vers une standardisation des protocoles de pêche

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Vers une standardisation des protocoles de pêche électrique en Nouvelle- Calédonie Rapport de Mission Version finale 2018

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Vers une standardisation des protocoles de pêche électrique en Nouvelle-Calédonie - Rapport de MissionVers une standardisation des protocoles de pêche électrique en Nouvelle- Calédonie
Rapport de Mission
Thibault VIGNERON, Ingénieur connaissance (AFB), [email protected]
CONTRIBUTEURS
CORRESPONDANTS
Nathalie DUPRIEZ, Cheffe d’antenne NC, [email protected]
Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie :
Direction des Affaires Vétérinaires Alimentaires et Rurales (DAVAR), Service de l’Eau,
[email protected]
Référence à citer : Bouchard, J., Roset, N. & T. Vigneron (2018). Vers une standardisation des protocoles de pêche électrique en Nouvelle-Calédonie. Rapport de Mission. AFB – OEIL. 64 p + annexes
Droits d’usage : accès libre
Niveau géographique : Territoire d’outre-mer
Couverture géographique : Nouvelle-Calédonie
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RESUME
Depuis quelques années, l’OEIL, en lien avec plusieurs acteurs publics ou privés de la gestion environnementale locale et du suivi des peuplements de poissons, mène une réflexion globale sur la standardisation des protocoles de pêche électrique. Les effets liés à des prestataires multiples s’ajoutent à une variabilité naturelle et à des impacts anthropiques déjà forts.
Pour nourrir cette réflexion, l’OEIL a sollicité une expertise sur les pratiques actuelles en matière de méthodes de suivi des peuplements de poissons et macrocrustacés, dans le but de rédiger un guide technique de l’échantillonnage à l’électricité adapté aux principaux cours d’eau de NC.
Cette mission d’expertise, confiée à l’AFB, a débuté par une phase préparatoire d’analyse bibliographique et d’analyse des données existantes, pour acquérir les connaissances faunistiques minimales et pour examiner les pratiques locales.
Dans une seconde phase sur place, l’équipe d’expertise a mené :
une participation à deux sessions du comité de pilotage : présentation et restitution aux partenaires institutionnels ;
des entretiens approfondis avec les opérateurs de pêche électrique locaux ; une visite du terrain pour appréhender la diversité et les nombreuses spécificités des cours
d’eau Néo-Calédoniens ; des journées d’observation des pratiques habituelles par les équipes locales ; la réalisation de tests de la pêche par points.
Cette mission a permis de constater certaines différences dans les pratiques entre opérateurs et de mesurer des écarts par rapport aux documents techniques et normes cités en référence. Différentes propositions et préconisations sont faites pour améliorer la standardisation tout en bénéficiant de l’expérience et des compétences techniques et scientifiques existantes.
Les tests de la pêche par points, prometteuse en termes de standardisation, n’apparaissent pas concluants pour une application directe aux cours d’eau de NC. Des tests complémentaires et différentes alternatives sont envisagés pour développer une méthode de pêche partielle adaptée aux spécificités locales.
Mots clés :
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ABSTRACT
A global reflexion about electrofishing has been conducted for years by ŒIL, with several public or private stakeholders concerned by environmental and riverine fish community monitoring in New- Caledonia. Indeed, regular changes of operators are cumulated to high natural variability and effects of human impacts.
To organize that reflexion, OEIL ordered a mission of expertise to analyse the present use of electrofishing methodologies and to propose a standardized protocol adapted to New-Caledonian rivers.
First, the mission included a bibliographic and data analysis of existing monitoring data, to get a basic knowledge concerning NC rivers fauna and to deeply examine local practices.
Those preliminary analyses helped to prepare the main stages of the mission on site, which consisted of:
our participation to two steering comity meetings ; interviews of operators involved in river fish monitoring for years; a two-days guided tour to better understand the diversity and specificity of the main NC
rivers; two practice days in the field to observe the usual electrofishing sampling by local operators; and finally test the Point Fish Sampling protocol developed and used for years in the
metropole in riverine fish monitoring programs.
These different actions allowed us to detect some differences of practice between operators and overall some discordances regarding recommendations given by existing norms and technical guides generally cited in technical reports.
We propose solutions for improving the standardisation of practices and the comparability of data collected, to give more value to the high scientific and technical skills of local operators.
Point Fish Sampling was expected as a promising method to standardize sampling in large rivers. But, since the results were not fully satisfying, we propose some adaptations to improve its performances.
Key-words:
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Sommaire
2.1. Phase 1 : Bibliographie et analyse de données ................................................................... 10
2.1.1. Connaissance des espèces ......................................................................................... 10
2.1.2. Connaissance des milieux........................................................................................... 10
2.2. Phase 2 : Mission d’expertise en Nouvelle-Calédonie ......................................................... 15
3. Présentation des actions de la phase 2 de l’expertise ................................................................ 16
3.1. Action 2 : visite des cours d’eau de la Grande Terre ........................................................... 16
3.1.1. Objectifs et organisation ............................................................................................ 16
3.1.2. Description des HER ................................................................................................... 17
3.1.3. Bilan de la visite de terrain ......................................................................................... 20
3.2. Actions 3 et 4 : Analyse des pratiques de pêche à l’électricité en Nouvelle-Calédonie ........ 20
3.2.1. Stratégie d’échantillonnage (rappels) ......................................................................... 21
3.2.2. Stratégies d’échantillonnages en Nouvelle-Calédonie ................................................ 22
3.2.3. Matériel de pêche et réglages .................................................................................... 24
3.2.4. Biométrie ................................................................................................................... 29
3.2.5. Morphométrie des stations ........................................................................................ 31
3.2.6. Sécurité des opérateurs et du public et précautions sanitaires ................................... 32
3.2.7. Standardisation, contrôle et démarche qualité ........................................................... 34
3.3. Action 5 : test de protocoles mis en œuvre en métropole .................................................. 35
3.3.1. KW40 ......................................................................................................................... 36
3.3.2. CBN30 ........................................................................................................................ 40
3.3.3. CBN70 ........................................................................................................................ 43
4. Bilan.............................................................................................................................................. 50
ANNEXE 1 – Tableau des espèces représentées et leurs principales caractéristiques écologiques 0
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ANNEXE 2 : Expertise sur l’échantillonnage des poissons en cours d’eau en Nouvelle-Calédonie - Support d’échange avec les bureaux d’études assurant la réalisation d’échantillonnages piscicoles par pêche électrique ....................................................................................................1
ANNEXE 3 : Classement des stations selon leur caractéristiques écologiques (par opportunité décroissante de choix = SP_MOY en période froide) pour la sélection des stations à échantillonner .............................................................................................................................6
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LISTE DES FIGURES Figure 1 : Histogramme (densité de valeurs) de la conductivité mesurée sur les différentes stations de pêche de
la base de données HYDROBIO ............................................................................................................... 11 Figure 2 : Relation entre la longueur des stations et la largeur des cours d'eau ................................................ 13 Figure 3 : Box-plot du nombre d'opérateurs en fonction de la largeur du cours d'eau (la ligne horizontale
représente la médiane des valeurs, le rectangle représente 75% des valeurs) ......................................... 13 Figure 4 : Box-plot du nombre d'anodes (à gauche) et du nombre d'épuisettes (à droite) en fonction de la
largeur du cours d'eau (la ligne horizontale représente la médiane des valeurs, le rectangle représente 75% des valeurs)..................................................................................................................................... 14
Figure 5 : Analyse de la variabilité de la largeur (gauche) et du nombre d'espèces (droite) sur les différentes campagnes d'échantillonnage ................................................................................................................. 15
Figure 6 : à gauche, localisation des points de visite de différents cours d'eau (points rouges) ; à droite les HER visitées ................................................................................................................................................... 16
Figure 7 : Cours d'eau de l’HER « Plaines du grand sud ». En haut : la rivière Kwé (photo J. Bouchard / AFB) ; en bas la Creek Baie Nord (photo J. Bouchard / AFB).................................................................................... 17
Figure 8 : Cours d'eau de l'HER "Cœur de la chaîne centrale" - exemple de la rivière Tiwaca avec des faciès pêchables (en haut) et d'autres qui ne le sont pas (en bas) (photo J. Bouchard / AFB) ............................. 18
Figure 9 : Cours d'eau de l’HER « Massif du Panié » - rivière Bwanavio (en haut) et cascade Tao (en bas) (photo J. Bouchard / AFB) .................................................................................................................................. 19
Figure 10 : Cours d'eau de l’HER « Plaine littorale ouest » – Boghen (en haute à gauche), Poeo (en haut à droite), Tontouta (en bas) (photo J. Bouchard / AFB)............................................................................... 20
Figure 11 : Formes de courant pulsé délivrés par les appareils : crénelé (PDC) à gauche et exponentiel (PEC) à droite ..................................................................................................................................................... 25
Figure 12 : Dispositif de mesure du gradient de tension appelé « sonde penny ». La différence de potentiel est mesurée entre deux électrodes séparées de 10 cm (photo crédit A. Bertaud-OEIL ; schéma extrait de Pottier et al à paraitre) ........................................................................................................................... 26
Figure 13 : Disposition des différents opérateurs en action de pêche électrique lors des opérations de démonstration par les prestataires (photo J. Bouchard / AFB) ................................................................. 28
Figure 14 : Evolution de la richesse spécifique de la station Kwé-40 depuis 2011 ............................................. 37 Figure 15 : Evolution de la densité totale (ind./ha) de la station Kwé-40 depuis 2011....................................... 38 Figure 16 : Variations inter-annuelles des densités par espèce (ind./ha) entre 2011 et 2018 ............................ 39 Figure 17 : Evolution de la richesse spécifique de la station Creek Baie Nord-30 depuis 2007 ........................... 40 Figure 18 : Evolution de la densité totale (ind./ha) de la station Creek Baie Nord-30 depuis 2007 .................... 41 Figure 19 : Variations inter-annuelles des densités par espèce (ind./ha) entre 2007 et 2018 ............................ 42 Figure 20 : Evolution de la richesse spécifique de la station Creek Baie Nord-70 depuis 2007 ........................... 43 Figure 21 : Evolution de la densité totale (ind./ha) de la station Creek Baie Nord-70 depuis 2007 .................... 44 Figure 22 : Variations inter-annuelles des densités par espèce (ind./ha) entre 2007 et 2018 ............................ 45 Figure 23 : Evolution de la richesse spécifique cumulée (RspCum) en fonction de l’effort d’échantillonnage
(nombre de points) - chaque cercle représente la moyenne de la richesse cumulée pour 100 permutations tirées au sort ; les traits verticaux pointillés représentent l’intervalle de confiance de cette moyenne pour les 100 permutations tirées au sort ......................................................................................................... 47
Figure 24 : Evolution de la richesse spécifique cumulée (RspCum) en fonction de l’effort d’échantillonnage (nombre de points) - chaque cercle représente la moyenne de la richesse cumulée pour 100 permutations tirées au sort ; les traits verticaux pointillés représentent l’intervalle de confiance de cette moyenne pour les 100 permutations tirées au sort ......................................................................................................... 48
Figure 25 : Evolution de la richesse spécifique cumulée (RspCum) en fonction de l’effort d’échantillonnage (nombre de points) - chaque cercle représente la moyenne de la richesse cumulée pour 100 permutations tirées au sort ; les traits verticaux pointillés représentent l’intervalle de confiance de cette moyenne pour les 100 permutations tirées au sort ......................................................................................................... 49
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LISTE DES PHOTOS Photo 1 : Matériels portatifs utilisés en Nouvelle Calédonie (Halltech, Martin pêcheur et Imeo Volta) d’après
Pottier, 2018 .......................................................................................................................................... 25 Photo 2 : Types d’épuisettes utilisées lors des démonstrations (photo T. Vigneron / AFB)................................ 28 Photo 3 : Exemples de mesures réalisées sur le terrain (photo J. Bouchard / AFB) ........................................... 29 Photo 4 : Exemple de loupe frontale (photo N. Roset / AFB) ............................................................................ 30 Photo 5 : Grip sol (marque JMC ®) (JMC) ......................................................................................................... 33
LISTE DES TABLEAUX Tableau 1 : Abaque d'aide à la détermination du nombre de traits à réaliser pour une opération de pêche
électrique par traits NC – le tableau croise 3 formes de traits possibles à mettre en œuvre et le nombre de traits à réaliser en fonction de la surface finale souhaitée .................................................................. 53
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Contexte
La connaissance des peuplements de poissons d’eau douce de Nouvelle-Calédonie (NC) initiée de longue date a connu dans le milieu des années 2000 des progrès importants mais beaucoup d’inconnues demeurent, notamment sur les cycles biologiques des espèces, pour pouvoir développer un bio-indicateur. Cette étape nécessite en effet l’acquisition de données spécifiques sur la base de méthodes d’échantillonnage des peuplements de poissons adaptées aux cours d’eau de Nouvelle- Calédonie, tant aux caractéristiques hydrographiques et orographiques de l’île qu’aux caractéristiques écologiques propres des espèces de poissons. L’une des principales pistes concernant cet échantillonnage est l’emploi de la pêche électrique, méthode à la fois reconnue et la plus utilisée, notamment en France métropolitaine.
En Nouvelle-Calédonie, en l’absence de réseaux de suivis institutionnels, cette méthode est employée depuis de nombreuses années par différents opérateurs, principalement dans le cadre de suivis réglementaires réguliers de l’activité minière. Les opérateurs, issus le plus souvent de la sphère privée, s’appuient sur les normes et guides techniques métropolitains pour la mise en œuvre des pêches électriques. La variabilité des pratiques par rapport aux normes métropolitaines et européennes a poussé l’Observatoire de l’environnement en Nouvelle-Calédonie (OEIL), en lien avec la Direction des Affaires Vétérinaires, Alimentaires et Rurales (DAVAR), à envisager une expertise visant à terme la production d’un guide technique de standardisation de la pêche électrique applicable au territoire de la Nouvelle-Calédonie.
L’Agence française pour la biodiversité : une capacité d’expertise basée sur une longue expérience de la pêche électrique
L'Agence française pour la biodiversité est un établissement public du Ministère de la Transition Ecologique et Solidaire. Elle exerce des missions d’appui à la mise en œuvre des politiques publiques dans les domaines de la connaissance, la préservation, la gestion et la restauration de la biodiversité des milieux terrestres, aquatiques et marins. Elle vient en appui aux acteurs publics mais travaille également en partenariat étroit avec les acteurs socio-économiques. Elle a aussi vocation à mobiliser les citoyens en faveur de la biodiversité.
Forte d’une expérience de plus de 30 ans en matière de pêche électrique, du développement de méthodes d’échantillonnage standardisées à leur mise en œuvre à large échelle et sur le long terme, l’Agence française pour la biodiversité, via son antenne locale, a offert ses services en appui à l’OEIL pour la réalisation de cette expertise.
L’AFB est responsable techniquement de la mise en œuvre des suivis temporels des peuplements de poissons en métropole (notamment Directive Cadre Européenne sur l’Eau), représentant à eux seuls plus de 1500 opérations par an sur le territoire métropolitain, ainsi que de nombreuses pêches d’étude dont le suivi d’opérations de restauration. A ce titre, l’AFB a mis au point, en collaboration
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avec des organismes de recherche (INRA, IRSTEA, CNRS…), des protocoles standardisés pour les suivis des réseaux de surveillance DCE ou le suivi de populations d’espèces migratrices.
Trois agents de l’AFB, responsables de services interrégionaux de production et valorisation des connaissances ont été missionnés compte tenu de leur expérience dans les domaines suivants :
appareils de pêche électriques et leurs réglages ; pratique de l’échantillonnage incluant la connaissance des performances et limites
des différentes méthodes ; organisation de chantiers de pêche dans différents contextes (plaine, piedmont,
montagne, haute montagne) ; normalisation à l’échelle nationale et internationale ; développement de méthodes de bioindication.
Les objectifs de cette mission étaient très larges, allant de l’analyse des pratiques d’échantillonnage et de l’applicabilité des normes en Nouvelle–Calédonie, au dimensionnement des réseaux et à la bio- indication. Dans un souci d’efficacité, nous avons convenu avec l’OEIL de centrer cette expertise sur une analyse fine des pratiques locales d’échantillonnage au regard des normes françaises et européennes en vigueur, afin de faire des propositions concrètes d’amélioration et de standardisation de l’échantillonnage. Toutefois, les sujets de la mise en place de réseaux de suivis et de la bio-indication ont été abordés sous la forme d’éléments généraux de cadrage et de perspectives d’explorations futures. Le présent rapport décrit assez exclusivement les actions et résultats de la mission d’expertise, des travaux préparatoires à la mise en œuvre d’opérations sur le terrain, en passant par les échanges avec le Comité de Pilotage (CoPil) et la réalisation d’entretiens avec les opérateurs locaux. Il établit les premières conclusions et pistes d’analyse qui seront reprises et développées dans un document technique final de standardisation des protocoles de pêche électrique adaptés à la Nouvelle-Calédonie.
2. Phasage de l’expertise
La mission d’expertise s’est déroulée en deux grandes phases : une première préparatoire en métropole concernant la bibliographie et l’analyse de données disponibles, et une deuxième sur le terrain en Nouvelle-Calédonie, en collaboration avec les différents acteurs locaux qu’ils soient administratifs, coordinateurs techniques ou opérateurs de pêche électrique en bureaux d’études.
Plus précisément les actions se sont déroulées selon le calendrier suivant :
- Phase 1 - travaux préparatoires : o analyse bibliographique (mars 2018) ; o analyse des données existantes (avril 2018) ; o conception de la mission sur le terrain : interview des opérateurs locaux, design
expérimental (sélection des stations et méthodes à mettre en œuvre) (avril 2018) ; o logistique (avril 2018).
- Phase 2 - mission sur le terrain : du 14 au 23 mai 2018. - Phase 3 : rédaction des livrables :
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o rapport de mission : septembre-novembre 2018 ; o guide technique : novembre-décembre 2018.
2.1. Phase 1 : Bibliographie et analyse de données
L’OEIL a mis à disposition sa base de données bibliographique relative aux différents rapports de pêches électriques réalisées sur le territoire calédonien avec différents objectifs ainsi que, dans un deuxième temps, des exports de la base de données HYDROBIO, compilant les données de pêches disponibles (données relatives aux peuplements mais décrivant aussi la mise en œuvre matérielle des opérations de pêche électrique et certaines conditions environnementales).
2.1.1. Connaissance des espèces
Un premier travail bibliographique a porté sur la connaissance des espèces de poissons et de crustacés de NC. Il s’agissait de connaitre a minima les principales caractéristiques et exigences écologiques des espèces susceptibles d’être rencontrées, en faisant le lien avec l’échantillonnage par pêche électrique.
En effet, de ces caractéristiques écologiques dont en particulier, la taille, la forme, le comportement et le type de cours d’eau et d’habitats fréquentés (faciès…), dépendent aussi la capturabilité des espèces en lien avec les matériels, les réglages et les protocoles mis en œuvre.
De plus, ces caractéristiques écologiques constituent les fondements de la bio-indication et il est essentiel de relier dès le départ méthodes d’échantillonnage et méthodes d’interprétation. Il serait par exemple inadapté de proposer une méthode d’échantillonnage qui sous-estime trop fortement des espèces considérées comme centrales pour l’évaluation de la qualité des cours d’eau.
Ainsi, sur la base de l’atlas des poissons et crustacés d’eau douce de Nouvelle-Calédonie (Marquet et al. 2003), nous avons réalisé un tableau croisant les noms scientifiques et vernaculaires des différentes espèces connues, avec les principaux traits biologiques et écologiques de ces espèces (répartition, habitat de vie en cours d’eau, régime alimentaire, preferendum typologique, reproduction, migration…), ainsi que leur caractère éventuellement endémique ou exotique, leur statut de protection… Nous avons également proposé une codification standard simple (6 lettres) des différentes espèces de poissons et de macrocrustacés, utile dans le cadre de cette étude mais aussi et surtout dans la perspective d’une bancarisation standardisée.
Le tableau complet décrivant plus de 100 espèces est disponible en annexe 1.
2.1.2. Connaissance des milieux
Une analyse de la base de données a également porté sur certaines caractéristiques des cours d’eau, notamment sur des paramètres fondamentaux pour la mise en œuvre de la pêche à l’électricité. Un de ces paramètres est la conductivité des cours d’eau. Ce paramètre est essentiel pour évaluer la résistance de l’eau au passage de l’électricité et ainsi la faisabilité de la pêche électrique (fonctionne en général pour des conductivités comprises entre 50 et 1000 µS /cm).
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Figure 1 : Histogramme (densité de valeurs) de la conductivité mesurée sur les différentes stations de pêche de la base de données HYDROBIO
Sur les 1116 opérations de pêche électrique de la base de données HYDROBIO, la conductivité est renseignée sur 405 opérations appartenant majoritairement à l’HER « plaines du grand sud ». Parmi ces données, on observe une gamme allant de 5,2 à 785 µS /cm pour une moyenne de 125 µS /cm. Vingt opérations soit 5 % seulement des opérations renseignées présentent une conductivité inférieure à 50 µS /cm. La réalisation d’un échantillonnage à l’électricité dans de telles gammes de conductivité devient compliquée et demande un matériel très puissant capable de délivrer des courants électriques supérieurs à 1000 volts. Pour les gammes les plus hautes entre 500 et 1000 µS /cm), correspondant à des stations situées dans des zones de balancement de marée, cela ne pose pas de problème pour la mise en œuvre, à condition d’effectuer les opérations à marée basse.
2.1.3. Connaissance des pratiques
Ce travail a permis de prendre connaissance tout d’abord des différents opérateurs de pêche électrique et du contexte de réalisation des opérations, très souvent lié aux suivis de l’impact de l’industrie minière (états initiaux et suivis des impacts). Il a également permis de pré-identifier certains facteurs susceptibles de générer un biais dans l’interprétation des résultats et notamment l’analyse des chroniques, parmi lesquels le changement d’opérateurs.
En Nouvelle-Calédonie, à ce jour, les principaux prestataires qui ont participé à des suivis par pêche électrique sont au nombre de 3 :
ERBIO : nombreux suivis réalisés entre 2005 et 2015, en particulier sur les rivières Creek Baie Nord, Kwé, Kuébini, Trou Bleu, Truu et certains de leurs affluents (Cf. par exemple Alliod,
Conductivité µS.cm -1
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2011, 2013 et 2014 ; Alliod & Retaillaud, 2013 ; ERBIO, 2005, 2006, 2009 et 2015 ; Pöllabauer, 2007, 2008, 2009 et 2014, Pöllabauer & Alliod, 2010a ; Pöllaubauer & Huet, 2015…).
BIOEKO Consultants (ex BIOTOP) : plusieurs suivis réalisés entre 2011 et 2016 (BIOEKO, 2014 et 2015 ; BIOTOP, 2012 a et b, 2013 et 2014 ; Touron-Poncet, 2016 ; Touron-Poncet & Dominique, 2015).
ECOTONE (ex Bioimpact) : suivis réalisés entre 2015 et 2017, en particulier sur les rivières rivières Creek Baie Nord, Kwé, Kuébini, Trou Bleu, Truu et certains de leurs affluents (Alliod, 2015 ; Alliod & Laffont, 2015, 2016 et 2017).
Les différents suivis réalisés s’échelonnent sur une période allant de 2007 à 2018 (analyse réalisée jusqu’en 2016) et comptent plus de 500 opérations de pêche électriques. Dans ces suivis certains peuvent être qualifiés de « récurrents » et ils concernent le plus souvent les suivis règlementaires d’impact des industries minières, et les autres de « ponctuels », lorsqu’ils ont pour objectif la connaissance des peuplements et leur état à l’échelle de bassins versants. Les suivis réguliers sont tous situés sur la même hydroécorégion, au sud de la Grande Terre sur les terrains ultramafiques.
Les trois opérateurs de pêche mentionnés ont tous participé aux suivis des impacts miniers et ont donc produit des données sur les mêmes sites de pêche. Ceci pose une des questions centrales de l’expertise à savoir l’évaluation de l’influence du changement d’opérateurs sur les chroniques de suivi des peuplements de poissons, en lien avec les variations des conditions environnementales, en particulier des évènements marquants comme des rejets massifs de solutions acides (BIOTOP, 2014) ou plus insidieusement l’accroissement du colmatage par des fines (OEIL, 2017).
Les analyses présentées ci-après portent sur 555 opérations renseignées dans la base de données HYDROBIO fournie par l’OEIL. Elles correspondent aux pêches de suivi réalisées entre 2007 et 2017 par différentes opérateurs (ERBIO, ECOTONE, BIOEKO). L’objectif de ces analyses est d’étudier d’une part la conformité des pratiques par rapport aux standards métropolitains (normes et guides techniques), et d’autres part d’évaluer une éventuelle variabilité entre opérateurs.
Cet examen est focalisé sur quelques points-clefs des protocoles d’échantillonnage, relatifs notamment à l’effort d’échantillonnage : la longueur des stations, le nombre d’opérateurs, le nombre d’anodes et le nombre d’épuisettes mis en œuvre en fonction de la largeur du cours d’eau.
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Figure 2 : Relation entre la longueur des stations et la largeur des cours d'eau
Les normes et guides techniques mentionnés par les différents opérateurs exigent une corrélation assez étroite entre la largeur de la rivière et la longueur pêchée ; cette dernière devant être égale à au moins 10 à 20 fois la première selon les cas. Or, la Erreur ! Source du renvoi introuvable. ci-dessus montre l’absence de corrélation entre la longueur pêchée et la largeur de la station de pêche ; les longueurs des stations semblant souvent fixées arbitrairement à une longueur de 100 m.
Figure 3 : Box-plot du nombre d'opérateurs en fonction de la largeur du cours d'eau (la ligne horizontale représente la médiane des valeurs, le rectangle représente 75% des valeurs)
Le nombre d’opérateurs décrit les moyens mis en œuvre par les prestataires, conditionnant l’effort d’échantillonnage et par conséquent la fiabilité et la comparabilité des résultats. La Figure 3 ci- dessus, montre en premier lieu l’absence de relation entre le nombre d’opérateurs et la largeur du cours d’eau. De plus, elle montre la forte variabilité des choix. Par exemple, la mise en place d’un effectif de 10 personnes correspond à une très large gamme de cours d’eau. De façon symétrique, pour des cours d’eau de 15 m de large (ligne rouge sur le graphique), on observe des équipes de
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pêche comprenant 1 à 10 opérateurs. Même si le nombre d’opérateurs ne présage pas toujours de la qualité de la mise en œuvre, de tels écarts interpellent et un minimum d’homogénéité et de conformité à des critères standards seraient attendus.
RQ : le maximum d’opérateurs est quant à lui principalement dépendant du type de protocole mis en œuvre.
De plus, dans les différents textes de référence, le nombre d’anodes doit varier en fonction de la largeur du cours d’eau : au moins 1 anode par tranche de 4 à 5 m et un nombre d’épuisettes (mais aussi secondairement porteurs de seaux…) adapté en conséquence, en tenant compte des conditions de prospection et des difficultés d’évolution dans la rivière (variabilité de la largeur et profondeur, vitesses du courant...). Or, laErreur ! Source du renvoi introuvable. ci-dessous montre l’absence de lien étroit pour le nombre d’anodes (à gauche) ou l’absence totale de lien pour le nombre d’épuisettes (à droite) avec la largeur du cours d’eau.
Figure 4 : Box-plot du nombre d'anodes (à gauche) et du nombre d'épuisettes (à droite) en fonction de la largeur du cours d'eau (la ligne horizontale représente la médiane des valeurs, le rectangle représente 75% des valeurs)
Au lieu de cela, l’analyse du nombre d’anodes en fonction de la largeur de cours d’eau montre que toutes les opérations de pêches sont mises en œuvre avec une ou deux anodes – pour des pêches décrites comme « complètes » (c’est-à-dire selon la définition des guides et normes en vigueur que la totalité de la station est prospectée simultanément sur toute la largeur). De même le nombre d’épuisettes utilisées ne montre pas de lien particulier avec la largeur et les choix sont variables entre les différents opérateurs pour une même situation.
En NC, l’analyse des suivis montre que les stations sont souvent échantillonnées à deux saisons différentes dans l’année : la saison chaude (janvier-février) et la saison froide (juin-juillet). L’analyse bibliographique portant sur la variabilité de la largeur mouillée et le nombre d’espèces échantillonnées en fonction des saisons, montre des différences. Ces dernières sont plus marquées en ce qui concerne le nombre d’espèces.
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Figure 5 : Box-plot du différentielle de largeur (à gauche) et de nombre d'espèces (à droite) entre les deux campagnes d'échantillonnage, exprimé en pourcentage (la ligne horizontale représente la médiane des valeurs,
le rectangle représente 75% des valeurs)
L’analyse présentée sur la 5 porte sur 77 couples d’opérations (saison froide / saison chaude) réalisées entre 2011 et 2016 dans le sud de l’île. Elle met en évidence la différence de largeur et de nombre d’espèces entre deux campagnes la même année (réalisées par un même opérateur). Cette analyse montre qu’il y a assez peu de différence sur la largeur du cours d’eau avec une différence moyenne de 10% et un maximum de 37%. En revanche, la variabilité de la richesse spécifique est plus importante avec une différence moyenne de 25%. Autrement dit, il y a en moyenne un quart des espèces qui ne sont pas retrouvées d’une campagne sur l’autre. Les données montrent que dans 70 % des cas, c’est à la saison froide que plus d’espèces sont capturées.
Cette première phase d’analyse des données relatives à la mise en œuvre des pêches électriques montre le besoin de standardiser davantage les suivis de la qualité des cours d’eau à travers l’échantillonnage des peuplements de poissons par pêches électriques. Afin d’appréhender au mieux ces pratiques, l’expertise s’est orientée vers :
Une rencontre de chacun des prestataires à travers un entretien réalisé sur la base d’un questionnaire préalablement élaboré (cf. annexe 2) et communiqué aux intéressés.
La mise en œuvre de pêches électriques par les différents opérateurs sur le terrain de manière indépendante.
Ces différentes actions seront reprises dans la suite du présent rapport.
2.2. Phase 2 : Mission d’expertise en Nouvelle-Calédonie
La mission effective d’expertise en Nouvelle-Calédonie s’est déroulée du 14 au 23 mai 2018, soit sur une période de 7 jours ouvrés.
Elle peut être résumée en 5 grandes actions :
Action 1 : présentation et restitution de l’expertise au sein d’un COPIL institutionnel (2 jours). Action 2 : visite des cours d’eau de la Grande Terre sur l’ensemble des hydroécorégions (2 jours). Action 3 : entretiens techniques en salle avec les différents opérateurs de pêche électrique (1 jours). Action 4 : observation d’opérations de pêche électrique réalisées « comme à l’habitude » par 2 des 3
opérateurs (2 jours). Action 5 : test in situ d’un protocole standardisé appliqué en métropole dans le cadre des réseaux de
suivi (2 jours).
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NB : les tests méthodologiques ont été réalisés au cours des mêmes journées que les observations des pratiques de pêche afin de disposer des équipes terrain pour une réalisation optimale.
La première de ces actions ne sera pas détaillée dans ce rapport. Il s’agit principalement de phases de réunions permettant une acculturation de l’ensemble des acteurs et de leur rôle dans cette expertise, de contextualiser la mission, de préciser les attentes et de réaliser en fin de mission un premier retour des observations et des résultats préliminaires.
3. Présentation des actions de la phase 2 de l’expertise
3.1. Action 2 : visite des cours d’eau de la Grande Terre
3.1.1. Objectifs et organisation
La visite des cours d’eau de la Grande Terre a été organisée sur deux journées complètes avec l’appui de Nicolas Charpin, hydrobiologiste indépendant, connaissant parfaitement les différents secteurs et cours d’eau de l’île. L’objectif principal de cette visite était de prendre connaissance des différents types de cours d’eau afin de pouvoir identifier les contraintes pour l’échantillonnage engendrées par les caractéristiques naturelles (largeur, profondeur, vitesse de courant, praticabilité…).
Figure 6 : à gauche, localisation des points de visite de différents cours d'eau (points rouges) ; à droite les HER visitées
A partir d’un circuit de 800 km plusieurs cours d’eau ont pu être visités (n=19) sur les sites les plus représentatifs possibles de la plupart des hydroécorégions (cf. Figure 6). Les collines schisteuses de la pointe nord et les massifs ultramafiques du « grand sud » n’ont pas été visités au cours de ces deux jours de repérage car les actions 4 et 5 devaient se réaliser dans ce secteur, ce qui permettait une
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économie de déplacement et donc un approfondissement de la connaissance des autres hydro- écorégions (HER) dans le temps imparti. Toutefois, l’HER « plaines du grand sud » sera traitée comme les autres dans la suite du rapport
Au cours de ces visites, quelques plongées en apnée ont également été réalisées afin d’appréhender différentes espèces de poissons et macrocrustacés des cours d’eau de Nouvelle-Calédonie et notamment observer le comportement de différentes espèces de poisson dans leurs habitats.
3.1.2. Description des HER
Les HER de NC ont été définies en 2011 à partir des caractéristiques de relief, climat et géologie du territoire (ASCONIT & BIOTOP, 2011). Elles permettent de caractériser des entités relativement homogènes en termes de réseau hydrographique que ce soit par rapport à la typologie ou encore la densité hydrographique. Les visites ont permis d’avoir une vue d’ensemble des différentes caractéristiques des rivières de chaque HER afin de les confronter à la possible mise en œuvre de la pêche électrique.
3.1.2.1. Plaines du grand sud
Les rivières de l’HER plaine grand sud coulent sur des substrats ultramafiques chargés en métaux. Ce sont les cours de cette HER qui ont fait l’objet du plus grand nombre d’opérations de pêche à l’électricité et de suivis réguliers du fait du développement important de l’activité minière sur ce secteur.
Figure 7 : Cours d'eau de l’HER « Plaines du grand sud ». En haut : la rivière Kwé (photo J. Bouchard / AFB) ; en bas la Creek Baie Nord (photo J. Bouchard / AFB)
Les cours d’eau de cette HER présentent des caractéristiques morphologiques compatibles avec la prospection en pêche électrique (cf. Figure 7 ci-dessus), mais peuvent parfois localement poser des difficultés pour la prospection dans le chenal du fait de profondeurs parfois importantes et de débits
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potentiellement forts (certaines fosses ne sont pas praticables à pied). Des préconisations quant à l’emploi de matériel adapté (waders cloutés par exemple) pourront être formulées.
La fréquence de succession des faciès d’écoulement est élevée du fait de pentes relativement importantes et la granulométrie est très grossière. La succession de faciès s’opère donc sur de faibles distances.
3.1.2.2. Cœur de la chaîne centrale
Les cours d’eau visités sur cette hydroécorégion présentent une certaine variabilité morphologique. En effet, certains secteurs de pente « modérée » présentant des successions de faciès radier-plat- profond sont tout à fait compatibles avec l’échantillonnage en pêche à l’électricité (cf. Figure 8 ci- après). Cependant, cette HER présente également des parties de cours d’eau taillant des défilés de roches avec des successions de cascades – vasques profondes qui ne permettent pas la progression à pied dans le cours d’eau.
Figure 8 : Cours d'eau de l'HER "Cœur de la chaîne centrale" - exemple de la rivière Tiwaca avec des faciès pêchables (en haut) et d'autres qui ne le sont pas (en bas) (photo J. Bouchard / AFB)
3.1.2.3. Massif du Panié
L’HER du massif du Panié est une chaîne de montagnes culminant à 1600 m proche de la côte orientale de la Grande Terre. De ce fait, les cours d’eau sont relativement courts avec une très forte pente. Ces cours d’eau sont caractérisés par des successions de cascades / vasques très marquées avec assez peu de faciès de type plats ou plats courants (cf. Figure 9 ci-après).
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Ce type de cours d’eau semble très difficilement pêchables à l’électricité, tant par l’inaccessibilité aux cours d’eau avec le matériel nécessaire à l’échantillonnage que par les possibilités de progression dans le cours d’eau et d'efficacité de l'échantillonnage.
Une plongée d’exploration (masque et tuba) a été réalisée dans l’un des cours d’eau de cette HER. Compte tenu de la concentration des espèces dans des vasques relativement indépendantes les unes des autres (séparées par des cascades) et aux eaux claires, il pourrait être envisagé de développer une méthodologie d’échantillonnage par observation subaquatique.
Figure 9 : Cours d'eau de l’HER « Massif du Panié » - rivière Bwanavio (en haut) et cascade Tao (en bas) (photo J. Bouchard / AFB)
3.1.2.4. Plaine littorale ouest
Les cours d’eau de la plaine littorale ouest présentent en aval du piémont des pentes plus faibles que sur les autres hydroécorégions et sont notamment composés de faciès plus lents de type plat, plats courant permettant la pratique de la pêche électrique (cf. Figure 10 ci-après). Ces cours d’eau peuvent présenter des dimensions de largeurs importantes (par exemple la Tontouta aval)
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Figure 10 : Cours d'eau de l’HER « Plaine littorale ouest » – Boghen (en haute à gauche), Poeo (en haut à droite), Tontouta (en bas) (photo J. Bouchard / AFB)
3.1.3. Bilan de la visite de terrain
En conclusion, la visite de terrain, couplée à l’analyse de certains paramètres de la base de données comme la conductivité ou bien la pente, montre qu’il est important de différencier les types de cours d'eau à minima à l’échelle des HER pour mener la réflexion sur la mise en œuvre des protocoles d’échantillonnage. Même si des paramètres comme la conductivité ne semblent pas être un frein à la pêche à l’électricité (ou bien dans de rares cas), la morphologie des cours d’eau quant à elle peut être dans certains cas limitante. Il sera donc important de prendre en compte le besoin de développement de protocoles spécifiques pour certains types de cours d’eau, comme la prospection en apnée par exemple.
3.2. Actions 3 et 4 : Analyse des pratiques de pêche à l’électricité en Nouvelle-Calédonie
Le présent chapitre regroupe les actions 3 et 4 car elles traitent toutes deux du même sujet, l’analyse des pratiques de pêches électriques, de la mise en œuvre matérielle à la biométrie en passant par le protocole d’échantillonnage. La première action a consisté à réaliser des entretiens en salle avec les prestataires. La deuxième correspond à la mise en œuvre de pêches démonstratives sur le terrain. Aborder ces deux actions de manière totalement indépendante serait redondant.
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Les entretiens ont été réalisés avec chacun des trois opérateurs de manière indépendante afin de limiter l’influence des réponses entre chaque. Ces entretiens se sont appuyés sur un questionnaire préalablement fourni aux opérateurs (annexe 2) afin qu’ils puissent à l’avance mobiliser leurs connaissances sur le sujet. Afin de favoriser la discussion par rapport à la prise de notes, ces entretiens ont été enregistrés avec l’accord préalable de chacun.
La partie démonstration de pêche, a consisté en la mise en œuvre d’une pêche électrique « comme à l’habitude » par les opérateurs sur des stations qu’ils avaient déjà prospectées dans le cadre des suivis réglementaires. Selon le temps disponible, ces pêches n’ont pas été réalisées dans leur intégralité mais tous les chantiers (mise en œuvre matérielle, échantillonnage, biométrie) ont été réalisés de manière suffisante pour mener une analyse comparative des pratiques.
La synthèse des éléments analysés s’articule autour de plusieurs grands thèmes qui constitueront les parties suivantes du présent rapport.
3.2.1. Stratégie d’échantillonnage (rappels)
3.2.1.1. Le choix de la station
La stratégie d’échantillonnage est toujours une réponse à un objectif. Dans le cas présent, l’objectif principal visé est de suivre dans le temps les impacts des projets d’extraction minière sur le milieu aquatique et les peuplements de poissons et macrocrustacés. Pour ce type d’objectif, il est généralement préconisé pour les suivis de l’ichtyofaune de réaliser des échantillonnages à l’échelle du peuplement, c’est-à-dire de l’ensemble des espèces peuplant le milieu. La station est une unité d’échantillonnage couramment utilisée en hydrobiologie. Elle peut être définie comme une sous- unité représentative du segment ou du tronçon de cours d’eau et doit contenir l’ensemble des habitats présents dans ces entités supérieures.
Dans le cadre de l’échantillonnage des cours d’eau par pêche électrique, les standards européens et français (notamment EN 14011 et XP T90-383) considèrent que la longueur d’une station doit être égale à environ 20 fois la largeur du cours d’eau pour contenir au moins une succession de faciès d’écoulement (radier, plat, mouille). Pour les plus grands cours d’eau (> 30 m) généralement fortement aménagés, une longueur égale à 10 fois la largeur est considérée comme suffisante (Norme 14011-AFNOR-CEN 2003).
3.2.1.2. Le plan d’échantillonnage
En matière d’échantillonnage des poissons en cours d’eau par pêche à l’électricité, on distingue deux types de méthodes classiquement utilisées :
- Les pêches dites complètes : sur une station choisie pour être représentative en termes d’habitats et de perturbations du tronçon de cours d’eau considéré, on échantillonne la totalité de la surface de la station. Ces pêches peuvent être opérées avec plusieurs passages avec enlèvements successifs des poissons pour évaluer la précision de l’estimation des abondances et biomasses par espèces ou avec un seul passage. Cette pêche complète sous- entend une progression régulière et de front sur la totalité de la largeur.
- Les pêches dites partielles : lorsque le cours d’eau est trop profond pour être prospecté à pied dans sa totalité ou trop large au regard des moyens mobilisables, on procède à un
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échantillonnage sur une portion de la surface de la station. Cet échantillonnage peut être réalisé par points, par petites unités de surface par types d’habitats, par traits d’une certaine longueur/durée, ou encore de manière continue sur les berges.
Lors de la réalisation d’un échantillonnage partiel, plusieurs types de stratégies peuvent être utilisés :
échantillonnage aléatoire simple : les sous-unités d’échantillonnage sont choisies par tirage au sort ;
échantillonnage systématique : les sous-unités sont réparties régulièrement sur la station ;
échantillonnage stratifié : les sous-unités d’échantillonnage sont déterminées proportionnellement à la représentation de différentes strates (qui sont souvent des types d’habitat).
3.2.2. Stratégies d’échantillonnages en Nouvelle-Calédonie
3.2.2.1. Choix et longueur des stations
La plupart des stations échantillonnées en Nouvelle-Calédonie présentent des longueurs fixées à 100 m qui ne sont pas proportionnelles à la largeur du cours d’eau (Cf. paragraphe 2.1.3). Du fait du caractère fixe de ces longueurs, les standards normatifs européens (EN 14011) et français (XP T90- 383) ne sont pas respectés pour les stations les plus larges, ce qui peut conduire à une mauvaise représentation des différents faciès au sein de la station et donc une mauvaise représentativité de la station sur le tronçon. Les opérateurs nous ont signifié lors des entretiens que les longueurs des stations avaient été fixées la plupart du temps à 100 m par les maitres d’ouvrage, quelle que soit la largeur du cours d’eau.
Sur les stations de suivi visitées lors de l’expertise, il n’a pas été constaté de problèmes majeurs de représentativité des faciès en dehors de la CBN 70. En effet, cette dernière est positionnée « à cheval » entre une zone d’eau douce et une zone de balancement des marées. Cela induit d’une part une évolution assez majeure de la largeur en eau, de la conductivité et un habitat très différent sur la zone aval. Par ailleurs, ce positionnement induit forcément la réalisation de pêche à marée basse pour pouvoir appliquer la pêche électrique (pour des raisons de conductivité).
Préconisation :
Pour une meilleure standardisation des suivis, il conviendrait de porter la longueur des stations à 20 fois la largeur en eau, de façon à ce que les stations comportent au moins une à deux alternances de faciès radier/plat/mouille.
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Pêches complètes ou partielles ?
En premier lieu, nous avons découvert des opérateurs avec de solides compétences et une bonne expérience de la pêche électrique. Ces prestataires ont la volonté d’appliquer au mieux les standards métropolitains et européens mais sont confrontés à un certain nombre de difficultés liées aux accès aux types de cours d’eau, aux faibles densités de poissons…
Au cours des entretiens, les opérateurs ont indiqué procéder à des pêches complètes à 1 seul passage, donc sans épuisement du stock en place. Normalement ce type d’échantillonnage implique que les opérateurs forment un barrage électrique qui « pousse » les poissons jusqu’à leur capture au pied d’un obstacle ou dans les « caches ». Les opérateurs utilisent des filets type « stopnets1 » pour limiter les fuites de poissons et pallier en partie à ce problème. Cela interrompt la progression tout en étant insuffisant pour empêcher totalement la fuite des poissons. En effet, une pêche complète sous-entend une progression régulière, de front sur la totalité de la largeur, sans rupture du champ électrique (effet barrage). Une telle progression permet également de garantir un effort d’échantillonnage (temps de pêche) constant pour un type de cours d’eau donné.
De plus, l’analyse du nombre d’électrodes mises en œuvre en fonction de la largeur des cours d’eau (Cf. 2.1) lors des entretiens puis in situ a montré que dans tous les cas, une à deux anodes seulement étaient mises en œuvre, sans règle de proportionnalité évidente par rapport à la largeur. Ainsi, le standard métropolitain préconisant l’utilisation d’une anode pour 4 à 5 m de large afin de créer un barrage électrique sur l’ensemble de la largeur n’est pas respecté. Il n’est donc pas pertinent de désigner la méthode mise en œuvre en Nouvelle-Calédonie de « pêche complète » au sens des normes et guide existants (Belliard et al., 2012). Les opérations auxquelles nous avons assisté consistent davantage à pêcher des zones unitaires juxtaposées pour essayer au final de couvrir l’ensemble de la surface de la station de pêche. La notion « d’ensemble de la surface » restant très relative selon les opérateurs et les types de cours d’eau. De plus, cela conduit à des temps de pêches potentiellement très variables entre opérateurs.
Outre la durée et la régularité de prospection, un point de divergence fort entre les équipes réside dans le rôle attribué aux différents opérateurs. Par exemple, pour certains, un rôle prépondérant est donné au porteur d’anode qui réalise simultanément les premières tentatives de capture des poissons, notamment les petites espèces benthiques (petite épuisette). L’équipe compte ensuite généralement sur les « stopnets » pour les individus non capturés (dont les macrocrustacés). Le rôle des autres « épuiseteurs » (nombre mal défini – cf. paragraphe 3.2.3.3) est alors assez secondaire.
Proposition :
Le porteur d’électrode focalise sur la prospection des différents habitats et la coordination avec les « épuiseteurs », idéalement 3 par anodes dans le cas général. Ceux-ci se tiennent à une distance optimale variant selon les faciès pêchés : généralement assez près dans les plats/profonds, à 1-2 mètres dans les faciès rapides, éventuellement en « double écran » (épuisette en quinconce) pour entourer au mieux l’anode. Un seul « stopnet » est utilisé comme dernier rempart en cas de fuite.
1 Filet barrage portable équipé de deux manches en bois et lesté dans sa partie inférieure (Figure 13)
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Moyens mis en œuvre
Les opérations de pêche électrique sont actuellement mises en œuvre avec 1 ou 2 anodes selon la largeur du cours d’eau ou la disponibilité du matériel, mais jamais plus. L’effort d’échantillonnage est variable selon les opérateurs et varie de 1 anode pour 3 m de largeur mouillée de cours d’eau à 1 anode pour 7 m ou plus.
De même, le nombre d’épuisettes et de « stopnets » varie de 2 à 5 par anode.
Préconisation :
La réalisation de pêches complètes nécessite :
- un nombre d’anodes adapté à la largeur, soit 1 anode pour 5 m de largeur maximum ;
- au moins trois épuisettes par anodes indépendantes de l’anode ;
- un « stopnet » pour pallier un éventuel échappement de poissons entre les épuisettes ;
- une progression régulière (« de front » si plusieurs anodes) et coordonnées des porteurs d’anodes et d’épuisettes.
3.2.2.3. Protocoles complémentaires/ alternatifs
La plupart des cours d’eau de Nouvelle-Calédonie présentent des eaux très claires. Certains opérateurs de la pêche électrique pratiquent aussi des prospections en apnée pour recenser les espèces présentes. Aussi, pour beaucoup de tronçons de cours d’eau des écorégions « massif du Panié » et du « cœur de la chaine centrale », difficiles à prospecter en pêche électrique du fait des vitesses et profondeurs rencontrées, la mise en place de protocoles en apnée pourrait être une méthode alternative ou du moins complémentaire à la pêche électrique pour des objectifs de recensement de la biodiversité comme la caractérisation de la richesse spécifique, l’étude de l’évolution du pool d’espèces en fonction des obstacles naturels ou anthropiques…. Il existe dans la littérature des protocoles pour les observations subaquatiques en apnée (voir par exemple Chamberland et al., 2014 ; MacNaughton et al., 2014 ; Plichard et al., 2017), qui montrent des résultats assez comparables avec ceux de la pêche à l’électricité, y compris dans l’évaluation d’abondances, biomasses et classes de taille par espèce.
3.2.3. Matériel de pêche et réglages
3.2.3.1. Matériel
Les 3 opérateurs de la Nouvelle-Calédonie utilisent des matériels de pêche électrique délivrant un courant continu par impulsion (cf. Photo 1 ci-après). Il s’agit d’appareils portatifs à batterie fournissant un courant continu pulsé en créneau dit « PDC » (Pulsed Direct Current) ou un courant par décharge de condensateur exponentiel dit « PEC » (Pulsed Exponential Current) (cf. Figure 11 ci- après).
Devant le constat de faibles niveaux de capture général (analyse bibliographique) et d’échappements significatifs des espèces pélagiques, on peut s’interroger sur l’influence du type de courant utilisé.
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Effectivement, le courant continu pulsé induit par nature des ruptures régulières du champ électrique (fonction de la fréquence). Aussi, dans les faciès ouverts (plats et profonds), ces interruptions pourraient être à l’origine de la fuite des espèces pélagiques. Cette hypothèse mérite d’être testée par l’utilisation de matériels délivrant un courant continu.
Photo 1 : Matériels portatifs utilisés en Nouvelle Calédonie (Halltech, Martin pêcheur et Imeo Volta) d’après Pottier, 2018
Figure 11 : Formes de courant pulsé délivrés par les appareils : crénelé (PDC) à gauche et exponentiel (PEC) à droite
D’après les tests d’intercalibrations réalisés récemment en métropole par le pôle INRA-AFB, le courant exponentiel présente des différences significatives en termes d’efficacité (Pottier et al., 2014). De plus le rayon de tétanie est plus étendu avec ce type de courant, ce qui est dangereux pour le poisson (Pottier et al., à paraître).
Proposition :
Un appareil à courant continu améliorerait certainement d’une part la capture des espèces de pleine eau, et d’autre part celle des espèces benthiques en permettant une meilleure une attraction du poisson en nage forcée et en réduisant les effets de choc électrique qui « bloquent les individus au fond ».
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3.2.3.2. Réglages
Les réglages sont réalisés de manière empirique en fonction de la réaction du poisson en cherchant un compromis entre efficacité de capture et survie du poisson. Cette méthodologie de réglage est très couramment usitée par les opérateurs de pêche électrique, mais les travaux récents en Angleterre (Beaumont, 2011) et en France (Pottier, 2014 et Pottier et al., à paraître) proposent des méthodologies basées sur la mesure du gradient de tension in situ (méthode la plus simple) ou des réglages à partir de données mesurées de conductivité, de température et des résistances équivalentes des électrodes (Beaumont, 2011 ; Outil Carpe-V3 (Pottier et al., à paraître)).
Des mesures de gradients de tensions ont été réalisées in situ à l’aide d’une « sonde Penny » (cf. Figure 12 ci-dessous). Globalement, elles permettent l’évaluation du rayon d’attraction du poisson.
Figure 12 : Dispositif de mesure du gradient de tension appelé « sonde penny ». La différence de potentiel est mesurée entre deux électrodes séparées de 10 cm (photo crédit A. Bertaud-OEIL ; schéma extrait de Pottier et al
à paraitre)
Les résultats obtenus lors des démonstrations de pêche par les opérateurs, montrent que les 2 équipes utilisent des réglages assez proches. Les gradients de tension à 1,5 m de l’anode se situent autour de 0,2 volts/cm. La fréquence utilisée par ERBIO est de 60 Hz. Le 3ème prestataire utilise une fréquence de 100 Hz qui correspond au réglage minimum pour ce type d’appareil (Martin pêcheur), mais qui dépasse les préconisations en termes de compromis efficacité-atteintes aux poissons (Beaumont, 2011 ; EIFAC, 2005). ECOTONE, pour qui nous n’avons pu mesurer la fréquence in situ, indique utiliser une fréquence de 40 Hz.
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Propositions :
Procéder lors de chaque opération à des mesures du gradient de tension dans l’eau à 1,5 m de l’électrode en vue de stabiliser les réglages entre opérateurs et entre opérations et déterminer une gamme de voltage optimisant le compromis entre efficacité et santé des poissons. La valeur de 0.2 V/cm mesurée nous parait cohérente avec les études réalisées récemment (Vigneron com. pers.).
En ce qui concerne la fréquence, dans l’attente d’études sur les espèces de NC, il convient de se rapprocher des gammes proposées par la bibliographie soit de 20 à 90 Hz (Halsband, 1968 ; EIFAC op cit).
Une attention particulière doit être prêtée aux réglages qui devraient être consignés à chaque opération.
Perturbations locales de conductivité Lors entretiens avec les bureaux d’études et lors des expérimentations sur le terrain, nous nous sommes rendu compte que les réglages étaient régulièrement modifiés au cours d’un même échantillonnage pour pallier des baisses d’efficacité ou des disjonctions. Sauf situation exceptionnelle, il est préférable que le réglage renseigné sur les fiches soit conservé pendant le déroulement de toute l’opération. Les variations d’efficacité et surtout les disjonctions à répétition constatées sur certaines stations sont liées à des variations micro-locales de la conductivité du substrat. Sur certains substrats très riches en métaux ou en sels, la conductivité du sédiment en contact avec la cathode, augmente brusquement et induit une demande forte en énergie du générateur qui en l’occurrence n’est pas assez puissant pour la fournir. Aussi, cela provoque un court-circuit entre l’anode et la cathode et une disjonction. Ce phénomène est relaté dans la bibliographie (Scholten, 2003 ; Pottier, 2017 a).
Proposition :
Ce problème peut être atténué par l’utilisation d’une « cathode flottante » qui évite un contact direct avec ces substrats très conducteurs et ainsi les phénomènes de disjonctions.
3.2.3.3. Epuisettes et « stopnets »
Les trois opérateurs utilisent des épuisettes et des filets « stopnets ». La taille et la forme des épuisettes sont très variables (cf. Photo 2 ci-après). Certaines de ces épuisettes ne sont pas des modèles professionnels, et sont par conséquent assez fragiles. On a observé deux principaux modèles d’épuisettes : des modèles carrés ou cordiformes qui servent plutôt de haveneau (posé sur le fond) et des modèles plus petits qui s’utilisent comme des épuisettes « volantes ». Certains opérateurs utilisent des épuisettes dont le cadre est ouvert sur partie inférieure de façon à épouser les formes du fond de la rivière.
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Photo 2 : Types d’épuisettes utilisées lors des démonstrations (photo T. Vigneron / AFB)
Les tailles des mailles d’épuisettes sont variables et ne sont pas toujours bien connues/renseignées sur les fiches. Le déficit d’épuisettes professionnelles semble provenir des difficultés d’importation de matériel en Nouvelle-Calédonie. De plus, les filets comportent parfois des trous qui peuvent baisser leur efficacité dans les zones de fort courant en particulier sur des juvéniles, les crevettes ou les petits individus en général.
Figure 13 : Disposition des différents opérateurs en action de pêche électrique lors des opérations de démonstration par les prestataires (photo J. Bouchard / AFB)
De plus, les épuisettes sont de types /mailles différentes et celles au deuxième plan semblent inutiles
L’utilisation de « stopnet » est intéressante sur les faciès rapides et radiers car ces filets permettent une meilleure capture des espèces benthiques et des crustacés (cf. Figure 13). Par contre, leur mise en œuvre est assez lourde et ne garantit pas l’isolement de l’habitat/faciès prospecté. Nous sommes également plus réservés sur leur utilisation comme filets barrages pour contribuer à un isolement complet de la zone pêchée. En effet, cet isolement n’est que partiel et n’empêche pas totalement la fuite des espèces de pleine eau (ex. Kuhlia) vers l’amont ou par contournement vers l’aval.
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Préconisations :
La maille des épuisettes doit être fixée : 3 ou 4 mm paraissent adaptés aux tailles des poissons le plus souvent capturés.
La forme et le diamètre d’ouverture des épuisettes est aussi à homogénéiser – a minima, utiliser des épuisettes professionnelles avec une structure en aluminium de type haveneau de forme adaptée à la plupart des cours d’eau.
L’utilisation systématique de deux types d’épuisettes professionnelles : deux épuisettes de réception de type haveneau et une épuisette volante de plus petite taille destinée prioritairement à la capture des petites espèces benthiques est une solution à envisager (cf. guide technique).
L’utilisation de « stopnets » (1 par anode) est préconisée, dans les faciès rapides et radiers, dans un rôle de « second écran » plus que comme outil de capture à proprement parler.
3.2.4. Biométrie
Atelier de mesures
Vraisemblablement en raison des difficultés d’accès et d’un nombre de poissons réduit, les ateliers « biométrie » que nous avons observés n’ont pas fait l’objet d’installations (tables, bacs…). Le matériel utilisé est assez sommaire et variable entre opérateurs : réglet ou pieds à coulisse (cf. Photo 3 ci-dessous), balance domestique, pas de viviers, quelques récipients de faible volume….
Photo 3 : Exemples de mesures réalisées sur le terrain (photo J. Bouchard / AFB)
Les mesureurs de tailles individuelles ne sont pas toujours adaptés (par exemple absence de gouttière humide avec une butée) ce qui peut engendrer une certaine variabilité dans les mesures de longueur. Il en va de même pour les pesées.
L’utilisation d’anesthésiant est variable suivant les équipes mais aussi suivant les espèces. L’anesthésie est préconisée particulièrement pour les espèces comme l’anguille ou des poissons qui seraient fragiles et particulièrement stressés et difficiles à immobiliser (mulets). Il faut rappeler que la manipulation est un stress supplémentaire au choc électrique et que le fait d’anesthésier les poissons permet d’en limiter les impacts et de prévenir les lésions qui pourraient apparaître suite à des chutes ou des compressions pendant l’immobilisation. Ce cumul de stress et de lésions augmente considérablement le taux de mortalité pendant les opérations de pêche électrique (Ross & Ross 2008
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in Pottier à paraître). Par contre, pour les espèces de petite taille, généralement peu mobiles, l’anesthésie n’est pas forcément nécessaire.
La détermination des petites espèces et juvéniles de gobiidae ou d’eleotridae apparaît particulièrement difficile. Les prestataires procèdent donc sur le terrain à des déterminations au genre et ne déterminent à l’espèce que les individus qui sont morts lors de la pêche.
Pour les Eleotris, a fortiori les juvéniles, un examen à la loupe binoculaire serait nécessaire pour garantir une bonne détermination à l’espèce (cf. Photo 4 ci-dessous). Ces poissons étant relativement rares, il n’est pas souhaitable de les sacrifier pour garantir la détermination, aussi bien pour des raisons éthiques que techniques (impact sur les suivis).
Photo 4 : Exemple de loupe frontale (photo N. Roset / AFB)
En ce qui concerne la détermination, il nous a semblé qu’il y avait une certaine hétérogénéité dans les capacités ou l’expérience des opérateurs de biométrie. De plus, nous n’avons pas constaté l’usage d’ouvrage de référence ou de clés de détermination lors de la mise en œuvre des chantiers de biométrie (ex. Atlas des poissons et crustacés de Nouvelle-Calédonie - Marquet et al., 2003).
Les prises de notes et notamment les codes d’espèces de poissons ne sont pas standardisés, ce qui peut facilement conduire à des erreurs lors de la saisie et des conséquences sur les traitements et les interprétations.
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Préconisations :
Au niveau du matériel, l’utilisation de gouttières avec butée pour mesurer les poissons améliorerait la précision et la standardisation des mesures qui doivent être réalisées avec une précision au millimètre. Les mesures et le pesage devrait être réalisés sur une table (type table de camping ou étal de marché en aluminium). Pour les pesées, il est nécessaire de définir une précision à minima à 0,1 g, avec une balance de précision résistant aux projections d’eau IP44 ou plus (norme EN 60529). L’utilisation de pesons est envisageable, pour les gros individus ou alors pour des pesées par lot avec une précision adaptée. Dans tous les cas, elle doit se faire indirectement à l’aide de filets pour empêcher toute blessure supplémentaire.
L’utilisation de viviers est préconisée pour les opérations présentant des densités conséquentes de poissons (pour des raisons évidentes d’ergonomie de transport, ceux-ci peuvent être pliables en filets fins).
Une anesthésie des poissons les plus stressés et mobiles avec des produits et dosages adaptés (exemple eugénol dilué à environ 10% en volume) améliorerait leur manipulation et la précision des mesures, et diminuerait les risques de cumul de stress, de lésions et de mortalités. A minima elle doit être employée pour les espèces de plus grande taille et les plus mobiles (anguilles, mulets, carpes…).
Il conviendrait de stabiliser les niveaux de détermination sur le terrain en fonction des taxons de la complexité de leur détermination et de la taille des individus. Par exemple, les éléotridés sont rarement déterminables sur le terrain. Le niveau de détermination de cette famille devrait donc être le genre. La détermination à l’espèce pour les Eleotris ne se ferait au laboratoire qu’en cas de mortalité des individus pêchés. L’utilisation d’une petite loupe de terrain peut aussi améliorer la qualité de la détermination pour les plus petits individus. La présence de clés de détermination est indispensable sur chaque chantier de biométrie. Concernant les prises de notes, il convient d’établir un référentiel de codage des espèces à l’instar des codes utilisés en métropole. Des tableaux standardisés présentant tous les éléments à renseigner permettent également de garantir une certaine qualité de données.
3.2.5. Morphométrie des stations
Les mesures de la longueur de la station et de la largeur moyenne mouillée sont essentielles, notamment dans les pêches complètes, car des imprécisions sur ces paramètres impactent directement l’estimation des CPUE (densités rapportées à la surface). Nous avons observé plusieurs méthodes de mesures des largeurs susceptibles de générer de la variabilité dans les résultats. Certaines mesures de largeurs sont effectuées sans soustraire les zones émergées hors d’eau au sein du lit mineur, ce qui modifie considérablement le calcul de la surface pêchée (S² = Largeur mouillée moyenne x Longueur pêchée). Par ailleurs, les mesures peuvent être réalisées au décamètre ou par l’utilisation d’un drone. Même si les résultats peuvent être comparables et suffisamment précis, il serait nécessaire de le vérifier au moyen d’opérations d’intercalibration.
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La profondeur est également un paramètre important de caractérisation des stations et d’interprétation des résultats, c’est pourquoi on préconise également une mesure selon un protocole approprié.
De plus, la réalisation de 5 transects positionnés de manière systématique nous semble insuffisante au regard de la variabilité observée sur certaines stations (par exemple largeur variant du simple au double sur ex. CBN-70).
Préconisations :
Intercalibration des mesures au décamètre versus drone.
Réaliser au moins 10 transects de mesures des largeurs mouillées et de profondeurs. Ces transects sont positionnés de manière systématique (1 tous les 1/9ème de la longueur de station).
3.2.6. Sécurité des opérateurs et du public et précautions sanitaires
La pêche électrique met en œuvre un courant électrique continu (ou continu par impulsions selon les appareils utilisés) à des tensions et un ampérage potentiellement dangereux pour l’homme. La sécurité des personnes, que ce soit les opérateurs ou le public externe, est un facteur primordial à prendre en compte.
L’arrêté ministériel de 1989 relatif à la pêche électrique décrit parfaitement les points primordiaux de sécurité à respecter.
3.2.6.1. Dispositif de type interrupteur
Le courant doit pouvoir être interrompu à tout moment en cas de problème (chute dans l’eau d’un opérateur). Ainsi, dans le cas de la Nouvelle-Calédonie où tous les opérateurs utilisent des matériels portatifs, ces derniers doivent disposer d’un interrupteur ou d’un contacteur