secrétaire d’Etat à

l’Industrie, Christophe Sirugue, pourapporter «des réponses» aux salariésde l’usine Alstom de Belfort menacéede quasi-fermeture. Reçus à Bercymardi en début d’après-midi, leurssyndicats disent «avoir été écoutés»tandis que le PDG d’Alstom évoquaitdes «marges de manœuvres» possi-bles. Une tonalité radicalement dif-férente de l’ambiance de bras de ferqui prévalait encore quelques heuresplus tôt et qui s’explique par les pre-mières pistes concrètes avancées parAlain Vidalies pour regarnir le carnetde commandes du site de Belfortvide à partir de la mi-2018. Répon-dant à l’injonction présidentielle de«trouver des commandes» pour la

plus vieille usine de locomotives enFrance, le secrétaire d’Etat auxTransports, qui a rencontré lundi lesdirigeants de la SNCF et de la RATP,est monté au créneau pour sauverBelfort, déclinant quelques heuresplus tard cinq projets pour éviter l’ar-rêt de la production. Il s’agit de com-bler le «trou» auquel va être con-fronté l’usine d’ici deux ans et cejusqu’en 2021, date à laquelle ce sitespécialisé dans les motrices pourTGV pourra basculer sur la fabrica-tion du futur train à grande vitesse dela SNCF, le principal client d’Alstom.

«Locomotives». Premier levier decommande publique activé parl’Etat, celui de la SNCF avec lequelAlstom est en «négociation directe»pour le train devant assurer la liaisonParis-Turin-Milan. «Il y a des discus-sions sur le prix, c’est bien normal, ony travaille et j’espère que ça va abou-tir», a déclaré Alain Vidalies. LaRATP devrait aussi être mise à con-tribution «pour des petites machines,des locomotives, pour faire des tra-

vaux». Vidalies a aussi confirmé quel’Etat allait commander 30 rames àAlstom pour des trains régionaux etIntercités. Une commande destinéeau groupe dans son ensemble, quicompte 12 sites en France, et pas uni-quement à Belfort. «A partir du mo-ment où on amène des commandes augroupe, on peut aussi discuter de larépartition de l’effort», dit Vidalies.Le ministre met enfin en avant deuxautres pistes. La première, sur la-quelle l’Etat n’a pas la main, con-cerne la réponse de l’appel d’offres de3,5 milliards d’euros lancé par le Syn-dicat des transports d’Ile-de-Francepour les futurs RER et métros (GrandParis). Une commande pour le moinsincertaine puisque c’est l’espagnol

CAF qui serait le mieux placé pourremporter ce contrat vital pourl’usine Alstom de Valenciennes, quia répondu à l’appel d’offres en tan-dem avec le canadien Bombardier.Ce dernier dispose d’une grosseusine dans le Nord.

«Equilibre». Mais pour le ministre,qui envoie un «message» à la régioncapitale, «une partie, au moins pour“l’engineering”, pourrait être affectéà Belfort». Un nouvel appel d’offresd’un milliard d’euros pour des trains«d’équilibre du territoire pour les li-gnes structurantes» sera enfin lancéen fin d’année: les spécifications enmatière de vitesse (200km/h) ont étécalibrées pour permettre à Alstom deconcourir. En orientant une partiede ces cinq commandes publiques–que certains qualifient dejà d’«arti-ficielles» – vers le site de Belfort, legouvernement veut croire que le sitehistorique sera en mesure de remplirles années de trou d’air dans son car-net de commandes.

CHRISTOPHE ALIX

Cinq propositions sur la tableFrançois Hollande s’estengagé à apporter lescommandes suffisantespour sauver les emploisdu site belfortain.

«Il y a desdiscussionssur le prix.»ALAIN VIDALIESsecrétaire d’Etat aux Transports

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4 u Libération Mercredi 14 Septembre 2016

F aut-il y lire une résignation?Celle d’une ville sonnée par ledépart d’une entreprise pou-

mon de son corps économique etsocial et confrontée à la fuite de plusde 400 emplois en Alsace? Lundi, à18 h 30, il n’y avait guère plus de200 personnes réunies devant l’hô-tel de ville de Belfort à l’appel de laCGT pour lancer la mobilisationcontre la fermeture programmée del’usine de construction de trainsd’Alstom d’ici à la fin 2018.Les habitants sont assommés. Fran-çois, 58 ans, employé municipal :«Mon père a été embauché chezAlstom quand il y avait des milliersd’employés dans l’entreprise à Bel-fort. Oui, cette annonce est un coupde massue. Mais ce n’est pas réelle-ment une surprise pour les salariés.On a toujours su que l’avenir de l’en-treprise était hypothétique.» Jean-François, restaurateur de la Marina,pizzeria face à la gare, estime luiaussi que la ville «a pris un groscoup de bambou sur la tête». Il

craint désormais «que General Elec-tric fasse de même». Assis en ter-rasse, Marius, 74 ans, est retraitéd’Alstom et lui non plus n’est passurpris. «Cela fait vingt ans que l’onparle de la fermeture du site. Lesgens sont résignés. Ici, tout le mondes’y attendait. Sauf, bizarrement, lespolitiques et les syndicalistes.»

«Frissons». Surpris, les syndica-listes ? En tout cas, ils sont sur lepont. Dès le lendemain mardi, ilsréunissent une AG dans la cour del’usine. Les «Alsthommes», commeils se désignent, sont «prêts à se bat-tre» et croient «encore possible» unmaintien du site à Belfort. Devant250 personnes, les syndicats appel-lent les salariés à «lever le pied» et àne «plus mettre la main dans le cam-bouis». Ce n’est pas l’appel à lagrève, mais «il n’est pas question dese remettre au travail, il n’est pasquestion de faire comme si de rienn’était», explique Olivier Kohler, dé-légué CFDT d’Alstom Belfort aux sa-

lariés présents dans la cour. Hué parmoments, le syndicaliste peine àconvaincre ses camarades sur cettestratégie. Mais un vibrant appel, aunom des quatre organisations syn-dicales d’Alstom Belfort, «à se mobi-liser» jeudi dans les rues, suscite lesapplaudissements nourris de sescollègues.«Il faut qu’on fasse peur à la direc-tion», exhorte-t-il. Parlant du PDGd’Alstom, il ajoute : «Il faut queHenri Poupart-Lafarge, dans sonbureau, entende un peu ce qu’il sepasse ici.» Le syndicaliste promet dedonner «des frissons aux Belfor-tains». Belfort devait manifestercontre la loi travail ce jeudi, dans lecadre d’un appel national des syn-dicats, comme ailleurs en France.Ce défilé a finalement ététransformé en mobilisa-tion «pour Alstom».«On s’y attendait.Mais on va se bat-tre, même si onperd tout. Eux [ladirection, ndlr] negagneront rien»,promet un salarié.«Bien sûr qu’on a en-vie de se battre, c’estquand même un site histo-

rique, poursuit un autre. On ne vaquand même pas laisser tomber tousles anciens venus travailler ici. Il ya une mémoire, les murs sont impré-gnés de [leur] sueur», explique cethomme pour qui Alstom est aussiune histoire de famille: deux de sesfrères ont été des «Alsthommes».Certes, la direction a assuré qu’elleproposerait des postes dans sonusine de Reichshoffen, dans le Bas-Rhin. Mais pour William, chau-dronnier-soudeur à Alstom Belfortdepuis vingt-neuf ans, partirtravailler en Alsace n’est pasenvisageable.Le député et maire (LR) de Belfort,Damien Meslot, tiendra un conseilmunicipal extraordinaire sur Als-tom ce mercredi. Il appelle à une

opération «villemorte» le 24 sep-tembre.De son côté, laprésidente PS duconseil régionalde Bourgogne-Franche-Comté,Marie-Guite Du-

fay (PS) déclarait àl’AFP, à l’issue de sa

rencontre à Paris avecle PDG d’Alstom en com-

pagnie d’autres élus franc-comtois:«Maintenant, il faut laisser dutemps au temps pour la négociation.[…] Ce n’est pas en quarante-huitheures qu’on aura une réponse. Nousgardons une vigilance extrême etnous avons dit au PDG que nous fe-rons tout pour empêcher la ferme-ture du site.»

«Maintenance». Près d’une se-maine après l’annonce, la popula-tion de cette préfecture de quelque50 000 habitants évoque l’avenir,comme Julien, 16 ans, qui ne sevoit «pas travailler à Alstom plustard». Ou plus souvent le passé,comme Ernestine, 86 ans : «Monmari a travaillé dans cette entre-prise. Il est mort. Avec cette an-nonce, il meurt une deuxième fois.»D’autres encore questionnent leprésent, comme Philippe, 74 ans :«Tout le monde savait que la com-pagnie Alstom allait, un jour oul’autre, se séparer de son activité, etdevenir un simple centre de mainte-nance.» Il feint de s’interroger :«Pourquoi Siemens et Bombardierarrivent-ils à vendre des locomoti-ves et pas Alstom ?»

PHILIPPE BROCHENà Belfort (avec AFP)

A Belfort, «on s’y attendait maison va se battre, même si on perd tout»Dans la ville symbole d’Alstom,les salariés, mardi, restaient prêts à semobiliser pour sauver leur patrimoine.

Des salariés d’Alstom lors d’une assemblée générale organisée par l’intersyndicale de l’usine, mardi à Belfort. PHOTO PASCAL BASTIEN

5 km

Belfort

HAUT-R

HIN

VOSGES

HAUTE-SAÔNE

DOUBSSU

ISSE

TERRITOIREDE BELFORT

UN SITEHISTORIQUE«Alstom, c’est Belfortet Belfort, c’est Alstom»:pour les habitants duTerritoire, c’est uneprofession de foi. Il fautdire que l’histoire mêmed’Alstom est née en partieà Belfort. En 1879, aulendemain de la défaiteface à la Prusse,la Société alsaciennede constructionsmécaniques (SACM)implante dans cette placeforte une usine delocomotives à l’abri del’empire allemand. Et c’estla fusion de la SACM et dela compagnie Thomson-Houston en 1928 quidonnera Alsthom (avec un«h»). L’industriel fait alorsde son usine de Belfort,surnommée «la Traction»,la tête de pont de sesactivités ferroviaires:il y produira sa premièrelocomotive diesel-électrique en 1939, etsurtout la toute premièremotrice TGV (la fameuse«001») en 1972…1300 autres suivront.Alstom à Belfort, c’était3000 emplois au plus fortde l’activité. Aujourd’hui,la ville se bat pour sauver450 salariés et cent trente-sept ans d’histoire. J.-C.F.

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Libération Mercredi 14 Septembre 2016 www.liberation.fr f facebook.com/liberation t@libe u 5

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18e édition

79e édition

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EN DIRECT avec les RECRUTEURS

Jeudi 15 septembre 2016PARIS 17e Espace Champerret 10 h - 18 h

«La France insoumise» est en dynamique: selonles derniers sondages, Jean-Luc Mélenchon rôdeautour des 14% et fait chaque jour un peu plus jeuégal avec François Hollande. Le croisement descourbes serait proche, affirment les proches du pre-mier. Une aubaine pour l’eurodéputé qui ne cacheplus ses ambitions: être, lui, le candidat du voteutile pour atteindre le second tour de la présiden-tielle. Et tant pis si toute la gauche, la sienne commecelle de Hollande, reste à quai face à la droite etau FN. Du genre «le coupable, ce n’est pas moi maisles autres: le gouvernement et sa politique d’austé-rité, qui a bousillé son propre camp tout au long duquinquennat.» Le refrain s’entend.L’homme qui a dit non à la primaire – («par loyauté,car si Hollande ou Valls gagne, je ne veux pas fairecampagne pour eux»)– conserve en lui les cicatricesde la dernière campagne présidentielle. Il a atteintles 15% dans certains sondages avant d’atterrir à11,1% et d’étaler ses regrets. Dans son dernier livre,le Choix de l’insoumission (Seuil), il (ré)écrit l’his-toire à sa manière: «Alors, c’est vrai, quand les son-dages ont indiqué un envol, nous avons été un peupris de cours. Un tiers des électeurs de François Hol-lande a hésité entre lui et moi. S’ils m’avaient choisi,c’est moi qui aurait été au deuxième tour.» Com-prendre: le vote utile lui a barré la route du secondtour de la présidentielle. L’autre raison de son dé-clin dans la dernière ligne droite, selon des expertsen mathématiques politiques, c’est sa défensed’une France métissée dans un discours très fortà Marseille. Le tout, à une semaine du scrutin.Aujourd’hui, Mélenchon sort sa calculette à chaquefois que les micros s’allument et demande à ses4 millions d’électeurs de «convaincre les résignés,les désespérés, les abattus» pour passer en tête dela gauche. Sur les réseaux sociaux, les «insoumis»–le surnom de ses militants– répètent à l’envi que«le vote utile, c’est Mélenchon». Reste un détail. Dansles différents sondages, si Mélenchon est très pro-che de Hollande, il reste loin du second tour et loin,au premier, d’un certain Emmanuel Macron, en têtedans toutes les études d’opinions. En cas de candi-dature, l’ancien ministre peut lui aussi prétendreêtre le candidat du «vote utile». Reste à savoir si Ma-cron est de gauche, mais ça, c’est un autre débat. •

Mélenchon,le refraindu voteutileParRACHID LAÏRECHEJournaliste au service France@rachidlaireche

ÉDITOS/BILLET

Cette année, les cuisines populairessont le thème de la fête de la gastrono-mie qui se déroule du 23 au 25 septem-bre un peu partout en France. Sûr quevous allez dire: «Au secours, voilà qu’onnous refait le coup du terroir, du hachisparmentier, de la ficelle picarde et de

la blanquette de veau à l’ancienne.» Etvous n’aurez pas tout à fait tort: le petitsalé aux lentilles, le bourguignon et lagarbure fricotent davantage dans lespetits menus sans façon et les cartespatrimoniales que dans les modes,souvent éphémères, des gargotesflamboyantes. Mais c’est oublier quela cuisine populaire est tout sauf figéequand elle intègre le couscous et lesnems, le burger et le curry.Sous le couvercle des marmites mijotesurtout une vérité incontournable: lescuisines populaires sont le plus évi-dent dénominateur entre les four-neaux les plus humbles et les plusnantis. Car elles disent le bon sens, ce-lui de la saisonnalité, de la proximitédu produit et de son utilisation opti-mum. Ainsi le paleron de bœufdevient pot-au-feu puis salade, et peutaussi se marier avec les nouilleschinoises. La lentille mijotée seraaccommodée en soupe ou en rillettes

végétales. Les cuisines populaires per-mettent à tous, quel que soit son pou-voir d’achat, de renouer avec le sensde la transmission en écrivant unegrammaire culinaire lisible où les in-grédients, la cuisson et l’assaisonne-ment sont comme le sujet, le verbe etle complément de l’école primaire.Prenez le poireau, aussi humble quevaillant, voilà un légume toutes sai-sons, sur lequel souvent sèchentautant les adhérents des Amap que lepublic moins favorisé des jardins d’in-sertion. Passée l’incontournable soupeet la sympathique vinaigrette, on re-nâcle sur le poireau alors que braisé,rôti, en quiche, en tajine, avec de lasauce soja, du ras el hanout, il nous dé-complexe aux fourneaux sans coûterune blinde. C’est tout le sens des cuisi-nes populaires: fricasser l’audace surles fonds baptismaux de nos papillesen agrégeant les apports du monde etsurtout en les partageant. •

La cuisinepopulaire,démocratiqueet audacieuse

ParJACKY DURANDJournaliste au service Next@jackydurandlibe

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6 u Libération Mercredi 14 Septembre 2016

EXPRESSO/SUR LIBÉRATION.FRGrand format Résidence provisoire,soixante ans d’immigration dans les foyers So-nacotra : la photographe Florence Brochoire ra-conte la vie de Yahia, Diong, Sambath, Angelaou Gaëlle qui vivent dans ces foyers, dont le pre-mier a été inauguré en août 1956. Des logementspas si provisoires qu’initialement prévus. PHOTOFLORENCE BROCHOIRE.

Le dalaï-lama à Paris, une popstarentre aura et embarras

En visite en France,le chef religieuxtibétain, boudépar les autorités,se cantonne auspirituel. Maisla question, trèspolitique, de sasuccession se pose.

«M ais qu’est-cequ’il fout ?»s ’ i n t e r r o g e

Matthieu Ricard, son ambas-sadeur officieux en France.Mardi, 10h30. On attend ledalaï-lama pour sa confé-rence de presse à l’hôtelHyatt Paris-Vendôme. Amai-gri et affaibli, celui qui en-tame une visite de cinq joursen France apparaît. Il est at-teint d’un cancer, a besoind’aide pour marcher. Maisconserve son aura. Cool et fa-cétieux, il esquive toutes leschausse-trapes. Que FrançoisHollande ne le reçoive pasn’entame pas la sérénité qu’ilaffiche. «Mes visites ne sontpas politiques, affirme-t-il.J’ai abandonné toutes cesfonctions-là. Mon combat,c’est de défendre la cultureet la langue tibétaine.»Dès 2001, le leader spirituelavait annoncé son intentionde «moderniser» les institu-tions du Tibet, l’une des der-nières théocraties au monde.En 2011, il a nommé un Pre-mier ministre qui gère le gou-vernement du Tibet en exil.

People. Cette visite enFrance a néanmoins fait l’ob-jet d’importantes pressionsde la part des autorités chi-noises qui occupent sonpays. Selon l’entourage dudalaï-lama, Pékin a contraintSciences-Po Paris à annulerune conférence du chef tibé-tain. Qui ne s’inquiète pas del’avenir après lui. «Dès 1969,j’ai dit que c’était aux Tibé-tains de décider démocrati-quement de l’avenir de l’insti-tution du dalaï-lama. Si jesuis le dernier, je me réjouis àl’idée que c’était un dalaï-lama très populaire.» C’est lecas effectivement, entreautres chez les people. On seprécipite autour de lui. Onaperçoit Marion Cotillard

ParBERNADETTESAUVAGETPhotoMARC CHAUMEIL

dans les couloirs de son hô-tel, Emmanuel Macron a eul’honneur d’être reçu quel-ques minutes. Et un peu plustard, Line Renaud était aupremier rang pour l’écouter àla Maison des avocats, où ilest arrivé accompagné de sonvieil ami Robert Badinter.Mis sous pression, l’ordre desavocats n’a pas cédé et a ac-

cueilli «Sa Sainteté». C’estainsi que son entourage l’ap-pelle, reprenant l’appellationdes catholiques pour s’adres-ser à leur pape. Mais la com-paraison s’arrête là. Si Fran-çois à Rome est le chefspirituel de plus d’un milliardde fidèles à travers le monde,le dalaï-lama «règne» sur unepetite dizaine de millions deTibétains, à peine 5 % desbouddhistes de la planète.Malgré son audience et soncapital sympathie, le dalaï-lama n’est pas, contrairementà une idée répandue en Occi-dent, le «pape du boudd-hisme». «Cela agace d’ailleurspas mal les bouddhistes desautres courants que l’on fassecette comparaison», expliqueDominique Trotignon, direc-teur de l’Institut d’étudesbouddhiques de Paris.Cela n’ôte rien au charisme et

Le dalaï-lama, ici en conférence de presse mardi à Paris, a attiré les stars comme les fidèles bouddhistes.

L’HOMMEDU JOUR

à l’aura du personnage, deson vrai nom Tenzin Gyatso,âgé de 81 ans, reconnu offi-ciellement à 5 ans comme laréincarnation de son prédé-cesseur, chef spirituel desBonnets jaunes (l’un des cinqcourants du bouddhisme ti-bétain) et chef temporel duTibet, formé à Lhassa avantde fuir, en 1959, l’occupationchinoise et d’installer songouvernement en exil à Dha-rasamla, en Inde.

Facéties. «Le dalaï-lama aune très forte cote depuis qu’ila reçu le prix Nobel de la paixen 1989 pour sa résistancenon violente à l’occupationchinoise. Il est très appréciédes Occidentaux pour sonmessage de tolérance et decompassion», rappelle GillesVan Grasdorff, l’un de sesbiographes. «En fait, le Tibet

exerce un attrait […] en Eu-rope depuis le Moyen Age etMarco Polo», complète Do-minique Trotignon.Le dalaï-lama colle aussi avecle syncrétisme new-age del’époque. «Les religions ont lemême fondement, l’amour.S’il en existe plusieurs, c’estpour répondre à la diversitédes cultures», a-t-il ainsiénoncé mardi avant de re-joindre le cortège officiel quilui a permis de se rendre, engrillant tous les feux rouges,au Palais des congrès où l’at-tendaient 3 000 Tibétainspour une cérémonie en fa-mille. Souriant, il s’est mon-tré un peu gêné par le trôneen bois placé pour lui au cen-tre de la scène. S’il reste àleurs yeux le leader spirituel,le 14e dalaï-lama sait que laquestion de sa succession sepose. Pour garder la main, les

autorités chinoises ont en-levé et fait disparaître, il y aplusieurs années, le pan-chen-lama, personnage aurôle clé lors de la mort du da-laï-lama et pour la désigna-tion de son successeur. A cesujet, Tenzin Gyatso multi-plie, lui, les déclarations con-tradictoires, voire les facé-ties. Ici ou là, il a dit que saréincarnation serait unefemme ou bien qu’il est lui-même le dernier dalaï-lama…Pékin attend et sait que letemps joue en sa faveur. LaChine compte sur la dispari-tion de Tenzin Gyatso pourréduire la résistance tibé-taine. Selon son biographe, ily aura sûrement à l’avenirdeux dalaï-lamas, l’un re-connu par les Tibétains etl’autre désigné par le gouver-nement chinois. •

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Libération Mercredi 14 Septembre 2016 www.liberation.fr f facebook.com/liberation t@libe u 7

LA QUESTIONQUI TUE

SUR LIBÉRATION.FRLe pot entre collègues, c’est sexiste ? Oui, à en croirele leader du parti travailliste britanniquem Jeremy Corbyn,pour qui lever le coude après le boulot «favorise les hommesqui ne sentent pas le besoin de rentrer chez eux pour s’occuperde leurs enfants, et discrimine les femmes qui veulent, évidem-ment, être auprès des enfants». La phrase, qui peut elle-mêmeêtre taxée de sexisme, a suscité un certain émoi outre-Mancheet jusqu’aux Etats-Unis. PHOTO REUTERS

Un Churchill lavable en machineLa banque d’Angleterre a émis un nouveau billet de 5 livressterling dont la principale particularité, outre qu’il arbore levisage de Churchill, est qu’il est en plastique. Ce qui le rend«plus propre, plus sûr, plus résistant», selon un clip officiel.

Shimon Pérès hospitaliséL’ex-président israélien Shimon Pérès a été hospitalisé en ur-gence mardi soir près de Tel-Aviv à la suite d’un accident vas-culaire cérébral. D’abord «stable» et «conscient», le Prix Nobelde la paix âgé de 93 ans a vu son état se dégrader, nécessitantson placement sous anesthésie et assistance respiratoire.

RECHUTE

Au tour des forces spécialesaméricaines de se retrouverdans le viseur de RodrigoDuterte. Le président philip-pin a affirmé lundi soir avoirordonné aux conseillers mi-litaires des Etats-Unis dequitter le sud du pays. Etcette déclaration risque demettre à mal une relation bi-latérale qui ne cesse de se dé-grader depuis l’arrivée deDuterte à la présidence enjuin. La semaine dernière, ilavait traité Barack Obama de«fils de pute» avant la tenueau Laos d’un sommet de l’As-sociation des nations del’Asie du Sud-Est. Lundi, lorsd’une réunion à Davao, laville dont il a été le mairependant plus de vingt ans,

Duterte a lié la guerre avecles indépendantistes musul-mans dans le sud du pays à laprésence des Etats-Unis, enrenfort depuis 2002. «Les for-ces spéciales, elles doivent s’enaller. Elles doivent quitterMindanao. Il y a beaucoup deBlancs là-bas. Si [les jihadis-tes] voyaient un Américain,ils le tueraient. Ils demande-raient une rançon, puis le

tueraient.» Avec la présencedes troupes américaines, «lasituation va empirer», a cu-rieusement pronostiqué Du-terte. «Tant que nous restonsavec l’Amérique, nous nepourrons jamais avoir lapaix.» Le Président n’a pasprécisé le nombre d’officiersconcernés, ni le calendrierenvisagé.Cette dernière déclarationva à rebours de la politiquede son prédécesseur, Beni-gno Aquino, qui avait nouéavec Obama une relationchaleureuse. En avril 2014,Manille et Washingtonavaient signé pour dix ansun ambitieux accord de coo-pération de défense renfor-cée, autorisant un renforce-

ment de la présence des GIen échange d’une protectionplus importante des Etats-Unis. Signé en grandepompe par les deux prési-dents, le texte réaffirmait lesliens philippino-américainsau moment où la Chine selançait dans une vaste opé-ration de poldérisationd’îlots et de récifs en mer deChine méridionale.Lundi, le porte-parole duprésident philippin, ErnestoAbella, a indiqué que cetteannonce «reflétait une nou-velle orientation vers une po-litique étrangère indépen-dante». Seul face au géantchinois. A.Va.PHOTO REUTERSLire l’article complet sur le site.

Duterte boute les militaires américainshors des Philippines

WATERPROOF

Hillary Clinton n’a qu’une pneumonie«Il n’y a pas d’autre problème médical non divulgué.» Le porte-parole d’Hillary Clinton a tenté de calmer les esprits mardi,après le malaise dont a été victime la candidate dimanche. Denouveaux documents médicaux seront bientôt rendus publics,a-t-il dit, avant de convenir: «Nous aurions pu mieux gérer lasituation et donner plus d’informations plus rapidement.»

CHECK UP

DU NORDLe chef de la diplomatieluxembourgeoise a appeléà exclure la Hongrie de Vik-tor Orbán de l’UE, au moinstemporairement. Mardi, àquelques jours d’un sommetà Bratislava sur l’avenir duprojet européen, le ministre aainsi déclaré au quotidien DieWelt que «ceux qui, comme laHongrie, bâtissent des clôtu-res contre des réfugiés deguerre, qui violent la libertéde la presse ou l’indépendancede la justice, devraient êtretemporairement, voire défini-tivement, exclus de l’UE».

AU SUDLa Nouvelle-Zélande durcitla lutte contre les violencesdomestiques. Alors que lepays détient le triste recorddu plus haut taux de violen-ces intrafamiliales dansl’OCDE, le gouvernement aannoncé mardi une refontede sa législation. Cinquantechangements seront ainsi ap-portés à la loi de protectionadoptée en 1995. Le plus no-table: l’interdiction des ma-riages forcés. Depuis 2011,300 jeunes filles ont failliépouser un homme contreleur gré dans le pays.

Combien d’hommes, defemmes et d’enfants ontperdu la vie depuis le débutde la guerre, il y a plus decinq ans, en Syrie? Le bilanest difficile à établir. LesNations unies ont renoncéen 2014. Quant à l’Obser-vatoire syrien des droitsde l’homme qui, commed’autres associations et or-ganismes, tente de comp-tabiliser les victimes de laguerre, il a estimé, mardi,le nombre de morts depuismars 2011 à 301 781, dont86692 civils parmi lesquels15099 enfants.

Mais depuis mardi, dans denombreuses villes et locali-tés, notamment celles te-nues par les rebelles, ciblesde bombardements inces-sants de l’aviation du ré-gime, les civils connaissentun peu de répit. La trêveentrée en vigueur lundisoir à la suite d’un accordaméricano-russe semblaitglobalement respectée. Lerégime syrien, qui a donnérapidement son accord–cequi ne rassure guère l’op-position–, a annoncé le gelde ses opérations militairesjusqu’à dimanche soir.

Dans l’est comme dansl’ouest d’Alep, les habitantsont veillé dans la rue lundijusqu’à minuit, profitantdu cessez-le-feu pour célé-brer l’Aïd, la fête musul-mane du sacrifice.Les Nations unies atten-dent néanmoins des garan-ties de sécurité pour leursconvois avant de lancer lesopérations humanitairesdont la population a cruel-lement besoin. Le scepti-cisme prévaut sur le succèsde ce nouveau cessez-le-feu, après l’échec de plu-sieurs tentatives.

En Syrie, une trêve fragile…et plus de 300000 morts3

Syriens arrêtés mardien Allemagne sontsoupçonnés d’avoireu des liens avec lesauteurs des attentatsdu 13 Novembre. Mahiral-H., 27 ans, MohamedA., 26 ans et Ibrahim M.,18 ans, «se sont rendus enAllemagne depuis la Tur-quie via l’île de Leros enGrèce [à l’automne 2015]par la même filière queles terroristes de Paris»,a indiqué le ministre alle-mand de l’Intérieur.Leurs faux passeportsproviennent du même«atelier» syrien. Ils sontsoupçonnés d’appartenirà une cellule dormante«s’apprêtant à accomplirune mission ou attendantl’ordre d’agir», selon leprocureur de la cour fé-dérale de Karlsruhe.

Après un bombardement sur un quartier rebelle d’Alep, dimanche. PHOTO AFP

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8 u Libération Mercredi 14 Septembre 2016

EXPRESSO/SUR LIBÉRATION.FRTu mitonnes, la compile Depuis 2009,les chroniques Tu mitonnes proposent découver-tes gustatives et recettes, d’abord dans le journal,puis sur le site de Libé. Elles ont été rassembléesdans un moteur de recherche. Et en bonus, une in-terview de Jacky Durand, aux textes et aux four-neaux, et Emmanuel Pierrot aux gifs et aux photos.PHOTO EMMANUEL PIERROT.

BouchonC’est l’une des propositions de prénom, avecCachou, Flocon, Neige ou encore Michka, pourbaptiser quatre des oursons nés dans les Pyré-nées en 2014 et 2015, rapporte France 3 Midi-Py-rénées. Proposé par l’association Pays de l’ours-ADET, ce scrutin public en ligne reprend une ini-tiative de 2010 qui avait eu son petit succès. Lesautres oursons nés à la même période sont bapti-sés par les Espagnols, précise l’association. Lesprénoms ont été proposés par des écoles des Pyré-nées qui ont travaillé sur l’ours.

«J’ai mis plusieursminutes à me dire:

“Mais qu’est-cequ’il [Denis

Baupin] veut?”»

C’est le quatorzième témoi-gnage depuis le début del’affaire Baupin: VéroniqueHaché, directrice d’Autolib,à Paris, a porté plainte enjuin contre le député EE-LV,dans le cadre de l’enquêtepréliminaire en cours pourharcèlement et agressionsexuelle et appels téléphoni-ques malveillants, ont révéléMediapart et France Intermardi. Les faits sont pres-crits mais «ce n’est pas à moide m’autocensurer», dit à cesmédias l’ex-conseillèretransports de Bertrand Dela-noë à la mairie de Paris. «Ilfaut que toutes les femmes

sachent qu’il ne faut pasavoir peur et qu’on se serreles coudes.» Véronique Ha-ché affirme avoir vouluprendre la parole après quel’affaire Baupin a éclaté,le 9 mai : Mediapart etFrance Inter y dévoilaienthuit témoignages (quatreanonymes et quatre à visagedécouvert) accusant Baupinde faits pouvant être quali-fiés de harcèlement sexuelet d’agression sexuelle, entre1998 et 2014. Contestantavec vigueur ces accusa-tions, Baupin démissionnaittoutefois le jour-même de lavice-présidence de l’Assem-

blée. Début juin, trois res-ponsables écologistes, la dé-putée Isabelle Attard,l’adjointe au maire du Mans,Elen Debost, et la secrétairenationale adjointe d’EE-LV,Sandrine Rousseau, por-taient plainte pour agressionou harcèlement sexuels.Pour Véronique Haché, lesfaits remontent à 2004. Elleest embauchée comme con-seillère transports au cabi-net de Delanoë. Elle travaillequasi quotidiennementavec l’élu Vert adjoint auxtransports, Denis Baupin.Un jour de juillet 2004, enfin de journée, il vient dansson bureau et suggère, à plu-sieurs reprises, qu’ils aientune relation sexuelle, dit-elle. «J’ai mis plusieurs mi-nutes à me dire : “Maisqu’est-ce qu’il veut ?” Je nem’attendais pas du tout à cegenre de propositions surmon lieu de travail.» Elle luidemande de quitter la pièce.Mardi, l’avocat de Baupin,Emmanuel Pierrat, réagis-sait, dans un communiqué:«Monsieur Denis Baupintient à indiquer qu’il a d’oreset déjà fourni à la police judi-ciaire tous les éléments per-mettant d’attester du carac-tère infondé des accusationsportées contre lui, y comprisde celle présentée ce jourcomme nouvelle et qui portesur une période remontant àune douzaine d’années.» •

DR

VÉRONIQUEHACHÉ

directriced’Autolib

«L’un dit vrai, l’autre faux.Voilà.» Le président du tribu-nal correctionnel a clôturémardi les débats du procèsdes bientôt ex-époux Cahu-zac sur ces mots, avant le ré-quisitoire du parquet, mer-credi, suivi des plaidoiries endéfense. Le procès s’achèvesur un sommet de mesquine-rie, caricature des combinesmédicalo-fiscales de Jérômeet Patricia Cahuzac puis deleurs chamailleries à la barre,se renvoyant mutuellementla responsabilité du déshon-neur. Il est question d’un troi-sième compte occulte, nonplus planqué dans des para-dis fiscaux, mais logé dans devieilles et bonnes banquesfrançaises, la Poste et la BNP,au nom de la mère de JérômeCahuzac, octogénaire. Encore

une façon de ne pas déclarerl’argent des «patients» capil-laires des époux. Entre 2003et 2010, ce compte au nom deThérèse Cahuzac a encaissé240000 euros. Dont 150000ont été décaissés pour finan-cer les vacances familiales,chaque été à l’hôtel Hermi-tage de La Baule. Mais pour-quoi diable ne pas déclarerles fonds en les imputant à samère?Jérôme: «On s’habitue,l’exceptionnel devient habi-tuel.» Patricia est solidairesur ce point: «Il y avait une

fraude ambiante chez les mé-decins, du moins les libérauxnon soumis au régime de la sé-curité sociale.» Pour le reste,tout diverge. Madame pointeles «goûts de luxe» de Mon-sieur, quand elle se seraitcontentée d’une «maison-nette sur Belle-Ile» ou d’un«poulet rôti à la campagne».Jérôme concède qu’il auraitdû «évidemment restreindreleur train de vie».Entrons dans la logistiquebancaire. Le compte de Thé-rèse, la mère, est alimentépar des chèques français depatients hexagonaux opérésà Paris. Libellés à l’ordre duDr Cahuzac, de Mme Cahuzacou à blanc, ouvrant dès lors lechamp des possibles affecta-tions. Patricia: «Je dépose leschèques sur le bureau de mon

mari. Ensuite, c’est lui quidispatche.» Jérôme corrigeaussitôt : «Pas mon bureau,mais notre bureau. Puis onrépartit : je décide pour meschèques, elle décide pour lessiens.» Qui les remet ensuiteen mains plus ou moins pro-pres à la mère ou belle-mère?Cela ne peut être que son fils,assure la belle-fille. «L’un oul’autre», rétorque-t-il. Lecomble est atteint à l’évoca-tion d’une ultime remise dechèque à la vieille dame, enjuillet 2010 (qu’elle encais-sera en novembre). La dateest importante: pour causede prescription pénale à par-tir de la découverte du potaux roses, celui des deuxépoux qui l’a remis pourraêtre poursuivi, l’autre pas.

R.L.

Les Cahuzac sombrent dans le Clochemerle fiscal

À LA BARRE

Six mois après l’annonce del’ouverture de centres dedéradicalisation dans tou-tes les régions françaises, lepionnier, implanté sur ledomaine de Pontourny, àBeaumont-en-Véron (Indre-et-Loire), était présentémardi. Son ouverture a faitdébat au niveau local, avecles craintes des riverains, etnational, avec les questionssur l’efficacité d’une struc-ture qui ne concerne quedes individus en voie de ra-dicalisation et volontairespour y passer dix mois. «Cen’est pas une prison», souli-gne la directrice du Centreinterministériel de la pré-vention de la délinquance etde la radicalisation. C’est un«établissement médico-so-

cial» où interviendront psy-chologues, enseignants etéducateurs. Outre les pres-tataires, le centre compteune trentaine de salariés,pour 25 pensionnaires pré-vus début 2017. La pratiquede la religion sera canton-née aux seules chambres.Les smartphones sont per-mis (sans réseau…) mais lesvisites interdites. Les pen-sionnaires pourront néan-moins sortir un week-endtoutes les quatre ou six se-maines. Olivier Chasson, ledirecteur du centre, racontecomment, quand il parle autéléphone avec ses futurs«volontaires», ils manifes-tent «l’envie de sortir de cequ’ils sont». E.G.Lire en intégralité sur Libé.fr

Portes ouvertes au premiercentre de déradicalisation

Au centre de Beaumont-en-Véron. PHOTO L.TROUDE

25%à peine des enfantssourds bénéficientd’un accompagnementhumain à l’école. Etautour d’un tiers dispo-saient, en 2014-2015, dematériel adapté (microsans fil porté par l’ensei-gnant pour les élèves por-teurs d’un implant co-chléaire, par exemple). Laloi est pourtant censéegarantir aux enfantsayant un handicap audi-tif la même scolarisationqu’aux autres. Mais à cha-que rentrée, l’Associationnationale des parentsd’enfants sourds (Anpes)reçoit une flopée de té-moignages de famillesdésemparées. Face à cettesituation, l’Anpes comptesaisir la Cour européennedes droits de l’homme.A lire sur Libé.fr

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Libération Mercredi 14 Septembre 2016 www.liberation.fr f facebook.com/liberation t@libe u 9

LA MATINALE

GUILLAUMEDURAND

TOUS LES JOURS, DE 7H30 À 9H

PARIS 101.1 FM

L a r a d i o q u i c h a n g e d e s r a d i o s c l a s s i q u e s

LE DÉCRYPTAGE

SUR LIBÉRATION.FRL’éolien traîne la pale Indispensablepour rééquilibrer le mix électrique, la filièreéolienne tente de se faire une place enFrance. Pas facile au pays du nucléaire et durecours juridique permanent. Alors, on veutdu vent dans les pales ou on n’en veut pas ?Explications à l’occasion du colloque annuelde l’éolien. PHOTO PHILIPPE HUGUEN. AFP

Mardi, une trentaine de mili-tants déguisés en kangou-rous ont investi le hall dusiège d’Engie (ancien GDF-Suez), à La Défense. Les acti-vistes, membres d’ONG en-vironnementales, ont ré-clamé à grands cris etchorégraphies la fermeture

de la centrale à charbon deHazelwood, en Australie,l’une des plus vieilles et pol-luantes au monde, dont En-gie est le propriétaire. Elleest au centre d’une des plusgraves catastrophes environ-nementales de l’histoire aus-tralienne. En février 2014, un

incendie, démarré dans lamine de charbon, s’est rapi-dement propagé et a envoyé,pendant quarante-cinqjours, fumées toxiques etcendres alentour. «Depuisdébut 2016, Engie vend descentrales à charbon partoutdans le monde. L’entreprise

veut se présenter comme ver-tueuse, alors qu’en réalité cescentrales continueront defonctionner, contribuantinexorablement à la crise cli-matique», explique MalikaPeyraut, des Amis de laTerre. A.Mt.A lire en intégralité sur Libé.fr

Engie traîne sa vieille centrale australienne

L’OL sous pression face à ZagrebAprès le PSG contre Arsenal mardi soir, l’AS Monaco et l’Olym-pique lyonnais entrent en lice ce mercredi en Ligue des cham-pions, respectivement à Tottenham et à domicile contre leDinamo Zagreb. Les deux clubs abordent la compétition dansdes dispositions contraires. Après deux défaites de rang enchampionnat, les Lyonnais et leur coach Bruno Genesio(photo) n’ont pas droit à l’erreur: Zagreb est a priori l’équipela plus faible du groupe (où l’on trouve aussi la Juventus etle FC Séville), et ne pas prendre 3 points contre elle hypothé-querait les chances de qualification. Quant aux Monégasques,ils ont bien préparé leur déplacement à Londres en allantétriller Lille 4-1 pour prendre la tête de la L1. PHOTO AFP

Quand Fillon pistonnait Ciotti pourqu’il échappe au service militaire

Dans le Canard enchaîné de cette semaine, onapprend, reproduction de document à l’appui,qu’un certain François Fillon a tenté, en jan-vier 1991, d’épargner à un certain Eric Ciotti

de faire son service militaire. A l’époque député RPR, le futurPremier ministre avait ainsi écrit au ministre de la Défense,son «cher ami» Jean-Pierre Chevènement. Pas de chance pourCiotti, âgé à l’époque de 25 ans et assistant parlementaire deChristian Estrosi (déjà député RPR des Alpes-Maritimes): Che-vènement s’apprête alors à démissionner sur fond de désac-cord lié à la guerre en Irak. D’après le palmipède, c’est finale-ment la grossesse de sa femme qui permettra à Ciotti d’obtenir«une dispense au titre du soutien de famille». L’archive exhu-mée ne manque pas de sel, compte tenu du militantismeacharné de Ciotti pour rétablir le service militaire.

TIR AU FLANC

Gérard Rondeau,dernier portraitUn dos de femme callipyge, ennoir et blanc, sur lequel étaitécrit : «Regarder à se crever lesyeux, à éclater le crâne, avec lesyeux de derrière les yeux, dederrière la tête, comme unaveugle avec un grand cri lumi-

neux.» Gérard Rondeau avait adopté cette phrase de l’écrivainRoger Gilbert-Lecomte, jusqu’à l’inscrire sur une femme nuepour une photo. Le photographe, célèbre pour ses portraits d’ar-tistes et d’écrivains, est mort mardi. Né en 1953 à Châlons-sur-Marne, il avait beaucoup voyagé «dans des pays en souffrance»avec Médecins du monde, et chroniqué la vie à Sarajevo durantla guerre. Mais ce sont ses portraits en noir et blanc et formatcarré que l’on retient, sans sourire, trop «anecdotique». Reimslui avait consacré, en 2015, une grande exposition. PHOTO VU

DISPARITION

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10 u Libération Mercredi 14 Septembre 2016

A Syrte,la victoire àportée de fusil

Libye Pris en étau, les snipersde l’Etat islamique n’ont toujourspas capitulé, même si l’issuede la bataille dans leur fief nefait guère de doutes. Sûres de leuravantage, les forces de Misrataavancent à pas comptés.

Une fois franchi le monticule desable qui barre la route côtière,le centre de Syrte s’offre à la vue

des passagers. Ou ce qu’il en reste : àgauche, la Méditerranée et ses plagesabandonnées alors que la chaleur esti-vale et la fête de l’Aïd el-Kébir invitentà la baignade ; à droite, des amas decarcasses de bétons sur deskilomètres ; au centre, laroute côtière dont le bitumeest recouvert de bris de vitres, de moel-lons explosés et de tiges de fer, vestigesd’anciens immeubles.Comme ville, Syrte, l’ancien bastionkadhafiste et berceau de l’Union afri-caine, n’est plus. Elle s’est reconvertieen champ de bataille pour guérilla ur-baine. Un trou dans le mur, un bout dejean qui pend à côté, une commode ins-

ParMATHIEUGALTIERenvoyé spécial àSyrte et Misrata(Libye)PhotosLORENZOMELONI.MAGNUM

MONDE

tallée juste en dessous: c’était le lieu detravail des snipers de l’Etat islamique àSyrte depuis mai et le début de l’opéra-tion al-Bunyan al-Marsous («structuresolide»), lancée par le gouvernementd’union nationale –reconnu par la com-munauté internationale– et menée engrande partie par les forces de Misrata.

«Le sniper s’allongeait sur lacommode pour se stabiliser,décrit Youssef, 19 ans,

membre de la brigade misratie Al-Marsa. Le trou est dans l’axe de la fenêtrede la salle de bains qui donne directe-ment sur la route. S’il tirait directementdepuis la fenêtre, il était moins protégé.Le pan de jean, c’est pour s’essuyer lesmains et les yeux.» L’immeuble en ques-tion se trouve dans une rue parallèle àla mer, à l’entrée du district numéro 3,

REPORTAGE

là où s’est réfugiée dans une zone de unkilomètre carré la centaine –entre 90et 120 selon les estimations du com-mandement miliaire d’al-Bunyan al-Marsous– de combattants de l’Etat is-lamique. «Quand ils ont vu qu’ils nepourraient pas résister, les snipers del’immeuble s’y sont réfugiés, assureYoussef. Ils sont encore vivants.» Maisson chef, Mouftah Salem, n’a aucundoute sur l’issue: «Nous allons gagner,ce n’est qu’une question de jours. Ilssont trop peu nombreux pour noussurprendre.»

UN TROU DANS LE MUR POUROBSERVER AVEC DES JUMELLESMais le sifflement des balles à interval-les réguliers prouve que les jihadistesn’ont pas encore capitulé. «Le problème,

c’est que leurs tireurs changent constam-ment d’immeubles, explique AbdallahKarim, 20 ans, de la brigade DéfenseMisrata. On est là pour surveiller leursmouvements et prévenir les autres parradio pour qu’ils sachent les zones à évi-ter.» Avec ses compagnons d’armes, iloccupe une école à proximité du bureaude la banque centrale. L’ennemi a sespositions à 200 mètres de là.Abdallah Karim utilise la même techni-que que l’adversaire : un trou dans lemur le plus petit possible pour scruterà la jumelle le mouvement des terroris-tes. En guise de commode, il s’assoit surun bureau d’écolier. A ses côtés un PKT,une mitrailleuse soviétique. Les com-battants restent deux jours au frontavant de se reposer vingt-quatre heurespour garder l’esprit clair.

Sur le frontde l’Ouest,

deux combattantslibyens tentent

d’éviter les ballesdes snipers de l’EI,

à Syrte, en juillet.

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Libération Mercredi 14 Septembre 2016 www.liberation.fr f facebook.com/liberation t@libe u 11

Lorenzo Meloni, 33 ans, est photogra-phe à l’agence Magnum. Il a effectuéplusieurs séjours en Libye depuis la ré-volution, en 2011, dont deux cet été,qu’il raconte pour Libération.

«Au fil des ans, la sécurité dans le paysne s’est pas améliorée. Les gens réali-sent qu’après la dictature de Kadhafi,la liberté a un prix élevé. A Syrte, lescombats sont très durs. Il y a énormé-ment de tués et de blessés. Dans lesguerres, ceux qui attaquent ont tou-jours plus de pertes que ceux qui dé-fendent. Les combattants des brigadesde Misrata font de leur mieux, mais cene sont pas des professionnels. Ils ontl’expérience de la révolution, maisn’ont jamais reçu d’entraînement mili-taire. Il y a des pièges explosifs par-tout, et des attaques à la voiture pié-gée. Pour les non-combattants, lesambulances, les photographes, la villeest beaucoup plus dangereuse.«Il n’y a pas de retraite possible à Syrte.Ni de reddition. Je n’ai jamais vu de pri-sonnier. Personne ne veut s’approcherd’un jihadiste car il y a toutes les chan-ces qu’il porte une ceinture explosive.J’ai travaillé au Yémen, en Irak, en Sy-rie, au Liban, à Gaza… La façon de sebattre est similaire, mais chaque villeest différente. A Syrte, il n’y a pas de ci-vils. Les soldats ne sont pas originairesde la ville, ils viennent juste pour com-battre. Ils ne connaissent pas les quar-tiers, les rues, ils n’ont pas de con-nexion avec Syrte, c’est pour eux uncorps étranger. Certains sont venusen 2011, c’était déjà pour se battre.Dans la banlieue, quelques civils com-mencent à revenir. Dans le centre-ville,il n’y a personne. En 2011, c’était déjàdétruit. Aujourd’hui, c’est encore pire.On a parfois du mal à distinguer ce quiest de la destruction récente ou de laruine de 2011. Les jihadistes ont laisséderrière eux des prisons, des ateliers,des mosquées… Il y a tous les vestigesd’une société disparue.»

Recueilli par C.MC.

«LES HOMMESN’ONT AUCUN LIENAVEC LA VILLE,ILS VIENNENT JUSTEPOUR COMBATTRE»

Le quartier Dollar, ainsi nommé car ilétait prisé des riches Syrtois, est officiel-lement aux mains de forces gouverne-mentales. Mais le drapeau noir flottetoujours dans la cour de justice, car lebâtiment reste trop exposé aux tirs. «Lesordres sont d’empêcher l’ennemi de sortirde la zone de un kilomètre carré où ilssont encerclés, mais nous n’avons pasl’ordre d’attaquer», dit Mouftah Salem,le chef de la brigade al-Marsa.

ÉVITER LES PERTES INUTILESDébut août, les bombardements améri-cains ont accéléré l’avancée d’al-Bunyanal-Marsous dans Syrte. Ils ont notam-ment permis de déloger l’Etat islamiquedu centre de conférences Ouagadougouqui leur servait de quartier général. Lesite n’est plus que gravats de pierres et

suie, résultat des incendies post-bom-bardements.La victoire est certaine. L’Etat islamiquen’a plus aucune chance de reprendrele pouvoir dans ce qui a été sa capi-tale libyenne à partir de juin 2015.Mais la stratégie a changé. Les chefsmilitaires veulent éviter les pertes inuti-les : depuis mai, plus de 530 hommessont morts et plus de 2500 ont été bles-sés. Face aux snipers, aux voitures pié-gées et aux nombreuses mines, uneattaque massive entraînerait de lourdespertes que les soldats ne sont pasprêts à accepter. Sur le front, tout lemonde connaît un camarade amputéou défiguré. C’est ce que ces jeunesgens, parfois encore des adolescents,redoutent le plus : «Si un sniper mevise, je prie pour qu’il ne me rate pas»,

admet un combattant qui préfère garderl’anonymat.L’option choisie? Celle d’un resserre-ment progressif de l’étau. La zone con-trôlée par l’EI compte des combattantsmais également leurs familles. En cettepériode d’Aïd el-Kébir, fête du sacrifice,al-Bunyan al-Marsous a ouvert quel-ques heures une voie afin de laisser par-tir les femmes et les enfants. Mais lesfemmes sont souvent des combattantes.Et elles n’hésitent pas à se faire exploserdevant les lignes ennemies. Après latrêve, les combats, les derniers, de-vraient reprendre. Les hôpitaux sont vi-des, les blessés les plus graves ont étéévacués, notamment en Tunisie: «Noussommes prêts à accueillir les prochains,probablement dès aujourd’hui», glisseun infirmier de l’hôpital de Misrata.•

Mer Méditerranée

LIBYE

ÉGYPT

ESO

UDAN

ALGÉRIE

NIGER

TCHAD

TUNISIE Misrata Tobrouk

Tripoli

Gatrun

Syrte BenghaziDerna

AjdabiyaRas Lanouf

As-Sidra

ALG

ÉRIE

Zones contrôléesVilles contrôlées

par l’Etat islamiquepar Misrata et ses alliés*

par les Touaregspar Khalifa Haftar et ses alliés

*ont fait allégeance au gouvernementd'union nationale de Faïez el-Serraj 150 km

Suite du reportage photo page 12

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12 u Libération Mercredi 14 Septembre 2016

En vingt-quatre heures, Khalifa Haftara fait basculer le conflit libyen dansune nouvelle dimension. Sa force mili-

taire, autoproclameé Armée nationale li-byenne (ANL), a pris, dimanche et lundi,le contrôle des ports de Ras Lanouf, As-Sidraet Zueitina. Ces installations sont situéesdans le croissant pétrolier, qui repré-sente 60% des réserves d’or noir du pays, esti-mées à environ 47 milliards de barils. C’estdonc un trésor de guerre qu’a réussi à prendrel’ancien officier de Kadhafi, devenu le brasarmé du gouvernement de Baïda, dans l’estdu pays. Les combats n’ont pas été violents,

car à Ras Lanouf comme à As-Sidra, les gar-diens des installations pétrolières ont rapide-ment déposé les armes à l’arrivée de l’ANL.

«Agression». Pour la plupart originaires deCyrénaïque, la région orientale de la Libye, ilsont obéi aux ordres de leurs chefs tribaux quileur avaient demandé de ne pas combattre.Ibrahim Jedran, le responsable des gardiensdes installations pétrolières, a disparu. Ilaurait pu trouver refuge à Tripoli. A 35 ans, lechef de brigade, qui contrôlait les sites ducroissant pétrolier depuis l’été 2013, avait ral-lié en début d’année le gouvernement d’union

nationale (GNA) de Faïez el-Serraj, reconnupar la communauté internationale. En juillet,Jedran et le GNA avaient signé un accordpour une reprise de la production de pétrole.Martin Kobler, le chef de la mission de l’ONUen Libye, exige un «arrêt immédiat des hostili-tés» et la reconnaissance du GNA comme«seule autorité exécutive en Libye». Ali AbouSitta, conseiller municipal de Misrata, estsceptique: «Ce ne sont que des mots, nous vou-lons des actes. L’ONU doit mettre une vraiepression pour empêcher Haftar de nuire.»Outre la mainmise sur l’or noir, l’avancée mili-taire de l’ANL accélère un possible affronte-ment entre les deux blocs. Dimanche, le gou-vernement a dénoncé une «agressionflagrante contre les acquis du peuple libyen,qui porte atteinte à la souveraineté nationale»et appelé à contre-attaquer: «Toutes les unitésmilitaires doivent accomplir leur devoir natio-nal avec courage et sans hésitation.»

Après le raid de dimanche, l’ANL se trouveà 200 kilomètres de Syrte, que les brigades deMisrata sont en passe de contrôler, au détri-ment de l’Etat islamique (EI) (lire ci-contre) etau nom du GNA. Chef du conseil militaire deMisrata, Ibrahim Baïthimal, ne cache pas soninquiétude et sa rage: «Haftar peut mainte-nant lancer des bombardements aériens surSyrte pour tuer nos hommes sous couvert decombattre les jihadistes.»

Zone tampon. Khalifa Haftar serait mêmeen capacité de bombarder Misrata, selon dessources militaires. La délitement de l’EI àSyrte a en effet mis fin à la zone tampon quiexistait entre les deux «armées». Plus la ba-taille aura lieu rapidement, plus Haftar pourraen profiter: les brigades de Misrata sont épui-sées physiquement et moralement par leurcombat contre l’EI à Syrte.

M.G. (à Syrte)

Haftar met la main sur l’or noirLes troupes de l’incontrôlable général ont pristrois grands ports pétroliers jusque-là dansle giron du gouvernement d’union nationale.

A Syrte,des soldats

libyens,au mois de

juillet, et uneéquipe de

démineurs (àdroite, photocentrale), enseptembre.

MONDE

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Libération Mercredi 14 Septembre 2016 www.liberation.fr f facebook.com/liberation t@libe u 13

P our Virginie Collombier, directriced’un groupe de recherches sur laLibye à l’Institut universitaire

européen, le cadre politique soutenu parla communauté internationale pour faireavancer le processus de paix est «mal-heureusement dépassé», car les nou-veaux affrontements ont bouleversé lesrapports de force sur le terrain.L’Etat islamique est quasimentchassé de Syrte. Quel est son aveniren Libye ?Le symbole est fort. Dans sa communica-tion, l’EI a utilisé Syrte comme un exem-ple de son expansion territoriale au-delàde la zone syro-irakienne. Les affronte-ments ont été extrêmement violents: lespertes sont lourdes, tant du côté des bri-gades de Misrata, placées sous l’autoritédu gouvernement d’union nationale(GNA) que de l’EI. Des jihadistes ont-ils,malgré tout, pu fuir la ville? Les forcesprogouvernementales ont tenté de filtrerles sorties, mais certains ont vraisembla-blement pu s’échapper. Après la phased’éparpillement des survivants, ils pour-raient tenter de se regrouper à nouveau.Dans le sud du pays, à Sebha, des com-munautés auraient été approchées de-puis plusieurs mois. Il y a aussi un risquede retour dans les pays voisins. La Tuni-sie, et par conséquent l’Algérie, sont trèspréoccupées par ce risque.Cette victoire contre l’EI va-t-elle ren-forcer le Premier ministre, Faïez el-Serraj, en quête de légitimité ?Penser que la bataille de Syrte allait réu-nifier les différentes forces armées li-byennes, comme l’espérait El-Serraj, aété une erreur. Ce sont les brigades deMisrata qui ont mené, quasiment à ellesseules, les combats. Tout le mondeconnaît la priorité de l’Occident: la luttecontre le terrorisme. En expulsant l’EI,en sacrifiant des hommes pour la cause,Misrata sait qu’elle acquiert une crédibi-lité politique. Son poids au sein des ins-tances gouvernementales va en être ren-forcé. El-Serraj ne dispose d’aucune forcearmée propre. Il a besoin des brigades deMisrata pour peser militairement. Dansl’autre sens, Misrata a besoin d’El-Serrajpour bénéficier d’une couverture politi-que nationale et d’une bénédiction inter-nationale.L’attaque menée par les troupes deHaftar sur les sites pétroliers annon-ce-t-elle un nouveau front ?Géographiquement, politiquement etéconomiquement, le croissant pétrolierdevient l’enjeu principal en Libye. C’estun nouvel épisode de la confrontation

entre les deux blocs, Est et Ouest. Les car-tes sont rebattues: le cadre politique del’accord de Skhirat [qui prévoyait l’instal-lation du GNA et sa reconnaissance parles institutions parallèles, ndlr] est quasi-ment mort. Sa mécanique, et les insti-tutions sur lesquelles il devait reposer,semblent désormais artificielle. Car la si-tuation a changé sur le terrain. Misrataa gagné en importance à l’Ouest, et Haf-tar a renforcé son emprise sur l’Est. Dèsl’origine, cet accord ne faisait pas con-sensus, et les blocages sont devenus tropimportants. Le pari de la communautéinternationale, qui a fait pression poursa mise en œuvre, a échoué.Haftar refuse la tutelle du gouverne-ment, attaque les ports pétroliers :il semble être un obstacle au proces-sus de paix…Attention, ce n’est pas qu’un empêcheurde tourner en rond. Il a le soutien d’unepartie de la société libyenne. Pour lesgens de l’Est, il est celui qui a rétablila sécurité, en particulier à Benghazi,en menant le combat contre les «terroris-tes» responsables des attaques et des as-sassinats qui ont ensanglanté la villeaprès 2012. Face à Haftar, l’alliance desrévolutionnaires de Benghazi rassembledes forces très diverses, et pas seulementdes jihadistes. Mais cela compte peu pourune grande partie de la population: il aréussi à pacifier la ville malgré sa des-truction partielle. Haftar n’est pas qu’unmilitaire orgueilleux. Il a une vraie basesociale et un vrai poids militaire. On nepeut pas faire comme s’il n’existait paset proclamer que le processus de paixdoit avancer sans lui.Beaucoup de pays étrangers sont im-pliqués en Libye. Va-t-on assister à denouvelles alliances ?La situation se complique beaucoup pourles Occidentaux. Les Américains, les Bri-tanniques et les Italiens soutiennentouvertement les brigades de Misrata, pla-cées sous l’autorité du GNA, à Syrte. Enface, la France, l’Egypte, la Russie et lesEmirats aident Haftar dans l’Est. Mais s’ily a une confrontation directe entre lesdeux blocs, que faire? Le discours quiconsiste à dire «on participe à la luttecontre le terrorisme mais on ne prend paspartie pour un camp contre l’autre» netient pas. Nous sommes entrés dans unenouvelle phase de la compétition entredeux camps libyens qui s’affrontent pourles ressources et le pouvoir, et les Occi-dentaux risquent de se trouver directe-ment mêlés à la bataille.

Recueilli par CÉLIAN MACÉ

«Le croissant pétrolierdevient l’enjeuprincipal en Libye»

DR

Selon la chercheuse VirginieCollombier, la prochaine défaitede l’Etat islamique à Syrte etl’offensive de l’armée du généralHaftar «rebattent les cartes».Les deux blocs, Est et Ouest,qui se disputent le pouvoirpourraient désormais s’affronterdirectement.

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14 u Libération Mercredi 14 Septembre 2016

Un cortège sombre et silen-cieux. Ce mercredi matin,devant l’hôtel de ville de

Martigues (Bouches-du-Rhône), lesblouses blanches vont se rassem-bler, à l’initiative de la Coordinationnationale des infirmières (CNI), quiappelle également à la grève danstoute la France. Les participants«sont invités à porter un brassardnoir sur leur tenue professionnellepour un témoignage de respect à noscollègues décédés cet été».S’agit-il d’une mise en scène un brinmacabre ? Nullement. «C’est l’ex-pression d’une grande inquiétude»,note la CNI. Au moins cinq infir-miers se sont en effet suicidés de-puis le mois de juin dans des struc-tures médicales. Des drames isolés,d’abord personnels, tous impossi-bles à expliquer par une seule cause.Il n’empêche, ils se sont répétés. Etces gestes désespérés semblentfaire écho à un climat lourd et

ParAMANDINE CAILHOLet ÉRIC FAVEREAU

Suicides Au moins cinqsoignants se sont donnéla mort cet été. Des dramesqui mettent en lumièrela souffrance despersonnels hospitaliersface à leurs conditionsde travail et au manque deréponse de leur hiérarchie.

INFIRMIERSDans les couloirsdu désespoir

Nombreux sontles infirmiers à dénoncer

la pression et le stressqui règnent dans les

services hospitaliers.PHOTO ALBERT FACELLY

FRANCE

pesant que l’on ressent dans lemonde des soignants. «C’est au mi-nimum un symptôme, lâche un an-cien directeur des hôpitaux. Danstous les établissements, le manquede personnel et la hausse de l’activitéfragilisent les gens. Mais on n’a rienfait, on s’y est habitué. C’est un para-doxe, mais dans le monde hospita-lier, il n’y a aucune sensibilité à lasouffrance au travail.»

«RESTRUCTURATION»C’était le 24 juin au Havre, un ven-dredi matin. Une infirmièrede 44 ans, en poste de nuit augroupe hospitalier, rentre chez elle.Et se pend. Elle a laisséune lettre à son mari, avecdes mots sans ambiguïté.«Le centre hospitalier du Havre esten restructuration. On avait pré-venu des tensions, nous raconteAgnès Goussin-Mauger, infirmièreet secrétaire du syndicat CGT mixtemédecin infirmier. En février, onavait eu un comité de restructura-tion, tous les syndicats s’étaient op-posés à la façon de procéder. Les

agents avaient évoqué leur stresset leur angoisse. La direction estpassée outre.»Tout s’est joué à la maternité del’hôpital du Havre. La directionavait demandé au personnel soi-gnant d’être «polyvalent», maîtremot pour accompagner le change-ment. Depuis des années, cette in-firmière était en pédiatrie. Mère dedeux enfants, elle travaillait de nuità mi-temps. Avec la polyvalence, onlui avait indiqué qu’elle pourrait seretrouver en réanimation néona-tale. Elle ne le voulait pas ; ellel’avait dit et répété. A plusieurs re-prises, les syndicats sont montés au

créneau, insistant sur lefait que «la polyvalencedemandée aux agents en

pédiatrie était dangereuse, surtouten réanimation pédiatrique où le ni-veau de stress est maximum». Rienn’y a fait. Elle n’a pas supporté, ellea laissé une lettre; elle se serait alar-mée du cas d’un enfant qu’elle avaitpris en charge, dix jours plus tôt, enréanimation et aurait mis en doutesa capacité à occuper ce poste.

ENQUÊTE

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Libération Mercredi 14 Septembre 2016 www.liberation.fr f facebook.com/liberation t@libe u 15

A l’hôpital, cela a été évidemmentla stupeur. La direction s’est dite ef-fondrée. Dans un communiqué, ellea salué ses «qualités professionnel-les». «Quand on a fait une demanded’accident de service, ajoute la syn-dicaliste, la direction n’a pas daignérépondre.» «J’en veux à cette pres-sion qu’on colle aux infirmières, cespetites mains totalement indispen-sables au fonctionnement de l’hôpi-tal», a déclaré le mari de l’infir-mière. Dans le groupe hospitalierdu Havre où travaillent plusde 4 500 personnes, il y a un seulmédecin du travail. Et un poste etdemi de psychologue.

«HARCÈLEMENT»A Saint-Calais, près du Mans, c’estun cadre de santé d’une maison deretraite dépendant de l’hôpital quis’est suicidé le 30 juin. L’histoire estbien sûr différente, «avec un con-texte local particulier», insiste Phi-lippe Keravec, responsable CGTdu Mans. Il n’empêche, là commeau Havre, difficile de croire quel’hôpital et l’Agence régionale de

santé n’étaient pas au courant dela tension.Voilà un homme de 50 ans, avecune longue expérience, d’abord engériatrie puis en psychiatrie. L’an-née dernière, il était parti en forma-tion pour devenir cadre de santé,poste qu’il occupait déjà en intérim.Au printemps, il est revenu à la Mai-son du repos, qui accueille 45 rési-dents âgés de plus de 60 ans. Ason retour, la direction de l’hôpitallui fait une série de reproches por-tant sur des détails. «Il avait ré-pondu point par point, note leresponsable de la CGT. Mais l’am-biance est détestable. Il y avait uncontexte de harcèlement de la direc-tion, et cela depuis longtemps.»«Dès 2015, on avait alerté l’Agencerégionale de santé et la préfecture,insiste Marc Gandon, syndicalisteà FO. Nous étions très inquiets etcela s’est confirmé.»Ce jour-là, il a tout préparé. Il étaitchez lui. A ses côtés, une pochettepour sa belle-sœur, employée elleaussi à l’hôpital, «à ouvrir en cas dedécès». A l’intérieur, une série de

lettres adressées à l’hôpital ou en-core à l’ARS, dans lesquelles il nom-mait les responsables de sa situa-tion. Depuis, l’Inspection généraledes affaires sociales a lancé une en-quête, sa famille a porté plainte, leparquet a décidé d’ouvrir une infor-mation judiciaire. Et les syndicatsvont engager leur droit d’alerte,«tant la situation reste insupporta-ble». «La seule chose qui nous im-porte, c’est la qualité de notre tra-vail», lâche un proche de la victime.

«SOUS-EFFECTIF»Changement radical de décor. Nousvoilà dans le magnifique hôpitalRangueil, au CHU de Toulouse,grande réussite de la médecine hos-pitalière à la française. L’établisse-ment est toujours classé dans lehaut des palmarès des hôpitaux.«Mais pas en termes de gestion desressources humaines, tranche JulienTerrié, manipulateur radio et secré-taire du CHSCT central des hôpi-taux de Toulouse. Au CHU, il n’y arien, on ne fait rien, le personnel n’aqu’à s’adapter, c’est le seul leitmotivque l’on entend depuis des mois,voire des années.»Ce lundi 13 juin au matin, une collè-gue découvre le corps d’un infir-mier dans son minuscule bureau.L’homme a mis sa blouse. Agéde 55 ans, il est connu et très appré-cié. Il travaille depuis plus de trenteans dans l’établissement, dontvingt-six ans en chirurgie cardio-vasculaire, puis dans le serviced’hypertension artérielle thérapeu-tique. «On est dans un contexte derestructuration. C’est quelqu’un qui,depuis plusieurs mois, se plaignaitouvertement à ses collègues de sa si-tuation», note Julien Terrié.Quand on regarde son histoire, onne peut qu’être surpris par la non-prise en compte de cette souffrance.C’est un professionnel avec une so-lide expérience. Avec l’âge, il a desdifficultés à soulever et déplacer lescorps des malades. En 2011, on leforce à quitter son travail en réa, etle voilà chargé des Holter (un dispo-sitif portable qui permet l’enregis-trement en continu de l’activité ducœur). Seul dans un petit bureau, ilne se plaît pas à ce poste. «C’était dugâchis. Pourquoi ne se sert-on ja-mais des expériences des gens ?» Etle responsable syndical d’enfoncerle clou: «Ici, il n’y a aucune politiquede prévention. Rien n’est mis enplace. Le fond du problème, c’estbien sûr le sous-effectif. Chacun doitprendre sur sa vie privée.» Les syn-dicats du CHU estiment entre 500et 1000 le nombre de temps pleinsqui manquent.Après ce drame, la direction duCHU a reconnu avoir appris le décèsde deux autres professionnels de

santé par suicide, en dehors de leurlieu de travail : un infirmierde 41 ans, du service des urgencesde l’hôpital Purpan (également rat-taché au CHU de Toulouse), re-trouvé sans vie dans son véhiculele 20 juin, et une aide-soignantede 51 ans, morte à son domicilele 1er juillet. Enfin, une étudiante àl’Institut de formation en soins in-firmiers s’est également tuée chezelle le 21 juin. Des actes éclatés? Uneexpertise sur la prévention des ris-ques vient d’être décidée à Tou-louse, et la direction du CHU a re-connu le suicide de ce cadre desanté comme accident de travail.

«PERTE DE SENS»A Reims, dans la Marne, ce sontdeux infirmières qui se sont suici-dées en trois semaines. La pre-mière, âgée de 51 ans, s’est donné lamort le 23 juillet. La seconde,46 ans, le 13 août. Toutes deux ontchoisi de mettre fin à leurs joursloin de leur lieu de travail. Mais ellesexerçaient dans le même servicemédical interprofessionnel de la ré-gion de Reims (Smirr). Un petit ser-vice de santé au travail qui comp-tait, jusqu’à cet été, cinq infirmières,évoluant dans une ambiance «trèspesante», selon une journaliste lo-cale. Là aussi, les conditions de tra-vail ont-elles pu jouer sur la déci-sion des deux femmes ? Trop tôtpour le dire. L’audit, lancé par la di-rection après ces deux drames, de-vra faire la lumière sur certains faitstroublants que dénonce le syndicatnational des professionnels infir-miers (SNPI). Selon le syndicat, l’in-firmière de 46 ans «était revenue de-puis peu de temps d’un arrêt detravail de plusieurs mois, aprèsavoir dénoncé le harcèlement moralet sexuel dont elle était victime de la

part de son supérieur hiérarchique».Depuis, ce dernier aurait été «écartéde son poste». Quant à sa collègue,elle serait, elle aussi, passée par lacase arrêt maladie, au moins unefois. Contactée par Libération, la di-rection du Smirr a refusé de com-menter ces informations.Au-delà de la situation du Smirr, lescas d’absentéisme, ou encore deturnover, ne sont pas rares dans laprofession, selon Nadine Rauch,présidente du Groupement des in-firmier(e)s du travail (GIT). Manquede temps, de formation, de recon-naissance, pression: la réforme de lasanté au travail de 2011, qui a confiéla réalisation de certains entretiensaux infirmiers n’a, selon elle, pas étésans conséquence sur leur quoti-dien. «On est dans le rendement, laquantité. Certains infirmiers ne peu-vent passer que dix à quinze minutesavec les salariés reçus. Dans certainsservices, on se retrouve à être des exé-cutants. C’est de l’abattage. Il y a uneperte de sens.»Pour l’heure, au Smirr, l’omerta rè-gne. Salariés, syndicats, direction,personne ne parle. Ni des condi-tions de travail ni des collègues dis-parues. Quelques jours après le se-cond suicide, une employée duSmirr, interrogée par France Bleu,avait toutefois rompu brièvement lesilence : «Ça m’a troublée, ça m’aémue, j’étais en colère», confiait-ellealors. De la colère? Oui, car cet éta-blissement, pourtant spécialisédans l’accompagnement des sala-riés, n’a pas su répondre à la détressede deux de ses employées. «Deuxfemmes qui avaient la tête sur lesépaules, qui étaient compétentes»,selon leur collègue, mais surtout, aumoins pour l’une d’entre elles, «pourqui il y avait peut-être des signesdont on n’a pas tenu compte». •

Retrouvez

dans 28 minutespresente par elisabeth quindu lundi au jeudi a 20h05 sur

«J’en veux à cette pressionqu’on colle aux infirmières,

ces petites mains totalementindispensables au

fonctionnement de l’hôpital.»LE MARI DE L’INFIRMIÈRE

QUI S’EST SUICIDÉE AU HAVRE

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16 u Libération Mercredi 14 Septembre 2016

AURÉLIENLEGRAND

Du rougevif au

bleuMarine

Itinéraire Professeurd’histoire devenu cadre

du FN, cet ancienmilitant est passé sanssourciller de l’idéologie

trotskiste au discourslepéniste.

ParDOMINIQUEALBERTINI

PhotoFRED KIHN

Aurélien Legrand, conseiller régional d’Ile-de-France.

FRANCE

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Libération Mercredi 14 Septembre 2016 www.liberation.fr f facebook.com/liberation t@libe u 17

«J e ne peux rien vous dire.» A l’autre boutdu fil, la voix d’Aurélien Legrand met finà la conversation. Nous sommes dé-

but 2016 et le bruit court que ce jeune professeurd’histoire, membre du Front national, est en voiede promotion au sein du parti. Directeur de cam-pagne de Wallerand de Saint-Just lors des élec-tions régionales en Ile-de-France, l’homme auraittapé dans l’œil de Marine Le Pen. Mais de cela,il ne veut rien dévoiler: certaines ascensions sontd’autant plus sûres qu’elles restent discrètes.Pourtant, la sienne est aujourd’hui évidente: déjàconseiller régional, Legrand a été nomméau printemps délégué général du Ras-semblement bleu marine, ce faux-nezcensé élargir l’audience du parti. Conseiller deMarine Le Pen, il participait vers la même épo-que à la réunion hebdomadaire où une petiteéquipe discutait du discours et des déplacementsde la candidate à la présidentielle. Enfin, il pour-rait prochainement intégrer l’équipe de campa-gne de celle-ci, encore en cours de composition.Beau parcours pour celui qui compte à peinedeux ans d’ancienneté au Front national: c’està la mi-2014 seulement qu’il a rejoint le parti le-péniste. Un nouveau départ pour celui dont latrajectoire a commencé à l’exact opposé de l’échi-quier politique.Dans une autre vie, notre homme signait «Auré-lien Smirnoff». Nous sommes en 2009: membredu Nouveau Parti anticapitaliste (NPA), Legrandécrit sous pseudonyme pour le journal du mou-vement. Entre deux critiques ciné, il y dénoncela «tentation FN», fustige la «répression du mou-vement social» et défend les sans-papiers, «boucsémissaires» du pouvoir sarkoziste. En tout, le pro-fesseur d’histoire aura passé deux ans à l’extrêmegauche –soit à peu près autant qu’au Front natio-nal jusqu’à présent. Cet engagement n’a rien d’unsecret, au point que Legrand s’agace d’y être ré-gulièrement renvoyé: lui s’efforce au contrairede ne pas détonner au sein de sa nouvelle famille.«Il est vraiment tout à fait dans le moule», témoi-gne un élu régional FN. «Quand je repense aupassé, je souris de ma naïveté, renchérit l’inté-ressé. Le NPA, c’est une parenthèse refermée. Cequ’il m’en reste? Peut-être la discipline de travailet l’organisation.» Des qualités trotskistes désor-mais mises au service d’une autre «révolution»,couleur bleu marine.

AMBITIEUX TROP PRESSÉMéthode et organisation marquent aussi le débutde cet étonnant parcours. Nous sommes au mi-lieu des années 2000, Legrand n’a pas 25 ans.L’enfant de Cambrai, issu de la «classe moyennedéclinante» mais cultivée, est descendu à Parispour des études d’histoire. Il a soif d’engage-ment. «Un ami m’avait passé l’Etat et la Révolu-tion de Lénine, raconte-t-il. J’ai trouvé cela trèsintéressant, alors j’ai approfondi avec d’autreslectures. Puis j’ai fait un panel des partis d’ex-trême gauche.» Le PCF ? Trop stalinien. Lutteouvrière? «Une secte.» Reste la Ligue commu-niste révolutionnaire (LCR), qu’il rejoint àl’été 2007.Ex-membre de la LCR, Latifa se rappelle de l’al-lure du nouveau venu, «plus soignée que celle desautres : ce n’était pas le genre à venir en jean dé-gueulasse». Le professeur milite alors dansle XIIIe arrondissement. A ses anciens camara-des, il a laissé le souvenir d’un adhérent assidu,au moins jusqu’à début 2009. Mais aussi d’unambitieux trop pressé: «Tout le monde me l’a pré-senté comme un second couteau un peu arriviste»,raconte Alain Krivine, figure historique de laLCR. Une impression partagée par plusieurs ad-hérents de l’époque: «Aurélien cherchait à se rap-procher des gens qui avaient de l’influence, sesouvient Antoine. Il ressemblait moins à un mili-tant qu’à quelqu’un qui se cherche un réseau desocialisation.» Pour un autre, Legrand «aspiraità “renouveler les logiciels”. Mais il avait aussi l’airde vouloir nous apprendre la vie, ce qui était assezagaçant.» Politiquement, poursuit-on, «il étaitassez abstrait et intervenait peu sur le fond. Rien

non plus ne laissait présager ses futures idées.Son truc, c’était plutôt une espèce d’invocationdu renouvellement politique. Il nous a expliquéque ce qui l’intéressait, ce n’était pas tant la Ligueque l’avènement du NPA.»Lancé en février 2009, le nouveau mouvementest censé dépasser les frontières de la LCR etdevenir la maison commune des anticapitalistes.Impliqué dans le processus, Aurélien Legrand in-tègre l’équipe de Tout est à nous, l’hebdomadairedu Nouveau Parti anticapitaliste: une belle placepour celui que passionnent les questions de com-

munication. «C’est vrai qu’il cherchait unpeu la lumière, mais il avait surtout debonnes idées, se souvient Frédéric Bor-

ras, ancien responsable de la communication auNPA. Il voulait moderniser notre communication:pousser la logique Besancenot, abandonner notrejargon radical que personne ne comprenait, par-ler simple et moderne.» En dépit du soutien deBorras, ce projet n’aboutira pas. «Les anciens dela LCR avaient confisqué le mouvement pour enpréserver l’orthodoxie, raconte aujourd’hui Le-grand. Ils étaient réfractaires à toute innovation.Au comité de rédaction, on m’a d’abord demandéde lire un vieux texte de Trotski, où il conseille auxmilitants sibériens d’utiliser de gros caractèresd’imprimerie pour que les gens puissent les lire.»Déçu, le jeune homme quitte le NPA sans bruità l’automne 2009, moins d’un an après le lance-ment du parti.A ce déprimant finale, succèdent plusieurs an-nées sans engagement, durant lesquelles Le-grand mûrit ses nouvelles convictions. L’hommedit avoir été frappé par le déclin de sa ville d’ori-gine, Cambrai (Nord). Professeur dans l’Essonne,il évolue aussi au contact de ses élèves: «Je mesuis rendu compte que même les plus turbulentsétaient en demande d’autorité et de savoir. Etpuis, en prenant le RER tous les jours, j’ai aussiconstaté les problèmes d’immigration.» En la ma-tière, l’enseignant n’est d’ailleurs pas une pageblanche: «Adolescent, je m’intéressais aussi bienau discours de la gauche qu’à celui de Jean-MarieLe Pen, raconte-t-il. Parce qu’au collège, les per-turbateurs venaient souvent de l’immigration.Le sujet me travaillait toujours pendant monpassage à l’extrême gauche, même si je lui donnaisalors d’autres explications.» Un discours deMarine Le Pen sur «les questions sociales,en 2011 ou 2012» achève de le convaincre. Et c’estdeux ans plus tard qu’il franchira le pas de l’adhé-sion. «On dit souvent que je suis venu par carrié-risme, mais j’ai perdu pas mal de copains dansl’histoire, assure-t-il. Sans compter les collèguesqui ont arrêté de me parler.»

«ESPION BOLCHÉVIQUE»Les nouveaux camarades de l’enseignant sont,eux, ravis de la prise. «Un type comme Aurélien,cela arrive une fois sur cinquante», se félicite en-

core Wallerand de Saint-Just. Lorsqu’il reçoitLegrand dans son bureau, mi-2014, le patron duFN parisien comprend vite l’intérêt de sa nou-velle recrue: «Quelqu’un de valable qui se pré-sente chez nous, on lui saute dessus.» Professeurdiplômé, militant chevronné, Legrand a toutpour plaire dans un parti désespérément pauvreen cadres. Venu de la gauche, il symbolise enoutre l’ambition du Front national de s’adresserà tous les publics –quoique les anciens trotskis-tes soient moins nombreux dans ou autour duFN que les représentants de l’extrême droite radi-cale. Scrupuleux, Saint-Just s’assurera tout demême de ne pas avoir affaire à «un espion bolché-vique» avant de signaler sa trouvaille à la direc-tion du parti, et de lui confier de premières res-ponsabilités.Travailleur, le nouveau venu se rend vite indis-pensable. Ces idées dont le NPA ne voulait pas,le FN en est vorace: «Un jour, un peu avant les ré-gionales, il m’a dit: “J’ai pensé à quelque chose”,raconte Wallerand de Saint-Just. J’ai répondu:“Alors, il faut l’écrire.” C’est comme cela qu’il acommencé à faire des notes pour Marine Le Pen.»Toujours sur la communication, son sujet favori:avec d’autres, Legrand a notamment suggéré àla présidente du FN d’ouvrir un blog, moyen pourelle de court-circuiter des médias jugés hostiles.Désormais professionnel de la politique, le pro-fesseur d’histoire s’est mis en disponibilité.Depuis sa nouvelle place, l’homme dénonce la«submersion migratoire» avec le même entrainqu’autrefois les «rafles» de sans-papiers.Au NPA, les ex-camarades de Legrand gardentla mémoire de ses intuitions marketing plus quede ses interventions de fond. La même impres-sion domine aujourd’hui chez plusieurs respon-sables frontistes, face à l’orthodoxie du person-nage. «Il est tellement sur la ligne du FN que c’enest étonnant au regard de son parcours, confie uncamarade de parti. Socio-culturellement, il faitpresque de droite : vous me diriez qu’il vient dechez Villiers, je vous croirais.» Moins candides,d’autres voient dans cette plasticité la marquedes grands ambitieux. «Trotskiste un jour, trots-kiste toujours», grogne même un familier dusiège frontiste. «Discipline et organisation», ré-pondrait «Aurélien Smirnoff». •

PROFIL

«A la LCR, il ressemblaitmoins à un militantqu’à quelqu’unqui se cherche un réseaude socialisation.»UN ADHÉRENT DE LA LIGUECOMMUNISTE RÉVOLUTIONNAIRE

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18 u Libération Mercredi 14 Septembre 2016

EUROPACITY un colosse aux pieds fragiles

C ela fait des mois qu’on leurpromet un Notre-Dame-des-Landes. Des mois que les op-

posants au futur centre commercialgéant EuropaCity prédisent augroupe Auchan, porteur du projet,que tout cela se terminera avec oc-cupation, palissades et cabanesplantées sur les champs du Trianglede Gonesse (Val-d’Oise).

Sur cette vaste zone agricole, entreles aéroports de Roissy-Charles-de-Gaulle et du Bourget, le poids lourdde la grande distribution travailledepuis 2006 à faire atterrir un ovnide la société de consommation, mé-lange de surfaces commerciales,d’hôtellerie, de salles de spectacleou d’exposition et de diverses inno-vations pour les loisirs, tels un cen-tre aquatique, une ferme urbaine ouune piste de ski indoor. Le tout gé-néreusement taillé sur 80 hectares

pour un coût de 3,1 milliards d’eurossur fonds privés, dont le groupeAuchan compte financer lesdeux tiers.Mais dix ans après ce démarrage,toujours pas d’occupation. Europa-City vient tout juste de passer l’obs-tacle du débat public. Obligatoirepour tous les équipements de plusde 300 millions d’euros, cette pro-cédure doit servir à «éclairer» lemaître d’ouvrage, le constructeur.A charge pour lui de décider de«l’opportunité» de poursuivreou pas.

«Anachronisme». Avec dix ansde travail et des millions d’eurosd’études dans les pattes,c’est vite vu pour le groupeAuchan. A peine le bilan dudébat était-il dressé lundi parClaude Brévan, présidente de lacommission particulière du débatpublic, qu’Alliages et Territoires, lasociété créée ad hoc, publiait uncommuniqué annonçant la pour-suite des opérations. ChristopheDalstein, directeur général de cettefiliale de la branche immobilièred’Auchan, Immochan, s’y félicitaitde cette «intelligence collective» quiallait permettre «d’enrichir etd’amender le projet».

Certes mais comment? Au cours dela vingtaine de réunions publiquestenues entre mars et juillet, ce sontvraiment deux philosophies anta-gonistes qui se sont dégagées. D’uncôté, les partisans du projet, qui yvoient un levier de développementéconomique. De l’autre, les adver-saires, persuadés que la construc-tion d’un centre commercial sur desterres agricoles dans le contextepost-COP21 est un «anachronisme».Parmi les partisans, Jean-PierreBlazy, maire (PS) de Gonesse, com-mune où se situera l’équipement.Comme beaucoup d’élus duVal-d’Oise, il est obsédé par le con-traste entre la plateforme de Roissy,

premier pôle de créationd’emplois en Ile-de-France,et le niveau de chômage

élevé (16% à 17%) de ses électeursqui vivent pourtant à trois pas du gi-sement.Pour ce socialiste, le sauvetage parle grand capital ne va pas de soi.En 2013, lorsque Libération le ren-contre, il ne cache pas ses interroga-tions : «Au départ, je me suis dit :“Qu’est-ce que c’est?” Ça faisait évi-demment gros business et ce n’est pasforcément ma tasse de thé. Mais, enmême temps, on était dans le débatsur le Grand Paris et je voulais ma

gare du nouveau métro.» Il l’aura.Les responsables d’EuropaCity fontsavoir que, sans gare, le projet parti-rait ailleurs. Aujourd’hui, elle estprévue sur la future ligne 17.Auchan a l’oreille des pouvoirs pu-blics. Propriété de la famille Mul-liez, dirigé par Vianney Mulliez, ne-veu du fondateur Gérard, le groupemène depuis toujours ses affairesdans la plus grande discrétion.Vianney Mulliez n’est pas Michel-Edouard Leclerc qu’on voit pérorerà la télé. Par ailleurs, bien que trai-tant avec des élus locaux depuis deslustres, les Mulliez ont bien comprisle jacobinisme du pays et saventque, pour un projet de cette taille, ilfaut commencer le démarchage parl’Elysée. Dès le début, NicolasSarkozy est enthousiaste, au pointque, rompant le silence d’Auchan,il ne peut pas s’empêcher de rendrepublique l’existence du projet. LePrésident l’aurait bien vu sur le pla-teau de Saclay, sa marotte, mais encommerçants avisés, les Mulliezpréfèrent se poser sur les flux desaéroports.Pratiquant le «top-down», ils com-mencent par l’Etat et la région, quiont en main les infrastructures et,si nécessaire, la loi. Avant de passerau niveau des collectivités locales.

Soucoupe Même si Auchannégocie à pas feutrés sonprojet de centre commercialet de loisirs à Gonesse,l’impact sur l’environnementet le nombre d’emplois créésposent toujours question.

ParSIBYLLE VINCENDON

RÉCIT

FUTURS

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Libération Mercredi 14 Septembre 2016 www.liberation.fr f facebook.com/liberation t@libe u 19

EUROPACITY un colosse aux pieds fragilesSurtout ne pas arriver devant cespolitiques comme en pays conquis,avec une équipe de champions desforces de vente.Le casting de l’équipe d’EuropaCityest bien plus subtil. Son directeur,Christophe Dalstein, est un ancienconseiller au cabinet de Jean-Jac-ques Aillagon, ex-haut fonction-naire de la Ville de Paris et de l’éta-blissement public d’aménagementEuroMediterranee. D’une politesseexquise, il sait garder son calmeface aux adversaires les plus agres-sifs, qu’il affronte régulièrement aufil des réunions du débat public. Ilavance avec les thèmes de l’époque:la «coconstruction avec le public», la«consommation responsable», «l’éco-nomie collaborative»…

Imaginaire. Auchan colle le pluspossible à l’air du temps et le prouveavec le choix de l’architecte danoisBjarke Ingels, jeune, beau gosse,d’une créativité débridée, inconnuen France mais parfait pour devenirl’as des médias. «A Starchitect»,comme le titre la chaîne CBS News.Produisant des images de synthèsepar dizaines, il parvient à stimulerl’imaginaire sur un projet dont sesporteurs répètent pourtant en con-tinu qu’il comporte encore de nom-

breuses inconnues. Poussant l’habi-leté, Auchan s’adjoint en prime leslumières de toute une série d’intel-lectuels, que Vianney Mulliez etChristophe Dalstein réunissentdans un «conseil d’orientation scien-tifique». Au cours de l’une de cesséances, on assiste à des échangesassez surréalistes sur l’économie dupartage, la gratuité, avec le témoi-gnage des squatteurs d’un théâtreen Italie… Le sociologue Jean Viard,qui a participé à ces réunions, cons-tatait alors que «les grandes entre-prises passent leur temps à rencon-trer des intellectuels». «Ellessemblent s’interroger beaucoup surles changements de la société», nousexpliquait-il à l’issue d’une de cesréunions.C’est d’ailleurs dans ce cadre inat-tendu que Vianney Mulliez, peu

friand d’interviews, accepte de par-ler à Libération. L’offre d’Europa-City, dit-il, «ne doit pas être seule-ment marchande». Il affirme que,dans le programme, «il n’y a qu’untiers de surfaces commerciales» etque ce «n’est qu’une clé parmid’autres». Il réfute que le projetpuisse se résumer à une galeriemarchande. Et dit que la réflexionest née sur une question: «Si on de-vait créer quelque chose de différent,ce serait quoi ?»Là-dessus, on peut le croire. Al’heure du e-commerce et du déve-loppement durable, la grande dis-tribution, dont le modèle d’hyper-marchés de périphérie branchés surla voiture s’essouffle, a de bonnesraisons de se poser des questionssur le coup d’après. Mais sait-ellefaire autre chose ? A propos

d’EuropaCity, Vianney Mulliez ditqu’il «n’y a pas de nom qui définisseça puisque ça n’existe pas». Il définitl’entreprise comme une «start-up».Mais surtout, cet «objet original quin’existe pas encore» (dixit Mulliez)est supposé devenir «le premier pôleculturel structurant du nord-est»(complète Dalstein). Le projet pré-voit 50000 mètres carrés d’espacesculturels. Ces chiffres suffisent-ilsà assurer une légitimité? Alliages etTerritoires a embarqué dans son ba-teau la Réunion des musées natio-naux, Universcience et … Jean-Jac-ques Aillagon. Lorsque ce derniera insisté sur «la dimension cultu-relle» du projet lors d’une séancedu débat public, la salle a rigolé.C’est cruellement noté dans le rap-port final.

«Colonisation». Mais les oppo-sants ne font pas que rire, ils calcu-lent. EuropaCity créerait 11800 em-plois sans en détruire un seulautour? En mai, la séance du débatpublic consacrée au modèle écono-mique tourne à l’affrontement. «Ily a une sur-offre sur ce territoire»,tonne un des participants, évoquantla pléthore de centres commerciauxde la zone, comme O’Parinor, ParisNord 2 et surtout le récent Aéroville

qui peine à trouver son équilibre.«Ce que vous allez créer, ce ne sontpas des emplois nets, accuse lemême. Vous ne considérez pas lesemplois détruits.» De fait, le flou esttel que la commission a commandéd’autres expertises. Mais, soupire laprésidente, «les experts nous onttous dit qu’il était impossible de gra-ver des chiffres dans le marbre».Autre controverse, la fréquentation.L’équipement est supposé rece-voir 31 millions de visiteurs par an!Le double de Disneyland Paris, quirêvait de 20 millions et en at-teint 15 les meilleures années.Le 14 juin 2013, dans une salle deGonesse, Christophe Dalstein pré-sentait son projet aux habitants. Al’issue de son speech, BernardLoup, président du Collectif pour leTriangle de Gonesse, grand person-nage sec et solennel, s’est levé. «Onest dans un phénomène de colonisa-tion par les appétits financiers!» a-t-il clamé. Silence. Quand la salle arepris la parole, une dame a dé-fendu «ces emplois pour nos jeunes».Depuis, les écologistes, les associa-tions et les militants ont pris sérieu-sement pied dans le débat. Ils sontprésents en force dans les réunionspubliques. Mais pas encore sur leterrain. •

EuropaCityviseles 31 millionsde visiteurspar an. Soitdeux fois plusqueDisneylandParis dans sesmeilleuresannées. PHOTOEUROPACITY

La grande distribution, dont le modèled’hypermarchés de périphérie branchéssur la voiture s’essouffle, a de bonnesraisons de se poser des questionssur le coup d’après. Mais sait-ellefaire autre chose?

VAL-D’OISE

Pontoise

OISE

YVELINES

SEINE-SAINT-DENISParis

10 km

EuropaCity

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20 u Libération Mercredi 14 Septembre 2016

RAPPEL - AVIS D'ENQUETE PUBLIQUE -Par arrêté municipal en date du 04/08/2016,Madame la Maire de Paris ouvre une enquêtepublique à la Mairie du 15ème arrondissement –

31, rue Péclet – 75015 PARISdu 12 septembre au 14 octobre 2016 inclus.

Cette enquête publique concernant le projet « TOUR TRIANGLE »a pour objet la demande de permis de construire :

PC 075 115 15 V 0070 déposée le 24/12/2015 concernant,la construction qui sera située le long de l’avenue Ernest Renand’un immeuble de Grande Hauteur (IGH) à vocation économiquecomprenant notamment : des bureaux, un hôtel de 120 chambres, uncentre de Conférences, un restaurant panoramique, un belvédère ausommet, des commerces, des équipements d’intérêt collectif avec unéquipement dédié à la petite enfance, un centre de santé et un espaceculturel. La surface de plancher est d’environ 92.180 m2, la hauteur duprojet est de180 m (R+43).

Le dossier d’enquête comporte notamment une étude d’impact qui afait l’objet d’un avis de l’autorité administrative de l’Etat compétente enmatière d’environnement sur le dossier.

Cet avis est joint au dossier d’enquête déposé en mairie du XVèmearrondissement qui sera mis à la disposition du public, lequel pourra enprendre connaissance et consigner ses observations sur les registresdéposés à cet effet les lundis, mardis, mercredis et vendredis de 8heures 30 à 17 heures, les jeudis de 8 heures 30 à 19 heures 30.

La consultation du dossier d’enquête sera également possiblelors des permanences de la commission d’enquête les samedis 24septembre, 1er octobre et 8 octobre de 9 heures 30 à 12 heures 30 (lesbureaux sont habituellement fermés les samedis, dimanches et joursfériés).

Afin d’informer et de recevoir les observations écrites ou orales dupublic, la commission d’enquête ou un de ses membres assurera lespermanences à la mairie du XVème arrondissement de la manièresuivante :

- Jeudi 15 septembre 2016 de 16h30 à 19h30- Lundi 19 septembre 2016 de 9h30 à 12h30- Samedi 24 septembre 2016 de 9h30 à 12h30- Lundi 26 septembre 2016 de 14h30 à 17h30- Samedi 1er octobre 2016 de 9h30 à 12h30- Jeudi 6 octobre 2016 de 16h30 à 19h30- Samedi 8 octobre 2016 de 9h30 à 12h30- Lundi 10 octobre 2016 de 9h30 à 12h30- Jeudi 13 octobre 2016 de 16h30 à 19h30Sont désignésmembres de la commission d’enquête, en qualité de :

Président :- M. Stanley GENESTE, Consultant en urbanisme et aménagement– Gérant de la société GUAM (conseil, assistance et formation enurbanisme),Membres titulaires :- M. Yves NAUDET, Architecte – ingénieur en chef-DPLG-retraité,- M. François BERTRAND, Ingénieur de l’école centrale de Paris-retraité,

En cas d’empêchement de Stanley GENESTE, la présidence de lacommission sera assurée par un membre titulaire de la commission.- M. Yves NAUDET, Architecte – ingénieur en chef-DPLG-retraité,Membre suppléant :- M. Mathias ROLLOT, Architecte et enseignant,Il sera organisé une réunion d’information et d’échange avec le

public, présidée par le Président de la commission d’enquête et sesmembres le 21 septembre 2016 à 19h au Pavillon de l’Arsenal – LaHalle – 21, boulevard Morland – 75004 Paris.

Pendant l’enquête, les observations pourront également êtreadressées par écrit, à l’attention de M. Stanley GENESTE, Présidentde la commission d’enquête publique, à l’adresse de la mairie du 15èmearrondissement – 31, rue Péclet – 75015 Paris en vue de les annexeraux registres.

A compter de l’ouverture de l’enquête publique, des informationssur le dossier soumis à enquête peuvent être demandées auprès dela Mairie de Paris - Direction de l’Urbanisme – Service du Permis deConstruire et du Paysage de la rue, 6, promenade Claude Lévi-Strauss– CS 51388 75639 PARIS CEDEX ou à l’adresse mail suivante :[email protected].

La personne responsable du projet est la SCI TOUR TRIANGLE -représentée par Monsieur Vincent JEAN-PIERRE - 2 place de la PorteMaillot - 75017 PARIS.

À l’issue de l’enquête, copies du rapport et des conclusions ducommissaire enquêteur seront tenues à disposition du public pendantune durée d’un an : à la Mairie du XVème arrondissement, 31, ruePéclet – 75015 PARIS CEDEX 15; à la Préfecture de Paris, D.R.I.E.A.- UTEA 75 - UT3 - 5 rue Leblanc - 75015 PARIS, à la Direction del'Urbanisme - Pôle Accueil et Service à l’Usager - espace consultation(1er étage) - 6, promenade Claude Levi-Strauss - CS 51388 - 75639PARIS CEDEX 13, sur le site de la Mairie de Paris (www.paris.fr).

Toute personne intéressée pourra en obtenir communication ens’adressant par écrit à la Mairie de Paris - Direction de l’Urbanisme- Sous-Direction des Ressources - Mission Juridique - 121 avenue deFrance - CS 51388 - 75639 PARIS CEDEX 13.

L’autorité compétente pour prendre la décision sur la demande depermis de construire est Madame la Maire de Paris.EP 16-051 [email protected]

DIRECTION DE L’URBANISME

Direction de l’Urbanisme

RAPPEL - AVIS -MISEADISPOSITION DU PUBLIC

Déterminée par délibération 2016 DU 132-2° du Conseil de Parisen date des 4, 5, 6 et 7 juillet 2016

SAINT-VINCENT-DE-PAUL (14ème arrdt)MISEADISPOSITION DU PROJET DE CREATION D’UNE

ZONE D’AMENAGEMENT CONCERTE (ZAC) COMPRENANTSON ETUDE D’IMPACT ENVIRONNEMENTAL

TOUTE PERSONNE INTERESSEE PEUT VENIR CONSULTERLE DOSSIER ET FAIRE PART DE SES OBSERVATIONS SURLES REGISTRES OUVERTSACET EFFETAUX LIEUX,

JOURS ET HORAIRES SUIVANTS :DU JEUDI 15 SEPTEMBRE 2016

AUVENDREDI 14 OCTOBRE 2016 INCLUSMairie du 14ème arrondissement2 Place Ferdinand Brunot, 75014 ParisHoraires d’ouverture de la mairie :

Lundi, mardi, mercredi et vendredi de 8h30 à 17h00Jeudi de 8h30 à 19h00

----------------------------------Durant cette période, l’intégralité du dossier mis à dispositionainsi qu’un registre électronique seront mis en ligne sur le site

https://st-vincent-de-paul.imaginons.paris/Les observations et propositions du public pourront, enoutre des registres, être adressées par écrit à la mairie du

14ème d’arrondissement pendant la durée de la mise à disposition----------------------------------

UNATELIER PUBLIC DE PRESENTATION DE L’ETUDE D’IMPACTAURALIEU LE LUNDI 26 SEPTEMBRE 2016 A 19H00

Bâtiment Colombani82, avenue Denfert Rochereau – 75014 PARIS

Salle ColombaniEP 16-236 [email protected]

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Éclaircies OrageNuageux Pluie/neigePluie NeigeCouvert

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Le temps reste très agité entre le golfe duLion et le Massif central, avec de très fortespluies qui accompagnent de violentsorages. L’APRÈS-MIDI Fortes pluies et violentsorages entre le golfe du Lion et le Massifcentral, avec en marge des pluies plusmodérées remontant vers le Centre-Val-de-Loire et le Poitou.

MERCREDI 14La situation s'améliore dans le sud-est avec ledécalage des orages vers la Corse et l'Italie.Quelques pluies ponctuellement fortespersistent du Centre-Est au nord-ouest.L’APRÈS-MIDI La dépression orageusepourrait se rapprocher des côtesaquitaines. Sinon, le temps reste perturbédes reliefs de l'est à la Bretagne, avec untemps plus sec dans le sud-est.

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8 2 1

◗ SUDOKU !"#$ MOYEN ◗ SUDOKU !"#$ DIFFICILE

SUDOKU !"## MOYEN9 3 1 4 7 2 6 5 84 5 6 3 8 9 7 1 27 8 2 1 5 6 3 9 4

1 2 5 6 3 8 4 7 93 4 8 7 9 5 2 6 16 7 9 2 1 4 5 8 3

5 6 3 8 2 1 9 4 78 9 7 5 4 3 1 2 62 1 4 9 6 7 8 3 5

SUDOKU !"## DIFFICILE 3 4 8 5 1 9 2 6 79 5 7 6 2 8 1 4 31 6 2 7 3 4 5 8 9

5 1 6 9 4 7 3 2 88 7 9 2 5 3 4 1 64 2 3 8 6 1 7 9 5

6 9 1 4 7 5 8 3 22 3 5 1 8 6 9 7 47 8 4 3 9 2 6 5 1

Solutions desgrilles d’hier

ON S’EN GRILLE UNE? Par GAËTAN

GORON

HORIZONTALEMENT

Solutions de la grille d’hierHorizontalement I. BÉQUILLES. II. ONU. CAÏEU. III. UNEF. PS. IV. FÉLINITÉS. V. FI. EIDERS. VI. ÉGORGE. Æ. VII. TERSERAI. VIII. ÂME. CLÉ. IX. NÉ. RITALS. X. CNIDAIRES. XI. ÉTRANGÈRE.Verticalement 1. BOUFFETANCE. 2. ENNEIGEMENT. 3. QUEL. ORE. IR. 4. FIERS. RDA. 5. IC. NIGÉRIAN. 6. LAPIDER. TIG. 7. LISTE. ACARE. 8. EE. ÉRAILLER. 9. SUISSE. ESSE. [email protected]

Grille n°399

1 2 3 4 5 6 7 8 9I

II

III

IV

V

VI

VII

VIII

IX

X

XI

VERTICALEMENT

I. Il n’a pas bougé de chez lui II. Il porte les voiles et il est long III. Entrent en contact avec l’eau IV. Elle donne de la valeur ; Il a les bras croisés V. Ecartée ; Ses piliers ont tendance à s’affaisser VI. Elle a connu jusqu’à douze membres ; Ce que l’on voit du papier éclairé VII. Deuxième élément, premier noble ; Base italienne de François VIII. Toute tutelle tue-t-elle ? Pour lui, oui ; Il a trois chances sur quatre d’être bien habillé IX. Solide X. Selon le sens de lecture, il est fait aux Pays-Bas ou en Angleterre ; Le père de la Mort à Venise XI. Propos non à-propos ; La moitié du tout

1. Ils nous mettent en contact 2. Il vit en Amérique, près des Etats-Unis ; Il remet à moitié les conventions en cause 3. Elle est habile avec un ballon ; Beaucoup de sel et peu d’eau 4. Radis ou paradis pour clubbeurs ; Richesse au palais 5. Qui ont été sources d’inspiration 6. Attention ; Des versets déversés du judaïsme au christianisme 7. Le plus long palindrome ; Dirigea vers le sol 8. Comme le petit beurre ; Explosif 9. Mise en boîte et au frais

SCREENSHOTS

Un indice chez vous: l’aile ou la cuisse. Plus de200 restaurants en France et 20000 dans le mondeportent mon nom. Une nouvelle enseigne à mon effigies’ouvre en France tous les mois. Je fais 16 milliards dedollars de chiffre d’affaires. Je suis né il y 80 ans dans leKentucky, le premier de mes restaurants est devenu unmusée et l’image de mon créateur, le colonel Sanders,est présente partout. Mais ma véritable naissance a eulieu à la fin des années 60 quand un ingénieur a créé unemachine de cuisson qui a révolutionné la restaurationrapide. Les exploitations où je me fournis peuventaccueillir jusqu’à 180000 poulets qui ne voient jamais lalumière du jour. Un seul hangar de 1000 mètres carréspeut contenir 30000 bêtes. Poulets qui appartiennent àdes races qui grossissent deux fois plus vite que les autreset produisent plus de blanc. Un de mes fournisseursinstallé aux Pays-Bas est capable d’abattre trois millionsde poulets par semaine. La recette originale qui a faitmon succès contiendrait 11 épices mais le secret est biengardé dans un coffre. Je fais l’objet d’un documentairesur C8 d’où sont tirés toutes les informations et tous leschiffres précédents. Je suis, je suis…

DAVID CARZON

FOCUS ce soir sur C8 à 21 heures.

Poulet au vinaigre

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22 u Libération Mercredi 14 Septembre 2016

R egarder la violence jihadistesous un autre angle. C’est ceque propose Gabriel Martinez-

Gros, professeur d’histoire de l’islammédiéval à l’université de Nanterre.Dans Fascination du jihad-fureurs is-lamiste et défaite de la paix qui vientde sortir aux PUF, c’est à la lumièredu désarmement des sociétés occi-dentales qu’il examine le phéno-mène. Et souligne qu’il est dangereuxd’ignorer le poids de la religion dansla radicalisation.Pourquoi le jihad exerce-t-il une sigrande fascination sur les jeunes?La violence du jihad ne fascine queparce que nos sociétés occidentales,qui avaient l’habitude depuis les ré-volutions française et américaine,de proposer ou d’imposer les valeursfondamentales du monde, n’en sontplus capables aujourd’hui. C’est parcontraste avec la non-violence et ledésarmement de nos sociétés qu’ilfaut analyser l’extrême violence desminorités au Proche-Orient commeen Amérique latine. Il ne faut pas hé-siter à penser, même si c’est doulou-

reux, que c’est la non-violence abso-lue des majorités qui ouvre la voie àla violence des minorités. La violencejihadiste est un cas particulier qui apour avantage de se fonder sur undiscours cohérent dont ne disposentpas les autres groupes violents. Et cediscours prospère d’autant plus qu’ils’oppose de façon virulente avec lepropos pacificateur des écoles et desmédias. Le jihadisme rompt avec lamorale des masses et se renforce del’aversion qu’il suscite dans la majo-rité de la population.Cette opposition entre majoritépacifique et minorités violentess’appuie sur la théorie des empi-res de Ibn Khaldoun, penseurdu XIVe siècle. Que nous apprend-elle ?Selon Ibn Khaldoun, l’empire sup-pose en premier lieu une accumula-tion de richesses suffisante pour per-mettre l’existence de villes. Pour cela,la collecte de l’impôt est nécessaire etn’est envisageable que lorsque lesmasses productives sont désarmées.L’empire opère ainsi une des premiè-

res divisions du travail, entre violenceet production, sur lesquelles se fondela prospérité des sociétés «civilisées»:les «sédentaires» sont en charge de laproduction et les «Bédouins», guer-riers recrutés dans les tribus des mar-ges, doivent assurer la sécurité de cessédentaires désarmés. Pour Ibn Khal-doun, cette situation impérialerepose sur un paradoxe: une sociétériche, nombreuse, désolidarisée etdésarmée, environnée de tribus soli-daires et violentes contre lesquelleselle est incapable de se défendre. Defait, le pouvoir ne peut finalement re-venir qu’aux Bédouins. Aujourd’hui,le jihadisme s’appuie sur une confi-guration impériale, soit le désarme-ment absolu des centres et le refoule-ment de la violence dans les marges.Le rejet de la violence qui caractérisenos sociétés nous rend plus vulnéra-bles. La violence de Daech se nourritde notre désarmement. En termeskhaldouniens, le citoyen des XIXe

et XXe siècles était à la fois sédentaireet bédouin. Le danger pour nous estde vivre comme si c’était la fin de

l’histoire, avec l’idée que plus aucuneguerre ne doit advenir…Si l’on suit la théorie d’Ibn Khal-doun, les jihadistes pourraientprendre le pouvoir ?Oui, à long terme, si le jihadisme de-vait durer. Plus certainement, uneforce née dans les marges s’imposeraà notre société si son désarmementdevait être poussé à son achèvement.C’est nous qui sommes malades, nousqui sommes en train de quitter lemonde des citoyens en armes que lesrévolutions française ou américaineavaient institué. Les marges ne fontque tirer profit de notre faiblesse etl’actuelle évolution historique tend ànourrir cette faiblesse.Vous réfutez l’idée d’Olivier Royselon laquelle le jihadisme est«une islamisation de la radica-lité». Est-ce à dire que la religionmusulmane est en cause ?Si les causes sociales de l’engagementjihadiste existent, on ne peut pas re-nier totalement l’influence de l’islam.Quand j’entends l’argument que cer-tains jihadistes ont à peine lu

Gabriel Martinez-Gros«La violence de Daech se nourritde notre désarmement»

A partird’une analysedes empires,l’historien montrecommentune sociétémajoritaire etpacifiée peut êtredébordée et miseen péril par desminoritésviolentes.

DR

IDÉES/

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Libération Mercredi 14 Septembre 2016 www.liberation.fr f facebook.com/liberation t@libe u 23

LA CITÉ DES LIVRES

ParLAURENT JOFFRIN

C omment peut-on défen-dre une bonne caused’une aussi mauvaise

manière? Avec cinq enseignan-tes et enseignants, Jean Baubé-rot, sociologue de la laïcité, pu-blie un Petit Manuel pour unelaïcité apaisée destiné, commeson titre l’indique, à faciliterl’application sereine des règleslaïques à l’école. L’intention estlouable : réfuter notamment,par le rappel précis de la naturede la laïcité française, l’usagebiaisé et discriminatoire qu’onen fait souvent pour dénoncerl’islam et les musulmans.La laïcité, rappellent les au-teurs, n’est pas une arme deguerre dirigée contre les reli-gions, encore moins contre uneseule d’entre elles. Elle postulela neutralité de l’Etat et de sesfonctionnaires, la neutralitéreligieuse de l’école et de sonenseignement mais elle estaussi une garantie pour l’exer-cice des cultes et la liberté deconscience, ce qui suppose unesprit d’ouverture et de négo-ciation. C’est un fait historiquequ’une fois le principe de la Sé-paration décidé, les promo-teurs de la réforme ou ses dé-fenseurs, Briand et Jaurès, parexemple, ont cherché l’apaise-ment en proposant une sériede compromis avec l’Eglise.Mona Ozouf, une de nosmeilleures historiennes, rap-pelle souvent que la Républi-que a longtemps toléré la pré-sence de crucifix dans lesclasses, les ministres de l’Edu-cation préconisant d’attendredes travaux de réfection pourles retirer discrètement, siaucune opposition ne se mani-festait. De la même manière,alors que certains républicainssouhaitaient interdire le portde la soutane dans l’espace pu-blic, les députés ont fait valoirque l’application d’une telle loitransformerait les prêtres enmartyrs, obligeant la police àdes verbalisations publiques duplus mauvais effet. Un soucique n’ont pas ceux qui deman-dent aujourd’hui «une loi géné-rale» contre les maillots de bainislamiques… L’ancien espritd’ouverture, estiment les

auteurs, devrait aussi présideraux relations entre l’école répu-blicaine et les musulmans, dèslors que ceux-ci en acceptent lecaractère laïque, ce qui est leplus souvent le cas. Ils en tirentune série de propositions pra-tiques et pédagogiques desti-nées à faire admet-tre, sans heurts, laneutralité scolaireet le caractère ra-tionnel des savoirs àtous les publics, no-tamment aux élèvesqui ont parfois ten-dance à leur oppo-ser les dogmes deleur propre religion.L’ennui, c’est quepar son caractèremilitant, par sa pro-pension au prêchi-prêcha et par sonrecours incessantà la litote pieuse,l’ouvrage finit parperdre son créditauprès du lecteur,celui-ci serait-ild’accord avec sonorientation initiale.Un exemple parmibien d’autres: dans la sainte in-tention de lutter contre les cli-chés anti-islamiques, ils écri-vent que la charia, selon sesadversaires, «serait contraireaux droits humains». Ce condi-tionnel est ridicule. Non que lacharia soit toujours cet ensem-ble d’obligations plus ou moinsmoyenâgeuses qu’on se plaîtsouvent à décrire, ni que leslégislations qui s’y réfèrent laprennent toujours au pied de lalettre. Mais enfin, dans sa ver-sion rigoriste, telle qu’elle estpratiquée dans plusieurs paysmusulmans, voilà une doctrinequi préconise le fouet pour leshomosexuels ou bien la peinede mort pour les apostats !Ainsi ces règles pénales «se-raient-elles» contraires auxdroits humains ? Ou bien lesont-elles, sans conditionnel?En fait, d’édulcoration en oubli,le livre finit par passer soussilence les problèmes poséspar l’activisme intégriste, sansdoute dans le souci de ne pas«stigmatiser» les musulmans.

Une laïcité guimauveSi l’orientation initiale de l’ouvragedirigé par Jean Baubérot est louable,il occulte, entre autres, les problèmesposés par l’intégrisme islamique.

Alors que les salafistes, leswahhabites et les Frères musul-mans, trois courants très pré-sents en France, s’attaquentsouvent dans leur doctrine, auxbases mêmes de la laïcité. Cetteoccultation de l’intégrismeune fois réalisée – ce qui rendl’ouvrage lénifiant à souhait–,les auteurs se lancent à plu-sieurs reprises dans un réquisi-toire vibrant contre la loide 2004 qui interdit les signesreligieux ostentatoires dans lessalles de classe. Etrange croi-sade, en vérité. Elle rejoint l’ob-session manifestée par des as-sociations religieuses comme leCCIF, qui veulent à toute forcerenverser cette législation. Onimagine comment l’autorisa-tion du voile islamique à l’école,qui déclencherait évidemmentun pugilat national, contribue-rait à «apaiser» la question laï-que en France… Les auteurs,d’ailleurs, se contredisent. Plusloin, à la question «que faire siune élève se présente voilée àl’école ?», ils s’empressent de

répondre: «La situa-tion est actuellementrarissime.» Souhai-tant sans doute sou-ligner, à fin d’édifi-cation, la volontédes Français musul-mans d’appliquerles lois françaises(tout à fait réelle, audemeurant). Maisalors, si les princi-pales intéressées, lesélèves musulmanes,se sont adaptées à laloi, pourquoi rouvrirle débat? Dangereuxmoralisme qui siedmal à un manuel«apaisé».Un dernier mot, desimple forme : il estlégitime d’adapter lalangue française àson époque et no-

tamment de la débarrasser lesschémas antiféminins qui per-sistent en son sein, par exem-ple en remplaçant enfin «ma-dame le président» par«madame la présidente». Maispour lutter fièrement contre larègle de grammaire qui veutqu’au pluriel le masculin l’em-porte –on dit «les enseignants»pour désigner professeurs etprofesseures (1), faut-il ajoutersystématiquement et lourde-ment «es» à chaque pluriel en-globant des femmes ou bienécrire –à chaque fois!– «insti-tuteurs, trices», pour bien si-gnifier que le machisme lin-guistique a fini de régner ?Répétés plusieurs fois par page,ces pieux néologismes rendentà certains moments le livre illi-sible. •

(1) Curieusement, la novlangue à pré-texte féministe ne s’applique pas aumot «profs», alors qu’il y a des profsfemmes, qui sont injustement discri-minées par ce substantif pluriel et ma-chiste à la fois.

le Coran, cela ne tient pas laroute: on ne demandait pas aux mili-tants communistes s’ils avaient touslu le Capital. Et puis, imaginerait-onde décrire le nazisme comme «une ra-dicalité de petits commerçants rui-nés», en oubliant la hiérarchisationdes races ou l’extermination desJuifs? Tout étudiant en sciences hu-maines sait qu’il est impossibled’analyser un phénomène en dehorsdes mots dans lesquels il se donne,surtout quand ces mots sont aussilourds et dangereux que ceux du jiha-disme.Le choix de l’islam, effectué par desmillions de militants dans le monden’est ni fortuit ni superficiel. Ilsauraient pu choisir une autre cause,le gauchisme ou l’écologie, mais ils sesont tournés vers l’islam. Ce n’estdonc pas seulement une violence ha-billée d’une foi. Contrairement auxautres religions, l’islam est le seulmonothéisme qui implique les de-voirs de la guerre dans ceux de la reli-gion, rappelle Ibn Khaldoun.En soulignant le caractère initia-lement guerrier de l’islam, vousrisquez de stigmatiser l’ensembledes musulmans…L’affrontement n’a lieu qu’avec desislamistes, pas avec les musulmansen général. Nous connaissons tousdes musulmans qui n’ont pas envied’être voilées ou d’être réduits à leurreligion. Ils représentent la grandemajorité. Mais pour les islamistes, cene sont pas des musulmans. Faisonsbien attention de ne pas tomber danscette simplification. Ces musulmansne veulent pas parler en tant que mu-

sulmans. Ils sont français parfoiscroyants mais pas obligatoirement.Vous allez jusqu’à dire que le refusd’entendre le discours idéolo-gique des jihadistes relève dela domination propre au tiers-mondisme ?Nous, Occidentaux, avons été lesmaîtres du monde et, même si cen’est plus le cas, nous continuons àréfléchir ainsi. S’ils se prétendent sol-dats de l’islam, c’est seulement qu’ilssont idiots ou malheureux. Nous,nous allons vous dire ce qu’ils ontvraiment dans la tête. Une telle dé-marche est inacceptable…Je crois que l’histoire de la colonisa-tion exerce une plus grande influencesur nous-mêmes que sur les jihadistesqui, eux, veulent s’affranchir de cettehistoire. Depuis une génération, lemilitantisme islamique a purgé salangue des mots hérités de l’histoiremoderne de l’Occident. Le terme de«révolution» a laissé la place à «jihad»et on ne parle plus de «République is-lamique» mais de «califat». Le tiers-mondisme, qui est né entre 1950et 1960, pose encore une équivalenceentre histoire et Occident. A ses yeux,toute l’histoire, surtout quand elle estcriminelle, est faite par l’Occident.Lorsque quelque chose de mal sepasse, c’est donc l’Occident qui estresponsable. Comme si rien ne pou-vait advenir sans nous. Or, ce ne sontpas seulement les Etats-Unis qui ontcréé Daech ou Al-Qaeda. Notre impé-rialisme absolu sur l’histoire nousconduit à une culpabilisation absolueet à une victimisation tout aussi abso-lue de l’islam.Face à la guerre que nous imposele jihadisme, faut-il envisager dereprendre les armes ?Le vieillissement du monde entraînenaturellement vers un mouvementde sédentarisation. Or, il nous fautprendre en compte les fonctions deviolence. Si nous ne le faisons pas,d’autres le feront à notre place. Les at-tentats mobilisent aujourd’hui lesparties bédouines de nos sociétés: lescartels ou les mafias promettent deréagir en cas d’intrusion jihadiste surleurs territoires. Il est clair que mieuxvaut une réaction citoyenne qu’uneréaction de solidarité mafieuse oucriminelle ou de certaines minorités.L’Etat ne peut pas constituer l’uniquebarrière contre le jihadisme. Il fautfaire appel au peuple, même si celaressemble aujourd’hui à un gros mot.Au-delà du jihadisme, il faut surtoutempêcher l’émergence de la dicho-tomie impériale entre Bédouins etsédentaires, qui implique la sou-mission des sédentaires aux violents.Les minorités, par leur violence, nousposeront toujours la question desavoir si nous avons mérité ou pasnotre liberté.

Recueilli parCATHERINE CALVET

et ANASTASIA VÉCRIN

Pour Gabriel Martinez-Gros,«c’est la non-violenceabsolue des majorités quiouvre la voie à la violencedes minorités». PHOTO FRANKCHMURA. PLAINPICTURE

PETIT MANUELPOUR UNELAÏCITÉAPAISÉEde JEANBAUBÉROT ETLE CERCLE DESENSEIGNANTSLAÏQUESLa Découverte,240 pp., 12 €.

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24 u Libération Mercredi 14 Septembre 2016

IDÉES/

L'ŒIL DE WILLEM

Isabelle Dinoire, la facesombre de la greffe

De jeune femme tout à la fois plébis-citée et critiquée pour des appari-tions publiques à la suite de sa greffe

du visage en 2005, personnage de best-sel-ler, mais aussi simple patiente en quêted’anonymat, Isabelle Dinoire devienthéroïne de l’histoire des sciences onze ans

Première greffée du visageen 2005, dont la mort a étéannoncée le 6 septembre,cette pionnière a enduréla douleur non reconnued’être le sujet d’uneexpérimentation médicale.

plus tard. Des parallèles sont tissés entreson cas, celui d’autres patients qui ont suc-combé au cours d’une trajectoire de trans-plantation faciale, et toutes les «premières»de l’histoire des transplantations d’orga-nes. On se demande alors si l’histoire invi-sibilisera le nom d’Isabelle Dinoire, rangéaux côtés de celui de Marius Renard (greffédu rein en 1952) ou d’Emmanuel Vitria(greffé du cœur en 1968) et une majoritéd’anonymes. Ce qui est souvent omis desrécits d’innovations, c’est à quel point lespatientes et les patients transplantés sontsollicités quotidiennement par le suivipostopératoire, dans un effort conjointavec les équipes médicales qui leur sont dé-vouées. Ce suivi se matérialise notamment

par la prise journalière d’un traitement an-tirejet, les séances hebdomadaires d’ortho-phonie, les convocations régulières à l’hô-pital, les séjours en cas de rejet chronique etles tests médicaux, l’attente des résultats etles nouvelles opérations pour corriger oupoursuivre ce que la transplantation n’a paspermis de réaliser en une seule fois. Les pa-tients (se) surveillent, tâtonnent, font l’ex-périence dans leur chair de ces avancéesmédicales. En ce sens, ils effectuent un tra-vail considérable, qui n’est pas toujoursperçu au regard des récits qui autonomi-sent les figures de la chirurgie les plus con-sacrées d’un côté et les agences de régula-tion éthique et sanitaire de l’autre. Entre lesdeux, peut-être Isabelle aurait-elle souhaitéêtre reconnue par-delà son vivant commela patiente pionnière qu’elle a été. Néan-moins, serait-il moins honorable de souli-gner que les patients qui s’engagent dansun processus de greffe du visage ne le fontpas pour la science, mais à leur seule fin?Les patients ne se sacrifient pas sur l’autelde la recherche médicale, ils s’oriententvers une opération qui apparaît comme la

plus forte chance de leur offrir une vie ac-ceptable, dans un contexte de normes d’ap-parence restrictives. Ils entrent dans unservice de chirurgie maxillo-faciale pourretirer une malformation qui envahit leurvisage, ou remédier à la perte d’une partiesubstantielle de celui-ci suite à un trauma-tisme balistique, un accident de feu d’arti-fice, une morsure. Mais ils luttent aussi, etpeut-être surtout, contre la place qui leurest laissée à partir du moment où ils sontdéfigurés. Devenus facialement différents,parlant ou mangeant parfois de façon sin-gulière en raison de l’atteinte à leur mâ-choire, les trajectoires des patients qui s’en-gagent dans un processus detransplantation nous interpellent en cequ’elles révèlent des discriminations spon-tanées et instituées qui les parsèment: re-gards intrusifs, mouvements de recul surleur passage, mais aussi absence de recon-naissance d’un handicap insidieux et ina-déquation du statut de travailleur handi-capé. Figures devenues publiques oupatients restés dans l’ombre, la chirurgie asouvent représenté la seule alternative dis-ponible en réponse à leur exclusion. Trans-former son corps et entrer dans une chroni-cité de patient expérimentateur, au risquede sa vie, plutôt que de se tenir si éloignédes normes d’apparence ordinaire. L’enjeun’est pas tant de retrouver son visaged’avant que de regagner le privilège de lanormalité. Les personnes qui s’oriententvers cette opération visent la plupart dutemps à retourner aux rôles qu’ils remplis-saient avant leur accident ou l’aggravationde leur maladie. La transplantation, plutôtqu’une série d’autogreffes, porte l’espoird’une participation –non entravée par ladéfiguration– aux espaces auxquels ils ap-partiennent: parent au sein d’une famille,voisin dans un quartier, acteur d’un mondeprofessionnel, anonyme dans la rue. Parl’implication dans un dispositif expérimen-tal, la transplantation leur donne un nou-veau rôle, celui de patient au sein d’uneéquipe médicale qui le suit de près. Loind’être seulement des «greffées du visage»,chacune de ces personnes négocie avec lesdifférents rôles qu’elle remplit, et concilieleurs temporalités: préserver un emploi,maintenir la garde de ses enfants, partici-per au rythme de la vie locale, tout en sé-journant régulièrement à l’hôpital et envoyant son visage évoluer au fil de ce par-cours. A travers ces diverses strates de leurexistence, elles créent, sous contrainte,dans et hors de l’hôpital, la vie qu’ellesentendent poursuivre. •

ParMARIELE CLAINCHE-PIEL

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Doctorante en sociologie à l’EHESS,Institut Marcel-Mauss.

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Libération Mercredi 14 Septembre 2016 www.liberation.fr f facebook.com/liberation t@libe u 25

Trump n’a aucunechance, disait-onDans son dernier essai, la politologueMarie-Cécile Naves revient sur cetteascension et met en garde contreles analyses simplistes.

Q uand une universitaire,Marie-Cécile Naves,chercheuse associée à

l’Institut de relations internatio-nales et stratégiques (Iris), ra-conte les Etats-Unis comme leferait une journaliste qui doitcapter l’attention de non-spécia-listes, cela donne un livre docu-menté et agréable à lire. Alorsque les élections de novem-bre 2016 pour désigner le succes-seur de Barack Obama appro-chent, il faut lire Trump: l’Ondede choc populiste pour compren-dre comment celui que l’on n’at-tendait pas comme candidatrépublicain s’est imposé. Iln’avait aucune chance, enten-dait-on. Il n’a aucune chance,dit-on quand on évoque la Mai-son Blanche.D’ailleurs, le Parti républicainavait réussi à enrayer la montéedu Tea Party pour remporter lesélections de 2014 et pensait avoirréglé la question, quand survintle milliardaire qui va se glisserdans les contradictions et les in-cohérences du Grand Old Partyjusqu’à la convention de Cleve-land. Incapable de définir unedoctrine sur l’immigration, lasanté ou le climat, le Parti répu-blicain n’a pu que constater lesdégâts. Le Tea Party l’a emporté.On a trop souvent une idée sim-pliste de la politique américaine:deux partis pas si éloignés sur lefond se disputent civilement lessuffrages des électeurs. Mais lesoppositions au sein même duParti républicain peuvent don-ner lieu a des échanges très vifs.John Boehner, ex-président de la

Chambre des représentants, aainsi traité Ted Cruz, l’ultra-libé-ral opposé à toute immigration,de «fils de pute»!A force d’appliquer des grilles delecture simplistes en revenantaux convictions affichées parReagan en matière économique(la baisse des impôts pour lesplus riches produit de la richesseet donc de la croissance), l’appa-reil a perdu toute capacité de ré-flexion et a confié son destin à unopportuniste préoccupé d’uneseule chose : «son enrichisse-ment personnel et la mise enscène de soi». La colère et larancœur, les moteurs de Trumpet de ses électeurs, vont-ils leporter jusqu’à la Maison Blan-che? Plus personne ne le sous-es-time, conclue Naves en invitantles vieilles démocraties a se mon-trer vigilantes à l’égard des popu-listes qui haussent le tonen Grande-Bretagne, en Hongrie,en France ou ailleurs.

Ph. Dx.

AUTOUR DU MONDE

ParOLIVIER POSTEL-VINAYFondateur et directeur du magazine «Books»

T ous les sondages le disent:dans les pays riches, la ma-jorité des gens pensent que

le monde va de mal en pis. Il fautaller en Chine ou en Indonésiepour voir la proportion s’inverser.Dans la plupart des pays riches,moins de 10 % pensent que lemonde va de mieux en mieux.En France, en Grande-Bretagne eten Allemagne, d’après une en-quête récente, le pourcentage se-rait même seulement de 3 %ou 4% (Libération du 22 janvier).Que penser de ce pessimisme ?Qu’il traduit une belle stupiditécollective, soutient l’essayistesuédois Johan Norberg dans unlivre très optimiste intitulé Pro-grès: dix bonnes raisons de consi-dérer l’avenir avec confiance (nontraduit). Déjà auteur d’un ouvrageen défense du capitalisme et de lamondialisation, Norberg est un li-béral convaincu. Reprenant ànouveaux frais un exercice menépar d’autres avant lui, il aligneune quantité impressionnante dedonnées illustrant la marche duprogrès dans tous les domainessans exception. Malgré les criseset l’explosion démographique, lerevenu par habitant et la longé-vité n’ont cessé de croître depuisla fin du XVIIIe siècle. La pauvretéextrême se raréfie et la tendancelongue est à la réduction des iné-

galités. L’illettrisme recule àgrande vitesse, l’accès à l’ensei-gnement supérieur se généraliseet en dépit de quelques retours enarrière, le pourcentage d’Etatsdémocratiques a poursuivi sacroissance.Comme l’a longuement analyséSteven Pinker dans un livre hélasnon traduit en français, la vio-lence personnelle et collective arégressé au cours des derniers siè-cles et le mouvement se poursuit.Enfin, même si de lourdes mena-ces pèsent sur l’environnement,la gestion de la planète verdit àvue d’œil. «L’âge d’or, c’estaujourd’hui!» écrit Norberg.Pourquoi donc pensons-nous quetout va au plus mal? Il invoque unfaisceau de raisons. D’abord, noussommes toujours les héritiers deschasseurs-cueilleurs du Pléisto-cène: la peur et l’inquiétude sontdes «outils de survie». Cela nousconduit à survaloriser les infor-mations catastrophiques ou néga-tives et à négliger ou ignorer lesdonnées rassurantes ou positives.Ensuite, «une part du problèmevient de notre succès même». De-venus plus riches et plus démo-crates, nous sommes de moins enmoins tolérants à l’égard de lapauvreté et des injustices. Le mal-heur des autres est vu au traversd’un miroir sans cesse grossis-

sant. Tant mieux, car le progrèsn’en sera que plus rapide.A quoi s’ajoutent divers biais co-gnitifs, épinglés par les psycholo-gues. Le «pic de réminiscence» et«l’effet de positivité» se conju-guent : les personnes âgées sesouviennent mieux de leurs10-30 ans que des périodes sui-vantes et ont tendance à écarterde leur mémoire les événementsnégatifs pour privilégier les posi-tifs. Ils enjolivent le temps de leurjeunesse. «La nostalgie est biolo-gique», écrit Norberg. A l’inverse,un événement désagréable nousaffecte plus qu’un épisode agréa-ble. Et dans la population géné-rale, tous âges confondus, noussommes victimes de ce que lespsychologues appellent dans leurjargon «l’heuristique de la dispo-nibilité». Plus un événement estmémorable, plus il est perçucomme s’inscrivant dans une lo-gique du probable. Or, les plusmémorables sont les plus horri-bles. Comme les mauvaises nou-velles circulent désormais à la vi-tesse de la lumière et que lesmédias continuent d’en faire leurbeurre, nous vivons dans l’illu-sion que catastrophes et tragédiessont plus fréquentes.Tout cela est exact, et vaudraitd’être rappelé plus souvent par lesmédias et les politiques. Maisl’optimisme érigé en systèmed’interprétation est aussi unprisme déformant. Voltaire s’enest moqué avec verve. Le pessi-misme des nantis n’est pas entiè-rement stupide. Quel que soit no-tre niveau d’instruction, noussentons bien que l’édifice est fra-gile. Le progrès nous joue destours, les régressions sont fré-quentes et les civilisations sontmortelles. Les troubles mentauxsont devenus la première caused’invalidité dans le monde et lepays le plus peuplé de la Terre estune dictature rétrograde. Un peupartout les déficits de gouver-nance sautent aux yeux.L’historien britannique FelipeFernandez-Armesto observait ré-cemment: «Nos dilemmes ne vien-nent pas des progrès bien réels quenous avons accomplis, mais de lastagnation de notre intelligence etde notre moralité.» •

Pourquoi penserque tout va mal?L’optimisme comme le pessimisme sontdes prismes déformants pour expliquerles avancées ou les régressions de la planète.

TRUMP. L’ONDE DE CHOCPOPULISTEde Marie-Cécile NavesEditions Fyp, 127 pp., 13 €.

EN HAUT DE LA PILE

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26 u Libération Mercredi 14 Septembre 2016

CINEM

A/

VirginieEfira enVictoria,entre hautet bas.PHOTOSAUDOINDESFORGES

«VICTORIA» cours magistral d’alchimie

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Libération Mercredi 14 Septembre 2016 www.liberation.fr f facebook.com/liberation t@libe u 27

Burn-out Jonglantentre l’avocatebrillante et la mèrede famille bordélique,Virginie Efira explosedans la comédieromantique deJustine Triet,irrésistible variationsur la dépressionet le rebond.

«A ucune relation n’est équili-brée. La notion mêmed’équilibre ruinerait à elle

seule toute forme de connexion entredeux personnes», fait affirmer Victoriaà son héroïne du même nom, qu’inter-prète avec délice Virginie Efira –et l’ac-trice en sait quelque chose. Si elle serademeurée longtemps une promesse enattente de partitions et de films à samesure, même les aventures passablesqui nourrissaient sa filmographie jus-que ces derniers mois (et ses rôlesautrement substantiels chez Paul Ver-hoeven, dans Elle, ou ici, devant la ca-méra de Justine Triet) travaillaient déjàà une logique du parcours dont la no-tion de déséquilibre serait le cœur.D’abyssales différences d’âge (Vingtans d’écart), de taille (Un homme à lahauteur) ou d’éducation (Une familleà louer) balisent l’itinéraire de cinémade ce corps puissant et plein d’aplomb,aussi sûr de ses appâts que de ses appé-tits, que les intrigues qu’il attire à luis’ingénient pourtant à confronter auvertige d’un écart, menaçant alors dele renverser.Cette propension à laquelle cette loin-taine cousine européenne d’une DrewBarrymore oppose en vain fausse maî-trise et vraie candeur fait d’Efira, par-delà l’actrice épatante qu’elle se révèleêtre, une redoutable matière à comé-die, cet art absolu du dérèglement et del’infléchissement des lois supposéesacquises. Ou du moins en avait-on l’in-tuition, et voilà que s’en présentel’idéale confirmation sous la formed’un rêve de comédie romantique,comme l’on en venait à douter que lecinéma d’auteur français en connaissela formule alchimique. Une décoctiondont on croirait que la réalisatrice deVictoria –remarquée pour ses courts etdocumentaires, puis révélée par l’en-thousiasmant la Bataille de Solférino(lire son portrait dans Libération demardi)– l’a dénichée non dans un livrede recettes prêtes à filmer, mais encompulsant une collection loufoque detraités scientifiques.

DOUCE EXCENTRICITÉDe droit pénal: son héroïne est avocate,conduite malgré ses réticences fondéesà défendre l’innocence d’un ami –quesa compagne accuse d’agression au cou-teau à dessert–, et ce devant un tribunaloù seront appelés à comparaître, entreautres témoins, un chimpanzé et undalmatien. De sociologie: sans plus sa-crifier au chantage à l’effet de réel qu’àla douce excentricité des personnagesqui l’entourent, Victoria se révèle l’undes plus beaux et ciselés personnagesde femme adulte que l’on ait croisé de-puis longtemps dans un film français.Machine de guerre au prétoire en dé-route à la ville, d’une rhétorique fou-droyante en affaires mais incapabled’éloquence dans une vidéo de mariage,puissante et friable, brillante et faillible,sexy et jamais sexualisée à ses dépens,pleine d’allant et sans cesse guettée parl’effondrement. D’économie: commel’appartement de Victoria apparaît sur-chargé d’objets au rangement aussi dé-rangé qu’elle (à l’image de sa bibliothè-que où s’entassent côte à côte le Lexomilet la coke, Baudrillard et Cioran, les dos-siers d’instruction et les jouets d’en-

fants), Victoria déborde d’un chaos depersonnages, de bêtes, d’accessoires, deparoles et de pistes de développementpersonnel contradictoires, pour les-quels il compose un équilibre miracu-leux. Chaque figure et chaque choseparviennent pleinement ici à s’incarneravec profondeur de champ et souciplastique très affirmé, en des gestes, descorps et des décors: fort d’une réuniond’acteurs remarquables (Vincent La-coste, Melvil Poupaud, Laurent Poitre-naux, Julie Moulier, Laure Calamy…),le film sait faire exister la chaleur et lavitalité d’un monde autour d’eux, qui neparaisse jamais tout à fait un décalquedu nôtre ni un coup de force de chefdéco, offert à ce que les personnages lemettent, ou non, sens dessus dessous.

ATOMES GANGRENÉSEnfin, il s’agit surtout, au fond, de phy-sique-chimie. Car, de ces deux matiè-res, la comédie carbure à la premièretandis que la seconde s’affirme ici lagrande affaire du romantique. C’estVictoria elle-même qui le dit, plaçantles enjeux à cet endroit-là dès la scèneinaugurale, alors qu’elle s’adresse à sonpsy: «J’aimerais comprendre là où çaa commencé à merder chimiquementdans ma vie.» Ainsi, chacune des com-posantes désaccordées de son exis-tence, de sa carrière précaire à sonanarchique vie domestique, conspireà la mettre à terre –c’est bêtement phy-sique. C’est-à-dire à la soumettre auxprincipes d’une gravité, une attractionvers le sol et vers des êtres auxquelselle se refuse, toute à son aspiration àune apesanteur légère: mère célib en-chaînant les désastreux plans cul Tin-der, elle réside, avec ses deux gamineset leur baby-sitter à demeure, en unétage si élevé d’une tour que l’on croi-rait qu’elle habite une portion éthéréede la ville, au milieu du ciel, alorsmême que tout chez elle exprime lapeur du vide.Plus encore, tout, dans son sillage, neparaît qu’affaire de masse, de pesan-teur, de composants chimiques altérés–qui «merdent» donc. Le couple de cetami au banc des accusés et sa compa-gne, n’ayant de cesse de se déchirer etde se remettre ensemble sans disconti-nuer leur guerre au tribunal, décritecomme l’attirance de deux moléculesaux atomes gangrenés. Le corps de cetamant qui lui paraît «extrêmementlourd» lorsque Victoria est soudain sai-sie d’une crise de panique post-coïtale.Les jours de dépression qui pèsent unetonne dès lors qu’elle se retrouve sus-pendue six mois du barreau, pour une

faute que sa vie mal ordonnée a com-mise à sa place. Le poids des mots etdes individus alentour, rendu inquan-tifiable à mesure qu’elle sombre vers lefond supposé de sa déconfiture –si tantest qu’il y en ait un.Justine Triet rejoue aussi ici quelquechose des batailles de son précédentfilm (où le personnage de LaetitiaDosch jonglait entre les soubresauts deson divorce et les prises de direct d’unechaîne d’info en continu dans le tu-multe d’un soir d’élection présiden-tielle), emmêlant en de joyeuses pelo-tes de nœuds les fils reliant lespolarités du quotidien: vies profession-nelle et intime, publique et privée, tou-tes mises en réseau de courts-circuitstoxiques tant par l’incapacité de Victo-ria à trouver enfin son centre de gravitéque les mesquineries des hommes quila plombent et dont elle ne parvientpas à se déprendre.A cette image, l’alliance filante scéna-rio-montage du film procède par uneécriture d’interférences et de contre-temps, coupant dans les scènes afin demieux les raccorder entre elles cœurcontre cœur, souvent au mépris de lachronologie, comme pour ne jamaisprendre ses appuis exactement là oùl’on l’attendait dans pareilles situa-tions, et faire alors feu d’une intensitédont le foyer irradie rarement de là oùl’ordinaire des films l’aurait situé. Ladrôlerie du personnage réside dans sesproblèmes d’adresse, au sens propre,qui lui font ne rien loger à sa place, seplanter souvent d’interlocuteur, injec-ter les confessions privées dansl’échange professionnel, s’adresser à savoyante comme si c’était là son psy, etinversement.

PLAIDOIRIE À LA RAMASSEPar-delà la brillance à l’unisson des ac-teurs, l’essentiel de la grâce et de la vi-bration burlesque qui parcourent Vic-toria doit beaucoup à la manière dontla mise en scène de Justine Triet s’ac-corde à ce régime existentiel de vastesdérèglements moléculaires, condui-sant à la collision, la fusion et l’interpo-lation des contraires. Dans ce qui seprésente déjà, en quasi-oxymore,comme une comédie enjouée de la dé-pression, la cinéaste embrasse les figu-res de la course de Victoria à contre-emploi, à contrepoids même, prenantacte de la pesanteur de chaque chosepour mieux la renverser, filmer les sta-tions les plus empreintes de gravité desa descente aux enfers avec une aé-rienne désinvolture, fusant comme sielles ne pesaient en définitive rien.C’est comme si Victoria s’évidait d’unpeu plus de sa substance, au risque del’évaporation, à mesure qu’elle s’en-fonce et menace de chuter pour de bon.Et ainsi tout le film chemine-t-il de cepas léger vers une reconquête, aux ac-cents d’expérience en éprouvette me-née sur la matière. Reconquête dupoids de ses mots et de son être –cul-minant dans une scène de plaidoirie àla ramasse, car sous stupéfiants, colo-rée du souvenir des prodiges du BlakeEdwards tardif –, pour que puisses’achever sa danse trébuchante au borddu vide sur la victoire d’un sourire en-fin plein de lui-même. •

VICTORIA de JUSTINE TRIETavec Virginie Efira, Vincent Lacoste,Melvil Poupaud… 1 h 36.

ParJULIEN GESTER

cours magistral d’alchimie

La grâce et lavibration burlesquequi parcourentVictoria doiventbeaucoup à lamanière dont la miseen scène de JustineTriet s’accorde à cerégime existentiel devastes dérèglementsmoléculaires.

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28 u Libération Mercredi 14 Septembre 2016

CINEMA/Parution La légende veut que Bill Murraysurgisse dans les lieux les plus improbables.Un journaliste de Rolling Stone, Gavin Ed-wards, a compilé ce mois-ci dans un recueildes entretiens avec le comédien d’Un joursans fin et des témoignages de ses prochessur la «Bill Murray way of life».«The Tao of Bill Murray», de Gavin Edwards,Random House, 368pp.

«Showgirls», Las Vegas parabole

«C’ est probablement le film le plusélégant que j’aie jamais tourné»,affirme Paul Verhoeven dans

un article de Rolling Stone en 2015 où il évo-que, vingt ans après, la période calamiteusede son Showgirls aux Etats-Unis, film qui suc-cédait à l’énorme succès de Basic Instincten 1992. Une provocation, si l’on veut bienconsidérer que ce récit de l’éducation socialehardcore d’une jeune danseuse, Nomi Malone(la révélation Elizabeth Berkley qui eut le plusgrand mal à retrouver un rôle), à Vegas, avaithorrifié jusqu’au fan du cinéaste d’origine hol-landaise, passé à Hollywood à la fin des an-nées 80. La violence du rejet public et critiquedu film à sa sortie –une première pour Ver-hoeven, champion du box-office depuis Tur-kish Delight en 1973– semblait alors une réac-tion prophylactique pour se débarrasser dessaletés ou impuretés que le film se serait ingé-nié pendant plus de deux heures à déversersur ses spectateurs innocents, ulcérés de tantde mauvais goût. Pourtant, la même année,

sortaient en salles des films aussi violents etoutranciers que Seven de David Fincher ouKids de Larry Clark, et l’académie des oscarsavait couronné «meilleur film et meilleur réa-lisateur» le Braveheart de Mel Gibson. Cen’est donc pas comme si la salissure Showgirlscontaminait à elle seule un monde mer-veilleux, pur et moralement inflexible. C’estbien sans doute que le film touchait un nerf,une zone sensible ou une limite. Le film estpourtant rapidement réévalué, en particulieren 1998 aussi bien par Quentin Tarantino quepar Jacques Rivette qui, dans une interviewaux Inrocks, lâche à une population cinéphilesidérée: «Showgirls est l’un des plus grandsfilms américains de ces dernières années.Comme tout Verhoeven, c’est très déplaisant:il s’agit de survivre dans un monde peuplé d’or-dures, voilà sa philosophie.»

Simulacre. Le critique canadien AdamNayman, qui lui a consacré un panégyriquehilarant en 2014, a lui-même titré son livreIt Doesn’t Suck, que l’on pourrait traduire par«Non, ce n’est pas une merde». Pour ce quiconcerne Libé, on n’a pas retrouvé trace dumoindre papier, sinon un article en 1996 parPhilippe Garnier sur Las Vegas au cinéma, oùil dit que le film est «celui qui ressemble le

plus physiquement à l’endroit: imitatif, vénalet laid comme le péché». Le projet, qui avaitfailli ne pas se faire après la faillite de la so-ciété de production d’origine, Carolco Pictu-res, avait été repris et financé par le groupeindustriel Chargeurs, ce dernier ayant parailleurs successivement racheté Pathé et… Li-bération ! En dépit de toutes ces embûches,Showgirls a fini paradoxalement par devenirrentable sur le long terme, ses ventes vidéoayant largement compensé la contre-perfor-mance en salle. Jusqu’à cette reprise de luxeaujourd’hui en version numérique simulta-nément en blu-ray et salles quelques moisaprès le retour en forme de Verhoeven avecson premier film en français, Elle.Le Vegas des jeux de hasard et de la mafiaqui fascine Scorsese (Casino sort la même an-née), Verhoeven s’en fout, de même qu’il nefait à peu près rien de l’ample spectacle cli-gnotant de la ville. Il veut saisir la fureur affir-mative d’une quête de soi qui est aussi unefuite en avant au travers d’un monde sans re-flets ni envers. Tout ici est un simulacre sanscontour, une scène survoltée où défilent àvive allure et dans un barouf absurde de boî-tes à rythme détraquées des corps bondis-sants et disloqués. La synthèse du triompheet de la chute libre est la (dé)mesure sur la-

quelle le cinéaste calcule sa mise en scène,et le viol est probablement ce vers quoi con-verge inexorablement le désordre des désirset pulsions des uns et des autres négociés etbradés à longueurs de coïts et orgasmes hy-perboliques.

Sadien. Si le casino repose sur l’extase de ladépossession (seule la dette compte), l’uni-vers du show avec ses danseuses quasi nues–que les hommes considèrent de facto noncomme des artistes mais comme des putes(ce qui met Nomi Malone hors d’elle)– s’ap-puie sur une économie symétrique de l’abus(par tricherie, chantage ou par force). Verhoe-ven, dont le matérialisme sadien est le plusinflexible qu’on puisse observer sur le longcours, ne juge pas, il regarde comment cemonde fonctionne et déraille en une épui-sante frénésie qui esthétiquement ressembleà un rêve de partouze berlusconienne, ill’écoute sonner creux et s’égarer dans un dé-sert saumâtre de rêves perdus.

OLIVIER LAMM et DIDIER PÉRON

SHOWGIRLSde PAUL VERHOEVENavec Elizabeth Berkley, Kyle MacLachlan,Gina Gershon… 2 h 11

Rejeté à sa sortie en 1995 pourson mauvais goût, le film dePaul Verhoeven revientauréolé d’une légende vivace.

SALISSURE

ElizabethBerkley, dont

Showgirls a misla carrière à mal.PHOTO PATHÉ DIST.

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Libération Mercredi 14 Septembre 2016 www.liberation.fr f facebook.com/liberation t@libe u 29

Coproduction Nathanaël Karmitz, à latête du groupe MK2 (65 salles à Paris),et le cinéaste Jia Zhangke – Touch ofSin, Still Life (photo) –, qui a lancé saboîte Fabula Entertainment en mai, ontsigné un accord de partenariat pour co-produire et distribuer des films, exploi-ter des salles et développer des conte-nus en réalité virtuelle. PHOTO DR

Tournage Après avoir débuté dans ses terresà Roubaix (Nord), le tournage du neuvièmefilm d’Arnaud Desplechin (photo) se prolongeà Paris – il a été aperçu dans le Xe arrondisse-ment. Les Fantômes d’Ismaël suit le parcoursd’un cinéaste hanté par une épouse disparue.On y retrouve Mathieu Amalric entouré deLouis Garrel, Charlotte Gainsbourg et MarionCotillard. PHOTO REUTERS

RENCONTREÀLYON

LACULTUREAUXCITOYENSENSEMBLE !UNE JOURNÉEDEDÉBATLUNDI 19SEPTEMBREJEAN-CLAUDECARRIÈREÉCRIVAINAURÉLIE FILIPPETTIDÉPUTÉERACHIDOURAMDANECHORÉGRAPHEMICHELLUSSAULTGÉOGRAPHE…

Université Catholique de Lyon - Campus Saint PaulEntrée libre sur inscription

Informations sur liberation.fr/evenements#biennaledeladanselyon

D ans une premièrescène saisissante,on observe au ra-

lenti et en gros plan, tellesdes créatures monstrueu-ses, des grappes d’écoliersqui dansent. Les Démonsdu titre, ce ne sont pas euxmais un ensemble de pho-bies qui hantent, sur fond

Chérubin et «Démons»Philippe Lesagepasse à la fictionen disséquantnos peurs d’enfant.

FANTASMATIQUE

de fait divers sordide, cecinquième long métragedu Québécois PhilippeLesage.Dans une banlieue cana-dienne cossue, Félix,préado maussade, écha-faude toutes sortes de fan-tasmes mettant en scèneses parents se cocufiant etse séparant, ou d’inquié-tants voisins roux en vio-leurs terrorisant le quar-tier. En plus d’entretenirune fixation érotique surune surveillante de l’école,

l’enfant se livre à des jeuxsadiques avec son meilleurami qu’il enferme dans uncasier. Bref, se décline làtout un répertoire de peursenfantines : pulsionsréprimées, misère affec-tive, hantises sociales.Jamais formulée, l’anxiétéchronique est entretenuepar des récits et rumeurscolportés dans la cour derécré, en l’absence des pa-rents (dont Laurent Lucas,toujours aussi formidable-ment glacial).Le cinéaste au style pla-cide a signé plusieurs do-cumentaires (Laylou, Cecœur qui bat…) et entre-tient, d’après nous, certai-nes affinités (aquatiques,musicales) avec le cinémade Céline Sciamma, enparticulier Tomboy etNaissance des pieuvres.Séduisant dans son por-trait sans psychologiepoussive des ambiguïtésenfantines, ce premierpassage à la fiction pèchetoutefois par le déséquili-bre entre une dramaturgietimorée – à l’image de sonpersonnage – et une BO àl’emphase grandiloquente.

C.Ga

LES DÉMONSde PHILIPPE LESAGE avecLaurent Lucas, EdouardTremblay-Grenier… 1 h 58.

«La Taularde», peine perdue

L e titre original de la Taulardeétait Taulardes. Outre l’em-prunt à un argot un peu com-

passé, le mot au pluriel disait quel-que chose du projet initial d’AudreyEstrougo, réalisatrice, entre autres,de l’infernale romcom musicale Toi,moi, les autres : faire à tout prixquelque chose du succès de la sérieaméricaine Orange Is the New Blacken France, fière patrie du réalismecoup de poing, de Huis clos et d’Unprophète. C’était sans compter laparticipation au projet de Sophie

Marceau –dont on devine derrièrela formule «film fragile» utilisée iciou là par sa productrice Julie Gayetcombien elle fut déterminante dansle montage financier– qui phago-cyte évidemment l’attention duspectateur au point qu’elle occultetoutes les choses qu’on pourrait enpenser. C’est dommage, parce qu’ily aurait beaucoup à redire sur l’in-conscient idéologique à l’œuvrederrière sa galerie de personnagesen forme de bestiaire boschien, sonambition de faire fresque et ses si-dérantes scènes de bravoure –no-tamment un échange de téléphoneportable entre une mère et son fils,d’un orifice à un autre, qui faisaitsans doute partie du cahier descharges «radical réaliste» et dont onest presque certain qu’il n’a aucunprécédent dans le genre carcéral.

Mais le chœur de détenues sur lecôté de l’image (citons parmi lesplus remarquables, au sens propre,les méritantes Marie-Sohna Condé,Eye Haidara ou Alice Belaïdi) a beaurouler des yeux et éructer ses plusbeaux gros mots au visage affecté deMarceau, on ne voit qu’elle, notreShirley Temple éternelle dont lacote de popularité continue de ré-gner dans le cœur de la majorité desFrançais, peu importe la croûtequ’elle choisit de bien vouloir illu-miner de sa présence.Et puisqu’il n’y a que ça dans sa fil-mographie récente, permettons-nous de déplorer qu’elle ne profitepas de l’estime indestructible dontelle jouit auprès de ses concitoyenspour ne pas oser des choix de ci-néma plus audacieux. D’autant qu’àen croire un article de la rubrique

«loisirs» de l’excellent site Vsd.fr, àpropos de la présentation du film aufestival de Hongkong en avril, lesgrands cinéastes ne manqueraientpas d’idées pour l’employer: « [So-phie Marceau] a été consacrée mem-bre honorifique de l’Asian Film Aca-demy lors d’une soirée suivie par undemi-million de téléspectateurs. Yparticipaient le ban et l’arrière-bandes grands réalisateurs asiatiques,

de Johnnie To à Hou Hsiao-hsien.Tous ont eu leur photo avec elle.Quant à Wong Kar-wai, c’est lui quia tenu à shooter notre star.» Et s’il luiprenait de faire des films avec euxplutôt que des selfies?

O.L.

LA TAULARDE d’AUDREYESTROUGO avec Sophie Marceau,Marie-Sohna Condé… 1 h 40.

Dans ce nouveaurôle, Sophie Marceaus’enferme dansses travers et occupetout l’espace.

FRAGILE

Sophie Marceau dans le film d’Audrey Estrougo. PHOTO REZZO FILMS

Les Démons de Philippe Lesage. PHOTO PANAME

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30 u Libération Mercredi 14 Septembre 2016

CINEMA/SUR LE WEBClip Les White Stripes ont reçu unesurprise de leur vieux complice MichelGondry : une vidéo accompagnant leurchanson City Lights, tournée dansl’intimité d’une salle de bains, qui mobilisetoute sa fantaisie «do it yourself» : sur lavitre d’une cabine de douche, le récit sedessine dans la buée, du bout du doigt.

L’Egypte en clans rapprochés

En 2010, Mohamed Diab a jouid’une petite notoriété lors dela diffusion de son premier

film, les Femmes du bus 678. Cehuis-clos dans un car municipalexaminait le sexisme quotidien àl’œuvre dans les transports en com-mun égyptiens, où les passagèressont régulièrement harcelées. Pré-senté en ouverture de la section Uncertain regard au dernier Festival deCannes, son second long métrageau titre choc, Clash, recycle pares-seusement le même dispositif demise en scène de huis-clos itinérantet sous pression.

Cagnard. Bravant la censure, le ci-néaste et activiste ausculte icil’onde de choc de la révolutionégyptienne de 2011 ayant conduit,après la chute de Moubarak et lamontée en puissance des Frèresmusulmans, à plusieurs mouve-ments citoyens. Au moment de laretentissante destitution du prési-dent Morsi en 2013, la vacance dupouvoir jette à nouveau dans la rue

Avec «Clash»,Mohamed Diabconfronte la sociétépost-révolution dansun fourgon policier.Sans grande surprise.

HUIS CLOS

des Egyptiens en quête de renou-veau démocratique. En marge d’unrassemblement organisé au Caire,manifestants et badauds sont rafléspar les forces de l’ordre et balancésdans un fourgon de police. Desmembres de factions ennemies, op-posants politiques au régime, pro-

ches de l’armée et tenants de l’ordreétabli, pro-Frères musulmans se re-trouvent ainsi entassés ensemble(tableau cocasse!) aux côtés de deuxjournalistes américains venuscouvrir les événements. Parquéscomme dans un wagon à bestiauxdans l’attente d’être libérés ou jetés

en prison, les captifs assoifféss’épuisent sous le cagnard.Le film égrène une succession inter-minable d’anecdotes rythmant lerécit sur fond de grande histoire :embrouilles amoureuses, règle-ments de comptes familiaux et pau-ses pipi gênantes en public. Lors-

qu’un embryon de débat politiquevoit le jour dans l’habitacle, chacunse retranche dans son camp. Lesrues agitées du Caire que le véhiculesillonne sont filmées par les lucar-nes via une caméra embarquée aumilieu de cette mêlée vociférante.Du niveau d’un vaudeville, la théâ-tralité du jeu d’acteur semblecondamner les interprètes à se met-tre des baffes ad nauseam.

Chapelles. Ce que l’on perçoit dela situation, pour résumer, ce sontles divisions qui perdurent dans lasociété égyptienne et un niveaud’ébullition collective où les échan-ges d’arguments tournent vite aupugilat pur et simple et les violen-ces policières flagrantes dénoncéespar le film concernent aussi fem-mes, vieillardset enfants. Mais de-meure tout au long du récit ultracontraint un fort sentiment d’artifi-cialité et l’on se désintéresse rapide-ment de la foire d’empoigne ayantlieu dans ce «convoi de la peur», quibrouille toute lecture des faits, sansque le pessimisme politique du réa-lisateur paraisse jamais le résultatd’une vraie réflexion.

CLÉMENTINE GALLOT

CLASH de MOHAMED DIABavec Nelly Karim, Hani Adel,Tarek Abdel Aziz… 1 h 37.

L’onde de choc de la révolution égyptienne de 2001 vue par Mohamed Diab. PHOTO PYRAMIDE

«Mr. Ove», un senior en classe trépasLe quotidien d’un veuf acariâtre etsuicidaire est bouleversé par l’arrivéed’une famille iranienne en guisede nouveaux voisins. Gentil.

FEEL-GOOD DÉPRESSION

S i le titre Mr. Ove restemystérieux, celui duroman du Suédois Fre-

drick Backman dont estadapté le film envoie directla couleur : Vieux, râleur etsuicidaire – la Vie selon Ove.Et ce long métrage de Han-nes Holm, après avoir exposédans un sourire à quel pointson personnage principalétait vieux, râleur et suici-daire, va montrer lourde-ment quelle était sa vie, surun fond dramatique proched’une «Nuit des héros àTrollhätan» découpée enflash-back.Ove, 59 ans, est veuf, psycho-rigide et viré de son boulot.Certainement pis, il est le

croisement facial de HelmutKohl et de Hubert Védrine.Rien ne le retient vraiment àl’existence, sinon les rondesqu’il effectue chaque matindans sa résidence et les ad-monestations qu’il adresse àses voisins mal garés ou quipromènent leur chien. Unemmerdeur majuscule pourune farce noirâtre. Ove vadonc chercher à se suiciderpour se rapprocher de Sonja,sa femme, décédée il y asix mois. Il n’y parviendra ja-mais, il est sans cesse dé-rangé. Cette mort que le hé-ros désire sans la trouverdonne l’occasion au réalisa-teur de parler des autresmorts qui ont entouré Ove, et

il y en a un paquet: sa mère,son père, sa femme…La disparition la plus obsé-dante du film est cependantcelle du monde ancien, quisuccombe sans cesse devantcelui de la modernité. Ove,interprété par Rolf Lassgardqui a reçu un Guldbagge(l’équivalent suédois des os-cars) pour ce rôle, trouve quetout part en sucette, que lavie avant était plus agréable,les jeunes plus respectueux,etc. Le film inverse avec ef-fort cette polarité réac, aidépar l’apparition d’une fa-mille iranienne qui, à forcede gentillesse, va faire mou-rir les préjugés du vieilhomme. Tout cela est beau

comme un cliché du lacVänern éclairé par uneaurore boréale.Mais l’on trouve au milieude ce feel-good movie dé-pressif une pépite. La visiondu paradis pour un Suédois:un voyage en car, afin de serendre en Espagne dans unhôtel trois étoiles en demi-pension où paresser autourde la piscine. Ce jardind’Eden se transformera enTartare.

G.Ti.

MR. OVEde HANNES HOLMavec Rolf Lassgard,Bahar Pars, ZozanAkgün… 1 h 55.Mr. Ove, de Hannes Holm. PHOTO PARADIS FILMS

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Libération Mercredi 14 Septembre 2016 www.liberation.fr f facebook.com/liberation t@libe u 31

Avec 106 156 entrées en deux semaines, Divines de HoudaBenyamina est bien parti pour atteindre les 500 000 specta-teurs, soit un très beau score pour ce premier film, caméra d’orà Cannes. Nettement plus sage et sans enjeu, le nouveau Fran-çois Ozon se place sans surprise en tête du classement hebdo(par moyenne, car en nombre d’entrées, il est deuxième der-rière Ben-Hur), attirant trois fois plus de spectateurs qu’Eter-nité de Tran Anh Hung, autre grosse production costuméefrançaise. (SOURCE «ÉCRAN TOTAL», CHIFFRES AU 11 SEPTEMBRE)

FILM SEMAINE ÉCRANS ENTRÉES ENTRÉES/ÉCRAN CUMULFrantz 1 210 130 247 620 130 247Mechanic : Resurrection 2 216 94 792 439 293 193Eternité 1 101 40 157 398 40 157Relève: histoire d’une… 1 23 9 042 393 9 042Ben-Hur 1 437 157 224 360 157 224Comancheria 1 208 70 229 338 70 229Dans le noir 3 231 76 999 333 512 662Nerve 3 300 84 527 282 529 084

TICKETD'ENTRÉE

La Matinale de Saskia de Ville Le nouveau réveil du lundi au vendredi 7h - 9h Retrouvez chaque jeudi à 7h40 la chronique de Guillaume Tion de Libération

En partenariat avec

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L a casquette est toujours là, mais lepas se fait traînant, stigmate d’unecondition d’Américain moyen bibe-

ronné aux burgers toxiques. La nuque estlongue, le cheveu fin et les traits tirés: Mi-chael Moore a franchement mauvaisemine, et l’Amérique aussi. L’emblématiquedocumentariste américain en fait le cons-tat d’entrée, dans un montage anxiogènede présentateurs télé en hyperventilationet de vidéos amateurs de violences policiè-res –un tableau apocalyptique avec cesados noirs gisant sur l’asphalte et ces pa-rents d’élèves qui se cotisent pour payer lePQ dans les écoles, alors que 60% de leursimpôts finissent dans la poche de l’armée.

Liliputiens. Moore se fantasme en sau-veur de l’Amérique missionné par l’état-major américain –comprendre «ce sonteux qui dirigent vraiment le pays», Obaman’étant jamais cité– à qui il offre la solu-tion habituelle: envahir un pays pour luipiquer ce qu’il a de meilleur, prétexte nar-

Le rêve européende Michael MooreLe réalisateur revient avec«Where to Invade Next»,une ode au Vieux Continententre œillères et clichés.

DOCUMENTAIRE

ratif pour vanter les mérites de la social-démocratie à l’européenne et ses doucesexcentricités que sont le treizième mois etl’université gratuite. Moore a toujoursprêché, avec une indéniable dextérité, desconvertis. La gauche antilibérale auxEtats-Unis et ailleurs, et plus encore ce quireste son cœur de cible: les tenants de l’an-ti-américanisme en Europe, à son pic du-rant l’ère Bush, qui coïncide, et ce n’est pasun hasard, avec l’apogée du réalisateur,palmé à Cannes en 2004.Michael Moore est un réalisateur du Nou-veau Monde adulé par le Vieux Conti-nent… jusqu’à ce qu’il s’y intéresse. Enfilmant l’Europe comme les Voyages deGulliver, en rejouant la satire du géantchez les lilliputiens éclairés, Moore appli-que sa méthode habituelle mais, cette fois,le spectateur européen ne peut échapperà un incroyable sentiment de déréalisa-tion. Si Moore s’appuie sur des faits, par-fois à la limite de la collection d’insolites,il ignore sciemment certaines réalités: quece soit le chômage endémique en Italie, lacontestation grandissante du modèle édu-catif scandinave (ici vendu comme révolu-tionnaire) et la précarité absolue des«minijobs» en Allemagne, où lui ne voitqu’une «classe moyenne florissante». Mais

on ne jouera pas à la rubrique Désintox ici,puisque le réalisateur revendique ses œil-lères («Je cueille les fleurs, pas les mauvai-ses herbes», dit-il), Pangloss moderne sansporte qui claque ni traquenard mais ami-ami avec présidents et patrons de ces loin-taines et exotiques contrées que sont laSlovénie, l’Islande ou… l’Italie.

Hachoirs. Les habitants de la Botte sontpour le réalisateur une curieuse peupladeaux deux heures de pause déjeuner etcinq semaines de congés payés (la loi amé-ricaine ne stipule aucune obligation de lasorte), d’où ce teint frais de ceux «qui vien-nent juste de faire l’amour». Quant à «l’in-vasion» française, introduite elle aussi parune pluie de clichés («comme d’habitude,les Français ont offert peu de résistance…»)et une citation de la comédie sous-cotéeRicky Bobby: roi du circuit (2006) qui pro-voque par ailleurs les rires les plus francsde la séance, elle se concentre sur les can-tines scolaires hexagonales où les enfantsboivent de l’eau et n’ont jamais vu un ham-burger, summum du raffinement. EtMoore d’embrayer sur un cours d’éduca-tion sexuelle, évidemment.L’épisode le plus lunaire est la visite d’uneprison sans mur en Norvège, aux airs deCenter Parcs avec condamnés pour meur-tre équipés en hachoirs (pour couper lesfines herbes) et matons non armés quiconfectionnent des lipdubs sur We Are theWorld. Au fil de son périple où chaque «ré-vélation» est soulignée à grand renfortd’arpèges de guitare larmoyants, Mooreparvient à une évidence: les femmes sontla solution au dévoiement de l’humanité,à la crise financière, à la violence –elles«s’occupent bien des gens, [elles] ont celadans l’ADN», dit une femme d’affaires is-landaise. Que ce soit en Tunisie, où Mooretrouve, contrairement au Texas, des cen-tres d’antennes du planning familial enétat de marche et une Constitution quipromet l’égalité des droits entre hommeset femmes, ou en Islande, donc, patrie dela première femme élue à une présidenceeuropéenne. Tout ça pour que Moore nousexplique dans son post-scriptum –atten-tion, twist– que ces grandes et belles idéeshumanistes (le terme «socialiste» reste ungros mot) ont une origine oubliée: l’Amé-rique. CQFD.

GUILLAUME GENDRON

WHERE TO INVADE NEXTdocumentaire de MICHAEL MOORE (2 h).

«Toril», l’arènedes dealersEntre western méridionalet thriller rural, Laurent Teyssierplonge Vincent Rottiersdans une spirale de galères.

ENTREPÔT

C e journal gardant encore quelques lec-teurs au nord de la Loire, sans douten’est-il pas inutile de donner la définition

du mot qui donne son titre au premier long mé-trage de Laurent Teyssier (un temps pressentisous l’appellation Mauvais Œil –qui aurait aussifait l’affaire) : le «toril» est cet espace clos danslequel on parque les taureaux avant de les lancerau combat, dans l’arène. Un lieu où règne doncune tension paroxystique que la métaphoredéplace par un pas de côté dans un monde ruralen crise où la survie économique est devenueune épreuve quasi quotidienne. Ainsi, Philippeest-il un jeune gars de la campagne qui vivotedans son coin, jusqu’au jour où il décide d’aiderson père, malade, qui n’arrive plus à vivre desmaigres récoltes écoulées sur le marché. Unbusiness famélique en appelant un autre, pluslucratif, autant que non déclaré, le rejetons’implique parallèlement au côté de trafiquantsde drogue à qui il fournit un entrepôt pourstocker la marchandise. Le problème étantqu’une fois embringué dans ce type d’activité,il n’est pas toujours simple de s’en extraire.Drame naturaliste dynamisé sous forme dethriller sans faux-col, nous revoici donc, presqueun demi-siècle plus tard, mine de rien, avec uneHorse-bis (Pierre Granier-Deferre, Jean Gabin,tout ça) où les valeurs traditionnelles d’ununivers régi par une certaine intransigeance(comment tricher avec le travail de la terre?)menacent de voler en éclats sur fond d’amora-lité délictueuse prospérant sur la débâclesocio-économique.Implanté dans un décor aride de westernméridional où l’autorité ne se conçoit guèrequ’au masculin, le modestement calibré Torilrepose de surcroît sur un casting dominé parVincent Rottiers (Dheepan, Bodybuilder) quiconfirme là un profil adapté aux personnagesrenfrognés dont la sensibilité à fleur de peaus’épanouit (sic) dans la galère.

GILLES RENAULT

TORIL de LAURENT TEYSSIER avec VincentRottiers, Bernard Blancan, Tim Seyfi… 1 h 23.

Where to Invade Next, de Michael Moore. PHOTO CHRYSALIS FILMS

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Libération Mercredi 14 Septembre 2016 www.liberation.fr f facebook.com/liberation t@libe

Verre de rageJean-Claude Juncker Le présidentde la Commission européenne, décrit commeusé et alcoolique, se défend de ces attaques.

N’ en jetez plus: bipolaire, absent, malade, alcoolique,fumeur, enfermé dans sa bulle bruxelloise, tel estle portrait que dresse de Jean-Claude Juncker, et

ce, depuis plusieurs mois, une partie de la presse allemande,britannique et même américaine. Bien que seulement âgéde 61 ans, le président de la Commission européenne, qui aproclamé que son mandat serait celui de «la dernière chance»pour sauver l’Union, serait un «homme usé, vieilli, fatigué»,pour reprendre le portrait que Lionel Jospin dressait deJacques Chirac en mars 2002. «Das Juncker-Syndrom» a ainsititré la Frankfurter Allgemeine Zeitung du 9 juillet, le quoti-dien chrétien-démocrate allemand, pourtant de sa famillepolitique, en décrivant un homme «ratlos und müde»,«impuissant et fatigué», qui a «échoué» à faire de la Commis-sion un organe «politique». Plusieurs pays d’Europe centrale,dont la Pologne, la Hongrie, la Tchéquie ou l’Estonie, ontmême appelé à sa démission parce qu’il n’aurait pas été capa-ble d’empêcher le «Brexit». Bref, les jours de Juncker, en postedepuis le 1er novembre 2014, seraient comptés.Celui qui fut Premier ministre du Luxembourg de 1995 à 2013n’apprécie guère ce qu’il qualifie de «campagne de déstabilisa-tion», comme il le confie à Libération au cours d’un déjeuner

Par JEAN QUATREMERPhoto STÉPHANE RÉMAEL

organisé au Berlaymont, le siège de la Commission à Bru-xelles. «Je suis très surpris que les journaux relayent ces ru-meurs et ces appels à ma démission sans jamais analyser lesraisons qui pourraient les expliquer», s’agace-t-il.Une campagne? Peut-être. Il est vrai que tout y passe, hormisles histoires de cul et de corruption. Mais Juncker en est enpartie responsable. En révélant, au printemps 2015,dans un entretien à Politico, qu’il souffre de calculsrénaux, il va commettre un impair qui va réveillerl’appétit médiatique autour de sa santé. «Enjuin 2015, j’ai été soigné et depuis ça va très bien, merci!» dit-il.Après ses calculs rénaux, c’est son alcoolisme supposé qui faitles gros titres. Il est tout à fait exact que Juncker a été et estencore un gros buveur, comparé aux canons en vigueur ence XXIe siècle hygiéniste. Lorsqu’il était Premier ministre dugrand-duché, nous l’avons vu descendre, à l’issue d’un déjeu-ner, trois verres de cognac de rang après avoir bu maint verresde vin blanc luxembourgeois. Et durant notre récent déjeuner,il a avalé quatre coupes de champagne, accompagnées d’unesimple salade. Mais «vous croyez que je serais encore en postesi j’étais au cognac dès le petit-déjeuner ?» interroge-t-il.«On peut tout pardonner à un politique, sauf l’alcoolisme, tran-

che-t-il. Cette histoire, je la dois à Jeroen Dijsselbloem.» En jan-vier 2014, le ministre des Finances néerlandais, qui vient delui succéder à la tête de l’Eurogroupe et qui n’a pas appréciéde se faire critiquer par Juncker pour sa gestion catastro-phique de la crise chypriote, évoque à la télé le penchant deJuncker pour la bouteille et la cigarette. «Ça me fait vraimentde la peine et ça me pose même des problèmes avec ma femmequi se demande si je ne lui mens pas, car je ne bois pas lorsqueje suis à la maison.»Pour Juncker, ces rumeurs récurrentes ont une origine bienprécise: «J’ai un problème d’équilibre avec ma jambe gauchequi m’oblige à m’agripper à la rampe lorsque je suis dans unescalier. Un ministre néerlandais, que j’avais attrapé par lebras après un déjeuner, a raconté que j’étais ivre. Ce problèmeremonte à un grave accident de voiture. En 1989, j’ai passétrois semaines dans le coma, puis six mois dans une chaiseroulante.» Son comportement est donc de plus en plus luau prisme de son penchant pour l’alcool. Si Jean-ClaudeJuncker étreint, embrasse et tutoie facilement, ce qui cris-pait Nicolas Sarkozy qui n’a jamais supporté son côté bonvivant, c’est parce qu’il serait bourré ou pas loin. Son atti-tude, lors d’un sommet à Riga, a été pour beaucoup la preuvedéfinitive de son penchantpour la dive bouteille. Alorsqu’il est chargé d’accueillirles trente chefs d’Etat et degouvernement, il se dé-chaîne : bise sur le crânechauve de Charles Michel,le Premier ministre belge,prêt de cravate au GrecAléxis Tsípras qui n’en portepas, claque sur les joues decertains, des «qui c’est ce-lui-là ?» devant des visagesinconnus, accueil de Vik-tor Orbán, l’autoritaire chefdu gouvernement hongrois,par un tonitruant «salut dic-tateur!» suivi d’une grande mandale. Le Petit Journal en ferases délices. «Et alors? Je connais Charles depuis qu’il est toutpetit et je l’ai toujours embrassé sur le crâne. Orbán, je l’appelletoujours dictateur. Je suis comme ça. Dès qu’on n’est pas dansle moule, on est forcément fou ou alcoolique», s’indigne Junc-ker. De fait, un officiel européen ne peut manifestement êtrequ’ennuyeux ou, s’il se comporte comme un être humain,fou ou alcoolique.Le seul «problème personnel» qu’admet Juncker, c’est celuide la «fatigue»: «Etre président de la Commission, ça n’est pasêtre Premier ministre du Luxembourg. Je dois travailler qua-torze, quinze heures par jour et ça, je n’y étais pas habitué.»Il ne comprend d’ailleurs pas «d’où viennent ces rumeurs[qu’il] n’est jamais présent.» «Je ne retourne au Luxembourgque le week-end. Ma femme y est restée pour s’occuper de samère malade.» On sent qu’il a du mal à se justifier: «Je devraispublier tous mes rendez-vous, tous mes appels téléphoniques,avertir la presse du moindre de mes déplacements pour mon-trer que je bosse? C’est ridicule!» Alors, si la santé va –il a en-fin limité sa consommation de cigarettes –, si le travail estaccompli, pourquoi une telle campagne ? «C’est parce quej’agis que je me fais des ennemis. Les Etats n’étaient plus habi-tués à une Commission à l’initiative.» Sur la politique migra-toire, sur les travailleurs détachés ou sur l’Etat de droit, il s’estainsi mis toute l’Europe de l’Est à dos «parce qu’il s’agit d’unconflit de valeurs». En soutenant la reconduction du social-démocrate allemand Martin Schulz à la présidence du Parle-ment européen pour un nouveau mandat, il s’est fâché avec

la CDU-CSU allemande, dont le Spiegel est le porte-parole. Et il sait que beaucoup de rumeurs ont pourorigine la Commission elle-même. Il a pris cons-cience que son très efficace mais très dictatorial

chef de cabinet, l’Allemand Martin Selmayr, s’est fait beau-coup d’ennemis en cassant ceux qui ont la mauvaise idée delui résister, et qu’il l’a coupé de ses troupes pour le protéger:«Au Luxembourg, je me promenais dans la rue et les gens m’in-terpellaient. Ici, je ne vois personne. Je devrais sans doute des-cendre davantage en salle de presse et voir davantage les jour-nalistes», dit ce papivore. Bref, sortir de la bulle que lui ontcréée ses «amis». Ou se laisser démonétiser par ceux qui rê-vent d’une Europe molle. •

n 9 décembre 1954Naissance auLuxembourg.n 1995-2013 Premierministre duLuxembourg.n 2014 Présidentde la Commissioneuropéenne.n Mercredi14 septembreDiscours sur l’état del’Union européenne.