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Vatican II,
L’héritage et la boussole Père Jean-Emmanuel GARREAU, aumônier des étudiants (diocèse de Tours)
Week-end de rentrée des étudiants
30 septembre 2012
Saint Quentin / Indrois
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Vatican II, l’héritage et la boussole
Père Jean-Emmanuel GARREAU1, aumônier des étudiants (diocèse de Tours)
Jean-Paul II à Reims lors de sa visite en France en 1996 :
l’Église est toujours une Église du temps présent. Elle ne regarde pas son héritage comme le
trésor d’un passé révolu, mais comme une puissante inspiration pour avancer dans le pèlerinage
de la foi sur des chemins toujours nouveaux2.
dans sa lettre apostolique Novo millennio ineunte, Jean-Paul II : « le Concile nous offre une
boussole fiable pour nous orienter sur le chemin du siècle qui commence »3.
I. L’Héritage
1.1 Un héritage à recevoir et à transmettre, le mouvement de la
Paradosis divine
1 Co 11, 23-26
En effet, voici ce que moi j'ai reçu du Seigneur, et ce que je vous ai transmis: le Seigneur
Jésus, dans la nuit où il fut livré, prit du pain, 24 et après avoir rendu grâce, il le rompit et dit:
" Ceci est mon corps, qui est pour vous, faites cela en mémoire de moi. " 25 Il fit de même
pour la coupe, après le repas, en disant: " Cette coupe est la nouvelle Alliance en mon sang;
faites cela, toutes les fois que vous en boirez, en mémoire de moi. " 26 Car toutes les fois que
vous mangez ce pain et que vous buvez cette coupe, vous annoncez la mort du Seigneur,
jusqu'à ce qu'il vienne.
Un concile, quid ?
1 Cette présentation s’appuie sur le travail du Master de recherche du mémoire de licence canonique de
Théologie soutenu en septembre 2010 au Theologicum (Institut Catholique de Paris) et intitulé « La question de
la Tradition au Concile Vatican II, la réception du deuxième chapitre de Dei Verbum chez Joseph Ratzinger »).
Ce mémoire fera probablement l’objet d’une publication prochaine).
Nous renvoyons aussi largement à G. ROUTHIER, « Le concile Vatican II livré aux interprétations
de générations successives », dans Science et Esprit 61 (2009)/2-3, 237-255. 2 Cité dans Proposer la foi dans la société actuelle, p. 12.
3 Novo millennio ineunte, n°57, dans DC, Paris, 6 janvier 2001, n°98, p. 88.
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Vatican II, un concile sans précédent
Comment nous situons nous par rapport à l’héritage du concile Vatican
ne constitue pas un acquis à conserver ou à défendre, ni un patrimoine ou un
précieux héritage à faire fructifier, ni une référence pour penser le présent de l’Église et son
devenir.
; je connais quelques idées …
Vatican II est un marqueur de l’histoire du catholicisme ; on dit souvent «depuis Vatican II,
l’Église catholique...» ou «qu’avant Vatican II, les catholiques …».
nommer quelques questions abordées par le concile, sans pouvoir articuler
l’enseignement de Vatican II sur ces différents thèmes.
’Eglise qu’il convient
d’oublier. C’est ce qui est à l’origine de la crise actuelle de l’Eglise.
crois n’avoir jamais lu un texte du concile Vatican II.
J’ai beaucoup espéré dans ce concile mais je suis déçu que le vent de réforme qu’il
promettait se soit aujourd’hui éteint.
et je me sens que peu concerner par le passé. Je ne vois
pas ce que ça change pour moi.
à Vatican II ; je pressens qu’il s’est joué quelque chose d’important au
concile pour le christianisme.
ne vois pas en quoi Vatican II peut être un idéal capable de me construire spirituellement
ou de me donner des idées aptes à formuler une vision de l’expérience ecclésiale et du rapport
de l’Église au monde.
Le concile Vatican II livré aux interprétations de générations successives
Similitudes entre les jeunes d’aujourd’hui et ceux des années 1920 et 1930
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1.2 Que faisons-nous de cet héritage ?
La voie indiquée par les papes
Jean XXIII
L'OPPORTUNITÉ DE LA CÉLÉBRATION DU CONCILE
… Il arrive souvent que dans l'exercice quotidien de Notre ministère apostolique Nos oreilles
soient offensées en apprenant ce que disent certains qui, bien qu'enflammés de zèle religieux,
manquent de justesse de jugement et de pondération dans leur façon de voir les choses. Dans la
situation actuelle de la société, ils ne voient que ruines et calamités; ils ont coutume de dire que
notre époque a profondément empiré par rapport aux siècles passés; ils se conduisent comme si
l'histoire, qui est maîtresse de vie, n'avait rien à leur apprendre et comme si du temps des
Conciles d'autrefois tout était parfait en ce qui concerne la doctrine chrétienne, les moeurs et la
juste liberté de l'Eglise.
Il Nous semble nécessaire de dire Notre complet désaccord avec ces prophètes de malheur, qui
annoncent toujours des catastrophes, comme si le monde était près de sa fin.
Dans le cours actuel des événements, alors que la société humaine semble à un tournant, il
vaut mieux reconnaître les desseins mystérieux de la Providence divine qui, à travers la
succession des temps et les travaux des hommes, la plupart du temps contre toute attente,
atteignent leur fin et disposent tout avec sagesse pour le bien de l'Eglise, même les événements
contraires.
(…)
LA PRINCIPALE TÂCHE DU CONCILE: DÉFENDRE ET PROMOUVOIR LA DOCTRINE
… COMMENT PROMOUVOIR LA DOCTRINE À NOTRE ÉPOQUE
Ces choses étant dites, vénérables frères, il est possible de voir avec suffisamment de clarté la
tâche qui attend le Concile sur le plan doctrinal.
Le XXIe Concile oecuménique veut transmettre dans son intégrité, sans l'affaiblir ni l'altérer, la
doctrine catholique qui, malgré les difficultés et les oppositions, est devenue comme le patrimoine
commun des hommes. Certes, ce patrimoine ne plaît pas à tous, mais il est offert à tous les
hommes de bonne volonté comme un riche trésor qui est à leur disposition.
Cependant, ce précieux trésor nous ne devons pas seulement le garder comme si nous n'étions
préoccupés que du passé, mais nous devons nous mettre joyeusement, sans crainte, au travail
qu'exige notre époque, en poursuivant la route sur laquelle l'Eglise marche depuis près de vingt
siècles.
Nous n'avons pas non plus comme premier but de discuter de certains chapitres fondamentaux
de la doctrine de l'Eglise, et donc de répéter plus abondamment ce que les Pères et les
théologiens anciens et modernes ont déjà dit. Cette doctrine, Nous le pensons, vous ne l'ignorez
pas et elle est gravée dans vos esprits.
Présenter la doctrine d'une façon qui réponde aux exigences de notre époque.
En effet, s'il s'était agi uniquement de discussions de cette sorte, il n'aurait pas été besoin de
réunir un Concile oecuménique.
Ce qui est nécessaire aujourd'hui, c'est l'adhésion de tous, dans un amour renouvelé, dans la paix
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et la sérénité, à toute la doctrine chrétienne dans sa plénitude, transmise avec cette précision de
termes et de concepts qui a fait la gloire particulièrement du Concile de Trente et du premier
Concile du Vatican. Il faut que, répondant au vif désir de tous ceux qui sont sincèrement attachés
à tout ce qui est chrétien, catholique et apostolique, cette doctrine soit plus largement et
hautement connue, que les âmes soient plus profondément imprégnées d'elle, transformées par
elle.
Il faut que cette doctrine certaine et immuable, qui doit être respectée fidèlement, soit
approfondie et présentée de la façon qui répond aux exigences de notre époque. En effet, autre
est le dépôt lui-même de la foi, c'est-à-dire les vérités contenues dans notre vénérable doctrine,
et autre est la forme sous laquelle ces vérités sont énoncées, en leur conservant toutefois le
même sens et la même portée. Il faudra attacher beaucoup d'importance à cette forme et
travailler patiemment, s'il le faut, à son élaboration; et on devra recourir à une façon de présenter
qui correspond mieux à un enseignement de caractère surtout pastoral.
COMMENT RÉPRIMER LES ERREURS
… L'Eglise catholique, en brandissant par ce Concile oecuménique le flambeau de la vérité
religieuse au milieu de cette situation, veut être pour tous une mère très aimante, bonne,
patiente, pleine de bonté et de miséricorde pour ses fils qui sont séparés d'elle. A l'humanité
accablée sous le poids de tant de difficultés, elle dit comme saint Pierre au pauvre qui lui
demandait l'aumône: « De l'aiment et de l'or, je n'en ai pas, mais ce que j'ai, je te le donne: au
nom de Jésus-Christ, le Nazaréen, marche. » (Actes, 3, 6.) Certes, l'Eglise ne propose pas aux
hommes de notre temps des richesses périssables, elle ne leur promet pas non plus le bonheur
sur la terre, mais elle leur communique les biens de la grâce qui élèvent l'homme à la dignité de
fils de Dieu et, par là, sont d'un tel secours pour rendre leur vie plus humaine en même temps
qu'ils sont la solide garantie d'une telle vie. Elle ouvre les sources de sa doctrine si riche, grâce à
laquelle les hommes, éclairés de la lumière du Christ, peuvent prendre pleinement conscience de
ce qu'ils sont vraiment, de leur dignité et de la fin qu'ils doivent poursuivre. Et enfin, par ses fils,
elle étend partout l'immensité de la charité chrétienne, qui est le meilleur et le plus efficace moyen
d'écarter les semences de discorde, de susciter la concorde, la juste paix et l'unité fraternelle de
tous.
FAIRE GRANDIR L'UNITÉ DE LA FAMILLE CHRÉTIENNE ET HUMAINE
Si l'Eglise a le souci de promouvoir et de défendre la vérité, c'est parce que, selon le dessein
de Dieu, « qui veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la
vérité » (1 Tim., 2, 4), sans l'aide de la vérité révélée tout entière, les hommes ne peuvent
parvenir à l'absolue et ferme unité des âmes à laquelle sont liés toute vraie paix et le salut
éternel.
Mais cette unité visible dans la vérité, la famille des chrétiens tout entière ne l'a encore
malheureusement pas atteinte pleinement et complètement. Cependant, l'Eglise catholique estime
que son devoir est de faire tous ses efforts pour que s'accomplisse le grand mystère de cette unité
que Jésus-Christ, à l'approche de son sacrifice, a demandée à son Père dans une ardente prière;
et elle éprouve une douce paix à savoir qu'elle est étroitement unie à ces prières du Christ. Elle se
réjouit même sincèrement de voir que ces prières ne cessent de multiplier leurs fruits abondants
et salutaires, même parmi ceux qui vivent hors de son sein. En effet, à bien considérer cette unité
que Jésus-Christ a implorée pour son Eglise, on voit qu'elle resplendit d'une triple lumière céleste
et bienfaisante l'unité des catholiques entre eux, qui doit rester extrêmement ferme et
exemplaire; l'unité de prières et de voeux ardents qui traduisent l'aspiration des chrétiens séparés
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du Siège apostolique à être réunis avec nous; l'unité enfin d'estime et de respect à l'égard de
l'Eglise catholique, manifestée par ceux qui professent diverses formes de religion encore non
chrétiennes.
C'est un sujet de profonde tristesse de voir que la majeure partie du genre humain — bien que
tous les hommes qui viennent en ce monde soient rachetés par le Sang du Christ — ne participe
encore pas aux sources de grâce qui résident dans l'Eglise catholique. C'est pourquoi on peut à
bon droit appliquer à l'Eglise catholique — dont la lumière éclaire toutes choses et dont la force
surnaturelle d'unité profite à toute la famille humaine — ces nobles paroles de saint Cyprien: «
L'Eglise, baignée de lumière divine, rayonne dans tout l'univers; et pourtant, c'est une seule et
même lumière qui diffuse partout sa clarté sans rompre l'unité du corps. Ses rameaux féconds
s'étendent sur toute la terre, ses eaux coulent toujours plus abondamment et plus loin et,
cependant, il n'y a qu'une seule tête, une seule origine, une seule mère si richement féconde.
C'est de son sein que nous sommes nés, de son lait que nous sommes nourris, de son esprit que
nous vivons. » (De Catholicae Ecclesiae Unitate, 5.)
Vénérables frères, voilà ce que se propose le IIe Concile oecuménique du Vatican. En unissant
les forces majeures de l'Eglise, et en travaillant à ce que l'annonce du salut soit accueillie plus
favorablement par les hommes, il prépare en quelque sorte et il aplanit la voie menant à l'unité du
genre humain, fondement nécessaire pour faire que la cité terrestre soit à l'image de la cité
céleste « qui a pour roi la vérité, pour loi la charité et pour mesure l'éternité ». (Saint
AUGUSTIN, Ep. CXXXVIII, 3.)
Paul VI
On connaît ce mot de Paul VI, au sujet de Vatican II qu’il faut considérer comme «le grand catéchisme
des temps modernes».
Jean-Paul II
« le Concile nous offre une boussole fiable pour nous orienter sur le chemin du siècle qui
commence »4.
Benoit XVI
La conférence de Ratzinger au Katholigentag de Bamberg (Allemagne) le 14 juillet
1966 intitulée « le catholicisme après le Concile »5 : « le Concile n’est pas un refuge
où s’installer confortablement et oublier la route. Il est un nouveau départ, en avant,
vers le Seigneur ».
Benoit XVI (discours du 22 décembre 2005)
Le dernier événement de cette année sur lequel je voudrais m'arrêter en cette occasion est la
célébration de la conclusion du Concile Vatican II, il y a quarante ans. Ce souvenir suscite la
question suivante: Quel a été le résultat du Concile? A-t-il été accueilli de la juste façon?
Dans l'accueil du Concile, qu'est-ce qui a été positif, insuffisant ou erroné? Que reste-t-il
encore à accomplir?
4 Novo millennio ineunte, n°57, dans DC, Paris, 6 janvier 2001, n°98, p. 88.
5 RATZINGER J., « le Catholicisme après le Concile », DC, Paris, 1966, n° 1478, col. 1557-1576 ; réédition
Hors-série La Documentation Catholique, Paris, Bayard, 2005, p. 4-14.
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1.3 Retour sur la genèse du Concile
1.3.1 L’importance du contexte historique
Qui n’a pas vécu les années 1946-47 du catholicisme français, a manqué l’un des plus beaux moments de
la vie de l’Église. A travers une lente sortie de la misère, on cherchait, dans la grande liberté d’une fidélité
aussi profonde que la vie, à rejoindre évangéliquement un monde auquel on venait d’être mêlé comme on
ne l’avait pas été depuis des siècles. Que l’avenir de l’Église soit lié à l’avenir du monde, nous l’avons
redécouvert depuis, mais c’était alors une évidence donnée dans l’expérience elle-même6
1.3.2 La « nouvelle théologie » et le bouillonnement œcuménique
1.3.3 Aggiornamento
accent mis sur la réception dans le processus de transmission de la Révélation
1.4 Le temps du Concile
1.4.1 le débat sur Dei Verbum
1.4.1.1 Le schéma De fontibus Revelationis
Le vote de la journée du 20 novembre 1962
Dupuy : « le débat théologique sur la Révélation restera pour les historiens le débat
fondamental de Vatican II ».
1.4.1.2 La ligne du consensus fixé par la commission mixte
1.4.2 le passage de Jean XXIII à Paul VI
Paul VI a succédé au pape défunt et confirma la perspective énoncée dans le discours
d’ouverture de Jean XXIII à savoir celle d’un « aggiornamento pastoral » permettant à
l’Église de se « réformer » et d’entrer en dialogue avec le monde moderne.
Le Christ
L'Église
L'Homme
N°52 [...] Enflammés par les paroles du Pape Jean XXIII dans son discours d'ouverture, vous avez
immédiatement éprouvé le besoin d'ouvrir en quelque sorte les portes de l'Assemblée pour lancer au monde
un vibrant message de salutation, de fraternité et d'espérance. Geste insolite mais admirable. On dirait que le
charisme prophétique de l'Église a subitement explosé ! Et comme Pierre qui, le jour de la Pentecôte, se sentit
poussé à élever tout de suite la voix et à parler au peuple, vous avez voulu tout d'abord vous occuper non pas
de vos affaires mais de celles de la famille humaine, et engager la dialogue non pas entre vous mais avec les
hommes.
N°53 Cela signifie, vénérables Frères, que ce Concile se caractérise par l'amour, l'amour très large et pressant,
6 CONGAR, Y.-M., Chrétiens en dialogue. Contributions catholiques à l’œcuménisme, Paris, Cerf, 1964, p.
XLIII cité par B. SESBOÜE et C. THEOBALD, La Parole du salut, p. 456.
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l'amour qui pense aux autres avant de penser à soi, l'amour universel du Christ.
N°57 [...] Pour le moment, l'amour emplit Notre âme et l'âme de l'Église rassemblée en Concile. Nous
regardons notre temps et ses manifestations diverses et contradictoires avec une très grande sympathie et un
immense désir de présenter aux hommes d'aujourd'hui le message d'amour, de salut et d'espoir que le Christ a
apporté au monde : « Dieu n'a pas envoyé son Fils dans le monde pour condamner le monde, mais pour que le
monde soit sauvé par lui » (Jn 3,17).
N°58 Que le monde le sache : l'Église le regarde avec une profonde compréhension, avec une admiration vraie,
sincèrement disposée non à le subjuguer, mais à le servir ; non à le déprécier, mais à accroître sa dignité ; non à
le condamner, mais à le soutenir et à le sauver.
29 septembre 1963 (Documentation Catholique n° 1410 - 20 octobre 1963 - col. 1346-1361)
(Jean XXII / Paul VI, Discours au Concile - Centurion, Documents conciliaires, tome 6, 1966)
1.4.3 Le corpus textuel de Vatican II
Cf. schéma de Theobald7
1.4.4 Les étapes de la réception du Concile
7 SESBOÜE B. et THEOBALD C., La Parole du salut, coll. Histoire des dogmes, tome 4, Paris, Desclée, 1996.
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II. La Boussole : Du texte inspiré au texte inspirant
Il me semble que l’on peut repérer cinq grands questionnements qui appartiennent au
concile Vatican II et à la nouvelle génération, si bien que celle-ci pourrait actualiser, de
manière créative sans doute, les perspectives ouvertes par Vatican II. J’isole pour les fins de
l’analyse ces cinq domaines, même si l’on comprend que des interactions complexes les lient
les uns aux autres : la rencontre de Dieu, la rencontre des autres, l’inscription de la singularité
chrétienne dans la société pluraliste, la vie fraternelle des chrétiens, la réforme de l’Église.
2.1 la rencontre de Dieu
DEI VERBUM
Il a plu à Dieu dans sa sagesse et sa bonté de se révéler en personne et de faire connaître le
mystère de sa volonté (cf. Ep 1,9 ) grâce auquel les hommes, par le Christ, le Verbe fait
chair, accèdent dans l'Esprit-Saint, auprès du Père et sont rendus participants de la nature
divine (cf. Ep 2,18; 2P 1,4 ). Dans cette révélation le Dieu invisible (cf. Col 1,15; 1Tm 1,17 )
s'adresse aux hommes en son immense amour ainsi qu'à ses amis (cf. Ex 33,11; Jn 15,14-15
), il s'entretient avec eux (cf. Ba 3,38 ) pour les inviter et les admettre à partager sa propre
vie. Pareille économie de la Révélation comprend des événements et des paroles intimement
unis entre eux, de sorte que les oeuvres, réalisées par Dieu dans l'histoire du salut, attestent et
corroborent et la doctrine et le sens indiqués par les paroles, tandis que les paroles publient
les oeuvres et éclairent le mystère qu'elles contiennent. La profonde vérité que cette
Révélation manifeste, sur Dieu et sur le salut de l'homme, resplendit pour nous dans le
Christ, qui est à la fois le Médiateur et la plénitude de toute la Révélation (2).
Notes:
(2) cf. Mt 11,27; Jn 1,14; Jn 1,17; Jn 14,6; Jn 17,1-3 2Co 3,16; 2Co 4,6; Ep 1,3-14
Préparation de la Révélation évangélique
3 Dieu, qui crée (cf. Jn 1,3 ) et conserve toutes choses par le Verbe, donne aux hommes
dans les choses créées un témoignage incessant sur lui-même (cf. Rm 1,19-20 ) ; voulant de
plus ouvrir la voie d'un salut supérieur, il se manifesta aussi lui-même, dès l'origine, à nos
premiers parents. Après leur chute, par la promesse d'un rachat, il les releva dans l'espérance
du salut (cf. Gn 3,15 ) ; il prit un soin constant du genre humain, pour donner la vie éternelle
à tous ceux qui, par la fidélité dans le bien, recherchaient le salut (cf. Rm 2,6-7 ). A son heure
il appela Abraham pour faire de lui un grand peuple (cf. Gn 12,2 ) ; après les patriarches, il
forma ce peuple par l'intermédiaire de Moïse et par les prophètes, pour qu'il le reconnaisse
comme le seul Dieu vivant et vrai, Père providence et juste juge, et qu'il attende le Sauveur
promis, préparant ainsi au cours des siècles la voie à l'Evangile.
Le Christ plénitude personnelle de la Révélation
4 Après avoir, à bien des reprises et de bien des manières, parlé par les prophètes, Dieu "en
ces jours qui sont les derniers, nous a parlé par son Fils" ( He 1,1-2 ). Il a envoyé en effet son
Fils, le Verbe éternel qui éclaire tous les hommes, pour qu'il demeurât parmi eux et leur fit
connaître les secrets de Dieu (cf. Jn 1,1-18 ). Jésus-Christ donc, le Verbe fait chair, "homme
envoyé aux hommes" (3), "prononce les paroles de Dieu" ( Jn 3,34 ) et achève l'oeuvre de
salut que le Père lui a donnée à faire (cf. Jn 14,9 ) - qui, par toute sa présence et par la
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manifestation qu'il fait de lui-même par paroles et oeuvres, par signes et miracles, et plus
particulièrement par sa mort et par sa résurrection glorieuse d'entre les morts, par l'envoi
enfin de l'Esprit de vérité, achève en la complétant la révélation, et la confirme encore en
attestant divinement que Dieu lui-même est avec nous pour nous arracher aux ténèbres du
péché et de la mort et nous ressusciter pour la vie éternelle.
L'économie chrétienne, étant l'Alliance Nouvelle et définitive, ne passera donc jamais et
aucune nouvelle révélation publique n'est dès lors à attendre avant la manifestation glorieuse
de notre Seigneur Jésus-Christ (cf. 1Tm 6,14 cf. Tt 2,13 ).
Notes:
(3) Epît. à Diogène, 8, 4 ; Funk I, 403.
Accueil de la Révélation par la foi
5 A Dieu qui révèle est due "l'obéissance de la foi" ( Rm 16,26 cf. Rm 1,5; 2Co 10,5-6 ),
par laquelle l'homme s'en remet tout entier et librement à Dieu dans "un complet hommage
d'intelligence et de volonté à Dieu qui révèle" (4) et dans un assentiment volontaire à la
révélation qu'il fait. Pour exister, cette foi requiert la grâce prévenante et aidante de Dieu,
ainsi que les secours intérieurs du Saint-Esprit qui touche le coeur et le tourne vers Dieu,
ouvre les yeux de l'esprit et donne "à tous la douceur de consentir et de croire à la vérité" (5).
Afin de rendre toujours plus profonde l'intelligence de la libération, l'Esprit-Saint ne cesse,
par ses dons, de rendre la foi plus parfaite.
Notes:
(4) Cc Vat. I, Const. dogm. de fide cath.,cap.3 de fide: DS 1789 (3008).
(5) Cc Araus II, Can.7: DS 180 (377). Cc Vat.I, l.c.: DS 1791 (3010)
SACROSANCTUM CONCILIUM
L'oeuvre du salut continué par l'Eglise se réalise dans la liturgie
6 C'est pourquoi, de même que le Christ fut envoyé par le Père, ainsi lui-même envoya ses
apôtres, remplis de l'Esprit- Saint, non seulement pour que, prêchant l'Evangile à toute
créature(14), ils annoncent que le Fils de Dieu, par sa mort et sa résurrection, nous a délivrés
du pouvoir de Satan(15) ainsi que de la mort, et nous a transférés dans le royaume de son
Père, mais aussi afin qu'ils exercent cette oeuvre de salut qu'ils annonçaient, par le sacrifice
et les sacrements autour desquels gravite toute la vie liturgique. C'est ainsi que par le
baptême les hommes sont greffés sur le mystère pascal du Christ : morts avec lui, ensevelis
avec lui, ressuscités avec lui(16) ; ils reçoivent l'esprit d'adoption des fils "dans lequel nous
crions : Abba, Père" Rm 8,15 , et ils deviennent ainsi ces vrais adorateurs que cherche le
Père(17). Semblablement, chaque fois qu'ils mangent la Cène du Seigneur, ils annoncent sa
mort jusqu'à ce qu'il vienne(18). C'est pourquoi le jour même de la Pentecôte où l'Eglise
apparut au monde, "ceux qui accueillirent la parole" de Pierre "furent baptisés". "Et ils étaient
assidus à l'enseignement des apôtres, à la communion fraternelle dans la fraction du pain et
aux prières ... louant Dieu et ayant la faveur de tout le peuple" Ac 2,41-47 . Jamais, dans la
suite, l'Eglise n'omit de se réunir pour célébrer le mystère pascal ; en lisant "dans toutes les
Ecritures ce qui le concernait" Lc 24,17 , en célébrant l'Eucharistie dans laquelle "sont rendus
présents la victoire et le triomphe de sa mort"(19) et en rendant en même temps grâces "à
Dieu pour son don ineffable" 2Co 9,15 dans le Christ Jésus "pour la louange de sa gloire"
Ep 1,12 par la vertu de l'Esprit-Saint.
(14) Cf. Mc 16,15 . (15) Cf. Ac 26,18 . (16) Cf. Rm 6,4; Ep 2,6; Col 3,1; 2Tm 2,11 . (17) Cf. Jn 4,23 . (18) Cf.
1Co 11,26 . (19) Conc. Trente, sess.13, 11 Oct. 1551, dec. De ss. Euchraris. c. 5 : Conc. Trente, Diariorum
Actorum, Epistolarum, Tractatuum nova collectio, ed. Soc. Goerresiana, t. VII. Actorum pars IV, Friburgi
11
Brisgaviae 1961, p. 202.
SC 10 : Toutefois, la liturgie est le sommet auquel tend l'action de l'Eglise, et en même temps
la source d'où découle toute sa vertu. Car les labeurs apostoliques visent à ce que tous,
devenus enfants de Dieu par la foi et le baptême, se rassemblent, louent Dieu au milieu de
l'Eglise, participent au sacrifice et mangent la Cène du Seigneur.
En revanche, la liturgie elle-même pousse les fidèles rassasiés des "mystères de la Pâque" à
n'avoir plus "qu'un seul coeur dans la piété (26)" ; elle prie pour "qu'ils gardent dans leur vie
ce qu'ils ont saisi par la foi"(27) ; et le renouvellement dans l'Eucharistie de l'alliance du
Seigneur avec les hommes attire et enflamme les fidèles à la charité pressante du Christ. C'est
donc de la liturgie, et principalement de l'Eucharistie, comme d'une source, que la grâce
découle en nous et qu'on obtient avec le maximum d'efficacité cette sanctification des
hommes dans le Christ, et cette glorification de Dieu, que recherchent, comme leur fin, toutes
les autres oeuvres de l'Eglise.
(26) Postcommunion pour la Vigile et le dimanche de Pâques. (27) Oraison de la messe du mardi de Pâques.
2.2 La rencontre des autres
UNITATIS REDINTEGRATIO
Relations entre les frères séparés et l'Eglise catholique
3 Dans cette seule et unique Eglise de Dieu apparurent dès l'origine certaines scissions(15),
que l'apôtre réprouve avec vigueur comme condamnables(16) ; au cours des siècles suivants
naquirent des dissensions plus graves, et des communautés considérables furent séparées de
la pleine communion de l'Eglise catholique, parfois par la faute des personnes de l'une ou de
l'autre partie. Ceux qui naissent aujourd'hui dans de telles communautés et qui vivent de la
foi au Christ, ne peuvent être accusés de péché de division, et l'Eglise catholique les entoure
de respect fraternel et de charité. En effet, ceux qui croient au Christ et qui ont reçu
validement le baptême, se trouvent dans une certaine communion, bien qu'imparfaite, avec
l'Eglise catholique. Assurément, des divergences variées entre eux et l'Eglise catholique sur
des questions doctrinales, parfois disciplinaires, ou sur la structure de l'Eglise, constituent
nombre d'obstacles, parfois fort graves, à la pleine communion ecclésiale. Le mouvement
oecuménique tend à les surmonter. Néanmoins, justifiés par la foi reçue au baptême,
incorporés au Christ(17), ils portent à juste titre le nom de chrétiens, et les fils de l'Eglise
catholique les reconnaissent à bon droit comme des frères dans le Seigneur(18).
Au surplus, parmi les éléments ou les biens par l'ensemble desquels l'Eglise se construit et
est vivifiée, plusieurs et même beaucoup, et de grande valeur, peuvent exister en dehors des
limites visibles de l'Eglise catholique: la parole de Dieu écrite, la vie de la grâce, la foi,
l'espérance et la charité, d'autres dons intérieurs du Saint-Esprit et d'autres éléments visibles.
Tout cela, qui provient du Christ et conduit à lui, appartient de droit à l'unique Eglise du
Christ.
De même, chez nos frères séparés s'accomplissent beaucoup d'actions sacrées de la religion
chrétienne qui, de manières différentes selon la situation diverse de chaque Eglise ou
communauté, peuvent certainement produire effectivement la vie de la grâce, et l'on doit
reconnaître qu'elles donnent accès à la communion du salut.
En conséquence, ces Eglises(19) et communautés séparées, bien que nous les croyions
12
souffrir de déficiences, ne sont nullement dépourvues de signification et de valeur dans le
mystère du salut. L'Esprit du Christ, en effet, ne refuse pas de se servir d'elles comme de
moyens de salut, dont la force dérive de la plénitude de grâce et de vérité qui a été confiée à
l'Eglise catholique.
Cependant nos frères séparés, soit eux- mêmes individuellement, soit leurs communautés
ou leurs Eglises, ne jouissent pas de cette unité que Jésus Christ a voulu dispenser à tous
ceux qu'il a régénérés et vivifiés pour former un seul corps en vue d'une vie nouvelle, et qui
est attestée par l'Ecriture Sainte et la vénérable Tradition de l'Eglise.
C'est, en effet, par la seule Eglise catholique du Christ, laquelle est le "moyen général de
salut", que peut s'obtenir toute plénitude des moyens de salut. Car c'est au seul collège
apostolique, dont Pierre est le Chef, que furent confiées, selon notre foi, toutes les richesses
de la Nouvelle Alliance, afin de constituer sur la terre un seul Corps du Christ auquel il faut
que soient pleinement incorporés tous ceux qui, d'une certaine façon, appartiennent déjà au
peuple de Dieu. Durant son pèlerinage terrestre, ce peuple, bien qu'il demeure en ses
membres exposé au péché, continue sa croissance dans le Christ, suavement guidé par Dieu
selon ses mystérieux desseins, jusqu'à ce que, dans la Jérusalem céleste, il atteigne joyeux la
totale plénitude de la gloire éternelle.
(15) cf. 1Co 11,18-19; Ga 1,6-9 1Jn 2,18-19 . (16) cf. 1Co 1,11; 1Co 11,22 . (17) cf. Conc. Flor. sess. 8
(1439), decretum exultate Deo: Mansi 31, 1055 A (18) cf. St Augustin, in Ps. 32, Enarr.II, 29 : PL 36, 299. (19)
cf. Conc. Late. IV (1215) Constit. IVa ; Mansi 22, 990. Conc. Lugd. II (1274)Profession de foi Michel
Palaeologi: Mansi 24, 71 E. Conc. Flor. sess. 6 (1439), définition Laetentur caeli: Mansi 31, 1026 E.
NOSTRA AETATE
Les diverses religions non chrétiennes
2 Depuis les temps les plus reculés jusqu'à aujourd'hui, on trouve dans les différents peuples
une certaine sensibilité à cette force cachée qui est présente au cours des choses et aux
événements de la vie humaine, parfois même une reconnaissance de la Divinité suprême, ou
encore du Père. Cette sensibilité et cette connaissance pénètrent leur vie d'un profond sens
religieux. Quant aux religions liées au progrès de la culture, elles s'efforcent de répondre aux
mêmes questions par des notions plus affinées et par un langage plus élaboré. Ainsi, dans
l'hindouisme, les hommes scrutent le mystère divin et l'expriment par la fécondité
inépuisable des mythes et par les efforts pénétrants de la philosophie ; ils cherchent la
libération des angoisses de notre condition, soit par les formes ascétiques, soit par la
méditation profonde, soit par le refuge en Dieu avec amour et confiance. Dans le
bouddhisme, selon ses formes variées, l'insuffisance radicale de ce monde changeant est
reconnue et on enseigne une voie par laquelle les hommes, avec un coeur dévot et confiant,
pourront acquérir l'état de libération parfaite, soit atteindre l'illumination suprême par leurs
propres efforts ou par un secours venu d'en-haut. De même aussi, les autres religions qu'on
trouve de par le monde s'efforcent d'aller, de façons diverses; au-devant de l'inquiétude du
coeur humain en proposant des voies, c'est-à-dire des doctrines, des règles de vie et des rites
sacrés.
L'Eglise catholique ne rejette rien de ce qui est vrai et saint dans ces religions. Elle
considère avec un respect sincère ces manières d'agir et de vivre, ces règles et ces doctrines
qui, quoiqu'elles différent en beaucoup de ce qu'elle-même tient et propose, cependant
apportent souvent un rayon de la vérité qui illumine tous les hommes. Toutefois, elle
annonce, et elle est tenue d'annoncer sans cesse, le Christ qui est "la voie, la vérité et la vie"
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Jn 14,6 , dans lequel les hommes doivent trouver la plénitude de la vie religieuse et dans
lequel Dieu s'est réconcilié toutes choses.
Elle exhorte donc ses fils pour que, avec prudence et charité, par le dialogue et par la
collaboration avec ceux qui suivent d'autres religions, et tout en témoignant de la foi et de la
vie chrétiennes, ils reconnaissent, préservent et fassent progresser les valeurs spirituelles,
morales et socio-culturelles qui se trouvent en eux.
2.3 L’inscription de la singularité chrétienne dans la société pluraliste
GAUDIUM et SPES
1. Étroite solidarité de l’Église avec l’ensemble de la famille humaine
Les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des hommes de ce temps, des pauvres surtout
et de tous ceux qui souffrent, sont aussi les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des
disciples du Christ, et il n’est rien de vraiment humain qui ne trouve écho dans leur cœur. Leur
communauté, en effet, s’édifie avec des hommes, rassemblés dans le Christ, conduits par l’Esprit
Saint dans leur marche vers le Royaume du Père, et porteurs d’un message de salut qu’il faut proposer
à tous. La communauté des chrétiens se reconnaît donc réellement et intimement solidaire du genre
humain et de son histoire.
2. À qui s’adresse le Concile
1. C’est pourquoi, après s’être efforcé de pénétrer plus avant dans le mystère de l’Église, le
deuxième Concile du Vatican n’hésite pas à s’adresser maintenant, non plus aux seuls fils de l’Église
et à tous ceux qui se réclament du Christ, mais à tous les hommes. À tous il veut exposer comment il
envisage la présence et l’action de l’Église dans le monde d’aujourd’hui.
2. Le monde qu’il a ainsi en vue est celui des hommes, la famille humaine tout entière avec
l’univers au sein duquel elle vit. C’est le théâtre où se joue l’histoire du genre humain, le monde
marqué par l’effort de l’homme, ses défaites et ses victoires. Pour la foi des chrétiens, ce monde a été
fondé et demeure conservé par l’amour du Créateur ; il est tombé certes, sous l’esclavage du péché,
mais le Christ, par la Croix et la Résurrection, a brisé le pouvoir du Malin et l’a libéré pour qu’il soit
transformé selon le dessein de Dieu et qu’il parvienne ainsi à son accomplissement.
3. Le service de l’homme
1. De nos jours, saisi d’admiration devant ses propres découvertes et son propre pouvoir, le genre
humain s’interroge cependant, souvent avec angoisse, sur l’évolution présente du monde, sur la place
et le rôle de l’homme dans l’univers, sur le sens de ses efforts individuels et collectifs, enfin sur la
destinée ultime des choses et de l’humanité. Aussi le Concile, témoin et guide de la foi de tout le
Peuple de Dieu rassemblé par le Christ, ne saurait donner une preuve plus parlante de solidarité, de
respect et d’amour à l’ensemble de la famille humaine, à laquelle ce peuple appartient, qu’en
dialoguant avec elle sur ces différents problèmes, en les éclairant à la lumière de l’Évangile, et en
mettant à la disposition du genre humain la puissance salvatrice que l’Église, conduite par l’Esprit
Saint, reçoit de son Fondateur. C’est en effet l’homme qu’il s’agit de sauver, la société humaine qu’il
faut renouveler. C’est donc l’homme, l’homme considéré dans son unité et sa totalité, l’homme, corps
et âme, cœur et conscience, pensée et volonté, qui constituera l’axe de tout notre exposé.
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2. Voilà pourquoi, en proclamant la très noble vocation de l’homme et en affirmant qu’un germe
divin est déposé en lui, ce saint Synode offre au genre humain la collaboration sincère de l’Église
pour l’instauration d’une fraternité universelle qui réponde à cette vocation. Aucune ambition
terrestre ne pousse l’Église ; elle ne vise qu’un seul but : continuer, sous l’impulsion de l’Esprit
consolateur, l’œuvre même du Christ, venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité, pour
sauver, non pour condamner, pour servir, non pour être servi [2].
57. Foi et culture
1. Les chrétiens, en marche vers la cité céleste, doivent rechercher et goûter les choses d’en haut
[124], mais cela pourtant, loin de la diminuer, accroît plutôt la gravité de l’obligation qui est la leur de
travailler avec tous les hommes à la construction d’un monde plus humain. Et, de fait, le mystère de
la foi chrétienne leur fournit des stimulants et des soutiens inappréciables : ils leur permettent de
s’adonner avec plus d’élan à cette tâche et surtout de découvrir l’entière signification des activités
capables de donner à la culture sa place éminente dans la vocation intégrale de l’homme.
2. En effet, lorsqu’il cultive la terre de ses mains ou avec l’aide de moyens techniques, pour qu’elle
produise des fruits et devienne une demeure digne de toute la famille humaine, et lorsqu’il prend part
consciemment à la vie des groupes sociaux, l’homme réalise le plan de Dieu, manifesté au
commencement des temps, de dominer la terre [125] et d’achever la création, et il se cultive lui-
même. En même temps, il obéit au grand commandement du Christ de se dépenser au service de ses
frères.
3. En outre, en s’appliquant aux diverses disciplines, philosophie, histoire, mathématiques, sciences
naturelles, et en cultivant les arts, l’homme peut grandement contribuer à ouvrir la famille humaine
aux plus nobles valeurs du vrai, du bien et du beau, et à une vue des choses ayant valeur universelle :
il reçoit ainsi des clartés nouvelles de cette admirable Sagesse qui depuis toujours était auprès de
Dieu, disposant toutes choses avec lui, jouant sur le globe de la terre et trouvant ses délices parmi les
enfants des hommes [126].
4. Par le fait même, l’esprit humain, moins esclave des choses, peut plus facilement s’élever à
l’adoration et à la contemplation du Créateur. Bien plus, il est préparé à reconnaître, sous l’impulsion
de la grâce, le Verbe de Dieu qui, avant de se faire chair pour tout sauver et récapituler en lui, « était
déjà dans le monde » comme la « vraie lumière qui éclaire tout homme » (Jn 1, 9-10) [127].
5. Certes, le progrès actuel des sciences et des techniques qui, en vertu de leur méthode, ne
sauraient parvenir jusqu’aux profondeurs de la réalité, peut avantager un certain phénoménisme et un
certain agnosticisme, lorsque les méthodes de recherche propres à ces disciplines sont prises, à tort,
comme règle suprême pour la découverte de toute vérité. Et même on peut craindre que l’homme se
fiant trop aux découvertes actuelles, en vienne à penser qu’il se suffit à lui-même et qu’il n’a plus à
chercher de valeurs plus hautes.
6. Cependant ces conséquences fâcheuses ne découlent pas nécessairement de la culture moderne et
de doivent pas nous exposer à la tentation de méconnaître ses valeurs positives. Parmi celles-ci, il
convient de signaler : le goût des sciences et la fidélité sans défaillance à la vérité dans les recherches
scientifiques, la nécessité de travailler en équipe dans des groupes spécialisés, le sens de la solidarité
internationale, la conscience de plus en plus nette de la responsabilité que les savants ont d’aider et
même de protéger les hommes, la volonté de procurer à tous des conditions de vie plus favorables, à
ceux-là surtout qui sont privés de responsabilité ou qui souffrent d’indigence culturelle. Dans toutes
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ces valeurs, l’accueil du message évangélique pourra trouver une sorte de préparation, et la charité
divine de celui qui est venu pour sauver le monde la fera aboutir.
58. Nombreux rapports entre la Bonne Nouvelle du Christ et la culture
1. Entre le message de salut et la culture, il y a de multiples liens. Car Dieu, en se révélant à son
peuple jusqu’à sa pleine manifestation dans son Fils incarné, a parlé selon des types de culture
propres à chaque époque.
2.4 La vie fraternelle des chrétiens
LUMEN GENTIUM
1 Le Christ est la lumière des peuples; réuni dans l'Esprit-Saint, le saint Concile souhaite
donc ardemment, en annonçant à toutes créatures la bonne nouvelle de l'Evangile répandre
sur tous les hommes la clarté du Christ qui resplendit sur le visage de l'Eglise (cf. Mc 16,15 ).
L'Eglise étant, dans le Christ, en quelque sorte le sacrement, c'est-à-dire à la fois le signe et le
moyen de l'union intime avec Dieu et de l'unité de tout le genre humain, elle se propose de
préciser davantage, pour ses fidèles et pour le monde entier, en se rattachant à l'enseignement
des précédents Conciles, sa propre nature et sa mission universelle. A ce devoir qui est celui
de l'Eglise, les conditions présentes ajoutent une nouvelle urgence: il faut en effet que tous
les hommes, désormais plus étroitement unis entre eux par les liens sociaux, techniques,
culturels, réalisent également leur pleine unité dans le Christ.
Le dessein du Père qui veut sauver tous les hommes
2 Le Père éternel par la disposition absolument libre et mystérieuse de sa sagesse et de sa
bonté a créé l'univers ; il a décidé d'élever les hommes à la communion de sa vie divine ;
après leur chute en Adam, il ne les a pas abandonnés, leur apportant sans cesse les secours
salutaires, en considération du Christ rédempteur, "qui est l'image du Dieu invisible, premier-
né de toute la création" ( Col 1,15 ). Tous ceux qu'il a choisis, le Père, avant tous les siècles,
les "a distingués et prédestinés à reproduire l'image de son Fils pour qu'il soit le premier-né
parmi une multitude de frères" ( Rm 8,29 ). Et tous ceux qui croient au Christ, il a voulu les
appeler à former la sainte Eglise qui, annoncée en figure dès l'origine du monde,
merveilleusement préparée dans l'histoire du peuple d'Israël et dans l'ancienne Alliance(1),
établie enfin dans ces temps qui sont les derniers, s'est manifestée grâce à l'effusion de
l'Esprit-Saint et, au terme des siècles, se consommera dans la gloire. Alors, comme on peut le
lire dans les saints Pères, tous les justes depuis Adam, "depuis Abel le juste jusqu'au dernier
élu"(2) se trouveront rassemblés auprès du Père dans l'Eglise universelle.
Notes: (1) Cf. S. Cyprianus, Epist. 64, 4: PL 3, 1O17 ; CSEL (Hartel) III B, p. 72O. - S. Hilarius Pict. in Mt 23:
PL 9, 1047. St Augustini, passim. S. Cyrilluys Alex. Glaph. in Gn 2,10: PG 69, 110 A.
(2) Cf. S. Gregorius M. Hom. in Evang. 19, 1 :: PL 76, 1154 B. S; Augustinus, Serm. 341, 9, 11: PL 39, 1499 s.
S. Damascenus, Adv. Iconocl. 11: PG 96, 1357.
13. L’universalité ou « catholicité » de l’unique Peuple de Dieu
À faire partie du Peuple de Dieu, tous les hommes sont appelés. C’est pourquoi ce peuple, demeurant
uni et unique, est destiné à se dilater aux dimensions de l’univers entier et à toute la suite des siècles
pour que s’accomplisse ce que s’est proposé la volonté de Dieu créant à l’origine la nature humaine
dans l’unité, et décidant de rassembler enfin dans l’unité ses fils dispersés (cf. Jn 11, 52). C’est dans
ce but que Dieu envoya son Fils dont il fit l’héritier de l’univers (cf. He 1, 2), pour être à l’égard de
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tous Maître, Roi et Prêtre, chef du peuple nouveau et universel des fils de Dieu. C’est pour cela enfin
que Dieu envoya l’Esprit de son Fils, l’Esprit souverain et vivifant, qui est, pour l’Église entière, pour
tous et chacun des croyants, le principe de leur rassemblement et de leur unité dans la doctrine des
Apôtres, et la communion fraternelle, dans la fraction du pain et les prières (cf.Ac 2, 42 grec).
Ainsi, l’unique Peuple de Dieu est présent à tous les peuples de la terre, empruntant à tous les peuples
ses propres citoyens, citoyens d’un Royaume dont le caractère n’est pas de nature terrestre mais
céleste. Tous les fidèles, en effet, dispersés à travers le monde, sont, dans l’Esprit Saint, en
communion avec les autres, et, de la sorte « celui qui réside à Rome sait que ceux des Indes sont pour
lui un membre [23] ». Mais comme le Royaume du Christ n’est pas de ce monde (cf. Jn 18, 36),
l’Église, Peuple de Dieu par qui ce Royaume prend corps, ne retire rien aux richesses temporelles de
quelque peuple que ce soit, au contraire, elle sert et assume toutes les capacités, les ressources et les
formes de vie des peuples en ce qu’elles ont de bon ; en les assumant, elle les purifie, elle les
renforce, elle les élève. Elle se souvient en effet qu’il lui faut faire office de rassembleur avec ce Roi
à qui les nations ont été données en héritage (cf. Ps 2, 8) et dans la cité duquel on apporte dons et
présents (cf. Ps 71 [72], 10 ; Is 60, 4-7 ; Ap 21, 24). Ce caractère d’universalité qui brille sur le Peuple
de Dieu est un don du Seigneur lui-même, grâce auquel l’Église catholique, efficacement et
perpétuellement, tend à récapituler l’humanité entière avec tout ce qu’elle comporte de bien sous le
Christ chef, dans l’unité de son Esprit [24].
En vertu de cette catholicité, chacune des parties apporte aux autres et à toute l’Église le bénéfice de
ses propres dons, en sorte que le tout et chacune des parties s’accroissent par un échange mutuel
universel et par un effort commun vers une plénitude dans l’unité. C’est pourquoi le Peuple de Dieu
ne se constitue pas seulement par le rassemblement des peuples divers, mais jusqu’en lui-même, il se
construit dans la variété des fonctions. En effet, entre ses membres règne une diversité qui est, soit
celle des charges, certains exerçant le ministère sacré pour le bien de leurs frères, soit celle de la
condition et du mode de vie, beaucoup étant, de par l’état religieux qui leur fait poursuivre la sainteté
par une voie plus étroite, un exemple stimulant pour leurs frères. C’est pourquoi encore il existe
légitimement, au sein de la communion de l’Église, des Églises particulières jouissant de leurs
traditions propres – sans préjudice du primat de la Chaire de Pierre qui préside à l’assemblée
universelle de la charité [25], garantit les légitimes diversités et veille à ce que, loin de porter
préjudice à l’unité, les particularités, au contraire, lui soient profitables. De là, enfin, entre les
diverses parties de l’Église, les liens de communion intime quant aux richesses spirituelles, quant au
partage des ouvriers apostoliques et des ressources matérielles. Les membres du Peuple de Dieu sont
appelés en effet à partager leurs biens et à chacune des Églises s’appliquent également les paroles de
l’Apôtre : « Que chacun mette au service des autres le don qu’il a reçu, comme il sied à de bons
dispensateurs de la grâce divine qui est si diverse » (1 P 4, 10).
Ainsi donc, à cette unité catholique du Peuple de Dieu qui préfigure et promeut la paix universelle,
tous les hommes sont appelés ; à cette unité appartiennent sous diverses formes ou sont ordonnés, et
les fidèles catholiques et ceux qui, par ailleurs, ont foi dans le Christ, et finalement tous les hommes
sans exception que la grâce de Dieu appelle au salut.