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A PROPOS DE LA RÉPARTITION DES RECETTES ÀCARACTÈRE NATIONAL ENTRE LE POUVOIR CENTRALET LES PROVINCES EN RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE
DU CONGO: MODALITÉS ET CONTRAINTES
Par Jean Salem Israël Marcel KAPYA KABESA*
1. INTRODUCTION.
Quand les grecs posèrent la question à Solon1 , cette question : « quelle est la
meilleure des constitutions ? ...Il répondit sans tergiversation « dites-moi pour quel pays, pour
quel peuple et à quel moment de l’histoire… ».
La décentralisation est un concept qui a évolué en RDC en dents de scies depuis
l’accession de notre pays à la souveraineté nationale et internationale ; pourquoi
décentraliser ? Quelle est la raison d’être de tout ce processus qui aboutit à la mise sur pied
des entités territoriales décentralisées ?
Le législateur ne répond pas à ces questions, il ne fait qu’obéir à une disposition du
18 février 2006 du constituant qui « a opté pour la décentralisation comme mode de gestion
de certaines entités territoriales de la république ; que la loi organique n°08-016 du 07
octobre 2008 n’est, en fait, que la concrétisation aboutie de l’annonce déjà faite par le
constituant, à l’article 3 ,al 2 et 4 de la constitution, d’élaborer une loi organique devant fixer
les règles relatives à la composition, à l’organisation et au fonctionnement des entités
territoriales décentralisées et de leurs rapports avec l’État et les provinces2 ».
La décentralisation ne se résume pas à une addition des reformes. Elle est avant tout
un état d’esprit, une volonté d’aller plus en avant dans l’approfondissement de la démocratie ;
entendue comme une politique de redistribution des compétences administratives de l’État en
vue d’une bonne gouvernance et du développement de la base par la base, la décentralisation
* Assistant à l’Université de Lubumbashi et Avocat près la Cour d’appel de Lubumbashi1 Solon (638-559 avant J.-C.) est un homme politique grec de l’Antiquité. Il est considéré comme l’un desfondateurs de la démocratie athénienne. Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation. Tousdroits réservés.2 Simon pierre METENA M’nteba , « des entités territoriales décentralisés (ETD ) » ,pourquoi faire ?in Congo-Afrique ,n°433, mars 2009, pp ;187.
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est la politique qui a été choisie par le constituant congolais et concrétisée par le législateur
dans le cadre de la réforme opérée en 2008, laquelle consacre le découpage territorial et la
libre administration des collectivités provinciales et locales1, car, la démocratie et le
développement sont la mise en œuvre d’une solidarité nationale et internationale ;ils
caractérisent le régime des sociétés ouvertes, de celles qui ont le souci de coopérer entre elles
dans le respect de leurs différences2.
La décentralisation n’est pas seulement une technique, elle est surtout une mystique.
Ainsi, elle a été expérimentée dans la bible : on apprend comment Moïse qui prétendait
directement des ordres à tout son peuple rassemblé autour de sa tente, a dû, pour mieux gérer,
recevoir de beau – père Jéthro, le conseil de démultiplier son autorité en confiant à des chefs
de millier, de centaine et de dizaine (Exode 18,17-21 ). L’existence des entités déconcentrées
ne doit pas émousser notre foi dans les vertus de la décentralisation. Nous devons simplement
comprendre que « la décentralisation est un dispositif d’appui des politiques publiques de
l’État3.
L’organisation territoriale, politique et administrative de la RDC a connu diverses
depuis l’époque de l’État Indépendant du Congo (1885-1908) jusqu’à nos jours, en passant
par la période coloniale (1908-1960). Plusieurs ajustements et réajustements dans le sens de la
centralisation, de la décentralisation, de la réduction et de l’augmentation du nombre des
entités territoriales ainsi que de leurs appellations n’ont pas manqué de laisser des traces dans
l’évolution historique de cette organisation. Mais, ces changements n’ont presque jamais été
motivés par le souci de modifier le contenu sociologique du système administratif congolais.
Néanmoins, ils ont toujours été déclarés fondés sur l’idée de mettre sur pied une territoriale
de développement : le souci de bien diviser le territoire national afin de bien gérer pour
mieux développer4.
En effet, l’Afrique des tribus, considérées comme des groupes humains refermés sur
eux-mêmes et dont l’étranger ou le voisin est l’ennemi, est une « invention coloniale ». Les
ethnies n’ont été étudiées à la période coloniale qu’en omettant de les situer dans les unités
1 Faustin TOENGAO L okundo, « la reforme sur la décentralisation et le découpage territorial : portée etfaiblesse »,in Congo- Afrique, n° 433 ?mars 2009,pp.152 CONAC ,G. l’Afrique en transition vers le pluralisme politique, économica, paris,1993, p. 5.3 MADIOT,Y., « les techniques des corrections de compétences entre collectivités locales »,RFDA 1996,p.964.4 KANYINDA LUSANGA, « la décentralisation territoriale zaïroise à l’épreuve de la théorie et des faits » ,inles cahiers du CEDAF ( avril 1984 ), n° 2, p.1.
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sociales les plus vastes dans lesquelles elles vivaient auparavant. Le professeur Jan
VANSINA dit que le tribalisme est la forme coloniale de l’ethnicité1.
Il est notoire que le facteur ethnique n’a eu qu’un rôle limité dans le nouveau
découpage. Les limites des nouvelles sont celles d’anciennes entités administratives. En outre,
là où une définition ethnique a été invoqué pour la création d’une province, elle a exacerbé les
oppositions tribales, surtout quant les possibilités économiques de la province étaient
faibles : « la compétition pour le pouvoir était d’autant plus serrée…qu’il constituait le
principal exutoire aux aspirations de promotion sociale2.
Le découpage territorial et la décentralisation tels que envisagés par l’actuelle
constitution du 18 février 2006 n’est que le reflet et le souci qui a animé le Vatican de
subdiviser le territoire ecclésiastique de la RDC en 25 diocèses, et cela en tenant compte et se
basant sur le critère de représentativité linguistique, sociale et culturelle des populations
autochtones.
C’est l’article 3 de la constitution qui consacre la décentralisation administrative
lorsqu’il dispose que : « les provinces et entités territoriales décentralisées de la RDC sont
dotées de la personnalité juridique et sont gérées par les organes locaux. Ces entités
territoriales décentralisées sont la ville, le secteur et la chefferie. Elles jouissent de la libre
administration et de l’autonomie de gestion de leurs ressources économiques, humaines,
financières et techniques ».
Par ailleurs l’article 171 de la constitution et l’article 43 de la loi n°08-012 du 31
juillet 2008 portant principes fondamentaux relatifs à la libre administration des provinces
stipulent que « les finances du pouvoir central et celles des provinces sont distinctes ». Ce qui
est la confirmation de la décentralisation fiscale et financière du pays3. En outre, l’article 175
al 2 et 3 de la constitution affirme que : « la part des recettes à caractère national allouées aux
provinces est établie à 40 °/°. Elle est retenue à la source ; la loi fixe la nomenclature des
autres recettes locales et les modalités de leur répartition ».
1 JAN VANSINA, living with Africa, Madison, 1994, p.230.2 J.C. WILLAME, Les provinces du Congo, structures et fonctionnement, n°5, Léopoldville, 1965, p .121.3 MABI MULUMBA, décentralisation et problématique de fiscalité, in Congo, n°432, Février 2009,pp 126-
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Si l’objectif poursuivi par les reformes opérées dans la territoriale a toujours été la
mise sur pied d’une administration efficace pour la réalisation d’un développement
harmonieux et intégré, il est malheureux de constater que plus de 4 décennies après, cet
objectif n’a atteint que ses moindres proportions, surtout après l’indépendance obtenue au 30
juin 1960. Conscientes de cet état des choses, les institutions issues des élections libres et
démocratiques de 2006, s’appuyant sur des dispositions de la constitution du 18 février 2006,
ont décrété une nouvelle forme portant sur la décentralisation et le découpage territorial.
Cette reforme est matérialisée par un bloc de trois lois appelées « lois sur la
décentralisation ». Il s’agit de :
üla loi n°8/012 du 31 juillet 2008 portant principes fondamentaux relatifs à la
libre administration des provinces ;
üla loi n°08/015 du 07 octobre 2008 portant modalités de l’organisation et du
fonctionnement de la conférence des gouverneurs de province ;
üla loi organique n° 08/016 du 07octobre 2008 portant composition,
organisation et fonctionnement des entités territoriales (ETD) et leurs
rapports avec l’État et les provinces.
üLes préoccupations majeures qui font l’objet de la présente réflexion
s’articule autour des questions suivantes :
üquelle la nature et la base juridique de la répartition des recettes entre
gouvernement central et les provinces ?
üquelles sont les modalités et les contraintes ?.
2. DE LA DECENTRALISATION ET SON APPLICATION EN RDC.
2.1. HISTORIQUE DE LA DECENTRALISATION.
La décentralisation territoriale est le système d’organisation administrative dans
lequel il ya création par la loi ou par le constituant lui-même, en dehors du centre, d’autres
niveaux de responsabilité et de décision. Elle consiste à confier des pouvoirs de décision à des
organes autres que des simples agents du pouvoir central.
Trois conditions doivent être réunies pour parler de la décentralisation territoriale :-
la personnalité juridique ;
ü L’existence des organes propres de décision, issus de préférence des élections.
C’est qu’on appelle l’autonomie organique. Celle-ci accompagne la
reconnaissance d’une catégorie des affaires locales, distinctes des affaires
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nationales. Bien plus, pour être efficace, la décentralisation doit être complétée
par l’autonomie financière qui, à son tour, va de pair avec l’autonomie technique,
c’est-à-dire celle de jouir d’une trésorerie autonome ou d’une séparation d’avec
la comptabilité nationale ;
ü Enfin, la tutelle administrative est traditionnellement organisée comme pouvoir de
contrôle, surtout au niveau des entités territoriales décentralisées (ETD) de base :
ville, commune, secteur ou chefferie. Mais, elle peut être remplacée par un
contrôle du juge administratif.
De 1960-1982, l’évolution des structures de l’administration locale de la RDC
comporte trois phases importantes :
-la première phase de 1960-1966 ; C’est la phase d’une évolution désordonnée au
niveau de chaque province sans coordination d’ensemble au niveau national ;
-la deuxième phase de 1966-1977 ; C’est la phase de l’établissement de l’autorité de
l’État sur l’ensemble du territoire national. Elle se caractérise par une forte centralisation des
pouvoirs ;
Enfin, la troisième phase qui va de 1977-1982 ; C’est la phase du cheminement
progressif vers une décentralisation effective des responsabilités au profit de l’administration
locale1.
A la différence des anciennes législations sur l’organisation territoriale et
administrative de l’État, l’ordonnance –loi n°82-OO6 du 25 février 1982 portant organisation
territoriale, politique, et administrative de la république institue la décentralisation territoriale
dans les milieux tant urbains que ruraux. Car, comme l’affirme le chef de l’État, cette
décentralisation territoriale est conçue comme une « stratégie visant à rapprocher les
militantes et militants de l’administration en vue de mieux organiser le développement de
leurs entités2 ».
Comme on le voit, toutes les Entités territoriales de grande importance sont
décentralisées. Et « on peut donc affirmer que la décentralisation de 1982 est, sans doute, la
1 En vertu de la loi du 27 avril 1962, la première province qui fut créée est celle du nord-Katanga, en date du 11juillet 1962. Ensuite, en datedu14 aout1962, quinze autres provinces seront instituées ( voir moniteur congolais,septembre 1962,n°23 ,24 ,pp.226 -233) . en 1963, le pouvoir central institua, enfin, les provinces du moyenCongo (5 février),du haut-Congo (27 mars), du Kivu central (18 mai ), du Lualaba et du Katanga oriental (8Juillet ). Par ailleurs, on peut signaler que le statut de la ville de Léopoldville fut fixé le 10 octobre 1962. a cesujet, on peut aussi lire Léon de st Moulin, « historique de l’organisation administrative du Zaïre », Zaïre –Afrique (avril 1988) n°224, pp.24-26.2 MOBUTU SESE SEKO, Discours prononcé à l’ouverture du 4è congrès du MPR, le 16 mai 1988 », Discourset messages 1983-1988, t. 4., paris, les Éditions du jaguar, pp.631-632.
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plus importante qu’ait connue l’histoire de ce pays » note VUNDWAWE, T1.Dorénavant, à
coté des intérêts généraux dont l’État a la charge, cette législation sur la décentralisation
territoriale prévoit l’existence des intérêts publics spécifiquement différents en raison de
l’étendue de leur champ d’application territorial, que sont les intérêts régionaux, urbains et
locaux, à la gestion desquels la loi a pourvu des organes locaux.
Dans l’histoire du découpage administratif et politique, la transition s’est amorcée
bien avant le vote de la constitution de 2003 et de la rupture politique du discours de Mobutu
le 24 avril 1990. Les deux guerres du Shaba de 1976 et 1977 ont manifesté la large
désaffectation pour la 2 è république et imposé au moins du discours une série de
changements d’orientation. Un nouveau discours sur la décentralisation apparut en 1977. Des
élections furent organisées cette année –là et une loi sur la décentralisation fut promulguée le
25 février 19822. Cette loi accorde la personnalité juridique à la région (province), aux villes
et à leurs zones urbaines (communes), aux zones rurales (territoires) et aux collectivités
(secteurs ou chefferies). La cité, comme la sous-région (district) et le groupement, n’étaient
reconnus que comme entités administratives. Les entités décentralisées étaient dotées d’un
conseil élu, mais leur chef, sauf au niveau des collectivités, était nommé de façon
discrétionnaire par le chef de l’État. Des élections furent effectivement organisées en 1982 et
1987 pour la désignation des membres des divers conseils. La liste de groupements, entre
lesquels les membres des conseils devaient être repartis était malheureusement l’objet de
contestations.
Avec des chefs nommés comme auparavant, la population n’eut pas le sentiment
d’un changement autre que de façade et c’est dans la conférence nationale souveraine qu’elle
mit tous ses espoirs de démocratisation3. Une autre loi sur la décentralisation fut promulguée
le 20 décembre 1995 et nouvelles élections furent annoncées pour 1997, elles ne dépassèrent
pas le stade de projet.
Après une nouvelle période de pouvoir centralisé et totalitaire inaugurée par l’arrivée
au pouvoir de l’AFDL le 17 mai 1997, la loi portant organisation territoriale et administrative
du 2 juillet 1998 prévoyait des conseils consultatifs au niveau des provinces, des villes, des
territoires et des communes de la ville de Kinshasa. Ces conseils devaient être composés des
autorités des subdivisions territoriales de l’entité et de délégués de ses forces sociales, mais
1 VUNDWAWE, T., la dynamique de la décentralisation en RDC », in CONGO-AFRIQUE, n°432, Février2009, pp.83_160.2 Le texte en est présenté dans VUNDWAWE te Pemako, la décentralisation territoriale des responsabilités auZaïre. Pourquoi et comment ? dans Zaïre Afrique (1982) n°165 , p.261-273 et n°166 ,p.327-343.3 La conférence nationale souveraine s’est tenue au palais du peuple du 31 juillet 1991 au 6 décembre 1992.
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toutes les autorités étaient nommées et éventuellement relevées de leurs fonctions par le
président de la République1.
Le décret- loi n° O81 du 02 juillet 1998 est pris dans le but de régir l’organisation
territoriale et administrative de la RDC pendant la période de la transition ; il s’agit ici, de la
nouvelle transition, cette fois unilatérale, décidée par le conseil élargi de l’AFDL, qui est
l’organe suprême qui mit fin à la transition consensuelle de la classe politique Zaïroise fondée
sur le protocole d’accord du 14 janvier 1994.
Sous ce régime de transition ; le décret-loi n°081 du 2 juillet 1998 est modifié à deux
reprises, par le décret-loi n°018/2001 du 28 septembre 2001 et la loi n°04/008 du 19 mai
2004 ; les deux modifications concernent la direction des provinces et de la ville de Kinshasa.
Dans un premier temps, le décret-loi du 28 septembre 2001 crée deux postes de vice-
gouverneur de province. Ainsi, le Gouverneur de province ou de la ville de Kinshasa est-il
assisté de deux vice-gouverneurs chargés respectivement des questions politiques et
administratives et des questions économiques, financières et de développement. Celui-ci
assure l’encadrement civique de la population et le suivi des activités politiques et
administratives dans la province sous la direction du gouverneur de province.
En revanche, en application de l’accord global et inclusif sur la transition signé à
Pretoria en Afrique du sud le 17 décembre 2002 par les composantes et entités au Dialogue
inter –congolais2 et adopté à Sun –City ( Afrique du sud ),le 1er Avril 2003, la loi n°04/OO8
du 19 mai 2004 a modifié le décret-loi°081 du 2 juillet 1998 afin de doter la ville de Kinshasa
de trois postes de vice- gouverneur. Le premier est chargé des questions politiques,
administratives et socioculturelles, le deuxième des questions économiques et financières, et
le troisième des questions de reconstruction et développement.
Par la suite, en lieu et place de la loi organique devant fixer l’organisation et le
fonctionnement de la ville de Kinshasa et des provinces ainsi que la répartition des
compétences entre l’État et les provinces, prévue par l’article 5 alinéa 4 de la constitution de
la transition du 4 avril 2003, et qui devait être votée lors de la première session de
l’Assemblée nationale et du Senat, formant le nouveau parlement de transition ; c’est toujours
le décret –loi n)081 du 02 juillet 1998, tel que modifié et complété qui continue de régir, pour
cette nouvelle période de transition , l’organisation territoriale et administrative de l’État. Il
1 Cfr les codes Larcier, Bruxelles, de Boeck et larcier, 2003, tome VI, vol.1.,p. 23-44.2 Le dialogue inter-congolais a fait suite à l’accord de Lusaka (Zambie) du 10juillet 1999 pour un cessez- le feuen RDC, voir journal officiel, (mai 2001), numéro spécial, pp.105-111. ;qui, en son article3, point 19 préconisela tenue d’un Dialogue national ouvert en vue de l’instauration d’un nouvel ordre politique et de la réconciliationnationale . CES NEGOCIATIONS Ont eu lieu à Sun-city (Afrique du sud ), du 25 février au 12 avril 2002.
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s’agit, ici, pour la deuxième fois, d’une transition consensuelle sur la base d’un accord,
précisément l’accord global et inclusif du 17 décembre 2002.
Ce sont les élections de 2006 qui ont ouvert la voie de la démocratisation.
2.2. DECENTRALISATION ET REFONDATION DE L’ETAT CONGOLAIS.
La RDC est un pays à la recherche permanente de la forme définitive de l’État. En
effet, depuis son existence comme État, ce pays est ballotté fréquemment entre la forme
fédérale et la forme unitaire. Au lendemain de l’indépendance, l’opposition entre les deux
tendances avait débouché à la loi fondamentale relative aux structures du Congo avec une
forme hybride : sur le plan politique, cette constitution posait déjà problème lorsque le
président Kasa-vubu révoquait son premier ministre Lumumba, ce dernier lui révoquait à son
tour.
La constitution du 18 février 2006 tente-t-elle un compromis entre les tendances et
institue une forme hybride. Pour rassurer les fédéralistes, le mot décentraliser s’entend
« comme un cri sorti de poitrines oppressés1 ».la décentralisations est, dès lors, coulée en
marbre au fronton de cette charte fondamentale.
Mais, cette décentralisation fait peur. Car « mal comprise, la décentralisation peut
faire peser la menace de la partition du pays, par le réveil des élans séparatistes qui
sommeillent dans le subconscient des nostalgiques de la sécession écrit MODESTE Mutinga2.
Il faut rappeler que la démarche congolaise s’inscrit dans un impératif de « state-
building », de reconstruction ou de refondation de l’État, voire d’invention d’un État
congolais moderne ou post –moderne conciliant les héritages du passé traditionnel et
moderne dans une vue positive et non antinomique. Il s’agit d’un objectif stratégique majeur,
car « cette reconstruction dans le cas des États faillis africains n’est pas une affaire
d’infrastructures détruites par les combats : pour les donateurs et les institutions
internationales, il s’agit de rebâtir un État fonctionnel, c'est-à-dire un gouvernement doté
d’une administration publique, d’un budget et des forces de l’ordre, qui lui permettent
1 Lettre sur la décentralisation, RDP, avril, 1985, p .12 « Introduction », in kengo wa dondo, ‘reforme de la territorial et respect de l’unité nationale, palais du peuple,Kinshasa, sept. 2008, p.4.
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d’assumer toutes les fonctions régaliennes en respectant tendanciellement les usages de la
démocratie1 ».
« S’il ne dépend pas des lois de ranimer les croyances qui s’éteignent, il dépend des
lois d’intéresser les hommes aux destinées de leur pays. Il dépend des lois de réveiller et de
diriger cet instinct vague de la patrie, qui n’abandonne jamais le cœur de l’homme, et, en le
liant aux pensées, aux passions, aux habitudes de chaque jour, d’en faire un sentiment réfléchi
et durable » soulignait Alexis de Tocqueville2 .
Les sociétés africaines plurales avaient un si haut idée de cette réalité, que
pour tenir allumée l’espérance des peuples, ils placèrent au cœur du pouvoir multinational une
institution capitale appelée « Conseil des sages ». il s’agit d’un « gardien des coutumes et
tradition », c’est-à-dire du droit africain précolonial estime VANDERLINDEN,J3 , que le
colonisateur a confondu avec la coutume, présupposée immobile, réduite au vestige du passé
et destinée à disparaître. Sans avoir attendu Kelsen et son positivisme juridique, le droit
africain précolonial connaissait l’idée de la hiérarchie des normes, comme en témoigne la
société luba où il était distingué les « meyi a ka bukulu » ou « lois ancestrales », inviolables,
fondatrices de l’ordre politique et social, appelées aussi « bishimbi meyi » ou « les lois de la
racine ou du vase ». Et ce, pour signifier qu’elles constituent des « lois fondamentales », car le
mot « bishimbi » est le pluriel de « tshishimbi », qui vient du verbe « kushindama », qui veut
dire « envaser, ancrer, enraciner ». Viennent ensuite les « simples lois » appelées « meyi » et
les « interdits connus sous le nom de « mikandu ». Dans cet ordre d’idées, l’on devine
aisément l’importance de l’interprétation des lois dans un État soumis au pluralisme juridique.
C’est pourquoi, quelle que soit la société africaine examinée, le conseil des sages ou le conseil
des anciens est la plus haute juridiction constitutionnelle, s’il faut utiliser le langage
d’aujourd’hui. Sa spécificité est d’avoir, sous des formes variées, deux évolutions majeures.
D’une part, l’institutionnalisation de la justice comme pouvoir indépendant et
impartial, et non comme une simple autorité .D’autre part, la légitimation populaire du
pouvoir judiciaire par le mode de désignation des juges. En effet, pouvoir indépendant, la
justice l’est par la légitimité populaire détenue par les juges du conseil des sages.
1 VIRCOULON, th., « ambigüités de l’intervention internationale en RDC »,in politique africaine, n°98,juin,2005 ,p.80.2 Alexis de Tocqueville, la démocratie en Amérique, paris, Gallimard ,1968)3 VANDERLINDEN,J3 , « justice et droits :quels droits appliquer ? le juge et la coutume en Afrique aujourd’hui », inAfrique contemporaine, numéro spécial 156 sur la justice en Afrique ,4è trimestre 1990, pp.233-235)
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Choisis dans les lignages régnants sur le critère de compétence et de probité
exemplaire, les juges témoignent par leur présence au cœur du champ politique, que le
pouvoir des Ancêtres dont les princes, les rois et les Empereurs sont les représentants n’est
réductible, in fine, à leur personnage. Il s’agit d’un pouvoir des peuples, dont les juges sont
les gardiens de la loi fondamentale dirions-nous aujourd’hui. Auréolé de ce prestige social,
chacun des juges du conseil des sages était considéré par le Roi ou l’empereur comme « un
Primus inter pares ».Grâce à ce statut social, ils n’ont cessé depuis des temps immémoriaux
d’agir et de défendre le principe, selon lequel « Nul n’est au dessus des lois. ». Pour changer
d’époque, il suffit de remplacer la légitimité des anciens par celle des modernes, c’est- à- dire
par l’élection au suffrage universel (direct ou indirect) des juges du conseil des sages au
même titre que les parlementaires et le chef de l’État.
L’intérêt de cette élection des juges du conseil de sages est d’enfanter une démocratie
constitutionnelle, mettant fin au défi démocratique,1 cause principale de la controverse sur le
gouvernement des juges en France, par exemple, dont le conseil constitutionnel est le bras
séculier. Certes, Dominique Rousseau a raison de soutenir que « le contrôle de
constitutionnalité tire donc une part de sa légitimité démocratique de la fonction qu’il
remplit : assurer le respect des droits et libertés des citoyens. Ce respect étant, en effet, jugé
comme une condition nécessaire de la qualité d’un régime politique, l’organe qui en est le
garant, la cour constitutionnelle, est lui-même un élément nécessaire des systèmes
démocratiques2 ».
Il s’agit d’une refondation qui doit s’opérer dans un contexte complexe et ambigu
d’éclatement de l’État, d’instabilité structurelle et d’intérêts d’intervention différents. Aussi se
dessine dans la finesse le besoin de déconcentration dans la décentralisation.
Ouvrir pareille perspective, c’est concevoir la culture juridique et la pratique du droit
comme « interventions culturelles3 ». Selon l’expression de PETER GABEL, .il s’agit de
considérer que « le droit est une forme de conscience sociale, un mélange d’images et d’idées,
qui, à la fois, légitime l’ordre social existant et fournit l’occasion de les changer (…)Le droit
1 Bastien François, « justice constitutionnelle et démocratie constitutionnelle : critique du discoursconstitutionnaliste européen », in CURAPP, Droit et politique, PUF, 1993, pp.53-63.)2 Dominique Rousseau, la justice constitutionnelle en Europe, Paris,montchrestien, 1996, pp.43-44.3 PETER GABEL, « critical legal studies et pratique juridique : la conception de la culturejuridique et de la pratique du droit comme interventions culturelles » in revue droit etsocieté,n° 36-37, 1997 .
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est un mode de conscience, centré sur la signification ,plutôt qu’un amas des règles dont
l’impact se trouve uniquement dans les résultats sont supposés en découler »
Il faut mesurer l’importance opératoire particulière que revêt toute règle de droit, car
un texte de loi ou une procédure ne sont pas seulement le reflet, mais ils sont également un
agencement technique plus ou moins performant qui dérive d’une histoire et d’une culture. Or
le drame de l’Afrique noire est que l’on s’est contenté de copier servilement des droits
étrangers, au détriment des cultures juridiques africaines multiséculaires..
2.3. DECENTRALISATION ET DECONCENTRATION
Les deux techniques relèvent toutes de la forme unitaire de l’Etat. Cependant, la
déconcentration est une variante de la centralisation, en ce sens qu’elle s’oppose en principe à
la décentralisation, car « une bonne décentralisation ne peut s’opérer sans une bonne
déconcentration1 ».
DJOLI, E, estime que cet impératif théorique devient une nécessité dans le cadre
d’un territoire à la recherche permanente d’un État. En effet, aussi bien l’histoire que la
géographie de la RDC impose non seulement un transfert large des pouvoirs aux périphéries,
mais également une constante présence rassurante du centre2.
Cette approche équilibrée s’impose dès lors que cette décentralisation politique doit
se dérouler dans un cadre ana étatique, d’un État artificiel, fragile ou post-conflit.
Aujourd’hui, il est établi que les « États faibles ou défaillants sont à l’origine de plusieurs
problèmes les plus graves du monde actuel3 » et « nombreux États africains sont minés par
des maux multiformes et sont devenus comme le Congo, presque des États fantômes4 ».
Or, « l’organisation et le fonctionnement d’un système juridique -ou des institutions
de nature que ce soit, ne sont pas le fruit d’un hasard, mais la résultante d’un jeu multiforme
des facteurs sociaux, économiques et politiques qui s’opposent ou s’associent en un moment
donné dans le contexte des réalités de tout pays5 ».
La leçon de DURKHEIM, E. reste d’actualité. Il dit avec pertinence que « c’est dans
les entrailles mêmes de la société que le droit s’élabore et le législateur ne fait que consacrer
1 LIEGEOIS , M., la décentralisation en RDC, enjeux et défis, GRIP,1 /2008.p.7 .2 DJOLI, Eseng’Ekeli, « les entités territoriales déconcentrées : contre poids ou contrefort de la décentralisationcongolaise », in Congo- Afrique, n°432, Février 2009, pp.83-160.3 FUKUYAMA,F,state building, gouvernance et ordre du monde au XXe s, la table, paris,2004,p.2.4 BRAUD, Ph, la science politique ii, l’État, paris, seuil, 1977, p.229.5 KABANGE, Nt., droit administratif, université de Kinshasa, 2001, p.10.
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un travail qui s’est fait sans lui. Il faut donc apprendre à l’étudiant comment le droit se forme
sous la pression des besoins sociaux, comment il se fixe peu à peu , par degrés de
cristallisation il passe successivement, comment il se transforme (…) alors il ne verra plus
dans les formules juridiques des espèces de sentences, d’oracles dont il faut deviner le sens
parfois mystérieux, il saura déterminer la portée, non pas l’intention obscure et souvent
inconsciente d’un homme ou d’une assemblée, mais d’après la nature même de la réalité 1».
La RDC est confrontée dans sa politistocopie génétique à un problème de
gouvernabilité d’un espace très vaste : si le pouvoir se centralise trop, il se produit « une
apoplexie du centre et l’atrophie à la périphérie». Par contre, si le pouvoir se dilate trop vers
les bases, il se produit des pulsions de scissiparité et de fragmentation de cet État artificiel,
fruit de compromis, qui fait la convoitise de ses voisins.( DJOLI, E,Idem).
La décentralisation est un processus de transfert des pouvoirs d’un niveau central au
niveau local. Fondamentalement politique, elle est un mode de gestion de services publics qui
consiste à confier certaines taches aux autorités locales élues, le pouvoir central se bornant à
surveiller la manière dont elles pourvoient à leur bon fonctionnement.
Ces collectivités ou entités personnalisées, ont le pouvoir de s’administrer elles-
mêmes, c’est-à-dire qu’elles ont des organes propres-élus-, des compétences, des affaires
locales et des ressources propres.
Une stratégie nationale en matière de décentralisation, stratégie comme art de fixer à
la fois des objectifs, de déterminer les moyens, d’articuler le chronogramme, d’envisager les
lieux d’impulsion, de transduction et de respiration, une appropriation du processus, car la
décentralisation n’est pas uniquement un problème de texte. « Les manuels peuvent laisser
croire que le droit se résume au texte : la réalité s’insurge contre le fétichisme du texte, elle
démontre sa signification et son efficacité propres, elle fait apparaître le droit comme un
ensemble des pratiques qui récole l’accord général, le texte n’est qu’un moyen incomplet de
discerner cet accord ; en somme, le doit n’a point de force par lui-même. Il a besoin des
hommes 2».
La déconcentration est une technique de gestion par lequel le pouvoir central confère
à ses représentants placés à la tête des simples circonscriptions administratives ou des divers
services le pouvoir de prendre certaines décisions importantes. Ainsi, l’État gouverne et
administre au moyen d’agents locaux nommés par le pouvoir central, qui ont chacun des
1 DURKHEIM, E., cours de sciences sociales, leçon d’ouverture (1888), XV, pp.23-24, Revue internationale del’enseignement, la science sociale et l’action, PUF, 1970, p.334.2 ALLIOT, M., in le droit et le service public au miroir de l’anthropologie, Karthala, paris, 2003, p.230.
13
compétences de décision pour une portion de territoire, mais qui sont entièrement
subordonnées à l’autorité centrale. Il s’agit donc d’une délégation des pouvoirs de décisions à
l’échelon local à des agents qui restent sous la dépendance et le contrôle hiérarchique du
pouvoir central.
Ainsi, « la décentralisation et la déconcentration, loin d’être contradictoires, sont
deux formes d’administration complémentaires. La déconcentration vise à améliorer
l’efficacité de l’action de l’État. La décentralisation tend à rapprocher le processus de décision
des citoyens, ce qui favorise la pratique d’une démocratie de proximité et la bonne
gouvernance 1».
La déconcentration est une simple exigence d’allègement de la structure de l’État
unitaire. Aussi, les agents de l’État ne sont-ils pas indépendants, ils demeurent entièrement
liés aux autorités centrales. On utilise à ce sujet une célèbre formule d’un auteur du XIXe
siècle, Odilon Barrot, selon qui, « c’est le même marteau qui frappe, on raccourcit le
manche ».
L’accent est prioritairement mis sur un déploiement de la représentation de l’État sur
toute l’étendue du territoire national, en vue de sauvegarder l’unité, d’instaurer et de restaurer
ou raffermir sa présence par la fourniture des services.
Il apparaît dès lors aberrant d’organiser la déconcentration dans un État qui a opté
pour le régionalisme constitutionnel, cette forme intermédiaire se situe entre un État unitaire
classique et un État fédéral. La doctrine accepte, en effet, que « l’État régional constitue une
nouvelle forme juridique de l’État, distincte de deux modèles traditionnels2 » .plus explicite,
Pierre Bon parle de l’État régional comme « d’une forme intermédiaire, entre l’État unitaire et
l’État fédéral qui conjugue unicité de l’État et autonomie de ses éléments composants3 ». En
somme, « le régionalisme constitutionnel ou encore la décentralisation politique est qualifié
d’antichambre du fédéralisme 4». La décentralisation n’est pas un déni de l’État central, mais
bien la mise en place d’un pacte politique, social et fiscal entre gouvernants et gouvernés.
Aussi, le doyen HAURIOU, dit-il que la décentralisation « est une manière d’être de l’État, la
décentralisation ne touche pas à l’être Étatique5 ». Le professeur LACHAUME ne déclare-t-il
1 TSHIAMA, J.R et SANA Clarisse, « Des entités déconcentrées et décentralisées pour asseoir la bonnegouvernance », in journal du citoyen, hebdomadaire indépendant d’éducation civique, p.1.2 MODERNE, F., Lestât des autonomies dans l’État autonomique, in revue française de droitconstitutionnel,1990,n°2 ,p.205.3 BON, P.,l’ État autonomique, forme nouvelle ou transitoire en Europe, paris, economica,1994,p.6O.4KABANG,NT .,droit administratif, tome III, Kinshasa, 2001,p .32.5 Cité par AUBIN, E., et ROCHE, C., l’essentiel du nouveau droit de la décentralisation, Giuliano éditeur, Paris,2006, p.21.
14
pas que « la décentralisation ne se dessine pas une ligne qui serait la frontière à ne pas
dépasser- mais circonscrit une « zone » à l’intérieur de laquelle plusieurs solutions sont
également possibles et conformes à la constitution1 ».
En somme, la décentralisation est un long processus qui fait intervenir plusieurs
acteurs avec des enjeux locaux, provinciaux et nationaux divergents. En organisant des
services déconcentrés et de simples circonscriptions administratives à certains niveaux de
l’architecture politico- administrative, l’objectif n’est pas du tout effacer ou d’ignorer ces
enjeux. Au contraire, il s’agit de faire en sorte que ces enjeux soient guidés par le souci
d’offrir de meilleurs services de proximité aux populations et d’associer ces dernières à toutes
les étapes dans la gestion des affaires publiques locales2.
La décentralisation ne doit pas être confondue au découpage. Ce denier n’est, par
ailleurs, pas une opération technique neutre ; il attribue aussi des noms et façonne des
identités. Un des mécanismes de ce processus est que la plupart des études et des actions sur
un groupe déterminé sont organisées dans le cadre des unités administratives. Les nations se
sont formées dans le cadre des frontières nationales, qui, sont le fruit d’un découpage
historique progressif. Le même processus marque dans une certaine mesure, liée à leur plus
ou moins grande ancienneté, l’histoire des provinces, des districts, des territoires et même des
secteurs ou chefferies et des groupements. Si les identités évoluent, chaque personne et
chaque groupe social est profondément marqué par la tracée des frontières dans lesquelles il
vit ou a vécu. La modification de ces frontières ne laisse donc pas indifférent et soulève
habituellement des conflits que la constitution et les lois doivent réguler.
Le découpage ne se réduit, par ailleurs, pas à une répartition de l’espace en unités et
sous-unités, il est, plus profondément un système d’organisation des relations sociales.
Chaque frontière définit des zones de solidarité et d’opposition. Une frontière ne peut être
franchie que selon certaines règles. Du temps colonial, il fallait un passeport de mutation visé
par un agent blanc pour sortir de sa chefferie3. Et les textes organisant le découpage
définissent aussi les rapports entre les diverses autorités : qui crée les unités et en nomme les
responsables. Dans le cas du Congo, quels sont les rapports entre le gouvernement central, les
gouverneurs de province, les commissaires de district et les administrateurs de territoire ? Ils
1 LACHAUME, J.F., décentralisation ou libre administration ? Rapport introductif du colloque de Bordeaux surles vingt ans de la décentralisation, septembre 2002, gaz CNES, 2003.2 MOUNTAIN,R.,in Monuc magazine, janvier-février 2008,p.13.3 Selon le décret du 2 mai 1910 , dans bulletin officiel du Congo –belge (1910 ), p.456-471)
15
n’ont pas toujours été les mêmes et les modifications introduites dans cette distribution du
pouvoir sont un des enjeux de l’évolution du découpage1.
2.4. LES ENTITES DECENTRALISEES ET FONDEMENTS CONSTITUTIONNELS
DE LA DECENTRALISATION EN RDC.
A la lecture de l’exposé des motifs de la constitution du 18 février 2OO6, il est
indiqué dans le premier point relatif à l’État et à la souveraineté que le peuple congolais se
donne pour but, « d’une part, de consolider l’unité nationale mise à mal par des guerres
successives et, d’autre part, de créer des centres d’impulsion et de développement à la base ».
ce faisant, le constituant a structuré administrativement l’État congolais en 25 provinces plus
la ville de Kinshasa dotées de la personnalité juridique et exerçant des compétences de
proximité énumérées par la constitution »; de même « les provinces sont administrées par un
gouvernement provincial et une assemblée provinciale. Elles comprennent, chacune, des
entités territoriales décentralisées qui sont la ville, la commune, le secteur et la chefferie2 ».
Il faut noter qu’en « cas de conflit des compétences entre le pouvoir central et les
provinces, la cour constitutionnelle est la seule habilitée à les départager ». Ainsi, la
constitution organise la répartition des blocs des compétences, le premier bloc est réservé au
pouvoir central et le deuxième au pouvoir provincial, le troisième est partagé indique l’article
202 et suivants. Ce partage est arithmétiquement favorable au pouvoir central qui se réserve
d’énormes pouvoirs régaliens en matière de défense, des affaires étrangères, de la police, et de
la planification nationale, etc.…et c’est dans cet optique que l’article 194 de la constitution
dispose qu’une « loi organique fixe l’organisation et le fonctionnement des services publics
du pouvoir central, des provinces et des entités territoriales décentralisées », tandis que
l’article 196 alinéa 2 précise que « les subdivisions territoriales à l’intérieur des entités
territoriales décentralisées (ETD ) sont fixées par une loi organique ».
Dans la proposition de la loi organique de 40 articles repartis en 5 titres, les entités
territoriales déconcentrées revues par l’article 4 alinéa 2 de cette loi organique sont à savoir :
le territoire, le quartier, le groupement et le village. Elles « constituent des circonscriptions
administratives dépourvues de la personnalité juridique ».
1 Léon de st MOULIN, les défis et les enjeux du découpage administratif », in congo-afrique,N°432, février2009, pp.83-160.2 Exposé des motifs de la constitution du 18 février 2006, in journal officiel de la RDC, 47 ème année, numérospécial.
16
La conséquence de cette nouvelle articulation est la disparition du district et de la
cité comme entités territoriales dans l’organisation administrative ; les entités déconcentrées
étant dirigées par des autorités nommées et non élues comme pour des entités décentralisées.
Ainsi, le territoire qui est l ’échelon d’impulsion, de coordination, d’appui- conseil et
d’inspection de l’action de l’État (article 6 de la loi organique) est dirigé par un administrateur
territorial assisté de deux adjoints. Ils sont nommés et, le cas échéant, relevés de leurs
fonctions par le Président de la République, sur proposition du Ministre ayant les affaires
intérieures dans ses attributions. (Article 8 de la loi organique).
La même loi organique en son article 10 indique que « l’administrateur de territoire
est le représentant du pouvoir central et de la province dans sa circonscription. A ce titre, « il
peut, par délégation, exercer la tutelle sur les actes des entités décentralisées de son
ressort.(art 13 ). Sa mission est d’appuyer les entités décentralisées « dans la mise en œuvre
de leurs compétences en disposant des services du pouvoir central et de la province ». En vue
d’affirmer l’unité de l’action étatique, l’article 7 in fine stipule que les administrateurs et
leurs adjoints sont « affectés par un arrêté du Ministre de la République ayant les affaires
intérieures dans ses attributions, sur proposition du gouverneur de province ».
Les autres entités déconcentrées sont dirigées par le chef de quartier pour le quartier,
le chef de groupement pour le groupement et le chef de village pour le village. Le quartier est
un échelon administratif de base de la commune, dirigé par un chef de quartier. Ce dernier est
responsable de l’encadrement administratif de la population, de l’hygiène et de la salubrité
publique de sa circonscription.
Au niveau rural, le groupement et le village sont des communautés traditionnelles
organisées sur base de la coutume.
2.5. FEDERALISME, REGIONALISME ET DECOUPAGE TERRITORIAL.
2.5.1. Le fédéralisme.
La préoccupation essentielle ici est de savoir en quoi la situation d’une province
décentralisée dans un État unitaire se distingue de celle d’un État (province) membre d’une
fédération.
En ce qui nous concerne, nous partirons simplement de l’idée d’Hauriou selon
laquelle « décentralisation et fédéralisme sont fondamentalement différents »1. Il convient
d’abord de parler fédéralisme comme un modèle de forme de l’Etat, et de la décentralisation
1 M. HAURIAU, précis élémentaire de droit administratif, p. 52.
17
comme un simple procédé ou mode de gestion administrative qu’on peut appliquer aussi bien
dans un État unitaire qu’à l’intérieur des États fédérés.
La différence entre les deux modèles de gouvernement ou administration réside
ensuite dans le degré d’autonomie. Celle-ci est administrative et accordée par une loi
organique aux entités territoriales décentralisées. Elle est par contre politique et consacrée par
la Constitution lorsqu’il s’agit des composantes d’un État fédéral.
L’autonomie politique suppose la rupture de l’unité législative : chaque province
fédérée devient un État secondaire, disposant de sa propre Constitution, de sa propre
législation et de sa propre organisation. Toutefois, la Constitution et les lois ou édits
provinciaux ne peuvent, en aucun cas, être en contradiction avec la constitution et les lois
nationales ou fédérales.
2.5.2. Le régionalisme politique
Si la décentralisation ne peut être confondue avec le fédéralisme, elle n’est pas non
plus synonyme de régionalisme politique ou constitutionnel.
Celui-ci constitue également un procédé d’aménagement du pouvoir d’État qui
consiste à décentraliser politiquement et constitutionnellement les provinces qui, dans un
État unitaire, deviennent des composantes politiques et administratives dotées de la
personnalité juridique et de l’autonomie institutionnelle et financière1
Par rapport à la décentralisation, l’organisation du régionalisme politique réside
dans le fait que la répartition des compétences entre le pouvoir central et les provinces ainsi
que l’ordre institutionnel de celles-ci sont définis par la constitution et non par une loi
organique qui peut, à tout moment, être modifiée par la seule volonté du législateur. Pour
éviter les interventions intempestives du centre sur la périphérie, la loi fondamentale prend
soin de distinguer clairement, un peu comme dans le fédéralisme :
ü Les matières de la compétence exclusive du pouvoir central (matières liées à
la souveraineté et celles d’importance nationale) ;
üLes matières de la compétence concurrente (nécessitant une gestion efficace)
et,
üLes matières de la compétence exclusive des provinces (nécessitant une gestion
de proximité et d’intérêt provincial ou local).
1 J. MEKHANTAR, Droit politique et constitutionnel, Paris, 1997, p. 51. Lire aussi X. PHILIPPE, « laréparation des compétences entre l’État central, l’État provincial et les municipalités : structures politiques ouadministratives ? » in Revue française de l’administration publique, n° 85, janvier-mars 1998, pp. 15-34.
18
Cependant, à la différence des États fédérés, les provinces, dans un régionalisme
politique ou constitutionnel, ne jouissent pas de la liberté de se doter chacune de sa propre
Constitution et de son organisation interne. Et, à la différence d’un État unitaire décentralisé,
le pouvoir central n’exerce pas la tutelle administrative sur les provinces dans le cadre du
régionalisme politique.
En définitive, le régionalisme constitutionnel traduit clairement ce que d’aucuns
appellent « un État unitaire fortement décentralisé ». C’est donc une formule de gestion
intermédiaire entre un État unitaire décentralisé et un État fédéral.
Mais, les trois systèmes de gouvernement (décentralisation, fédéralisme et
régionalisme politique) reposent tous sur le principe de la libre administration.
La différence entre décentralisation, fédéralisme et régionalisme politique étant
clairement établie, revenons maintenant à la question de savoir sur quoi porte la réforme de
l’administration territoriale de 2008 en RD Congo et quelles sont les principales innovations.
2.5.3 Du découpage territorial
La réforme consacre une nouvelle subdivision ou nouveau découpage politique et
administratif du territoire national.
En effet, la RD Congo est désormais composée de la Ville de Kinshasa et de 25
provinces dotées de la personnalité juridique :
°La province est subdivisée en villes et territoires ;
°La ville en communes ;
°La commune en quartiers et/ ou en groupements incorporés ;
°Le territoire en communes, secteurs et / ou chefferies ;
°Le secteur ou la chefferie en groupement ;
°Le groupement en villages.
La conséquence directe qui découle de ce découpage est la suppression de la carte
administrative du pays de l’échelon appelé « District » suivie de l’augmentation considérable
des Entités provinciales dont le nombre passe de 11 à 26, la ville de Kinshasa y comprise.
Cette politique de redécoupage territorial n’est pas, en soi, une innovation dans
l’histoire politique et administrative de la R.D. Congo1
En effet, déjà, à l’indépendance, à la suite de la formation des gouvernements
provinciaux, les ressortissants des districts insuffisamment ou non représentés en leur sein
1 Pour en savoir plus sur l’histoire du découpage administratif de la RD Congo, lire L. de SAINT MOULIN,« Histoire de l’organisation administrative du zaïre », in zaïre-Afrique, n°261, janvier 1992, pp. 29-54.
19
commencèrent à revendiquer l’érection de leurs Entités en provinces autonomes. Pour
répondre à ces revendications, la loi du 27 avril 1962 organise la création des nouvelles
provinces s’ajoutèrent aux 6 provinces existantes à l’indépendance pour porter le nombre à
21 que l’idéologie mobutisme qualifiera à tort de « provincettes »1
Après avoir ramené ce nombre à 9 (en 1966) pour le besoin de centralisation du
pouvoir, le Président Mobutu inscrira ce dossier à l’ordre du jour de la 12e session ordinaire
du Comité Central du MPR(en 1988) lorsqu’il prendra conscience du fait que le pays était
sous-administré. C’est ainsi qu’une décision d’État avait été prise en vue d’initier un
redécoupage des régions (provinces). Suite au refus des leaders politiques du Haut-zaïre
(actuelle province orientale) à l’époque, la région la plus vaste et la plus peuplée, l’opération a
commencé par l’ex-Kivu qui donna naissance aux actuelles provinces du Maniema, du Nord
et du Sud-Kivu (trois anciens districts de l’ancienne région du Kivu), portant ainsi le nombre
des provinces à 11.
L’actuelle configuration de la RD Congo en 26 provinces avait déjà été adoptée par
la Conférence Nationale Souveraine (CNS) en 1992 et consacrée dans le projet de
Constitution de la 3e République qui devait être soumis au référendum avant la prise du
pouvoir d’État par l’alliance des forces Démocratiques pour la Libération du Congo (AFDL).
Nous pouvons résumer l’évolution du découpage territorial au Congo-Kinshasa de la
manière suivante :
Les critères de création d’une province tels que par la Conférence Nationale
Souveraine sont2 :
° L’Entité doit justifier d’une superficie minimale de 50.000 Km2
° Elle doit avoir au moins 800.000 habitants ;
°Elle doit faire preuve de viabilité économique, c’est-à-dire disposer des ressources
suffisantes pour le bon fonctionnement de son administration.
La thèse du découpage territorial ne fait pas l’unanimité dans le milieu de l’élite
intellectuelle congolaise. A ce sujet, il existe des arguments pour et contre le découpage des
actuelles provinces.
En effet, ceux qui s’opposent à un nouveau découpage territorial soutiennent entre
autre :
1 Il convient de signaler que la subdivision du pays en 21 provinces a été consacrée dans la Constitution du 1er
août 1964 dite de « Luluabourg » adoptée par le peuple congolais au référendum organisé du 25 juin au 10 juillet1964.2 CNS, rapport de la commission Administrative et Territoriale, palais du peuple, Kinshasa 1992, p. 92.
20
- La création des nouvelles provinces comporte un coût exorbitant qu’entraîne
l’installation des nouvelles institutions provinciales en termes d’infrastructures,
d’équipements, de fonctionnements et de rémunération du personnel politique dont
le nombre a considérablement augmenté. Les districts actuels érigés en province
ne disposeraient des ressources suffisantes pour faire face à ces charges et assurer
leur auto-développement ;
- Avec les guerres à répétition que connaît la RDC sous l’impulsion directe ou
indirecte des pays voisins ; il y a fort à craindre le risque de sécession d’autant
plus que certains leaders congolais ; complètement inféodés au pouvoir des pays
voisins et surtout à cause de leurs intérêts égoïstes, sont capables d’aider ces pays
limitrophes qui ont des ambitions annexionnistes à réaliser leurs rêves.1
Par contre ceux qui soutiennent le découpage territorial avancent les arguments de
trois ordres :
a) Sur le plan administratif :
Le découpage permet de rapprocher l’administration de l’administré, le
gouvernant du gouverné et, par conséquent de résoudre les problèmes de la
sous- administration dont souffrent certaines provinces.
b) Sur le plan politique :
Le découpage apparaît comme un mécanisme de régulation des tensions
générer par les conflits des leaderships, surtout au niveau des institutions
nationales et provinciales. Les populations bénéficieront ainsi d’une
représentation plus démocratique, plus équitable et plus équilibrée dans les
institutions politiques nationales et provinciales. La province orientale par
exemple divisée en 4 nouvelles provinces autonomes, disposera de plus de
députés, sénateurs et membres du gouvernement à l’instar de l’ancien Kivu, de
l’ancienne province de Léopoldville et du Grand-Kasaï.
c) Sur le plan économique :
Le découpage territorial suscitera la création des nouveaux centres
d’impulsions, du développement économique et social.
1 NKEMA Roger, « Découpage territorial : avant qu’il ne soit tard », in soft , kin n°536 , 1993,p. 6.
21
La province orientale actuelle aura ainsi 4 Entités dotées chacune de la
personnalité juridique et d’un budget propre lui permettant de concevoir et
d’exécuter son programme d’auto-développement. Il s’agit d’empêcher que le
chef lieu lointain de la province agisse comme un frein au développement de
collectivité de base.1
3. LES RESSOURCES FINANCIERES DE LA PROVINCE.
La loi n°08-012 du 31 Juillet 2008 portant principes fondamentaux relatifs à la libre
administration des provinces distingue, d’une part, les ressources de la province (art 48 ) et
d’autre part, les ressources provenant des recettes à caractère national ( art 55 ).
3.1. LES RESSOURCES PROPRES DE LA PROVINCE.
3.1.1. Notions et énumération.
Celles-ci comprennent les impôts, les taxes, les droits provinciaux et locaux ainsi que
les recettes de participation (article 48). C’est la province qui établit le mécanisme de leur
recouvrement dans le respect des procédures fixées par la législation.
Les taxes, les droits provinciaux et locaux comprennent notamment :les taxes
d’intérêt commun, les taxes spécifiques à chaque province et à chaque entité et les recettes
administratives rattachées aux actes générateurs dont la décision relève de la compétence des
provinces ( article 40 ).
A .les taxes d’intérêt commun (article 50) comprennent :
-la taxe spéciale de circulation routière, la taxe annuelle pour la délivrance de la
patente, diverses taxes de consommation sur la bière, l’alcool et spiritueux ainsi que le tabac ;
la taxe de superficie sur les concessions forestières ; la taxe de superficie sur les concessions
minières ; la taxe sur les ventes des matières précieuses de production artisanale, toutes les
autres taxes instituées par le pouvoir central et revenant en tout ou en partie aux provinces en
vertu de la loi.
1 Faustin TOENGAHO lokundo ; art. cite p. 224.
22
3.1.2. La clé de répartition.
La clé de répartition du produit des taxes d’intérêt commun entre les provinces et
les entités territoriales décentralisées (ETD) est fixée par la législation qui institue les dites
taxes, après avis de la conférence des gouverneurs de province.
En plus, la province a droit :
ü aux recettes provenant des taxes spécifiques prélevées sur les matières locales
non imposées par le pouvoir central. Ces taxes spécifiques sont soit
rémunératoires, soit fiscales conformément à la législation sur la
nomenclature des taxes et droits provinciaux. Les règles de perception
des taxes spécifiques sont fixées, après avis de la conférence des
gouverneurs de province, par la loi fixant la nomenclature des recettes
locales (article 51).
ü aux recettes administratives rattachées aux actes générateurs dont la décision
relève de sa compétence.
ü aux recettes de participation comprenant les bénéfices ou les revenus de sa
participation au capital des entreprises et associations sans but lucratif.
3.2. LES RESSOURCES PROVENANT DES RECETTES A
CARACTERE NATIONAL.
3.2.1. Recettes a caractère national.
Selon l’article 54 de la loi n°08-012 du 31 juillet 2008 portant principes
fondamentaux relatifs à la libre administration des provinces, la part des recettes à caractère
national allouées aux provinces est établie à 40°/°. Elle est retenue à la source. Il est précisé
que la retenue à la source s’effectue par le versement automatique de 40°/° dans le compte de
la province et de 60°/° dans le compte général du trésor. Ce mécanisme est exécuté par la
banque centrale du Congo conformément à la loi financière.
23
Sont considérés comme recettes à caractère national (art 55). :
a) Les recettes administratives, judiciaires domaniales et de participation ;
b) Les recettes de douanes et accises,
c) Les recettes provenant des impôts recouvrés sur les grandes entreprises des
pétroliers producteurs ainsi que les autres impôts pouvant être perçus à leur lieu de
réalisation.
En matière de ressources, la province peut bénéficier des ressources provenant de la
caisse nationale de péréquation prévue à l’article 181 de la constitution (art 57). Des
ressources exceptionnelles peuvent également alimenter les recettes du budget de la province.
Celle-ci peut recourir aux emprunts intérieurs pour financer ses investissements dans les
conditions fixées par la loi financière et la législation sur le crédit. En outre, l’État peut
contracter et garantir conformément à la constitution et à la loi financière des emprunts
extérieurs pour les besoins de la province. Celle-ci peut également bénéficier des dons et legs
dans les conditions définies par la loi.
3.2. 2. Les mécanismes de transferts financiers : la rétrocession et la caisse de péréquation.
La nouvelle constitution a prévu un nouveau système de partage des recettes publiques à
caractère national (art .175 et 181).
a) La rétrocession selon la règle de l’origine des recettes publiques.
En vertu de l’article 175 de la constitution de la constitution de la RDC, les
provinces auront droit dorénavant à 40°/° de l’ensemble des recettes publiques à caractère
national- selon la règle de l’origine : chaque province retiendra à la source 40°/° des recettes
recouvrées sur son territoire.
Ces dispositions constitutionnelles soulèvent une série d’observations :
Ø certes, la rétrocession automatique présente de la simplicité dans sa conception et sa
mise en œuvre, ainsi que la transparence dans la mesure où les autorités provinciales
ont accès aux informations sur les recettes recouvrées sur leur territoire. C’est
également un instrument de réduction du déséquilibre vertical de finances locales
(lorsque les ressources propres d’une collectivité ne correspondent pas à l’ampleur et
au coût effectif des compétences dévolues) ;
Ø -cependant, un tel système pourrait s’avérer inéquitable : l’assiette n’étant pas
repartie sur le territoire national d’une manière homogène, plus une province est «
24
pauvre » en potentiel de recettes- donc pauvre dans l’absolu, moins elle recevra de
rétrocession ;
Ø -ainsi, en l’absence d’un mécanisme adéquat de correction, le système de partage tel
que prévu par la constitution risque d’aggraver les disparités entre les provinces
(déséquilibre horizontal) comme le démontre la simulation des rétrocessions sur la
base des recettes effectivement recouvrées en 2004.
Ainsi, si les nouvelles dispositions constitutionnelles sont appliquées à la lettre, deux
provinces (Kinshasa et bas- Congo) recevront 88°/° des rétrocessions alors que leurs
populations combinées ne représentent que 18 ,06 °/° de la population totale du pays.
De même, la rétrocession selon la règle de l’origine soulève le problème de
l’exportation de l’impôt du fait que les recettes sont retenues par une province donnée alors
qu’elles sont en réalité payées par les contribuables d’autres collectivités, comme c’est le cas
des droits de douane ou les impôts dûs par les grandes entreprises opérant sur l’ensemble du
territorial. Il aurait fallu exclure cette catégorie de recettes du champ de la rétrocession et les
inclure dans l’assiette de la péréquation.
Dans une note sur la décentralisation fiscale faite par la Banque mondiale, il est tiré
une sonnette d’alarme en ce qui concerne la disposition constitutionnelle relative aux 40°/° de
rétrocession à transférer aux provinces1. Selon cette note, une application à la lettre de ce
principe inhérent à la constitution pose de sérieux risques dans la mesure où :
Ø Il risque d’exacerber les déséquilibres économiques déjà existants et laisserait bon
nombre de provinces avec des ressources insuffisantes même pour payer les salaires ;
Ø Il s’oppose à un des plus importants principes de la décentralisation fiscale qui veut
que « les ressources suivent les fonctions » ;
Ø Il risque de ne pas prendre en compte la nécessité d’un transfert programmé des
fonctions au fur et à mesure que les institutions seront établies tant au niveau
provincial que local. En particulier, la capacité fiduciaire à ces deux niveaux devra
être renforcée avant de penser à toute augmentation notable des niveaux de transfert.
b) Le mécanisme de péréquation.
La constitution, en son article 181 a prévu également un 2è mécanisme de transferts
financiers sous forme d’une caisse de péréquation destinée au financement des projets et
1 Banque mondiale, document n°42612-ZR, la RDC, décentralisation en RDC : note sur la décentralisationfiscale, ( janvier 2008 ),p.8.
25
programmes d’investissement public « dans le but de corriger le déséquilibre de
développement entre les provinces et entre les autres entités territoriales décentralisées ».
Il découle de cette formulation que :
Ø « les transferts au titre de péréquation sont réservés uniquement au financement des
dépenses d’investissement des provinces et Entités Territoriales Décentralisées.. ;
Ø les provinces au même titre que les Entités Territoriales Décentralisées de base
peuvent bénéficier des transferts de la caisse de péréquation ;
Ø l’objectif de la péréquation est de corriger les disparités horizontales entre provinces
et Entés Territoriales Décentralisées en termes d’infrastructures locales ;
Ø il ne fait pas de doute qu’un mécanisme d’égalisation s’impose au vu de la situation
actuelle qui se caractérise par les disparités importantes entre les collectivités
territoriales du pays en termes d’équipements et services collectifs, aussi bien qu’en
potentiel de ressources d’autant plus que ces disparités vont être aggravées par la
mise en place du système de rétrocession à cause de la concentration géographique
excessive des recettes fiscales ;
Ø la péréquation sera financée par une contribution annuelle du budget de l’État à
concurrence de 10°/° des recettes fiscales à caractère national. Ainsi, en tenant
compte du financement du système de rétrocession, la moitié des ressources publiques
à caractère national sera attribuée aux Entités Territoriales Décentralisées. Ceci
risque de mettre en cause l’équilibre, déjà fragile, des finances publiques, notamment
si le transfert effectif de la responsabilité des dépenses publiques (correspondant aux
compétences décentralisées), aux provinces et Entités Territoriales Décentralisées.
Ø la caisse de péréquation est destinée uniquement au financement des dépenses
d’investissement selon des modalités qui restent à définir ;
Ø le système de péréquation sera administré par une caisse ayant le statut d’organisme
public doté de la personnalité juridique dont l’organisation et le fonctionnement
seront fixées par une loi organique.
La constitution ayant tranché la question du partage des ressources entre le
gouvernement central et les provinces et Entités Territoriales Décentralisées, le défi auquel
seront confrontées les autorités nationales consiste à concilier le respect des dispositions
constitutionnelles avec : « les impératifs d’équité (toutes les Entités Territoriales
Décentralisées doivent bénéficier des transferts des critères de répartition équitables), et la
sauvegarde des finances publiques ».
26
En ce qui concerne la rétrocession : il y a lieu de définir avec l’assiette de
ressources devant servir à la rétrocession, c’est- à- dire la liste limitative des recettes à
caractère national faisant partie du champ de la rétrocession. ; mais s’agissant de la
péréquation, la loi organique prévue par la constitution devra, outre l’organisation de la future
caisse, expliciter les objectifs du système de péréquation et déterminer les modalités de
distribution des ressources.
3.3. LES RESSOURCES FINANCIERES DES ENTITES TERRITORIALES
DECENTRALISEES
La composition, l’organisation et le fonctionnement de des Entités Territoriales
Décentralisées et leurs rapports avec l’état et les provinces sont régies par la loi organique n°
08-016 du 07 octobre 2008 qui stipule en son article 100 que : « les finances des entes
Territoriales Décentralisées sont distinctes de celles des provinces ». Cette loi organique
distingue également en ce qui concerne les ressources propres et, d’autre pat, les ressources
provenant des recettes à caractère national allouées aux provinces, les ressources de la caisse
nationale de péréquation ainsi que les ressources exceptionnelles.
L’entité territoriale décentralisée (ETD) établit les mécanismes propres de leur
recouvrement (art105).
3.3.1. Les ressources propres de l’entité territoriale décentralisation.
Les ressources propres de l’Entités Territoriales Décentralisées comprennent (art
108 ), ;
a) L’impôt personnel minimum ; qui est perçu au profit exclusif des communes,
des secteurs ou des chefferies. Il est établi et recouvré conformément à la loi. « la clé de
répartition du produit des taxes d’intérêt commun entre les Entités Territoriales
Décentralisées est fixée par la législation qui institue les dites taxes, après avis de la
conférence des gouverneurs de province ».
b) Les recettes de participation ; elles comprennent les bénéfices ou revenus de
leur participation au capital des entreprises publiques, des sociétés d’économie mixte et des
associations momentanées à but économique.
c) Les taxes et droits locaux; comprennent les taxes d’intérêt commun, taxe
spéciale de circulation routière, taxe annuelle sur la patente, taxes diverses de consommation
27
sur la bière et le tabac, la taxe de superficie sur les concessions forestières et minières, taxes
sur les ventes des matières précieuses de production artisanale et toutes autres taxes instituées
par le pouvoir central et revenant en tout ou en partie à l’Entité Territoriale Décentralisée en
vertu de la loi ( art.112 ).
d) Les taxes spécifiques à chaque Entité Territoriale Décentralisée sont des taxes
prélevées sur les matières locales non imposées par le pouvoir central. Elles sont soit
remontoirs, soit fiscales conformément à la législation sur la nomenclature des taxes et droits
provinciaux et locaux. « Les règles de perception des taxes spécifiques sont fixées, après avis
de la conférence des gouverneurs, par la loi fixant la nomenclature des recettes locales ».
e) Les recettes administratives rattachées aux actes générateurs dont la décision
relève de la compétence de l’Entité Territoriale Décentralisée.
3.3.2 Les ressources provenant des recettes à caractère national.
Les Entités Territoriales Décentralisées ont droit à 40°/° de la part des recettes à
caractère national allouées aux provinces. « La répartition des ressources entre les Entités
Territoriales Décentralisées est fonction des critères de capacité de production, de la
superficie et de la population. L’Édit en détermine le mécanisme de répartition ».
Concernant des ressources de la caisse nationale de péréquation (article 117) et des ressources
exceptionnelles : une Entité Territoriale Décentralisée peut recourir aux emprunts intérieurs
pour financer ses investissements ; elle peut également bénéficier des dons et legs dans les
conditions définies par la loi.
3.3.3. Le budget de l’Etat et de la province
Le budget de l’état comprend le budget du pouvoir central et le budget de la
province. Il est arrêté chaque année par une loi (article 44 de la loi n° 08-012 du 31 juillet
2008 portant principes fondamentaux relatifs à la libre administration des provinces). Les
budgets des Entités Territoriales Décentralisées sont intégrés, en dépenses et en recettes, dans
le budget de la province conformément aux dispositions de la loi financière (article 45 de la
loi no 08 -012 du 31 juillet 2008). Le budget de la province est transmis au gouvernement
central par le gouverneur de province au plus tard le 31 août (article 16 de la même loi).
4. APPRECIATION CRITIQUE DE LA DECENTRALISATION ET SON
APPLICATION EN RDC.
4.1. Une maîtrise appréciable de la matière par le législateur.
28
A la lecture du texte de cette loi n° 08-016 dégage une belle impression de maîtrise
de la matière par le législateur dont le souci littéraire primordial est ici la clarté du langage, la
pédagogie dans l’exposé et la volonté délibérée de ne laisser aucune formulation ambiguë, ni
dans la définition de ses concepts ( hormis celui de la « décentralisation » ), ni dans les
attributions des Entités Territoriales Décentralisées , ni dans l’organisation des compétences
de leurs divers organes, ni dans le fonctionnement de leurs appareils exécutifs respectifs.
C’est là des efforts louables à reconnaître du législateur.
4.2. VERS UNE NOUVELLE CULTURE DE GOUVERNENTALITE.
L’élaboration de la loi, comme son contenu législatif, sont portés par un double souci
et volonté, d’unir dans une «gouvernementalité1 inculturée » les procédures du système
démocratique contemporain et les « sensibilités » du terroir congolais. Ainsi, lors de la
première session extraordinaire du conseil urbain, avant que les élus aient procédé à
l’élection du bureau provisoire au « doyen d’âge assisté de deux conseillers urbains les moins
âgés » (article 16). Anodine au premier coup d’œil, cette manière de procéder par clins d’œil
complices à nos sensibilités culturelles et à notre « sacré » traditionnel se révèle d’une sagesse
politique et d’un respect pragmatique des dynamiques sociales qui innervent et structures nos
communautés politiques. La sagesse de cette manière de procéder gît dans le fait qu’elle gère
les situations délicates et les équilibres politiques fragiles en respectant le sentiment et le
réflexe coutumiers ordinaires du citoyen sans pour autant y sacrifier, ni déroger à la logique
et à la praxis du gouvernement par la loi et le droit, propres au fonctionnement de l’état de
droit.
La même manière de procéder est aussi à l’œuvre, mais de façons problématiques et
fortes peu heureuse, dans l’organisation de l’Entité Territoriale Décentralisée chefferie. Ainsi,
dans les deux cas susmentionnés, le législateur autorise, par exemple, lors de la 1ere session
extraordinaire, la direction du bureau provisoire du conseil urbain soit confiée au « doyen
d’âge assisté de deux conseillers urbains les moins âgées » de l’assemblée. Mais, une fois
mise en place, le conseil urbain, comme le conseil communal et tous les autres organes des
Entités Territoriales Décentralisées fonctionnent conformément aux dispositions
constitutionnelles et au règlement d’ordre intérieur qui les régissent. Le cas du chef de
chefferie- dont le pouvoir est légalement limité, en amont, par la présence du « premier
échevin, responsable du bon gouvernement de l’administration et responsable devant le
conseil » ( article 86 ) et ,en aval, par sa « responsabilité » du chef de chefferie et par le « non
29
–effet » de ses actes, s’ils ne sont pas contresignés par l’Échevin attiré ( article 82 ) est plus
délicat.
4.3. UN FLOU DELIBERE ENTRE ENTITE TERRITORIALE DECENTRALISEE
ET LES PROVINCES ?
Au-delà de son visage fort démocratique et de sa vision responsabilisant des Entités
Territoriales Décentralisées, la loi n° 08-016 entretient un flou délibéré entre les Entités
Territoriales Décentralisées, les Entités Territoriales Décentralisées, et les provinces. Même
si les autorités exécutives locales des Entités Territoriales Décentralisées représentent le
pouvoir central dans leurs juridictions respectives, y exécutent les lois, les édits et les
règlements nationaux ou provinciaux et y assurent le maintien de l’ordre public, leur autorité
exécutive est cependant placée sous la tutelle du gouverneur de province. Tutelle à
comprendre en « termes de contrôle à priori ou à posteriori » des actes.
Comment devrait s’opérer et être vécu ce contrôle dans la collaboration quotidienne
entre les Entités Territoriales Décentralisées et l’autorité des Entités Territoriales
Décentralisées provinciales.
Rien de tout cela n’est encore spécifié : les décrets d’application de la loi devant y
pourvoir tardent à être édictés. Or, les structures et les institutions sont déjà en place et
naviguent déjà, ou à vue d’œil, ou selon des modus vivendi (inter-) personnels ou
« politiquement », négociés. Cet état des choses risque d’être générateur des états de fait,
voire des faits accomplis, gros de tensions excessives et affrontements, intercommunautaires
ou des titans, préjudiciables à l’autorité même de la loi, nuisibles aux autorités des ETD ; à
celle de l’autorité provinciale et catastrophiques pour le bonheur de la population. Ce danger
n’est pas qu’hypothétique.. il est inscrit même dans la dialectique des institutions et des
entités en présence d’autant plus que la loi n° 081-012 du 31 juillet 2008 portant principes
fondamentaux relatifs à la libre administration des provinces confèrent aux provinces, mutatis
mutandis, les mêmes attributs qu’aux Entités Territoriales Décentralisées, comme elles
(article2). :
-elles sont dotées de la personnalité juridique ;
-elles jouissent de l’autonomie de gestion de leurs ressources humaines
,économiques, financières et techniques- qu’elles doivent cependant, le cas échéant et
conformément aux dispositions de la loi 08-à&- ?.ART. 100,103, mettre en service des Entités
30
Territoriales Décentralisées, si ces dernières ne réquisitionnent pas tout simplement, mais
conformément à la loi, les services des organismes de l’État ou de la province installés dans
leur ressort.
4.4. UN PRAXIS JURIDIQUE NOUVEAU AU SERVICE D’UNE GESTION
RENOUVELLEE DE LA RES PUBLICA.
Il importe aussi de noter l’introduction, dans la dénomination des Entités
Territoriales Décentralisées d’un nouveau vocabulaire politique qui met l’accent sur la
délibération et sur la concertation, propres à la gouverne mentalité de type démocratique. Les
organes des Entités Territoriales Décentralisées sont, en effet, soit « des conseils », soit des
« collèges ». Cela nous change du vocabulaire pas trop autocratique de l’unitarisme unitaire et
directif et des pratiques par trop centralisatrices de ses « comités populaires » et de ses «
commissaires politiques ou du peuple ». L’option du législateur pour des termes plus
consensuels comme « conseils », « collèges », « organes délibérants », « autorités exécutives
locales », « membres des organes délibérants », est une confirmation de son adhésion à la
volonté expressément exprimée par le constituant.. :
Ø de privilégier, dans la gestion de la res publica, le principe démocratique et
absolue d’écouter et de respecter le « souverain primaire ».
Ø de garantir l’expression plurielle des opinions du peuple ;et
Ø de bannir toute tentative d’institution d’un parti unique en l’ érigeant en
« infraction de haute trahison (confer exposé des motifs, point 1, 5, et6
Voilà pourquoi la loi dépouille aussi les présidents de ces conseils et de ces collèges
de tout pouvoir de type autocratique ou discrétionnaire. S’ils continuent de statuer, comme il
sied, par voie d’arrêté, ils ne doivent le faire qu’ « après délibération du conseil ou du conseil
réunis » (article 14-27 ,45 ,45 ,62 ,63). Et, les conseils, comme les collèges, ne sont plus
des « officines des consorts » en vue de pérenniser un règne absolu ou un état des choses
intéressé. Ils ont un rôle sociopolitique clair : être des « organes délibérants ». L’épithète
condense, dans ce contexte précis, une manière nouvelle de penser « politiquement » la chose
publique et de la convoyer autrement.6.
4.5. ACQUIS DES IMMUNITES CONTRE DES POURSUITES JUDICIAIRES ET DE
PRIVILEGE DE JURIDICTION.
31
Pour assurer à ceux qui administrent ces organes une sécurité financière réfractaire
à la corruption et une bonne indépendance d’esprit et d’initiative capable de consolider leurs
compétences, le législateur :
- Assure aux « membres de ces organes délibérants » « des immunités des
poursuites » conséquentes, dans les limites des dispositions de l’article 107 de la
constitution » et de celles des articles 32, 120. de la présente loi.
- Institue au bénéfice des ‘’ autorités ‘’ des Entités Territoriales Décentralisées ‘’
un privilège de juridiction’’ qui fait que le Maire, le maire –adjoint et le président du conseil
urbain sont justiciables, en matière pénale, de la cour d’appel et le conseil urbain , le
bourgmestre, le chef de secteur et de chefferie et leurs adjoints ainsi que les conseillers
communaux, de secteur et de chefferie le sont, en cette même matière, justiciables du tribunal
de grande instance ‘( article 121). Sans oublier la part active accordée au conseil et au bureau
du conseil de se prononcer sur l’arrestation éventuelle d’un de leurs membres, en cours de
sessions, et sur son éventuelle détention, étant sauves les dispositions de l’article120 de la
présente loi.
- Recommande que le personnel commis aux Entités Territoriales
Décentralisées ait droit à une indemnité équitable qui lui assure indépendance et dignité
(article10).
32
CONCLUSION.
La décentralisation territoriale, politique et administrative congolaise a évolué en
dents de scie depuis son accession à la souveraineté nationale et internationale au 30 juin
1960.
En effet , les reformes enregistrées de 1960-1982 démontrent à suffisance la tendance
vers la centralisation du pouvoir dans les mains d’une seule personne agissant comme garant
de la nation et de l’intérêt national au mépris des règles qui conduirait le pays vers le mieux
être et la bonne gestion des affaires publiques de l’État.
Cependant, l’élargissement des compétences aux entités administratives
décentralisées en allégeant celles du pouvoir central va de soi que leurs moyens d’action
empruntent la même tendance ; d’où la nécessité d’un aménagement ou d’une reforme du
système fiscal.
Tout en reconnaissant la modicité des budgets des entités territoriales décentralisées,
leur gestion va dans le sens de dysfonctionnement dans la mesure où les fonds de péréquation
sont irrégulièrement versés, voire même inappliqués du tout par le gouvernement central, qui
sous prétexte de créer un déséquilibre budgétaire entre les provinces refuse la retenue à la
source et viole délibérément la constitution à cet effet.
L’instauration d’une assemblée provinciale devant laquelle le gouvernement
provincial devra rendre compte de sa gestion lors du vote de la loi et des règlements sur
l’exécution du budget provincial peut être considérée comme une avancée sur la voie de la
bonne gestion des affaires de l’État.
Il est regrettable que trois ans seulement après la promulgation de la constitution du
18 Février 2006 et son expérience en RDC, les décideurs politiques vers un assaut fiévreux du
carriérisme politique veulent amender la constitution sous prétexte que le découpage
territorial est une utopie, car favorisant certaines provinces qui ont des infrastructures au
détriment des autres provinces.
33
BIBLIOGRAPHIE
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2) ALLIOT, M., le droit et le service public au miroir de l’anthropologie, Karthala, paris,
2003, p.230.
3) Banque mondiale, document n°42612-ZR, la RDC, décentralisation en RDC : note sur
la décentralisation fiscale, (janvier 2008), p.8.
4) Bastien François, « justice constitutionnelle et démocratie constitutionnelle : critique du
discours constitutionnaliste européen », in CURAPP, Droit et politique, PUF, 1993,
pp.53-63.
5) BON, P.l.v.’ État autonomique, forme nouvelle ou transitoire en Europe, paris,
economica, 1994, p.6O.
6) BRAUD, Ph, la science politique ii, l’État, paris, seuil, 1977, p.229.
7) Cité par AUBIN, E., et ROCHE, C., l’essentiel du nouveau droit de la décentralisation,
Giuliano éditeur, Paris, 2006, p.21.
8) CONAC, G. l’Afrique en transition vers le pluralisme politique, économica, paris, 1993,
p. 5.
9) DJOLI, Eseng’Ekeli, « les entités territoriales déconcentrées : contre poids ou contrefort
de la décentralisation congolaise », in Congo- Afrique, n°432, Février 2009, pp.83-160.
10) Dominique Rousseau, la justice constitutionnelle en Europe, Paris, montchrestien, 1996,
pp.43-44.
11) DURKHEIM, E., cours de sciences sociales, leçon d’ouverture (1888), XV, pp.23-24,
Revue internationale de l’enseignement, la science sociale et l’action, PUF, 1970, p.334.
12) Exposé des motifs de la constitution du 18 février 2006, in journal officiel de la RDC,
47 ème année, numéro special.
13) Faustin TOENGAO L okundo, « la reforme sur la décentralisation et le découpage
territorial : portée et faiblesse »,in Congo- afrique,n° 433 ?mars 2009,pp.15
14) FUKUYAMA,F,state building, gouvernance et ordre du monde au XXe s,la table,
paris,2004,p.2.
15) J.C. WILLAME, Les provinces du Congo, structures et fonctionnement, n°5,
Léopoldville, 1965, p .121.
16) JAN VANSINA, living with Africa, Madison, 1994, p.230.
17) KABANGE, NT ., droit administratif, tome III, Kinshasa, 2001,p .32.
18) KABANGE, Nt., droit administratif, université de Kinshasa, 2001,p.10 .
34
19) KANYINDA LUSANGA, « la décentralisation territoriale zaïroise à l’épreuve de la
théorie et des faits », in les cahiers du CEDAF (avril 1984), n° 2, p.1.
20) Kengo Wa Dodo, ‘reforme de la territorial et respect de l’unité nationale, palais du
peuple, Kinshasa, sept. 2008, p.4.
21) La conférence nationale souveraine s’est tenue au palais du peuple du 31 juillet 1991 au
6 décembre 1992.
22) La Constitution du 18 avril 2006.
23) La loi n°08/015 du 07 octobre 2008 portant modalités de l’organisation et du
fonctionnement de la conférence des gouverneurs de province.
24) La loi n°8/012 du 31 juillet 2008 portant principes fondamentaux relatifs à la libre
administration des provinces.
25) La loi organique n° 08/016 du 07octobre 2008 portant composition, organisation et
fonctionnement des entités territoriales (ETD) et leurs rapports avec l’État et les
provinces.
26) LACHAUME,J.F., décentralisation ou libre administration ? Rapport introductif du
colloque de Bordeaux sur les vingt ans de la décentralisation, septembre 2002, gaz
CNES,2003.
27) Le dialogue inter-congolais a fait suite à l’accord de Lusaka (Zambie) du 10juillet 1999
pour un cessez- le feu en RDC, voir journal officiel, (mai 2001), numéro special,
pp.105-111. ; qui, en son article3, point 19 préconise la tenue d’un Dialogue national
ouvert en vue de l’instauration d’un nouvel ordre politique et de la réconciliation
nationale. CES NEGOCIATIONS Ont eu lieu à Sun-city (Afrique du Sud), du 25
février au 12 avril 2002.
28) Le texte en est présenté dans VUNDWAWE te Pemako, la décentralisation territoriale
des responsabilités au Zaïre. Pourquoi et comment ? dans Zaïre Afrique (1982) n°165,
p.261-273 et n°166, p.327-343.
29) Léon de st MOULIN, les défis et les enjeux du découpage administratif », in Congo-
Afrique, N°432, février 2009, pp.83-160.
30) Léon de st Moulin, « historique de l’organisation administrative du Zaïre », Zaïre –
Afrique (avril 1988) n°224, pp.24-26.
31) Les codes Larcier, Bruxelles, de Boeck et Larcier, 2003, tome VI, vol.1, p. 23-44.
32) Lettre sur la décentralisation, RDP, avril, 1985, p .1
33) LIEGEOIS, M., la décentralisation en RDC, enjeux et défis, GRIP,1 /2008.p.7 .
35
34) MABI MULUMBA, décentralisation et problématique de fiscalité, in Congo, n°432,
Février 2009,pp 126-
35) MADIOT,Y., « les techniques des corrections de compétences entre collectivités
locales »,RFDA 1996,p.964.
36) MOBUTU SESE SEKO, Discours prononcé à l’ouverture du 4è congrès du MPR, le 16
mai 1988 », Discours et messages 1983-1988 , t. 4., paris, les Éditions du jaguar,
pp.631-632.
37) MODERNE, F., Lestât des autonomies dans l’État autonomique, in revue française de
droit constitutionnel, 1990, n°2, p.205.
38) MOUNTAIN,R.,in Monluc magazine, janvier-février 2008,p.13.
39) PETER GABEL, « critical legal studies et pratique juridique : la conception de la
culture juridique et de la pratique du droit comme interventions culturelles » in revue
droit et societé, n° 36-37, 1997.
40) Selon le décret du 2 mai 1910, dans bulletin officiel du Congo –belge (1910), p.456-
471)
41) Simon pierre METENA M’nteba, « des entités territoriales décentralisés (ETD) »,
pourquoi faire ?in Congo- Afrique, n°433, mars 2009, pp ; 187.
42) TSHIAMA, J.R et SANA Clarisse, « Des entités déconcentrées et décentralisées pour
asseoir la bonne gouvernance », in journal du citoyen, hebdomadaire indépendant
d’éducation civique, p.1.
43) VANDERLINDEN, J , « justice et droits : quels droits appliquer ? le juge et la coutume
en Afrique aujourd’hui », in Afrique contemporaine, numéro special 156 sur la justice
en Afrique ,4è trimestre 1990, pp.233-235)
44) VIRCOULON, th. « ambigüités de l’intervention internationale en RDC », in politique
africaine, n°98, juin, 2005, p.80.
45) VUNDWAWE, T., la dynamique de la décentralisation en RDC », in Congo-Afrique,
n°432, Février 2009, pp.83_160.