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«Les gens gagnent à être connus, disait Paul Morand, ils y gagnent en mystère». C’est un

peu la réflexion que l’on se fait en lisant un livre qui vient de paraître sur la vie de Jacques Brel, ou plutôt sur ses dernières années, ses ultimes envies, ses voyages incessants, ses passions. Journaliste et écrivain, Arnaud Bédat a publié récem-ment deux ouvrages sur le pape François, le premier consacré à ses années argen-tines, «François l’Argentin», le deuxième au combat que ce pape, moderne à sa ma-nière, a engagé contre les milieux conser-vateurs au Vatican, «Seul contre tous». Il vient de publier un livre consacré à un autre géant, de la chanson celui-ci, l’im-mense et immortel Jacques Brel. Un livre écrit à quatre mains, avec un pilote profes-sionnel, Jean Liardon, 77 ans aujourd’hui, un Vaudois longtemps établi à Genève et habitant aujourd’hui à Dubaï, qui fut l’ins-

tructeur, le pilote privé, et surtout l’ami du célèbre chanteur.

Rencontre par un ami commun

«J’ai rencontré Jean Liardon grâce à un ami commun de Montréal, se souvient Arnaud Bédat. Son nom ne m’était pas étranger, connaissant un peu la vie de Jacques Brel. Nous nous sommes vus et nous avons rapi-dement décidé de faire un livre ensemble. Jean Liardon avait toujours refusé jusqu’ici de parler en détail de son amitié avec Jacques Brel, mais il fi nalement voulu apporter son témoignage à tous les amoureux du Grand Jacques».

Un Jacques Brel plus secret, plus intime

Le résultat, c’est un livre du domaine de la découverte et de la sensibilité, un récit tendre

et souvent joyeux qui renouvelle complè-tement et enrichit notre connaissance de Jacques Brel. On connaissait l’immense ar-tiste; on découvre l’homme plus secret, plus intime, qui rêve curieusement d’une autre vie qui viendrait s’ajouter à sa vie déjà ac-complie de chanteur. Arnaud Bédat a parlé longuement avec Jean Liardon, recueillant souvenirs et confi dences, avant de partir lui-même aux Marquises, où le célèbre Belge avait choisi de vivre à la fi n de sa vie. Une passion pour l’aviation

Artiste maudit longtemps rejeté avant d’être enfi n accepté puis adulé, Jacques Brel dé-cide soudain de faire ses adieux à l’Olympia en 1966, avant une ultime tournée l’année suivante. C’est deux ans plus tard que cet étrange retraité franchit les portes de l’Ecole des ailes, une école de pilotage établie à Ge-nève, à deux pas de l’aéroport de Cointrin,

■ VOIR UN AMI VOLER

Quand Jacques Brel volait et vivait à Genève… On croyait tout connaître de Jacques Brel, ses récitals ses chansons, sa vie, son œuvre, son cancer, sa mort prématurée et si injuste à 49 ans, le 9 octobre 1978, à Paris. C’est un tout autre aspect de sa vie, sa passion pour l’aviation, que le journaliste jurassien Arnaud Bédat révèle dans un livre qui vient de paraître, «Voir un ami voler» (Editions Plon). On y découvre que l’immense artiste était non seulement un pilote accompli, mais qu’il avait aussi voulu, après avoir quitté la scène, devenir pilote professionnel à Genève.

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à Genève. Jacques Brel tombe sur un jeune pilote sympathique et dynamique, Jean Liardon, et lui explique qu’il sait déjà un peu piloter - il fait du vol à vue - mais qu’il veut apprendre à piloter aux instruments, comme un véritable professionnel Liardon devient son instructeur. «Jacques Brel était très doué, se rappelle Jean Liardon. Il était très rigoureux, très méthodique. Il a passé ses diplômes facilement. J’étais impression-né. En plus il était toujours très amical, très ouvert».

Le goût du bonheur jusqu’au bout

Une amitié est née et durera pour toujours. Des voyages, des émerveillements, des soi-rées à refaire le monde, une complicité, une confiance, des projets de toute sorte, une même soif d’émotions et de bonheur… «Jacques Brel aimait voler, explique Arnaud Bédat, c’était pour lui des moments de liber-té absolue. Il a même envisagé de devenir pilote professionnel pour transporter des personnalités dans des jets d’affaires». Un artiste légendaire sur le point de devenir pi-lote professionnel? Une reconversion de la scène à l’aviation? L’idée est bien partie, mais le Grand Jacques, soudain, qui était aussi un gros fumeur, ressent les premières atteintes du cancer des poumons qui allait l’emporter. De retour à Genève après un malaise aux Ca-

naries, il fait des examens à la Permanence des Eaux-Vives. Le verdict tombe, impi-toyable. Il apprend qu’il est malade.«Les dernières années de Jacques Brel, se rappelle Jean Liardon, c’est une quête de bonheur désespéré. Il veut profiter de la vie, il veut vivre jusqu’au bout». Avant de s’en-

voler pour de bon, pour ce dernier voyage auquel nul n’échappe, l’ancien chanteur aura épuisé tous les plaisirs de la terre et du ciel. n

François Valle

* Jean Liardon et Arnaud Bédat, «Voir un ami voler – Les dernières années de Jacques Brel», Ed. Plon, 2018.

Jacques Brel, avec son ami suisse Jean Liardon.