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Vaccins : Etat des lieux de l’accès dans les pays en développement et de la recherche

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Les vaccins sont à l’origine de certains des plus grands succès en santé publique de ces dix dernières années. Il est estimé que la vaccination empêche jusqu’à 2,5 millions de morts d’enfants par an, ainsi que des millions de cas de maladie et de handicap.1 Tous les pays, pauvres et riches, en ont profité et continuent à en profiter, mais avec d’importants délais pour les pays en développement. La vaccination infantile de base est l’une des rares interventions de santé auxquelles les plus démunis peuvent avoir accès gratuitement par le secteur public. La vaccination protège les filles aussi bien que les garçons, faisant donc partie des interventions de santé les plus équitables; de plus, elle parvient aux plus démunis relativement plus rapidement par rapport à d’autres interventions.

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  • Vaccins :Etat des lieux de laccs dans les pays en dveloppement et de la recherche

  • Auteur: Paul Wilson

    Ce document est le rsultat dtudes menes par Andrew Jones pour MSF et Paul Wilson pour Oxfam.

    Tous les prix en dollars sentendent en dollars amricains.

    Photo de couverture: Nico Heijenberg/MSF, Oliver Asselin Photo de dernire de couverture : Guillaume Ratel, Oliver Asselin

    Conception et mise en page: Daniel Jaquet

    Version franaise dcembre 2010, traduite dun rapport en anglais publi en avril 2010.

  • Vaccins: tat des lieux de laccs et de la recherche 1

    Rsum 2

    Contexte 5

    Un aperu du march des vaccins et de la vaccinationLes marchs des vaccinsLes fournisseurs de vaccins et leur modle commercial

    Laccs aux vaccins 7

    La situation actuelleLes financements des bailleurs de fonds internationaux LAlliance mondiale pour les vaccins et la vaccination (GAVI) La situation des pays revenu intermdiaire La garantie de march (AMC) pour le vaccin pneumococciqueLe prix des vaccins La controverse de lOrganisation Panamricaine de la Sant (OPS) et les politiques de prix diffrencis pour les vaccins Les cots de fabricationLes barrires aux nouveaux intrantsRsum des dfis laccs

    Recherche et dveloppement en matire de vaccins 15

    Vue densemble du dveloppement dun nouveau vaccin Autorisation de mise sur le march Les cots lis la Recherche et Dveloppement (R&D)Autres modles possibles pour la R&D Le financement en amont LInitiative pour un Vaccin contre le Paludisme (MVI) Le Projet Vaccins Mningite (MVP) Le financement en aval Les garanties de march (AMC) Examen prioritaire de la FDA (FDA Priority Review Vouchers) Les mcanismes de rcompenseAccs la technologieRsum des dfis pour la R&D

    Conclusions 22

    Abrviations et acronymes 24

    Glossaire 25

    Rfrences 27

    Table des matires

  • Les vaccins sont lorigine de certains des plus grands succs en sant publique de ces dix dernires annes. Il est estim que la vaccination empche jusqu 2,5 millions de morts denfants par an, ainsi que des millions de cas de maladie et de handicap.1 Tous les pays, pauvres et riches, en ont profit et continuent en profiter, mais avec dimportants dlais pour les pays en dveloppement. La vaccination infantile de base est lune des rares interven-tions de sant auxquelles les plus dmunis peuvent avoir accs gratuitement par le secteur public. La vaccination protge les filles aussi bien que les garons, faisant donc partie des interventions de sant les plus quitables; de plus, elle parvient aux plus dmunis relativement plus rapidement par rapport dautres interventions.2

    Malgr leur impact, les vaccins recevaient moins datten-tion que les mdicaments, jusqu une volution rcente qui voit surgir de nouveaux dfis de sant qui ont peu peu plac les vaccins au centre des discussions mondiales sur la sant. Les problmatiques sont complexes et diffrent de celles de laccs aux mdicaments contre le VIH. Les principes fondamentaux laccs pour tous et une recherche et dveloppement (R&D) base sur les besoins sont les mmes, mais la question des vaccins diffre grandement de celle des mdicaments.

    Fournir des vaccins aux enfants des pays en dveloppe-ment est un vrai dfi. En effet, les prix des vaccins rcents sont levs, la R&D pour de nouveaux vaccins et des vaccins mieux adapts est insuffisante, et les systmes de sant des pays en dveloppement sont faibles, souffrant notamment dune pnurie de travailleurs de sant. Ce rapport se concentrera sur ces deux premires probl-matiques, faisant ltat des lieux actuel et tudiant les solutions possibles.

    Laccs aux vaccins et la R&D pour les vaccins font face deux dfis majeurs: dune part, le cot des vaccins les plus rcents est souvent prohibitif, en partie du fait dun manque de concurrence sur les marchs, ce qui limite leur utilisation dans les pays en dveloppement. Dautre part, il nexiste toujours pas de vaccins pour certaines maladies affectant des millions de personnes dans les pays en dveloppement car les compagnies pharmaceutiques ninvestissent pas en R&D pour des maladies qui touchent des populations dont le pouvoir dachat est limit. De plus, de nombreux vaccins qui existent dj restent mal adapts aux populations des pays en dveloppement.

    Les dfis dun meilleur accs aux nouveaux vaccins

    La couverture vaccinale de base sest considrablement amliore au cours des dernires dcennies. Selon les estimations de lOrganisation Mondiale de la Sant et de lUNICEF, la couverture de la troisime dose du vaccin combin DTC (diphtrie-ttanos-coqueluche), critre de mesure standard de la couverture vaccinale, slevait environ 80% en 2007 une augmentation remarquable compare aux 20% de 1980.3 Nanmoins, dans le monde, 26 millions denfants soit prs dun enfant sur cinq naissant chaque anne ne sont pas vaccins.4 Une utilisation plus large des vaccins disponibles pourrait contribuer viter deux millions de dcs chaque anne parmi les enfants de moins de cinq ans.5

    LAlliance mondiale pour les vaccins et la vaccination (GAVI) a t fonde en 2000 dans le but damliorer laccs aux vaccins rcents pour les enfants des pays les plus pauvres. Dans un premier temps, GAVI sest attache ajouter au paquet de base des vaccins accessibles ses pays partenaires le vaccin contre lHaemophilus influenzae type b (Hib) ainsi que le vaccin contre lhpatite B des vaccins utiliss dans les pays riches depuis le dbut et le milieu des annes 1990.6 Fin 2008, la couverture mondiale du vaccin Hib atteignait 28%, et celle du vaccin contre lhpatite B 69%.7 Bien que synonymes de progrs impor-tants, ces chiffres soulignent surtout la lente introduction des vaccins dans les pays pauvres, en comparaison avec les pays riches.

    GAVI concentre maintenant ses efforts sur deux vaccins rcents, introduits dans les pays riches au cours des dernires annes: le vaccin visant prvenir la diarrhe grave provoque par le rotavirus et le vaccin pour prvenir la maladie pneumococcique. Ces deux maladies provo-quent elles seules le dcs de 1,3 million denfants chaque anne.8 Linstitution explore galement la possibi-lit dintroduire plusieurs autres vaccins, dont un nouveau vaccin contre la mningite et le vaccin contre les papillo-mavirus humains (HPV) qui contribue prvenir le cancer du col de lutrus. Le but est de diminuer radicalement la diffrence de dlai dintroduction entre les pays riches et les pays pauvres.

    Or, le prix relativement coteux de ces vaccins et les baisses de financement importantes auxquelles fait face GAVI pourraient compromettre ces projets. GAVI ne pourra pas garantir laccs de nouveaux vaccins sans une forte rduction des prix de ces vaccins ainsi quune nouvelle impulsion financire, pour combler un besoin de finance-ment slevant plusieurs milliards de dollars. Sur les 7 milliards de dollars dont linstitution aura besoin jusquen 2015, GAVI nen a obtenu que 40%, ce qui signifie un manque slevant 4,3 milliards de dollars.9

    Bien quun nombre croissant de producteurs mergents des pays en dveloppement (auprs desquels 53% des vaccins financs par GAVI sont achets)10 pntre le march

    Rsum

    2 Vaccins: tat des lieux de laccs et de la recherche

  • Vaccins: tat des lieux de laccs et de la recherche 3

    mondial des vaccins, les nouveaux vaccins continuent dtre produits par une poigne dentreprises pharma-ceutiques multinationales dont la position oligopolistique permet dimposer des prix levs. Lindustrie des vaccins a subi une forte concentration, et aujourdhui seulement cinq entreprises sen partagent les revenus au niveau mondial: GSK, Merck, Novartis, Sanofi-Pasteur et Wyeth/Pfizer. Le nombre limit dentreprises novatrices ainsi que la protection par brevets et les conomies dchelle importantes signifie que les marchs des nouveaux vaccins sont longtemps contrls par une ou deux socits avant lentre de concurrents. Ces compagnies mettent en uvre une politique de prix diffrentis et acceptent de fournir les nouveaux vaccins GAVI des prix trs rduits pour leur utilisation dans les pays les plus pauvres. Cependant, ces prix diffrentis sont presque toujours plus levs que ceux qui pourraient tre obtenus dans une situation de libre concurrence. Et le problme pour les pays revenu intermdiaire reste important, car ils nont pas droit aux prix ngocis par GAVI. Bien que les prix proposs aux pays revenu intermdiaire soient infrieurs ceux appliqus sur les marchs riches, ils dpassent souvent considrablement les prix proposs aux autres pays en dveloppement. Les pays revenu intermdiaire se trouvent donc face au choix difficile dintroduire ces nouveaux vaccins aux dpens dautres priorits nationales de sant, den limiter lintroduction aux groupes les plus vulnrables ou de ne pas les introduire du tout.

    La libre concurrence sur les marchs, avec lentre de fournisseurs mergents est la clef pour rduire considra-blement les prix et permettre un meilleur accs aux vaccins les plus rcents. Cependant, les fournisseurs mergents se heurtent de multiples barrires: la complexit croissante des nouveaux vaccins, la rigueur accrue des rglementa-tions, le manque de capacit technologique et les barrires lies la proprit intellectuelle. Toutefois, la diffrence des mdicaments, dvelopper la capacit de production des fournisseurs mergents requiert un important transfert de technologies, ou de savoir-faire, et il nest pas possible de procder la production dun vaccin par simple ingnierie inverse. Il nexiste pas de vaccin gnrique, car il est impossible de certifier que les vaccins produits par diffrents fabricants sont identiques. Par consquent, linstar des mdicaments biologiques, les vaccins ne peuvent pas tre autoriss sur la base dune bioquiva-lence avec dautres vaccins dj autoriss.

    Le modle du hub est une solution possible au problme du transfert du savoir-faire: par ce modle, une institution publique ou but non lucratif met en place une plate-forme de formation pour les fournisseurs mergents, qui dpendent aujourdhui principalement de relations de transfert bilatral de technologies.

    La faiblesse des autorits nationales de rglementa-tion (ARN) des pays mergents constitue galement une barrire lentre de producteurs de ces pays sur le march, car lapprobation par un organe national de rglementation constitue une condition sine qua non pour

    demander bnficier du systme dassurance-qualit de lOrganisation Mondiale de la Sant (OMS), dnomm prqualification. La prqualification de lOMS est requise pour les vaccins achets par GAVI et lUNICEF.

    Les dfis relever dans la recherche et le dveloppement (R&D) en matire de vaccins

    Comme pour les mdicaments, la R&D en matire de vaccins est domine par les multinationales pharmaceu-tiques qui vendent des prix levs des vaccins conus pour les marchs riches. Les entreprises affirment que ces niveaux de prix sont ncessaires afin damortir les cots de la R&D. Mais ce modle dforme les priorits de la R&D car les entreprises dveloppent rarement des produits mdicaux rpondant aux besoins les plus importants, et leurs produits sont rarement adapts aux spcificits des besoins des pays en dveloppement. De plus, leur stratgie se concentre principalement sur une introduction au plus rapide des vaccins, dlaissant des stratgies qui permettraient de maintenir les cots et donc les prix au plus bas: en effet, une avance de quelques mois sur un concurrent peut permettre lentreprise dengranger de plus gros bnfices.

    Aujourdhui, la majeure partie de la recherche fondamen-tale dont dpend le dveloppement des vaccins est prise en charge par les universits et les laboratoires publics,11 les multinationales se chargeant des tapes ultrieures du dveloppement et de la commercialisation. Avec leurs moyens financiers importants, leur exprience et leurs connaissances techniques spcialises, les entreprises multinationales ont permis lintroduction de nouveaux vaccins grce un processus de dveloppement coteux, et gourmand en temps. Pourtant, aux tats-Unis et en Europe, le secteur public a traditionnellement jou un rle important dans la R&D de vaccins. Par exemple, larme amricaine a dirig le dveloppement de plusieurs vaccins aprs la Deuxime Guerre Mondiale. La remobilisation du secteur public dans le domaine de la R&D de vaccins pourrait contribuer rduire le manque criant qui existe aujourdhui.

    La R&D mene par lindustrie pharmaceutique ne ciblant pas, pour une grande part, les enjeux de sant des pays en dveloppement, il faut mettre en place des mcanismes alternatifs qui stimulent une R&D qui rponde effecti-vement aux besoins: il existe plusieurs modles visant soit stimuler la R&D au moyen de financements en amont (push en anglais) comme les Partenariats de Dveloppement de Produits (PDP), soit attirer la R&D par un financement en aval (pull en anglais) pour inciter lindustrie investir dans le dveloppement de produits qui rpondent aux besoins des populations plus pauvres comme la garantie de march, le mcanisme des rcom-penses ou encore lorganisation GAVI elle-mme.

  • 4 Vaccins: tat des lieux de laccs et de la recherche

    tabli en 2001 par PATH et lOMS, le Projet Vaccins Mningite (Meningitis Vaccine Project) est un exemple de financement en amont qui a port ses fruits. Ce PDP a permis de dvelopper un vaccin ncessaire pour lutter contre une souche de la Mningite A particulire-ment rpandue dans la rgion dAfrique sub-saharienne surnomme Ceinture de la mningite. La technologie a t autorise sous licence et transmise des National Institutes of Health amricains au Serum Institute indien. Ce dernier a accept de produire et vendre le vaccin un prix abordable en change du transfert de savoir-faire pour des essais cliniques en Afrique et en Inde et de la perspective dachats de GAVI. Le projet a ncessit un investissement de simplement 60 millions de dollars hors cots des sites de fabrication. Il est prvu que le vaccin soit disponible en Afrique vers la fin de 2010. Bien que ce projet fut un succs, et montre que les fournisseurs mergents peuvent jouer un rle dterminant dans la R&D de vaccins, il sera dans lavenir plus utile pour les adapta-tions de vaccins existants avec des technologies connues, plutt que pour la mise au point de vaccins compltement nouveaux et plus complexes comme ceux visant lutter contre la tuberculose, le paludisme ou le sida.

    Lorganisation GAVI est un exemple de mcanisme efficace de financement en aval: au travers de ses engagements dachat long terme, elle montre lindustrie que les pays en dveloppement peuvent tre un march viable. Pourtant, leffet appel dair utilis par GAVI na pas t suffisamment puissant pour stimuler le dveloppement de nouveaux vaccins sophistiqus.

    Le modle de la garantie de march (ou AMC de langlais Advance Market Commitment) est un mcanisme de finan-cement en aval suppos stimuler la R&D de vaccins pour une maladie nglige en garantissant un march pour le produit dvelopp pourvu quil satisfasse un cahier des charges prcis et quil soit achet par les pays/les bailleurs de fonds. Mais lAMC lance par les bailleurs de fonds en 2009 visait acclrer laccs au vaccin anti-pneumococ-cique et ciblait deux vaccins produits des multinationales GSK et Pfizer qui taient dj parvenus aux derniers stades de leur dveloppement et taient en passe de recevoir une autorisation de mise sur le march. Cela en

    a fait un mcanisme dachat plutt quune initiative pour stimuler la R&D. Les procdures conventionnelles dappels doffres de lUNICEF auraient certainement permis darriver des prix similaires ou mme infrieurs aux prix obtenus par lAMC. Que cet AMC pneumococcique atteigne ou non son objectif, la question demeure de savoir si le modle comme il tait dfini son lancement permet rellement de stimuler le dveloppement de nouveaux vaccins. Sil est vrai quune AMC bien conue pourrait jouer un rle clef dans les tapes intermdiaires du dveloppement de nouveaux vaccins ou pour des vaccins moins complexes comme complment du financement de la recherche dans le secteur public, des PDP et dautres mcanismes de financement en amont il est peu probable que ce modle constitue un vritable moyen de stimuler la R&D pour des vaccins complexes en dbut de dveloppement, se heurtant des obstacles scientifiques denvergure.

    Le mcanisme de rcompense (prize en anglais) est un autre mcanisme novateur de financement en aval pour stimuler une R&D rpondant aux besoins de sant des populations dfavorises tout en assurant laccs au produit obtenu grce un prix de vente abordable. La rcompense serait donc attribue au producteur en fonction de limpact en sant publique de son produit; le prix de vente du vaccin obtenu pourrait tre fix lavance, afin quil soit le plus abordable possible. Plusieurs propo-sitions de mcanismes de rcompenses ont dj vues le jour, mais ce mcanisme na pas encore t utilis pour le dveloppement de vaccins.

    Toutes les mesures doivent tre prises pour sassurer que les enfants des pays en dveloppement aient accs aux diffrents vaccins qui ont t dvelopps rcemment: il faut rduire davantage le prix de ces nouveaux vaccins, notamment en acclrant lentre de fournisseurs mergents, et les bailleurs de fonds doivent accrotre leurs engagements. Le transfert de technologies et du savoir-faire est aussi crucial pour que les fournisseurs mergents assument un rle plus important dans la R&D de vaccins. Enfin, de nouveaux modles innovants doivent tre mis en place pour stimuler la R&D et satisfaire les besoins criants en matire de vaccins.

  • Vaccins: tat des lieux de laccs et de la recherche 5

    Un aperu du march des vaccins et de la vaccination

    Dans tous les pays, le programme de vaccination minimum (on parle dun paquet de vaccin) comprend les six vaccins inclus dans le Programme Elargi de Vaccination (PEV) de lOrganisation Mondiale de Sant (OMS): BCG (contre la tuberculose), polio, rougeole, diphtrie, ttanos et coqueluche (les trois derniers formant la combinaison DTC). Grce laide financire de lAlliance mondiale pour les vaccins et limmunisation (GAVI), les vaccins contre lhpatite B (Hep-B) et haemophilus influenza type b (Hib) sont aussi administrs ou sont sur le point de ltre dans la plupart des pays. Les vaccins contre la rubole, les oreillons et la fivre jaune sont aussi largement utiliss dans les pays en dveloppement.

    Trois nouveaux vaccins importants pour les pays en dveloppement ont t mis au point durant les dix dernires annes: le vaccin conjugu contre le pneumo-coque, le vaccin contre les rotavirus et les papillomavirus humains (HPV). La maladie pneumococcique entrane la mort de 800 000 enfants de moins de cinq ans dans les pays en dveloppement et entre un et quatre millions dpisodes de pneumonie pneumococcique rien quen Afrique.12 Les rotavirus entranent plus de 500 000 morts chaque anne.13 Les nouveaux vaccins anti-pneumococ-cique et anti-rotavirus pourraient donc avoir un impact considrable sur la mortalit infantile dans ces pays. Les papillomavirus humains (HPV) sont la cause du cancer du col de lutrus qui tue plus de 260 000 femmes par an, dont plus de 90% dans les pays en dveloppement. Les nouveaux vaccins anti-HPV pourraient prvenir en thorie environ 70% de ces dcs. Ces vaccins jouissent de marchs considrables dans les pays dvelopps, mais ils sont plus coteux que les vaccins plus anciens et ne sont pas encore largement disponibles dans les pays revenu faible et intermdiaire. Les dbats de ces dernires annes sur les politiques vaccinales se sont principale-ment concentrs sur la manire de rendre ces vaccins disponibles aux pays pauvres.

    Par ailleurs, plusieurs nouveaux vaccins importants sont en cours de dveloppement, y compris les premiers vaccins contre le paludisme et la dengue, ainsi que des versions amliores ou plus abordables de vaccins contre la maladie mningococcique, lencphalite japonaise, le cholra, la typhode et la tuberculose. Les vaccins contre dautres maladies infectieuses et mme contre certaines maladies non contagieuses, y compris le cancer, font lobjet de recherches. Un vaccin contre le VIH pourrait avoir un impact norme, mais on ne lattend pas avant de nombreuses annes.

    Enfin, les bruits alarmistes autour de la grippe H1N1 de 2009 et la controverse lie la disponibilit limite des vaccins a montr, bien que tardivement, la vulnrabilit des pays en dveloppement une pandmie de grippe et dautres pidmies mondiales imprvisibles et la ncessit dun accs quitable aux vaccins prventifs.

    Les marchs des vaccins

    Le march des vaccins ne pse pas plus de 3% du march pharmaceutique mondial, mais il est en croissance rapide: le total des ventes devrait augmenter de 20,5 milliards de dollars en 200814 34 milliards de dollars dici 201215 selon les prvisions. Les ventes dans les pays faible revenu et dans les pays revenu intermdiaire sont estimes environ 1,6 milliard de dollars en 200816, soit moins de 10% du total. LUNICEF achte la plupart des vaccins pour ces pays et fournit 40% des doses de vaccins mondiales, ce qui ne reprsente toutefois que 5% de la valeur du march au niveau mondial.17 Les marchs des pays en dveloppement devraient jouer un rle central dans la croissance future.

    Il sagit l dun redressement remarquable pour une industrie que beaucoup pensaient en dclin il y a quelques annes18: les abandons en cours de dveloppement19 ont fait place des profits record. En grande partie, ce nouvel enthousiasme autour du vaccin drive du succs commercial sans prcdent de deux produits: Prevnar, le vaccin anti-pneumococcique de Wyeth, et Gardasil, le vaccin anti-HPV de Merck, dont chacun gnra un chiffre daffaires de plus de 2,8 milliards de dollars en 2008. Ces revenus normes viennent de prix trs levs (plus de 300$ pour une vaccination complte comportant trois doses de Gardasil). Tout cela a remis en cause lide que les marchs des vaccins sont peu rentables.20

    Les fournisseurs de vaccins et leur modle commercial

    Les fabricants de vaccins se divisent traditionnellement en deux groupes: les multinationales en position de force bases aux tats-Unis et en Europe, et les fournisseurs mergents bass dans les pays en dveloppement. Les cinq plus grandes multinationales (GSK, Merck, Sanofi-Pasteur, Wyeth qui a rcemment fusionn avec Pfizer - et Novartis) reprsentent elles seules environ 85% des ventes mondiales en 200821; une forte concentration du secteur explique par les fusions et le dpart de plusieurs producteurs.22 La part de march de ces multinationales est par contre largement infrieure en volume car les fournisseurs mergents produisent de gros volumes de vaccins bas prix.

    Traditionnellement, les multinationales de vaccins qui se basent sur la recherche fondamentale finance par le secteur public, sont lorigine de la plupart des innova-tions en matire de vaccins. Elles concentrent leurs moyens financiers, leur exprience et leur expertise technique sur un processus de dveloppement coteux et gourmand en temps dans le but dintroduire de nouveaux vaccins le plus rapidement possible. Leur modle commercial est fond sur des prix levs pour amortir les cots de R&D et engranger des retours sur investissement maximums. A cause de leur prix trs largement suprieur aux cots de production, il est plus rentable dacclrer la mise sur le

    Contexte

  • 6 Vaccins: tat des lieux de laccs et de la recherche

    march des vaccins que de chercher raliser des gains de productivit dans la chane de production.

    Les multinationales se concentrent principalement sur les marchs des pays riches, qui se caractrisent par des volumes relativement faibles mais des prix levs qui leur assurent le plus gros de leurs revenus. Mais il existe des diffrences importantes entre les entreprises. GSK et Sanofi ont une plus grande exprience sur les marchs des pays en dveloppement, publics comme privs, et elles vendent toutes deux de gros volumes lUNICEF; en 2006, lUNICEF achetait 52% de ses vaccins auprs de ces deux entreprises. Les revenus issus des pays en dveloppe-ment reprsentent pour ces fabricants de rels bnfices et qui sont partie intgrante de leur modle commercial. En revanche, Merck23 et Wyeth nont fait que rcemment leur entre sur ces marchs et continuent peaufiner leur approche. Dans un premier temps, elles semblaient davantage motives par limage de marque dentreprises responsables (ou par la crainte de la mauvais publicit) que par la conviction que les marchs faibles revenus pouvaient reprsenter de vritables opportunits. Les deux entreprises ont examin la stratgie des donations: celle-ci ne reprsente pas un modle commercial durable, et ces programmes sont trop vulnrables aux changements de direction ou de stratgie de lentreprise.

    Les fournisseurs mergents constituent un groupe plus divers qui englobe la fois des entreprises publiques produisant les vaccins de base destins aux programmes nationaux, et des fabricants privs. Plusieurs de ces entre-prises prives, en particulier en Inde, ont connu une expansion rapide et fournissent prsent un pourcentage considrable des vaccins de base achets par lUNICEF. Quelques-uns des fabricants publics des pays en dvelop-pement ont aussi commenc exporter leurs produits, envisageant de vendre dautres pays en dveloppement et des acheteurs comme lOrganisation Panamricaine de la Sant (OPS) et lUNICEF. Parmi les entreprises du secteur public les plus prometteuses, on peut citer les entreprises brsiliennes BioManguinhos et Butantan, lentreprise chinoise Chengdu et lentreprise indonsienne Biofarma; parmi les entreprises prives dotes de vaccins prqualifis par lOMS figurent les entreprises indiennes Serum Institute of India, Panacea, Shanta et Biological E. Les fabricants mergents des secteurs priv comme public sont reprsents par le Rseau des Fabricants de Vaccins des Pays en Dveloppement (Developing Countries Vaccine Manufacturers Network).24

    Les fournisseurs mergents vendent traditionnellement des vaccins plus anciens et moins complexes, avec un modle commercial haut volume / faibles marges bnfi-ciaires les fournisseurs mergents fournissent 86% des vaccins traditionnels dans le monde.25 Pour prosprer sur ces marchs, ils se concentrent sur leur avantage en termes de cots plutt que sur linnovation. Cependant, cette situation volue; les entreprises les plus ambitieuses augmentent leur investissement en R&D et cherchent dvelopper des vaccins plus complexes et donc entrer sur des marchs hauts revenus. Les fabricants mergents produisent dores et dj des vaccins contre lhpatite B et le Hib, y compris des vaccins pentavalents, et plusieurs entreprises sont en cours de dveloppement de vaccins anti-rotavirus, de vaccins conjugus anti-pneumocoque et de vaccins contre lencphalite japonaise, entre autres. Le nouveau vaccin conjugu contre la mningite A du Serum Institute of India vient juste dtre autoris (cf. ci-aprs).

    Cependant, les fabricants mergents sont encore trs en retard, par rapport aux firmes multinationales, en matire de technologie, de savoir-faire et de connaissances des mcanismes de rglementation. Un grand nombre dentre eux sont trs comptents pour la production en masse, grce loptimisation maximale des processus de fabrica-tion mais restent encore trop faibles en ce qui concerne les premires tapes de la R&D.

    Renforcer la capacit dinnovation des fournisseurs mergents stimulerait la concurrence sur les marchs des nouveaux vaccins et rduirait, sans pour autant lli-miner, la dpendance lgard des multinationales qui existe aujourdhui. Quand le vaccin est prsent la fois sur le march des pays riches et des pays en dveloppe-ment, une politique de prix diffrencis (en anglais tiered pricing) est une premire tape pour amliorer laccs, avant que la concurrence soit suffisante pour rduire systmatiquement les prix et stimuler le dveloppement de versions adaptes aux besoins des pays en dvelop-pement. Or, bon nombre des pays qui ne satisfont pas les critres donnant droit aux prix les plus bas sopposent aux politiques de prix diffrencis pour les nouveaux vaccins. Pour les vaccins qui ont peu de perspectives de ventes dans les pays riches, les mcanismes de financement en amont ou de rcompenses (prizes), qui dissocient le prix du produit davec son cot de R&D, pourraient reprsenter la meilleure manire de couvrir les cots de R&D tout en maintenant les prix au plus bas. Ces questions sont traites en profondeur dans les sections suivantes.

  • Vaccins: tat des lieux de laccs et de la recherche 7

    La majorit des enfants dans le monde se voient dsormais administrer un ensemble de vaccins de base, mais des millions dautres ne sont toujours pas vaccins et plusieurs nouveaux vaccins importants ne sont toujours pas disponibles pour la plupart des enfants des pays en dveloppement. Les principaux obstacles laccs sont le prix lev des vaccins, le manque de financements et la faiblesse des systmes de vaccination nationaux. Ce document ne traitera pas des questions relatives aux systmes de sant mais se concentrera sur les prix et le financement. Parce que la concurrence est un des moyens les plus efficaces pour rduire le prix des vaccins, cette section traitera galement des obstacles qui empchent lentre de nouveaux fabricants sur le march des vaccins.

    La situation actuelle

    Le combat pour laccs des populations les plus pauvres aux vaccins a considrablement volu ces dernires annes. Plusieurs initiatives ont permis de nettes amlio-rations pour les enfants dans les pays les plus pauvres.

    Tout dabord, la couverture de base sest considrablement amliore, permettant environ 80% des enfants dans le monde davoir accs aux six vaccins du Programme Elargi de Vaccination (PEV) daprs les estimations de lOMS/lUNICEF. Ces vaccins tant trs peu coteux, la faiblesse des systmes de sant est donc le principal obstacle lexpansion et au maintien de la couverture.

    Ensuite, la cration de GAVI en 2000 a offert de nouvelles ressources pour lachat de vaccins plus coteux au nom des pays faible revenu et de certains pays revenu intermdiaire: cette poque, les pays ayant droit au programme de GAVI devaient avoir un Revenu National Brut (RNB) par habitant infrieur 1 000 dollars; en 2011, ce seuil sera relev 1 500 dollars par habitant.26 Ces fonds ont permis la plupart des pays prsentant les critres requis dintroduire les vaccins contre lhpatite B et le Hib, et devraient bientt permettre lintroduction du vaccin conjugu contre le pneumocoque et du vaccin contre les rotavirus, si GAVI parvient surmonter ses diffi-cults financires.

    Enfin, les grandes multinationales de vaccins ont en gnral accept le principe de la fourniture de leurs produits lUNICEF prix rduits. En parallle, les produc-teurs mergents proposent dsormais leurs vaccins lUNICEF/GAVI (sauf pour les plus rcents) ce qui a permis daccrotre la concurrence et donc de rduire considrable-ment le prix de certains vaccins, en particulier celui contre lhpatite B. Ceci tant, le prix dautres vaccins, notamment des vaccins combins pentavalents (GAVI finance le vaccin pentavalent qui combine les vaccins DTC, Hib et Hep-B) nont pas diminu aussi rapidement que prvu.

    Ces progrs ont amlior laccs aux vaccins dans les pays satisfaisant aux critres de GAVI. Mais les finances de GAVI sont prsent soumises une pression considra-ble. Lorganisation sera tenue dhonorer ses engagements existants et il est peu probable quelle finance lachat grande chelle de vaccins supplmentaires pendant quelque temps. La Fondation Bill et Melinda Gates a annonc en janvier 2010 un engagement de 10 milliards de dollars pour la recherche, le dveloppement et la distribution de vaccins au cours des dix annes venir.27 Cependant, on ne sait pas encore si une partie de ces fonds iront financer GAVI.

    Les pays revenu intermdiaire bnficient de trs peu de soutien de la part des bailleurs de fonds pour la vacci-nation et leur situation suscite la controverse. Lindustrie pharmaceutique voit dans ces conomies mergentes en croissance rapide des marchs lucratifs. Elle ne veut donc pas donner les mmes prix prfrentiels quelle offre lUNICEF/GAVI des pays comme le Brsil, la Chine et lInde. Il y a un rel risque que ces pays, et en particulier ceux dont le RNB est peine suprieur au seuil tabli par GAVI, naient pas les moyens dacqurir de nouveaux vaccins ou se voient obligs de dtourner des fonds dautres programmes de sant pour le faire. Par cons-quent, les pays revenu intermdiaire et en particulier ceux qui achtent leurs vaccins par lintermdiaire de lOrganisation Panamricaine de la Sant (OPS) sont au centre du dbat sur laccs aux vaccins.

    Laccs aux vaccins

  • 8 Vaccins: tat des lieux de laccs et de la recherche

    Les financements des bailleurs de fonds internationaux

    LAlliance mondiale pour les vaccins et la vaccination (GAVI)Mme les pays les plus pauvres peuvent en gnral acheter les six vaccins de base du PEV sur leur propre budget de sant, mais nombre dentre eux nont pas les moyens dacqurir les nouveaux vaccins sans une aide extrieure. GAVI a t mise en place en 2000 pour acclrer ladoption de vaccins rcents et sous-utiliss dans les pays pauvres; elle a dpens environ 600 millions de dollars en 2008, principalement pour acheter des vaccins et les distribuer par lintermdiaire de lUNICEF 72 pays ligibles revenu faible ou intermdiaire. GAVI a aid la plupart de ces pays introduire les vaccins contre lhpatite B et contre le Hib, et elle compte financer lintroduction des vaccins anti-rotavirus et anti-pneumococcique.

    Il ne fait aucun doute que GAVI a permis de faciliter laccs aux vaccins pour les pays les plus pauvres. Mais elle se heurte prsent une grave crise financire: lintroduction des vaccins pentavalents, anti-rotavirus et anti-pneumo-coccique augmenterait le total des dpenses jusqu 1,6 milliard de dollars en 2013, tandis que les ressources prvues diminueront, aprs avoir atteint leur maximum denviron 1 milliard de dollars environ en 2010 (Cf. fig. 1). La diminution prvue des ressources est principale-ment lie au dclin considrable des revenus provenant de la Facilit Internationale de Financement (IFFIm) pour la vaccination aprs 2010. LIFFIm avait t conue pour concentrer les investissements (frontload) pour la vacci-nation en mettant des obligations sur les marchs des capitaux devant tre rembourses par la suite travers les engagements financiers des bailleurs. moins que ceux-ci ne connaissent une augmentation spectaculaire ou quune nouvelle source de financement ne soit trouve,

    GAVI devra procder des choix difficiles au cours des annes venir. Elle pourra tre amene retarder son soutien pour certains vaccins, tablir des priorits parmi les propositions approuves des pays ligibles ou imposer une augmentation spectaculaire de la part prise en charge par les pays taux de cofinancement.

    En temps de crise, lintroduction rapide de nouveaux vaccins dans les pays en dveloppement dpendra de la vitesse laquelle baisseront les prix des vaccins, et donc la fois de lentre de nouveaux concurrents sur ces marchs et de limportance accorde la question du prix lors de la slection des fournisseurs. En matire de fournitures de vaccins, cependant, les lments prendre en considration sont le prix, mais aussi la scurisation de lapprovisionnement et la ncessit de garder le march GAVI/UNICEF attractif pour les producteurs.

    La situation des pays revenu intermdiaireMme si GAVI parvient maintenir son modle actuel, lorganisation ne sera pas en mesure dlargir son soutien au plus gros des pays revenu intermdiaire dans un avenir proche. Ds 2011, les critres dligibilit des pays seront modifis en accord avec la dcision prise par le conseil dadministration de GAVI et seuls les pays dots dun RNB par habitant infrieur 1 500 dollars pourront prtendre au soutien de GAVI (en tenant compte de linfla-tion, cela quivaut environ 1 000 dollars en 2000).29 Ce changement rduira le nombre de pays ligibles de 72, le nombre actuel, environ 58, mme si les 14 pays perdant leur ligibilit garderont le soutien de GAVI au moins jusquen 2015. Le conseil dadministration a aussi augment le niveau minimum du taux de couverture pour les vaccins du paquet de base que doivent atteindre les pays pour pouvoir tre soutenus par GAVI pour lintroduc-tion de vaccins plus rcents; cette disposition aura un effet sur plusieurs grands pays, dont lInde.30

    2000

    200

    0

    400

    600

    800

    1000

    1200

    1400

    1600

    2001

    Encaissements Dcaissements

    2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015

    Figure 1: Recettes et dpenses attendues de GAVI28 (en millions de dollars)

  • Vaccins: tat des lieux de laccs et de la recherche 9

    Les pays revenu intermdiaire se heurtent un double dfi financier pour lachat de nouveaux vaccins: ils nont pratiquement aucun accs une aide internationale pour acheter les vaccins, et ils doivent payer des prix consi-drablement suprieurs ceux des pays GAVI pour de nombreux vaccins suite la politique de prix diffrencis adopte par lindustrie (Cf. ci-dessous). Par consquent, nombre de ces pays auront des difficults introduire les nouveaux vaccins anti-pneumococcique et anti-HPV. Les initiatives pour assurer laccs aux nouveaux vaccins dans les pays revenu intermdiaire sont traites ci-aprs dans la section portant sur les prix diffrencis.

    La garantie de march (AMC) pour le vaccin pneumococ-ciqueUne garantie de march (Advance Market Commitment en anglais - AMC) est un modle de financement novateur qui subventionne le dveloppement et la production de nouveaux vaccins. La subvention est cense rduire les risques pris par les entreprises pharmaceutiques pour des produits destins des marchs de pays en dvelop-pement dots dun pouvoir dachat limit, donc moins attractifs. La subvention nest verse que lorsquun vaccin, qui respecte un certain cahier des charges, est achet par des pays en dveloppement ligibles (ou par un bailleur de fonds en leur nom) un prix prtabli. La subvention couvre un volume convenu de vaccins, aprs quoi un prix moins lev (aussi appel prix final ou tail price en anglais) est propos long terme aux pays. Le but est de veiller ce que lutilisation du vaccin soit maintenue au-del de la dure de la subvention.

    GAVI et lUNICEF achteront les nouveaux vaccins conjugus anti-pneumococciques travers une AMC. Bien que les AMC aient t proposes initialement comme un moyen de stimuler le dveloppement de nouveaux vaccins pour des maladies ngliges, les deux principaux vaccins anti-pneumococciques de cette AMC pneumococcique se trouvaient dj dans une phase de dveloppement avance pour les marchs revenu lev: le vaccin conjugu 10-valent de GSK, commercialis sous le nom Synflorix, et le vaccin conjugu 13-valent de Wyeth/Pfizer, commercia-lis sous le nom Prevnar 13. Il nest pas impossible que ce mcanisme AMC permette dacclrer le dveloppement dun vaccin anti-pneumococcique par un ou plusieurs fournisseurs mergents, mais il joue actuellement princi-palement le rle dun mcanisme dachat, plus que dun vritable moyen incitatif de R&D. LAMC pneumococcique a t critique comme une solution finalement trop coteuse et trop complique, privilgiant les multinationales par rapport aux fournisseurs mergents.31 Il est possible que des prix quivalents ou infrieurs aient t obtenus par les procdures conventionnelles dappels doffres de lUNICEF; lutilisation de ce nouveau mcanisme complexe pour acheter des vaccins en phase final de dveloppement a certainement fait oublier le but initial de ce mcanisme. De plus, lAMC pneumococcique ne propose pas de dispo-sitions pour le transfert de technologies des deux vaccins aux fabricants des pays en dveloppement. Ceci tant, il

    faut reconnaitre que, si le mcanisme donne en effet les rsultats escompts, laccs une nouvelle gnration de vaccins anti-pneumococciques sera assur dans nombre des pays pauvres presque en mme temps que dans les pays riches.

    Pfizer et GSK ont adhr lAMC en mars 2010, senga-geant fournir 30 millions de doses de vaccins chacun pendant dix ans.32 Il reste voir si les producteurs des pays en dveloppement seront en mesure de satisfaire les exigences de lAMC et dexploiter les fonds assigns avant que ceux-ci ne soient puiss. Par ailleurs, les implications pour lAMC des nouvelles politiques dadmissibilit de GAVI devront tre prcises: en particulier, lexigence dun taux de couverture vaccinale minimum plus lev et le fait que plusieurs pays ne seront probablement plus soutenus par GAVI en 2011. Que lAMC pneumococcique atteigne ou non ses objectifs, il reste savoir si un tel mcanisme est appropri pour stimuler le dveloppement de nouveaux vaccins, comme on lesprait au dpart. Cette question est traite dans la section consacre la R&D.

    Le prix des vaccins

    Comme pour tous produits sur un march, le prix dun vaccin dpend de lquilibre entre loffre et la demande. Cependant, les marchs des vaccins prsentent plusieurs caractristiques inhabituelles qui ont une forte influence sur les prix dans les pays en dveloppement. Dabord, les marchs des nouveaux vaccins sont souvent contrls par une entreprise novatrice (parfois deux) dont le monopole est assur pendant une longue priode. Trois raisons expliquent cette situation: le nombre de firmes multi-nationales innovantes trs restreint, limportance des conomies dchelle dans la production vaccinale et la protection par des brevets. Cest cette absence de concur-rence qui permet ces entreprises de fixer des prix levs, avant que dautres producteurs nentrent sur le march. Cependant, le pouvoir des producteurs est quilibr en partie par linfluence des acheteurs du secteur public, et en particulier par les mcanismes dachats groups de lUNICEF et lOrganisation Panamricaine de la Sant (OPS). Ensuite, les politiques de prix diffrencis, ou la segmentation des marchs selon le revenu national, sont des politiques de plus en plus courantes (cf. ci-aprs). Enfin, les cots fixes et les longs dlais de construc-tion des infrastructures ncessaires la production sont considrables: les fabricants doivent pouvoir prvoir la demande par des engagements long terme pour offrir des prix infrieurs.

    En gnral, les cots de production ne sont pas la cause des prix levs des nouveaux vaccins dans les marchs des pays riches, o les entreprises appliquent des prix largement suprieurs au cot de fabrication. Et, bien quune marge bnficiaire soit ncessaire pour amortir les cots de R&D, les prix levs des nouveaux vaccins ne peuvent pas tre justifis par les cots de R&D. Cependant, le cot marginal de production tablit tout de mme un plancher

  • 10 Vaccins: tat des lieux de laccs et de la recherche

    pour le niveau le plus bas des prix (prix appliqus dans les pays GAVI) et devient ainsi un lment dterminant du prix sur les marchs matures et concurrentiels. Les cots de production, quant eux, varient considrablement selon les classes de vaccins, le volume de production et le site de production: les fournisseurs mergents jouissent davantages concurrentiels dans certains cas, mais pas toujours.

    Ainsi, les prix des nouveaux vaccins dans les pays revenu faible ou intermdiaire ont tendance tre avant tout dtermins par les politiques de fixation de prix pratiqus par les entreprises multinationales novatrices. Le cot marginal de production ntablit quun minimum thorique pour les pays les plus pauvres. Cependant, la vitesse laquelle les nouvelles entreprises peuvent pntrer le march est le facteur cl plus long terme. On peut en effet sattendre une diminution des prix sur tous les marchs quand la concurrence sintensifie et quand les cots de production sont infrieurs pour les fournisseurs mergents. Mais lexpertise technologique et le savoir faire ncessaires au dveloppement de vaccins limitent grande-ment la diminution des prix, mme avec une concurrence accrue et lamlioration du rendement de la production.

    La controverse de lOrganisation Panamricaine de la Sant (OPS) et les politiques de prix diffrencis pour les vaccinsLes multinationales de vaccins soutiennent toutes et pratiquent, dans la mesure o elles sont libres de le faire les prix diffrencis: une politique qui consiste imposer des prix levs dans les pays riches, des prix faibles dans les pays de GAVI et des prix moyens dans les pays revenu intermdiaire. Cette politique de prix diffrencis est un lment moins central dans les modles commer-ciaux des fabricants mergents, qui en gnral vendent des vaccins plus anciens sur des marchs plus concurrentiels.

    Pour les entreprises, la politique des prix diffrencis est une stratgie qui permet de maximiser les bnfices: en appliquant des prix diffrents selon la capacit et la volont des clients payer, elles parviennent maximiser les bnfices dans les pays revenu lev tout en gagnant de largent dans les pays qui nont pas les moyens de payer les prix des pays riches. Les prix diffrencis aident aussi les entreprises dsamorcer les critiques. Pour les pays en dveloppement, obtenir un prix diffrenci est videmment prfrable que de payer le prix le plus lev. En matire de vaccins, les pays faible revenu sont ceux qui profitent le plus des prix diffrencis, bnficiant des prix les plus faibles, bien que les prix obtenus dans le cadre de ce systme ne soient pas forcment aussi bas que ceux demands sur des marchs pleinement concur-rentiels. Cependant, il y a un dbat sur cette pratique consistant demander des prix plus levs aux pays revenu intermdiaire quaux pays les plus pauvres: les entreprises soutiennent que les pays revenu interm-diaire, en particulier les pays revenu intermdiaire plus aiss, comme le Brsil, ont une capacit plus importante payer les vaccins que les pays GAVI. Les pays revenu intermdiaire affirment quant eux, que les prix qui leur

    sont demands sont trop levs au vue de limportance de leur population dfavorise, par rapport ce que paient les pays les moins avancs.

    La controverse a atteint son point critique en 2009 lors dun diffrend entre des entreprises et le Fonds Renouve-lable de lOPS (Revolving Fund), un mcanisme dachats groups utilis par la plupart des pays de la rgion latino-amricaine. Ce fonds a permis aux pays membres de renforcer leur systme de vaccination et dintroduire de nouveaux vaccins, ce grce lobtention de prix similaires ceux pays par lUNICEF au nom de GAVI (Cf. Tableau 1). Mais les fournisseurs des nouveaux vaccins conjugus anti-pneumococciques et anti-HPV ont insist pour que lOPS paie plus que GAVI; lOPS, quant elle, sest rapporte la clause de la nation la plus favorise (NPF) figurant dans ses contrats avec les fournisseurs, qui exige que lOPS bnficie des prix les plus faibles accords tout autre acheteur, y compris lUNICEF.

    La dcision prise par lOPS court terme de ne pas acqurir les nouveaux vaccins de GSK et Wyeth a permis le lancement de lAMC, bloqu jusque l par ce diffrend sur la clause NPF. Cependant, le problme pourrait resurgir plus tard en 2010 lorsque lUNICEF commencera acheter des vaccins anti-rotavirus par lintermdiaire de GAVI.

    LOPS paie actuellement 65 dollars pour vacciner un enfant avec le 7-valent de Wyeth (trois doses par vaccina-tion; 21,75 dollars par dose) alors que lAMC paiera des vaccins suprieurs 10 et 13-valents donc plus coteux produire 21 dollars (trois doses par vaccination; 7 dollars par dose) puis 10,50 dollars par enfant (3,50 dollars par dose). Le diffrend suscit par lOPS pose donc dans limmdiat une menace sur lapprovisionnement en vaccin contre le pneumocoque. Il na pas encore de consquences sur lapprovisionnement en vaccin anti-HPV, car les mauvaises perspectives financires actuelles de GAVI lobligent actuellement retarder lachat de vaccins anti-HPV. Mais cela pourrait galement tre le cas.

    Il est difficile de savoir combien les pays revenu interm-diaire qui ne font pas partie de la rgion OPS paient pour les vaccins, car ces prix ne sont en gnral pas publics. Des tmoignages isols suggrent que ces prix varient beaucoup certains pays revenu intermdiaire appar-tenant la tranche infrieure qui achte les vaccins par lintermdiaire de lUNICEF reoivent des prix proches de ceux pays par GAVI, tandis que dautres paient beaucoup plus.

    La pratique des prix diffrencis peut aider les pays en dveloppement (et GAVI) acheter de nouveaux vaccins dans la priode initiale avant que lentre de nouveaux fournisseurs rende ces marchs plus concurrentiels. Mais ces prix doivent rpondre aux besoins de tous les pays en dveloppement. Bien que de nombreux pays revenu inter-mdiaire disposent de moyens sensiblement suprieurs par rapport aux pays les plus pauvres, des prix plus levs diminuent les moyens allous dautres priorits de sant.

  • Vaccins: tat des lieux de laccs et de la recherche 11

    LOPS devrait continuer utiliser son pouvoir de ngocia-tion collective pour sassurer que les marges obtenues par les firmes soient modestes et il serait dans lintrt des autres rgions de crer des mcanismes similaires dachats groups vis--vis des entreprises.

    Le problme du prix des vaccins va saggraver pour les pays revenu intermdiaire de la tranche infrieure qui vont perdre leur droit aux subventions de GAVI. Il serait prfrable de leur permettre de continuer acheter les vaccins par lintermdiaire de lUNICEF, aux prix ngocis pour GAVI. De mme, lOPS et GAVI devraient viter les situations de conflit favorables aux entreprises, et laborer des stratgies communes.

    plus long terme, il est ncessaire denvisager des solutions plus efficaces couvrant le cot du dveloppe-ment de nouveaux vaccins appropris pour les populations des pays en dveloppement tout en permettant au prix de

    se rapprocher du cot marginal (cf. section consacre la R&D). Les pays revenu intermdiaire peuvent et doivent contribuer ces solutions. dfaut de nouveaux modles de financement de la R&D, des mesures qui acclrent lentre de nouveaux fournisseurs contribueraient faire diminuer plus rapidement les prix des nouveaux vaccins (cf. tableau 1).

    Les cots de fabricationEn gnral, les cots de fabrication ne dterminent pas directement le prix des vaccins, qui sont tablis par des entreprises but lucratif sur des marchs qui sont plus ou moins concurrentiels. Mais ils tablissent tout de mme un plancher en dessous duquel les prix ne peuvent pas tomber, mme dans des situations de prix diffrencis ou de concurrence leve.

    Le cot de production dun vaccin englobe des cots variables associs chaque dose de vaccin cost of

    Tableau 1: Prix des vaccins pays par lUNICEF, lOPS et le secteur public amricain en 201033

    (en dollars amricains; par flacon de 10 doses sauf indication contraire)

    Vaccin

    BCG (OPS: flacon 20 doses)

    DTC (coqueluche: vaccin entier)

    ROR (UNICEF & OPS: souche Zagreb)

    Fivre jaune

    Hep-B (flacon 1 dose)

    Hib (lyophilis)

    DTC-HepB-Hib (pentavalent; flacon 1 dose, liquide)

    Rotavirus

    Pneumococcique (OPS & tats-Unis: 7-valent, GAVI: 10- ou 13-valent)

    * Prix moyens pondrs par dose.Calendrier minimum (plus rappel) pour les enfants de moins de 5 ans.Paquet de vaccination complet (y compris rappels) inclus dans le cot de la vaccination.** Les doses de rappel pour Hep-B et Hib ne sont pas officiellement recommandes par lOMS, mais elles sont indiques comme une option si elles sont administres par un vaccin combin. Les prix se basent sur linclusion de la 4e dose (dose de rappel).Le rappel nest pas financ par GAVI (seulement pour les enfants entre 1 et 11 mois). *** Pas encore achet par lUNICEF/GAVI.**** Prix moyens pondrs par dose partir de 2009.

    UNICEF/ GAVI*

    0.11

    0.18

    0.93

    0.90

    0.27****

    3.40 (flacon 1 dose)

    2.94

    ***

    7.00 (via AMC)

    OPS*

    0.10

    0.15

    0.92

    0.65 Origine Brsil

    1.15 Origine France

    0.28

    2.25 (flacon 1 dose)

    3.20

    5.15 Rotateq

    7.50 Rotarix

    20.00

    Secteur public

    amricain

    --

    --

    18.64

    --

    10.25

    8.66 (flacon 10 doses)

    --

    59.18 Rotateq 83.75 Rotarix

    91.75

    Nombre de doses selon recommanda-tions de lOMS

    1

    3+1

    2

    1

    3+1**

    3+1**

    3+1

    3 Rotateq

    2 Rotarix

    3

    Cot de la vaccination UNICEF/GAVI par enfant

    0.11

    0.72

    1.86

    0.90

    1.08

    13.60

    11.76

    ***

    21

    Cot de la vaccination OPS par enfant

    0.10

    0.60

    1.84

    0.65-1.15

    1.12

    9.00

    12.80

    15.45 Rotateq 15.00 Rotarix

    60.00

    Cot de la vaccination

    aux tats-Unis par enfant

    --

    --

    37.28

    --

    41.00

    34.64

    --

    177.54 Rotateq 167.50 Rotarix

    275.25

  • 12 Vaccins: tat des lieux de laccs et de la recherche

    goods en anglais - qui comprennent le cot des compo-sants du vaccin, des flacons, etc.; des frais semi-fixes associs chaque lot de production, y compris les tests de qualit; et des frais fixes du site de fabrication et de lquipement. Les frais fixes et semi-fixes forment le plus gros du cot total, puisquils en reprsentent en gnral 60% et 25% respectivement; la fabrication des vaccins se caractrise par dimportantes conomies dchelle, puisque les cots moyens diminuent en mme temps que le volume augmente.34

    Les principaux facteurs qui dterminent les cots de fabrication sont les technologies ncessaires au dvelop-pement et la production des vaccins, leur conditionnement et lchelle de fabrication. Le site de production a aussi son importance, puisque certains cots sont infrieurs dans les pays en dveloppement. Les choix de conception sont galement cruciaux et les moyens incitatifs dans les pays riches peuvent stimuler le dveloppement de vaccins plus complexes et donc plus coteux que ce qui est ncessaire pour avoir un impact sur la sant publique.

    Technologies: Des vaccins de diffrents types peuvent prsenter de grands carts de cots de production (Cf. Fig. 2). Par exemple, le vaccin compos simplement dagents vivants attnus, comme le vaccin oral contre la polio ou la rougeole, peut tre produit en trs grandes quantits partir dun investissement limit et qui ne cote pas plus de quelques centimes par dose. A loppos, les nouveaux vaccins anti-pneumococciques conjugus ncessitent la fabrication ou lachat de polysaccharides bactriens purifis, la conjugaison de ces polysaccharides une protine porteuse, le mlange des composants du vaccin (jusqu 13 souches ou srotypes bactriens), ainsi quun trs grand nombre de mesures de contrle de la qualit. Ces vaccins cotent entre un et trois dollars par dose produire, sans compter le cot associ au site de fabrication.

    La technologie de production dtermine galement la taille du lot, et celle-ci est un facteur important dans la dter-mination du cot, car certaines dpenses dpendent du nombre et de la taille des lots.

    Un meilleur accs la technologie et au savoir-faire peut, dans certains cas, confrer aux multinationales un avantage en termes de cot. Les fournisseurs mergents quant eux sont motivs par laccroissement de leur rendement et la rduction de leurs cots, conscients que cest l leur principal avantage face la concurrence.

    Au fur et mesure que les entreprises acquirent de lexprience et que des technologies de production plus efficaces sont dveloppes, le cot de la production des vaccins plus sophistiqus peut diminuer. Pourtant, certains vaccins sont intrinsquement plus coteux fabriquer que dautres. Cest pourquoi les choix effectus durant les toutes premires tapes du dveloppement des vaccins ont des consquences cruciales pour les cots de fabrication ultrieurs. Une fois quune technologie a t choisie, elle simpose tous les producteurs. Par exemple, il faudra probablement dvelopper un concept de vaccin compltement diffrent que celui qui existe aujourdhui pour obtenir un vaccin anti-pneumococcique faible cot protgeant contre de nombreux srotypes.

    Conditionnement: Le conditionnement des vaccins et le nombre de doses par unit ont un impact considrable sur le cot; les seringues pr-remplies cotent plus cher que les flacons uni-doses (et sont moins adaptes aux pays en dveloppement); de mme, les flacons dix doses sont moins coteuses par dose que les flacons uni-doses. On notera que pour les vaccins les moins chers, le conditionne-ment reprsente une part importante du cot total. Pour les vaccins plus chers, le risque de gaspillage li au condition-nement multi-dose peut rduire son avantage financier.35

    Figure 2: Complexit relative des diffrents types de vaccins

    Plus simple Plus complexe

    PolioCots variables jusqu x20

    Jusqu 100 millions de doses par lot Ncessite moins de 100 tapes de contrle de la qualit

    Jusqu 1,5 millions de doses par lot Ncessite jusqu 100 tapes de contrle de la qualit

    Vaccins anti-encphalite japonaise (EJ)

    Rotarix

    HPV

    Rotateq Pneumo

  • Vaccins: tat des lieux de laccs et de la recherche 13

    Economies dchelles et pleine utilisation des capacits de production: avec les mme frais fixes levs, une installation qui produit 100 millions de doses par an prsente en gnral des cots par dose infrieurs une installation en produisant 50 millions par an. Ainsi, les fournisseurs mergents qui produisent en grande quantit avec une faible marge bnficiaire cherchent construire des installations plus grandes. Cela peut avoir un impact considrable sur les cots de production des vaccins.

    Ces gains lis la capacit de production ne peuvent tre obtenus que si les installations produisent pleine capacit: les cots par dose seront plus levs si lunit de production est sous-utilise.

    Localisation du site de fabrication: il est en gnral moins cher de construire les usines de vaccins dans les pays en dveloppement, mme si une grande partie de lquipement doit ensuite tre importe. Les cots de main-duvre et de fonctionnement sont considrable-ment infrieurs en Inde ou en Chine en comparaison avec lEurope ou les tats-Unis.36 De plus, les rglementations de lAgence Europenne des Mdicaments (EMA) ou de son quivalent amricain la Food and Drug Administration (FDA) imposent des cots plus levs lis des contrles sur la qualit supplmentaires. Toutefois, avec lharmonisa-tion croissante des Bonnes Pratiques de Fabrication (BPF) et laugmentation des cots de la main duvre dans les pays en dveloppement cette diffrence diminue.

    Il est difficile de dterminer le cot dune installation de fabrication, principalement parce que les fabricants construisent souvent des installations qui produisent plusieurs vaccins, de sorte quil est difficile didentifier la portion de linstallation qui soccupe dun vaccin spcifi-quement. De plus, le nombre prcis de doses produites par une installation est rarement communiqu. Cependant, un examen des installations construites durant les dix dernires annes37 suggre que les cots pour les entre-prises multinationales oscillent entre 200 et 400 millions de dollars: lextension dinstallations dj existantes cote moins de 200 millions de dollars tandis que la construction de sites de fabrication produisant plusieurs types de vaccins cote jusqu 700 millions. Les fabricants mergents ont en gnral des cots largement infrieurs, qui se situent normalement en dessous de 100 millions de dollars et peuvent aller de moins de 50 millions jusqu 150 millions de dollars.

    Les barrires aux nouveaux acteurs

    Faciliter lentre de nouveaux fournisseurs est le moyen le plus efficace pour diminuer les prix des nouveaux vaccins dans les pays en dveloppement. Mais les fabri-cants potentiels qui aujourdhui souhaiteraient produire ces nouveaux vaccins, et en particulier ceux des pays mergents, se heurtent une srie dobstacles complexes, plus encore que ceux rencontrs par les producteurs de mdicaments gnriques.

    La complexit croissante des nouveaux vaccins et la rigueur des rglementations se conjuguent aux obstacles lis au savoir-faire et la proprit intellectuelle (PI) et retardent lentre de concurrents, rservant ces marchs aux grandes multinationales.

    Sophistication technologique et accs au savoir-faire: Bien que les barrires relatives aux brevets deviennent de plus en plus importantes (Cf. ci-aprs), cest le manque de capacit technologique qui empche les fabricants mergents de dvelopper et produire de nouveaux vaccins plus complexes. Si les principaux fabricants chinois, indiens et brsiliens investissent davantage dans la R&D et rduisent lcart technologique, leur capacit reste encore largement infrieure celle des multinationales. Cela ralentit et empche lintroduction de versions concurrentes des vaccins dj existants ainsi que le dveloppement de nouveaux vaccins. la diffrence des mdicaments bass sur de petites molcules, il nest pas facile procder la production dun vaccin par ingnierie inverse: certains dtails du processus de fabrication, qui ne peuvent tre dduits du produit final, constituent un dfi important relever. Ainsi, le savoir-faire confidentiel est souvent le principal obstacle lentre de nouveaux fournisseurs sur les marchs des vaccins sophistiqus.

    Labsence de voie gnrique: Les vaccins, linstar des mdicaments biologiques, ne peuvent pas recevoir de licence sur la base de leur bioquivalence par rapport des produits dj autoriss, essentiellement parce quil est en gnral impossible de certifier que des vaccins labors par des fabricants diffrents sont identiques. Mme lorsquun nouveau vaccin est conu sur la base dun vaccin existant, son innocuit et son efficacit doivent tre dmontres de manire indpendante dans le cadre dessais cliniques. En principe, on ne peut donc pas parler de vaccin gnrique. Cela reste une distinction importante entre les mdicaments et les vaccins, mme si le processus de prqualification de lOMS fonctionne plutt bien et permet de faciliter lapprobation de vaccins de deuxime gnration, avec des niveaux dexigences rduits sur les essais requis.

    Les exigences en termes de rglementation: Les fournis-seurs mergents les plus ambitieux, qui esprent accder aux marchs revenus levs, se prparent satisfaire des exigences de plus en plus strictes en matire de rgle-mentation. De plus, les normes dfinies par les autorits nationales de rglementation des pays en dveloppement et par lOMS, au travers de son processus de prqualifica-tion, ont tendance sharmoniser de plus en plus avec les normes mises par la FDA et de lEMA, en particulier dans le domaine des Bonnes Pratiques de Fabrication (BPF). Certes, les producteurs doivent faire face des cots supplmen-taires pour satisfaire ces normes. Mais le processus de prqualification de lOMS savre extrmement efficace et il permet aux entreprises des pays en dveloppement de vendre leurs vaccins aux agences de lONU et de pntrer les marchs dautres pays revenu faible et intermdiaire. Toutefois, la faiblesse des autorits de rglementation

  • 14 Vaccins: tat des lieux de laccs et de la recherche

    nationales (ARN) continue dtre problmatique pour deux raisons: dune part, parce que lapprobation par un organe de rglementation national est une exigence pour la prqualification de lOMS (laquelle est une exigence pour tous les vaccins achets par lUNICEF/GAVI); dautre part, parce que de nombreux vaccins achets des fabricants locaux ne sont pas prqualifis.

    Proprit intellectuelle (PI): Jusqu prsent, les brevets ntaient pas considrs comme une barrire pour les fournisseurs de vaccins de deuxime gnration aussi importante que le savoir-faire et lexpertise technologique. Mais rcemment, les brevets se sont rvls problma-tiques dans le cas des vaccins anti-HPV notamment; limportance des barrires relatives la PI ou des dispo-sitions dexclusivit des donnes va croissante. Les fabricants des pays en dveloppement affirment que les efforts ncessaires pour contourner ces barrires peuvent retarder de plusieurs annes lintroduction dun vaccin concurrent. Comme cest souvent le cas, les nouvelles technologies qui ont permis dobtenir les vaccins HPV ont t mises au point dans des laboratoires universitaires financs par le secteur public: les universits devraient ouvrir plus encore leur politique doctroi de licences; cela constituerait un vrai progrs pour faciliter la concurrence sur les marchs des pays en dveloppement. Les gouver-nements, quant eux, devraient valuer limpact des brevets sur la disponibilit des vaccins et utiliser les flexi-bilits inscrites dans les Accords sur les aspects des Droits de Proprit Intellectuelle qui touchent au Commerce (ADPIC) pour limiter limpact ngatif des brevets. Les fabricants des pays en dveloppement doivent eux aussi dvelopper leurs connaissances en matire de PI.

    Dans certains cas, lenchevtrement des brevets (patent thickets) peut empcher le dveloppement de nouvelles classes de vaccins, ainsi que lentre de concurrents.38

    Laccs au capital: Il est intressant de constater que les fabricants mergents du secteur priv ne considrent pas laccs au capital comme une barrire entravant lentre sur le march, bien quelle constitue un problme pour de nombreux fabricants du secteur public.

    Rsum des dfis laccs

    GAVI a permis une relle avance pour laccs aux vaccins, permettant des pays faible revenu dintro-duire des vaccins clefs comme ceux contre lhpatite B et le Hib, mais un rel manque de fonds pourrait empcher lintroduction prvue des vaccins anti-pneumococcique et anti-rotavirus, ainsi que ses engagements soutenir lachat du vaccin anti-HPV et dautres vaccins impor-tants. Limpact de la crise conomique sur les bailleurs de fonds et les prix levs de ces nouveaux vaccins, dont les marchs sont pour le moment dtenus par quelques multinationales, sont les principales causes des problmes financiers de GAVI. Ainsi, le manque de concurrence sur le march du vaccin pentavalent, un vaccin clef pour GAVI, contribue son prix artificielle-ment lev.

    La plupart des pays revenu intermdiaire ne remplis-sent pas les critres leur permettant de bnficier du soutien de GAVI et la segmentation croissante du march a abouti un conflit entre GAVI et lOPS sur les prix de nouveaux vaccins. Tout effort entrepris pour promouvoir laccs des vaccins doit inclure les pays revenu intermdiaire. Une approche plus complte consisterait faciliter la mise en place de nouveaux mcanismes dachats groups (suivant le modle du Fonds renouvelable de lOPS), offrir les prix ngocis par GAVI certains pays qui ne satisfont pas les critres leur donnant droit au soutien de GAVI, favoriser les exportations rgionales par des producteurs du secteur public, comme lentreprise brsilienne BioManguinhos, et mettre en place une politique de prix diffrencis acceptables pour les pays revenu intermdiaire.

    Afin de faciliter lentre de vaccins concurrentiels, et rendre les prix des vaccins plus abordables pour les pays et les bailleurs de fonds, les stratgies suivantes sont considrer:

    - des mcanismes de facilitation du transfert de techno-logies,

    - des mcanismes pour la prvention ou la suppres-sion des barrires relatives aux brevets, avec la mise en place par les universits et des organismes de recherche gouvernementaux de politiques de licences ouvertes, et lutilisation des flexibilits inscrites dans les accords ADPIC, et

    - des politiques dachats qui favorisent la concurrence sur les marchs et qui ne renforcent pas les situations oligopolistiques qui profitent une poigne de multi-nationales pharmaceutiques.

  • Vaccins: tat des lieux de laccs et de la recherche 15

    Garantir laccs aux vaccins qui existent dj est une priorit court terme; mais il est aussi urgent de dvelopper de nouveaux vaccins qui rpondent aux besoins criants des pays en dveloppement: il nexiste pas aujourdhui de vaccin contre le VIH, le paludisme, la dengue, ni contre aucune maladie tropicale parasitaire, et le vaccin contre la tuberculose est largement inadapt. Le besoin de vaccins de seconde gnration contre le cholra et la fivre typhode se fait sentir, ainsi que le besoin de nouvelles formulations et de conditionnements mieux adapts pour lutilisation dans les contextes des pays faible revenu.

    Cette section commence par un examen du systme actuel de R&D en matire de vaccins. Elle prsente ensuite certains des obstacles au dveloppement des vaccins pourtant ncessaires pour les pays revenu faible et inter-mdiaire et propose une gamme de solutions possibles.

    Vue densemble du dveloppement dun nouveau vaccin

    Les vaccins sont des macromolcules extrmement complexes ou des micro-organismes conus pour stimuler le systme immunitaire afin de lutter contre les patho-gnes lorigine de maladies. Au contraire, la plupart des mdicaments sont de petites molcules qui combattent directement la maladie. La recherche et le dveloppement dun nouveau vaccin, tout comme le dveloppement dun mdicament, passent par une srie de phases de plus en plus coteuses, de la recherche exploratoire en laboratoire au dveloppement de processus de fabrication, en passant par des essais cliniques de grande chelle. Les vaccins dits candidats peuvent chouer tout moment, ce qui fait de la R&D une entreprise trs risque. Environ un quart des produits qui font lobjet dessais cliniques parviennent sur le march. Le tableau 3 donne une vue densemble

    du processus de recherche et de dveloppement pour un vaccin.

    Bien que les dernires tapes du dveloppement dun vaccin soient dsormais principalement menes par lindustrie, et en particulier par une poigne de multi-nationales, le secteur public joue un rle trs important dans ce processus. Le gros de la recherche fondamentale est effectu par les universits ainsi que les laboratoires publics, lesquels contribuent galement dans de nombreux cas de vritables dcouvertes. Les entreprises biotech-nologiques sont aussi de plus en plus importantes dans les premires tapes de la R&D. La capacit de R&D des fournisseurs mergents des pays en dveloppement connat une croissance rapide et les producteurs du secteur public restent importants dans plusieurs pays importants revenu intermdiaire, dont le Brsil, lInde, la Chine, lIndonsie et le Mexique. Le secteur public a toujours jou un rle important dans le dveloppement de vaccins aux tats-Unis et en Europe: larme amricaine, notamment, a dvelopp plusieurs vaccins dimportance. Reconstruire et renforcer la capacit du secteur public dvelopper les vaccins dont le monde besoin et en tester lefficacit est un lment important des stratgies de sant publique.

    Autorisation de mise sur le marchComme pour un mdicament, un vaccin doit obtenir une licence que lautorit de rglementation nationale (ARN) dlivre et qui exige des preuves de lefficacit (pour un vaccin, la prvention de linfection ou de la maladie), de linnocuit et de la qualit, y compris des preuves de bonnes pratiques de fabrication (BPF). Souvent, les nouveaux vaccins dvelopps par les grandes multi-nationales reoivent dabord une licence des agences amricaine de rglementation amricaine Food and Drug Administration (FDA) lAgence europenne des mdica-

    Recherche et dveloppement en matire de vaccins

    Tableau 3 : Les diffrentes tapes de la recherche et du dveloppement en matire de vaccins

    DcouverteIdentifier les candidatssrieux

    Recherche fondamentaleComprhension des organismesresponsables de la maladie, de lapathologie et du systme immunitaire Effectu au niveau dinstitutions universitaires avec des fonds publics

    Acteurs clefs de la recherche: entreprises biotechnologiques et universits Dure variable, risques levs, la plupart des projets chouent

    On estime quun produit prclinique sur 10 est commercialis

    Essais chelle rduite (

  • 16 Vaccins: tat des lieux de laccs et de la recherche

    ments (EMA) tandis que les vaccins produits par des entreprises de pays en dveloppement sont en gnral approuvs en premier lieu par leur propre ARN.

    Les fabricants qui esprent fournir des pays en dvelop-pement (autres que leur propre march) doivent aussi tre prqualifis par lOMS. La prqualification, requise pour tout achat par les organes des Nations Unies, y compris lUNICEF et lOPS, veille ce que les vaccins utiliss soient sans risques, efficaces pour les populations cibles et que leur conditionnement soit appropri. Les normes de lOMS sont rigoureuses mais distinctes de celles tablies par la FDA et lEMA: le processus de prqualification est donc une alternative cruciale lapprobation par un organisme de rglementation des pays riches.

    Pour quun vaccin puisse tre considr pour la prquali-fication, lautorit de rglementation nationale du pays de fabrication doit tre dclare fonctionnelle par lOMS. Le renforcement des agences de rglementation, en particu-lier dans les pays exportateurs clefs, est fondamental pour une stratgie fonde en grande partie sur les fournisseurs mergents.

    Les lments suivants sont noter: 1) Dmontrer lefficacit dun vaccin ou dune classe de vaccins totalement nouveaux demande des essais contre placebo de grande chelle. Les entits qui dveloppent des vaccins de deuxime gnration et qui se basent sur le mme mcanisme de protection utilis pour le vaccin de premire gnration peuvent ne pas tre tenus de dmontrer une incidence rduite. Si ltude des essais antrieurs a tabli un corrlat de protection (un degr de rponse immunitaire au vaccin au-dessus duquel les personnes deviennent immunises), lautorit de rgle-mentation pharmaceutique doivent accepter un nouveau vaccin qui produit de faon constante cette rponse de protection, en lieu et place des donnes sur lincidence. Cela permet parfois de diminuer lampleur des essais.

    2) Les normes relatives linnocuit pour les vaccins ont acquis une rigueur presque absurde au cours des quelques dernires dcennies, en particulier aux tats-Unis, en partie parce que beaucoup des maladies que ciblent les nouveaux vaccins ne sont plus vraiment une source de proccupation pour les populations des pays revenus levs. En consquence, lapprhension des risques relatifs linnocuit du vaccin par rapport ses bnfices attendus a chang. Mme si, dun point de vue de sant publique, cela puisse tre regrettable pour les tats-Unis et lEurope, cest un problme beaucoup plus grave pour les pays en dveloppement, pour lesquels cette relation bnfices/risques est peut-tre diffrente, mais qui prouvent des difficults techniques et politiques tablir une norme dinnocuit diffrente de celle qui est applique aux tats-Unis et en Europe.

    Le cas le mieux connu de rigueur rglementaire est celui li au RotaShield, le vaccin anti-rotavirus de Wyeth, approuv aux tats-Unis en 1998. Ce vaccin a t retir du march

    un an plus tard, aprs que 15 enfants aient dvelopp une intussusception, un effet secondaire grave. En cons-quence, les pays en dveloppement, o il est estim que linfection par le rotavirus cause le dcs de plus de 500 000 enfants par an, ont eux aussi refus duti-liser RotaShield. Selon une tude rcente mene par les Centers for Disease Control and Prevention (CDC), le nombre de vies sauves par un vaccin comme RotaShield dans les pays comportant un nombre trs important de cas de rotavirus dpasserait trs nettement celui de cas mortels lis au problme dintussusception.39

    Les consquences lies une rigueur rglementaire excessive ne bloquent pas seulement la commercialisa-tion de nouveaux vaccins; cela signifie aussi que tous les vaccins deviennent plus coteux. Ainsi, les dveloppeurs de la gnration suivante de vaccins contre le rotavirus ont d mener des essais dune envergure sans prcdent afin dexclure cet effet secondaire trs rare (GSK a men un essai sur 61 000 enfants); les dveloppeurs de vaccins sont conscients que des effets secondaires trop rares pour tre dtects lors des essais pourraient aboutir au retrait de leurs vaccins du march une fois dcouverts suite la commercialisation.

    3) Comme pour les mdicaments, il nexiste pas de rgle-mentation satisfaisante pour les nouveaux vaccins qui nont pas de march aux tats-Unis ou en Europe. Bien que le programme de prqualification de lOMS soit efficace pour les vaccins de deuxime gnration, la plupart des entits de rglementation des pays nont pas encore la capacit dvaluer rigoureusement les vaccins entirement nouveaux. La nouvelle procdure de lEMA (Article 58) est un outil par lequel lagence propose une opinion sur un vaccin qui ne sera pas commercialis en Europe. Cest la voie quempruntent GSK et lInitiative pour un Vaccin contre le Paludisme (MVI) avec le vaccin contre le paludisme RTS,S. La FDA a annonc un programme similaire. long terme, la meilleure solution est de renforcer la capacit des agences de rglementation dans les pays o les nouveaux vaccins seront utiliss et dans des pays comme lInde, le Brsil et la Chine dont les capacits de produc-tion et de dveloppement sont croissantes. Pour ce faire, lharmonisation rgionale de la rglementation et son renforcement sont ncessaires. Ainsi lagence de rglemen-tation nationale des mdicaments sud-africaine (Medicines Control Council) est un bon exemple de rfrence rgionale de rglementation en Afrique australe.

    Les cots lis la Recherche et Dveloppement (R&D)Le cot de chacune des tapes du dveloppement dun vaccin varie beaucoup, en fonction de la difficult scienti-fique, de la technologie requise, de lenvergure des essais et du type de dveloppeur. Le Tableau 2 prsente des fourchettes de niveaux de cot pour chacune des tapes.

    Les dpenses relles lies au dveloppement dun vaccin peuvent tre dtermines postriori, une fois celui-ci commercialis en ajoutant le cot de chaque tape de la recherche et du dveloppement. Cependant, ce calcul

  • Vaccins: tat des lieux de laccs et de la recherche 17

    sous-estime le vritable cot de la R&D et le cot probable du dveloppement dun nouveau vaccin parce quelle ninclut pas le cot de lchec: les dpenses consacres des candidats-vaccins qui nont pas t commercialiss. En tenant compte du risque dchec chaque tape du dveloppement, la formule du cot moyen du dveloppe-ment clinique dun vaccin commercialis est la suivante:C=(C1 + C2*P1 + C3*P1P2)/(P1*P2*P3), C1, C2, C3 et P1, P2 et P3 tant les cots et les probabilits de russite des diffrentes phases des essais cliniques. Cette formule peut facilement tre tendue de manire inclure les phases de dcouverte, de prclinique et dautorisation de mise sur le march.

    Lutilisation de cette approche avec les fourchettes de cots prsentes au Tableau 2 estime les cots totaux de R&D entre 135 et 350 millions de dollars, sans inclure la recherche initiale ni le cot de la construction dun site de fabrication.

    Ces estimations sont, au mieux, des moyennes approxi-matives. On peut sattendre des cots plus levs pour des vaccins trs complexes comme ceux contre le paludisme ou la tuberculose (sans parler du VIH) et des cots beaucoup plus bas pour des vaccins plus simples dvelopper ou pour ceux qui se basent en grande partie sur des vaccins dj commercialiss: dans ce dernier cas, les essais pourront tre plus rduits et les chances de russite chaque tape beaucoup plus importantes. Les cots de la dcouverte sont particulirement variables, car cette tape peut tre brve pour les nouvelles versions de vaccins existants, mais trs longue (voire illimite) pour la recherche portant sur des classes de vaccins complte-ment nouvelles.

    Enfin, le cot du capital joue un rle dterminant sur le cot de la R&D. Les dveloppeurs du secteur priv, qui doivent mobiliser des fonds sur les marchs de capitaux afin de financer le dveloppement des vaccins, prennent en compte le cot de cet argent (essentiellement les taux dintrt) dans le calcul des cots totaux de R&D.42 Les gouvernements et les fondations nont pas prendre en charge ces dpenses de la mme manire, bien quune estimation rigoureuse des cots rels supports par le secteur public doive au moins inclure le cot de lemprunt public.

    Autres modles possibles pour la R&D

    Le systme de R&D actuel, ax sur le retour sur inves-tissement et non les besoins en sant fonctionne assez bien pour dvelopper des vaccins rpondant aux besoins des pays dvelopps car leurs marchs sont suffisam-ment importants. Mais ce systme nest pas efficace pour dvelopper les vaccins contre des maladies qui touchent principalement les pays revenu faible ou inter-mdiaire, dont les marchs noffrent pas les revenus minimums, ncessaires motiver linvestissement en R&D. Le problme est reconnu; plusieurs solutions ont t proposes et certaines sont actuellement mises lpreuve. Mme dans le cas des maladies qui touchent la fois les pays revenu lev et les pays en dvelop-pement, comme la maladie pneumococcique ou les HPV, le systme actuel prsente des dfauts importants. Ces vaccins sont dabord dvelopps pour les marchs des pays riches; ils ne sont donc pas toujours adapts aux besoins des pays revenu faible et intermdiaire, o les srotypes de maladies peuvent tre diffrents et o un conditionnement diffrent est peut-tre ncessaire.43 De plus, ces nouveaux vaccins sont souvent trs coteux fabriquer, alors quune stratgie de R&D alternative, tenant compte des cots de fabrication, peut aboutir des vaccins de qualit comparable faibles cots.

    Dans lidal, des modles alternatifs de R&D permet-traient le dveloppement de nouveaux vaccins contre les maladies ngliges des pays en dveloppement, et de nouvelles versions de vaccins dj existants mieux adaptes aux besoins et au contexte de ces pays. Quelques unes approches proposes sont conues prcisment pour combler certaines lacunes du systme de R&D actuel, tandis que dautres promettent une transformation plus radicale qui alignerait linvestissement en R&D sur les besoins de sant publique. Cette section prsente une brve vue densemble de certains de ces mcanismes.

    La plupart des solutions au manque de R&D contre les maladies ngliges supposent un financement public ou philanthropique pour compenser le manque dinvestisse-ment commercial, mais ce financement peut tre obtenu sous une varit de formes. Les subventions accordes directement aux universits, aux chercheurs publics ou aux entreprises pour mener des travaux de R&D sont souvent appeles financement en amont (push mechanisms en anglais): ce type de financement cible directement la R&D

    tape Dcouverte41 Phases 1 & 2 Phase 3 Autorisation de Total & prclinique mise sur le marchCot 5 - 15 4 - 10 50 - 120 2 - 3 60 - 145Chance de russite 40% 33% 75% N/A 10%Cot ajust, tenant 135-350 compte des risques

    Tableau 2: Cots estims de la recherche et du dveloppement (en millions de dollars)40

  • 18 Vaccins: tat des lieux de laccs et de la recherche

    ou rduit les cots ou les risques pour les dveloppeurs. Les mcanismes de financement en aval (pull mecha-nisms), en revanche, cherchent motiver les dveloppeurs, en gnral les socits du secteur priv, investir leurs propres ressources dans la R&D dun nouveau mdica-ment ou vaccin. Les marchs des pays riches peuvent tre considrs comme des puissants mcanismes de financement en aval, surtout lorsque la rtribution pour les innovateurs est dcuple par la situation de monopole temporaire dont ils jouissent grce la protection lie aux brevets. Tandis que le financement en amont reste le point dappui du financement de la R&D dans le domaine des maladies ngliges, plusieurs mcanismes innovants de financement en aval ont t proposs au cours des quelques dernires annes. Les sections suivantes traitent de plusieurs modles de financement prometteurs.

    Bien que le financement soit essentiel pour toute stratgie de R&D dans les maladies ngliges, laccs aux techno-logies est lui aussi crucial. La dernire section prsente quelques ides dans ce domaine.

    Le financement en amont (push funding)En plus du financement public ciblant la recherche universitaire, les gouvernements et les fondations tentent actuellement de stimuler le dveloppement de vaccins pour les pays en dveloppement au travers de Partenariat de Dveloppement de Produits (PDP). Les PDP de vaccins, parmi lesquels figurent lInitiative pour un vaccin contre le paludisme, lAeras Global TB Vaccine Foundation et lInitia-tive internationale pour un vaccin contre le sida, canalisent les financements des gouvernements bailleurs de fonds et de fondations, en particulier la Fondation Gates, autour de partenariats avec des universits, des entreprises de biotechnologie et des entreprises pharmaceutiques. Les PDP sont populaires parmi les bailleurs de fonds et au sein de lindustrie, mais il est encore trop tt pour juger de leur efficacit long terme: pour linstant, aucun vaccin commercialisable na encore t dvelopp par ce biais. LInitiative pour un vaccin contre le paludisme ou MVI peut servir dexemple de PDP de vaccins.

    LInitiative pour un Vaccin contre le Paludisme(Malaria Vaccine Initiative ou MVI)La MVI, tablie par PATH grce un financement de la Fondation Gates, cherche acclrer le dveloppement dun vaccin contre le paludisme et en garantir la disponi-bilit et laccessibilit. La MVI gre une srie de partenariats avec des universits, des entreprises de biotechnologie, larme amricaine et de grandes entreprises pharmaceu-tiques. Son candidat le plus avanc sur le plan clinique est le vaccin RTS,S, un produit initialement dvelopp par larme amricaine pendant les annes 1980 et qui appar-tient prsent GSK. Aprs plusieurs essais de phase 2b, il est maintenant test dans le cadre dun essai de phase 3 dans plusieurs pays africains. La MVI partage les cots de ces essais avec GSK, en utilisant une subvention de presque 200 millions de dollars accorde la MVI par la Fondation Gates. En change et de manire confidentielle,

    GSK a accept de ne pas dpasser un certain prix (non divulgu, fix sur la base des volumes produits). Il est difficile de savoir si ces prix sont sensiblement diffrents des prix que GSK aurait demands si elle avait dvelopp le vaccin sans lassistance de la MVI.

    Les essais mens jusqu prsent suggrent que RTS,S sera au mieux un vaccin imparfait, avec une efficacit denviron 50% contre la maladie clinique et une dure de protection relativement courte. Il pourrait nanmoins avoir un impact significatif, tant donn le nombre considrable de victimes du paludisme en Afrique subsaharienne.

    Le rle de la MVI dans le dveloppement de RTS,S a principalement consist subventionner le dveloppe-ment clinique men par GSK. Il est impossible de savoir ce quil serait advenu du dveloppement du vaccin sans cette subvention, mais il est probable que le dvelop-pement aurait t abandonn ou trs ralenti: GSK avait apparemment cess ses travaux sur RTS,S jusqu ce que la MVI commence prendre en charge une partie des cots.44 Un vaccin contre le paludisme aurait pu compter sur les marchs, plutt modestes, des pays riches avec les voyageurs et larme; RTS,S naura aucun march en dehors de lAfrique. Cependant, les tudes et tests raliss pour le RTS,S sont prcieux pour GSK qui tire ici un vrai avantage commercial: ce vaccin comporte un nouvel adjuvant qui pourrait tre utilis dans dautres vaccins.

    La MVI a pris part aux travaux sur RTS,S un stade tardif et na gure jou de rle dans la conception ou dans le transfert des technologies requises. Elle ntait donc pas en position de choisir un partenaire de dveloppement ou dinfluencer les cots de production. Etant donn la diffi-cult que prsente le dveloppement dun vaccin contre le paludisme un dfi que les chercheurs cherchent, en vain, relever depuis des dcennies une collaboration avec GSK sur RTS,S tait la seule option ayant des chances daboutir en moins dune dcennie. La MVI travaille avec un certain nombre de partenaires sur dautres projets de R&D, mais ils sont tous ltape initiale et aucun na la certitude daboutir.

    Le Projet Vaccins Mningite (MVP)Le Projet vaccins mningite (MVP) est un modle intres-sant par lequel un vaccin est dvelopp pour rpondre aux besoins spcifiques dune population avec un cahier des charges mettant la priorit sur les cots, et la garantie dun accs durable. Bien quil soit similaire aux PDP de vaccins de plus grande envergure, son approche diffre plusieurs gards.

    Le MVP a t tabli en 2001 par lorganisation non gouver-nementale PATH et lOrganisation Mondiale de la Sant (OMS) pour dvelopper un vaccin luttant contre lpi-dmie de mningite bactrienne: cause principalement par des souches du groupe A de Neisseria meningitidis (mningocoque) elle frappe principalement la ceinture de la mningite de lAfrique sub-saharienne.45 Bien que les vaccins base de polysaccharides soient disponibles

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    depuis de nombreuses annes, leur dure de protection est limite et ils ne sont pas efficaces chez les enfants en bas ge.46 En thorie, les vaccins dits conjugus, comme celui produit par Sanofi, ne prsentent pas ces inconv-nients. Mais le vaccin ttravalent ACYW conjugu de Sanofi est plus coteux produire (quatre vaccins conjugus au lieu dun). Mme un prix trs rduit, il resterait beaucoup plus cher quun vaccin monovalent.

    Aprs avoir ngoci avec plusieurs partenaires industriels sans rsultats, cest avec le Serum Institute of India (SIIL) que le MVP est parvenu un accord. Ce nouveau vaccin conjugu monovalent contre la mningite A