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Revue thématique PERSPECTIVES HAITI Volume 6 • Numéro 4 • Automne 2018 Changements climatiques

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Revue thmatique

PERSPECTIVESHAITI

Volume 6 Numro 4 Automne 2018

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Changements climatiques

Un dpartement dynamique en recherche

Les activits de recherche et denseignement aux cycles suprieurs en gnie informatique et gnie logiciel permettent de faire avancer les connaissances dans des axes de pointe et de former des diplms de haut niveau pour soutenir la croissance de lconomie base sur le savoir.

Nos programmes dtudes

Lenseignement aux cycles suprieurs au dpartement se divise en :

Doctorat en gnie informatique (Ph.D.) ;

Matrise recherche en gnie informatique (M.Sc.A.) ;

Matrise cours en gnie informatique (M. Ing.) ;

Matrise (ou DESS) modulaire en gnie informatique

option rseautique ;

Diplme dtudes suprieures spcialises en gnie informatique (DESS).

Nos professeurs

Le dpartement compte 30 professeurs de rputation internationale et dynamiques en recherche.

Nos axes de recherche :

La rseautique et linformatique mobile, la recherche en systmes embarqus, les systmes intelligents, les systmes de simulation numrique et de visualisation, le gnie logiciel et les mthodes dingnierie applique aux systmes logiciels.

HP 06-3 C marine et orange.indd 2 18-08-08 13:17

Hati PerspectivesRevue thmatique du GRAHNditeur en chefSamuel Pierre, Canada

diteur associBndique Paul

Directeur de productionJames Fthire, Canada

Coditeur invitKnel Delusca

Rvision scientifiqueKnel Delusca

Rvision linguistiqueNicole Blanchette, Michel-Ange Hyppolite, Canada

Collaboration spcialeJulio Warner Loiseau

Responsable de la distributionTatiana Nazon, Canada

Comit de distributionDirecteur et responsable Europe : Raymond Kernizan, France ; Directrice adjointe et responsable Canada : Tatiana Nazon ; Responsable Hati : Claude Agnor et Jerry Jacquet, Hati ; Responsables tats-Unis : Mirlande B. Alexandre, New Jersey ; vangline Roussel, Boston ; Florence Deltor Jean-Joseph, New York

IllustrationsJames Fthire, Canada

Production WebStphane Debus & GRAHN-Monde

TradiksyonMichel-Ange Hyppolite, Canada; Yvon Lamour, tats-Unis

GraphismeDanielle Motard, Canada

ImpressionMarquis imprimeur, CanadaDpt lgal

Bibliothque et Archives nationales du QubecBibliothque et Archives CanadaISSN : 1929-4433Nombre de lecteurs : 50 000Les auteurs des articles publis dans Hati Perspectives conservent lentire responsabilit de leurs opinions. Toute reproduction est autorise condition de mentionner la source et les auteurs.

Contact : [email protected] www.haiti-perspectives.com

PIGMPresses internationales GRAHN-Monde

Sommaireditorial

3 Composer avec le changement climatique ou en subir les consquences ? Bndique Paul

Editoryal4 Jere chanjman klima a oswa sibi pil konsekans li lakoz yo ? Bndique Paul

Analyse5 Un systme ducatif hatien moderniser Julio Warner Loiseau

Cahier thmatique13 Changements climatiques Knel Dlusca

15 Mot du coditeur Knel Dlusca

16 Pawl ko-edit yo Knel Dlusca

17 Lutte contre les changements climatiques en Hati : des pistes pour comprendre la complexit du problme Raoul Vital

21 Limportance des cosystmes forestiers et les enjeux de la dforestation dans la lutte contre le changement climatique en Hati : Cas des mangroves du Parc des Trois Baies, des forts des massifs de la Selle et de la Hotte Constantin Joseph et Pascal Saffache

33 Restauration des paysages forestiers et agroforestiers jumele la valorisation des dchets organiques en Hati pour le dveloppement durable dune conomie verte rsiliente aux changements climatiques Martin Beaudoin Nadeau, Louise Hnault-Ethier, Flix Junior Rony, Guypsy Michel et Marcel Monette

Appel contribution44 Risques sismiques, prvention et prparation

46 Politique conomique, Gestion fiscale et Politique montaire

Demann pou tks45 Risk pou tranbleman t, prevansyon epi preparasyon

47 Politik ekonomik, Jeson fiskal ak Politik monet

Call for papers45 Seismic risks, prevention and preparation

47 Economic policy, Fiscal management, and Monetary policy

mailto:haiti-perspectives%40grahn-monde.org?subject=http://www.haiti-perspectives.com

GRAHNMondePrsident Samuel Pierre, ing., Ph. D.V-P principal Programme et projets Michel Julien, M.A.V-P Financement Raymond Kernizan, M. Sc.V-P Communication et service aux membres James Fthire, Ph. D.V-P Dveloppement de chapitres et recrutement Ludovic Comeau Jr, Ph. D.V-P Science et technologie Jean-Marie Bourjolly, Ph. D.V-P Justice sociale et droits humains Kerline Joseph, Ph. D.V-P Affaires administratives et secrtaire Tatiana NazonTrsorier Valry Dantica ing., M.Sc.A.Conseillers-Conseillres Mlissa Georges, ing., M.Sc.A., Dre Marie-Hlne Lindor, Myrlande Pierre, Pierre Toussaint, Ph. D.

HATIGRAHN HatiPrsident Narcisse FivreSecrtaire Bndique PaulTrsorier Jerry JacquetV-P Communications Harold IsaacV-P Relations Publiques et Dveloppement des chapitres (Ouest) Nemours DamasV-P Dveloppement des Chapitres (Grand Nord) Harold DurandV-P Dveloppement des chapitres (Grand Sud) Jean D. LajeunesseV-P Relations avec les milieux du Savoir Evens EmmanuelV-P Innovation et Crativit Serge MichelConseiller Principal William EliacinConseillers Ascencio Paul, Faidlyne PolicardConseillre et prsidente sortante Laurence Gauthier Pierre

GRAHN Acul-du-Nord Prsident Fausnel PierreV-P principale Guerline NrlusV-P recrutement Lucien GuerrierSecrtaire Misma ExavierSecrtaire adjoint Michel-Ange AugustinTrsorier Ronald E. PierreTrsorier adjoint Julien Joseph

GRAHN Cap-HatienPrsidente Lynda OssV-P Principal Harold DurandV-P Coordination du Chapitre Jonas CheristinTrsorire Maryse Philomne PierreSecrtaire Yves NolV-P Relations publiques Colette SemexantV-P Affaires administratives M. Salomon GabrielV-P Dveloppement du Chapitre

Jacquelin AlciusV-P adjoint Dveloppement du Chapitre Joel Clairesia

GRAHN CayesPrsident Oriza JamesV-P de projet Jean Mario CharlesV-P Relations publiques Lamarre EvensV-P de recrutement Wesly Milard V-P Dveloppement du chapitre Maxime MarionV-P Financement Jean Rigaubert GiletTrsorier Principal Rgis Estre Trsorier adjoint Willy Fortune Secrtaire Principale Ingrid JosephSecrtaire adjointe Francelene St-Clair Conseillers Museau David, Kerry Jean-Louis, Martine Grard, Dorsainvil Wilson

GRAHN HinchePrsident John Wesley AugustinV-P Principale Larosaire G. GermainV-P Relations publiques Malherbe CharlesTrsorier Miradieu PoidieuSecrtaire Wichemise D. AugustinConseillers Jean Robert Charles, Vernet Simon

GRAHN LoganePrsident Yves SainsinV-P principal Pierre Charles BazileV-P relations publiques Jean David LambertV-P adjoint relations publiques Dayana RemfortSecrtaire Daphkar CompreTrsorire Mirlande ZarConseillers Kenson Csare et Pierre Joseph Clestin

GRAHN Les AnglaisPrsident Marc Jean-Nol PagetV-P Jude Pierre-ArnoldV-P Relations publiques Lamy Guy BensonTrsorire Agathe CharlesTrsorire adjoint Ridza Jean MardyResponsable logistique Orcelin ToussaintSecrtaire Patricia CadetSecrtaire adjoint Jean Tramil St-CyrConseillers Marie-Andre Jean-Charles, Patrick Vital, Robert Thlusca

GRAHN LimbPrsident Charlot KilySecrtaire Donalson LouisTrsorire Rose Samantha PierreResponsable relations publiques Robeans MultidorDlgu Merlin Saint-Fleur

GRAHN Plaine-du-NordPrsident Ascencio Paul V-P Principal projets Robens Daly V-P Relations publiques et recrutement Ronel MesidorSecrtaire Ange-Blonde Metellus Secrtaire adjoint Edolphe DalyTrsorier Jeff ToussaintTrsorier-adjoint Edwin DalyConseillers Louis-Phanor Joseph, Ebed Paul

GRAHN Port-au-PrincePrsidente Faidlyne PolicardVice-Prsident Nemours DamasSecrtaire Claude AgenorTrsorire Germine SideConseillers Jules Bellerice, Marc Lionel Armand, Frantz Ochny, Nathaelle ButeauPrsident sortant Gilbert Buteau

GRAHN Port-de-PaixPrsident Dartiguenave LonVice-Prsidente Solange B. SaturneSecrtaire Erlande PierreTrsorier Me Arnel AugusteConseiller Jean-Riguerre Toussaint

GRAHN St-MarcPrsident Rodney Mento V-P Pierre Jean Resky Secrtaire Anna Fils Aime Secrtaire adjoint Jean Mary FrantzTrsorire Carline DorainvilConseillers Marc Edouard Similien, Cadet Pierre Richard

CANADA GRAHN CanadaPrsident James Fthire, Ph. D.Trsorire Marlne Chouloute-HyppoliteSecrtaire Georges Mercier, ing.

GRAHN MontralPrsident James Fthire, Ph. D.Secrtaire Valry Dantica, ing., M.Sc.A.Trsorire Mlissa Georges, ing., M.Sc.A.

GRAHN Ottawa/GatineauPrsidente Marlne Chouloute-HyppoliteVice-Prsident Robert Nonez, ing.Trsorier Dr Faudry Pierre-LouisSecrtaire Michel-Ange Hyppolite, ing.Conseillers Grard Sylvestre, Gustave Boursiquot, Ph. D., Jude Jean-Franois Michel-Ange Hyppolite (Kaptenn), Jean Perrin-Jean, Edzer Charles, Violne Gabriel

GRAHN QubecPrsident Jean-Joseph Moisset, Ph. D.Vice-prsidente Alourdes AmdeSecrtaire Philippe Nazon, ing., Ph. D.Trsorier Harold AugustinConseiller Serge Vicire

GRAHN MauriciePrsident Claude BlizaireSecrtaire Jean-Michel MnardTrsorire Nicole Philippe

GRAHN Sherbrooke/EstriePrsident Dr Raymond DupervalSecrtaire Dr Henry LabrousseTrsorier Georges Mercier, ing.

FRANCEGRAHN FrancePrsident Raymond KernizanV-P Relations publiques Paul BaronV-P Communication Reynold HenrysSecrtaire Barbara DambrevilleTrsorire Vicenta PalomaresConseillers Daniel Derivois, Renaud Hypolite, Paul Jean-Franois, Ronny Lappomeray, Daniel Talleyrand

SUISSEGRAHN SuissePrsident Dodly AlexandreVice-Prsident Hrard LouisSecrtaire Malick MattheyTrsorier Jacques-Michel DieudonneTrsorier adjoint Olivier PierreConseiller Dominique Desmangles

USAGRAHN USAPrsident Ludovic Comeau Jr, Ph. D.Conseillers Jean-Wilner Alexandre (New Jersey), Lonce Avignon (Washington D.C.), Charlot Lucien (Boston/New England)

GRAHN ChicagoPrsident Lionel Chry, MBAVice-Prsident Me Tania LumaSecrtaire Carole Thus, M. Sc.Trsorier Serge FontaineDirectrice de programme Maude Toussaint-Comeau, Ph. D., President sortant Ludovic Comeau Jr, Ph. D.

GRAHN New England/BostonPrsident Charlot LucienSecrtaire Lyns HerculeSecrtaires excutives Sarah Hendricks, vangline RousselTrsorier Ghislain Joseph

GRAHN New JerseyPrsident Jean Wilner AlexandreDirectrice excutif Mirlande B. AlexandreSecrtaire Davilus JeanTrsorire Roselore BrignolleRessources humaines Dr Lou AlexandreRelations publiques Pasteur Thelusca Joseph

GRAHNMonde Branches et Chapitres

Hati Perspec tives , vol. 6 no 4 Automne 2018 3

ditorial

Composer avec le changement climatique ou en subir les consquences ?

Bndique Paul

Pendant plusieurs dcennies, les dbats sur le changement cli-matique ont t lobjet de nombreuses controverses tant scien-tifiques que gopolitiques. Entre principe de prcaution et jeux dintrts divers, ils nont pas abouti des conclusions partages. Rcemment, les dbats ont t dplacs sur les effets du change-ment climatique, les stratgies de lutte contre ce changement et la manire de mitiger ces effets. Dsormais, seuls quelques cli-matosceptiques marginaux persistent remettre encore en cause lexistence du changement climatique.

Tous les secteurs dactivits, de lagriculture lindustrie en passant par le transport et la logistique, sont concerns par les perturba-tions du climat. Ces dernires, relevant initialement de lvolution normale du monde, ont t acclres par les activits humaines, au point quune injustice sinstalle tant au sein des gnrations prsentes quentre celles-ci et les gnrations futures. En effet, les populations qui participent la dgradation du cycle normal du climat et celles qui en subissent les effets ne sont gnralement pas les mmes. De plus, les personnes dont les activits provoquent lacclration des effets du changement climatique en tirent des revenus leur permettant de mieux faire face aux consquences que celles qui sont touches par ces effets. Enfin, la propagation gographique des effets du changement climatique entrane des dommages collatraux sur des personnes situes bien au-del des frontires des activits climato-irresponsables. Ds lors, la question devient institutionnelle.

Les rgles labores ou les institutions cres il y a quelques annes pour rguler les activits dont les effets sont dltres sur le climat et lenvironnement lont t dans un cadre de rflexion conomique traditionnelle. Il en est rsult un march : celui de la pollution, domin par les pollueurs-payeurs. Or, la plupart des activits polluantes chappent au fonctionnement dun march

ordinaire. Le march du permis de polluer a connu les mmes dfaillances que le march standard.

La dimension macroconomique de la rgulation des activits non respectueuses de lenvironnement et du climat entrane une inef-ficacit des institutions tablies dans le secteur public. Mme les recommandations du Groupe dexperts intergouvernemental sur lvolution du climat (GIEC) ne parviennent pas simposer aux tats. Au niveau microconomique, les rgles de gestion des com-muns ont montr une plus grande efficacit, comme la dmontr Elinor Ostrom, dans ses recherches primes par le comit du prix Nobel. Cependant, cette dimension microconomique est localise et par consquent a une porte limite.

Chaque personne, acteur ou victime des effets du changement cli-matique, est concerne par la mobilisation ncessaire visant dune part limiter les actions qui acclrent le changement climatique et, dautre part, composer avec les consquences dj prsentes de ce changement. Dans le cas des pays en dveloppement, il demeure plus difficile pour eux de lutter contre le rchauffement climatique. Les actions menes sont localises majoritairement dans la miti-gation des effets. Pourtant, mme si ces pays naccueillent pas les activits qui acclrent ce rchauffement, dans chaque sec-teur dactivit, des efforts peuvent tre entrepris pour rduire ses consquences dsastreuses. Les pratiques dans lagriculture, et en particulier dans les systmes dlevage, sont un excellent point de dpart. Car si, ses dbuts, les pratiques agricoles rduisaient les espaces forestiers, il a t dmontr que lagriculture peut ga-lement aider entretenir, domestiquer et mme produire des essences forestires. Or, les forts sont essentielles pour parvenir lobjectif rappel par le GIEC, qui est de contenir le rchauffement mondial bien en de de 2 C, tout en poursuivant laction mene pour limiter la hausse des tempratures 1,5 C.

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Editoryal

Jere chanjman klima a oswa sibi pil konsekans li lakoz yo ?

Bndique Paul

Latriye ralemennenkase ak dozado sou chanjman klima gen dizn sou dizn ane depi yo ap ft nan mitan kominote syan-tifik menmjan ak milye jeyopolitik. Kit se pou prensip prekosyon, kit se pou avantaj tout plimay, yo pa rive abouti sou pys konklizyon, yonn ta ka dak ak lt sou yo. Pa sitlman gen lontan depi rale sa yo tanmen vin chita sou konsekans chanjman klima, epitou sou estrateji pou konbat chanjman kmkwa pou diminye konsekans. Apasa, nou mt di se kk rekalsitran ak moun tt di ki kontinye montre doutans yo ak pozisyon rd yo sou ekzistans kozman chanjman klima sa a. Se nan tout kalite sekt aktivite, moun pran zaf ptibasyon nan klima oserye, soti nan agrikilti, sige nan endistri, ale sou transp jouk rive sou planifikasyon. Menmsi evolisyon lemonn konn lakz dega sa yo nmalman, sanble aktivite noumenm moun sou lat vin akselere yo pi plis toujou, jouk dwt menm rive lonje sou esps enjistis jenerasyon alkile ap tabli kite pou jenerasyon ki ap vini. Dizondi, popilasyon ki patisipe nan deranje mouvman siklik klima yo, se pa yomenm ki sibi menm konsekans yo. Ki pi rd, pil moun ki ap f aktivite ki lakz chanjman klima yo ap akselere konsa yo, yo rive f anpil pwofi ki pmt yo boule ak konsekans yo pi byen pase moun ki sibi menm konsekans sa yo. Egal, jan konsekans chanjman klima yo pwopaje toupatou jeyografikman vin lakz foultitid dega endirkteman-dirk sou moun ki abite menm lwen lwen lwen zn kote aktivite k ap ptibe klima yo ap ft yo. Kidonk, koze sa a se yon koze ki dwe regle enstitisyonlman enstitisyonl.

Toutbonvre, se sou baz refleksyon ekonomi tradisyonl ki slman jere konsekans minim sou klima a rgleman ki te tabli ak enstitisyon ki te kreye yo te ft. Rezilta a vin bay yon kalte mache kote polisyon an alafwa anba ponyt ak dominasyon fzpolisyon ak peypoli-syon (moun ki ap f polisyon an ap peye pou polisyon an limenm tou). Pif aktivite ki te ap simen polisyon yo te konn opere anndan yon mache akote soulzl. Menmjan mache ki te pmt anvayisman polisyon an vin echwe a, mache fml la vin tonbe menmjan tou.

Tout enstitisyon nan sekt prive a ki te tabli pou regle jesyon aktivite ki pa respekte klima ak anviwnman an te prske nil oswa san fs poutt dimansyon makwo-ekonomik koze a. Anpil peyi pa te suiv bonkou rekmandasyon yo te jwenn nan men eksp nan domn nan ki konn soti nan plizy gouvnman, espesyalman nan GIEC (Groupe dexperts intergouvernemental sur lvolution du climat). Tankou Elinor Ostrom f soti nan rechch li te prezante devan manm komite pri Nobl yo, nan nivo mikwoekonomi rgleman yo te bay pi gwo rannman lontan lontan. Se vre tou, dimansyon mikwoekonomik sa a te lokalize nan kk sekt, kidonk yo te genyen anpil limit.

Chak grennmoun, kit se akt, kit se viktim, nou tout ki anba konse-kans chanjman klima dwe pote kole nan mobilizasyon an ansanm, yon fason pou nou ka limite tout aksyon ki lakz chanjman klima ap akselere, epitou pou nou ka bare wout konsekans nou gentan ap viv akz chanjman klima jounen jodi a menm. Li pa fasil pou moun ki ap viv nan peyi soudevlope rive lite kont rechofman klima. Tout aksyon moun sa yo ap f yo se pou redui ef negatif chanjman klimatik la. Atoutsa, menmsi peyi sa yo ki pa genyen aktivite ki akselere rechofman klima, chak sekt dwe mete men alapat pou li diminye bann konsekans dezas sa yo. Nou ka derape nan agri-kilti, sitou nan sistm elvaj zannimo, se yonn nan premye jef ki ka ft. Atout agrikilti, depi nan derapman li, se te aktivite ki konn redui espasfor, rechch alkile yo demontre tou, menm agrikilti sa a kapab ede pran swen, domestike epi pwodui yon kalte esps pyebwa ak plant anndan yon sistm gadinaj for balanse. At, for yo enptan si pou nou rive touche pwent tt bivize GIEC te lonje dwt sou yo yo : kenbe nivo rechfman mondyal la anba 2 degre Celcius (Slsiyis) (2 C), pandan nou ap rapousuiv aksyon ak aktivite ki p ap depase, oswa monte pi wo pase, tanperati 1, 5 degre Celcius (Slsiyis)(1, 5 C).

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analysE

Un systme ducatif hatien moderniserJulio Warner Loiseau

Rsum : tablir la base dun professionnalisme juste, comptent, et amliorer leffi-cience du march du travail sont deux objectifs qui sous-tendent lexistence dun bon systme denseignement. Cet article dcrit les dficiences du systme ducatif hatien, qui demeure dans un tat de gestation perptuelle. Il offre des ides pour redresser le systme, accrotre la performance, prenant en compte la forte dtrioration et les failles constates dans le systme. Il critique la qualit de lenseignement suprieur et encourage lintgration et le renforcement de la recherche en gnral. Il propose aussi des recommandations dordre administratif pour secourir lducation sup-rieure. Enfin, il examine les solutions qui permettraient de moderniser les universits publiques, en particulier limplantation de laboratoires, de bibliothques, lintgration et la consolidation de la coopration avec les entreprises rgionales ou nationales pri-ves. Lessentiel, cest que le systme denseignement suprieur hatien a besoin dune intervention rapide mais rationnelle pour procder la formation de professionnels qualifis qui deviendront des agents de dveloppement durable.

Rezime : Etabli baz la pou yon pwofesyonalis jis epi amelyore efikasite mache travay la, se de objektif ki mande yon bon sistm edikasyon. Atik sa a dekri defisyans ki genyen nan sistm edikasyon ayisyen an, ki rete nan yon eta jestasyon tout tan. Atik la ofri ide pou vire sistm lan nan bon sans, ogmante pfmans li, an menm tan nou ap konsi-dere deteryorasyon ak fay ki geneyen nan sistm lan lan. Li kritike kalite anseyman sipery epi ankouraje entegrasyon ak ranfsman rechch an jeneral. Li pwopoze tou rekmandasyon nan administrasyon pou sove edikasyon sipery a. Finalman, li ekza-mine solisyon ki pou ta pmt modnize inivsite piblik, sitou pou enstalasyon labo-ratwa, bibliyotk, ak entegrasyon epi konsolidasyon nan koperasyon avk konpayi rejyonal oswa nasyonal. Sa ki pi enpotan an, s ke sistm edikasyon sipery ayisyen an bezwen yon entvansyon rapid men rasyonl pou fomasyon pwofesyonl kalifye ki pral vin ajan devlopman dirab.

1. INTRODUCTION

Nombreux sont les pays en qute de dveloppement durable qui comprennent le lien entre dveloppement et universit. Mais il est dailleurs raisonnablement soutenu que luniversit, comme source de savoir, de sciences et de techniques, doit jouer un rle fondamental dans le dveloppement et le bon fonctionnement dune nation ou dune socit en gnral. Ainsi, ces pays mettent tout en branle afin davoir des universits qui constituent leurs piliers dexcellence. Par exemple, chez nos voisins de la Rpublique Dominicaine, dans la partie est de lle, il y a des universits trs reconnues qui attirent des tudiants des pays dvelopps. Parmi ces avides du pain de linstruction suprieure et ces chercheurs de culture, on rencontre des Brsiliens, des Canadiens, des Russes, des Amricains, et de plusieurs pays du Moyen-Orient. Comme la fait remarquer Antoine Atouriste dans son valuation post-sismique de lenseignement suprieur en Hati, on rve encore la concep-tion dune universit de qualit [1]. Apparemment, on na que des coles suprieures dguises en universits, et les licences ne sont reconnues que sur le tiers de lle, malgr toutes les prtendues comptitions. Par exemple, un licenci de Quisqueya croit quil est mieux form que celui dInuka, de Lumire ou de Notre-Dame.

Les problmes de luniversit en Hati sont tellement nombreux et complexes que les numrer ici serait peine perdue. Les problmes de luniversit hatienne requirent des actions, car lunique fait de sonner des alarmes, que nos dirigeants se contentent dignorer, ne suffit pas : elles ne rsonnent pas assez pour fournir des solu-tions. Beaucoup se plaisent dire que, comme toutes les autres institutions, luniversit hatienne fonctionne limage du pays. La recherche dans luniversit hatienne est un impratif qui manque, si lon part du fondement que lune des missions essentielles dune universit est de produire de la connaissance scientifique. Cette connaissance peut-elle tre exploite pour le progrs et le dve-loppement du pays ? En se comparant avec des tudiants trangers, nombreux sont les tudiants hatiens qui se demandent si len-semble des universits hatiennes produit vraiment de la connais-sance scientifique pouvant tre utile au progrs ?

On est peut-tre toujours contraint de rpondre par la ngative. En dpit de larticle 211-1 de la Constitution de 1987, qui stipule que les universits et coles suprieures prives et publiques doivent fournir un enseignement adapt lvolution et aux besoins du dveloppement national [2] , le systme ducatif hatien en gnral est loin de participer efficacement au dveloppement du pays. En

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Analyse

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effet, ils sont peu connus les universits hatiennes qui ont leurs propres revues scientifiques et les ducateurs qui publient des ouvrages ou des articles scientifiques. En outre, sagissant des sciences exactes, il est utopique didentifier une dcouverte scien-tifique publie ou une invention quelconque en Hati. En effet, cest d en partie au fait que luniversit ne fait quun travail de forma-tion et non un travail de recherche. Sans la recherche, on admet logiquement que la structuration par discipline introduit dans len-seignement suprieur une excentricit lie une focalisation sur lenseignant, avec transfert littral dun savoir cod au lieu dun soutien au processus individuel dapprentissage. Sans linspiration et la crativit qui dvelopperaient la pense critique pour un pseu-do-dveloppement, les universits risquent de produire encore des diplms qui napportent rien leurs communauts. En dautres termes, lenseignant hatien se contente de transmettre aux tu-diants des thories venues de lOccident sans leur apprendre com-ment faire des recherches utiles leur dveloppement personnel, en sciences sociales notamment, ou mme comment construire des thories adaptes leur situation [3].

Daucuns savent que la rputation dun professeur duniversit dpend de ses publications [4]. Or, dans le systme universitaire hatien, on ne contraint pas ou nencourage pas les professeurs publier. Ainsi, on trouve des professeurs de carrire qui nont aucune publication, scientifique ou autre. Ce qui constitue, mal-heureusement, une situation catastrophique. Dailleurs, profes-seur Jean Claude Fignol qui sindignait de ltat catastrophique de luniversit dtat a dclar que luniversit se retrouve ferme sur elle-mme dans de vieilles structures, codifiant encore des savoirs dpasss [5].

Beaucoup de problmes de luniversit hatienne sont directement lis son histoire laconique. Mme si les premires tentatives de cration dtablissements denseignement suprieur remontent au 19esicle, cest le roi Henry Christophe qui, en 1815, a cr lAca-dmie royale, laquelle comprenait une cole des arts et mtiers, une cole de mdecine, de chirurgie et de pharmacie, et une cole dagriculture [6]. On a d attendre Jean-Pierre Boyer pour voir une tentative de cration dune acadmie nationale, noble projet qui na malheureusement eu quune existence phmre [7].

2. POURQUOI DOIT- ON PRIORISER LES TRAVAUX DE RECHERCHE ?On ne prtend pas forcer nos jeunes rinventer la catapulte, mais force est dadmettre, sans donner une rponse exhaustive, quune majorit crasante de nos professeurs duniversit ne sont pas des chercheurs [8]. Le problme tire son origine de la mthode de travail mme des professeurs. Normalement, dans les pays occi-dentaux, le professeur est nomm, temps plein, pour un travail de formation et de recherche. Il a un bureau, un salaire dcent et dautres avantages lui permettant de faire son travail en toute quitude. Or, que ce soit lUniversit dtat dHati ou dans les universits prives du pays, les professeurs sont pour la plupart recruts temps partiel, gnralement engags pour donner un ou plusieurs cours bien spcifiques, et ce, pour un salaire qui ne suffit pas pour leur permettre une vie dcente. En outre, la plupart

de ces professeurs nont aucun bureau et ne sont rattachs aucun laboratoire de recherche. Dans ce contexte, le professeur est oblig de compenser son revenu avec des emplois supplmentaires pour gagner dignement sa vie. Pourtant, selon le Dr Joseph Jutile Loi-seau, le professeur en temps libre devrait tre rattach un labo-ratoire de recherche pour analyser les problmes et proposer des solutions, faire des dcouvertes, conduire des tudes scientifiques, publier des articles (Dr Joseph Jutile Loiseau, communication per-sonnelle, 21 octobre 2018).

Pour ce faire, il faudrait que ltat soutienne les professeurs et rvise leurs salaires et avantages pour garantir leur productivit dans un rgime social dpolitis. Si on veut parler dducation suprieure, il faut sassurer que les professeurs puissent participer plein temps aux activits acadmiques. En fait, la plupart des professeurs duni-versit en Hati sont des gens travaillant soit dans ladministration publique, soit dans des organisations internationales, soit dans des organisations non gouvernementales, soit dans le secteur priv. Ainsi, ces personnes nont pas assez de temps pour participer aux activits acadmiques. Cette situation engendre dautres problmes tels que labsence et le retard dans les cours, lincapacit de res-pecter le nombre dheures requis pour lanne acadmique, linca-pacit de terminer le programme dtudes. Souvent, les tudiants partent de chez eux tt le matin, sans avoir pris le petit djeuner, pour assister un cours programm dans la matine, et cest leur arrive en salle quils apprennent que le professeur a eu un empchement et ne pourra pas se prsenter. La prcarit cono-mique du pays ne garantit pas le pain quotidien des tudiants, ce qui restreint le progrs. Avec un cerveau mal aliment, la capacit dapprentissage dun individu diminue considrablement.

Le professeur nest pas exempt des effets des contraintes de temps, ce qui affecte aussi la qualit de la formation, car il na le temps ni de prparer ses cours ni de les annoter en fonction des volu-tions du domaine en question [9]. Do lorigine du problme de la mauvaise qualit et de la dsutude des cours enseigns dans certaines universits. lUniversit dtat dHati, quelques rares professeurs temps plein reoivent de maigres salaires qui ne leur permettent pas vraiment de vivre dcemment. Un salaire de 40000 gourdes, par exemple, et de minces frais sont carrment disproportionns par rapport aux efforts attendus dun profes-seur temps plein, mme avec un niveau de vie modeste. Ainsi, mme sils sont embauchs temps plein, pour combler ce vide, les professeurs se voient dans lobligation de trouver des emplois supplmentaires, ce qui a pour consquence quils nont pas le temps de se consacrer des activits de recherche. Il est noter que ces professeurs travaillent souvent sur un fond de frustration lgitime et juste quand on met en relation leur niveau dtudes et leur salaire. Il est assez paradoxal quon rclame un niveau univer-sitaire un professeur tout en refusant de lui donner un salaire dcent. Soulignons que beaucoup dtablissements paient des salaires trs allchants aux personnes ayant un niveau adquat. Parce que luniversit hatienne nglige ses professeurs, beaucoup de professionnels ayant fait des tudes avances (matrise, doc-torat, post-doctorat), malgr leur sentiment pour le professorat, prfrent travailler dans dautres tablissements qui les rmunrent dignement ou mme quitter Hati, aprs des colres et frustrations

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Analyse

justes, pour intgrer lenseignement suprieur ailleurs. Ainsi, luni-versit hatienne perd des chercheurs qualifis et expriments qui pourraient participer son dveloppement. Sur ce dernier point, il est remarquer une certaine hypocrisie de la classe politique hatienne qui claironne dans les mdias la ncessit dempcher la fuite des cerveaux, mais qui ne fait rien concrtement pour attirer et garder les professionnels, les diplms, les licencis et les cher-cheurs hatiens de haut niveau.

Les patrons de lenseignement hatien se soucient peu de ceux qui ont consacr leur vie lducation. Ce fait a des consquences directes sur la dvalorisation de lenseignement suprieur et de la recherche en Hati. On ne saurait faire lconomie dune question fondamentale, car en Hati les professeurs duniversit comme tous autres professionnels ne reoivent que des salaires de survivance [10]. Nous parlons dun pays o mme une infirmire peut passer plus de six mois sans tre paye. Quelque soit le type de rponse la question de financement des universits en Hati, elle diffrera toujours selon quil sagira de lUniversit dtat dHati ou des uni-versits prives. Sagissant de ces dernires, souvent, leur budget, rsultant principalement des frais dinscription et des droits de scolarit des tudiants, nest pas suffisant pour recruter des profes-seurs temps plein. Par ailleurs, il est aussi noter quil existe une surabondance duniversits insuffisamment qualifies dans le pays, qui nont ni les moyens financiers, ni les ressources humaines, ni les normes de fonctionnement appropris. Parfois, elles fonctionnent sans lautorisation de ltat. Elles offrent un salaire misrable leurs professeurs, dont une grande partie manque de qualification et de pdagogie. Cest aussi un cas courant de voir des licencis qui enseignent comme professeurs et qui sont plus tard devenus doyens ou recteurs [11].

Il est inacceptable quun professionnel, peu importe le domaine, nayant que sa licence puisse enseigner des tudiants au niveau licence. Dans un systme universitaire normal, cela constituerait une absurdit. Face cette carence de comptence, ces profes-seurs peu qualifis, sadaptent au salaire minimum propos tout en dveloppant des options secondaires pour rpondre leurs obligations financires. Il nest nul besoin de signaler que la qualit de lducation offerte dans ces dites universits laisse dsirer. Quelles soient des universits prives ou dtat, toutes se plaignent du manque de moyens financiers pour payer des professeurs temps plein. Quand, exceptionnellement, elles les engagent, elles naccordent que de modiques salaires, faute de budget , se justi-fient-elles. Dans ce contexte, le professeur temps plein devrait se considrer comme un martyr sacrifiant son salaire pour participer la formation des futurs cadres du pays. Cependant, cet argument ne tient pas, car lorigine des ressources de lUniversit dtat dHati nest pas la mme que celle des universits prives.

LUniversit dtat dHati est en effet un tablissement indpendant dont les principales ressources financires proviennent du budget de la Rpublique. Donc, on est amen poser les questions que voici : Pourquoi ltat hatien, travers le budget de la Rpublique, naccorde-t-il pas un traitement raisonnable aux professeurs et ne leur garantit-t-il pas les moyens de faire de la recherche ? Luni-versitaire hatien est-il condamn mmoriser des ouvrages de lOccident qui limitent sa pense critique ? En dfinitive, pourquoi

prfre-t-on recruter des professeurs temps partiel plutt qu temps plein ?

Contrairement au systme ducatif hatien, dans les universits occidentales, le professeur temps partiel est une exception [12]. Cest un moyen pour lesdites universits de recruter un haut fonc-tionnaire ou une personne de terrain qui pourra mettre son exper-tise et son exprience pratique au service de luniversit [13]. En comparaison, en Hati, les professeurs temps partiel constituent la norme, les professeurs temps plein tant lexception. Aux ques-tions prcdemment formules, la rponse la plus frquente que lon obtient de la part des dcideurs politiques est quil ny a pas assez dargent. Cette rponse facile utilise lexcuse pratique quHati est un pays pauvre. Mais comment peut-on lutter contre la pau-vret sans prioriser lducation et plus prcisment la recherche scientifique ?

Nanmoins, on peut bien remettre en cause la mdiocrit duca-tive par rapport dautres facteurs. Mais doit-on se contenter des excuses des autorits tatiques qui prtendent ne pas avoir les moyens pour financer correctement lenseignement suprieur et la recherche au sein de lUniversit dtat alors quils en trouvent pour financer lducation de leurs enfants en terre trangre ?

La rponse cette question se trouve dans une analyse rationnelle des politiques publiques et de lallocation des ressources finan-cires au sein de ltat qui montre cette mauvaise foi calcule. Cette indcence caractrise par la mauvaise volont dun Parlement qui tend rviser la baisse le budget ducatif national. ce sujet, par exemple, le professeur Fritz Deshommes nous a rappel que ltat ne dfinit pas, ni napplique pas une politique publique claire en matire denseignement suprieur et de recherche scientifique et que le budget de luniversit en est lindicateur [5]. Pour pointer la mauvaise foi des autorits politiques ce sujet, on peut faire la comparaison avec les salaires de nombre de consultants auprs des institutions publiques, alors que ces consultants pourraient tre des professeurs temps plein de lenseignement suprieur. cet gard, pourquoi ltat paie-t-il copieusement des consultants alors que des professeurs duniversit ne reoivent pas des trai-tements dcents ? Le travail que fait un professeur ne serait-il pas aussi ou mme plus important et utile que celui dun consultant sans aucune expertise ?

Pour toute rponse affirmative, on peut conclure que si les pro-fesseurs de lUniversit dtat nont pas un bon traitement, cest justement parce que les autorits politiques du pays ne valorisent pas lenseignement suprieur et la recherche. Dailleurs, labsence de rgulation de lenseignement suprieur en Hati entrave le bon fonctionnement des universits dj existantes sur le territoire. Il y a un besoin pressant dune politique universitaire raisonnable pour sauver lenseignement suprieur.

On peut observer quil y a un vide juridique dans ladministration du systme denseignement suprieur. Alors que la rforme de lenseignement suprieur est un sujet trs discut en Hati, les pro-jets de loi dposs dans ce domaine nont jamais t considrs. Il ny a que lUniversit dtat qui soit prise en compte par le droit positif. Il est noter quon ne sentend pas sur linstitution com-ptente pour rguler ce secteur. Selon la Constitution hatienne

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de 1987, cest lUniversit dtat qui devrait faire ce travail. En effet, larticle 211 de celle-ci stipule : Lautorisation de fonctionnement des universits et des coles suprieures prives est subordonne lapprobation technique du conseil de lUniversit dtat, une participation majoritaire hatienne au niveau du capital et du corps professoral ainsi qu lobligation denseigner notamment en langue officielle du pays1. Cependant, dans la ralit, les tablis-sements denseignement suprieur privs nont jamais accept cette mesure constitutionnelle. Dailleurs, lUniversit dtat ne joue pas vraiment ce rle. Cest plutt le ministre de lducation nationale et de la Formation professionnelle (MENFP) qui donne laccrdita-tion aux universits prives. Or, cest un secret de Polichinelle que lattribution de laccrditation est plus fonde sur les accointances personnelles que sur la comptence. Mme le processus dautori-sation de fonctionnement et daccrditation des universits prives reprsente une aberration pour lintelligence humaine. Car, pour obtenir une autorisation de fonctionnement, le fondateur de ce nouvel tablissement doit avoir un btiment, des tudiants actifs, des curricula, des professeurs et un personnel administratif. Alors les premiers tudiants, sans aucune assurance que leur instruction sera reconnue par le MENFP, sengagent dans cette aventure au hasard. Ils sont livrs eux-mmes puisque, souvent, le MENFP se dit incapable dintervenir en leur faveur. Dans ce contexte, nimporte quelle universit peut avoir une reconnaissance de ltat si ses fon-dateurs ont du piston. Do la prsence sur le march hatien dun tas duniversits sans normes ducatives. En outre, une fois que le MENFP accorde lautorisation de fonctionnement, il ny a aucun travail de suivi qui est fait. Or, la rgulation de lenseignement sup-rieur ne saurait se limiter au fait daccorder une reconnaissance ou non des universits. Elle renvoie beaucoup dautres exigences. Sans prtention lexhaustivit, il est quitable de citer le suivi et lvaluation des programmes dtudes des universits, le contrle de la qualit des cours donns, luniformit des programmes de formation, la coopration universitaire, le contrle de la qualit de lespace physique dans lequel les cours sont donns, la vrifica-tion de la comptence des professeurs duniversit, lexigence de publication rgulire pour les professeurs duniversit, lobligation pour les universits de produire de la recherche scientifique utile au pays. Cette absence de rgulation dans le systme de lenseigne-ment suprieur hatien empche la bonne marche des universits et fait obstacle la construction dun systme universitaire fond sur le principe de lexcellence. Mme au sein de lUniversit dtat, les programmes dtudes des facults sont trs diffrents dans un mme domaine dtudes. Ainsi, le programme dtudes de socio-logie enseign la Facult des sciences humaines est diffrent du programme dtudes de sociologie enseign la Facult dethno-logie. En sciences juridiques, il se cre un tas de facults de droit dont les programmes dtudes sont nettement diffrents les uns des autres, tandis quen Hati, on nenseigne quun droit. En outre, la dure de la formation varie, car certaines facults proposent des tudes de licence en droit en trois ans alors que traditionnellement une formation de niveau licence en droit dure quatre ans. Cette

1. Ministre de lducation nationale et de la Formation professionnelle (MENFP) (2010). Portrait sommaire des universits et des institutions denseignement sup-rieur dtentrices dune autorisation de fonctionnement. Enqute ralise conjoin-tement par la DESRS et lEUMC.

absence duniformit dans les programmes de formation fait quil est extrmement difficile de donner une quivalence un tudiant qui voudrait changer duniversit.

Dans le systme universitaire hatien, il ny a aucune institution qui vrifie que les universits respectent lensemble des exigences sus-mentionnes. Ainsi, nous pouvons affirmer que le systme univer-sitaire hatien nest pas contrl. Comme cest le cas dans la plupart des tablissements du pays, lUniversit dtat et le MENFP, notam-ment la Direction de lenseignement suprieur et de la recherche scientifique, se trouvent souvent en conflit de comptence pour jouer ce rle. Dailleurs, la cration des universits publiques de rgion sous lautorit du MENFP ne semble quempirer le problme. Pour beaucoup, leur cration sent la corruption, car ni lUniversit dtat ni le MENFP nont les ressources humaines, matrielles et financires pour financer des universits rgionales. Il est noter que le fonctionnement des universits publiques est aventureux compte tenu des divers problmes structurels auxquels se heurtent leurs conseils de direction.

Citons entre autres lUniversit Publique de la GrandAnse (UPGA), qui fait face des problmes de divers ordres :

1. Le local actuel quoccupe lUPGA ne rpond aucune des normes universitaires ou dcoles suprieures. Ce btiment tait destin accueillir une cole fondamentale et un centre dopration durgence. Il a t mis la disposition de ltablisse-ment par le ministre de lIntrieur de faon temporaire depuis environ quatre ans.

2. Entre-temps, la Mairie de Jrmie a fait don dun terrain pour la construction dun campus, mais faute de moyens financiers, aucun ouvrage ne peut y tre lanc. Ce terrain est aujourdhui sous la menace constante des dshrits du sort qui, de temps autre, cherchent sy tablir.

3. LUPGA ne dispose pas dun centre de documentation ou biblio-thque pouvant faciliter les travaux de recherche.

4. La majeure partie des enseignants viennent de Port-au-Prince, et lUPGA na pas un dortoir appropri pour les hberger.

5. Les tudiants arrivent des 13 communes du dpartement de la GrandAnse ; malheureusement, lUPGA na mme pas une caftria o ils pourraient manger un prix abordable.

6. La majorit des tudiants parcourent prs de 15 km pied pour arriver luniversit et retournent chez eux aprs les cours. Ce nest que rcemment que lUPGA a reu un minibus de 33 places (un don du gouvernement) pour un effectif de prs 1000 tudiants. Lalimenter en carburant et assurer sa main-tenance constitue dj un souci majeur pour la commission administrative.

7. Les employs (professeurs, cadres administratifs et personnels) sont tous des agents contractuels de la fonction publique, ils ne reoivent leurs salaires quaprs huit mois, et plus, de travail.

8. Aucun laboratoire facilitant des sances dexprimentation nexiste pour le moment.

9. LUPGA ne dispose pas despaces de loisirs, de terrains sportifs, de salles de thtre, dauditoriums pour les tudiants.

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10. Luniversit na mme pas une infirmerie pour les tudiants risque.

3. RECOMMANDATIONSIl ny a pas de formule magique qui puisse sauver lducation ha-tienne en gnral. Cependant, il est recommand en premier lieu de sattaquer lun des plus grands obstacles la renaissance du systme ducatif, qui est la dficience de sa structure organisation-nelle. La gouvernance universitaire ne doit pas tre ancre dans une culture bureaucratique gouvernementale ou de partisannerie politique. Comme la suggr Henry Mintzberg, les universits relvent de la catgorie des administrations professionnelles, et cest en respectant ce statut quelles atteigneront leur plein potentiel [14]. Au sein dun pays en ruine et en mutation acclre comme Hati, il est inquitant que des situations dj trop compliques se voient gres depuis une mtropole presquinaccessible, avec des mthodes administratives ignores et un dispositif rglementaire nglig sur tout le territoire.

En deuxime lieu, avec ce mouvement de dcentralisation dont ont bnfici la plupart des universits dites rgionales, on devra sassurer quau sein des tablissements lexpertise ne se situe pas toujours au sommet de la hirarchie, au niveau dun ministre ou de la prsidence, mais bien lchelon infrieur, donc au niveau des enseignants dans leur classe, dans leur atelier ou dans leur laboratoire. Le problme est que, si lexpert nest plus quun politi-cien, alors le pouvoir de dcision devient automatiquement politis, ce qui affecte en retour le fonctionnement et la performance du systme. Il importe de signaler, par exemple, que la Constitution amende a retir la mission de rgulation des mains de lUniversit dtat. Selon larticle 211 de la constitution de 1987 (amende), il est cr un organisme public charg de la rgulation et du contrle de qualit de lenseignement suprieur et scientifique sur tout le ter-ritoire. Cet organisme exerce son contrle sur toutes les institutions publiques et non publiques travaillant dans ces deux domaines. Chaque anne, il publie un rapport sur la qualit de la formation et tablit les institutions performantes. La loi dtermine la dno-mination, fixe le mode dorganisation et de fonctionnement de cet organisme2 . Lavenir de ce dit organisme est incertain sachant que beaucoup de secteurs de la vie politique hatienne soutiennent que les rcents amendements constitutionnels ne sont pas valides.

Si on veut enclencher un dveloppement durable, luniversit ha-tienne doit plutt adopter le modle de gouvernance des entre-prises de haute technologie qui innovent [15]. Dans ce modle, les subdivisions organisationnelles rigides disparaissent. Une cole dagronomie peut tre utile dans un projet de reboisement de la rgion o elle se trouve. Au lieu dattendre un emploi aprs avoir reu son diplme, un tudiant en sciences conomiques peut aider sauver ou crer une entreprise dans sa rgion. Dune pierre deux coups : ltudiant bnficie de sa formation ancre dans lex-prience du terrain, puis il acquiert des sous en dveloppant son esprit dentrepreneur. Pour russir, le pays a besoin de structures

2. Article 211de la Constitution Hatienne de 1987 amende. Francoeur, Louis (2009). State University of Haiti : Evaluation Report. Port-au-Prince, Hati : State University of Haiti.

de collaboration internes qui obissent la logique de la rso-lution de problmes. Il ne faut pas que ces structures de colla-boration internes subissent dinfluence politique, car elles seront vulnrables vu leur spontanit. Luniversit hatienne doit tre quipe de rseaux dinformation ouverts qui dpassent large-ment le cadre des tablissements. Elle doit encourager et mme contraindre les tudiants exercer librement leur crativit quelque soit le domaine. Certes, il est important que cette libert soit super-vise et encadre par une instance administrative forte tenue de promouvoir une vision gnrale cohrente, un comportement pro-fessionnel exemplaire, un systme de rcompenses bas sur des objectifs raisonnables et un contrle de qualit qui rpondent aux normes mondiales [15].

Compte tenu de la vitesse laquelle volue notre monde et de lom-niprsence de possibilits extrmement diverses, il est certain que lesprit de crativit et dentreprise tous les niveaux constitue un facteur indispensable la russite des tablissements universitaires. Il faut implanter un esprit dinnovation mais isole des influences partisanes pour faire de chaque universitaire, selon ses capacits entrepreneuriales, un chef dentreprise [15]. O chacun doit se pr-occuper de trouver de nouvelles mthodes de travail pour crer des collaborations en rseau, trouver de nouveaux domaines dinter-vention, chercher de nouvelles sources de financement et de nou-velles mthodes de commercialisation des prestations universitaire [15]. Les mesures destines dynamiser certaines activits peuvent aussi tre de type social et personnel. Elles ne sont pas obligatoi-rement axes sur les problmes. Il peut tre beaucoup plus facile de guider un professeur qui souhaite publier son manuel dhistoire que damliorer plus amplement le niveau de lenseignement de lhistoire luniversit [15]. Lessentiel, cest que le plus grand bn-ficiaire soit la socit hatienne, mais un choix simpose pour que la communaut universitaire et les institutions qui lencadrent en prennent pleinement conscience.

Quand on considre la majorit des problmes existant dans le systme universitaire hatien, on ne peut que donner raison au pro-fesseur Fritz Dorvilier qui affirme, dans son ouvrage intitul La crise hatienne du dveloppement, que luniversit hatienne est prise dans la spirale de lchec [5]. Pour ainsi dire, cest luniversit, travers ses recherches, qui doit fournir les ides, les techniques, les formules, les dcouvertes permettant le dveloppement du pays. Voyant ltat dplorable de cette dernire, on peut aisment comprendre pour-quoi Hati peine prendre le chemin du dveloppement durable que prnent ses leaders. Do une question importante que devrait se poser toute personne soucieuse de lavenir de luniversit ha-tienne et aussi de la jeunesse : Quid faciemus ?

Malgr toutes les difficults, lide que luniversit joue un rle moteur dans le dveloppement conomique nest pas tout fait absente de lintention universitaire actuelle. Mais pour changer les choses, les valeurs de luniversit doivent tre attaches la qua-lification et la comptence qui, ventuellement, ouvriront la voie la russite professionnelle et faciliteront un dveloppement hors pair. Par sa mission denseignement, par exemple, luniversit doit avoir la lourde tche dinculquer les thories et les techniques qui rgissent le fonctionnement de nos communauts et plus encore de notre socit. Lassurance dun enseignement suprieur utile,

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fiable et raliste doit forcment tre lie une mission de recherche gnralement considre comme lune des plus importantes [5].La formation universitaire est cense, thoriquement, permettre ltudiant de mieux apprhender et vivre sa socialit ou son caractre naturellement social, ainsi que la ncessit pour lui de se former de mieux en mieux, pour tre, comme lentendait Aristote, un vritable animal social. En dautres termes, un citoyen respon-sable, capable dagir positivement sur son milieu et de prendre en main la fois son propre destin et celui de sa communaut, selon le vu des Romains : les gens de bien se soucient du bien public [16]. De plus, cette responsabilit citoyenne devrait laider sacquitter de ses devoirs diligemment et assumer honntement ses obli-gations. Quant ses droits, elle devrait lui permettre de chercher toujours en user avec sagesse et les revendiquer, au besoin, avec la plus grande pondration. De mme, la responsabilit citoyenne devrait pouvoir porter le citoyen vouloir sacrifier ses intrts particuliers lautel de la collectivit. Ainsi que nous le rappelle les-clave philosophe romain : Pour tout homme sain desprit, le bien commun prcde le bien priv3 . Comme la si bien crit le rvrend Jomanas Eustache, luniversit hatienne est appele saligner sur les normes internationales en matire dorganisation, de fonction-nement et de rendement afin de permettre ses diplms dtre comptents, comptitifs sur le march du travail et dassurer de faon quasi certaine leur employabilit [16].

Alors que le monde devient une cit, nous devons avoir conscience de limportance des changes universitaires. Le renforcement de la collaboration entre universits, tant hatiennes qutrangres, reprsente un atout pour une ducation universelle. Comme le souhaite llite intellectuelle, luniversit hatienne doit accomplir sa mission de prparer les ressources humaines qui seront mises au service du dveloppement du pays, de la valorisation de ses ressources naturelles, et dassurer sa gestion stratgique, selon la perception de ses usagers potentiels directs et indirects. Llite intellectuelle ninsistera jamais assez sur le fait que la formation uni-versitaire ne peut ni ne pourra faire lconomie dune formation la citoyennet responsable. Elle devra toujours mettre laccent imp-rativement sur le lien qui existe et qui doit exister entre le binme universit et citoyennet [17], afin dassurer un meilleur service la communaut ainsi que le veut le dicton : Rendre luniversit la cit . La cration et la transmission dun savoir en constant renou-vellement sont incontestablement des facteurs cruciaux dans le dveloppement socioconomique de notre socit.

4. CONCLUSIONMalheureusement, mme aprs 214 ans dindpendance du pays, luniversit hatienne demeure au niveau exprimental. Notre socit attend encore cet outil indispensable pour son dveloppe-ment. Ce sicle et notre socit rclament une universit productive et inventive. Hati a un besoin urgent dune contribution du savoir scientifique qui rejette la timidit des dernires dcennies. Cette contribution doit rassembler autour de la raison la science et la technologie qui serviront la cohsion et la cohrence de notre

3. Snque, 4-65 de notre re.

socit, pour que notre nation reste unie et restaure sa fiert, pour que le dveloppement soit durable et les fruits de la croissance par-tags, pour que nous restions attachs la recherche des formules pour combattre les moindres ingalits.

Le systme ducatif hatien en gnral doit tre lobjet dune atten-tion particulire dans les programmes de dveloppement cono-mique afin doffrir la population une culture moderne, dorienter et de slectionner les jeunes destins devenir les cadres moyens et suprieurs et de prparer les autres soutenir le processus de dveloppement conomique du pays. Le pays a besoin dune uni-versit pour inflchir une vision clairement conflictuelle des rap-ports humains et y substituer celle de la promesse dun progrs commun en esprant quil soit facilit par les formidables leviers de lre technologique. Ce progrs commun doit lier croissance co-nomique et croissance sociale comme composantes essentielles de lhumanisme numrique. Le monde est devenu un village et le chan-tier est universel. On doit suivre le chemin de lentreprise, cest--dire celui de luniversit. Il faut comprendre que la socit du savoir universel souvre sur une affluence de nouvelles perspectives. On aurait pu croire que les universits hatiennes allaient sauter sur les occasions pour prosprer et se dvelopper. Apparemment, nous semblons avoir encore rat le train, car en Hati, les universits succombent sous les fardeaux des problmes nouveaux. Cest le moment darrter de nous plaindre et de choisir la bonne personne pour ressusciter le systme ducatif chaotique du pays.

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Julio Warner Loiseau, ing., Ph.D., est titulaire dun doctorat en administration publique de lUniversit Walden du Minnesota, aux tats-Unis. Spcialis en leadership et gestion dentreprises, ressources humaines, et services sociaux. Il a fond une organisation sociale but non lucratif nomme Nouvelle perspective , dans laquelle il travaille comme responsable des oprations. Il est notaire publique pour ltat de la Floride. Il a reu sa licence en gnie lectronique de la UNAPEC (Universidad Accin Pro Educacin y Cultura) de Santo Domingo avec spcialisation en robotique et mcatronique. Il est lauteur de plusieurs articles sur les ressources humaines. [email protected]

mailto:loiseaujw%40gmail.com?subject=

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CahiEr thmatiquE

Changements climatiquesKnel Dlusca

Coditeur invit

Les changements climatiques dorigine anthropique constats au cours des dernires dcennies et anticips pour les horizons temporels futurs consti-tuent lun des dfis majeurs de notre plante. Ce phnomne socital et envi-ronnemental sans prcdent, caractris notamment par une augmentation des tempratures moyennes globales, une modification des rgimes de prcipitation, une hausse du niveau marin et une plus grande occurrence des vnements extrmes, menace la plupart des systmes socio-cologiques stratgiques des pays dvelopps qui sont la base du problme et galement ceux des pays en voie de dveloppement qui en sont les plus touchs.

Ce cahier thmatique sur les changements climatiques cherche susciter des rflexions et contribuer lidentification des pistes de solution au phnomne dans ses princi-pales dimensions en essayant de rpondre aux questions suivantes :

Y-a-il lieu de remettre en question le multilatralisme dans le domaine de la lutte contre les changements climatiques ?

En quoi devrait consister ou quelle forme devrait prendre une vritable justice climatique ?

Comment favoriser la transition vers une croissance verte plus rsiliente aux changements climatiques ?

Comit ditorial Christopher Bryant, Ph.D, Canada Frito Dolisca, Ph.D, USA Evens Emmanuel, Ph.D, Hati Marc Josu, Hati Carlo Prvil, Ph.D, Canada Sebastian Weissenberger, Ph.D,

Canada

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Mot du coditeurKnel Dlusca

Les changements climatiques dorigine anthropique sont consi-drs par plus dun comme lun des plus grands dfis environne-mentaux et socitaux auxquels lhumanit se trouve et se trouvera confronte. Ce problme indit, provoqu principalement par une utilisation abusive des combustibles fossiles et une dforestation accrue, ne connat ni limites gographiques ni frontires secto-rielles. Caractriss essentiellement par une augmentation de la temprature moyenne globale accompagne de modifications des rgimes de prcipitations, dune hausse du niveau des ocans et dune plus grande frquence des vnements extrmes, les change-ments climatiques nont jusqu prsent pargn aucune rgion ni aucun secteur socioconomique. En effet, dans les rgions polaires, la fonte des glaciers et le dgel du perglisol contribuent com-plexifier les modes de vie des communauts qui en dpendent, sans compter les incidences ngatives directes sur les espces animales et les infrastructures de communication stratgiques ; dans les rgions quatoriales et de moyennes latitudes, les sec-teurs conomiques dpendant des ressources naturelles et des conditions climatiques font de plus en plus face des dommages considrables menaant leur fonctionnement, voire leur existence. Devant lampleur des dgts que causent ou risquent de causer les changements climatiques aux systmes sociocologiques tant des pays dvelopps, responsables en grande partie du problme, que des pays en dveloppement, gnralement les plus vulnrables, la communaut des nations, travers la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) et les instrumentaux multinationaux connexes, semble, pour le moins quon puisse dire, avoir compris la ncessit de mettre sur pied un cadre de rponse global la hauteur du problme.

Malgr tout, la concentration atmosphrique des principaux gaz effet de serre (GES) la base du phnomne ne cesse daugmenter, rduisant ainsi la fentre restante pour limiter laugmentation de la temprature en dessous de 1,5 degr Celsius par rapport aux

niveaux prindustriels. Selon le plus rcent rapport spcial du Groupe intergouvernemental dexperts sur lvolution du climat (GIEC) adopt en octobre dernier en Core du Sud, il faudra rduire drastiquement les missions de GES dici 2030 si lon veut maintenir le rchauffement sous le seuil susmentionn. Ainsi, on peut dire que tout nest pas perdu ! Nous pouvons encore viter le pire en rehaussant nos ambitions dattnuation au-del de celles qui sont inscrites dans les contributions prvues dtermines au niveau national (CPDN) labores la veille de la COP21 Paris. Les voies suivre pour y arriver sont pour la plupart connues. Le rapport sus-cit en a prsent une gamme assez varie. La grande question est la suivante : Pourquoi ne les empruntons-nous pas pendant quil en est encore temps ?

Les articles constituant le prsent cahier thmatique ont t pro-duits dans cette perspective. Ils essaient, sur des aspects diffrents, dapporter des lments de solution ou dalimenter les dbats sur la question susceptibles de nous montrer comment emprunter la voie ou les voies menant un dveloppement sobre en carbone et rsilient aux conditions climatiques adverses.

Larticle de Raoul Vital propose des pistes pour la construction dune rponse adquate la situation de crise environnementale dHati et la comprhension du dcalage existant entre le systme institutionnel et la complexit de cette crise. Celui de Joseph et Saffache procde un tat des lieux des cosystmes forestiers les plus importants du territoire, et tablit un lien entre la prsence de ces cosystmes et le climat dans une perspective de protec-tion de la biodiversit et de lutte contre les changements clima-tiques en Hati. En ce qui concerne larticle de Nadeau et coll., il dcrit la contribution des forts et des agroforts ainsi que celle de la valorisation des dchets organiques en Hati au processus de dveloppement dune conomie verte rsiliente aux changements climatiques.

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Pawl ko-edit yoKnel Dlusca

Gen anpil moun ki kw chanjman klimatik anthropique (antwopik) yo, se yonn nan pi gwo defi pou anviwonnman an ak pou sosyete a, ki kanpe dyanm devan limanite epi ki ap toujou la. Pwoblm san pary sa a pa genyen fonty, li pa genyen limit jewo-grafik. Prensipal kz li sti nan boule tout kalite materyl ki genyen kabn ladan yo epi nan koupe pyebwa san rete. Chanjman klimatik yo mache prensipalman avk yon ogmantasyon tanperati a sou lat, ogmantasyon nivo lanm a, ansanm ak chanjman nan sistm presipitasyon atmosferik yo (lapli, lanj, lagrl, elatriye). Yo mache tou avk yon dal evnman meteyolojik ekstrm. Kalite chanjman sa yo pa respekte ni rejyon jewografik, ni sekt sosyo ekonomik. Anft, nan rejyon pol yo, genyen glas yo ki ap fonn epi perglisol la (pjelisl) ki ap dejle. Tout sa se yon seri fakt ki vin konplilke lavi moun, ki ap viv nan kominote sa yo, epi ki konte sou kondisyon sl la pou yo viv. Nan rejyon ekwatoryal yo epi nan rejyon ki nan latitid ki pa ni tw wo ni tw ba yo, sekt ekonomik ki depannde resous natirl sa yo ak kondisyon klimatik sa yo twouve yo nan sitiyasyon kote yo mete fonksyonnman yo epi menm ekzistans yo an danje. Devan eta dega chanjman klimatik yo genyen, oubyen yo kab genyen, sou sistm sosyo ekolojik yo nan peyi devlope yo, ki se prensipal responsab pwoblm lan, kou nan peyi ki sou wout devlopman yo, jeneralman ki plis kab viktim anba sitiyasyon sa a, kominote tout nasyon sou lat yo, apati Konvansyon Kad Nasyonzini sou chanjman klimatik yo (CCNUCC an franse) ansanm ak instrumentaux miltinasyonal konks yo, ta sanble, dapr nou, konprann nesesite pou yo mete sou pye yon kad repons global ki kab toke kn ak pwoblm lan.

Sepandan, konsantrasyon prensipal gaz ki pwodui ef sr la (GES), ki kreye chanjman klimatik yo, kontinye ap ogmante. Sa lakz posi-blite pou limite ogmantasyon tanperati a anba 1,5 degre Celsius (Slsiyis) vin pi piti toujou parap ak jan sa te ye anvan peryd

endistriyl la. Dapr rap espesyal ki fenk soti nan Gwoup eksp entgouvnemantal yo nan mwa oktb ki sot pase a nan Kore disid, si nou vle pou rechofman plant la rete anba nivo nou mansyone pi wo a, nou dwe diminye, san gade dy, emisyon GES yo l nou ap apwoche ane 2030. Konsa, nou kab di genyen yon chans pou sa chanje ! Nou kab evite yon katastwf si nou ogmante anbisyon nou genyen pou redui pwoblm lan pi ba pase sa eksp yo te ekzije a, ki deja part nan kontribisyon yo te prevwa ki rantre an vig nan nivo nasyonal la (CPDN an franse). Se sa ki te part anvan COP21 an nan vil Pari. Tout moun konnen ki chemen yo dwe suiv pou yo rive la. Rap nou prezante pi wo a endike yon seri aksyon diferan nou dwe pran nan sans sa a. Pi gwo kesyon an se : Pouki sa nou pa suiv chemen sa yo pandan nou genyen chans lan ?

Se avk lide sa a, tout atik ki part nan kaye tematik sa a te ekri. Atik ki nan nimewo sa a pibliye avk lide pou yo pote kk eleman solisyon oubyen pou yo ankouraje deba sou pwoblm lan avk lide pou nou jwenn wout, nou kab suiv pou nou rive nan yon devlopman, kote nou va itilize mwens kabn epi pou nou devlope bon jan rezistans devan kondisyon klimatik difisil yo.

Atik Raoul Vital la bay kk pwopozisyon ki pou pmt nou reponn krkteman si ta genyen yon sitiyasyon kriz anviwonnmantal sou t Ayiti. Atik la ban nou tou yon konpreyansyon, ki esplike distans ki genyen ant sistm enstitisyon yo epi konpleksite kriz sa a. Atik Joseph epi Saffache la f yon revizyon sou eta sitiyasyon eko-sistm for yo, ki pi enptan sou teritwa a epitou atik la etabli yon lyen ant prezans ekosistm sa yo epi klima a avk lide pou nou pwoteje byodivsite a epi konbat chanjman klimatik yo sou t Ayiti. Nan ka atik Nadeau ekri ak kolaborat li yo, nou jwenn yon deskripsyon enptans for yo epi agwo for yo ansanm enptans valorizasyon fatra ganik yo an Ayiti nan pwosesis devlopman yon ekonomi vt, ki kab reziste dvan chanjman klimatik yo.

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Lutte contre les changements climatiques en Hati : des pistes pour comprendre la complexit du problme

Raoul Vital

Rsum : La fragilit des civilisations et lquilibre des cosystmes terrestres sont des problmatiques qui proccupent, depuis fort longtemps, les socits humaines. Jared Diamond a soutenu la thse que des socits des plus organises se sont effondres parce quelles ont chou dans la gestion de leurs ressources environnementales. travers cette approche, lefficacit de laction publique en matire de gestion environ-nementale est mise rude preuve. Gouvernance, ce vieux concept remis lordre du jour dans un contexte de crises o les mthodes de management priv sont proposes comme solutions lincapacit des appareils publics de grer le dveloppement, ren-voie lide de transparence, dthique, defficacit de laction publique.

Le prsent article se propose de prsenter des pistes pour la construction dune rponse adquate la situation de crise environnementale en Hati et la comprhension du dcalage existant entre le systme institutionnel et la complexit de cette crise. Cette approche permettra de construire la grille danalyse ncessaire ltude des exp-riences hatiennes en matire de gestion environnementale.

Rezime : Frajilite kk sivilizasyon epi ekilib kk ekosistm ki gen sou t a se pwoble-matik ki rete prezan nan tout sosyete depi byen lontan. Dapr Jared Daimond gen sosyete, tr byen ganize, ki te dispart paske yo pa te konnen ki jan pou yo jere resous ki nan anviwnman yo. Apwch nou pral itilize la a ap svi pou nou teste seryezman efikasite aksyon Leta nan domn resous ki nan anviwnman yo. Gouvnans, ki se yon ansyen konsp ki vin retounen alamd nan yon sitiyasyon kriz kote metd jesyon prive yo pwopoze km solisyon devan enkonpetans Leta pou jere devlopman, mete devan je nou lide kou transparans, etik, efikasite Leta.

Nan atik sa a nou part avk solisyon pou nou pwopoze yon repons ki genyen sans nan sitiyasyon kriz anviwnman an sou t Ayiti epi pmt moun konprann jan sistm Leta a depaman parap ak pwofond kriz la. Se kalite apwch sa a ki ap pmt nou devlope tablo analiz ki pou ede nou etidye eksperyans natif natal sou t Ayiti pou nou jere pwoblm klima a nan anviwnman nou an.

1. INTRODUCTION

Le changement climatique est incontestablement le dfi majeur qui simpose aux socits actuelles. Dsquilibre des cosys-tmes terrestres, modification des modes de vie, dgradation des conditions socioconomiques sont entre autres des menaces la survie de lespce humaine. Il y a plus de deux dcennies, le Sommet de la Terre, tenu Rio de Janeiro, avait pos cette proc-cupation dans toute son acuit. La 21e Confrence des Parties la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements clima-tiques qui a eu lieu en 2015 Paris a rappel la fragilit de notre civilisation face la crise cologique et dfini une approche globale et universelle pour rsoudre cette crise qui fragilise les socits modernes. Ce modle de gouvernance climatique internationale pourrait-il permettre de prserver lquilibre entre les socits et leur environnement ? Gouvernance, ce vieux concept remis lordre du jour dans un contexte o les mthodes de management priv sont proposes comme solutions lincapacit des appareils publics de grer le dveloppement, qui renvoie lide de transpa-rence, dthique, defficacit, est un phnomne fractal. Autrement dit, considrer diffrents paliers : international, national et local, la gouvernance conserve la mme configuration. partir dune approche centre sur la fractalit de la gouvernance [1] , le prsent

article se propose dlucider le processus de la construction dune rponse hatienne la situation de crise environnementale. Cette approche permettra de construire la grille danalyse ncessaire ltude des expriences hatiennes en matire de gestion environ-nementale. Lhypothse formule et discute ici prsume que le systme institutionnel hatien est dcal par rapport la complexit de la crise environnementale laquelle le pays fait face. Dans cette perspective, nous prsenterons, dans un premier temps, lvolution historique de ltat dHati afin de mettre en lumire le dcalage qui sest creus au fil du temps entre les institutions et lampleur de la crise. Nous analyserons, dans un second temps, les diffrentes expressions de la crise de ltat dHati afin de voir le changement qualitatif oprer pour rduire ce dcalage.

2. HATI : INSTITUTIONNALISATION MANQUELa crise institutionnelle hatienne a des racines historiques pro-fondes. La lutte pour le contrle du pouvoir entre les fractions des lites politiques a constitu un blocage pour la mise en place du nouvel tat. Comme le souligne Sauveur Pierre tienne, pendant deux sicles, les lites politiques se sont engages dans des luttes fratricides pour la conqute, lexercice et la conservation du pouvoir politique [2].

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Eric Sauray a montr que lchec de linstitutionnalisation du pays rsulte dun dcalage entre les pratiques institutionnelles et la norme. Il conclut quil ne suffit pas davoir des institutions pour avoir la dmocratie [3]. Pour Hauriou, la dmocratie dcoule du processus de nationalisation du pouvoir au cours duquel le peuple acquiert la conscience dtre le dtenteur originaire du pouvoir et dispose de moyens pour contrler les gouvernants qui acceptent cette nationalisation et le contrle de leur autorit [4]. Dans le cas dHati, les bases de la dmocratie et de ltat moderne ont t sapes ds le lendemain de lindpendance. Les anciens esclaves devenus libres fuyaient systmatiquement le modle propos par les lites. Paul Moral a dcrit la situation en ces termes : Les culti-vateurs, librs en principe, mais menacs en fait du travail quasi forc sur un certain nombre de grandes plantations conserves ou recons-titues, sparpillrent dans les mornes, sinstallant de prfrence au milieu des bois o ils trouvaient la fois les fruits des arbres nour-riciers et les cachettes les plus sres1 . Ltat moderne et occidental, qui est ltat lectif, personnel variable et reposant principalement sur la dlgation temporaire de lautorit par ceux qui doivent la subir, connat un cuisant chec en Hati [5].

Depuis que le rve de construire le nouvel tat a vir au cauchemar en 1806 la suite de lassassinat du pre de lIndpendance ha-tienne, Jean-Jacques Dessalines, tous les gouvernements qui se sont succd nont pas pu redresser le fonctionnement des insti-tutions pour mettre ltat au service du peuple. Raoul Peck (1998), rcemment encore, dnonce la lourdeur administrative qui paralyse le fonctionnement de ladministration. La description quil a faite du circuit administratif est rvlateur de cette paralysie : La rqui-sition, signe par le ministre, ladministrateur et/ou le comptable, est envoye au ministre des finances qui refait les mmes contrles (cela peut prendre une semaine 3 mois), envoie lensemble du dossier la cour des comptes qui vrifie que tout est correct (de 2 jours 4 mois), le tout revient aux finances au service qui doit mettre le chque (de 1 jour 5 mois), puis le chque est envoy au Trsor (de 1 jour 6 mois) o le comptable du ministre peut aller le chercher2 . Avec ces dlais, laction publique, dont la mission principale est de recher-cher lquilibre entre la cohsion sociale, lefficacit conomique et le respect de lenvironnement, souffre de paralysie totale.

3. LINEFFICACIT DE LAPPAREIL TATIQUEDu point de vue constitutionnel, lorganisation administrative de ltat dHati est structure autour dorganes centraux et dorganes territoriaux. De manire factuelle, le systme institutionnel est caractris par la centralisation du pouvoir. Ce dcalage entre les normes et les faits engendre une crise de ltat moderne en Hati dont les expressions sont multiformes.

1. Paul Moral (1961). Le paysan hatien : tude sur la vie rurale en Hati, Paris, Mai-sonneuve et Larose, p 268 -269.

2. Raoul Peck (1998). Monsieur le Ministre Jusquau bout de la patience, Prface de Russell Banks, Port-au-Prince, Editions Velvet, p. 122.

3.1 Dcentralisation bloqueHati a opt pour la dcentralisation, qui est lun des modes dor-ganisation de ladministration o, en plus des comptences trans-fres par ltat, la gestion de certains intrts est accorde des organes qui sont des personnes publiques distinctes de ltat. La dcentralisation doit, en ce sens, rechercher lefficacit dans laction publique. Vue sous cet angle, la dcentralisation est linversion de la centralisation du pouvoir absolu vers la ville [6]. Si certains auteurs constatent la centralisation extrme de ltat dHati, pour Danroc, il y a plus de concentration que de centralisation parce que les biens, les services et le pouvoir sont concentrs en un lieu central qui ne gouverne pas au niveau local [6]. Or, gouverner renvoie lensemble des activits des acteurs sociaux, politiques et adminis-tratifs que lon peut considrer comme des efforts ayant pour but de guider, de diriger, de contrler ou de grer les socits ou des secteurs ou des aspects de celles-ci [7]. La gestion de la situation cre par le cyclone Matthew en 2016 dans les dpartements du Sud et de la GrandAnse dHati montre que les autorits nont pas le contrle du territoire. On avait constat que le ministre de lIn-trieur et des Collectivits territoriales, responsable de la protection civile, qui exerce le contrle de tutelle sur les entits dcentralises, se plaignait de ne pas tre en mesure de contacter les autorits locales se trouvant dans les zones touches par le cyclone.

3.2 La crise environnementale cause de son relief montagneux plus de 75 % avec des pentes [8] et sa position gographique, Hati est expose des vnements hydroclimatiques extrmes. La dgradation de lenvironnement prend des proportions inquitantes tant en milieu urbain quen milieu rural. En milieu urbain, le dveloppement incontrl des villes en dehors de toute norme durbanisation dtruit le cadre phy-sique et expose les populations aux risques dinondation. En milieu rural, les mauvaises pratiques culturales engendrent le dboise-ment, lrosion et la dgradation des bassins versants. cela, il convient dajouter la mise en uvre de certains projets agricoles, par les gouvernements ou par le secteur priv avec lappui des autorits tatiques, qui ont provoqu des dgts considrables lenvironnement du pays. Lexprience de la Socit hatiano-amri-caine de dveloppement agricole (SHADA) est un cas emblmatique de ces types de projets.

3.3 Lexemple de la SHADALhistoire de la SHADA et les consquences qui en dcoulent ont t documentes par Myrtha Gilbert [9]. La SHADA a t fonde le 30 juillet 1941 la suite dune tude sur la capacit dHati fournir une production satisfaisante de caoutchouc. Cette socit anonyme avait pour but de dvelopper et dexploiter toutes les ressources agricoles et autres ressources du territoire dHati. En aot 1941, ltat hatien a sign un contrat avec la SHADA concdant cette dernire, pour une dure de 50 ans, une superficie d approxima-tivement 150 000 ares de terres plants en arbres susceptibles de produire des bois de charpente et situs dans les forts de Morne des Commissaires, du Morne la Selle et Cerca la source avec le privilge exclusif pour la socit dy pratiquer des coupes darbres en vue de

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production des bois de charpente et autrement exploiter les terres affermes3 .

Dbut janvier 1943, la SHADA a plant plus 100 000 acres pour lex-primentation de la Cryptostegia destine la production du caout-chouc [9]. Ces plantations ont t tendues un peu partout dans les zones dexploitation de la compagnie. Plus tard, il sest rvl que la Cryptostegia contient un faible pourcentage de caoutchouc (3 4 %). Pour restituer les terres aux agriculteurs qui ont t expropris au bnficie de ce projet, la SHADA a fait brler les milliers dhec-tares de plantations de Cryptostegia entre mars et juillet 1944 [9]. Dix ans aprs sa mise en activit, la SHADA dposait le bilan ; des milliers dhectares de terre ont t dboiss, notamment au Morne des Commissaires et La Selle. Il est vrai que la dforestation du pays remonte la priode coloniale, marque par lexportation massive de bois prcieux et le dfrichement des plaines pour lins-tallation des grandes plantations ; nanmoins, lexprience de la SHADA montre la faiblesse de ltat dHati incapable dassurer une gestion rationnelle des ressources naturelles.

3.4 Des institutions incapables de rpondre aux problmes environnementauxLes systmes de pense, les institutions et les modes daction collective nvoluent pas au mme rythme que les techniques et les dynamiques conomiques [1]. Hati dispose dun ventail de textes juridiques sur lenvironnement. Ces normes concernent entre autres la protection des sols et des arbres, la pollution, les btis, les nuisances, les ressources naturelles, lamnagement du territoire. Le dcret portant sur la gestion de lenvironnement et la rgulation de la conduite des citoyens et citoyennes pour le dveloppement durable de 2006, constituant une avance du droit de lenviron-nement en Hati, propose un cadre de gouvernance environne-mentale pour harmoniser les actions de ltat et des collectivits territoriales. Ce dcret cre un ensemble dentits pour coordonner les politiques publiques en matire environnementale. Il instaure un rgime de responsabilit civile et pnale pour sanctionner les infractions environnementales dfinies comme toute action ou omission qui contribue dgrader lenvironnement, les cosystmes ou mettre en pril la sant humaine, animale ou vgtale, en vio-lation des normes techniques tablies lgalement4 .

Plus dune dcennie aprs la promulgation de ce dcret, force est de constater que les principales entits prvues ne sont pas mises

3. M. Gilbert (2011). Shada : chronique dune extravagante escroquerie, Port-au-Prince, LImprimeur, p. 190.

4. https://www.google.com/url ?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd= 6 & ve d = 2 a h U K Ew j D2P j t y_ j e A hW h c t 8 K H d 0 s BK0 Q F j A F e g Q I CBAC &url = ht tp %3A %2F %2Fwww.sgcm.gouv.ht %2Fwp-content %2 Fuploads %2F2017 %2F03 %2FPROJET-DE-LOI-PORTANT-NOUVEAU-CODE-PENAL.pdf&usg=AOvVaw1pXkDN4gdnT8I11bYj7u0b

en place. Ce dcret, comme toutes les autres lois relatives la pro-tection de lenvironnement qui lont prcd, nest pas appliqu. Les infractions environnementales persistent dans lindiffrence totale des institutions. Avec ce dcalage entre les pratiques institution-nelles, la norme et les pratiques sociales, il sera difficile pour Hati de relever les dfis du changement climatique.

4. CONCLUSIONLes impacts du changement climatique en Hati ne sont pas dmontrer. Les scnarios tablis montrent qu lhorizon 2025, les cots cumuls de linaction pourraient atteindre plus de 1,8 milliard de dollars amricains alors que les cots de ladaptation au phno-mne slvent 261 millions de dollars amricains [10]. Il est aussi vident que lappareil tatique hatien, dans ltat actuel, ne pourra pas inventer les rponses adquates une crise environnementale qui pourrait conduire leffondrement du pays. Il est donc urgent de redresser les institutions nationales pour les mettre en phase avec lampleur du dfi du changement climatique.

La faiblesse de ltat nest pas une particularit hatienne nonobs-tant la trajectoire diffrente de la constitution de ltat-nation dHati. Elle est une caractristique des pays en dveloppement. Lapproche globale adopte pour affronter les impacts du chan-gement climatique ne pourrait tre efficace sans le renforcement des capacits des tats faibles. Il est donc ncessaire de trouver le consensus tous les niveaux (global, national et local) sur des valeurs communes et de changer notre systme de production et notre rapport lenvironnement.

BIBLIOGRAPHIE1. CALAME, Pierre (2003). La dmocratie en miettes. Pour une rvolution de la gouvernance, Paris, Descartes & Cie.2. TIENNE, Sauveur Pierre (2007). Lnigme hatienne. chec de ltat mo-derne en Hati. Essai, Montral, Mmoire dencrier ; Presses de lUniversit de Montral.3. SAURAY, ric (2015). Linstabilit des institutions dmocratiques post-1986 : triomphe du pactisme et oubli de lesprit des lois , Hati Perspectives, vol. 4, no 3.4. HAURIOU, Andr (1968). Droit constitutionnel et institutions politiques, Paris, ditions Montchrestien.5. LEROY-BEAULIEU, Paul (1888). Ltat moderne et ses fonctions , Revue des Deux Mondes, 3e priode, tome 88, p. 562-600.6. DANROC, Gilles (1996). tat de droit, dcentralisation, Port-au-Prince, Hati solidarit internationale, Volume 4, Collection Pour ltat de droit en Hati.7. KOOIMAN, Jan (1993). Modern governance : New government society interactions, Londres, Sage, 1993, p. 2.8. MINISTRE DE LENVIRONNEMENT (MDE) (2014). Deuxime communi-cation nationale sur les changements climatiques.9. GILBERT, Myrtha (2011). Shada : chronique dune extravagante escroquerie, Port-au-Prince, LImprimeur.10. MDE/PNUD (2015). Estimation des cots des impacts du changement cli-matique en Hati.

Raoul VITAL est Communicologue et Juriste. Il est spcialiste en Gestion et valuation des Collectivits Territoriales. Il a une bonne exprience en ducation environnementale. Il a particip diverses runions internationales sur le changement climatique. Actuellement, il est responsable de com-munication du Programme dAppui la prise en compte du changement climatique dans le dveloppement national dHati. [email protected]

https://www.google.com/url ?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=6&ved=2ahUKEwjD2Pjty_jeAhWhct8KHd0sBK0QFjAFegQICBAC&url=http%3A%2F%2Fwww.sgcm.gouv.ht%2Fwp-content%2Fuploads%2F2017%2F03%2FPROJET-DE-LOI-PORTANT-NOUVEAU-CODE-PENAL.pdf&usg=AOvVaw1pXkDN4gdnT8I1https://www.google.com/url ?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=6&ved=2ahUKEwjD2Pjty_jeAhWhct8KHd0sBK0QFjAFegQICBAC&url=http%3A%2F%2Fwww.sgcm.gouv.ht%2Fwp-content%2Fuploads%2F2017%2F03%2FPROJET-DE-LOI-PORTANT-NOUVEAU-CODE-PENAL.pdf&usg=AOvVaw1pXkDN4gdnT8I1https://www.google.com/url ?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=6&ved=2ahUKEwjD2Pjty_jeAhWhct8KHd0sBK0QFjAFegQICBAC&url=http%3A%2F%2Fwww.sgcm.gouv.ht%2Fwp-content%2Fuploads%2F2017%2F03%2FPROJET-DE-LOI-PORTANT-NOUVEAU-CODE-PENAL.pdf&usg=AOvVaw1pXkDN4gdnT8I1https://www.google.com/url ?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=6&ved=2ahUKEwjD2Pjty_jeAhWhct8KHd0sBK0QFjAFegQICBAC&url=http%3A%2F%2Fwww.sgcm.gouv.ht%2Fwp-content%2Fuploads%2F2017%2F03%2FPROJET-DE-LOI-PORTANT-NOUVEAU-CODE-PENAL.pdf&usg=AOvVaw1pXkDN4gdnT8I1https://www.google.com/url ?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=6&ved=2ahUKEwjD2Pjty_jeAhWhct8KHd0sBK0QFjAFegQICBAC&url=http%3A%2F%2Fwww.sgcm.gouv.ht%2Fwp-content%2Fuploads%2F2017%2F03%2FPROJET-DE-LOI-PORTANT-NOUVEAU-CODE-PENAL.pdf&usg=AOvVaw1pXkDN4gdnT8I1mailto:raoulvital2%40gmail.com?subject=

Publishorperish, rpte-on souvent dans les milieux universitaires. Cette boutade sinspire directement de la thorie de lvolution selon laquelle seuls les plus forts survivent.

En effet, dans le monde acadmique, les plus forts publient et survivent, alors que les autres qui ne publient pas ont tendance prir.

Le succs dune carrire universitaire se mesure principalement par limportance des contributions en recherche, souvent mesure par la quantit, la qualit et limpact des publications scientifiques.

Hati Perspectives offrira dsormais la rubrique Mmoires&Thsesavec comit de lecture. Une rubrique au service des tudiant-e-s gradu-e-s et de leur directeur ou directrice de recherche,

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Un mmoire de matrise ou une thse de doctorat sans publication est une uvre inacheve

Hati Perspec tives , vol. 6 no 4 Automne 2018 21

Limportance des cosystmes forestiers et les enjeux de la dforestation dans la lutte

contre le changement climatique en HatiCas des mangroves du Parc