a cide de e t tion,la ection
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LaâŻCIDEetâŻlaâŻprotectionâŻdeâŻlâenfanceâŻ
enâŻquestion,⯠âŻ
maisâŻquellesâŻrĂ©ponsesâŻ?
LeâŻ20âŻnovembreâŻ2019,âŻonâŻaâŻcĂ©lĂ©brĂ©âŻleâŻ30e âŻanniversaireâŻdeâŻlâadoptionâŻparâŻ
lâAssemblĂ©eâŻgĂ©nĂ©raleâŻdeâŻlâONUâŻdeâŻlaâŻConventionâŻinternationaleâŻrelativeâŻ
auxâŻdroitsâŻde⯠lâenfant⯠(CIDE),⯠ratifiĂ©eâŻquasimentâŻsansâŻrĂ©serveâŻpar⯠laâŻ
FranceâŻenâŻaoĂ»tâŻ1990âŻetâŻentrĂ©eâŻenâŻapplicationâŻdansâŻlesâŻ30âŻjoursâŻquiâŻontâŻ
suivi.âŻOnâŻpeutâŻseâŻrĂ©jouirâŻdeâŻcetteâŻmobilisationâŻexceptionnelleâŻenâŻfaveurâŻ
desâŻenfantsâŻlesâŻplusâŻfragilesâŻdeâŻFranceâŻ;âŻonâŻdoitâŻaussiâŻsâinterrogerâŻsurâŻ
leâŻsensâŻdeâŻcetâŻactivismeâŻ;âŻilâŻfautâŻencoreâŻsâefforcerâŻdâentrevoirâŻceâŻquâilâŻ
vaâŻenâŻrĂ©sulterâŻconcrĂštement.
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JeanâŻPierreâŻRosenczveig
Magistrat,âŻancienâŻPrĂ©sidentâŻduâŻTribunalâŻpourâŻenfantsâŻdeâŻBobigny
Ă partir des Chroniques dâĂ©tĂ© (2019) publiĂ©es sur jprosen.blog.lemonde.fr
Il est exceptionnel quâon sâattache Ă un texte juridique, en lâespĂšce un traitĂ©, au point dâen « fĂȘter » lâadoption. De fait, ce document est fondamentalement rĂ©volutionnaire et tiendra durant des dĂ©cennies une place majeure dans lâordre international sachant aussi que le fossĂ© reste important entre lâaffichage des droits et leur concrĂ©tisation dans la vie quotidienne.
RĂVOLUTIONNAIRE , âŻLAâŻCIDEâŻLâESTâŻĂâŻPLUSâŻDâUNâŻTITREDâabord, parce quâil sâagit dâune convention multilatĂ©rale, qui lie les Ătats. On nâest plus sur les DĂ©clarations de 1924 et 1959, pĂ©titions de principe adoptĂ©es par la SDN puis lâONU sans quâil en ressorte la moindre obligation, sinon morale pour les Ătats. Ils se doivent des comptes rĂ©ciproques et ont Ă se justifier tous les cinq ans devant la communautĂ© internationale sur lâapplication de la CIDE. Ses dispositions sont dĂ©sormais reconnues par la Cour de cassation comme ne nĂ©cessitant pas de texte dâapplication pour ĂȘtre invoquĂ©es par les enfants â et leurs reprĂ©sentants - devant les juridictions.
Le contenu est aussi rĂ©volutionnaire. Lâenfant nây est plus prĂ©sentĂ© comme un ĂȘtre fragile Ă protĂ©ger contre autrui, voire contre lui-mĂȘme, mais comme une personne Ă part entiĂšre qui, certes doit ĂȘtre respectĂ©e, mais est encore dotĂ©e dâun esprit, dâune sensibilitĂ©, dâune capacitĂ© de dire et de faire ce qui lui paraĂźt bon pour lui. Bref, dâĂȘtre acteur de ses droits. Les articles 12 Ă 15 consacrent la libertĂ© de conscience et de religion, la libertĂ© dâexpression individuelle et collective.
Enfin, la CIDE touche à toutes les catégories de droits (civils, politiques, économiques, sociaux, culturels) comme aucun document de cette nature pour les adultes. Dans sa cohérence, elle décline en creux un projet de société démocratique pour les enfants. Ce texte ambitieux a été ratifié à la surprise générale par tous les pays de la planÚte sauf les USA.
LAâŻPROTECTIONâŻDEâŻLâENFANTâŻENâŻMOUVEMENTLe 20 novembre 2019 ne doit pas ĂȘtre quâun temps de commĂ©moration. Trois ans aprĂšs la loi du 14 mars 2016, lâessentiel reste dâidentifier les questionnements majeurs sur lesquels, par-delĂ lĂ les postures mĂ©diatiques, les pouvoirs publics dâĂtat et territoriaux vont devoir se positionner Ă bref dĂ©lai, explicitement ou en creux.
ComplĂ©ter,âŻaffiner,âŻrationaliserâŻlesâŻinformationsâŻsurâŻlesâŻenfants,âŻlesâŻparentsâŻetâŻlesâŻrĂ©ponsesâŻapportĂ©es.Tous relĂšvent lâabsence de donnĂ©es fiables permettant de mesurer la rĂ©alitĂ© des besoins, mais aussi la qualitĂ© ou les failles des rĂ©ponses apportĂ©es. On fonctionne encore trop souvent au doigt mouillĂ© ou aux assertions non dĂ©montrĂ©es : sur le nombre dâenfants suivis, la nature de leurs difficultĂ©s, les financements engagĂ©s.
LaâŻCIDEetâŻlaâŻprotectionâŻdeâŻlâenfanceâŻ
enâŻquestion,⯠âŻ
maisâŻquellesâŻrĂ©ponsesâŻ?
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Il faut, enfin, mesurer lâefficience du travail engagĂ©, notamment notre capacitĂ© Ă rompre la chaĂźne de lâexclusion. Notre appareil scientifique est faible et les institutions publiques ne jouent pas le jeu, la recherche leur apparaĂźt superfĂ©tatoire et un gaspillage de temps et dâargent. Or, derriĂšre ces informations se jouent, non seulement les adaptations de notre dispositif, mais encore lâimage quâen a lâopinion, voire les professionnels.
Un programme de recherche sâimpose. On doit dĂ©velopper les DU (DiplĂŽmes Universitaires) Protection de lâenfance pour que par-delĂ une meilleure formation des professionnels Ă©merge une littĂ©rature grise - mĂ©moires et thĂšses - base dâune indispensable pensĂ©e sociale.
LaâŻquestionâŻdeâŻlaâŻgouvernanceIl faut oser poser la question de la recentralisation de la protection de lâenfance notamment Ă travers une agence nationale. En arriĂšre-fond se joue la nĂ©cessaire clarification des responsabilitĂ©s et de leurs articulations.
Qui fait quoi au sein de la sphĂšre privĂ©e entre parents, beaux-parents et grands-parents ? Comment articuler ces compĂ©tences ? Qui fait quoi au sein de la sphĂšre publique entre Europe, Ătat, rĂ©gion, dĂ©partement, mĂ©tropole, intercommunalitĂ©, municipalitĂ©s ? Comment articuler ces compĂ©tences ? Comment articuler la sphĂšre privĂ©e et la sphĂšre publique : lâordre public pĂ©nĂštre lâunivers familial (vaccinations, protection physique ou morale, scolarisation, etc.).
LâASE a Ă©tĂ© dĂ©centralisĂ©e en 1984-1986 afin que les politiques sociales se conçoivent et se dĂ©clinent au plus prĂšs des terrains. Le prĂ©sident du conseil dĂ©partemental a donc reçu mission de dĂ©velopper lâAide sociale Ă lâenfance. Des moyens financiers â la Dotation Globale FinanciĂšre - et humains lui ont Ă©tĂ© dĂ©volus. Libre Ă lui de sâorganiser, libertĂ© dâadministration des collectivitĂ©s locales oblige. LâĂtat a conservĂ© des pans importants de la protection de lâenfance comme lâenfance handicapĂ©e, la santĂ© scolaire ou le service social scolaire, la psychiatrie infantile et bien Ă©videmment la justice - appuyĂ©e sur les services de police - pour garantir les droits des enfants maltraitĂ©s ou nĂ©gligĂ©s.
LâinĂ©galitĂ©âŻinduiteâŻparâŻdesâŻpolitiquesâŻterritorialesâŻspĂ©cifiquesâŻdevaitâŻĂȘtreâŻcorrigĂ©eâŻparâŻunâŻrĂŽleâŻdâimpulsionâŻetâŻdâarbitreâŻdeâŻlâĂtatâŻ[âŠ]
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LâinĂ©galitĂ© induite par des politiques territoriales spĂ©cifiques devait ĂȘtre corrigĂ©e par un rĂŽle dâimpulsion et dâarbitre de lâĂtat â Ă travers la loi - sur des sujets aussi divers que les rĂšgles applicables, le statut des personnels et la formation, les contrĂŽles et la recherche, la diffusion de bonnes pratiques et la mise au point de rĂ©fĂ©rentiels en articulation avec les acteurs de terrain. Cela supposait que chacun joue le jeu. Or, nombre de dĂ©partements ne respectent pas la loi et lâEtat lui-mĂȘme est souvent dĂ©faillant.
Devant ce qui peut sâanalyser comme un Ă©miettement confus et de fortes inĂ©galitĂ©s de traitement injustifiĂ©es selon les territoires, les dĂ©putĂ©s et les sĂ©nateurs nâhĂ©sitent pas Ă poser la question de la recentralisation tout en refusant de revenir Ă lâavant 1984.
En vĂ©ritĂ©, ne faut-il pas rester dans la clĂ© actuelle ? Ă lâĂtat les fonctions rĂ©galiennes, aux collectivitĂ©s territoriales le social. Il revient Ă lâĂtat de veiller Ă mobiliser les diffĂ©rentes sources dâinterventions publiques et privĂ©es, caritatives et professionnelles. Encore faut-il quâil apparaisse lĂ©gitime et crĂ©dible. Et pour cela⊠que lui-mĂȘme remplisse ses missions lĂ©gales.
Or, il est loin du compte. Le service social scolaire et le service de santĂ© scolaire sont sinistrĂ©s, la psychiatrie infantile est en trĂšs mauvaise passe ; nombre de familles ne trouvent pas de rĂ©ponse Ă la prise en charge et Ă la scolarisation de leur enfant porteur de handicap sinon Ă lâĂ©tranger, malgrĂ© la loi de 2005 qui instaure un droit opposable. Comment exiger que les dĂ©partements dĂ©gagent les moyens pour les mesures de milieu ouvert quand lâĂtat ne dote pas les juridictions des moyens Ă©ducatifs nĂ©cessaires ?
Reste un troisiĂšme larron sans lequel la puissance publique serait dĂ©munie : le secteur associatif habilitĂ© avec ses forces - sa souplesse de gestion - et ses faiblesses â la dĂ©pendance Ă lâargent public faute de fonds propres. Porteur dâune mission de service public ou dâintĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral, le secteur associatif nâest plus souvent quâun simple prestataire de service dĂ©pendant du bon vouloir des politiques. Mais ce secteur associatif survivra-t-il, et sur quel modĂšle Ă©conomique ? Force est de constater sa faiblesse Ă mener des actions hors de tout mandat, faute de lâautonomie financiĂšre nĂ©cessaire. Et oĂč trouver des administrateurs bĂ©nĂ©voles ayant compĂ©tence et envie de gĂ©rer ces PME du social avec plusieurs millions de budget et des centaines de salariĂ©s ?
On ne coupera pas Ă la nĂ©cessitĂ© de relĂ©gitimer la dĂ©centralisation, non comme un dogme, mais comme une disposition concrĂšte de gouvernance. Il nâest pas choquant que les dĂ©partements aient des politiques diffĂ©rentes dĂšs lors que lâessentiel est garanti sur tous les territoires. Reste Ă dire ce qui est cet essentiel et comment le garantir. LâĂtat doit renforcer les moyens mis Ă disposition de collectivitĂ©s territoriales, et dĂ©jĂ les Ă©manciper de la rĂšgle de la barriĂšre des 1,2 % dâaugmentation de leur budget pour la protection de lâenfance.
ClarifierâŻlesâŻobjectifsâŻdeâŻlâASELâintervention de lâASE ne se rĂ©duit pas à « placer » des enfants. Lâaction sociale se dĂ©roule pour lâessentiel dans un soutien Ă lâexercice des responsabilitĂ©s parentales, et dans la prĂ©vention des difficultĂ©s.
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Certes, on doit dĂ©velopper le dispositif des assistants familiaux au nom dâune prise en charge Ă dimension familiale aujourdâhui insuffisante, et dĂ©velopper le recours aux tiers dignes de confiance Ă condition que ce ne soit pas un pis-aller pour trouver des accueils Ă moindre coĂ»t. Et on doit avoir le souci de mettre en Ćuvre le projet pour lâenfant, une feuille de route rĂ©guliĂšrement adaptĂ©e pour tout enfant accueilli. Câest une vĂ©ritable rĂ©volution Ă laquelle est appelĂ©e lâASE, mais avant de le rĂ©affirmer en 2016, il aurait Ă©tĂ© intĂ©ressant de questionner l'Ă©chec sur ce point sur ce point de la loi de 2007.
Il faut Ă©valuer au plus prĂšs ce quâapporte chaque type de prise en charge Ă chaque enfant au regard des objectifs initiaux. Trop souvent lâaccueil dâun enfant se fait moins au regard de ses besoins que des capacitĂ©s dâaccueil disponibles du fait de la rĂ©duction de lâoffre de service (on ferme des structures sans dĂ©velopper les accueils familiaux).
Reste que lâon doit dans le mĂȘme temps se demander sâil nâest pas des alternatives au dĂ©part des enfants de leur domicile.
Avec la loi de 2016, la rĂ©ponse aux besoins de lâenfant est dĂ©sormais affichĂ©e comme objectif majeur de lâASE en oubliant que, si lâenfant a besoin de protection, de sĂ©curitĂ©, dâattachement, il entend dâabord le plus souvent voir son histoire et ses liens fondamentaux respectĂ©s. En vĂ©ritĂ©, il faut garantir Ă tout enfant ses diffĂ©rents liens dâaffiliation, pour ne pas dire dâattachement, ses liens biologiques comme ses liens affectifs. De fait il sâagit au cas par cas de trouver la bonne attitude. Parfois, un retour en famille est possible. Si une sĂ©paration est nĂ©cessaire, elle nâest pas une fin en soi ; sâil faut la maintenir, on doit sâinterroger sur le maintien des liens avec la famille biologique tout en sĂ©curisant lâenfant. Ce peut ĂȘtre une dĂ©lĂ©gation dâautoritĂ© parentale, une adoption simple, voire en derniĂšre hypothĂšse une adoption plĂ©niĂšre.
Tout cela suppose que chacun soit bien identifiĂ© dans ses missions, et dĂ©jĂ ceux qui exercent les responsabilitĂ©s parentales. Cela implique une confiance rĂ©ciproque et de sortir des reprĂ©sentations et des procĂšs dâintention en nâoubliant pas que notre dispositif, pour critiquable quâil soit, fonctionne plutĂŽt bien pour lâimmense majoritĂ© des enfants. On ne le dit pas assez ! Des lieux, des temps sâimposent pour Ă©changer, Ă©valuer les pratiques. PlutĂŽt que changer la loi, il sâagit ici de veiller Ă en rĂ©unir les conditions dâapplication.
SĂ©curiserâŻlesâŻinstitutionsâŻdeâŻlâenfanceRĂ©guliĂšrement, les mĂ©dias rendent compte de drames dont sont victimes les enfants : un enfant mourrait tous les 5 jours. Bien sĂ»r, lâopinion et les politiques sâĂ©meuvent. Comment peut-on encore en ĂȘtre lĂ ? De fait, on peut avoir le sentiment que rien ne bouge. Non seulement les actes de maltraitances Ă enfants ne disparaissent pas, mais les services sociaux seraient toujours inopĂ©rants Ă les Ă©viter et la justice incapable de les sanctionner pour empĂȘcher leur rĂ©itĂ©ration ! ComplicitĂ© ? Ă tout le moins, faiblesse et nĂ©gligence des institutions et des politiques !
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Bien sĂ»r on exagĂšre, Ă la hauteur de lâinsupportable ressenti. Il faut savoir garder la tĂȘte froide, dĂ©passer les incantations, les procĂšs dâintention et contribuer Ă amĂ©liorer notre dispositif.
Dâabord, et on le nĂ©glige frĂ©quemment, les violences Ă enfants ne sont pas que dans les institutions - famille ou structures spĂ©cialisĂ©es. Elles peuvent ĂȘtre plus insidieuses et fondamentales : on pense au sort rĂ©servĂ© aux enfants des rues, aux enfants roms abandonnĂ©s Ă leur sort sans vergogne, Ă ces enfants victimes dâaccidents de la vie sans que bougent les lignes sociĂ©tales une fois lâĂ©motion dissipĂ©e - comme pour ces enfants morts dans ces incendies dâhĂŽtels pourris servant de logement Ă leur famille. Si lâon voulait bien approfondir, on trouverait nombre dâillustrations de cette violence au quotidien largement rĂ©pandue, dĂ©veloppĂ©e en pleins ou en creux contre les enfants de France.
Sâil est de fait que les maltraitances au sens commun du terme surviennent gĂ©nĂ©ralement en famille - 75 % des cas affirme-t-on - on doit malheureusement admettre que des institutions dites de protection de lâenfance, comme les Ă©tablissements pour les cas sociaux ou les enfants porteurs de handicap, peuvent ĂȘtre maltraitantes. On sait aussi que des institutions qui inspirent a priori confiance comme lâĂ©cole ou lâĂglise ont pu ou peuvent encore ĂȘtre des lieux de violences de toute nature sur les enfants. On a tĂŽt fait de parler de dĂ©rapages individuels en nĂ©gligeant les responsabilitĂ©s institutionnelles. Elles ont ainsi trop longtemps tolĂ©rĂ©, ce qui ne veut pas dire approuvĂ©, des violences physiques ou sexuelles. Connues, elles sont traitĂ©es en Ă©vitant tout Ă©claboussement. Nombre de responsables ecclĂ©siastiques affirment nâavoir pas eu conscience de lâenjeu pour les enfants, disons les victimes. Ă leurs yeux, câest moins la violation de la loi - une relation sexuelle avec un mineur est un crime ! - que les effets sur la victime qui doit ĂȘtre prise en compte. Ces institutions nâont pas fait grand-chose pour Ă©viter la rĂ©itĂ©ration ; parfois elles ont cautionnĂ© le passage lâacte comme Ă©tant naturel !
Ces violences ne sont pas que physiques, mais psychologiques. Elles peuvent ĂȘtre le fait de certains personnels, mais encore dâautres jeunes. La prise de conscience de lâinsupportable est rĂ©cente. La chape de bĂ©ton a Ă©tĂ© difficile Ă soulever. Il a fallu attendre les annĂ©es 90 pour quâon sây attaque vraiment avec les travaux de Stanislas Tomkiewicz et Pascal Vivet, puis la circulaire Aubry qui mandate lâIGAS pour procĂ©der Ă des inspections inopinĂ©es dans les institutions sociales. Le reportage de janvier 2019 sur le Foyer dâEysines a Ă©tĂ© la goutte dâeau qui a fait dĂ©border le vase. DâoĂč la nomination, dans la foulĂ©e, dâun ministre : Ă problĂšme politique, rĂ©ponse politique avec des mesures concrĂštes !
LaâŻchapeâŻdeâŻbĂ©tonâŻaâŻĂ©tĂ©âŻdifficileâŻĂ âŻsoulever.âŻIlâŻaâŻfalluâŻattendreâŻlesâŻannĂ©esâŻ90âŻpourâŻquâonâŻsâyâŻattaqueâŻvraimentâŻavecâŻlesâŻtravauxâŻdeâŻStanislasâŻTomkiewiczâŻetâŻPascalâŻVivet,âŻpuisâŻlaâŻcirculaireâŻAubryâŻquiâŻmandateâŻlâIGASâŻpourâŻprocĂ©derâŻĂ âŻdesâŻinspectionsâŻinopinĂ©esâŻdansâŻlesâŻinstitutionsâŻsociales.
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De fait, on ne peut pas se contenter de poser ou de rappeler les interdits. Il faut ĂȘtre plus prĂ©sent sur ces structures et, plus que jamais, s'attacher Ă leur habilitation et donc Ă leur Ă©valuation, mais aussi au recrutement des personnels.. Il faut plus que jamais sâattacher Ă leur habilitation donc Ă leur Ă©valuation, mais encore au recrutement des personnels.
Plus fondamentalement, la prĂ©sence mĂȘme dans toute institution doit ĂȘtre lâobjet de contrĂŽle. Une institution de protection de lâenfance ne doit a priori intervenir que pendant un temps relatif pour quâon revienne au plus tĂŽt au droit commun : soit lâenfant retrouve toute sa place auprĂšs des siens avec un suivi Ă©ducatif ou social, soit il faut aller vers une orientation extĂ©rieure et pĂ©renne avec lâorganisation juridique (dĂ©lĂ©gation de lâautoritĂ© parentale ou tutelle) qui sâimpose. Ce qui vaut pour les institutions vaut pour la justice avec une intervention du juge des enfants rĂ©siduelle et cantonnĂ©e dans le temps. Un enfant ne peut pas ĂȘtre tenu pour ĂȘtre en danger de sa naissance Ă sa majoritĂ© ! La loi du 14 mars 2016 doit y contribuer avec la rĂ©vision annuelle de la situation de lâenfant dans le cadre de la mise Ă jour du projet pour lâenfant.
Lâorientation dâun enfant se fait trop souvent par dĂ©faut plus quâelle rĂ©sulte dâun vrai choix. Il faut multiplier et diversifier les rĂ©ponses avec le souci â pas seulement Ă©conomique â de privilĂ©gier des rĂ©ponses au quotidien Ă Ă©chelle humaine quitte Ă sâinscrire dans une dĂ©marche collective, par exemple un service disposant de nombreuses familles dâaccueil.
Il ne sâagit nullement de jeter la suspicion sur les institutions et leurs acteurs, mais dâĂȘtre lucides sur le fait que le collectif a une tendance naturelle Ă lâemporter sur lâindividu accueilli ou suivi. Il faut donc en permanence sâinterroger sur lâadĂ©quation de la rĂ©ponse apportĂ©e et veiller Ă contrĂŽler le dĂ©roulement de cet accueil. Chacun y gagnerait.
COMBATTREâŻPLUSâŻQUEâŻJAMAISâŻLESâŻVIOLENCESâŻINTRAFAMILIALESLes violences intrafamiliales demeurent une rĂ©alitĂ© insupportable facilitĂ©e par la toute-puissance que procure lâintimitĂ© privĂ©e. Les enfants peuvent rĂ©guliĂšrement ĂȘtre tĂ©moins des violences faites Ă leur mĂšre quand ils nâen sont pas victimes eux-mĂȘmes. La violence Ă enfant demeure courante avec des motivations prĂ©tendument Ă©ducatives ou maladives et des formes plus ou moins consĂ©quentes. Il faut aussi avoir le souci dâoffrir un soutien social, psychologique, technique aux parents qui pourraient succomber Ă cette facilitĂ©. Du fait des difficultĂ©s rencontrĂ©es par les services sociaux de proximitĂ©, on doit craindre que des enfants soient abandonnĂ©s Ă leur sort avec des risques majeurs quand leurs parents, ne trouvant pas de ressources dans leur famille, seront laissĂ©s Ă eux-mĂȘmes.
Impossible dâempĂȘcher toute violence physique Ă enfant. Lâinterdiction du recours aux violences Ă©ducatives ordinaires, pour ne pas parler des chĂątiments corporels, allait de soi, et pourtant elle nâa Ă©tĂ© actĂ©e quâen 2019. Reste Ă en faire la pĂ©dagogie et Ă dĂ©montrer aux parents et futurs parents quâon peut faire autoritĂ© et Ă©lever un enfant sans le violenter, sans crier et sans le frapper. Des campagnes de sensibilisation et dâinformation sâimposent quâil faudra rĂ©itĂ©rer rĂ©guliĂšrement.
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Plus gĂ©nĂ©ralement, il serait opportun de communiquer en direction des parents et futurs parents sur leurs responsabilitĂ©s, le contenu de leurs obligations, mais aussi les limites Ă lâexercice de leur autoritĂ©. Beaucoup de parents sont objectivement perdus sur les comportements Ă avoir, dans un sens (permissif) ou dans un autre (les limites Ă poser).
DESâŻADAPTATIONSâŻLĂGISLATIVESâŻS â IMPOSENTâŻENCORELa loi dite Schiappa dâaoĂ»t 2018 nâa pas rĂ©ussi Ă poser formellement lâinterdit des relations sexuelles des adultes Ă lâencontre de mineurs de moins de 15 ans. La ministre avait promis trop vite dâintroduire dans les textes relatifs au viol une prĂ©somption irrĂ©fragable de non-consentement avant 15 ans afin dâassurer des poursuites criminelles. Cette voie Ă©tait vouĂ©e Ă lâĂ©chec : pour le Conseil constitutionnel, tout accusĂ© doit pouvoir dĂ©montrer quâun Ă©lĂ©ment constitutif du crime nâest pas rĂ©uni ; pour le viol, le non-consentement de la victime. Il aurait fallu sortir de cette impasse en crĂ©ant une infraction criminelle spĂ©cifique - la violence sexuelle Ă enfants de moins de 15 ans - visant objectivement la relation Ă caractĂšre sexuel avec un adulte. Le dĂ©bat judiciaire aurait portĂ© sur la question de lâĂąge et non plus sur la subjectivitĂ© du discernement. On a loupĂ© le crĂ©neau lĂ©gislatif pour longtemps.
Il convient de vĂ©rifier, juridiction par juridiction, sous lâautoritĂ© du prĂ©sident et du procureur, en lien avec le DĂ©partement, le secteur associatif et les professionnels, la chaĂźne de la rĂ©ponse aux enfants victimes de toute formes de violences. Depuis le dispositif de la Cellule Recueil des Informations PrĂ©occupantes (CRIP) et des signalements de violences jusquâĂ lâexĂ©cution de la dĂ©cision judiciaire Ă lâencontre de lâagresseur en passant par les poursuites pĂ©nales, la place faite Ă la victime dans la procĂ©dure et pour lâexĂ©cution des dĂ©cisions en sa faveur, de nombreux maillons dysfonctionnent. Quand ce nâest pas lâabsence de services de police ou de gendarmerie spĂ©cialisĂ©s et performants pour lâaudition des enfants victimes, câest une justice frileuse qui ne prend pas rĂ©ellement en considĂ©ration ce que vit la victime au nom de la protection due Ă lâagresseur prĂ©sumĂ© innocent ! Plus que jamais, il faut miser sur la formation dĂ©livrĂ©e dans chaque corps de mĂ©tier et miser sur des temps de formation interdisciplinaires sâagissant de la formation continue.
LaâŻloiâŻditeâŻSchiappaâŻdâaoĂ»tâŻ2018âŻnâaâŻpasâŻrĂ©ussiâŻĂ âŻposerâŻformellementâŻlâinterditâŻdesâŻrelationsâŻsexuellesâŻdesâŻadultesâŻĂ âŻlâencontreâŻdeâŻmineursâŻdeâŻmoinsâŻdeâŻ15âŻans.âŻ
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IlâŻneâŻfautâŻpasâŻque,âŻâŻpendantâŻquelquesâŻjours,âŻâŻonâŻaitâŻentonnĂ©âŻlâhymneâŻâŻauxâŻdroitsâŻdesâŻenfantsâŻ
pourâŻtrĂšsâŻviteâŻseâŻrenfermer,âŻaprĂšsâŻquelquesâŻpromessesâŻdĂ©livrĂ©esâŻauxâŻassociationsâŻ
mobilisées.
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Cette dĂ©marche sera vaine si on nĂ©glige la nĂ©cessitĂ© de maintenir ou de revivifier, territoire par territoire, des rĂ©ponses sociales de proximitĂ© vĂ©cues comme des aides et un soutien crĂ©dibles Ă lâexercice des responsabilitĂ©s parentales, et non pas comme des instances organisatrices et coercitives.
Un simple accompagnement Ă©ducatif peut ĂȘtre inappropriĂ© et une mise Ă lâabri avec sĂ©paration sâimposer. Plus que jamais, il faut apprendre Ă gĂ©rer les urgences pour Ă©viter de susciter plus de problĂšmes parce quâil est plus facile de retirer un enfant que de donner main levĂ©e dâun retrait ! Cette mise Ă lâabri se fera en accord avec les parents ou sur dĂ©cision judiciaire. Des objectifs doivent ĂȘtre fixĂ©s et un suivi mis en place. Parfois, un retour peut sâavĂ©rer inimaginable ; plus frĂ©quemment, on peut lâenvisager sachant que la loi demande de travailler dans ce sens. A priori, la place dâun enfant est auprĂšs des siens⊠sauf danger dĂ©montrĂ©. Encore doit-on engager le travail Ă©ducatif qui sâimpose, sâassurer que pendant lâaccueil un rĂ©el suivi et une Ă©valuation seront engagĂ©s. On en est souvent loin avec des Ă©ducateurs ayant en charge 35, voire 40 situations.
Si un retour en famille ne peut pas ĂȘtre envisagĂ©, trop de parents laissent miroiter Ă leur enfant la perspective dâun retour, et suscitent de faux espoirs difficiles Ă vivre. Il faut clarifier au plus tĂŽt et au mieux la situation : un retour en famille sans danger avec un soutien Ă©ducatif, le maintien de lâaccueil avec un droit de visite et dâhĂ©bergement plus ou moins Ă©tendu, en faisant du « sur-mesure ». Sans rompre avec sa famille un enfant peut tracer sa route en famille dâaccueil ou en institution : une dĂ©lĂ©gation dâautoritĂ© parentale ou une adoption simple peuvent y rĂ©pondre. Parfois, il faudra rompre avec la famille biologique Ă travers une dĂ©claration de dĂ©laissement puis crĂ©er un lien avec une autre famille par lâadoption plĂ©niĂšre. Attention aux dogmes ! La loi fixe des cadres - le respect des affiliations de lâenfant, sa mise Ă lâabri, etc.- donne des repĂšres - prioritĂ© familiale, prise en compte des besoins de lâenfant, etc. -, avance des rĂšgles du jeu - participation Ă lâaudition, dĂ©fense, recours, etc.-, puis il faut trouver la bonne dĂ©marche.
Deux attitudes sâimposent : dâabord ne jamais laisser croire Ă un enfant quâune situation est bloquĂ©e. Il y a toujours une porte de sortie, une possibilitĂ© de remise en cause du prĂ©sent. Rien nâest jamais dĂ©finitif. DĂšs lors ne jamais prendre le risque de rompre le lien avec lâenfant. Il doit savoir que mĂȘme sâil ne suit pas la recommandation ou lâordre de lâadulte, celui-ci sera toujours lĂ pour remettre lâouvrage sur le mĂ©tier. Bref, Ă©viter de crisper ou de bloquer une situation. Donner de lâespoir. Pour les enfants en mal dâadultes cette attitude est primordiale.
LĂ encore, la lutte contre les violences intrafamiliales passe moins par le changement de la loi que par le soutien Ă lâexercice des responsabilitĂ©s. Nâoublions jamais que le mandat donnĂ© aux services sociaux nâest pas de rompre le lien parents-enfants, mais de le travailler, quitte sâil le faut Ă le distendre ou le rompre sous dĂ©cision judiciaire. Notre systĂšme est Ă©quilibrĂ© et intelligent. Ne nous engageons pas sur la voie anglaise ou norvĂ©gienne oĂč une simple tape sur la main peut amener au nom des droits de lâenfant au retrait de lâenfant par lâautoritĂ© sociale, avec un contrĂŽle judiciaire formel et illusoire. Une machine Ă broyer parents et enfants.
DonnerâŻdeâŻlâespoir.âŻPourâŻlesâŻenfantsâŻenâŻmalâŻdâadultesâŻcetteâŻattitudeâŻestâŻprimordiale.
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30âŻANSâŻAPRĂSâŻLAâŻCIDEâŻ:⯠âŻVERSâŻLESâŻDROITSâŻRĂELSâŻDESâŻENFANTSâŻ?Trois axes doivent ĂȘtre dĂ©clinĂ©s en permanence : consacrer des avancĂ©es juridiques en adaptant rĂ©guliĂšrement le statut fait aux enfants, accompagner lâexercice de leurs droits, informer sur les droits.
DĂ©jĂ , il convient de clarifier les compĂ©tences donc les responsabilitĂ©s dans le champ privĂ© comme dans le champ public. Comment les articuler en interne et avec lâautre sphĂšre (les rapports du public et du privĂ©) ? Mais quelle part de compĂ©tence reconnaĂźtre Ă lâenfant sur ce qui le concerne directement (droit dâexpression, libertĂ© dâassociation, etc.) ? Ensuite il faut rĂ©duire le fossĂ© entre droit formels et droits rĂ©els au risque dâĂȘtre taxĂ©s de dĂ©magogie. Plusieurs voies sâimposent ici :
En premier lieu, tous â enfants et adultes â doivent avoir conscience que lâenfant a des droits, dâoĂč dĂ©coulent des responsabilitĂ©s. Or, beaucoup pensent encore que lâenfant a le droit de se taire, de manger sans rien dire et dâaller Ă lâĂ©cole. Reste dĂ©jĂ que tous les enfants nâont pas de soupe ou de toit et une Ă©cole ! Le premier des droits de lâenfant comme du travailleur, de la femme, du citoyen, est dâabord celui de connaĂźtre ses droits.
DĂ©velopper des dispositifs dâaide et de soutien Ă lâexercice des droits notamment par un accompagnement juridique et admettre quâun enfant comme toute personne a le droit dâagir en justice.
Enfin, ne pas abandonner enfants et parents Ă leur sort, notamment quand les parents sont dĂ©faillants, quelles quâen soient les raisons. LâĂtat doit prendre lâinitiative dâun travail de fond avec les dĂ©partements et le secteur associatif habilitĂ©. Cela suppose quâil regagne en crĂ©dibilitĂ© en assumant ses propres responsabilitĂ©s (mesures judiciaires pĂ©nales, service social scolaire, psychiatrie infantile, mineurs Ă©trangers, etc.). Il a commencĂ© avec les modalitĂ©s de scolarisation des enfants en primaire,
avec le plan de lutte contre la grande pauvretĂ© et la scolarisation de plus dâenfants porteurs de handicap, mais il reste beaucoup Ă faire.
Des dossiers symboliques - les enfants français conduits ou nĂ©s en zone de guerre - ou trĂšs politiques - les MENA, les jeunes majeurs - doivent ĂȘtre abordĂ©s dâurgence et sans circonvolutions. Dâautres ne sont pas urgents comme la rĂ©forme du droit pĂ©nal des mineurs, par ailleurs inappropriĂ©e pour rĂ©pondre au problĂšme de la non exĂ©cution des dĂ©cisions.
Il ne faut pas que, pendant quelques jours, on ait entonnĂ© lâhymne au droit des enfants pour trĂšs vite se renfermer, quitte Ă quelques promesses dĂ©livrĂ©es aux associations mobilisĂ©es. Mais avec bonne conscience !
« Les droits des enfants pour les Nuls » paru le 7 novembre 2019