20120209-cjue-arrêt luksan-texte-fr

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    ARRT DE LA COUR (troisime chambre)

    9 fvrier 2012

    Renvoi prjudiciel Rapprochement des lgislations Proprit intellectuelle Droit dauteur et droits voisins Directives 93/83/CEE, 2001/29/CE, 2006/115/CE et

    2006/116/CE Partage des droits dexploitation dune uvre cinmatographique,par voie contractuelle, entre le ralisateur principal et le producteur de luvre Rglementation nationale attribuant ces droits, exclusivement et de plein droit, auproducteur du film Possibilit de drogation cette rgle par un accord entre les

    parties Droits rmunration subsquents

    Dans laffaire C277/10,

    ayant pour objet une demande de dcision prjudicielle au titre de larticle 267 TFUE,introduite par le Handelsgericht Wien (Autriche), par dcision du 17 mai 2010, parvenue la Cour le 3 juin 2010, dans la procdure

    Martin Luksan

    contre

    Petrus van der Let,

    LA COUR (troisime chambre),

    compose de M. K. Lenaerts, prsident de chambre, M. J. Malenovsk (rapporteur), MmeR. Silva de Lapuerta, MM. G. Arestis et T. von Danwitz, juges,

    avocat gnral: Mme V. Trstenjak,

    greffier: M. K. Malacek, administrateur,

    vu la procdure crite et la suite de laudience du 5 mai 2011,

    considrant les observations prsentes:

    pour M. Luksan, par Me M. Walter, Rechtsanwalt, pour M. van der Let, par Me Z. van der Let-Vangelatou, Rechtsanwltin, pour le gouvernement autrichien, par Mme C. Pesendorfer, en qualit dagent, pour le gouvernement espagnol, par Mme N. Daz Abad, en qualit dagent, pour la Commission europenne, par Mme J. Samnadda et M. F.W. Bulst, enqualit dagents,

    ayant entendu lavocat gnral en ses conclusions laudience du 6 septembre 2011,rend le prsent

    Arrt

    1 La demande de dcision prjudicielle porte sur linterprtation:

    1

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    des articles 2 et 4 de la directive 92/100/CEE du Conseil, du 19novembre 1992,relative au droit de location et de prt et certains droits voisins du droit dauteur dans ledomaine de la proprit intellectuelle (JO L346, p.61); des articles 1er et 2 de la directive 93/83/CEE du Conseil, du 27septembre 1993,relative la coordination de certaines rgles du droit dauteur et des droits voisins du droitdauteur applicables la radiodiffusion par satellite et la retransmission par cble (JO

    L248, p.15); de larticle 2 de la directive 93/98/CEE du Conseil, du 29 octobre 1993, relative lharmonisation de la dure de protection du droit dauteur et de certains droits voisins (JOL290, p.9), et des articles 2, 3 et 5 de la directive 2001/29/CE du Parlement europen et duConseil, du 22 mai 2001, sur lharmonisation de certains aspects du droit dauteur et desdroits voisins dans la socit de linformation (JO L167, p.10).

    2 Cette demande a t prsente dans le cadre dun litige opposant le ralisateurprincipal dun film documentaire, M. Luksan, au producteur de ce film, M. van der Let, ausujet de lexcution du contrat par lequel le premier aurait cd au second ses droitsdauteur et certains droits dexploitation sur ledit film.

    Le cadre juridique

    Le droit international

    La convention de Berne

    3 Larticle 14 bis de la convention de Berne pour la protection des uvres littraires etartistiques (acte de Paris du 24 juillet 1971), dans sa version rsultant de la modification

    du 28 juillet 1979 (ci-aprs la convention de Berne), dispose:(1) Sans prjudice des droits de lauteur de toute uvre qui pourrait avoir t adapteou reproduite, luvre cinmatographique est protge comme une uvre originale. Letitulaire du droit dauteur sur luvre cinmatographique jouit des mmes droits quelauteur dune uvre originale, y compris les droits viss larticle prcdent.(2)(a) La dtermination des titulaires du droit dauteur sur luvre cinmatographique estrserve la lgislation du pays o la protection est rclame.(b) Toutefois, dans les pays de lUnion o la lgislation reconnat parmi ces titulaires lesauteurs des contributions apportes la ralisation de luvre cinmatographique, ceux-ci, sils se sont engags apporter de telles contributions, ne pourront, sauf stipulation

    contraire ou particulire, sopposer la reproduction, la mise en circulation, lareprsentation et lexcution publiques, la transmission par fil au public, la radiodiffusion,la communication au public, le sous-titrage et le doublage des textes, de luvrecinmatographique.(c) La question de savoir si la forme de lengagement vis cidessus doit, pourlapplication du sous-alina b) prcdent, tre ou non un contrat crit ou un acte critquivalent est rgle par la lgislation du pays de lUnion o le producteur de luvrecinmatographique a son sige ou sa rsidence habituelle. Est toutefois rserve lalgislation du pays de lUnion o la protection est rclame la facult de prvoir que cetengagement doit tre un contrat crit ou un acte crit quivalent. Les pays qui font usagede cette facult devront le notifier au Directeur gnral par une dclaration crite qui seraaussitt communique par ce dernier tous les autres pays de lUnion.(d) Par stipulation contraire ou particulire, il faut entendre toute condition restrictivedont peut tre assorti ledit engagement.2

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    (3) moins que la lgislation nationale nen dcide autrement, les dispositions delalina 2) b) ci-dessus ne sont applicables ni aux auteurs des scnarios, des dialogues etdes uvres musicales, crs pour la ralisation de luvre cinmatographique, ni auralisateur principal de celle-ci. Toutefois, les pays de lUnion dont la lgislation ne contientpas des dispositions prvoyant lapplication de lalina 2) b) prcit audit ralisateurdevront le notifier au Directeur gnral par une dclaration crite qui sera aussitt

    communique par ce dernier tous les autres pays de lUnion.

    Le trait de lOMPI sur le droit dauteur

    4 LOrganisation mondiale de la proprit intellectuelle (OMPI) a adopt Genve, le20 dcembre 1996, le trait de lOMPI sur le droit dauteur. Ce trait a t approuv aunom de la Communaut europenne par la dcision 2000/278/CE du Conseil, du 16 mars2000 (JO L89, p.6).

    5 Le trait de lOMPI sur le droit dauteur prvoit son article 1er, paragraphe 4, queles parties contractantes doivent se conformer aux articles 1er 21 de la convention deBerne.

    Le droit de lUnion

    La directive 93/83

    6 Larticle 1er, paragraphe 5, de la directive 93/83 dispose:Aux fins de la prsente directive, le ralisateur principal dune uvre cinmatographiqueou audiovisuelle est considr comme lauteur ou lun des auteurs. Les tats membrespeuvent prvoir que dautres personnes sont considres comme coauteurs.

    7 Le chapitre II de cette directive, intitul Radiodiffusion par satellite, comprendlarticle 2 qui, sous le titre Droit de radiodiffusion, nonce:Les tats membres prvoient le droit exclusif de lauteur dautoriser la communication aupublic par satellite duvres protges par le droit dauteur, sous rserve des dispositionsdu prsent chapitre.

    La directive 2001/29

    8 Les cinquime, neuvime onzime, vingtime, trente et unime et trente-cinquime considrants de la directive 2001/29 sont libells en ces termes:

    (5) Lvolution technologique a multipli et diversifi les vecteurs de cration, deproduction et dexploitation. Si la protection de la proprit intellectuelle ne ncessiteaucun concept nouveau, les rgles actuelles en matire de droit dauteur et de droitsvoisins devront tre adaptes et compltes pour tenir dment compte des ralitsconomiques telles que lapparition de nouvelles formes dexploitation.[...](9) Toute harmonisation du droit dauteur et des droits voisins doit se fonder sur unniveau de protection lev, car ces droits sont essentiels la cration intellectuelle. Leurprotection contribue au maintien et au dveloppement de la crativit dans lintrt desauteurs, des interprtes ou excutants, des producteurs, des consommateurs, de laculture, des entreprises et du public en gnral. La proprit intellectuelle a donc treconnue comme faisant partie intgrante de la proprit.(10) Les auteurs ou les interprtes ou excutants, pour pouvoir poursuivre leur travailcratif et artistique, doivent obtenir une rmunration approprie pour lutilisation de leurs3

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    uvres, de mme que les producteurs pour pouvoir financer ce travail. Linvestissementncessaire pour crer des produits, tels que des phonogrammes, des films ou desproduits multimdias, et des services tels que les services la demande, est considrable.Une protection juridique approprie des droits de proprit intellectuelle est ncessairepour garantir une telle rmunration et permettre un rendement satisfaisant delinvestissement.

    (11) Un systme efficace et rigoureux de protection du droit dauteur et des droitsvoisins est lun des principaux instruments permettant de garantir la cration et laproduction culturelles europennes lobtention des ressources ncessaires et de prserverlautonomie et la dignit des crateurs et interprtes.[...](20) La prsente directive se fonde sur des principes et des rgles dj tablis par lesdirectives en vigueur dans ce domaine, notamment [la directive 91/250/CEE du Conseil,du 14 mai 1991, concernant la protection juridique des programmes dordinateur (JOL122, p.42), telle que modifie par la directive 93/98, la directive 92/100, telle quemodifie par la directive 93/98, la directive 93/83, la directive 93/98 et la directive 96/9/CEdu Parlement europen et du Conseil, du 11 mars 1996, concernant la protection juridiquedes bases de donnes (JO L77, p.20)]. Elle dveloppe ces principes et rgles et lesintgre dans la perspective de la socit de linformation. Les dispositions de la prsentedirective doivent sappliquer sans prjudice des dispositions desdites directives, sauf si laprsente directive en dispose autrement.[...](31) Il convient de maintenir un juste quilibre en matire de droits et dintrts entreles diffrentes catgories de titulaires de droits ainsi quentre celles-ci et les utilisateursdobjets protgs. [...][...](35) Dans le cas de certaines exceptions ou limitations, les titulaires de droits doivent

    recevoir une compensation quitable afin de les indemniser de manire adquate pourlutilisation faite de leurs uvres ou autres objets protgs. Lors de la dtermination de laforme, des modalits et du niveau ventuel dune telle compensation quitable, il convientde tenir compte des circonstances propres chaque cas. Pour valuer ces circonstances,un critre utile serait le prjudice potentiel subi par les titulaires de droits en raison delacte en question. [...]

    9 Larticle 1er, paragraphe 2, de la directive 2001/29 prvoit:Sauf dans les cas viss larticle 11, la prsente directive laisse intactes et naffecte enaucune faon les dispositions communautaires existantes concernant:[...]

    b) le droit de location, de prt et certains droits voisins du droit dauteur dans ledomaine de la proprit intellectuelle;c) le droit dauteur et les droits voisins applicables la radiodiffusion de programmespar satellite et la retransmission par cble;d) la dure de protection du droit dauteur et de certains droits voisins;[...]

    10 Larticle 2 de cette directive, intitul Droit de reproduction, dispose:Les tats membres prvoient le droit exclusif dautoriser ou dinterdire la reproductiondirecte ou indirecte, provisoire ou permanente, par quelque moyen et sous quelque formeque ce soit, en tout ou en partie:a) pour les auteurs, de leurs uvres;b) pour les artistes interprtes ou excutants, des fixations de leurs excutions;c) pour les producteurs de phonogrammes, de leurs phonogrammes;4

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    d) pour les producteurs des premires fixations de films, de loriginal et de copies deleurs films;e) pour les organismes de radiodiffusion, des fixations de leurs missions, quellessoient diffuses par fil ou sans fil, y compris par cble ou par satellite.

    11 Larticle 3 de ladite directive, intitul Droit de communication duvres au public et

    droit de mettre la disposition du public dautres objets protgs, nonce:1. Les tats membres prvoient pour les auteurs le droit exclusif dautoriser oudinterdire toute communication au public de leurs uvres, par fil ou sans fil, y compris lamise la disposition du public de leurs uvres de manire que chacun puisse y avoiraccs de lendroit et au moment quil choisit individuellement.2. Les tats membres prvoient le droit exclusif dautoriser ou dinterdire la mise ladisposition du public, par fil ou sans fil, de manire que chacun puisse y avoir accs delendroit et au moment quil choisit individuellement:a) pour les artistes interprtes ou excutants, des fixations de leurs excutions;b) pour les producteurs de phonogrammes, de leurs phonogrammes;c) pour les producteurs des premires fixations de films, de loriginal et de copies deleurs films;d) pour les organismes de radiodiffusion, des fixations de leurs missions, quellessoient diffuses par fil ou sans fil, y compris par cble ou par satellite.3. Les droits viss aux paragraphes 1 et 2 ne sont pas puiss par un acte decommunication au public, ou de mise la disposition du public, au sens du prsentarticle.

    12 Sous le titre Exceptions et limitations, larticle 5, paragraphes 2, sous b), et 5, decette mme directive prvoit:2. Les tats membres ont la facult de prvoir des exceptions ou limitations au droit

    de reproduction prvu larticle 2 dans les cas suivants:[...]b) lorsquil sagit de reproductions effectues sur tout support par une personnephysique pour un usage priv et des fins non directement ou indirectementcommerciales, condition que les titulaires de droits reoivent une compensationquitable qui prend en compte lapplication ou la non application des mesures techniquesvises larticle 6 aux uvres ou objets concerns;[...]5. Les exceptions et limitations prvues aux paragraphes 1, 2, 3 et 4 ne sontapplicables que dans certains cas spciaux qui ne portent pas atteinte lexploitationnormale de luvre ou autre objet protg ni ne causent un prjudice injustifi aux intrts

    lgitimes du titulaire du droit.

    La directive 2006/115/CE

    13 La directive 92/100 a t abroge par la directive 2006/115/CE du Parlementeuropen et du Conseil, du 12 dcembre 2006, relative au droit de location et de prt et certains droits voisins du droit dauteur dans le domaine de la proprit intellectuelle (JOL376, p.28). Cette dernire codifie et reprend, en termes analogues, les dispositions dela directive 92/100. Compte tenu de lpoque des faits du litige au principal (mars 2008), ladirective 2006/115 est applicable ratione temporis, de sorte que cest au regard de celle-cique la Cour examinera les questions poses par la juridiction de renvoi.

    14 Les cinquime et douzime considrants de la directive 2006/115 noncent:

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    (5) La continuit du travail crateur et artistique des auteurs et artistes interprtes ouexcutants exige que ceux-ci peroivent un revenu appropri et les investissements, enparticulier ceux quexige la production de phonogrammes et de films, sont extrmementlevs et alatoires. Seule une protection juridique approprie des titulaires de droitsconcerns permet de garantir efficacement la possibilit de percevoir ce revenu etdamortir ces investissements.

    [...](12) Il est ncessaire dintroduire un rgime qui assure une rmunration quitable, laquelle il ne peut tre renonc, aux auteurs et aux artistes interprtes ou excutants, quidoivent conserver la possibilit de confier la gestion de ce droit des socits de gestioncollective qui les reprsentent.

    15 Larticle 2, paragraphe 2, de cette directive dispose:

    Le ralisateur principal dune uvre cinmatographique ou audiovisuelle est considrcomme lauteur ou un des auteurs. Les tats membres peuvent prvoir que dautrespersonnes sont considres comme coauteurs.

    16 Aux termes de larticle 3 de ladite directive, intitul Titulaires et objet du droit delocation et de prt:1. Le droit exclusif dautoriser ou dinterdire la location et le prt appartient:a) lauteur, en ce qui concerne loriginal et les copies de son uvre;b) lartiste interprte ou excutant, en ce qui concerne les fixations de son excution;c) au producteur de phonogrammes, en ce qui concerne ses phonogrammes;d) au producteur de la premire fixation dun film, en ce qui concerne loriginal et lescopies de son film.[...]

    4. Sans prjudice du paragraphe 6, lorsquun contrat concernant la production dun filmest conclu, individuellement ou collectivement, entre des artistes interprtes ou excutantset un producteur de film, lartiste interprte ou excutant couvert par ce contrat estprsum, sous rserve de clauses contractuelles contraires, avoir cd son droit delocation, sous rserve de larticle 5.5. Les tats membres peuvent prvoir une prsomption similaire celle prvue auparagraphe 4 en ce qui concerne les auteurs.[...]

    17 Larticle 5, paragraphes 1 et 2, de cette mme directive stipule, sous lintitul Droit une rmunration quitable auquel il ne peut tre renonc:

    1. Lorsquun auteur ou un artiste interprte ou excutant a transfr ou cd son droitde location en ce qui concerne un phonogramme ou loriginal ou une copie dun film unproducteur de phonogrammes ou de films, il conserve le droit dobtenir une rmunrationquitable au titre de la location.2. Le droit dobtenir une rmunration quitable au titre de la location ne peut pas fairelobjet dune renonciation de la part des auteurs ou artistes interprtes ou excutants.La directive 2006/116/CE

    18 La directive 93/98 a t abroge par la directive 2006/116/CE du Parlementeuropen et du Conseil, du 12 dcembre 2006, relative la dure de protection du droitdauteur et de certains droits voisins (JO L372, p.12). Cette dernire codifie et reprend,en termes analogues, les dispositions de la directive 93/98. Compte tenu de lpoque desfaits du litige au principal (mars 2008), la directive 2006/116 est applicable ratione

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    temporis, de sorte que cest au regard de celle-ci que la Cour examinera les questionsposes par la juridiction de renvoi.

    19 Le cinquime considrant de la directive 2006/116 nonce:Les dispositions de la prsente directive ne devraient pas porter atteinte lapplication,

    par les tats membres, de larticle 14 bis, paragraphe 2, points b), c) et d), et paragraphe3, de la convention de Berne.

    20 Larticle 2 de cette directive dispose, sous lintitul uvres cinmatographiques ouaudiovisuelles:1. Le ralisateur principal dune uvre cinmatographique ou audiovisuelle estconsidr comme lauteur ou un des auteurs. Les tats membres sont libres de dsignerdautres coauteurs.2. La dure de protection dune uvre cinmatographique ou audiovisuelle prend finsoixante-dix ans aprs la mort du dernier survivant parmi les personnes suivantes, queces personnes soient ou non dsignes comme coauteurs: le ralisateur principal, lauteurdu scnario, lauteur du dialogue et le compositeur dune musique cre expressmentpour tre utilise dans luvre cinmatographique ou audiovisuelle.

    Le droit national

    21 Larticle 38, paragraphe 1, de la loi relative au droit dauteur (Urheberrechtsgesetz,BGBl. 111/1936), telle que modifie par la loi fdrale publie au Bundesgesetzblatt fr dieRepublik sterreichI, 58/2010 (ci-aprs lUrhG) nonce:Les droits dexploitation sur les films produits commercialement reviennent aupropritaire de lentreprise (producteur du film) [...]. Les droits rmunration lgaux de

    lauteur reviennent respectivement pour moiti au producteur et lauteur du film, condition quils soient susceptibles de renonciation et que le producteur et lauteur nensoient pas convenus autrement [...]

    22 Larticle 42b, paragraphe 1, de lUrhG prvoit:Si, de par sa nature, il y a lieu de sattendre ce quune uvre radiodiffuse, une uvremise la disposition du public ou une uvre fixe sur un vidogramme ou phonogrammeproduit des fins commerciales, soit reproduite, par fixation sur un vidogramme ouphonogramme, conformment larticle 42, paragraphes 2 7, usage personnel oupriv, lauteur a droit une rmunration quitable (rmunration des reproductionseffectues sur des supports denregistrement), lorsque le support est commercialis au

    niveau national des fins commerciales et titre onreux; sont considrs comme dessupports denregistrement les vidogrammes ou phonogrammes vierges propres cesreproductions ou dautres vidogrammes ou phonogrammes destins cette fin.

    Le litige au principal et les questions prjudicielles

    23 Le demandeur au principal, M. Luksan, est le scnariste et ralisateur principal dunfilm documentaire intitul Fotos von der Front (Photos du front), traitant de laphotographie de guerre allemande pendant la Seconde Guerre mondiale. Il nest pascontest que ce film documentaire, qui fait une prsentation critique de lambivalence dela photographie de guerre, constitue une uvre cinmatographique, protge ce titrecomme une uvre originale.

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    24 Le dfendeur au principal, M. van der Let, produit commercialement des uvrescinmatographiques ainsi que dautres uvres audiovisuelles.

    25 Au mois de mars 2008, les parties ont conclu un contrat de ralisateur etdauteur (contrat de production audiovisuelle) prcisant que M. Luksan tait scnariste etralisateur principal du film en question et que M. van der Let produirait et exploiterait ledit

    film. En vertu de ce contrat, M.Luksan a cd M. van der Let tous ses droits dauteur et/ou droits voisins sur ce film. Toutefois, cette cession excluait expressment certainsmodes dexploitation, savoir la mise disposition du public sur des rseaux numriquesainsi que la diffusion par voie de closed-circuit television et de pay TV, cest--dire ladiffusion (code) auprs de cercles ferms dutilisateurs, en contrepartie dun paiementspar.

    26 En outre, le contrat ne comportait aucune disposition explicite concernant les droits rmunration lgaux, comme la rmunration des reproductions effectues sur dessupports denregistrement vise larticle 42b de lUrhG (Leerkassettenvergtung,littralement rmunration pour cassettes vierges).

    27 Le litige au principal trouve son origine dans le fait que le producteur, M. van derLet, a rendu le film en question accessible sur Internet et a cd les droits cet effet Movieeurope.com. Le film pouvait ainsi tre tlcharg partir de ce site Internet, sous laforme de video on demand. Le producteur a galement rendu la bande annonce du filmaccessible sur Internet, par l'intermdiaire de You Tube, et a cd les droits de pay TV Scandinavia TV.

    28 Dans ces conditions, le ralisateur, M. Luksan, a assign le producteur, M. van derLet, devant la juridiction de renvoi. Il soutient que, tant donn les modes dexploitation

    que lui rserve le contrat (le droit de diffusion auprs de cercles dutilisateurs ferms parvoie de video on demand et de pay TV), lexploitation que le producteur a faite du filmen cause au principal constitue une violation dudit contrat et de ses droits dauteur.

    29 lencontre de ces arguments, M. van der Let fait valoir que, en raison de lacession lgale prvue larticle 38, paragraphe 1, premire phrase, de lUrhG, la totalitdes droits dexploitation exclusifs sur le film en cause lui reviennent en tant que producteurdu film et que les conventions drogeant cette rgle ou une rserve ayant le mme effetsont nulles.

    30 En outre, M. van der Let soutient que les droits rmunration lgaux prvus par

    lUrhG, notamment la rmunration des reproductions effectues sur des supportsdenregistrement, partagent le sort des droits dexploitation. En consquence, du fait ducontrat lui attribuant la totalit des droits dexploitation du film, la totalit des droits rmunration lgaux lui reviendrait galement. M. van der Let prtend en effet tre fond percevoir non seulement la moiti des droits rmunration lgaux en vertu de larticle 38,paragraphe 1, deuxime phrase, de lUrhG, en sa qualit de producteur, mais aussi lautremoiti de ceux-ci qui revient, en principe, lauteur du film (M. Luksan, en tant queralisateur), conformment ce mme article. En effet, une convention drogeant cettedisposition lgale serait permise.

    31 M. Luksan conteste cette thse et demande la juridiction de renvoi de constaterque la moiti des droits rmunration lgaux lui revient.

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    32 Selon les indications de la dcision de renvoi, la doctrine et la jurisprudenceautrichiennes considrent que larticle 38, paragraphe 1, premire phrase, de lUrhGprvoit lattribution originaire et directe des droits dexploitation au seul producteur du filmplutt quune cession lgale ou une prsomption de transfert de ces droits. Sur lefondement de cette interprtation de larticle 38, paragraphe 1, de lUrhG, des conventionsdrogeant ce principe dattribution directe et originaire seraient entaches de nullit.

    33 Quant aux droits rmunration lgaux, notamment la rmunration desreproductions effectues sur des supports denregistrement, larticle 38, paragraphe 1,deuxime phrase, de lUrhG dispose quils reviennent pour une moiti au producteur etpour lautre lauteur du film, tout en permettant expressment des conventionsdrogeant ce principe, mme en ce qui concerne la moiti revenant lauteur du film.

    34 Dans ces conditions, la juridiction de renvoi semble davis que larticle 38,paragraphe 1, premire et deuxime phrases, de lUrhG, tel quinterprt jusqu prsentpar la doctrine et les juridictions autrichiennes, est contraire au droit de lUnion. En effet,selon elle, une interprtation conforme au droit de lUnion imposerait de considrer quelarticle 38, paragraphe 1, premire phrase, de lUrhG institue une prsomption rfragablede cession. En outre, le ralisateur principal disposerait du droit une rmunrationquitable auquel il ne saurait tre renonc. Quant aux droits rmunration lgaux, lajuridiction de renvoi considre que mme si larticle 38, paragraphe 1, deuxime phrase,de lUrhG attribue la moiti de ces droits lauteur du film, ce quelle estime quitable, il nedevrait pas tre permis de droger cette rgle de rpartition.

    35 La juridiction de renvoi souhaite tre en mesure de dterminer si les dispositionspertinentes de lUrhG, qui octroient certains droits au producteur indpendamment desdispositions contractuelles, sont applicables telles quelles ont t interprtes jusquprsent par les juridictions autrichiennes, ou si une interprtation contraire et conforme au

    droit de lUnion simpose.

    36 Cest dans ces conditions que le Handelsgericht Wien a dcid de surseoir statueret de poser la Cour les questions prjudicielles suivantes:

    1) Les dispositions du droit de lUnion europenne en matire de droits dauteur et dedroits voisins, notamment les dispositions de larticle 2, paragraphes 2, 5 et 6, de ladirective 92/100, de larticle 1er, paragraphe5, de la directive 93/83, et de larticle 2,paragraphe 1, de la directive 93/98, combins avec larticle 4 de la directive 92/100,larticle 2 de la directive 93/83, et les articles 2, 3, ainsi que 5, paragraphe 2, sous b), de ladirective 2001/29, doivent-elles tre interprtes en ce sens que les droits dexploitation

    de la reproduction, de la diffusion par satellite, et de toute autre communication au publicpar voie de mise disposition reviennent en tout cas, de plein droit, directement(originairement) au ralisateur principal dune uvre cinmatographique ou audiovisuelle,ou dautres auteurs du film dtermins par le lgislateur des tats membres, et non pasdirectement (originairement) et exclusivement au producteur du film; des lois des tatsmembres qui attribuent, de plein droit, directement (originairement) et exclusivement lesdroits dexploitation au producteur du film sont-elles contraires au droit de lUnion?2) En cas de rponse par laffirmative la premire question:a) Le droit de lUnion laisse-t-il la facult aux tats membres de prvoir uneprsomption lgale de cession au producteur du film des droits dexploitation au sens [dela premire question], qui reviennent au ralisateur principal dune uvrecinmatographique ou audiovisuelle ou dautres auteurs du film dtermins par lelgislateur des tats membres, mme lorsquil sagit dautres droits que le droit de locationet de prt, et, en cas de rponse par laffirmative, faut-il respecter les conditions prvues 9

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    larticle 2, paragraphes 5 et 6, de la directive 92/100, combin avec larticle4 de laditedirective?b) Le droit de proprit originaire du ralisateur principal dune uvrecinmatographique ou audiovisuelle, ou dautres auteurs du film dtermins par lelgislateur des tats membres, doit-il galement sappliquer aux droits une rmunrationraisonnable accords par le lgislateur dun tat membre, comme la rmunration des

    reproductions effectues sur des supports denregistrement prvue larticle 42b delUrhG, ou aux droits une compensation quitable au sens de larticle 5, paragraphe 2,sous b), de la directive 2001/29?3) En cas de rponse par laffirmative la deuxime question [, sous b)]:Le droit de lUnion europenne laisse-t-il la facult aux tats membres de prvoir uneprsomption lgale de cession au producteur du film des droits rmunration au sens[de la deuxime question, sous b)], qui reviennent au ralisateur principal dune uvrecinmatographique ou audiovisuelle ou dautres auteurs du film dtermins par lelgislateur des tats membres, et, en cas de rponse par laffirmative, faut-il respecter lesconditions prvues larticle2, paragraphes 5 et 6, de la directive 92/100, combin aveclarticle4 de ladite directive?4) En cas de rponse par laffirmative la troisime question:La disposition du droit dun tat membre, prvoyant que le ralisateur principal duneuvre cinmatographique ou audiovisuelle ou dautres auteurs du film dtermins par lelgislateur des tats membres ont droit la moiti des droits rmunration lgaux maisque ce droit est susceptible de drogation et, par consquent, de renonciation, est-ellecompatible avec les dispositions du droit de lUnion europenne susmentionnes enmatire de droit dauteur et de droits voisins?

    Sur les questions prjudicielles

    Sur la premire question

    37 Par sa premire question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si lesdispositions des articles 1er et 2 de la directive 93/83, dune part, et des articles 2 et 3 dela directive 2001/29, combins avec les articles 2 et 3 de la directive 2006/115 et larticle 2de la directive 2006/116, dautre part, doivent tre interprtes en ce sens que les droitsdexploitation de luvre cinmatographique tels que ceux en cause au principal (droit dediffusion par satellite, droit de reproduction et tout autre droit de communication au publicpar voie de mise disposition) reviennent de plein droit, directement et originairement, auralisateur principal, en sa qualit dauteur de ladite uvre. Elle demande si, parconsquent, les dispositions susmentionnes sopposent une lgislation nationale

    attribuant, de plein droit et exclusivement, les droits en cause au producteur de laditeuvre.

    38 titre liminaire, il y a lieu de rappeler que les diffrents droits dexploitation deluvre cinmatographique ou audiovisuelle ont fait lobjet de plusieurs directives. Toutdabord, le chapitre II de la directive 93/83 rglemente le droit de diffusion par satellite.Ensuite, les droits de reproduction et de communication au public par voie de mise disposition sont rgis, respectivement, par les articles 2 et 3 de la directive 2001/29. Enfin,le droit de location et de prt est vis par les articles 2 et 3 de la directive 2006/115.

    39 Concernant la directive 93/83, larticle 1er, paragraphe 5, de celle-ci dispose que leralisateur principal dune uvre cinmatographique ou audiovisuelle est considrcomme lauteur ou lun des auteurs.

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    40 De mme, en ce qui concerne la directive 2006/115, larticle 2, paragraphe 2, decelle-ci dispose que le ralisateur principal dune uvre cinmatographique est considrcomme lauteur ou lun des auteurs.

    41 En revanche, sagissant de la directive 2001/29, force est de constater que celle-cine fournit aucune indication explicite quant au statut du ralisateur principal de luvre

    cinmatographique.

    42 Dans ces conditions, la question se pose, en premier lieu, de dterminer quelle estla situation du ralisateur principal de luvre cinmatographique au regard des droitsdexploitation rgis par la directive 2001/29.

    43 cet gard, il rsulte du vingtime considrant de la directive 2001/29 que celle-ciest fonde sur les principes et les rgles dj tablis par les directives en vigueur dans cedomaine, notamment les directives 92/100, relative au droit de location et de prt(devenue directive 2006/115), et 93/98, relative lharmonisation de la dure de protectiondu droit dauteur (devenue directive 2006/116). Il est prvu que la directive 2001/29dveloppe ces principes et ces rgles et les intgre dans la perspective de la socit delinformation. Ds lors, les dispositions de la directive 2001/29 doivent sappliquer sansprjudice des dispositions de ces deux dernires directives, sauf si la directive 2001/29 endispose autrement (voir, en ce sens, arrt du 4 octobre 2011, Football Association PremierLeague e.a., C403/08 et C429/08, non encore publi au Recueil, points 187 et 188).

    44 Or, larticle 2, paragraphe 1, de la directive 2006/116 nonce, sous lintitul uvrescinmatographiques ou audiovisuelles, la rgle gnrale selon laquelle le ralisateurprincipal dune uvre cinmatographique est considr comme lauteur ou lun desauteurs, les tats membres tant libres de dsigner dautres coauteurs.

    45 Ainsi, cette disposition doit tre interprte en ce sens que, indpendamment dunquelconque choix de droit national, le ralisateur principal de luvre cinmatographiquebnficie en tout tat de cause, contrairement aux autres auteurs dune telle uvre, dustatut dauteur en vertu de la directive 2006/116.

    46 Par ailleurs, larticle 2, paragraphe 2, de la directive 2006/116 fixe la dure deprotection de luvre cinmatographique ou audiovisuelle. Cette disposition impliquencessairement quune telle uvre, notamment les droits de lauteur ou des coauteurs decelle-ci et, en particulier, ceux du ralisateur principal, soit effectivement protge en droit.

    47 tant donn que la directive 2001/29 nen dispose pas autrement et que sesdispositions doivent sappliquer sans prjudice des dispositions de la directive 2006/116,ainsi que de celles de la directive 2006/115, notamment de son article 2, paragraphe 2, lesarticles 2 et 3 de la directive2001/29 doivent tre interprts de telle sorte que soientgarantis les droits dauteur du ralisateur principal de luvre cinmatographique que cesarticles noncent.

    48 Il rsulte de ce qui prcde que, au regard de lensemble des droits dexploitationen cause, y compris ceux rgis par la directive 2001/29, le ralisateur principal de luvrecinmatographique est considr comme lauteur ou lun des auteurs de celle-ci.

    49 En second lieu, il convient de dterminer si les droits dexploitation de luvrecinmatographique tels que ceux en cause au principal (droit de diffusion par satellite,droit de reproduction et tout autre droit de communication au public par voie de mise 11

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    disposition) reviennent de plein droit, directement et originairement, au ralisateur principalde celle-ci, en tant quauteur de ladite uvre, ou si, le cas chant, ces droits peuventrevenir directement, originairement et exclusivement au producteur de ladite uvre.

    50 Sagissant du droit de diffusion par satellite, larticle 2 de la directive 93/83 consacrele droit exclusif du seul auteur dautoriser la communication au public par satellite

    duvres protges par le droit dauteur.

    51 Sagissant du droit de reproduction, larticle 2 de la directive 2001/29 reconnatcomme titulaires de ce droit les auteurs, en ce qui concerne leurs uvres, et lesproducteurs des premires fixations de films, en ce qui concerne loriginal et les copies deleurs films.

    52 De mme, sagissant du droit de communication duvres par voie de mise disposition du public, larticle 3 de la directive 2001/29 institue ce droit au profit desauteurs, en ce qui concerne leurs uvres, et des producteurs des premires fixations defilms, en ce qui concerne loriginal et les copies de leurs films.

    53 Ainsi, les dispositions voques aux trois points prcdents attribuent, titreoriginaire, au ralisateur principal, en sa qualit dauteur, les droits dexploitation en causeau principal de luvre cinmatographique.

    54 Toutefois, nonobstant ces dispositions de droit driv, le gouvernement autrichien,dans ses observations soumises la Cour, se prvaut des stipulations combines desparagraphes 2, sous b), et 3 de larticle 14 bis de la convention de Berne relatif auxuvres cinmatographiques, qui lautoriseraient accorder ces mmes droits au seulproducteur de luvre.

    55 Il ressort, en effet, de ces stipulations, lues conjointement, que, de faondrogatoire, il est permis une lgislation nationale de refuser au ralisateur principalcertains droits dexploitation de luvre cinmatographique, tels que, notamment, le droitde reproduction et le droit de communication au public.

    56 cet gard, il y a lieu, tout dabord, de rappeler que tous les tats membres delUnion ont adhr la convention de Berne, pour certains antrieurement au 1er janvier1958 et, pour dautres, antrieurement la date de leur adhsion lUnion.

    57 Sagissant plus prcisment de larticle 14 bis de la convention de Berne relatif aux

    uvres cinmatographiques, il convient de relever que cet article a t introduit la suitedes rvisions de la convention adoptes Bruxelles en 1948, puis Stockholm en 1967.

    58 Ainsi, la convention de Berne revt les caractristiques dune conventioninternationale au sens de larticle 351 TFUE, aux termes duquel, notamment, les droits etles obligations rsultant de conventions conclues antrieurement au 1erjanvier 1958 ou,pour les tats adhrents, antrieurement la date de leur adhsion, entre un ou plusieurstats membres, dune part, et un ou plusieurs tats tiers, dautre part, ne sont pas affectspar les dispositions des traits.

    59 Il convient, ensuite, de relever que lUnion, ntant pas partie contractante laconvention de Berne, est nanmoins oblige, en vertu de larticle 1er, paragraphe4, dutrait de lOMPI sur le droit dauteur, auquel elle est partie, qui fait partie de son ordrejuridique, et que la directive 2001/29 vise mettre en uvre, de se conformer aux articles12

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    1er 21 de la convention de Berne (voir, en ce sens, arrt Football Association PremierLeague e.a., prcit, point 189 ainsi que jurisprudence cite). Par consquent, lUnion esttenue de se conformer, notamment, larticle 14 bis de la convention de Berne.

    60 Dans ces conditions, la question se pose de savoir si les dispositions des directives93/83 et 2001/29 voques aux points 50 52 du prsent arrt doivent tre interprtes,

    au regard de larticle 1er, paragraphe 4, du trait de lOMPI sur le droit dauteur, en cesens quun tat membre peut, dans sa lgislation nationale, sur le fondement de larticle14 bis de la convention de Berne en se prvalant de la facult que cet articleconventionnel lui accorderait, refuser au ralisateur principal les droits dexploitation encause au principal de luvre cinmatographique.

    61 cet gard, il y a lieu, tout dabord, de rappeler que la disposition de larticle 351,premier alina, TFUE a pour objet de prciser, conformment aux principes de droitinternational, que lapplication du trait naffecte pas lengagement de ltat membreconcern de respecter les droits des tats tiers rsultant dune convention antrieure son adhsion et dobserver ses obligations correspondantes (voir arrts du 28 mars 1995,Evans Medical et Macfarlan Smith, C-324/93, Rec. p.I563, point 27, ainsi que du 14janvier 1997, Centro-Com, C124/95, Rec. p.I81, point 56).

    62 Cependant, lorsquune telle convention permet un tat membre de prendre unemesure qui apparat contraire au droit de lUnion, sans toutefois ly obliger, ltat membredoit sabstenir dadopter une telle mesure (voir, en ce sens, arrts prcits Evans Medicalet Macfarlan Smith, point 32, ainsi que Centro-Com, point 60).

    63 Cette jurisprudence doit galement trouver sappliquer mutatis mutandis lorsque,en raison dune volution du droit de lUnion, une mesure lgislative prise par un tat

    membre conformment la facult offerte par une convention internationale antrieureapparat contraire ce droit. Dans une telle situation, ltat membre concern ne sauraitse prvaloir de cette convention pour sexonrer des obligations nes ultrieurement dudroit de lUnion.

    64 Or, en prvoyant que le ralisateur principal dune uvre cinmatographique estconsidr comme lauteur ou lun des auteurs de celle-ci, le lgislateur de lUnion a exercles comptences de lUnion dans la matire de la proprit intellectuelle. Dans cesconditions, les tats membres ne sont plus comptents pour adopter des dispositionsmettant en cause cette rglementation de lUnion. Ds lors, ils ne sauraient plus seprvaloir de la facult accorde par larticle 14 bis de la convention de Berne.

    65 Ensuite, il convient de constater quune mesure lgislative telle que dcrite au point60 du prsent arrt ne savre pas compatible avec le but poursuivi par la directive2001/29.

    66 En effet, il rsulte du neuvime considrant de la directive 2001/29, laquelle rgitnotamment les droits de reproduction et de communication au public, que le lgislateur delUnion, estimant que la protection du droit dauteur tait essentielle la crationintellectuelle, a entendu garantir aux auteurs un niveau de protection lev. La propritintellectuelle a donc t reconnue comme faisant partie intgrante de la proprit.

    67 Or, ds lors que la qualit dauteur a t reconnue au ralisateur principal deluvre cinmatographique, il savrerait incompatible avec le but poursuivi par la directive2001/29 dadmettre que ce crateur se voit refuser les droits dexploitation en cause.13

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    68 Enfin, il convient de rappeler que, aux termes de larticle 17, paragraphe 1, de lacharte des droits fondamentaux de lUnion europenne, toute personne a le droit de jouirde la proprit des biens quelle a acquis lgalement, de les utiliser, den disposer et deles lguer. Nul ne peut tre priv de sa proprit, si ce nest pour cause dutilit publique,dans des cas et des conditions prvus par une loi et moyennant en temps utile une juste

    indemnit pour sa perte. Lusage des biens peut tre rglement par la loi dans la mesurencessaire lintrt gnral. Le paragraphe 2 de ce mme article dispose que laproprit intellectuelle est protge.

    69 Au vu de ce qui a t constat au point 53 du prsent arrt, le ralisateur principalde luvre cinmatographique doit tre regard comme ayant lgalement acquis, en vertudu droit de lUnion, le droit de jouir de la proprit intellectuelle de cette uvre.

    70 Dans ces conditions, le fait quune lgislation nationale lui refuse les droitsdexploitation en cause quivaudrait le priver de son droit de proprit intellectuellelgalement acquis.

    71 Il rsulte de ce qui prcde que les dispositions des directives 93/83 et 2001/29voques aux points 50 52 du prsent arrt ne sauraient tre interprtes, au regard delarticle 1er, paragraphe 4, du trait de lOMPI sur le droit dauteur, en ce sens quun tatmembre pourrait, dans sa lgislation nationale, sur le fondement de larticle 14 bis de laconvention de Berne en se prvalant de la facult que cet article conventionnel luiaccorderait, refuser au ralisateur principal les droits dexploitation en cause au principalde luvre cinmatographique, puisquune telle interprtation, tout dabord, nerespecterait pas les comptences de lUnion en la matire, ensuite, ne serait pascompatible avec le but poursuivi par la directive 2001/29 et, enfin, ne serait pas conforme

    aux exigences dcoulant de larticle 17, paragraphe 2, de ladite charte des droitsfondamentaux garantissant la protection de la proprit intellectuelle.

    72 Eu gard aux considrations qui prcdent, il y a lieu de rpondre la premirequestion pose que les dispositions des articles 1er et 2 de la directive 93/83, dune part,et des articles 2 et 3 de la directive 2001/29, combins avec les articles 2 et 3 de ladirective 2006/115 et larticle 2 de la directive 2006/116, dautre part, doivent treinterprtes en ce sens que les droits dexploitation de luvre cinmatographique telsque ceux en cause au principal (droit de reproduction, droit de diffusion par satellite et toutautre droit de communication au public par voie de mise disposition) reviennent de pleindroit, directement et originairement, au ralisateur principal. Par consquent, ces

    dispositions doivent tre interprtes en ce sens quelles sopposent une lgislationnationale attribuant, de plein droit et exclusivement, lesdits droits dexploitation auproducteur de luvre en question.

    Sur la deuxime question, sous a)

    73 titre liminaire, il convient de rappeler que le lgislateur de lUnion avait instaur, larticle 2, paragraphe 5, de la directive 92/100, une prsomption de cession du droit delocation au profit du producteur de luvre cinmatographique.

    74 Larticle 3, paragraphe 4, de la directive 2006/115, qui reprend les termes de larticle2, paragraphe 5, de la directive 92/100, prvoit dsormais que, lorsquun contratconcernant la production dun film est conclu entre des artistes interprtes ou excutants

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    et le producteur dudit film, lartiste couvert par ce contrat est prsum, sous rserve declauses contractuelles contraires, avoir cd au producteur son droit de location.

    75 En outre, larticle 3, paragraphe 5, de la directive 2006/115, qui reprend les termesde larticle 2, paragraphe 6, de la directive 92/100, habilite les tats membres prvoirune prsomption similaire en ce qui concerne les auteurs.

    76 Eu gard cette prcision liminaire, la question de la juridiction de renvoi doit secomprendre comme portant, en substance, sur le point de savoir si le droit de lUnion peuttre interprt comme laissant la facult aux tats membres dtablir une telleprsomption de cession galement en ce qui concerne les droits dexploitation de luvrecinmatographique tels que ceux en cause au principal (droit de diffusion par satellite,droit de reproduction et tout autre droit de communication au public par voie de mise disposition), et, dans laffirmative, quelles conditions.

    77 Sagissant de lobjectif qui sous-tend les dispositions de la directive 2006/115voques dans la question prjudicielle, il convient de se rfrer au cinquime considrantde cette directive, qui rappelle, dune part, que la continuit du travail crateur et artistiquedes auteurs et des artistes interprtes ou excutants exige que ceux-ci peroivent unrevenu appropri et, dautre part, que les investissements, en particulier ceux quexige laproduction de phonogrammes et de films, sont extrmement levs et alatoires. Seuleune protection juridique approprie des titulaires de droits concerns permet de garantirefficacement la possibilit de percevoir ce revenu et damortir ces investissements.

    78 Il rsulte, notamment, de ce cinquime considrant de la directive 2006/115 quunquilibre doit tre trouv entre, dune part, le respect des droits et des intrts desdiffrentes personnes physiques ayant contribu la cration intellectuelle du film,

    savoir lauteur ou les coauteurs de luvre cinmatographique et, dautre part, ceux duproducteur du film, qui a pris linitiative et la responsabilit de la ralisation de luvrecinmatographique et qui assume les risques lis cet investissement.

    79 Dans ces conditions, il est permis de constater que, dans le cadre de la directive2006/115, le dispositif de prsomption de cession du droit de location en faveur duproducteur du film a t conu pour rpondre lune des finalits auxquelles se rfre lecinquime considrant de ladite directive, savoir permettre au producteur damortir lesinvestissements quil a engags aux fins de la ralisation de luvre cinmatographique.

    80 Cela tant, le dispositif de prsomption de cession se devait galement de rpondre

    aux intrts du ralisateur principal de luvre cinmatographique. cet gard, il convientde constater quil ne remet aucunement en cause la rgle selon laquelle lauteur estinvesti de plein droit, directement et originairement, du droit de location et de prtrelativement son uvre. En effet, le lgislateur de lUnion ayant expressment rservlhypothse de clauses contractuelles contraires, il a par l souhait que le ralisateurprincipal conserve la possibilit, par voie contractuelle, den convenir autrement.

    81 Ainsi, un tel dispositif de prsomption est conu, conformment lexigencedquilibre mentionne au point 78 du prsent arrt, de faon garantir que le producteurdu film acquire le droit de location de luvre cinmatographique, tout en prvoyant quele ralisateur principal puisse librement disposer des droits quil dtient en sa qualitdauteur afin de sauvegarder ses intrts.

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    82 Or, lobjectif visant garantir un rendement satisfaisant de linvestissementcinmatographique excde le cadre de la seule protection du droit de location et de prtrgi par la directive 2006/115, puisquil figure galement dans dautres directivespertinentes en la matire.

    83 Ainsi, le dixime considrant de la directive 2001/29 confirme que linvestissement

    ncessaire pour crer des produits, tels que des films ou des produits multimdias, estconsidrable. Une protection juridique approprie des droits de proprit intellectuelle estdonc ncessaire pour permettre un rendement satisfaisant de linvestissement (voirgalement, en ce sens, arrt du 13 juillet 2006, Commission/Portugal, C-61/05, Rec.p.I-6779, point 27).

    84 Or, il convient galement de relever que le lgislateur de lUnion a explicitementprcis, au cinquime considrant de la directive 2001/29, que, si les rgles existantes enmatire de droit dauteur et de droits voisins devaient tre adaptes et compltes pourtenir dment compte des ralits conomiques telles que lapparition de nouvelles formesdexploitation, la protection de la proprit intellectuelle ne ncessitait, en revanche, aucunconcept nouveau.

    85 Dans ces conditions, ds lors que, dune part, en 2001, loccasion de ladoption dela directive 2001/29, le lgislateur de lUnion est rput avoir maintenu les diffrentsconcepts de la protection de la proprit intellectuelle labors dans le cadre desdirectives antrieures et que, dautre part, en lespce, il nen a pas dispos autrement, il ya lieu de considrer quil na pas entendu carter lapplication dun concept tel que celui deprsomption de cession, sagissant des droits dexploitation rgis par ladite directive.

    86 Il dcoule de ce qui prcde quun dispositif de prsomption de cession, tel que

    celui prvu lorigine, en ce qui concerne le droit de location et de prt, larticle 2,paragraphes 5 et 6, de la directive 92/100, puis repris, en substance, larticle 3,paragraphes 4 et 5, de la directive 2006/115, doit galement pouvoir trouver sappliqueren ce qui concerne les droits dexploitation de luvre cinmatographique tels que ceuxen cause au principal (droit de diffusion par satellite, droit de reproduction et tout autredroit de communication au public par voie de mise disposition).

    87 Eu gard aux considrations qui prcdent, il y a lieu de rpondre la deuximequestion, sous a), que le droit de lUnion doit tre interprt en ce sens quil laisse lafacult aux tats membres dtablir une prsomption de cession, au profit du producteurde luvre cinmatographique, des droits dexploitation de luvre cinmatographique tels

    que ceux en cause au principal (droit de diffusion par satellite, droit de reproduction et toutautre droit de communication au public par voie de mise disposition), pourvu quune telleprsomption ne revte pas un caractre irrfragable qui exclurait la possibilit pour leralisateur principal de ladite uvre den convenir autrement.

    Sur la deuxime question, sous b)

    88 Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si le droit unermunration quitable, telle que la compensation quitable prvue larticle 5,paragraphe 2, sous b), de la directive 2001/29 au titre de lexception dite de copieprive, revient de plein droit, directement et originairement, au ralisateur principal, en saqualit dauteur ou de coauteur de luvre cinmatographique.

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    89 titre liminaire, il y a lieu de prciser que, la question pose se rfrant seulement la compensation quitable prvue larticle 5, paragraphe2, sous b), de la directive2001/29 au titre de lexception de copie prive, il y sera rpondu dans la perspective duseul droit de reproduction et du droit compensation quitable sy rapportant.

    90 Demble, il convient de rappeler que, aux termes de larticle 2, sous a), de la

    directive 2001/29, les tats membres accordent, en principe, aux auteurs le droit exclusifdautoriser ou dinterdire la reproduction directe ou indirecte, provisoire ou permanente,par quelque moyen et sous quelque forme que ce soit, en tout ou en partie, de leursuvres.

    91 Larticle 2, sous d), de cette mme directive accorde un droit identique auxproducteurs des premires fixations de films, sagissant de loriginal et des copies de leursfilms.

    92 Il sensuit que tant le ralisateur principal, en sa qualit dauteur de luvrecinmatographique, que le producteur, en tant que responsable des investissementsncessaires la production de ladite uvre, doivent tre regards comme tant lestitulaires, de plein droit, du droit de reproduction.

    93 Par ailleurs, en vertu de larticle 5, paragraphe 2, sous b), de cette mme directive,les tats membres ont la facult de prvoir une exception au droit de reproduction exclusifdes titulaires du droit de reproduction, lorsquil sagit de reproductions effectues sur toutsupport par une personne physique pour un usage priv et des fins non directement ouindirectement commerciales (exception de copie prive), la condition, toutefois, degarantir que, en contrepartie, les titulaires de droits concerns reoivent le versementdune compensation quitable.

    94 Le ralisateur principal de luvre cinmatographique tant lun de ces titulaires, ildoit, par consquent, tre considr comme un bnficiaire de plein droit, directement etoriginairement, de la compensation quitable due au titre de lexception de copie prive.

    95 Eu gard aux considrations qui prcdent, il y a lieu de rpondre la deuximequestion, sous b), que le droit de lUnion doit tre interprt en ce sens que, en sa qualitdauteur de luvre cinmatographique, le ralisateur principal de celle-ci doit bnficier,de plein droit, directement et originairement, du droit la compensation quitable prvue larticle 5, paragraphe 2, sous b), de la directive 2001/29 au titre de lexception dite decopie prive.

    Sur les troisime et quatrime questions

    96 Par ces questions, quil convient dexaminer ensemble, la juridiction de renvoidemande, en substance, si le droit de lUnion doit tre interprt comme laissant la facultaux tats membres dtablir une prsomption de cession, au profit du producteur deluvre cinmatographique, des droits rmunration revenant au ralisateur principal deladite uvre.

    97 cet gard, il est constant que la disposition de droit interne en cause au principalinstituant ladite prsomption permet au ralisateur principal de luvre cinmatographiquede renoncer ses droits une rmunration quitable.

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    98 Ainsi, il convient pralablement dexaminer si le droit de lUnion soppose unedisposition de droit interne qui permet au ralisateur principal de luvrecinmatographique de renoncer ses droits une rmunration quitable.

    99 titre liminaire, il y a lieu de prciser que, les questions poses se rfrant auxdroits rmunration au sens de la question prcdente, il y sera rpondu dans la seule

    perspective du droit de reproduction et du droit la compensation quitable prvue larticle 5, paragraphe 2, sous b), de la directive 2001/29 au titre de lexception de copieprive.

    100 Ainsi quil a t relev au point 93 du prsent arrt, il rsulte de larticle 5,paragraphe 2, sous b), de la directive 2001/29 que, dans les tats membres ayant dciddinstaurer lexception de copie prive, les titulaires de droits concerns doivent, encontrepartie, recevoir le versement dune compensation quitable. Il ressort dun tel libellque le lgislateur de lUnion ne souhaitait pas admettre que les intresss puissentrenoncer percevoir ladite compensation.

    101 En outre, larticle 5, paragraphe 2, sous b), de cette directive instaurant uneexception au droit de reproduction exclusif de lauteur sur son uvre, cette disposition doitfaire lobjet dune interprtation restrictive qui implique quune telle exception ne sauraittre tendue au-del de ce quimpose explicitement la disposition en cause. Or, celle-ciautorise une exception au seul droit de reproduction et ne saurait tre tendue aux droits rmunration.

    102 Cette conclusion est corrobore, sur le plan du contexte, par les dispositions delarticle 5, paragraphe 2, de la directive 2006/115, lues la lumire du douzimeconsidrant de cette mme directive, et reprenant les termes, respectivement, de larticle

    4, paragraphe 2, de la directive 92/100 et du quinzime considrant de cette derniredirective laquelle se rfre la juridiction de renvoi. Ces dispositions prcisent que le droitdobtenir une rmunration quitable au titre de la location ne peut faire lobjet dunerenonciation de la part des auteurs.

    103 Certes, dans le cadre des directives 92/100 et 2006/115, le lgislateur de lUnion autilis le terme de rmunration au lieu de celui de compensation employ par ladirective 2001/29. Toutefois, cette notion de rmunration a galement pour objetdinstituer une indemnisation pour les auteurs, puisquelle intervient pour compenser unprjudice caus ces derniers (voir, en ce sens, arrt du 30 juin 2011, VEWA, C271/10,non encore publi au Recueil, point29).

    104 Or, ainsi quil a t relev aux points 84 et 85 du prsent arrt, le lgislateur delUnion est rput, lors de ladoption de la directive 2001/29, avoir maintenu les conceptsde la protection de la proprit intellectuelle labors dans le cadre des directivesantrieures, sous rserve quil nen ait pas expressment dispos autrement.

    105 En lespce, sagissant du droit la compensation quitable due aux auteurs au titrede lexception de copie prive, il ne rsulte daucune disposition de la directive 2001/29que le lgislateur de lUnion ait envisag la possibilit, pour le bnficiaire de ce droit, dyrenoncer.

    106 En outre, la Cour a dj jug que, sauf les priver de tout effet utile, les dispositionsde larticle 5, paragraphe 2, sous b), de la directive 2001/29 imposent ltat membre quia introduit lexception de copie prive dans son droit national une obligation de rsultat, en18

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    ce sens que cet tat est tenu dassurer, dans le cadre de ses comptences, uneperception effective de la compensation quitable destine indemniser les titulaires desdroits lss du prjudice subi (voir, en ce sens, arrt du 16juin 2011, Stichting deThuiskopie, C462/09, non encore publi au Recueil, point 34). Or, imposer aux tatsmembres une telle obligation de rsultat de percevoir la compensation quitable au profitdes titulaires de droits savre conceptuellement inconciliable avec la possibilit pour un

    tel titulaire de renoncer cette compensation quitable.

    107 Il rsulte de tout ce qui prcde que le droit de lUnion soppose une dispositionde droit interne qui permet au ralisateur principal de luvre cinmatographique derenoncer son droit une compensation quitable.

    108 plus forte raison, le droit de lUnion doit tre interprt comme ne laissant pas lafacult aux tats membres dtablir une prsomption de cession irrfragable, au profit duproducteur de luvre cinmatographique, des droits rmunration revenant auralisateur principal de ladite uvre, ds lors quune telle prsomption aboutirait priverce dernier du versement de la compensation quitable prvue larticle 5, paragraphe 2,sous b), de la directive 2001/29. Or, ainsi quil a t relev au point 100 du prsent arrt,le ralisateur principal, en sa qualit de titulaire du droit de reproduction, doitncessairement recevoir le versement de ladite compensation.

    109 Eu gard aux considrations qui prcdent, il y a lieu de rpondre aux troisime etquatrime questions poses que le droit de lUnion doit tre interprt en ce sens quil nelaisse pas la facult aux tats membres dtablir une prsomption de cession, au profit duproducteur de luvre cinmatographique, du droit compensation quitable revenant auralisateur principal de ladite uvre, que cette prsomption soit formule de manireirrfragable ou quelle soit susceptible de drogation.

    Sur les dpens

    110 La procdure revtant, lgard des parties au principal, le caractre dun incidentsoulev devant la juridiction de renvoi, il appartient celle-ci de statuer sur les dpens.Les frais exposs pour soumettre des observations la Cour, autres que ceux desditesparties, ne peuvent faire lobjet dun remboursement.

    Par ces motifs, la Cour (troisime chambre) dit pour droit:

    1) Les dispositions des articles 1er et 2 de la directive 93/83/CEE du Conseil, du

    27 septembre 1993, relative la coordination de certaines rgles du droit dauteur etdes droits voisins du droit dauteur applicables la radiodiffusion par satellite et la retransmission par cble, dune part, et des articles 2 et 3 de la directive 2001/29/CE du Parlement europen et du Conseil, du 22 mai 2001, sur lharmonisation decertains aspects du droit dauteur et des droits voisins dans la socit delinformation, combins avec les articles 2 et 3 de la directive 2006/115/CE duParlement europen et du Conseil, du 12 dcembre 2006, relative au droit delocation et de prt et certains droits voisins du droit dauteur dans le domaine dela proprit intellectuelle, et larticle 2 de la directive 2006/116/CE du Parlementeuropen et du Conseil, du 12 dcembre 2006, relative la dure de protection dudroit dauteur et de certains droits voisins, dautre part, doivent tre interprtes ence sens que les droits dexploitation de luvre cinmatographique tels que ceux encause au principal (droit de reproduction, droit de diffusion par satellite et tout autredroit de communication au public par voie de mise disposition) reviennent de19

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    plein droit, directement et originairement, au ralisateur principal. Par consquent,ces dispositions doivent tre interprtes en ce sens quelles sopposent unelgislation nationale attribuant, de plein droit et exclusivement, lesdits droitsdexploitation au producteur de luvre en question.

    2) Le droit de lUnion doit tre interprt en ce sens quil laisse la facult aux

    tats membres dtablir une prsomption de cession, au profit du producteur deluvre cinmatographique, des droits dexploitation de luvre cinmatographiquetels que ceux en cause au principal (droit de diffusion par satellite, droit dereproduction et tout autre droit de communication au public par voie de mise disposition), pourvu quune telle prsomption ne revte pas un caractreirrfragable qui exclurait la possibilit pour le ralisateur principal de ladite uvreden convenir autrement.

    3) Le droit de lUnion doit tre interprt en ce sens que, en sa qualit dauteurde luvre cinmatographique, le ralisateur principal de celle-ci doit bnficier, deplein droit, directement et originairement, du droit la compensation quitableprvue larticle 5, paragraphe 2, sous b), de la directive 2001/29 au titre delexception dite de copie prive.

    4) Le droit de lUnion doit tre interprt en ce sens quil ne laisse pas la facultaux tats membres dtablir une prsomption de cession, au profit du producteurde luvre cinmatographique, du droit compensation quitable revenant auralisateur principal de ladite uvre, que cette prsomption soit formule demanire irrfragable ou quelle soit susceptible de drogation.

    Signatures

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