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Caroline BARBARAS – Master II « Manager de l’Assurance »
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«« EErrrraarree hhuummaannuumm eesstt,, ppeerrsseevveerraarree ddiiaabboolliiccuumm »»
Directeur de Thèse : M. Christian S.
Caroline BARBARAS | Année 2012
THESE
PROFESSIONNELLE
« Dans quelles mesures les assureurs peuvent-ils aider les établissements de santé dans la gestion des
événements indésirables (graves) liés aux soins ? »
Caroline BARBARAS – Master II « Manager de l’Assurance »
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SSOOMMMMAAIIRREE
REMERCIEMENTS ............................................................................................................................................. 3
INTRODUCTION ................................................................................................................................................ 4
TITRE 1 : Le traitement des événements indésirables graves ......................................................... 6
1.1 Le risque de quoi parle-t-on ? .......................................................................................................................... 6 1.1.1 Ses caractéristiques et conséquences .................................................................................................. 6 1.1.2 Le risque zéro existe-t-il ? ...................................................................................................................... 11
1.2 Contexte de la sinistralité potentielle ........................................................................................................ 12 1.2.1 En chiffres ..................................................................................................................................................... 12 1.2.2 Les causes ..................................................................................................................................................... 18
TITRE 2 : Divulguer un événement indésirable grave ou un accident ....................................... 20
2.1 Respecter la divulgation et l’information au patient ........................................................................... 20 2.1.1 Pourquoi faut-il divulguer ? .................................................................................................................. 20 2.1.2 Qui doit-on informer? .............................................................................................................................. 23 2.1.3 A qui revient la responsabilité d’assurer la divulgation ? ....................................................... 26 2.1.4 A quel moment doit-on procéder à la divulgation ? .................................................................... 27
2.2 Stratégie de prise en charge psychologique à adopter par les établissements de soins ...... 29 2.2.1 Prise en charge psychologique des différents intervenants .................................................... 29 2.2.2 Une culture médicale facilitant la transparence ........................................................................... 32 2.2.3 Y a-t-il une solution ? ............................................................................................................................... 33
TITRE 3 : Les mesures de prévention pour lutter contre les événements indésirables
(graves) liés aux soins ................................................................................................................................. 35
3.1 Prévenir pour sécuriser le système de soins .......................................................................................... 35 3.1.1 Mise en place d’actions de prévention à deux niveaux .............................................................. 36 3.1.2 Quelle stratégie de maîtrise des risques ? ....................................................................................... 37 3.1.3 La démarche de gestion des risques : quels objectifs ? .............................................................. 38 3.1.4 Mesures à améliorer et à adopter par les établissements de santé ...................................... 38
3.2 Analyse de l’organisation de l'environnement de travail au sein de l'établissement ........... 41 3.2.1 Problèmes récurrents dans l’organisation ...................................................................................... 41 3.2.2 Préconisations pour remédier à un mauvais environnement de travail ............................ 42
3.3 Prévention au niveau de l’assureur ............................................................................................................ 43 3.3.1 Avis et préconisations sur les moyens de prévention existants ............................................ 43 3.3.2 Proposition de nouveaux moyens de prévention ........................................................................ 48
3.4 Comparaison avec l'étranger ......................................................................................................................... 50 3.4.1 Une problématique relativement ancienne Outre-Atlantique ................................................ 50 3.4.2 Les événements indésirables à l’étranger en quelques chiffres ........................................... 51 3.4.3 La France, désireuse de lutter à son tour contre les événements indésirables liés aux soins ........................................................................................................................................................................... 54
CONCLUSION ................................................................................................................................................... 56
ABSTRACT ........................................................................................................................................................ 57
BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................................................................. 58
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RREEMMEERRCCIIEEMMEENNTTSS
Je souhaite, tout d’abord, remercier Emilie S., ma responsable de service ainsi que
Christian S., mon tuteur et directeur de thèse professionnelle, pour leur disponibilité et leurs
précieux conseils et pour m’avoir guidée vers les personnes aptes à m’aider à la réalisation
de ma thèse.
Je souhaite également faire part de ma reconnaissance à mes collègues du service
« Règlements Responsabilité Civile Médicale » pour avoir partagé leurs expériences et pour
m’avoir transmis une part de leur patrimoine professionnel.
Je tiens également à remercier Serge B. et Olivier M., formateurs travaillant en partenariat
avec AXA France, pour m’avoir fourni la documentation nécessaire ainsi que des formations
permettant une meilleure appréhension du domaine de l’assurance Responsabilité Civile
médicale.
Je suis redevable à Jean-Pierre M., Ingénieur en Prévention et Conseil en Responsabilité
Civile médicale, qui a su me guider à travers la réalisation de ma thèse et m’apporter les
pistes nécessaires.
Je remercie aussi le Docteur X. qui a été disponible pour répondre à mes interrogations sur
ce sujet passionnant lors d’un entretien.
Enfin, j’exprime ma gratitude au corps professionnel de l’Ecole Supérieure d’Assurances
pour la qualité de leur enseignement.
NB : Pour des raisons de confidentialité, les noms ont été anonymisés.
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IINNTTRROODDUUCCTTIIOONN
Diplômée de la Licence Professionnelle des Métiers de l’Assurance, j’effectue ma seconde
année de master « Manager de l’Assurance » à l’Ecole Supérieure d’Assurances. Durant
mon cursus assurantiel mes compétences dans ce domaine ont été approfondies. J’effectue
cet apprentissage au sein du service « Règlements Responsabilité Civile Médicale » de la
compagnie AXA Entreprises. Mon travail consiste à gérer mon propre portefeuille composé
d’environ 150 dossiers.
Le secteur dans lequel je travaille est en constante évolution où les assureurs y ont un rôle
important à jouer. En effet, ils ont le devoir d’accompagner les établissements de soins dans
la gestion du risque médical. Toutefois, le risque médical étant difficile à cerner puisqu’il se
développe sur au minimum une dizaine d’années, certains sujets ont besoin d’être
améliorés, et plus particulièrement au sein même des établissements de soins. En effet, de
plus en plus d’incidents, plus ou moins graves, surviennent et engendrent des préjudices
directs (sanitaires, assurantiels, économiques, juridiques) aux patients, tout comme aux
établissements (préjudices indirects). La survenue de ces incidents, appelés « Evénements
Indésirables Graves » (EIG) constitue une problématique importante pour le système de
santé. C’est dans ces conditions que la loi du 9 août 2004, relative à la politique de santé
publique, compte parmi ses objectifs la réduction des EIG.
L’intérêt de ce sujet est donc de montrer que les événements indésirables graves liés aux
soins au sein des établissements de santé constituent un réel problème, auquel il serait
opportun, voire indispensable, de trouver une solution. J’ai donc décidé d’étudier le sujet
suivant : « dans quelles mesures les assureurs peuvent-ils aider les établissements de
santé dans la gestion des événements indésirables graves liés aux soins ? »
Je m’emploierai dans un premier temps à parler du traitement des événements indésirables
graves liés aux soins de façon générale, à travers deux sous-parties. D’abord, je définirai
l’événement indésirable grave et j’exposerai ensuite le contexte de la sinistralité potentielle.
Dans un deuxième temps, j’étudierai les différentes façons de divulguer un événement
indésirable grave en rappelant, bien sûr, que les professionnels de santé sont tenus au
respect de leur devoir d’information et de conseil, puis j’analyserai la stratégie de prise en
charge que doivent adopter ces mêmes professionnels.
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Dans un troisième temps, j’analyserai la problématique de ce risque sous un angle théorique
en me référant à de nombreuses sources d’informations et dossiers traitant du sujet.
J’exposerai d’abord mes idées pour sécuriser le système de soins, puis j’analyserai les
limites des établissements qui ne leur permettent pas de restreindre le nombre d’EIG et je
préconiserai un certain nombre de solutions concernant ces dernières. Enfin, je ferai une
brève comparaison du système français en matière de traitement de ce risque avec
l’étranger.
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TTIITTRREE 11 :: LLEE TTRRAAIITTEEMMEENNTT DDEESS EEVVEENNEEMMEENNTTSS
IINNDDEESSIIRRAABBLLEESS GGRRAAVVEESS
Dans cette première partie, je vais proposer des définitions de l’événement indésirable
(grave) lié aux soins. J’étudierai ensuite l’existence, ou non, du risque zéro et j’en viendrai à
analyser le contexte actuel de la sinistralité potentielle en rappelant les secteurs les plus à
risque.
1.1 Le risque de quoi parle-t-on ?
1.1.1 Ses caractéristiques et conséquences
Il convient de savoir que lorsqu’un patient va consulter son médecin ou se faire hospitaliser
dans un établissement de soins, il n’est pas à l’abri d’un événement indésirable. Ainsi, le
professionnel de santé ou l’intervenant l’ayant pris en charge peut être confronté à la
survenue d’une situation inattendue qui pourra avoir des conséquences plus ou moins
graves sur la santé du patient.
Un événement indésirable est donc un évènement imprévisible, soudain, qui met en tension
l’institution, qui désorganise la structure de soins. Il doit revêtir les caractères suivants :
exceptionnel, indésirable et non souhaité, qui génère des réactions exceptionnelles.
Nous pouvons également le définir comme un temps de rupture soudain et violent marqué
par une situation aigüe, débordant les capacités de régulation habituelle de l’institution et
ayant des conséquences importantes plus ou moins durables sur l’institution comme sur les
personnes impliquées dans l’événement.
Nous pensons que ces différentes définitions caractérisent au mieux l’événement indésirable
et rejoignent l’avis du médecin interrogé, puisque pour ce dernier un événement indésirable
se définit comme « la survenue de tout événement non conforme aux suites attendues
(complications connues et/ou classiques ou complications plus exceptionnelles) ».
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L’événement indésirable est donc défavorable pour le patient. Plusieurs causes
d’événements indésirables sont relatées, telles que :
- l’évolution naturelle de la maladie ;
- des stratégies et actes de diagnostic ;
- un traitement non adapté ;
- l’absence de prévention ou de réhabilitation.
Différents critères doivent également être pris en compte afin d’évaluer la notion de gravité
de l’événement indésirable. Il est considéré que l’événement indésirable est « grave »
lorsque :
- l’événement indésirable prolonge l’hospitalisation ;
- ou s’il est à l’origine d’un handicap ;
- ou si ce dernier conduit à une invalidité ou à une incapacité persistante et significative
du patient à la fin de l’hospitalisation ;
- ou encore s’il engage le pronostic vital et/ou conduit au décès du patient.
Cependant, si la survenance d’événements indésirables (graves) dans les établissements de
soins est inéluctable, elle peut être réduite si l’événement est détecté à temps. En effet,
lorsque les soins sont conformes à la prise en charge du patient au moment de cet
événement, l’événement indésirable grave peut être évité. Toutefois, lorsque l’événement
indésirable n’est pas évité, la responsabilité civile médicale de l’établissement peut être
engagée. Nous verrons donc dans la suite de cette thèse les moyens de prévention à mettre
en œuvre pour lutter contre la survenance d’événement indésirable grave.
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La réalisation du risque : Comment survient un accident ?
L’accident est le résultat d’un cumul (d’une concomitance) de défaillances selon le modèle
de Reason. Nous en comptabilisons trois :
- les erreurs actives des acteurs de première ligne : ce sont des erreurs
involontaires ;
- les acteurs contributifs latents liés à un contexte organisationnel favorisant la
survenue des défaillances humaines : ces facteurs sont représentés par le stress
du personnel, une mauvaise ambiance régnant au sein du service… ;
- les défaillances de barrières de sécurité qui auraient pu permettre de détecter,
de récupérer et/ou d’atténuer les erreurs commises : ces défaillances sont
caractérisées par les diplômes obtenus par le personnel hospitalier, les protocoles
et/ou procédures mis en place au sein de l’établissement de soins…
Le modèle de Reason représente la chaîne accidentelle : de l’admission du patient jusqu’à la
réalisation de l’événement indésirable. Les « O » représentent des « trous » au sein du
service. S’il n’y en a pas sur une barre cela signifie que le risque ne se propage pas, il a
donc été identifié et géré. Il n’y aura pas de suites à l’incident, appelé événement indésirable.
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Les erreurs des acteurs « de première ligne »
Diagnostic, décision, réalisation d’actes techniques…
L’erreur
- de routine : son fonctionnement est basé sur les habitudes ; l’acteur n’a pas
conscience qu’il est face à un problème ;
- d’activation des connaissances : l’acteur a pris conscience qu’il est face à un
problème. L’erreur résulte d’une mauvaise solution par activation d’une mauvaise
règle ou du manque d’application d’une bonne solution dans les délais impartis ;
- de possession de connaissances : l’acteur est conscient qu’il est face à un
problème dont il ignore la solution…
La déviance : il s’agit de la transgression volontaire d’une règle, d’une norme, d’une
instruction…
Les défaillances du système
Conception circuits, management, équipements, formation,…
Une ou plusieurs de ces défaillances peuvent contribuer à favoriser la survenue d’une erreur
de la part des acteurs de première ligne et ainsi contribuer à la création d’un accident.
Exemples :
- Retard dans la réalisation d’une césarienne ;
- Absence d’un obstétricien lors d’un accouchement dystocique ;
- Mauvaise tenue du dossier patient ;
- Retard de transmission de résultats de laboratoire.
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En matière de gestion des risques, il est important de dissocier les notions de faute et
d’erreur :
- la recherche des causes et du contexte de l’erreur doit primer sur la recherche d’un
fautif ;
- les incidents, les précurseurs et les accidents ont les mêmes causes.
Les conséquences de la réalisation d’un événement indésirable, qu’il soit grave ou non, sont
diverses et varient selon les personnes concernées.
Ainsi, pour le patient, différentes conséquences sont constatées, certaines plus graves que
d’autres, telles que : le décès, dommage corporel, invalidité, impact psychologique.
Pour les proches de la victime, il peut s’agir d’un choc émotionnel ou d’une mauvaise
surprise. Face à l’annonce de l’incident, plusieurs sentiments peuvent prendre l’avantage sur
les proches : désarroi, irritabilité, colère, agressivité, accusations.
L’équipe professionnelle ne reste quant à elle pas sans certains ressentis. En effet, elle peut
également éprouver un certain choc émotionnel, de la culpabilité, de l’agressivité ou de la
colère. Le déni de la survenue d’un tel incident peut aussi arriver, la personne ayant commis
une erreur ne voulant pas le reconnaître. Le personnel hospitalier peut alors se sentir
découragé, dévalorisé ou simplement épuisé.
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1.1.2 Le risque zéro existe-t-il ?
Les événements indésirables sont souvent considérés par les professionnels de santé
comme des faits déplorables. Cependant, il faut savoir, comme nous l’avons énoncé plus
haut, que ces derniers ne peuvent parfois être évités.
Les professionnels de santé doivent garder à l’esprit que « Errare humanum est » (« l’erreur
est humaine ») mais qu’il est nécessaire de mettre en œuvre des moyens pour remédier à
ces erreurs pour éviter de les refaire puisque « perseverare diabolicum » (« persévérer dans
l’erreur est diabolique »). Rappelons que les professionnels de santé sont responsables de
leurs fautes et disposent d’une obligation de moyens envers leur patient. Toutefois, une
obligation de sécurité de résultat envers les patients a été mise en place.
Les événements indésirables, graves ou non, pourraient donc voir leur nombre réduit lorsque
la cause de l’erreur est identifiée. Il convient de garder à l’esprit que cette cause est souvent
multifactorielle. Cette erreur peut avoir plusieurs causes et la tâche d’identification n’est bien
entendu pas la plus simple mais sans doute la plus indispensable.
Cependant, selon le médecin que nous avons interrogé, la plupart des événements
indésirables serait bien entendu évitable. Il existe des référentiels pour de nombreuses
pathologies auxquelles il est important de se référer pour justement éviter les EI. Toutefois,
le « risque zéro n’existe pas », tout ne peut pas toujours être évité et les accidents ne sont
pas rares puisqu’en sont recensés près de 400 par jour. Une fois sur deux, les accidents
sont effectivement reconnus comme des erreurs mais pour la différence, les soignants n’y
peuvent rien car il peut s’agir d’un aléa thérapeutique.
L’identification de la cause d’un événement indésirable ne cesse d’évoluer selon certains
critères. En effet, elle dépend des situations rencontrées, des protagonistes impliqués et de
la progression des connaissances médicales.
Ainsi, ce qui n’est pas évitable aujourd’hui le sera peut être demain. Ne serait-ce par
exemple que par le recensement et la collecte de données sur les événements iatrogènes,
garant en principe d’une sécurité croissante par les améliorations censées en découler.
D’un autre côté, le consensus ou le référentiel actuel sera peut être considéré demain
comme une erreur (comme c’est le cas par exemple des indications de certains
antibiotiques, qui évoluent en fonction des résistances bactériennes).
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Quoi qu’il en soit, l’objectif d’un service hospitalier n’est pas le « risque zéro », qui relève de
l’imaginaire mais de fixer, à travers différents procédés, un niveau de risque acceptable.
1.2 Contexte de la sinistralité potentielle
1.2.1 En chiffres
Des chiffres qui restent préoccupants en matière de risques iatrogènes…
En France, une fois sur 10, un patient hospitalisé peut sortir de l’établissement de soins plus
malade qu’il n’est entré. De plus, 10.000 décès sont recensés chaque année dans ces
établissements. Certes, la médecine est loin d’être infaillible, mais le nombre d’accidents,
plus ou moins graves, ne diminue pas.
Selon le Ministère de la Santé, près de 900 événements indésirables seraient recensés par
jour au sein des établissements de soins français dont près 400 seraient évitables car liés à
des erreurs. Cependant, il n’existe aucune publication officielle de chiffres en France car la
loi du silence règne en maître à la différence des Etats-Unis ou de l’Angleterre. Il est donc
impossible de connaître leur nombre exact car les professionnels de santé vivent dans la
crainte de les signaler alors que la loi les y oblige. La transparence liée à la mortalité ainsi
que celle liée aux taux d’infection sont donc à revoir.
Toutefois, bien que la France ne publie pas de chiffres officiels, des études ont été réalisées,
à partir de l’année 2004 pour donner à la population un aperçu de ces événements.
Ainsi, avant 2004, il n’existait aucune enquête en France présentant les risques iatrogènes,
qui sont des risques représentant une ou plusieurs complications non souhaitées chez un
patient. Auparavant, il existait uniquement des études anglo-saxonnes.
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Densité d’incidence des EIG identifiés pendant l’hospitalisation entre 2004 et 2009 :
EIG TOTAL EN 2004 EIG TOTAL EN 2009
Nombre de jours
observés
Nombre d'EIG
Densité d'incidence
(en %)
Nombre de jours
observés
Nombre d'EIG
Densité d'incidence
(en %)
Total en Médecine
17 105 106 5,7 17 539 80 4,7
Total en Chirurgie
18 129 149 8,4 14 124 134 9,2
TOTAL 35 235 255 7,2 31 663 214 6,2
Source : ENEIS 2009
Pour réaliser ce tableau les établissements sondés ont été les suivants : les Centres
Hospitaliers Universitaires (CHU) ou Régionaux (CHR), les Centres Hospitaliers (CH) et
autres établissements publics et privés à but non lucratif et enfin, les Etablissements Privés
(EP) à but lucratif.
Nous constatons que le nombre d’événements indésirables graves identifiés entre 2004 et
2009 est sensiblement identique.
L’enquête épidémiologique nationale sur les événements indésirables graves liés aux soins
(ENEIS) réalisée en 2004 et parue en 2005, à l’initiative du ministère de la Santé, a permis
de connaître la fréquence des événements les plus graves et leur répartition.
Ainsi, selon cette enquête, à cette période, nous comptions :
- 6 à 8 événements indésirables pour 1000 jours d’hospitalisation, selon les secteurs
d’activités ;
- 350.000 à 450.000 événements indésirables graves par an ;
- Près de 25.000 décès dont environ 4000 par infections nosocomiales et 5000 par
iatrogénie médicamenteuse ;
- 35% des événements indésirables graves identifiés pendant une hospitalisation sont
évitables.
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Les résultats en 2009, révélés par une seconde enquête sont proches de ceux de 2004 :
- 374 EIG pour 31.663 jours d’hospitalisation :
214 EIG survenus pendant hospitalisation
160 EIG sont cause d’hospitalisation
- 5 à 9 événements indésirables pour 1000 jours d’hospitalisation, selon les secteurs
d’activités ;
- 275.000 à 395.000 événements indésirables graves par an en cours
d’hospitalisation ;
- 47,3% des événements indésirables graves identifiés pendant une hospitalisation
sont évitables, soit 95.000 à 180.000 EIG évitables chaque année.
Ainsi, nous remarquons qu’un tiers des événements indésirables graves liés aux soins sont
évitables et que tout accident ou incident a toujours (à 99%) été précédé d’événements
qualifiés de précurseurs.
L’enquête ENEIS montre qu’en France les résultats liés aux événements indésirables graves
liés aux soins sont semblables à ceux recensés dans les pays étrangers, mais cela ne veut
pour autant pas dire que ces derniers soient bons.
Source : AXA Entreprises
Au sein d’AXA Entreprises par exemple, malgré les mesures de prévention prises par les
établissements assurés, la fréquence de survenance des sinistres augmente. Elle reste
stable pour les infections nosocomiales mais en revanche augmente de 7% pour les fautes
médicales.
Cette notion de faute concerne les erreurs médicales commises par le personnel salarié de
l’établissement de soins, qui, souvent sont partagées avec les praticiens libéraux exerçant
en clinique.
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Source : AXA Entreprises
Nous remarquons qu’entre 2005 et 2008, au sein du portefeuille d’AXA Entreprises, il y a eu
une nette augmentation des sinistres graves, c'est-à-dire supérieur à 150 000 euros. En
effet, une hausse de 90 % est constatée. Cela concerne essentiellement les infections
nosocomiales, les fautes d’organisation au sein du service et également d’autres causes.
Cette évolution stupéfiante démontre toute l’importance de mettre en place de nouveaux
moyens de prévention pour lutter contre les événements indésirables graves.
Avec l’analyse des différents sinistres déclarés nous constatons que :
- 10 à 15% sont liés aux vigilances sanitaires ;
- 85% sont la conséquence d’une erreur humaine :
des acteurs « de première ligne » (20%)
de l’organisation des soins (80%)
Pour une meilleure compréhension de ce risque, cela représente en France environ deux
crashs d’avions gros porteurs par semaine. Les événements indésirables sont considérés
comme un risque de santé publique.
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EIG en cours d’hospitalisation :
6,2 EIG pour 1000 journées d’hospitalisation, soit 1 EIG tous les 5 jours dans un service de
30 lits.
En Chirurgie, il est recensé 9,2 EIG pour 1000 jours d’hospitalisation, soit 1 EIG tous les 3,3
jours.
Les secteurs les plus à risques en unité de chirurgie sont :
• Cardio-thoraxique
• Réanimation
• ORL-Stomatologie
Les praticiens les plus exposés aux procédures sont d’ailleurs les chirurgiens. En effet, en 35
ans de carrière, chacun d’eux serait mis en cause en moyenne 17 fois dans leur vie
professionnelle.
En Médecine, nous comptabilisons 4,7 EIG pour 1000 jours d’hospitalisation, ce qui
représente 1 EIG tous les 6 jours dans ce service et plus particulièrement dans le secteur de
la gériatrie.
2 CRASHS D’AVIONS GROS
PORTEURS / SEMAINE
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En 2009, sur les 9 millions de séjours d'hospitalisation complète en services de médecine et
de chirurgie, entre 330.000 et 490.000 admissions auraient donc pour cause un événement
indésirable grave, dont 160.000 à 290.000 pourraient être considérés comme évitables.
Concernant le secteur obstétrique réalisant 1500 naissances par an avec une durée
moyenne de séjour de 4 jours : il est recensé plus ou moins 42 événements indésirables
potentiellement graves par an dont 15 seraient évitables, ce qui représente un événement
indésirable potentiel pour 35 accouchements.
Selon le Docteur Thierry HARVEY, gynécologue obstétricien à l’Hôpital des Diaconesses à
Paris « tout accouchement est un acte à risque ». Sur 830.000 naissances par an, en
France, 85 femmes vont décéder dans les suites de couches.
EIG causes d’hospitalisation :
4,5% des séjours sont causés par un EIG, ce qui signifie qu’un séjour sur 20 serait évitable,
soit près de 2,6% d’EIG évitables.
Il est comptabilisé 2,6 événements indésirables graves pour 1000 jours d’hospitalisation soit
41 %. Cependant, bon nombre d’entres eux seraient évitables :
- 95.000 à 180.000 EIG évitables chaque année ;
- Soit 1 EIG évitable tous les 13 jours, sans faire de différence entre les services de
médecine et de chirurgie.
Pour illustrer ces chiffres, nous nous sommes intéressés à des EIG survenus dans un
service d’obstétrique. Ainsi, selon une étude, JCAHO, Préventing infant death and injury
during delivery. Sentinel Event. July 21, 2004, les causes des erreurs et dysfonctionnements
observés lors des accidents obstétricaux sont diverses et relativement étonnantes :
- Problèmes d’organisation et de communication : 72% ;
- Compétence de l’équipe : 47% ;
- Prise en charge inadaptée : 40% ;
- Défaut d’appréciation du RCF : 32% ;
- Matériels ou thérapeutiques inadaptés : 30% ;
- Appel tardif au médecin : 19% ;
- Diagnostic prénatal insuffisant : 11%.
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1.2.2 Les causes
Comment un événement indésirable peut encore survenir de nos jours alors que la
médecine évolue de plus en plus ?
Selon les études ENEIS 2004 et 2009, les événements indésirables sont « associés en
partie à une pratique médicale sous-optimale, une perte de temps, une rupture dans la
continuité des soins, des déviances diverses, par rapport à des protocoles, des règles ou
des recommandations ». Les événements indésirables révèlent donc un nombre important
de « défaillances humaines des professionnels, de supervision insuffisante des
collaborateurs, une mauvaise organisation ou encore de déficit de communication entre
professionnels ».
1. Causes : plusieurs situations peuvent déboucher sur un événement indésirable. Ainsi, un
défaut dans la réalisation des soins (qui est le cas le plus recensé) ou encore, des soins non
appropriés, ou un retard ou une erreur dans la réalisation (en majorité liés aux actes invasifs
et aux interventions chirurgicales 1,7/1000; produit de santé 1,1/1000; infections 0,9/1000)
sont des causes potentielles d’événement indésirable (grave).
2. Facteur contributifs : la fragilité du patient insuffisamment prise en compte peut être un
facteur contributif.
3. De causes systémiques fréquentes liées en majorité aux FH et au management (ENEIS
2009) :
- Défaillance humaine d’un professionnel : 27,6% ;
- Supervision insuffisante des collaborateurs : 26,4% ;
- Communication insuffisante entre professionnels : 24,1% ;
- Composition inadéquate des équipes : 16,1% ;
- Mauvaise définition de l’organisation et de la définition des tâches : 12,6% ;
- Infrastructures inappropriées : 17,2% ;
- Défaut de culture qualité : 8%.
4. Des erreurs au niveau des opérateurs sont recensées. Il s’agit principalement d’erreurs
par « commission » (nous en comptabilisons 64). Les erreurs par omission sont moins
nombreuses (à hauteur de 23).
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Nous avons recensé dans un tableau un certain nombre de causes susceptibles d’engendrer
un événement indésirable :
Causes immédiates Causes latentes
DEFAUT D'APTITUDE
Au niveau de la gestion des compétences :
- Absence de professionnel compétent
- Déficit de contrôle des compétences
- Défaut de formation continue
DEFAUT D'ATTENTION, FATIGUE
Au niveau de l'organisation du travail :
- Absence de repos de sécurité
- Durée excessive de travail sans repos
- Gestion du personnel inadéquate
DECISIONS NON CONFORMES AUX
REFERENTIELS PROFESSIONNELS
Au niveau de la gestion des documents qualité :
- Absence de protocole
- Protocole non accessible
- Protocole obsolète
ENCADREMENT Défaut de supervision
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TTIITTRREE 22 :: DDIIVVUULLGGUUEERR UUNN EEVVEENNEEMMEENNTT IINNDDEESSIIRRAABBLLEE
GGRRAAVVEE OOUU UUNN AACCCCIIDDEENNTT
Dans cette deuxième partie, je vais analyser les processus à respecter pour aider les
établissements de soins à gérer les événements indésirables graves. Dans une première
sous-partie je traiterai du respect et surtout, de l’obligation d’information du personnel
hospitalier au patient. J’étudierai les méthodes de divulgation que les établissements de
santé tentent de respecter et j’expliquerai les raisons pour lesquelles elles sont importantes.
Dans une seconde sous-partie, j’analyserai les stratégies à adopter par les établissements
pour prendre en charge les patients, leur entourage et même le personnel soignant.
2.1 Respecter la divulgation et l’information au patient
2.1.1 Pourquoi faut-il divulguer ?
Pour permettre au patient d’effectuer un choix :
En cas de survenue d’un événement indésirable pour le patient, une procédure d’annonce
doit être mise en place au sein de tout établissement de santé. Cette procédure permettra
d’établir un espace de dialogue entre l’équipe médicale et le patient, ce qui découlera tout
naturellement vers une relation de confiance.
La direction et le personnel hospitalier pourront ainsi être davantage réactifs et adopter une
démarche d’amélioration de leurs pratiques professionnelles, contribuant ainsi au
développement d’une culture de sécurité des soins.
Ainsi, le personnel hospitalier doit informer le patient ou ses proches qu’un événement
indésirable grave est survenu lorsqu’une action ou une situation a entraîné ou est
susceptible d’entraîner des conséquences pour ledit patient ou pour ses biens. C’est la
raison pour laquelle si les dommages sont prévisibles, bien qu’ils n’aient pas un caractère
immédiat, la divulgation doit se faire.
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Notons que la divulgation n’est pas toujours nécessaire. En effet, lorsque la situation qui se
produit ne touche pas le patient, ou si cette dernière n’entraîne pas de conséquences pour
celui-ci, le personnel hospitalier n’est pas dans l’obligation de divulguer cette situation.
Toutefois, la divulgation est nécessaire lorsque la situation a touché le patient et a entraîné
ou est susceptible d’entraîner des conséquences sur son état de santé ou sur son bien-être.
Pour étayer mon propos j’ai choisi d’exposer quelques exemples de situations où la
divulgation est nécessaire, voire obligatoire :
- une situation dont les conséquences ont nécessité la prescription d’un traitement ou
d’une intervention ;
- une situation dont les conséquences sont la cause d’une hospitalisation ou de la
prolongation de l’hospitalisation. Il peut également s’agir du transfert du patient vers
une unité de soins critiques ;
- une situation ayant eu des conséquences de nature permanente ou ayant mis la vie
ou l’intégrité physique du patient en danger ;
- une situation ayant causé le décès du patient
Pour respecter le devoir d’information envers le patient :
Conformément à l’article 56 du Code de déontologie du Collège des médecins du Québec
(C.M.Q.), « le médecin doit informer […] le patient, de tout incident, accident ou complication
susceptible d’entraîner ou ayant entraîné des conséquences significatives sur son état de
santé ».
L’article 8 de la Loi sur les Services de Santé et les Services Sociaux mentionne ce qui suit :
[…] « [le patient] a également le droit d’être informé, le plus tôt possible, de tout accident
survenu au cours de la prestation des services qu’il a reçus et susceptible d’entraîner ou
ayant entraîné des conséquences sur son état de santé ou son bien-être ainsi que des
mesures prises pour contrer, le cas échéant, de telles conséquences ou pour prévenir la
récurrence d’un tel accident. » […]
L'intervenant ou le professionnel de santé a donc l’obligation d’informer le patient des
informations pertinentes à la suite de l’accident dont il a été victime. Si ce dernier est inapte
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ou dans un état où il est incapable de recevoir cette information, elle devra être donnée à
son représentant.
La principale finalité de l’information est de permettre au patient d’effectuer un choix.
Cependant, le critère choix n’est pas le seul à prendre en compte. L’information délivrée au
patient se fonde également sur des considérations éthiques.
Devoir d’information : l’équipe médicale et l’information des patients
Le devoir d’information, tant en assurance de responsabilité médicale que dans d’autres
secteurs est devenu relativement important.
En vertu de l’article L 1111-2 du Code de la Santé Publique (CSP), l’information fournie par
le personnel hospitalier doit porter « sur les différentes investigations, traitements ou actions
de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences,
les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu’ils comportent ainsi que sur les
autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. Lorsque
postérieurement à l’exécution des investigations, traitements ou actions de prévention, des
risques nouveaux sont identifiés, la personne concernée doit en être informée, sauf en cas
d’impossibilité de la retrouver».
L’Agence Nationale d'Accréditation et d'Evaluation en Santé (ANAES) prône également le
devoir d’information du patient. En mars 2000, elle a d’ailleurs recommandé que « chaque
médecin informe le patient de l’ensemble des éléments relevant de sa discipline, en situant
ces derniers dans la démarche générale des soins. Il ne doit pas supposer que d’autres que
lui ont déjà donné cette information. »
La loi oblige donc le médecin à ne rien cacher à son patient. Cependant, le patient est libre
de refuser l’intervention après avoir pris connaissance des risques s’y rapportant.
Le non-respect de ces règles par les professionnels de santé est passible de sanctions. En
effet, une sanction civile peut être requise si un préjudice résulte d’un « secret » sur un
événement indésirable. Par ailleurs, en application du texte sur la mise en danger délibérée
de la vie d’autrui, la dissimulation d’un événement indésirable engage la responsabilité
pénale du médecin lorsqu’elle génère un risque pour le patient.
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En résumé, le devoir d’information de l’équipe médicale permet également aux patients
d’avoir une plus grande confiance dans la profession et montre sa bienfaisance. De plus,
cela permet aux patients de se sentir plus autonomes, car bien informés des risques et ayant
le choix de se faire opérer ou non. Le devoir d’information, en plus d’être obligatoire, est très
utile et indispensable et démontre une certaine équité : le médecin comme le patient sont
tous deux informés des risques.
2.1.2 Qui doit-on informer?
Dans un premier temps, il convient d’informer le patient qu’une erreur a été commise.
Si ce dernier a moins de 14 ans ou s’il s’avère être inapte, la divulgation sera faite à son
représentant. Il est possible d’informer sa famille des éléments de la divulgation lorsque
celui-ci y consent.
Dans un second temps, il est également souhaitable d’informer le médecin traitant du patient
victime le plus rapidement possible. En effet, ce dernier ayant préalablement établi un lien de
confiance avec son patient, pourra le rassurer et lui expliquer au mieux l’incident et les
conséquences susceptibles d’en découler.
Que faut-il dire ?
Un patient victime d’une erreur doit faire l’objet d’une attention spéciale…
Pour y faire face, il convient au personnel hospitalier d’expliquer le déroulement des faits et
de relater la façon dont cela a pu arriver.
Quand le dommage est vécu par le patient comme résultant d’une faute de l’établissement,
l’information donnée doit être cohérente et transparente. Notons que le silence gardé par
l’équipe médicale ne protège pas mais ne fait, au contraire, qu’augmenter le risque d’une
action judiciaire et pénale à leur encontre.
En pratique, l’information n’est pas toujours délivrée au patient par les professionnels de
santé et à la suite de ce silence, les victimes sont nombreuses à ressentir un malaise de par
des explications confuses ou des excuses peu convaincantes. Lors d’une interview une
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victime a même déclaré « je ne saurai jamais ce qui s’est réellement passé et je dois faire
avec », nous constatons donc la réelle étendue du problème. Les contentieux payants
pourraient être évités si la vérité était plus souvent révélée.
Le personnel hospitalier doit faire preuve d’empathie envers le patient victime. L’empathie
est la clef de voûte de toute bonne divulgation. Ainsi, le pire (saisine d’un organisme
spécialisé pour défendre les intérêts du patient victime tel que la C.R.C.I., Commission
Régionale de Conciliation et d’Indemnisation des accidents médicaux, voire de la juridiction
compétente) pourra être évité.
Il convient également de se projeter dans le futur pour expliquer au patient ce qu’il va advenir
et se passer par la suite.
Le message
Le patient éprouve souvent de la douleur, de la colère, de l’incompréhension, ainsi qu’une
certaine désillusion. Il ressent cette situation comme une sorte « d’affront ». Le patient
victime d’un événement indésirable veut avant tout comprendre ce qui s’est passé et que le
médecin lui consacre du temps. Les professionnels de santé ne doivent donc pas penser
que le patient recherche forcément une indemnisation pécuniaire. En effet, si la divulgation
était correctement réalisée, 50 à 80 % des contentieux médicaux disparaitraient.
Le message qui va lui être communiqué se doit d’être clair et de répondre à toutes ses
interrogations.
Nous allons donc étudier le contenu du message à délivrer au patient. Concernant son fonds
et sa forme, plusieurs étapes doivent être respectées.
Tout d’abord, il est préférable d’annoncer la survenue d’un événement indésirable en binôme
pour montrer au patient que l’incident a de l’importance. Toutefois, il faut se méfier de cette
annonce en binôme et la prendre très au sérieux pour éviter les contradictions. Parmi les
membres de ce binôme, il est préférable que le médecin senior (médecin responsable de la
prise en charge du patient au sein de l’établissement) soit l’interlocuteur privilégié avec le
patient et que la deuxième personne ne soit pas impliquée dans l’événement.
Les professionnels de santé réalisant l’annonce doivent avant toute chose personnaliser
l’annonce, pour ne pas que le patient se sente dévalorisé. Ainsi, ils doivent se présenter et
parler au patient en l’appelant par son nom ou son prénom lorsqu’il s’agit d’un enfant.
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Cette annonce doit se faire dans un endroit calme et isolé afin de respecter la confidentialité.
En pratique, cette dernière est trop souvent effectuée dans un couloir ce qui déstabilise les
patients, qui ne se sentent pas importants et trouvent que cette annonce a été faite le plus
rapidement possible. Les professionnels de santé doivent, si possible, s’asseoir, fixer leurs
regards sur le ou les interlocuteurs en établissant éventuellement un contact physique se
voulant compatissant.
L’équipe soignante doit parler calmement en rappelant l’intervention subie et les faits tels
qu’ils ont eu lieu tout en restant objective. Ainsi, la chronologie des événements doit être
rappelée brièvement et le langage de l’équipe doit être adapté aux capacités de
compréhension du patient et de ses proches.
Les soignants doivent faire preuve de compassion, d’écoute et d’empathie en établissant un
contact (comme en posant une main sur l’épaule par exemple). Il s’agit là d’un paradoxe car
les intervenants à l’acte de soin ne doivent normalement pas montrer leurs sentiments mais
lors de la divulgation d’un événement indésirable, ils doivent faire preuve d’un langage
émotionnel auquel ils ne sont pas préparés. C’est lors de cette entrevue très difficile que tout
se joue car si l’entretien se passe bien, il est possible d’éviter les litiges.
Toutefois, les professionnels de santé ne doivent en aucun cas désigner un responsable. La
responsabilité aussi bien civile (indemnitaire) que pénale (répressive) obéit à un régime
juridique complexe qui ne peut être totalement appréhendé au stade de l’annonce par le
professionnel. De plus, ils ne doivent pas non plus s’engager sur une éventuelle proposition
d’indemnisation. Toute promesse d’indemnisation, n’étant pas opposable à l’assureur,
risquerait d’avoir un effet frustratoire sur le patient.
Il peut être rappelé au patient qu’il dispose également d’un droit d’accès direct aux éléments
de son dossier conformément à l’article L 1111-7 du CSP, si les professionnels de santé le
jugent utile.
L’équipe médicale devra faire part au patient des conséquences de l’incident tout en lui
expliquant les mesures à prendre pour remédier ou limiter le préjudice subi.
Bien entendu, l’équipe médicale doit laisser le patient s’exprimer et l’encourager à poser des
questions. Ainsi, cela démontrera que le personnel soignant est à l’écoute et à la disposition
du patient.
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Si le patient est décédé, le mot « mort » doit être prononcé pour que les proches du patient
comprennent bien la situation telle qu’elle est.
En somme, le personnel hospitalier doit faire attention à sa communication verbale et sa
communication non verbale. La contenance, l’empathie et la disponibilité sont trois des
principales caractéristiques dont doit tenir compte le personnel hospitalier. La relation
humaine est un atout majeur pour divulguer un événement indésirable (grave). En effet, plus
le patient est rassuré, moins le risque de déclaration à l’assureur se fera sentir. La
divulgation doit avoir lieu en dehors de la pièce où s’est déroulée la réanimation et de
préférence, dans une pièce identifiée assurant calme, confort et confidentialité. Cependant,
les intervenants de santé doivent également discuter entre eux de cet événement et
l’analyser afin d’éviter que ce dernier ne se reproduise.
2.1.3 A qui revient la responsabilité d’assurer la divulgation ?
Divulguer un événement indésirable ne s’improvise pas. En effet, cela doit être préparé et
faire l’objet d’une discussion entre le médecin traitant, les membres de l’équipe médicale et,
s’il y a lieu, des représentants de l’établissement.
Il est obligatoire de déclarer au directeur de l’établissement de soins qu’un événement
indésirable est survenu. « Tout médecin, résident, étudiant en médecine, […] a l’obligation
de déclarer au directeur général de l’établissement tout incident ou accident qu’il a
constaté » conformément à l’article 233.1 de la Loi sur les Services de Santé et les Services
Sociaux. Cette déclaration permettra au directeur de prendre les mesures appropriées pour
annoncer cet incident au patient ainsi qu’à ses proches.
A la suite de cette déclaration, c’est au directeur de l’établissement de soins que revient la
responsabilité de définir quel membre de l’équipe soignante est le plus disposé à annoncer
qu’un événement indésirable est survenu. L’établissement pourra également désigner une
« personne-ressource » pour aider le professionnel de santé dans sa divulgation.
Le rôle de chaque intervenant devra être défini, chacun devant savoir à l’avance ce qu’il va
dire, l’entretien ayant été préparé en amont (consultation du dossier médical du patient
victime).
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Il est recommandé que la divulgation se fasse en binôme, et comme nous l’avons indiqué
précédemment, le médecin senior doit être un des deux membres dans cette étape. En effet,
ce dernier sera l’interlocuteur le plus approprié pour répondre aux questions du patient et lui
expliquer clairement et le plus simplement possible les répercussions de cet incident sur sa
vie. Il pourra ainsi lui proposer les mesures à prendre pour remédier à cet incident ou pour
en limiter les conséquences. Par exemple, pour un patient ayant contracté une infection
nosocomiale lors d’une intervention chirurgicale, le médecin senior lui expliquera les moyens
mis en place pour lutter contre cette infection et, de plus, il pourra lui proposer de pratiquer à
nouveau l’intervention si cette dernière n’a pas aboutie (greffe de peau qui n’a pas pris à
cause de l’infection).
Le médecin senior est l’intervenant disposant d’une vue d’ensemble de la situation du patient
victime et pouvant répondre à ses questions le plus clairement possible. La présence du chef
de service peut aussi être proposée, mais n’est cependant pas indispensable.
Quoi qu’il en soit, la personne choisie pour la divulgation doit pouvoir prendre le temps requis
et avoir les connaissances nécessaires pour répondre aux questions du patient ou de ses
proches.
2.1.4 A quel moment doit-on procéder à la divulgation ?
Une fois l’événement indésirable identifié, l’annonce doit être initiée sans attendre une
demande d’explication du patient ou de ses proches et, encore moins, une plainte de leurs
parts. Il est recommandé par la HAS de procéder à l’annonce dans les 24 heures à compter
de la découverte du dommage bien que la loi prévoit un délai maximum de 15 jours à partir
de ce même point de départ.
Il convient donc de rencontrer le patient le plus rapidement possible et d’inviter toutes
personnes que ce dernier souhaite voir informées.
Il est fortement suggéré d’informer le patient et/ou ses proches le plus tôt possible,
particulièrement lorsque le personnel hospitalier a connaissance de la survenue d’un
événement indésirable. La divulgation de l’événement grave doit se faire lorsque le patient
est stable ou hors de danger et en mesure de comprendre les informations qui lui seront
données.
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Il peut arriver que le personnel hospitalier ne sache pas avec exactitude ce qui s’est passé,
c'est-à-dire qu’il a connaissance de la survenue d’un événement indésirable mais ne connait
ni sa provenance ni sa cause. Dans ce cas, toutes les informations nécessaires ne sont pas
réunies pour permettre au personnel hospitalier d’informer le patient qu’il s’est produit un
EIG. Il convient donc d’informer le patient de la survenance de cet accident et du fait qu’une
enquête interne est en cours pour en déterminer les causes.
Le personnel hospitalier se doit d’être le plus clair et précis possible dans les circonstances
de cet accident, dans les limites de leur propre connaissance de ce dernier. Il doit faire état
des mesures de prévention qui ont été mises en place pour éviter que cet accident ne se
reproduise. Le patient doit également être informé des moyens pris par les soignants pour
contrôler et limiter les conséquences engendrées par l’accident.
Dès que des informations complémentaires seront disponibles, elles devront lui être
communiquées en temps réel.
Le personnel hospitalier doit toujours s’adapter à la situation du patient. Ainsi, si la
divulgation de l’information ne peut se faire avec ce dernier en raison de son état physique
ou psychologique, il conviendra de délivrer cette information à ses proches ou à son
représentant.
Plusieurs études ont montré qu’une annonce bien menée après la survenue d’un dommage
tend à répondre aux attentes du patient, à renforcer sa confiance envers le soignant et à
limiter une judiciarisation de l’événement. Annoncer un dommage place plus largement le
professionnel dans une démarche de questionnement quant à ses pratiques, puisqu’il sera
incité à analyser les causes à l’origine des événements indésirables et, le cas échéant, à
mettre en œuvre des actions pour améliorer la prise en charge des patients.
Malgré toutes ces recommandations, en pratique, la divulgation ne se fait que dans 25 à
50 % des cas.
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2.2 Stratégie de prise en charge psychologique à adopter par les établissements de soins
2.2.1 Prise en charge psychologique des différents intervenants
Prise en charge psychologique immédiate des équipes soignantes et du patient
Dans les suites d’un événement indésirable grave (surtout s’il existe une notion de
responsabilité humaine) l’équipe soignante se trouve en situation de choc émotionnel
intense.
Cette situation donne lieu à une réaction immédiate de stress (qui peut se prolonger), et
éventuellement à un vécu traumatique. Ces réactions peuvent s’exprimer de différentes
manières :
- pleurs ;
- agressivité, colère ;
- culpabilité, honte ;
- accusations, revendications ;
- comportements inadaptés.
Ces comportements peuvent amener ces professionnels à répondre de manière
inappropriée. L’absence de prise en charge psychologique des soignants à la suite de
contexte difficile peut être à l’origine de répercussions somatiques et psychologiques
individuelles et/ou collectives délétères pour le fonctionnement de l’institution.
Face à de telles situations les professionnels de santé se sentent donc complètement
déstabilisés et doutent de l’intérêt de leur profession. Un médecin, déclaré responsable d’un
événement indésirable grave, a précisé que cette situation lui a fait mettre « un pied à terre »
et il se demandait même si « le jeu en valait la chandelle ». Il a également précisé lors d’une
interview « nous ne sommes pas des Bons Dieux, nous n’avons pas la capacité à faire vivre
les gens quand tout les prédestine à mourir ». Nous constatons donc l’importance de la mise
en place d’une cellule psychologique pour les professionnels de santé, souvent anéantis
après la survenance d’un événement indésirable.
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Objectifs globaux de la prise en charge psychologique immédiate :
- réduire la souffrance psychique afin de réduire la survenue de troubles
post-traumatiques ;
- aider à gérer l’impuissance, l’échec, la culpabilité ;
- mettre à plat et réduire les tensions et conflits de groupe (esprit communautaire),
- aider à se réapproprier l’événement (et à y trouver un sens personnel) ;
- préparer à affronter son milieu social antérieur (récupérer les appartenances
familiales et professionnelles).
Prise en charge psychologique immédiate des proches
Après l’intervention et une fois l’événement indésirable survenu, l’équipe médicale va être
confrontée à une phase de choc émotionnel intense de la part des proches du patient, qui
nécessitera de sa part un certain professionnalisme. En effet, l’équipe soignante devra faire
preuve d’une relation humaine sans précédent en écoutant activement le patient, comme ses
proches, en éprouvant de l’empathie envers ces derniers, tout en se montrant disponible.
Bien entendu, si le patient ou ses proches font des reproches envers la prise en charge
hospitalière, les professionnels de santé devront garder leur calme et se contenir.
Il s’agit de « faire connaissance » pour personnaliser la prise en charge et établir une relation
de confiance.
Les équipes médicales doivent alors comprendre qu’un événement indésirable est difficile à
gérer aussi bien pour le patient que pour son entourage. Face à cette situation, l’équipe
médicale doit :
- exprimer des sentiments de culpabilité, de colère, d’impuissance, d’abandon ;
- répondre aux questions d’ordre administratif ;
- répondre aux différentes interrogations autour du décès (annonce du décès à un
enfant, aux parents…).
Souvent, les mêmes questions sont posées plusieurs fois aux différents interlocuteurs, mais
tous se doivent d’y répondrent.
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Prise en charge psychologique post-immédiate des équipes soignantes et du
patient
Il convient de réaliser un débriefing psychologique :
- Pour les équipes soignantes :
• Entre le deuxième jour et le dixième jour après la survenue de l’événement ;
• Après le débriefing technique ;
• Collectif ou individuel.
- Pour le patient
Objectifs de la prise en charge psychologique post-immédiate :
- aider à gérer l’impuissance, l’échec, la culpabilité ;
- mettre à plat et réduire les tensions et conflits de groupe (esprit communautaire) ;
- aider à se réapproprier l’événement (et à y trouver un sens personnel) ;
En définitive, nous constatons qu’il n’existe pas de « méthode magique » pouvant atténuer la
souffrance du patient ou des proches lors de l’annonce. Toutefois, des comportements sont
à éviter pour ne pas majorer le traumatisme émotionnel du patient ou de ses proches.
Durant cette étape, il s’agit pour les professionnels de trouver la bonne distance avec
l’entourage, d’agir avec tact et respect, d’accepter les réactions de refus, d’incompréhension,
de colère, de culpabilité, de tristesse comme des réactions normales à ce type de situation.
La prise en charge de ces situations exige une compétence professionnelle mais aussi,
humaine qui nécessite une réflexion, une formation, une volonté spécifique et un travail en
équipe incontesté.
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2.2.2 Une culture médicale facilitant la transparence
Ainsi, nous pouvons constater un changement de culture médicale qui facilite dorénavant la
transparence.
La divulgation diminue la détresse des résidents.
Toutefois, les médecins sont ceux qui sont le moins encouragés à déclarer qu’un événement
indésirable a eu lieu. De plus, ce sont également ceux étant les moins informés de la
démarche à suivre pour le faire.
Ainsi des formations doivent être mises en place. Ces dernières sont relativement
importantes pour appréhender au mieux la gestion des événements indésirables. Les
professionnels de santé précisent que des changements constructifs sont constatés après
qu’ils aient suivi de telles formations.
Lors de ces formations, les intervenants pourront se prêter à un jeu de rôle. Ces formations
auront pour principe d’apprendre aux soignants à gérer les événements indésirables. Ces
stages sont sur la base du volontariat, à l’heure actuelle, rien n’oblige les professionnels de
santé à assister à de telles formations. Elles auront donc pour but de désamorcer les conflits
potentiels avec un patient. La relation soignant / médecin sera étudiée.
La négligence des médecins est rarement mise en cause, ainsi leurs responsabilités civiles
individuelles ne sont pas engagées. En effet, 85 % des événements indésirables sont dus au
système (à des problèmes d’organisation).
De nos jours et d’un point de vue mondial, nous sommes spectateurs d’une normalisation de
la médecine. En effet, les professionnels de santé doivent obéir aux méthodes et aux textes
règlementaires. En France, ils doivent se soumettre aux normes mises en œuvre par la
Haute Autorité de Santé (HAS). La loi s’assure que les règles soient démontrées et
respectées.
Mais il faut rester prudent car beaucoup d’intervenants participant à l’acte de soin ont du mal
à obéir aux nouvelles normes, ils se trouvent en effet être dans le « jugement » et ne
souhaitent pas remettre en question leurs anciennes pratiques.
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Ainsi, la France tend de plus en plus vers une culture médicale facilitant la transparence,
cependant nous ne pouvons pas dire à l’heure actuelle que cette culture soit toujours
respectée bien que les bonnes pratiques soient comprises et commencent à entrer dans les
mœurs.
Ne désespérons pas, l’impatience n’est pas la solution pour gérer les nouvelles cultures et
nous devons être conscients que les résultats ne vont pas arriver du jour au lendemain. Des
procédures d’installation sont d’ailleurs en train de voir le jour afin d’apprendre aux étudiants
en médecine à éviter et à gérer les événements indésirables. D’ici deux à trois ans, nous
connaitrons une généralisation de ces mesures qui permettra d’appréhender au mieux la
gestion de ces risques. D’ici à 30 ans, nous sommes quasi-certains que toutes les pratiques
seront totalement appliquées.
Et n’oublions pas que la patience est reine de tous les maux.
2.2.3 Y a-t-il une solution ?
Des outils simples et accessibles, comme une fiche relatant la démarche à suivre en cas
d’événement indésirable, ont, souvent, été mis en œuvre dans les établissements de soins
mais ne sont pas encore assez utilisés.
La formation des médecins aux EIG est nécessaire, voire indispensable pour appréhender
au mieux ce risque et leur permettre de connaître la démarche à suivre en cas de
survenance d’un tel événement.
En résumé, il convient d’adopter un comportement idéal envers le patient victime d’un
événement indésirable. Les recommandations de l’ACPM (Association Canadienne de
Protection Médicale) recensent les points principaux permettant de procéder, dans les
meilleures conditions, possibles à la divulgation. Le soignant doit :
- être accompagné ;
- demeurer factuel ;
- exprimer des regrets et de l’empathie ;
- offrir le traitement et suivi requis ;
- offrir une référence à un autre médecin ;
- écrire une note au dossier.
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Toutefois, certains comportements et attitudes sont à éviter. En effet, l’équipe médicale ne
doit en aucun cas :
- différer l’annonce ;
- chercher un coupable ;
- agir sans tact ;
- ne pas se présenter, parler du patient de façon impersonnelle ;
- les termes : erreur, faute, négligence ;
- être indisponible (fuir, éviter les regards, parler vite…) ;
- être intrusif ;
- s’identifier ;
- utiliser le jargon médical ;
- culpabiliser ;
- déculpabiliser, dédramatiser ;
- commenter les soins prodigués par autrui.
En résumé, les événements indésirables sont fréquents mais la sécurité des patients est
devenue une priorité pour le système de santé. La divulgation constitue la première étape à
l’amélioration de la sécurité des patients et la persévérance vers un changement de culture
est nécessaire pour favoriser la transparence. Les efforts fournis ne doivent pas être
abandonnés. De plus, des formations supplémentaires devront être mises en place pour
justement gérer au mieux ce risque.
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TTIITTRREE 33 :: LLEESS MMEESSUURREESS DDEE PPRREEVVEENNTTIIOONN PPOOUURR LLUUTTTTEERR
CCOONNTTRREE LLEESS EEVVEENNEEMMEENNTTSS IINNDDEESSIIRRAABBLLEESS ((GGRRAAVVEESS)) LLIIEESS
AAUUXX SSOOIINNSS
Dans cette troisième et dernière partie, je vais me concentrer à démontrer qu’il existe un
certain nombre de mesures de prévention qui permettent de lutter contre les événements
indésirables graves. J’analyserai les mesures déjà adoptées par les établissements de soins,
et, par la suite, j’en préconiserai de nouvelles. Dans ma première sous-partie, nous verrons
que ces mesures de préventions permettront d’améliorer la sécurité des patients, puis dans
une deuxième sous-partie, nous ferons une analyse critique de l’organisation de
l’environnement de travail au sein de l’établissement. Et, enfin, dans une troisième
sous-partie, nous analyserons brièvement le traitement des événements indésirables graves
à l’étranger.
3.1 Prévenir pour sécuriser le système de soins
Afin de tendre vers une sécurisation optimale du système de soins, la prévention médicale
s’articule autour de quatre étapes. La première étant d’identifier et analyser le risque, elle
consiste à éviter sa récidive. La deuxième étape, la surveillance de la conformité au modèle
préconisé, relève non plus de la théorie mais de la pratique. Le modèle préconisé consiste
pour les établissements de santé à mettre en place plusieurs moyens afin que l’organisation
conçue fonctionne correctement. Ainsi, il s’agit de mettre en œuvre un système de défense
basé sur la prévention et l’atténuation des risques. L’atténuation consiste à réduire
l’engagement de responsabilité du praticien. La troisième étape traite des modèles
systémiques de risques de la démarche sécurité. Elle a pour objectif de mettre en place un
système de signalement des événements indésirables afin de mesurer les écarts entre ce
qui a été conçu (lors de la première étape), et la réalité. Enfin, la quatrième et dernière
étape, la résilience, a pour but de lutter contre les impacts secondaires et d’améliorer la
capacité de réaction de l’établissement.
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Il est indispensable de garder ces quatre étapes à l’esprit lors de l’élaboration de mesures de
prévention. Cette procédure a pour but de sécuriser le système de soins au sein des
établissements de santé.
3.1.1 Mise en place d’actions de prévention à deux niveaux
Développer des mesures de prévention dans la gestion des événements indésirables graves
est primordial pour améliorer la sécurité des patients.
Développer cette sécurité est d’ailleurs vu comme une des préoccupations majeures des
pouvoirs publics. En France, il existe plusieurs études et axes de travail favorisant la
prévention et la gestion des risques au sein des établissements de santé. C’est ainsi qu’une
politique de lutte contre les infections nosocomiales a été mise en place, ainsi que des
enquêtes ENIES (comme nous l’avons mentionné auparavant) parues en 2004 et en 2009,
ou encore un guide des risques techniques et environnementaux datant de 2003.
Les établissements de santé vont donc, à travers leur politique préventive, devoir répondre à
différents enjeux, tels que :
- améliorer la sécurité des patients ;
- connaître les responsabilités susceptibles d’être encourues ;
- améliorer la qualité des soins dispensés ;
- respecter la règlementation en vigueur (loi Kouchner) ;
- mettre en place un certain nombre de formations en interne.
Il est donc primordial de respecter les mesures de prévention déjà mises en place, mais trop
souvent négligées, et d’en mettre en place de nouvelles pour lutter au mieux contre les
événements indésirables liés aux soins, susceptibles de survenir lors d’une intervention et
d’engendrer des préjudices réversibles ou non, pour le patient.
Il convient donc de faire de la prévention à deux niveaux.
Tout d’abord, au niveau des établissements de soins en réalisant de la prévention des
événements et accidents redoutés. Dans ce cas, il est nécessaire de promouvoir une
politique de gestion des risques liés aux soins au sens d’une démarche de prévention des
accidents évitables.
Caroline BARBARAS – Master II « Manager de l’Assurance »
37
Dans un deuxième temps, il est conseillé de faire de la prévention des sinistres au niveau
de l’assureur. Cette prévention aura pour but :
- d’éviter la survenue d’une plainte ;
- d’assurer la défense des établissements ;
- de limiter l’engagement de leur responsabilité ;
- de mettre en valeur le respect des bonnes pratiques professionnelles.
3.1.2 Quelle stratégie de maîtrise des risques ?
Un secteur d’activité sûr n’est pas un secteur d’activité où il ne se commet jamais d’erreur,
mais un secteur d’activité qui se protège :
- en luttant contre les défaillances organisationnelles ;
- en donnant aux acteurs les moyens de détecter et de récupérer les erreurs qu’ils
commettent.
L’enjeu de la prévention en matière d’événements indésirables graves liés aux soins est de
réduire la prise de risque à un niveau acceptable.
Caroline BARBARAS – Master II « Manager de l’Assurance »
38
L’événement indésirable à un impact certain sur les patients.
Les étapes que doivent suivre les établissements de soins sont les suivantes :
1. Eviter le dommage ;
2. Si le dommage survient, éviter les séquelles irréversibles ;
3. Si l’EIG n’est pas évité, il y a un sinistre ;
4. L’assureur intervient en amont et/ou en aval de l’accident et doit assurer la défense
de l’établissement de soin ;
5. Traçabilité : expertise mise en place (au niveau du chargé de règlement en RC
médicale).
3.1.3 La démarche de gestion des risques : quels objectifs ?
Objectif n°1 : Assurer la sécurité des personnes et des biens à un niveau acceptable pour :
- réduire la survenue d'événements redoutés évitables ;
- minimiser les dommages liés aux événements iatrogènes.
Objectif n°2 : Réduire le nombre et le coût des contentieux afin de :
- diminuer la probabilité de plaintes après survenue d'événements iatrogènes ;
- réduire le coût des sinistres.
Pour réduire les risques et améliorer au mieux la sécurité des patients il convient donc :
- de réduire les erreurs humaines ;
- développer de meilleures compréhension et appréhension du contexte
organisationnel ;
- d’améliorer et renforcer les barrières de sécurité.
3.1.4 Mesures à améliorer et à adopter par les établissements de santé
Création de la « check-list » :
Les établissements de soins ont mis en œuvre des mesures de précaution simples pour
éviter les erreurs. Ces mesures sont empruntées à l’aviation civile. Les erreurs de pilotage
Caroline BARBARAS – Master II « Manager de l’Assurance »
39
étant très fréquentes, deux par heure en moyenne, une « check-list » à été créée. Cette
dernière a fait du ciel l’endroit le plus sûr de la Terre et a donc réduit le risque d’accident.
Comme dans l’aviation, les établissements de soins ont adopté cette technique pour éviter
les erreurs.
Au sein des établissements de santé, les intervenants procèdent donc comme pour un
« décollage » avant de réaliser l’opération. Elle oblige donc le chirurgien à surveiller son
équipe.
La « check-list » sert à :
- vérifier l’identité du patient ;
- vérifier l’intervention à réaliser pour opérer le bon patient au bon endroit : avant de
se rendre au bloc opératoire, le patient doit confirmer l’opération qu’il va subir (les
soignants doivent interroger le patient avant de se rendre au bloc opératoire et
avant l’anesthésie pour éviter les erreurs) ;
- améliorer la transmission d’informations essentielles concernant le patient ;
- les professionnels de santé doivent vérifier chaque détail à haute voix : cette
mesure est certes procédurale mais relativement nécessaire ;
- procéder au comptage des compresses pour ne pas risquer d’oublier un corps
étranger dans le champ opératoire ;
- diminuer le taux d’infection du site opératoire ;
- définir, entre les différents soignants, les prescriptions postopératoires.
Malheureusement, la « check-list » prend du temps et indirectement coûte de l’argent. Ainsi,
elle est souvent déléguée aux internes quant bien même cette pratique est théoriquement
interdite.
Nous constatons que :
- Trois quarts des chirurgiens n’y assistent pas (selon la HAS) ;
- 3 fois sur 4 la sécurité n’est donc pas optimale dans le bloc opératoire.
Ces mesures sont obligatoires depuis 2010 et pas moins de 150 000 accidents pourraient
être évités chaque année si elles étaient correctement appliquées.
Caroline BARBARAS – Master II « Manager de l’Assurance »
40
Création de protocoles :
Le protocole se définit comme un ensemble de règles à respecter à la lettre. En pratique, ces
protocoles sont appliqués une fois sur deux alors qu’ils devraient être appris par cœur en
faculté de médecine.
Si le protocole n’est pas appliqué, la responsabilité civile des équipes médicales peut alors
être engagée car il s’agit là d’une faute professionnelle.
Les professionnels de santé ont l’obligation de se soumettre à des règles de savoir-faire,
comme les protocoles. En cas d’irrespect, la faute médicale est constatée et il s’agira alors
au Tribunal de statuer.
Autres mesures à adopter :
De plus, le service de Prévention des Risques RC médicale d’AXA Entreprises a pensé à
quelques mesures que les établissements de soins devraient adopter :
Valoriser les échanges sur les erreurs commises afin d’en tirer des enseignements
collectifs : « l’erreur est source d’apprentissage » :
- Signalement des événements indésirables ;
- Participation à des revues de dossiers, à des revues de morbidité-mortalité ;
- Sensibilisation du personnel hospitalier à la prévention et à la déclaration des
erreurs ;
- Favoriser un climat de confiance afin d’encourager les déclarations.
Contribuer à renforcer la sécurité des soins :
- Maintenir les connaissances et le savoir-faire des équipes soignantes, à jour ;
- Respecter les bonnes pratiques professionnelles ;
- Participer à la mise en place de moyens de détection et de récupération des
erreurs qui peuvent être commises (contrôle, check-list, procédures,
alarmes,…) ;
- Optimiser le travail en équipe.
Caroline BARBARAS – Master II « Manager de l’Assurance »
41
Assurer une bonne traçabilité des informations :
- Exemple d’un dossier de suivi de la grossesse :
compte rendu des consultations cliniques ;
compte rendu des examens complémentaires (laboratoire, échographies,
autres…).
- Exemple d’un dossier d'hospitalisation en maternité :
observations des obstétriciens, sages-femmes, anesthésistes et infirmières ;
partogramme ;
monitoring dans son intégralité, et horodaté ;
observations de suites de couches.
- Réaliser un compte rendu des événements survenus après la sortie de la patiente de
la maternité.
Tous ces documents devront être rangés dans le dossier médical de la patiente pour
justement assurer une bonne traçabilité.
3.2 Analyse de l’organisation de l'environnement de travail au sein de l'établissement
3.2.1 Problèmes récurrents dans l’organisation
L’organisation théorique est bien souvent différente de la pratique réalisée au sein des
établissements de santé. Ainsi, l’organisation de l’environnement de travail n’est pas toujours
favorable à de bons résultats. Il existe de nombreuses situations défavorables constatées au
sein même des établissements de santé, susceptibles de générer des accidents.
La faible standardisation des pratiques et le transfert des tâches fréquent dû à un manque
d’effectifs certain est constaté au sein des services hospitaliers. La présence de
professionnels débutants en formation au sein de l’établissement peut également causer des
incidents dont des situations capables d’engendrer des accidents.
De plus, le repos de sécurité, qui représente le repos lors duquel le professionnel de santé
n’a pas d’activité clinique relative à la prise en charge d’un patient (mais ne doit cependant
pas quitter l’établissement), n’est pas toujours respecté.
Caroline BARBARAS – Master II « Manager de l’Assurance »
42
Ainsi, l’épuisement professionnel et le stress des équipes soignantes ont une incidence
particulièrement importante sur leur manière de réaliser leur travail avec sérieux. Si cette
« crise » n’est pas évitée, diverses situations néfastes pour les différentes parties (patients,
proches du patient comme l’équipe elle-même) sont constatées :
- épuisement physique et mental ;
- baisse de l’attention et de la concentration ;
- dépression (anxiété) ;
- perte de motivation ;
- irritabilité, repli social.
Toutes ces situations engendrent des fautes professionnelles. Ces différentes « étapes »
sont créatrices de nombreuses erreurs et favorisent le développement des EIG. Elles
correspondent en partie à une névrose traumatique par accumulation de micro-traumas.
C’est la raison pour laquelle, les équipes médicales doivent avoir un suivi psychologique
après certains événements, considérés comme EIG ou bien comme événement « naturel ».
3.2.2 Préconisations pour remédier à un mauvais environnement de travail
Pour remédier aux mauvaises organisations des environnements de travail au sein de
l’établissement il est nécessaire de mettre en place un certain nombre de mesures.
Ainsi, il est important de :
- sécuriser les prises en charge des patients en ambulatoire ;
- coordonner les soins ;
- organiser des formations techniques et des retours d’expérience (en partenariat avec
l’assureur) des professionnels chargés de la gestion des risques au sein de
l'établissement ;
- appréhender la gestion des plaintes des patients.
D’une façon générale, pour améliorer la sécurité des soins, il est primordial pour le personnel
hospitalier d’adopter un comportement sécuritaire en toutes circonstances, c'est-à-dire de
respecter les bonnes pratiques professionnelles ainsi que les décisions prises par le
praticien. De plus, comme nous l’avons précédemment mentionné, la traçabilité est
relativement importante, que ce soit celle des horaires, celle des faits ou encore celle des
Caroline BARBARAS – Master II « Manager de l’Assurance »
43
événements. Et, le plus important, l’équipe médicale doit être coordonnée avec un « leader »
pour chaque équipe : le rôle de chaque intervenant doit être réparti clairement et
équitablement afin d’améliorer la qualité des soins prodigués et il est important de ne pas
déléguer à des stagiaires, par exemple, sans surveillance, des tâches à réaliser par un
personnel soignant expérimenté. L’équipe médicale doit adopter une attitude de soutien
envers le leader et faire des transmissions fiables.
3.3 Prévention au niveau de l’assureur
3.3.1 Avis et préconisations sur les moyens de prévention existants
Il ne s’agit pas seulement de faire de la prévention au niveau les établissements de soins.
Les assureurs de responsabilité civile médicale et plus particulièrement leurs services de
« Prévention Ingénierie » ont également un certain rôle à jouer pour aider les établissements
dans la gestion des événements indésirables liés aux soins. En effet, ces derniers en étroite
collaboration avec les établissements de soins assurés devront mettre en place un protocole
pour appréhender au mieux la gestion d’un événement indésirable grave. De plus, ce
partenariat et cet échange d’expérience permettra de gérer au mieux les sinistres, bien que
ce ne soit pas le thème de notre thèse.
Plusieurs prestations pourront être proposées par les assureurs tels que des audits de
vulnérabilité, des exercices de simulation de sinistres, des études de scénarios d’accidents
et des séminaires de sensibilisation des professionnels pourront être mis en place pour aider
les établissements de soins dans leur gestion.
Pour aider les établissements de soins dans la gestion des événements indésirables, des
formations, pouvant être développées par le service « Ingénierie Prévention » de la
compagnie d’assurance, en réponse aux demandes des établissements, pourront être
organisées.
Caroline BARBARAS – Master II « Manager de l’Assurance »
44
Le service de Prévention des Risques RC médicale d’AXA Entreprises a donc pensé et mis
en place plusieurs prestations, commentées par nos soins.
Les audits de vulnérabilités :
Selon AXA Entreprises, « l’audit de vulnérabilités sectorielles vise à fournir aux dirigeants
des avis spécialisés, du point de vue de l’assureur, contribuant à la définition d’une stratégie
d’actions en réduction des risques pouvant engager la responsabilité civile de l’établissement
en matière de sécurité des soins ».
Ces derniers auront plusieurs objectifs répondant au plus près des besoins des entreprises
assurées, les établissements de santé :
- améliorer la sécurité de la prise en charge du patient (aspects organisationnels) ;
- améliorer de façon globale la qualité des éléments de preuve permettant d’optimiser
la défense de l’établissement assuré en cas de procédure contentieuse ;
- définir le cas échéant des axes d’amélioration sous forme de recommandations.
Pour réduire les risques, les formations devraient s’articuler autour de différents axes. Tout
d’abord, la dimension stratégique et organisationnelle de la gestion des risques devra être
définie. Il conviendra de rédiger un document résumant les méthodes de traitement dans
l’organisation de la gestion des réclamations et des plaintes (que faire en cas de procédure
C.R.C.I ? ; que faire en cas de procédure contentieuse ? etc.). Le dossier médical du patient
devra être tenu à jour et chaque élément devra y être mentionné pour que le suivi soit
efficace et pertinent.
La suite de la formation pourra être référencée par métiers : en chirurgie (service
d’hospitalisation et bloc opératoire), en obstétrique et en gynécologie, en psychiatrie…
Ainsi, des référentiels basés sur l’analyse des sinistres graves pourront être rédigés pour
éviter la survenue d’un événement indésirable.
Selon nous, ces audits peuvent être considérés comme des moyens de prévention hors
pairs. La mise en place d’une telle formation permettra aux établissements de soins
d’appréhender au mieux la gestion des événements indésirables en fonction des secteurs
d’activités les plus à risques, à savoir la chirurgie, l’obstétrique et l’anesthésie. Des conseils
et les bonnes pratiques à adopter seront inculqués aux professionnels de la santé par les
assureurs afin d’éviter la réalisation d’événement indésirable.
Caroline BARBARAS – Master II « Manager de l’Assurance »
45
Les exercices de simulation liés à la traçabilité de l’information :
L’objectif premier de cette prestation est de « contribuer à fiabiliser la qualité de la traçabilité
de l’organisation, des pratiques et des événements ».
Mais il existe de nombreux objectifs essentiels pour appréhender au mieux la gestion
d’événements indésirables :
- tester la résistance d’un établissement à une procédure contentieuse ou de
règlement amiable, à travers l’évaluation de la qualité du dossier patient ;
- contribuer de façon plus spécifique, à fiabiliser la qualité de la traçabilité de
l’organisation, des pratiques et des évènements afin de mettre en valeur les pratiques
des établissements en cas de procédure contentieuse ;
- définir le cas échéant des axes d’amélioration sous forme de recommandations.
Pour que ces exercices démontrent toute leur efficacité, l’assureur devra réaliser en amont
une étude organisationnelle de la gestion des plaintes et des crises au sein d’un
établissement de santé. Il devra également réaliser une seconde étude organisationnelle de
la gestion du dossier patient en indiquant aux établissements assurés la politique de gestion
du dossier à suivre : sa structure, son informatisation et les méthodes d’identitovigilance.
Ici encore, des exercices de simulations de sinistres pourront avoir lieu en aval, lors des
formations proposées aux professionnels de santé. Lors de ces exercices, une étude de
l’existant en matière de traçabilité à travers l’analyse de trois dossiers patients, clos et
d’antériorité différente sera proposée ainsi qu’une analyse qualitative des éléments de
preuve. Cette formation pourra avoir lieu sur une demi-journée, voire une journée en fonction
de la demande de l’établissement assuré.
Nous pensons donc que pour bousculer les mentalités (en France, les professionnels de la
santé sont encore dans la crainte de déclarer qu’un événement indésirable a eu lieu) et faire
prendre conscience aux intervenants de la santé de l’importance d’une bonne traçabilité, ces
exercices sont indispensables. Ils pourront ainsi comprendre l’importance d’une telle
divulgation et être transparents envers leurs patients. Les générations ont changées.
En effet, les « anciens » médecins, ne jugent pas utiles que de telles mesures soient mises
en œuvre car ils estiment que le système a toujours bien fonctionné sans ces dernières. Ils
privilégient la maladie au malade, alors même qu’ils devraient, de nos jours, préférer
l’inverse. Cependant, les nouvelles générations, respectent et mettent en application les
recommandations effectuées par la Haute Autorité de Santé (HAS) et par les différents
Caroline BARBARAS – Master II « Manager de l’Assurance »
46
professionnels ayant travaillé sur le sujet. Ces nouvelles générations pensent qu’il est
indispensable d’appliquer ces mesures de précaution et de prévention pour justement
respecter l’équité patient/médecin et diminuer les événements indésirables.
Les études de scénarios d’accidents :
Les objectifs de ces études sont :
- identifier avec des professionnels d’un service, les barrières de sécurité et les
défenses en profondeur, de nature à empêcher la réalisation du scénario d’incident
ou d’accident étudié dans le service, absentes ou existantes, et dans ce cas,
analyser leur caractère opérationnel et leur fiabilité ;
- contribuer de façon plus spécifique, à sécuriser le processus de prise en charge des
patients et à fiabiliser l’organisation mise en place en terme de gestion des risques ;
- définir le cas échéant des axes d’amélioration sous forme d’un plan d’action.
Des grilles d’analyse de scénarios d’accidents pourront alors être créées pour éviter la
survenue d’événements indésirables.
Nous pensons que lors de cette formation, certains thèmes devront être étudiés de façon
certaine. Ainsi, les accidents survenus dans différents contextes et secteurs d’activités
devront être analysés et des exercices pratiques à partir de scénarios d’accidents, issus de
cas cliniques réels extraits de la base de données sinistres de l’assureur seront réalisés.
Pour étudier ces exercices il conviendra de :
- présenter les circonstances de survenance du sinistre et ses conséquences ;
- identifier les erreurs, les facteurs contributifs, les défenses présentes, défaillantes ou
absentes ayant contribué à la survenance ou à la majoration de la gravité de
l’accident ;
- déterminer des mesures de sécurité à mettre en œuvre pour prévenir ces accidents.
Dans un deuxième temps, une fois les cas pratiques terminés et après participation de la
majorité des professionnels de santé, il sera nécessaire de transposer ces enseignements à
l’établissement où la formation a lieu et plus particulièrement au service connaissant le plus
de sinistres. Le formateur mettra en avant l’évaluation des vulnérabilités au sein du service
et identifiera avec les membres de ce service, les mesures de sécurité à mettre en œuvre.
Cette formation devra se dérouler sur une demi-journée, les membres du service concernés
ayant au préalable de la formation, mis en exergue les problèmes récurrents liés à leur
service.
Caroline BARBARAS – Master II « Manager de l’Assurance »
47
Selon nous, en plus de l’étude de scénarios d’accidents, les jeux de rôle doivent être
privilégiés. De plus, pour être le plus opérationnel possible, les établissements de soins
devraient plus souvent mettre en place des mises en situation « tests » afin que les acteurs
de la santé soient entrainés à gérer un événement indésirable. Ces mises en situation
permettent d’apprendre aux équipes médicales de réaliser rapidement un état des lieux et
ainsi de repérer à quel moment les fautes ont été commises. L’équipe doit donc être
entrainée comme des sapeurs-pompiers en réalisant des exercices permanents. A notre
avis, cela permettra à chaque intervenant de voir son rôle clairement défini et de pouvoir
« traiter vite et bien » comme le dit le Docteur HARVEY, les événements indésirables liés
aux soins.
Les séminaires de sensibilisation sur des thèmes spécifiques tels que le
« Dossier Patient » :
Ces derniers sont basés sur la présentation de cas concrets de retour d’expérience.
L’objectif opérationnel de la mise en place de séminaires de sensibilisation est de
sensibiliser les professionnels à l’importance de la traçabilité de l’organisation, des pratiques
et des évènements dans l’optique d’une prévention des accidents évitables mais aussi de
mettre en valeur les pratiques professionnelles en cas de procédure contentieuse.
Pour cela, le formateur présentera des dossiers de sinistre « cas d’école », issus du retour
d’expérience de l’assureur (l’assureur choisira certains dossiers sinistres gérés au sein du
service responsabilité civile médicale). Une animation d’échanges de type « questions /
réponses » pourra également être proposée afin que les professionnels de santé puissent
être entendus. Cette formation devra se dérouler sur une journée intégrale.
Nous sommes convaincus que ces prestations apporteront une réelle valeur ajoutée aux
établissements de santé souhaitant en bénéficier, en s’inscrivant dans une approche de
gestion de la sécurité opérationnelle pragmatique. Ces dernières vont permettre d’agir sur la
qualité de prise en charge d’une réclamation et de contribuer au développement d’une
culture de sécurité des soins et de maîtrise de la sinistralité auprès de l’ensemble des
acteurs concernés.
A notre avis, ces séminaires sont importants pour que les professionnels de la santé
puissent échanger entre eux. Cependant, cette formation étant conçue pour se dérouler sur
une seule journée, nous avons pensé à de nouveaux moyens de prévention permettant
d’améliorer la gestion des événements indésirables au sein d’un service hospitalier.
Caroline BARBARAS – Master II « Manager de l’Assurance »
48
3.3.2 Proposition de nouveaux moyens de prévention
Bien que relativement utiles et indispensables, les moyens de prévention existants ne
permettent ni d’effectuer de la prévention à tous les niveaux ni sur une longue période. Ainsi,
nous avons décidé de réfléchir à de nouveaux moyens exposés ci-dessous.
Deux sortes de réunions pourront être mises en place :
Tout d’abord, des réunions trimestrielles entre les directeurs de différents établissements de
santé pourraient être mises en place afin que ces derniers puissent échanger sur leurs
expériences et puissent discuter entre eux de quelques affaires (ayant été au préalable
anonymisées) survenues au sein de leurs établissements. Lors de ces réunions d’échange,
ils pourront ainsi s’entraider dans la gestion des événements indésirables (graves) et se
soutenir. Ces réunions mises en place par l’assureur, seront bien entendu principalement
pour les établissements « importants », membres d’un groupement et ayant tous le même
assureur. Il ne pourrait y avoir de réunions entre établissements n’ayant pas un assureur
commun. Il convient donc à l’assureur de mettre en place ces réunions.
En plus de ces réunions entre direction hospitalière, les assureurs devraient également
mettre en place des rencontres d’échanges et d’informations avec leurs assurés, mais cette
fois-ci, ces derniers seront présents et accompagnés de leurs intermédiaires. Organisées
deux fois par an sous la forme de séminaires thématiques juridiques ou techniques, selon
l’actualité du moment, ces réunions permettraient de partager les différents savoir-faire et
plus particulièrement de réfléchir ensemble sur des mises en situations exposées par des
sachants tels que des experts médicaux ou des spécialités de la prévention. AXA
Entreprises a d’ailleurs mis en place ces rencontres d’échanges depuis quelques années, et
il conviendrait de développer ces méthodes aux autres assureurs de responsabilité civile
médicale afin qu’ils puissent en faire profiter leurs assurés, et ainsi mettre en place des
mesures de prévention pour gérer les événements indésirables.
Caroline BARBARAS – Master II « Manager de l’Assurance »
49
Faire témoigner les patients victimes d’EIG :
En outre, pour démontrer l’impact d’un événement indésirable sur un patient, qui mieux
placer qu’une victime pour faire passer le message ? Nous pensons donc qu’une fois par
trimestre, un patient victime d’un événement indésirable pourrait venir témoigner au sein
d’un établissement de soins et de préférence pas dans celui où est survenu l’événement.
Cette méthode serait bénéfique à la fois pour le patient victime, qui se sentira écouté et à la
fois pour les professionnels de santé qui apprendront des erreurs commises.
Apprendre aux étudiants en médecine à éviter les EIG :
De notre point de vue, il conviendra également de poursuivre les initiatives permettant
d’apprendre aux étudiants en médecine à éviter les événements indésirables graves.
Mettre en place un forum internet :
Un forum internet pourra être mis en place. Ce dernier prendra la forme de discussions
s’articulant autour de thèmes lancés par des professionnels de santé. Tous les acteurs des
établissements ne pouvant être présents lors des réunions de partage et d’informations,
pourront grâce à ce forum « se rattraper » et échanger, anonymement (pour respecter le
secret médical ainsi que la confidentialité) sur leurs différentes expériences et leurs
ressentis. N’oublions pas que le ressenti de chaque professionnel de santé est relativement
important et influe sur la qualité des soins prodigués aux patients. Ils pourront donc
s’entraider, parler de leurs erreurs et expliquer comment ces dernières ont pu être résolues.
Etre présent sur les réseaux sociaux : création d’une page Facebook :
Les assureurs, relativement présents sur les réseaux sociaux tels que Facebook, pourront
également créer une page dédiée à des conseils pratiques en matière de risque médical.
Ainsi, comme nous savons qu’environ un tiers de la population française (24 millions de
français au 31 mars 2012) dispose d’un compte Facebook, les professionnels de santé ne
doivent sans doute pas échapper à cette situation. Ainsi, ils pourront s’abonner à cette page
et profiter de conseils, de fiches pratiques et d’informations sur l’actualité de ce risque, crées
en amont par l’assureur. Cette consultation se réalisant sur le temps libre des
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50
professionnels, la page se voudra attrayante et non pas perçue comme une obligation, mais
plutôt comme un moyen d’apprendre en se diversifiant. Cette proposition s’adresse
essentiellement à une tranche de professionnels ayant entre 18 et 35 ans, tandis que les
forums, bien que tout le monde puisse en bénéficier, s’adresse plutôt à une tranche de
personnes ayant entre 30 et 60 ans.
3.4 Comparaison avec l'étranger
3.4.1 Une problématique relativement ancienne Outre-Atlantique
Les événements indésirables constituent depuis environ vingt-cinq ans une problématique
faisant l’objet d’un large débat outre-Atlantique.
Au début des années quatre-vingt, l’augmentation des affaires judiciaires consécutives à des
événements indésirables, un nombre croissant de plaintes déposées pour négligence et les
montants d’indemnisation élevés octroyés à certains plaignants ont incité l’ensemble des
professionnels du système de santé américain à prendre des mesures concrètes pour tenter
de réduire l’incidence des événements iatrogènes.
Si cet engagement a été transposé au travers d’une volonté d’amélioration de la Qualité des
Soins, il y avait également le désir d’une réduction de l’évolution des dépenses de santé. Fait
actuel, illustrant la précocité du débat outre-Atlantique, la mise en place d’un système de
déclaration obligatoire des erreurs médicales est depuis quelques années envisagée et fait
l’objet de vives discussions aux Etats-Unis.
Pour prévenir les événements indésirables, de grandes campagnes visant certains
problèmes particuliers (comme des erreurs de médicaments, des infections post-opératoires,
une pneumonie sous ventilation assistée) ont été lancées, telles que « 100 000 vies » aux
États-Unis, « Soins de santé plus sécuritaires maintenant ! » au Canada et « Ensemble,
améliorons la prestation sécuritaire des soins de santé » au Québec.
Parmi les moyens concrets, on retrouve les systèmes informatisés de prescription pour les
médecins, les listes de contrôle pré-opératoires, les bracelets avec codes à barres pour
assurer l’identification des patients et de meilleurs moyens de communications entre
professionnels.
Caroline BARBARAS – Master II « Manager de l’Assurance »
51
3.4.2 Les événements indésirables à l’étranger en quelques chiffres
La possibilité de comparer les résultats obtenus avec les études réalisées à l’étranger est
relativement circonscrite car le recueil y est le plus souvent uniquement fondé sur l’analyse
des dossiers des patients (Brennan et al.,1990 ; California Medical Association, 1977).
L’étude ENEIS se fondant sur l’interrogation des équipes de soins, ne permet pas, pour des
raisons de faisabilité, de suivre le séjour complet des patients. Ainsi, les études les plus
récentes, qu’elles soient réalisées en France ou à l’étranger, ont décidé de calculer une
densité d’incidence qui représente la proportion d’événements pour 1000 journées
d’hospitalisation.
Nous avons décidé de nous intéresser à quelques pays :
Les Etats-Unis :
Selon une étude, Kohn LT et al., To Er ris Human : Building a Safer Health System, National
Academy Press, aux Etats-Unis, il est constaté :
- entre 44 000 – 98 000 décès chaque année ;
- 8ème cause de décès aux Etats-Unis.
Le Canada :
Au Canada, l’étude Baker et al.,The Canadian Adverse Events Study, CMAJ Mai 2004,
montre que le nombre de décès est moins important qu’aux Etats-Unis mais reste
considérable.
Les problèmes de sécurité des patients ont été mesurés principalement pour les soins
hospitaliers de courte durée physique. Des études menées dans différents pays ont montré
qu’entre 3,7% et 16,6% des hospitalisations étaient associées à un événement indésirable.
Une étude canadienne réalisée dans cinq provinces a trouvé un taux d’événements
indésirables de 7,5%, dont 36,7% étaient évitables (Baker et al 2004). Une étude semblable
réalisée au Québec a montré que 5,6% des admissions d’adultes pour diagnostics
non obstétricaux ou psychiatriques étaient associés à un événement indésirable ; dans
26,8% des cas, l’événement indésirable a été jugé évitable (Blais et al 2004). Des
événements indésirables ont aussi été observés dans d’autres contextes de soins, dont les
Caroline BARBARAS – Master II « Manager de l’Assurance »
52
centres pour personnes âgées, les soins ambulatoires, les services d’urgence hospitalière et
les soins psychiatriques.
Sont donc recensés :
- 4164 admissions ;
- 7,5 % d’événements indésirables ;
- Entre 9000 et 24 000 décès chaque année.
En anesthésie, au Canada :
- 37 924 procédures anesthésiques ;
- 734 événements indésirables dans ce secteur.
Nous constatons qu’au Canada, les médicaments représentent environ 50 % de la cause
première d’erreur en anesthésie, vient ensuite la performance, le diagnostic et diverses
autres erreurs.
Ce sondage a été réalisé auprès de 687 anesthésistes canadiens ayant rapporté à près de
85 % avoir eu au moins une erreur de médicament.
L’Espagne :
Une étude nationale relative aux événements indésirables liés à une hospitalisation (ENEAS)
a mis en exergue que durant l’année 2005, 9,3 % des patients hospitalisés dans ce pays ont
été victimes d’effets indésirables dont 42,8 % étaient jugés évitables. De plus, il est constaté
que 1,9 % des séjours sont causés par des événements indésirables (Aranaz-Andrés et al.,
2008).
L’Australie :
Pour ce qui concerne les résultats en termes de proportion des hospitalisations causées par
un événement indésirable grave, une étude australienne apporte des résultats comparables
(Wilson et al., 1995) aux précédents. En effet, d’après cette étude réalisée en 1992, sur des
séjours hospitaliers au sein de 31 établissements de santé, 6,6 % des admissions étaient
causées par des événements indésirables graves.
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En revanche, dans les études les plus récentes, la répartition des événements indésirables
graves est comparable avec les résultats de l’étude ENEIS car les définitions et les
questionnaires utilisés sont similaires (Wilson et al., 1995 ; Schioler et al., 2001). La
proportion d’EIG évitables est ainsi comprise entre 37 % et 51 %. Sur l’ensemble des EIG
identifiés, de 45 % à 50 % sont survenus en médecine. Les EIG liés à une intervention
chirurgicale représentent 40 % à 50 % de l’ensemble des EIG, ceux liés aux médicaments
de 19 % à 29 %.
Ces chiffres sont donc semblables à ceux constatés en France. En effet, bien que 10 000
décès soient recensés chaque année dans notre pays, hors infections nosocomiales et
iatrogénie médicamenteuse, ce chiffre est bien loin de la réalité et avoisine plutôt les 30 000
décès par an. En effet, selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), « plus de 30 000
patients décèdent chaque année d'accidents médicaux en France ».
Cependant, le Canada avec une population d’environ 34 millions d’habitants, est un pays
deux fois moins grand que la France (65 millions d’habitants au 1er janvier 2012). Ainsi, nous
remarquons que le Canada recense un nombre beaucoup plus faible de décès chaque
année.
De plus, les Etats-Unis avec plus de 313 millions d’habitants recensent une population
beaucoup plus développée que celle de la France et leurs chiffres ne sont donc pas
comparables au système français.
Force est de constater qu’en matière de gestion des événements indésirables, ces deux
pays ont mis en œuvre des moyens de prévention plus développés qu’en France.
En somme, notre système de santé en matière de sécurisation des soins aurait donc besoin
d’être réétudié en mettant à disposition de certains organismes, tels que l’HAS, davantage
de moyens. Cependant, c’est toute l’Union Européenne qui doit revoir son système de santé
afin d’éviter la survenue d’événements indésirables (graves).
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3.4.3 La France, désireuse de lutter à son tour contre les événements indésirables liés aux soins
C’est par une politique d’amélioration de la Qualité et de la Sécurité des Soins, que la France
cherche à lutter contre les événements indésirables dans son système de santé. Plusieurs
structures ont ainsi été créées par les pouvoirs publics dans ce but. La structure la plus
importante est l’ANAES (Agence Nationale d’Accréditation et d’Evaluation en Santé), mise
en place par l’ordonnance du 24 avril 1996. Dans le cadre de son activité, l’ANAES a produit
plusieurs documents traitant spécifiquement de la qualité des soins, dont par exemple un
rapport exposant les différents principes méthodologiques de gestion des risques en
établissement de santé.
Récemment, cet organisme public et indépendant, a cédé sa place à l’HAS (Haute Autorité
de Santé), créée dans le cadre de la loi 13 août 2004 relative à l’assurance maladie. L’HAS a
repris les attributions de l’ANAES et veille ainsi :
- à l’évaluation de l’utilité médicale de l’ensemble des actes, prestations et produits de
santé ;
- à la mise en place de la certification des établissements de santé et de soins ;
- à la promotion des bonnes pratiques et du bon usage des soins auprès des
professionnels de santé mais également du grand public.
Deux autres organismes publics, l’AFSSAPS (Agence Française de Sécurité Sanitaire des
Produits de Santé) et l’InVS (Institut de Veille Sanitaire) constituent également des éléments
centraux de la lutte contre les événements indésirables dans le système sanitaire en France.
Suite à un événement indésirable, les victimes ont besoin de se reconstruire aussi bien
financièrement que mentalement. Pour cela, la France a mis en place des commissions
régionales de conciliation et d'indemnisation (CRCI) des accidents médicaux permettant de
recourir par voie amiable et gratuite. C’est un système unique au monde mais loin de faire
l’unanimité bien que chaque année, des milliers de patients victimes d’un événement
indésirable se plaignent de la médecine. Les CRCI sont victimes de leurs succès car plus de
4 000 dossiers sont traités annuellement par des juristes travaillant pour ces commissions.
En outre, les CRCI n’émettent qu’un avis et non pas un ordre. Ainsi, libre aux assureurs de
responsabilité civile médicale de faire une offre suite à l’avis rendu par la CRCI. 15 % des
dossiers sont d’ailleurs rejetés par les assurances. L’assureur est libre de se désengager
lorsqu’il est en désaccord avec la commission. Dans ce cas, la victime doit se retourner vers
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l’Etat, à travers l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections
iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) qui va lui proposer une offre, non
négociable. Le patient victime peut également saisir le Tribunal compétent pour obtenir une
indemnisation. Chaque année, plus de 1 500 soignants font d’ailleurs l’objet d’une plainte au
Tribunal, dont deux sur trois se trouvent être condamnés. Cependant, sur les 15 dernières
années, en France, aucun établissement de soins ne s’est retourné contre un de ses salariés
responsables d’une faute, à la différence des Etats-Unis où il s’agit d’une pratique courante.
La France est le premier pays à reconnaître l’accident sans faute. Seul un autre pays l’a suivi
dans cette démarche, il s’agit de la Belgique qui a mis en place un fonds d’indemnisation
semblable au nôtre.
En définitive, il n’existe pas de « système idéal » et encore moins parfait. Tous les systèmes
sont plus ou moins similaires bien que certains sont plus en avance que d’autres sur certains
points. La France devrait prendre exemple sur les Etats-Unis, arborant une transparence
dans la parution des chiffres liés aux événements indésirables graves chaque année et
devrait également mettre en place des mesures telles que des bracelets à code-barres. Les
Etats-Unis, quant à eux devraient s’intéresser à la mise en œuvre d’un système
d’indemnisation pour les victimes d’événements indésirables. Quoi qu’il en soit, les
compagnies d’assurance ont un important rôle à jouer pour permettre à tous les pays de
disposer de nouveaux moyens de prévention.
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CCOONNCCLLUUSSIIOONN
Comme le veut l’adage, « omnium artium medicale ese » (« De tout les arts, la médecine est
le plus noble »). Il ne s’agit donc pas de remettre en question l’essence même de la
médecine mais plutôt de trouver des solutions en vue de son amélioration et d’une plus sûre
sécurisation des soins.
Actuellement les événements indésirables représentent un véritable « fléau » aussi bien en
France que dans le monde entier. Apprendre à les gérer est donc une problématique
relativement en vogue depuis quelques temps à laquelle il est vital d’apporter des solutions.
Nous avons constaté lors de la réalisation de notre thèse que ces événements étaient
considérés comme un sujet tendancieux pour les parties régissant l’acte de soin. En effet, il
se trouve être délicat pour les professionnels de santé et douloureux pour les patients.
Cependant, grâce à la mobilisation des acteurs de la santé, de l’Etat ainsi que des
assureurs, des mesures ont été mises en œuvre pour tenter de réduire ces événements à de
plus justes proportions. Ainsi, les assureurs, de par leur savoir-faire et leur expérience en
matière de gestion des risques sont des acteurs essentiels dans cette démarche. Avec la
mise en place de formations, de réunions d’échange, de fiches techniques et d’autres
moyens de prévention, ils se sont imposés être des acteurs hors pairs de prévention en
matière de risque médical.
Malheureusement, l’erreur médicale reste encore taboue et seules les générations à venir
pourront bousculer les mentalités.
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AABBSSTTRRAACCTT
"How can insurers help health care establishments in the management of the serious
adverse events linked to healthcare?"
The sector I’m working in is constantly evolving. The insurers have an important role to play.
Indeed, they have to accompany health care establishments in the management of medical
risk. Unfortunately, medical risk is difficult to pinpoint because it is developed over at least a
decade, so certain subjects need to be improved, and more particularly care facility. Indeed,
an increasing number of incidents which are more or less serious happen and cause direct
damage to the patients (either sanitary, insurance-related, economic and legal) or to the
establishments (indirect damage). The occurrence of these incidents, called “serious adverse
events” establishes an important problem for the health system. It is in these conditions that
the law of August 9th, 2004, relative to the public health policy, counts among its objectives
the reduction of the serious adverse events.
The interest of this subject is to show that the serious adverse events linked to the care
within the health care establishments are a real problem, for which it would be convenient,
even essential, to find a solution. So, I decided to study the following subject: "how can
insurers help the care facility in the management of the serious adverse events linked to
healthcare?"
Firstly, I will study the treatment of the serious adverse events linked to the care in a general
way. Secondly, I will analyze the various manners to reveal this event by reminding to the
reader that the healthcare professionals must respect their duty to inform. Finally, I will
recommend some prevention measures to avoid the serious adverse events.
To conclude, the serious adverse events represent a scourge for our country, France, and
more prevention measures must be organized. The entire healthcare system and the French
population are concerned by this problem. In fact, all European countries need to treat health
as a public priority. We can hope that for years to come the number of serious adverse
events will be reduced and also, the patients will not be so frightened to go to hospital.
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BBIIBBLLIIOOGGRRAAPPHHIIEE
Dossiers :
- Guide pour l’élaboration des politiques et des procédures sur la divulgation et sur la
déclaration des accidents et des incidents – Avril 2005
- Dossiers Solidarité et Santé : Les événements indésirables graves associés aux
soins observés dans les établissements de santé n°17 – 2010
- Rapport ENEIS – Mars 2011
- Annonce d’un dommage associé aux soins (HAS) – Mars 2011
Documentation AXA :
- Revue « Risques, Prévention, Protection des établissements de santé » - n° 1 et 2
- Documents internes (deux PowerPoint du service Ingénierie Prévention RC
médicale) – 2007 et 2010
Documentaire télévisé :
- Enquête de santé : Les erreurs médicales – Juin 2012
Principaux sites internet :
- www.has-sante.fr/
- www.sham.fr/
- www.macsf.fr/
- www.sante.gouv.fr/
Entretiens :
- avec Jean-Pierre M., Ingénieur en Prévention et Conseil en Responsabilité Civile
médicale
- avec le Docteur X., médecin conseil AXA