la decentralisation - cgt

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_________________________________________________________________________________ 1 PREMIERE REFLEXION ET DOCUMENTATION SUR LA DECENTRALISATION _______________________________________________________________ RĂ©alisĂ© par le SecrĂ©tariat RĂ©gional avec la participation du Responsable CGT au C.E.S.R. _______________________________________________________________ SOMMAIRE Note sur les rĂ©formes du Gouvernement Raffarin Annexes Un peu d’histoire Quelques principes fondamentaux Les Cahiers de l’Institut de la DĂ©centralisation http://idecentralisaton.asso.fr Revue de Presse S Les Echos du 18 juillet 2002 AccĂšs aux archives payant en ligne http://www.lesechos.fr (Le SĂ©nat veut participer pleinement au chantier de la dĂ©centralisation – Jean- Pierre Raffarin dĂ©fend la cohĂ©rence Etat-rĂ©gions) S Le Monde du 24 septembre 2002 et du 27 septembre 2002 AccĂšs aux archives payant en ligne http://www.lemonde.fr (Une Constitution europĂ©enne – Robert Badinter : ma Constitution pour l’Europe – Patrick Devedjian : l’Etat doit corriger les inĂ©galitĂ©s entre les rĂ©gions) S L’Huma hebdo des 12 et 13 octobre 2002 AccĂšs aux archives gratuit en ligne : http://humanite.presse.fr

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Page 1: LA DECENTRALISATION - CGT

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PREMIERE REFLEXIONET DOCUMENTATION SUR

LA DECENTRALISATION

_______________________________________________________________

Réalisé par le Secrétariat Régionalavec la participation du Respon sable CGT au C.E.S.R.

_______________________________________________________________

SOMMAIRE

Ÿ Note sur les rĂ©formes du Gouvernement Raffarin

Ÿ Annexesïżœ Un peu d’histoireïżœ Quelques principes fondamentaux

Ÿ Les Cahiers de l’Institut de la DĂ©centralisation http://idecentralisaton.asso.fr

Ÿ Revue de Presse

ïżœ Les Echos du 18 juill et 2002 AccĂšs aux archives payant en ligne http://www.lesechos.fr(Le SĂ©nat veut participer pleinement au chantier de la dĂ©centralisation – Jean-Pierre Raffarin dĂ©fend la cohĂ©rence Etat-rĂ©gions)

ïżœ Le Mond e du 24 septembre 2002 et du 27 septembre 2002AccĂšs aux archives payant en ligne http://www.lemonde.fr(Une Constitution europĂ©enne – Robert Badinter : ma Constitution pour l’Europe –Patrick Devedjian : l’Etat doit corriger les inĂ©galitĂ©s entre les rĂ©gions)

ïżœ L’Huma hebdo d es 12 et 13 octobre 2002AccĂšs aux archives gratuit en ligne : http://humanite.presse.fr

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NOTE SUR LES REFORMES DU GOUVERNEMENT RAFFARINCONCERNANT LA DECENTRALISATION

Le 06/09/2002, le premier ministre a inaugurĂ© la premiĂšre Ă©tape de sa politique dedĂ©centralisation en signant une convention d’expĂ©rimentation avec la rĂ©gion Alsace qui gĂ©reraelle-mĂȘme les fonds europĂ©ens destinĂ©s Ă  des projets de dĂ©veloppement dans la rĂ©gion soit 110millions dâ€™ÂŒïżœSRXUïżœODïżœSpULRGHïżœïżœïżœïżœïżœïżœïżœïżœïżœïżœïżœAu travers de sa politique de dĂ©centralisation, le Premier Ministre prĂ©tend construire une« RĂ©publique des proximitĂ©s ». Lors de la prĂ©sentation de sa dĂ©claration de politique gĂ©nĂ©raledevant l’assemblĂ©e Nationale, il en avait dĂ©fini les principes, fixĂ© l’esprit, prĂ©cisĂ© la mĂ©thode.

1° ) Les principes :‱ la cohĂ©rence entre l’Etat et les collectivitĂ©s territoriales. Il entend lutter contre les

disparitĂ©s territoriales,‱ la proximitĂ© « c’est le champ d’action des dĂ©partements, des communes et de leurs

groupements ».

2° ) L’esprit :‱ un nouveau transfert de compĂ©tences,‱ une clarification des compĂ©tences,‱ un droit Ă  l’expĂ©rimentation.

3° ) La mĂ©thod e :‱ « la concertation, le pragmatisme et l’expĂ©rimentation ».

Le Premier ministre entend aller vite, le calendrier est serrĂ© :‱ le gouvernement entend engager une rĂ©forme constitutionnelle, le projet viendrait au

Conseil des Ministres Ă  la mi-octobre – le 16 – et au SĂ©nat le 19 octobre,

‱ des assises rĂ©gionales des libertĂ©s locales se tiendraient du 15 octobre au 15 janvierdans chaque rĂ©gion de France. En rĂ©gion Centre, elles se tiendront le 19 octobre,prĂ©cĂ©dĂ©e par des ateliers dĂ©partementaux,

‱ une loi organique, en janvier, viendra ensuite cadrer le dispositif en lançant des« expĂ©rimentations », d’autres lois devraient suivre afin d’approfondir les lois Deferre.1

La nature et le contenu du calendrier confirment que les intentions gouvernementales sont defaire franchir Ă  l’évolution institutionnelle de notre pays une Ă©tape nouvelle dont la force etl’ampleur sont dĂ©terminĂ©es par le caractĂšre constitutionnel de la reforme, alors que depuis 1982jusqu’à ce jour la dĂ©centralisation a Ă©tĂ© mise en Ɠuvre par la voie lĂ©gislative en conformitĂ© avecla constitution.

Pour la Cgt, il est indispensable de tenter d’en percevoir les contours, les fondements et lesconsĂ©quences prĂ©visibles de ce que d’aucuns appellent « l’Acte II de la DĂ©centralisation ». Il enva de l’efficacitĂ© de l’action revendicative de classe

1 Informations publiées sur le site du Premier Ministre. WWW. Premier-ministre.gouv.fr

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Raffarin communique beaucoup sur la dĂ©centralisation, pour autant, le besoin et l’affirmation duprincipe de la nĂ©cessaire poursuite de la dĂ©centralisation ne sont pas nĂ©s avec le Gouvernementactuel.

Le besoin de poursuivre la dĂ©centralisation prend sa source tant la nĂ©cessitĂ© d’approfondir ladĂ©mocratie locale que par le niveau atteint par toute sociĂ©tĂ© dĂ©veloppĂ©e, ainsi que par l’essor dessciences et de techniques et le dĂ©veloppement des technique de l’information et de lacommunication.

En effet les modalités de la poursuite de la décentralisation, son contenu et son ampleur ontdonné lieu à une vaste et importante réflexion, des partis politiques, mais aussi des pouvoirspublics au travers de la commission Mauroy ou des travaux récents du Sénat pour ne citer queceux là.

Cette rĂ©flexion a Ă©tĂ© ponctuĂ©e par des dĂ©cisions politiques de transferts de compĂ©tences – TERet Formation professionnelle- et d’évolution des collectivitĂ©s territoriales – transfert du pouvoirrĂ©glementaire et de la facultĂ© d’adaptation de la loi Ă  la Corse – au travers des Accords Matignon.

ParallÚlement à cela des réformes de grandes ampleurs ont été entreprises ou poursuivies :

‱ celle concernant les collectivitĂ©s territoriales avec les lois Voynet et ChevĂšnement et lamise en Ɠuvre de la deuxiĂšme gĂ©nĂ©ration des contrats de pays,

‱ celle de l’Etat au travers des restructuration des services centraux et dĂ©concentrĂ©s,

‱ le secteur public et nationalisĂ© est en passe d’ĂȘtre totalement dĂ©nationalisĂ©,

‱ privatisĂ© ou transformer en entreprise mixte - avec le succĂšs que l’on connaĂźt avecFrance TĂ©lĂ©com – sous l’impulsion des politiques Ă©conomiques libĂ©rales.

Les libĂ©raux – de gauche comme de droite – font de la dĂ©centralisation un axe majeur de leurpolitique.

Le thÚme central de leur argumentation à destination de la population se résume en unephrase : « il faut mettre fin au centralisme jacobin et construire un Etat moderne et décentralisé ».

Cette formule choc, de caractĂšre Ă©lectoral, masque l’essentiel : le contenu, la forme d’un « Etatmoderne et dĂ©centralisĂ© », la nature et le contenu de la dĂ©centralisation et les objectifs que leslibĂ©raux assignent Ă  un « Etat moderne et dĂ©centralisĂ© ».

(Notons pour mĂ©moire : les mutations en cours, l’Europe, la Convention sur les rĂ©formesinstitutionnelle de l’Europe prĂ©sidĂ©e par Giscard d’Estaing, l’OMC et les organismesinternationaux.)

Toutefois Ă  l’approche des Ă©lections prĂ©sidentielles et lĂ©gislatives, les libĂ©raux ont, au travers dedivers travaux, notamment ceux de « l’Institut de la DĂ©centralisation » affinĂ© leurs argumentationset propositions dans une Ă©tude intitulĂ©e « Etat, organisation territoriale : de la « reforme » auxĂ©volutions constitutionnelles », prĂ©facĂ©e par messieurs Balligand, MĂ©haignerie, Savy, Zeller ettraduisant sous la plume d’Hugues Portelli, les travaux d’une commission composĂ©e depersonnalitĂ©s de tous horizons politiques, la Cfdt y Ă©tait reprĂ©sentĂ©e par un secrĂ©taire confĂ©dĂ©ral,qui a procĂ©dĂ© Ă  de multiples auditions de dirigeants politiques.

La notoriété des participants doit nous conduire à accorder du crédit au travail réalisé et auxpropositions présentées.

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Le projet Raffarin, pour ce que l’on en connaĂźt Ă  ce jour semble reprendre et l’esprit et la lettre desces recherches, comme le projet qu’entend prĂ©senter F. Bayrou pour affirmer la prĂ©Ă©minence desa famille de pensĂ©e sur la dĂ©centralisation et l’Europe.

L’argumentaire de l’Institut de la DĂ©centralisation peut se rĂ©sumer ainsi :

‱ Les lois Defferre ont Ă©tĂ© de grandes lois. Leurs effets sont positifs.

‱ Elles revĂȘtent un caractĂšre administratif et gestionnaire.

‱ Elles n’ont pas remis en cause le rĂŽle prĂ©pondĂ©rant de l’Etat central.

‱ Elles ne rĂ©pondent plus ou mal aux exigences de la mondialisation et de la constructioneuropĂ©enne.

‱ Elles ont Ă©tĂ© bousculĂ©es par les lois Voynet et ChevĂšnement.

‱ Elles n’intĂšgrent pas l’émergence de l’urbain et le rĂŽle de l’agglomĂ©ration.

‱ Elles n’intĂšgrent pas les Ă©volutions intervenues dans le statut des rĂ©gions pĂ©riphĂ©riques(DOM, TOM, Nouvelle CalĂ©donie etc.) et de la Corse.

‱ Quant Ă  l’Etat central il n’a pas engagĂ© un processus de rĂ©forme suffisant.

‱ La dĂ©centralisation est inachevĂ©e. Il faut passer Ă  un stade nouveau et assurer unerupture. Les diffĂ©rentes propositions de rĂ©forme telle celle du rapport Mauroy ou durapport du SĂ©nat ne rĂ©pondent pas Ă  cela.

Si la critique est sévÚre, elle illustre parfaitement les enjeux actuels.

En effet, l’auteur du rapport affirme :

« La dĂ©centralisation française a probablement marquĂ© la derniĂšre tentative historique d’opĂ©rerun compromis entre les principes fondamentaux dont procĂšdent en France l’État et les institutionsadministratives et politiques (Ă©galitĂ©, uniformitĂ©, indivisibilitĂ© de la RĂ©publique, etc.) et la doublenĂ©cessitĂ© politique et fonctionnelle de dĂ©centraliser l’État et la dĂ©mocratie. Reste Ă  savoir si ce“compromis” — tel qu’il est issu, pour l’essentiel, des grandes lois du dĂ©but des annĂ©es 80 —, estd’une efficacitĂ© comparable aux autres systĂšmes europĂ©ens, s’il est capable de s’adapter auxĂ©volutions en cours ou prĂ©visibles (par exemple aux consĂ©quences de l’affirmation del’agglomĂ©ration comme niveau territorial Ă  part entiĂšre) — mais aussi de rĂ©pondre aux nouvellesrevendications Ă©mergentes, qu’il s’agisse de l’outre-mer ou du rĂšglement du problĂšme Corse ».2

L’alternative serait la suivante : « Poursuivre et approfondir la dĂ©centralisation française dans lalogique politique, juridique et administrative de ses “pĂšres fondateurs”, ou donner Ă  ladĂ©centralisation Ă  la fois une force, une inflexion rĂ©gionale et, sans sortir du cadre rĂ©publicain, lesmoyens constitutionnels d’épouser la diversitĂ© et de fonder juridiquement un nouveau modĂšle dedĂ©mocratie locale et d’organisation des pouvoirs : telle apparaĂźt bien aujourd’hui l’alternative, pourtoute rĂ©flexion prospective sur l’avenir des pouvoirs locaux ».3

2 « Etat, organisation territoriale : de la « reforme » aux Ă©volutions constitutionnelles ». Hugues Portelli . Les cahiers de l’ institutde la dĂ©centralisation.3 « Etat, organisation territoriale : de la « reforme » aux Ă©volutions constitutionnelles ». Hugues Portelli . Les cahiers de l’ institutde la dĂ©centralisation.

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Quant aux auteurs de l’étude ils s’inscrivent sans ambiguĂŻtĂ© sur la voie du deuxiĂšme terme del’alternative :

« Les “lois Defferre” ont desserrĂ© le carcan centralisateur de l’État en dĂ©centralisant certainesfonctions. L’étape suivante ne doit-elle pas alors consister Ă  donner un fondement constitutionnelĂ  la dĂ©centralisation, et d’ouvrir la voie Ă  un nouvel ordre dĂ©centralisĂ© : renforcement desgouvernements rĂ©gionaux (incluant Ă©ventuellement un droit normatif d’adaptation des lois),dĂ©mocratisation du niveau de l’agglomĂ©ration, rĂ©organisation subsidiaire et extension par denouveaux transferts des compĂ©tences locales, renforcement de la dĂ©mocratie locale et, pour lecitoyen, de la lisibilitĂ© du systĂšme local, garantie apportĂ©e Ă  un Ă©quilibre des ressources localesentre autonomie fiscale et financiĂšre, etc. Mais il s’agit aussi de “dĂ©centraliser l’Europe” : l’UnioneuropĂ©enne n’a pas de vĂ©ritable politique rĂ©gionale et locale puisque celle-ci reste de lacompĂ©tence des États. Doit-on en rester lĂ  ou considĂ©rer que le principe de subsidiaritĂ©, reconnupar les traitĂ©s europĂ©ens, doit se dĂ©cliner aux niveaux infra Ă©tatiques ? En tout Ă©tat de cause,cette reconnaissance permettrait d’engager une rĂ©flexion sur la rĂ©partition des compĂ©tences entreou d’application tous les niveaux : europĂ©en, national, rĂ©gional et local. Bref, il s’agit d’ores et dĂ©jĂ d’envisager une Ă©volution stratĂ©gique vers un partenariat moderne dans lequel l’État ne serait pasincitĂ© Ă  se dĂ©sengager mais Ă  s’engager autrement ».4

Suivent une sĂ©rie de propositions de modifications des articles de la Constitution, ainsi qu’uneproposition de loi constitutionnelle entiĂšrement rĂ©digĂ©e.

Certes, il serait imprudent d’affirmer que cette proposition de loi rĂ©digĂ©e par un groupe de travailde l’institut de la dĂ©centralisation, deviendra le projet gouvernemental. Mais le rĂŽle important quejouent dans la vie politique française et dans la majoritĂ© actuelle les signataires de cetteproposition laisse Ă  penser qu’il influencera lourdement les rĂ©dacteurs du projet gouvernemental.

Ces évolutions sont bien évidemment des enjeux à venir au niveau européen (élargissement,réforme de la P.A.C, projet constitutionnel5).

La lecture des informations parcellaires livrĂ©es par le journal La Tribune dans son Ă©dition du lundi16/09/2002 relatives Ă  l’avant projet gouvernemental qui devrait ĂȘtre prĂ©sentĂ© devant le Conseildes Ministres le mercredi 18 septembre 2002, confirme que Raffarin s’inspire de cette propositionde loi.

Ne perdons pas de vue Ă©galement que le dĂ©bat sur le contenu de la poursuite de ladĂ©centralisation, les formes de celle-ci, ainsi que ses objectifs, traversent tous les partis politiqueset qu’un consensus entre libĂ©raux de droite comme de gauche peut se rĂ©aliser sur un socle detransformations institutionnelles, profondes de nature libĂ©rale via la rĂ©forme constitutionnelle etouvrant la voie Ă  des Ă©volutions ultĂ©rieures par la voie lĂ©gislative.

Examinons ces propositions.

Proposition 1 : Introdu ire la notion d e choix dans l’organisation institutionn elle locale.Il s’agit de reconnaĂźtre la possibilitĂ© pour les institutions locales, de choisir entre plusieurssystĂšmes d’organisation et de rĂ©partition des compĂ©tences. En effet, l’une des maniĂšres derĂ©pondre Ă  l’aspiration Ă  la diffĂ©renciation sans remettre en cause les principes fondamentaux del’organisation territoriale pourrait ĂȘtre de laisser les structures territoriales libres de choisir lesmodes d’organisation et de rĂ©partition des compĂ©tences qui leur paraĂźtrait les plus adaptĂ©es.Ainsi, sur un territoire dĂ©terminĂ©, des collectivitĂ©s de droit commun, c’est-Ă -dire, communes, 4 Idem5 voir le projet de Constitution EuropĂ©enne publiĂ© par Le Monde Ă©laborĂ© par Badinter

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dĂ©partements, rĂ©gions, mais aussi les organisations intercommunales, pourraient dĂ©terminerentre elles l’articulation des compĂ©tences effectivement attribuĂ©es qui relĂšvent du champ du localet nĂ©gocier avec l’État d’éventuels transferts de compĂ©tences nouvelles.

Proposition 2 :Simpli fier la multiplication des partenariats et les financements croisĂ©s.Il existe en effet un levier qui permettrait de remĂ©dier Ă  la confusion actuelle : il s’agirait de rendreillĂ©gal le financement d’une dĂ©pense publique par une personne publique qui ne disposerait pasde la compĂ©tence pour intervenir.

Proposition 3 :Elargir le champ de compĂ©tences des collectivitĂ©s terr itoriales.Le champ de compĂ©tences des collectivitĂ©s territoriales pourrait ĂȘtre fortement Ă©largi par voielĂ©gislative sous la forme de nouveaux transferts de l’État vers les collectivitĂ©s, et notamment larĂ©gion.

Proposition 4 :Faire évoluer le mode de représentation du Sénat.Il existe deux options : soit garder le systÚme de représentation indirect des territoires actuel maisen renforçant le poids des régions et en introduisant les supra communalités, une fois devenuescollectivités territoriales, soit en faisant du Sénat le représentant des régions, dont la diversitésociale, géographique et économique garantira le pluralisme de représentation des territoires.

Proposition 5 : DĂ©lĂ©guer des compĂ©tences aux communautĂ©s.Les communautĂ©s (urbaines, d’agglomĂ©ration ou de communes) placĂ©es sous le rĂ©gime de lataxe professionnelle unique pourraient obtenir, de droit, dĂ©lĂ©gation des compĂ©tences de gestionqui sont actuellement attribuĂ©es Ă  la rĂ©gion ou au dĂ©partement (ex : lycĂ©es, collĂšges, aidesociale). Le transfert des compĂ©tences et des ressources correspondantes s’opĂ©rerait par voie deconvention. En cas de dĂ©saccord sur les modalitĂ©s du transfert, le prĂ©fet serait appelĂ© Ă  trancher.

Proposition 6 :Supp rimer le principe d’interdiction d e la tutelle.Le principe d’interdiction de la tutelle d’une collectivitĂ© sur une autre pourrait ĂȘtre rĂ©visĂ© ou abrogĂ©en introduisant le principe de la coordination du niveau rĂ©gional sur les dĂ©partements, voire dessupra communalitĂ©s sur les communes.

APPROFONDIR LA DÉCENTRALISATION PAR LE BIAIS DE L’EXPERIMENTATION

Compte tenu de l’importance des rĂ©sistances au changement, la mĂ©thode pĂ©dagogique, quirepose sur l’administration de la preuve de l’utilitĂ© des rĂ©formes, est la voie la plus simple :l’expĂ©rimentation, telle qu’elle est prĂŽnĂ©e, notamment par la proposition de loi constitutionnelleexaminĂ©e en janvier 2001 (et qui pourrait aboutir Ă  une rĂ©vision constitutionnelle) consiste en lapossibilitĂ© pour les collectivitĂ©s territoriales d’adopter une rĂ©glementation dĂ©rogeant Ă  lalĂ©gislation dans un domaine prĂ©cis, pour une durĂ©e limitĂ©e, afin que le lĂ©gislateur dĂ©cide, aux vudes rĂ©sultats concrets qu’il aura Ă©valuĂ©, s’il convient de maintenir, gĂ©nĂ©raliser ou abandonnercette rĂ©forme (10).

DONNER UN FONDEMENT CONSTITUTIONNEL À L’ETAT MODERNE DÉCENTRALISÉ

Axe 2 : ReconnaĂźtre plus clairement la valeur constitutionnelle des principes de libreadministration et de libre gestion des collectivitĂ©s territoriales.Le renvoi Ă  l’article 34 C. serait limitĂ© tandis que ces principes seraient affirmĂ©s solennellementdans le nouvel article 72 C.

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Le mécanisme serait alors le suivant :- La Constitution proclame les principes de libre administration et de libre gestion

dans le nouvel article 72 C.

- Le lĂ©gislateur est chargĂ© de garantir leur mise en oeuvre sur la base de l’article 34C. rĂ©visĂ© et de l’article 21 C. rĂ©visĂ©.

- Le juge constitutionnel veille au respect par le législateur de ces principes, y comprisgrùce à la saisine par les élus locaux.

- La constitution reconnaĂźt (dans l’article 72 C. rĂ©visĂ©) le pouvoir rĂ©glementaire deprincipe des collectivitĂ©s territoriales pour l’exercice de leurs compĂ©tencesrespectives.

Proposition 8 :Modification d es articles 72, 73 et 74 C.Article 72 C nouveauLes collectivitĂ©s territoriales mĂ©tropolitaines de la RĂ©publique sont les communes, lesdĂ©partements et les rĂ©gions. Toute crĂ©ation, fusion ou suppression de collectivitĂ© territorialemĂ©tropolitaine est dĂ©cidĂ©e par la loi. «Ces collectivitĂ©s territoriales s’administrent et se gĂšrentlibrement par des conseils Ă©lus. Elles exercent le pouvoir rĂ©glementaire dans les domaines decompĂ©tences que leur attribue la loi». Dans les dĂ©partements et les rĂ©gions, le dĂ©lĂ©guĂ© dugouvernement a la charge des intĂ©rĂȘts nationaux, du contrĂŽle administratif et du respect des lois.

Article 74 C nouveauLes autres collectivitĂ©s d’Outre-Mer jouissent de l’autonomie. Elles s’administrent elles-mĂȘmes etgĂšrent dĂ©mocratiquement et librement leurs propres affaires, Ă  l’exception de la politiqueĂ©trangĂšre, de la dĂ©fense et de la monnaie, qui sont de la compĂ©tence de la RĂ©publique française.

Proposition 9 :Modification d e l’article 34 C.Le nouvel article 34 C. serait modifiĂ© comme suit : «La loi dĂ©termine les principes fondamentauxdes compĂ©tences et ressources des collectivitĂ©s territoriales. Elle garantit la pĂ©rĂ©quationfinanciĂšre entre ces collectivitĂ©s.»

Proposition 10 :Modification d e l’article 21 C.L’article 21 C. relatif au Premier ministre serait Ă©galement rĂ©visĂ© pour garantir ce pouvoirrĂ©glementaire : «(
) Sous rĂ©serve des dispositions de l’article 13 et de l’article 72, il exerce lepouvoir rĂ©glementaire(
)».

Proposition 11 :Modification d e l’article 64 alinĂ©as 2 C.(
) Les lois peuvent ĂȘtre dĂ©fĂ©rĂ©es au Conseil constitutionnel, avant leur promulgation, par lePrĂ©sident de la RĂ©publique, le Premier ministre, le prĂ©sident de l’AssemblĂ©e nationale, leprĂ©sident du SĂ©nat, soixante dĂ©putĂ©s ou soixante sĂ©nateurs, cinq prĂ©sidents de conseilsrĂ©gionaux ou dix prĂ©sidents de conseils gĂ©nĂ©raux.

Axe 3 : Assouplir certains principes constitutionnels trop contraignantsUne rĂ©vision plus profonde (et peut-ĂȘtre ultĂ©rieure) pourrait attaquer de front plusieurs principesconstitutionnels traditionnels :

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Proposition 12 :Assoup li r le principe d’ind ivisibili tĂ© de la RĂ©pub liqueLe principe d’indivisibilitĂ© de la RĂ©publique pourrait ĂȘtre assoupli en reconnaissant officiellementle rĂŽle des autonomies locales. L’article premier pourrait ĂȘtre complĂ©tĂ© comme suit (sur le modĂšlede l’article de la Constitution italienne) : «La France est une RĂ©publique indivisible, laĂŻque,dĂ©mocratique et sociale. Elle assure l’égalitĂ© devant la loi de tous les citoyens sans distinctiond’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Elle reconnaĂźt et favorise lesautonomies rĂ©gionales et locales.»

Proposition 13 :Assoup li r le principe d’uniformitĂ©Il pourrait ĂȘtre possible de maintenir les dĂ©partements dans certaines rĂ©gions et de les supprimerailleurs, ou de transfĂ©rer en partie leurs compĂ©tences aux rĂ©gions dans certaines de cesderniĂšres. (voir modification de l’article 72 C. in proposition n° 6)

Axe 4 : Introduire dans la Constitution le principe de subsidiaritĂ© Promue par le ParlementeuropĂ©en, le Conseil de l’Europe ou le ComitĂ© des rĂ©gions, plus familiĂšre au fĂ©dĂ©ralisme qu’à ladĂ©centralisation “à la française”, l’exigence de subsidiaritĂ© se fonde sur le couple LibertĂ©-solidaritĂ©: il s’agit de rechercher et reconnaĂźtre le meilleur niveau possible pour l’exercice d’une ou decompĂ©tences et de rĂ©Ă©valuer les attributions de l’État et des organisations locales. Evidemment,la subsidiaritĂ© ne saurait ĂȘtre conçue comme dĂ©nominateur commun, tant les États europĂ©enssont culturellement et politiquement divers. Ses traductions possibles mĂ©ritent toutefois attention.

Une certaine forme de subsidiaritĂ© n’est d’ailleurs pas entiĂšrement absente des relations entrel’État central et les collectivitĂ©s locales françaises. Le projet rĂ©fĂ©rendaire de 1969, lareconnaissance de spĂ©cificitĂ©s territoriales, la conception de l’intercommunalitĂ© contenue dans la“loi A.T.R.” de 1992, la politique de dĂ©veloppement et d’amĂ©nagement du territoire consacrĂ©e parles lois de 1995 et 1999, plus encore les “pays”, voire certaines dispositions sur ladĂ©concentration, n’en jettent-ils pas les bases ?Il semble nĂ©cessaire de s’engager, par Ă©tapes,sur la voie d’une reconstruction subsidiaire de l’ensemble de notre organisation territoriale, autourdu pĂŽle rĂ©gional, d’une part, de l’agglomĂ©ration et du “pays”, d’autre part. On pourra pour ce faires’inspirer de rĂ©formes et d’expĂ©riences Ă©trangĂšres, telle que l’approche “fĂ©dĂ©raliste” originaleamorcĂ©e en Italie.

Proposition 14 :DĂ©finir une organisation subsidiaire des territoires et des compĂ©tencesLa constitution devrait reconnaĂźtre le principe de subsidiaritĂ© dans son article 3 de façon gĂ©nĂ©ralede façon Ă  laisser au juge constitutionnel le soin de l’interprĂ©ter et de l’articuler avec les principestraditionnels du droit public français.Au travers de ces propo sitions, l’évolution institutionn elle de notre pays es t clairementtracĂ©e. En fait l’Etat moderne et dĂ©centralisĂ© qu’ils construisent, est un Etat RĂ©gional detype quasiment fĂ©dĂ©ral, inscrit lui-mĂȘme dans un ensemble europĂ©en lui aussi de typefĂ©dĂ©ral. Il est caractĂ©risĂ© par un pou voir rĂ©gional fort dotĂ© du pou voir rĂ©glementaire etd’adaptation d e la loi, un pou voir rĂ©gional mis en Ɠuvre par un go uvernement inscrivantson action d ans le cadre du p rincipe europĂ©en de subsidiaritĂ©.

C’est la fin du p rincipe de la RĂ©publique Une et Ind ivisible et del’égali tĂ© des c itoyens et des collectivitĂ©s face Ă  la loi ! ! !

Peut-on encore parler de dĂ©centralisation ? La question mĂ©rite d’ĂȘtre posĂ©e,tellement la construction institutionn elle propo sĂ©e diffĂšre de l’Etat françaisactuel.

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Propo sitions de la CGT :

Il ne s’agit pas de dĂ©terminer une sĂ©rie de revendications mais de tracer quelques grands axespermettant d’engager un dĂ©bat sur les questions institutionnelles.

En effet nous ne devons pas perdre de vue que les institutions sont le produit des modes deproductions et des rapports sociaux, qu’en retour elles structures ces mĂȘme rapports sociaux etque c’est dans ce cadre lĂ , que se dĂ©roule la lutte des classes.

Il est indispensable de réaffirmer quelques grands principes fondamentaux, façonnés par lesluttes sociales, qui constituent des points de repÚres forts.

Tout d’abord il ne peut ĂȘtre question d e transiger sur ce qui constitue lesocle : la RĂ©pub lique Une et Indivisible.

Ce principe et les consĂ©quences institutionnelles qui en dĂ©coulent doivent ĂȘtre rĂ©affirmĂ©s avecforce et consolidĂ©s. Ils constituent des facteurs de cohĂ©sions et d’identitĂ©s sociales.

L’une de la traduction majeure de ce principe est celle de l’égalitĂ© de traitement des citoyens etdes collectivitĂ©s territoriales sur le territoire national.

Pour la CGT le principe de l’indivisibilitĂ© de la rĂ©publique est insĂ©parable de la notion d’Etatnation.

Des exemples quotidiens tant au niveau Ă©conomique, social dans notre pays que de par le mondeoĂč des luttes importantes se dĂ©roulent pour la reconnaissance des nations et des Ă©tatscorrespondants dĂ©montrent que la notion « d’Etat nation » est loin d’ĂȘtre dĂ©passĂ©e.

Au contraire, les effets de la mondialisation libérale lui confÚrent une actualité sans précédentavec des enjeux renouvelés (mixité des populations, progrÚs social).

La CGT considĂšre que la construction europĂ©enne doit ĂȘtre rĂ©orientĂ©e vers une Europe des Ă©tatsnations ce qui suppose que notre pays soit rĂ©tabli dans la plĂ©nitude de sa souverainetĂ© politique.

C’est sur ce socle de la rĂ©publique une et indivisible que doit ĂȘtre poursuivie la dĂ©centralisation.Selon nous la dĂ©centralisation rĂ©pond a une triple nĂ©cessitĂ© :

‱ RĂ©novation et approfondissement de la dĂ©mocratie locale

‱ DĂ©veloppement et renforcement des cohĂ©sions et solidaritĂ©s sociales et de la cohĂ©sionterritoriale,

‱ DĂ©veloppement Ă©conomique et Essor culturel et humanisme du quotidien

C’est pour cela que la CGT inscrit sa dĂ©marche dans la poursuite de la construction d’« uncompromis entre les principes fondamentaux dont procĂšdent en France l’État et les institutionsadministratives et politiques (Ă©galitĂ©, uniformitĂ©, indivisibilitĂ© de la RĂ©publique, etc.) et la doublenĂ©cessitĂ© politique et fonctionnelle de dĂ©centraliser l’État et la dĂ©mocratie ».

Cette poursuite devrait revĂȘtir plusieurs aspects :‱ il est urgent de clarifier les compĂ©tences transfĂ©rĂ©es, d’engager une rĂ©flexion sur

l’exercice de ces compĂ©tences et sur l’articulation entre l’action dĂ©concentrĂ©e et lescompĂ©tences transfĂ©rĂ©es,

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‱ besoin de rĂ©affirmer l’interdiction de toute tutelle entre collectivitĂ©s,

‱ besoin de clarification et de simplification des rapports entre les services de l’Etat et lesadministrations territoriales,

‱ l’Etat doit poursuivre son processus de dĂ©concentration. Aujourd’hui, la dĂ©concentrationest connue comme un outil de gestion de la pĂ©nurie budgĂ©taire, de dĂ©graissage deseffectifs, de rĂ©duction des services, de suppression de taches et d’introduction desmodes de type privĂ© dans la gestion des services administratifs. Il faut mettre fin Ă  cespolitiques et inverser le processus. La dĂ©concentration revĂȘtir un sens profondĂ©mentdĂ©mocratique. L’administration de l’Etat se doit d’ĂȘtre rĂ©ellement ouverte, transparente etlisible. L’Etat doit procĂ©der Ă  une dĂ©concentration gĂ©ographique de ces services auniveau des cantons, lĂ  ou les besoins l’exigent, pour rĂ©pondre aux besoins vrais deproximitĂ© notamment en zones rurales. ParallĂšlement il doit renforcer ces services auniveau rĂ©gional. Cette dĂ©concentration gĂ©ographique doit ĂȘtre accompagnĂ©e denouveaux droits pour les fonctionnaires afin qu’ils puissent intervenir plus efficacementsur la gestion de leurs statuts et des services,

‱ pour la CGT il ne serait ĂȘtre question de supprimer quelque collectivitĂ© territoriale que cesoit. Toutefois nous pensons que l’intercommunalitĂ© pour trouver sa pleine efficacitĂ© doitĂȘtre consentie et rĂ©pondre Ă  la recherche d’espaces et de structures pertinents pourtraiter efficacement les problĂšmes rencontrĂ©s tout en prĂ©servant et amĂ©liorant mĂȘme lefonctionnement de la dĂ©mocratie locale au plus prĂšs des citoyens. L’intercommunalitĂ© nepeut ĂȘtre un instrument de rĂ©duction des services publics locaux,

‱ il est nĂ©cessaire de renforcer le rĂŽle de la rĂ©gion pour en accroĂźtre l’efficacitĂ©.ParallĂšlement des mĂ©canismes de pĂ©rĂ©quation nationale pour lutter contre les disparitĂ©sterritoriales doivent ĂȘtre rĂ©nover et renforcer,

‱ le renforcement et le dĂ©veloppement de la dĂ©mocratie participative seraient un facteurd’amĂ©lioration de la dĂ©mocratie reprĂ©sentative,

‱ Il est urgent d’engager une rĂ©forme de la fiscalitĂ© locale avec pour objectifs de doter lescollectivitĂ©s territoriales des moyens financiers leur permettant d’assumer leurscompĂ©tences et de rĂ©pondre aux besoins, mais aussi de renforcer la cohĂ©sion sociale etterritoriale.

‱ il est nĂ©cessaire de renforcer la fonction publique territoriale d’amĂ©liorer le statut desfonctionnaires territoriaux ainsi que leur formation,

‱ Ă©laboration d’un statut de l’élu,

‱ mettre fin au dĂ©mantĂšlement des services publics.

A partir de l’adhĂ©sion Ă  ces principes fondateurs d’une dĂ©centralisation dĂ©mocratique de l’Etat -Nation, il convient de travailler Ă  des propositions concrĂštes de portĂ©es Nationales et rĂ©gionales

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ANNEXESLa Réforme RAFFARIN sur la décentralisation.

UN PEU D’HISTOIRE

Une nouvelle fois, les tenants de la rĂ©forme gouvernementale tentent de rĂ©duire le dĂ©bat entre« les jacobins » Ă©tatistes, centralisateurs et uniformateurs qui resteraient arqueboutĂ©s sur desconceptions dĂ©passĂ©es des institutions et tous ceux qui sont attachĂ©s Ă  la rĂ©solution desproblĂšmes le plus prĂšs possible du terrain, Ă  la responsabilisation des individus et des institutionslocales, au dĂ©veloppement des libertĂ©s locales, dimensions essentielles, nous dit-on, dans desĂ©conomies soumises Ă  la concurrence de la mondialisation et aux convergences institutionnellesindispensables dans l’Europe en construction.

En tentant d’enfermer le dĂ©bat dans une nouvelle version « des modernes et des archaĂŻque », lestenants de la rĂ©forme RAFFARIN espĂšrent brouiller les cartes et dĂ©possĂ©der les Français d’unauthentique dĂ©bat sur une rĂ©forme institutionnelle, Ă  plusieurs Ă©gards dĂ©cisive pour leur avenir.

LES INSTITUTIONS D’UN PAYS, REFLET DE SON HISTOIRE

C’est vouloir, en effet, Ă©vacuer l’essentiel : les institutions d’un pays et l’organisation de sespouvoirs, central ( ce que nous appelons communĂ©ment : l’Etat),territoriaux (appelĂ©s dans lelangage courant collectivitĂ©s locales, territoriales), organiques (pouvoir lĂ©gislatif, exĂ©cutif,judiciaire), etc.
 sont toujours le produit complexe de l’histoire de ce pays.

La nature et la forme de l’état, l’existence et la place de ses collectivitĂ©s territoriales dans sesrapports Ă  l’Etat, l’étendue de la dĂ©mocratie locale, sont la traduction des processus de luttes declasse de chaque pays, du mouvement des forces productives, des luttes sociales et populaires,d’alliances et de compromis entre des classes ou des catĂ©gories qui peuvent avoir Ă  des phasesdes intĂ©rĂȘts convergents, des positionnements politiques et des choix Ă  chaque pĂ©riode desforces dominantes pour assurer la mise en Ɠuvre de politiques conformes Ă  leurs intĂ©rĂȘts.

CHAQUE PAYS EST SINGULIER

MĂȘme si les spĂ©cialistes classent les pays dans des grandes familles institutionnelles, chaquepays est singulier dans le domaine de ses institutions.

C’est particuliĂšrement vrai de la France, pays des « rĂ©volutions » (1789,1830,1848,1871), des« coups d’Etat » autoritaires, de luttes populaires sĂ©culaires locales et nationales, oĂč les massesont fait irruption sur ce champ de l’institutionnel.

DĂ©battre des institutions et de la question de la dĂ©centralisation, c’est donc avoir prĂ©sent Ă l’esprit quelques « repĂšres » historiques essentiels car ce dĂ©bat sur l’Etat et la dĂ©mocratie localeest insĂ©parable dans notre histoire et ses processus de luttes de classes.Pour imager la permanence de la lutte des classes, l’ancien secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral de la CGT-Georges SEGUY- se plaisait Ă  rĂ©pondre avec humour Ă  ceux qui considĂ©raient que c’était unevielle lune : «Mais regardez, la lutte de classe se lĂšve tous les matin et brille comme le soleil ».

Les quelques éléments ci-dessous se limitent à des clés toujours actuelles.

Nous les dĂ©velopperons plus substantiellement dans le cadre de l’activitĂ© du ComitĂ© RĂ©gional surce dossier de la dĂ©centralisation, tout au long des prochains mois.

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LA MONARCHIE A UNIFIE LA FRANCE :

C’est le pouvoir d’Etat monarchique qui a unifiĂ© la France territorialement ( par annexion, mariage,succession, achat, confiscation).


d’abord, en s’alliant à la bou rgeoisie des v illes :

En France, et c’est un aspect dĂ©cisif, l’existence d’un Etat prĂ©cĂšde celle de la reconnaissance duconcept de Nation mais l’unification de la France s’est opĂ©rĂ©e Ă  partir des Ă©lĂ©ments constitutifsd’une nation (un territoire dĂ©limitĂ© naturellement, une langue officielle identique dĂšs le dĂ©but duXVIĂšme, etc.) et d’un rĂŽle prĂ©coce du pouvoir royal dans le dĂ©veloppement Ă©conomique duroyaume . C’est ce qui explique pour partie une donnĂ©e particuliĂšre Ă  la France : le rattachementau royaume ( Bretagne, Provence, Aquitaine, etc.)combattu certes par les grands fĂ©odauxdĂ©possĂ©dĂ©s de leurs territoires ne le fut pas par les populations qui s’y intĂ©grĂšrent sansrĂ©sistance majeure.


..contre le pou voir des féodaux :

Dans cette unification de la France, un pouvoir royal faible (X Ăšme-XIV Ăšme) au regard de lapuissance des grands fĂ©odaux a dĂ» s’appuyer sur la bourgeoisie des villes et lui concĂ©der deslibertĂ©s locales (politiques avec le choix de ses Ă©chevins et maire, Ă©conomiques avec desexemptions d’impĂŽts ou libertĂ©s commerciales). Ainsi, l’enracinement et l’attachement aux libertĂ©slocales est ancien.


.puis, par la centralisation :

A partir du XIVĂšme, le pouvoir d’Etat royal Ă  l’assise plus affirmĂ©e va poursuivre l’unification nonseulement territoriale mais politique et administrative de la France, en accentuant sacentralisation sous l’effet cumulĂ© des guerres et notamment de la guerre de Cent Ans, desrivalitĂ©s entre puissances et avec la PapautĂ© pour la domination en Europe et dans NouveauMonde, de la thĂ©orisation de la monarchie de droit divin et de plus en plus absolue, de lapoursuite de sĂ©vĂšres guerres civiles sur le territoire national (guerres de religion, Fronde, etc.).

Cette centralisation dont le symbole est l’institution et la gĂ©nĂ©ralisation des intendants du roi (unpeu les ancĂȘtres du prĂ©fet)s’accompagnera d’une part de la volontĂ© de subordonner au pouvoirdu Roi le fatras et l’empilement de toutes les structures administratives et judiciaires seigneurialeslaĂŻques et religieuses de la sociĂ©tĂ© d’Ancien RĂ©gime et d’autre part de la diminution progressivedes libertĂ©s des villes.


..en s’appu yant sur la grande bou rgeoisie :

Dans sa marche vers la monarchie absolue et la mise au pas des derniers grands fĂ©odaux, lepouvoir royal s’appuiera sur une partie de la grande bourgeoisie qu’elle fera accĂ©der aux emploisde la haute fonction publique d’Etat avec un statut social consĂ©quent et qu’elle anoblira.

C’est aussi en France, le pouvoir royal qui dĂ©veloppera (notamment Ă  partir de Louis XIV) lesactivitĂ©s productives directes de l’Etat ( armement, industries nouvelles), l’amĂ©nagement duterritoire (ponts et chaussĂ©es, levĂ©es et turcies, amĂ©nagements portuaires, etc.) et le soutien auxactivitĂ©s Ă©conomiques de la bourgeoisie dans sa phase prĂ©- capitaliste.L’IMMENSE REGULATION INSTITUTIONNELLE DE LA REVOLUTION.

La RĂ©volution de 1789 va rĂ©sulter du refus et de l’incapacitĂ© politiques du pouvoir d’Etat derĂ©former une sociĂ©tĂ© dont les cadres Ă©troits et hĂ©tĂ©roclites Ă©taient devenus des freins au

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développement des forces productives, alors que la politique royale avait eu un contenu anti-féodal.

La rĂ©forme municipale et la crĂ©ation de quelques AssemblĂ©es Provinciales en 1787 venaient troptard et restaient trop modestes (ex : dans notre RĂ©gion, l’OrlĂ©anais et le Berry).

C’est le choix politique de ne pas toucher les privilĂšges de la noblesse et du clergĂ©, contre lesintĂ©rĂȘts du Tiers-Ă©tat qui sera le dĂ©tonateur de cette immense rĂ©gulation institutionnelle et socialeque fut la RĂ©volution dans des processus de luttes de classe complexes.


..avec le triomphe de l’idĂ©e de nation :

Avec la RĂ©volution de 1789, triomphent la notion de Nation souveraine, le principe d’unitĂ©nationale et fondamentalement, le sentiment d’appartenance Ă  une entitĂ© commune, ce que nousappelons le sentiment national qui n’ a rien Ă  voir avec le nationalisme xĂ©nophobe et toujoursd’essence rĂ©actionnaire.

Ainsi, en France, le sentiment national est consubstantiel des idĂ©aux fondateurs de la RĂ©volutionet sous-tend l’adhĂ©sion Ă  un certain nombre de principes qui commandent l’organisation despouvoirs et des institutions.


.avec notamment le principe d’égali tĂ© :

Il en est ainsi de l’affirmation de la RĂ©publique Une et Indivisible, du principe d’égalitĂ© ( qui est fortdiffĂ©rent du principe d’équitĂ© qu’on tente de lui substituer) de tous les citoyens face Ă  la loi, de lanotion d’intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral transcendant le seul individu, le pouvoir souverain dĂ©tenu par la Nation (les Montagnards affirmeront eux la souverainetĂ© du Peuple).


.. une partie de la bou rgeoisie contrainte de composer avec le peuple :

Certes, la rĂ©volution de 1789 fut une rĂ©volution de la bourgeoisie qui entendait la limiter Ă  sesbesoins de classe ( suffrage limitĂ© basĂ© sur l’impĂŽt, interdiction du droit de coalition, primat dansle nouveau droit civil de la propriĂ©tĂ©, femmes « mineures ») mais en France les luttes du peuple(parisien surtout) et des couches de la paysannerie ont contraint des fractions de la bourgeoisie Ă composer et ce sont dans ces acquis rĂ©volutionnaires que se construiront les autres phases denotre histoire : l’Etat unitaire porteur d’intĂ©gration et de communautĂ© de destin solidaire sur lesvaleurs de libertĂ©, Ă©galitĂ© et fraternitĂ©.

Et, comme toujours, c’est la grande peur des masses populaires, de leur luttes pour d’autresrĂ©gulations sociales redistributives des richesses qu’elles produisent qui conduiront les dirigeantsĂ  recourir au centralisme des institutions.

En effet, si l’on regarde les principales Ă©tapes des rĂ©formes institutionn elles en France etles rappo rts entre pou voirs central et locaux, on relĂšve que les avancĂ©es de la dĂ©mocratie (libertĂ©s pub liques, nature et Ă©tendu e du d roit de vote, nature et rĂŽle respectif des pou voirsexĂ©cutif, lĂ©gislatif, jud iciaire, droits sociaux, etc.
.
) et ses reculs vont de pair avec ceuxdes libertĂ©s locales.

Revenons à la période révolutionnaire, car elle est une irremplaçable leçon de choses, pourappréhender la Réforme RAFFARIN.

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.. un nou vel Ă©difice institutionn el :

L’AssemblĂ©e constituante (1789-1791) a remodelĂ© le paysage institutionnel de la France.

A l’ancien Ă©difice hĂ©ritĂ© du fĂ©odalisme, elle substitue des communes, des cantons, des districts etdes dĂ©partements. Si ces structures sont identiques sur tout le territoire, elle a dĂ» composer avecl’attachement des gens Ă  leurs organisations immĂ©moriales en paroisses et communautĂ©surbaines. La commune a Ă©tĂ© superposĂ©e Ă  la paroisse ou Ă  la ville et ses faubourgs. Souvent, ledĂ©partement colle Ă  peu prĂšs Ă  la province ( ex : Touraine et Indre et Loire).


.avec une large place à la démocratie locale.

La RĂ©volution donne ainsi les cadres politiques et unifiants dont ont par ailleurs besoin les forcesproductives.

Elle affirme la libertĂ© d’administration de ces collectivitĂ©s.

L’élection (dans le cadre du suffrage censitaire s’entend) est gĂ©nĂ©ralisĂ©, y compris pour lespersonnels (administrateurs des collectivitĂ©s, juges, Ă©vĂȘques, curĂ©s) et le « procureur », chargĂ© Ă chaque niveau du respect de l’intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral par les institutions concernĂ©es.

La sĂ©paration des pouvoirs est assurĂ©e entre le dĂ©libĂ©ratif, l’exĂ©cutif et le judiciaire Ă  cesdiffĂ©rents niveaux.

L’Etat central et ses ministĂšres font connaĂźtre les dĂ©cisions de la politique nationale et lescollectivitĂ©s les gĂšrent avec leurs propres compĂ©tences.

Il n’y a pas de reprĂ©sentant du pouvoir central auprĂšs des collectivitĂ©s, mais l’AssemblĂ©eNationale (ou le Roi. Pour mĂ©moire : chute de la monarchie, 10 AoĂ»t 1792), dispose d’ un droit deveto sur leurs dĂ©cisions si elles ne sont pas conformes Ă  l’intĂ©rĂȘt national.

C’est donc une trĂšs large, presque totale autonomie locale, que met en place le dĂ©but de laRĂ©volution.


.. et le centralisme de caractĂšre exceptionn el sous la « Terreur » :

Ce sont les enjeux politiques qui dĂšs 1792 vont remettre en selle les mesures de centralisationdont les libĂ©raux de tous poils stigmatisent les « jacobins » : la coalition des pays europĂ©enscontre la jeune RĂ©volution, la contre-RĂ©volution dans les pays de l’Ouest notamment et lesattaques des « girondins » (sans parler du courant d’ultra-gauche des « hĂ©bertistes »).

Les Girondins, parce que les tenants de ce courant sont quasiment tous issus de la grandebourgeoisie des grands ports de l’Atlantique ( armateurs, nĂ©gociants, propriĂ©taires coloniaux,nĂ©griers ). Ils se rĂ©clament des thĂ©ories libĂ©rales et se prononcent pour le fĂ©dĂ©ralisme avec unEtat central au rĂŽle limitĂ©, la suppression des districts jugĂ©s trop favorables aux idĂ©auxrĂ©volutionnaires et l’organisation du pouvoir fĂ©dĂ©ralisĂ© autour des dĂ©partements dominĂ©s par lesnotables modĂ©rĂ©s.

Les Jacobins ont ainsi amorcĂ© le retour Ă  une centralisation pendant la pĂ©riode dite de la Terreur(1793-1794) avec la crĂ©ation d’une sorte d’administration locale parallĂšle, les reprĂ©sentants enmission, qui dicte la loi aux collectivitĂ©s en liaison directe avec le ComitĂ© de Salut Public. DemĂȘme, en raison des menaces internes et externes, ils suspendront la mise en Ɠuvre de la

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Constitution de l’An I (1793) d’essence jacobine dont l’analyse dĂ©montre les avancĂ©esdĂ©mocratiques qu’elle fondait tant dans la reconnaissance du pouvoir Ă©manant du peuplesouverain et de ses droits non seulement politiques mais Ă©conomiques et sociaux ; la constitutionde l’An I s’inscrivait dans la filiation d’une large dĂ©centralisation des pouvoirs territoriaux.

Le « centralisme » jacobin n ’est pas Ă  amalgamer avec celui que vont promouvoir lesrĂ©gimes qui succĂšderont Ă  la pĂ©riode de Robespierre et des Montagnards. Il traduisait laphase la plus aiguĂ« de l’aff rontement de classe dans les processus de la RĂ©volutionfrançaise. Il se voulait temporaire et exceptionn el.RECUL DE LA DEMOCRATIE, RECUL DES LIBERTES LOCALES :


. le centralisme, contre le peuple :

Avec le Directoire (1794-1799), se construit la centralisation et la subordination des collectivitĂ©sau pouvoir central pour la mise en Ɠuvre Ă  tous les niveaux de politiques conformes aux besoinsd’une bourgeoisie pour qui la RĂ©volution est terminĂ©e et entend consolider ses acquis essentiels (achats des biens nationaux, abolition des privilĂšges, rĂŽle des notables, suffrage censitaire contrele peuple mais aussi contre la toute petite bourgeoisie). Le Directoire institue des reprĂ©sentantsdu gouvernement auprĂšs des collectivitĂ©s et les administrateurs sont de moins en moins Ă©lus : ilssont nommĂ©s par le Directoire.

Une nouvelle fois, ce sont les dangers de la contre RĂ©volution sur le Territoire national, lesmenaces extĂ©rieures et les compĂ©titions expansionnistes pour la domination Ă©conomique etpolitique en Europe mais surtout sur les mers et les colonies d’AmĂ©rique qui conduisent labourgeoisie Ă  mettre en selle une forme de pouvoir confortant ses besoins tout en obtenant leconsensus populaire Ă  partir du maintien d ‘une partie des principes de 1789.

Ce pouvoir va se servir institutions issues de la RĂ©volutions en les vidant de leur substance par lacentralisation et l’autoritarisme quant ce ne sera pas la suppression.


..le sys tÚme napoléonien :

Ainsi, le PrĂ©fet reprĂ©sentant de l’Empereur exerce une tutelle totale sur les collectivitĂ©s.

Un mode de sélection à plusieurs niveaux constitue le vivier (réduit) dans lequel le pouvoir centralchoisit et nomme des administrateurs locaux à sa botte.

Le pou voir bon apartiste promulgue toute une législation b asée sur le triple principe deconserver de la révolution ce qui est bon pou r le capitalisme en développ ement, deconcéder ce qui est nécessaire à assurer un consensus suff isant et jeter tout ce quipermett rait au peuple de devenir dangereux !

La pĂ©riode napolĂ©onienne est exemplaire de la dialectique entre le recul de la dĂ©mocratie et deslibertĂ©s locales sans pouvoir revenir sur tout l’acquit rĂ©volutionnaire et fondamentalement sur laNation une et indivisible, le sentiment national, qu’au contraire il investira Ă  fond pour lessymboliser et se positionner en successeur de la RĂ©volution.

Toute l’histoire des institutions de la France qui suit, rĂ©forme MAUROY-DEFFERRE des annĂ©es1981-1983 incluse, va s’inscrive dans ces donnĂ©es en mouvement qui s’enracinent dans cettepĂ©riode de la fin de l’Ancien rĂ©gime au Premier Empire. C’est pourquoi nous les avons traitĂ© unpeu plus longuement.

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MAIS, L’IMPOSSIBLE RETOUR INSTITUTIONNEL A AVANT 1789 :

Ainsi la monarchie bourbonienne de retour aprĂšs la chute de l’empire (1815-1830) ne pourra pasopĂ©rer le retour Ă  l’Ancien RĂ©gime mĂȘme si elle va rogner sur les empreintes rĂ©volutionnaires.


 les derniers rois doivent composer :

Elle sera obligĂ©e de concĂ©der une Charte, de dĂ©clarer irrĂ©versible la vente des biens nationaux.Elle chutera dans ses prĂ©tentions Ă  imposer des mesures d’Ancien RĂ©gime faisant fi des besoinsĂ©mergents des forces productives et d’enjeux nouveaux avec les dĂ©buts de l’industrialisation .LarĂ©forme institutionnelle a Ă©tĂ© rĂ©guliĂšrement agitĂ©e . Les conservateurs rĂȘvent de libertĂ©s localesqui Ă  dĂ©faut de retour au fĂ©odalisme politique renforcerait une sorte de fĂ©odalisme administratif,nourri aux valeurs d’Ancien RĂ©gime.

La monarchie de Juillet (1830-1848) portĂ©e par la bourgeoisie promulguera des rĂ©formes limitĂ©essur les communes et conseils gĂ©nĂ©raux pour Ă©largir le vivier des notables bourgeois sur lesquelsrepose son assise sociale et qui aspirent Ă  jouer un rĂŽle public confĂ©rant aussi la respectabilitĂ©sociale. Elle ne remettra pas en cause un centralisme qui permet de contrĂŽler tous les actes descollectivitĂ©s. Ce que critique les libĂ©raux de la Monarchie de Juillet ce sont les dites « lourdeursadministratives » de l’Etat pas l’outil institutionnel.

Mais la sociĂ©tĂ© est en pleine recomposition avec le dĂ©veloppement du travail salariĂ© et lastructuration de l’exploitation capitaliste. Les idĂ©es socialistes se rĂ©pandent ( Ă  resituerĂ©videmment dans le panel des positionnements idĂ©ologiques et partitaires de chaque pĂ©riode).


. les brĂšves conqu ĂȘtes de Second e RĂ©pub lique :

C’est la RĂ©volution de 1848 et la seconde RĂ©publique qui accorderont (aux hommes) le suffragerĂ©ellement universel. La courte et mouvementĂ©e vie de la deuxiĂšme RĂ©publique ne lui a paspermis de procĂ©der Ă  une rĂ©forme institutionnelle profonde. Elle avait toutefois pris quelquesmesures allant dans le sens de la dĂ©mocratie en instituant l’élection des conseils municipaux desvilles de moins de 6000 habitants.

On sait le sort de la RĂ©volution de 1848 qui s’achĂšve, une nouvelle fois et pour les mĂȘmes raisonsdans les bras du bonapartisme et un Second Empire (1852-1870).


. à nou veau le centralisme avec le Second Empire :

Le Second Empire qui correspond Ă  une des principales phases de dĂ©veloppement ducapitalisme en France, Ă  des redistributions de cartes dans les rapports de force entre grandespuissances et Ă  la constitutions des empires coloniaux peut se dĂ©finir comme un exemple ducentralisme et de l’autoritarisme du pouvoir d’Etat, mĂątinĂ©s de paternalisme et de nĂ©potisme.Le prĂ©fet est omniprĂ©sent. Tous les organes, fonctionnaires, administrateurs sont nommĂ©s.

La rĂ©vocation des individus ou des collectifs (notamment conseils municipaux mĂȘme nommĂ©s) estune pratique courante. Lorsque a Ă©tĂ© maintenu le suffrage universel, il est encadrĂ© par le systĂšmedes candidatures officielles et de scrutins sous haute surveillance !

Les tutelles gĂ©nĂ©rĂ©es par ce systĂšme vont se heurter Ă  partir des annĂ©es 1860 aux exigences desforces productives, aux besoins de l’intelligentsia et au mĂ©contentement populaire.

Quelques amĂ©nagements seront opĂ©rĂ©s pour donner de plus grandes possibilitĂ©s d’agir auxcollectivitĂ©s sans toucher bien sĂ»r au contrĂŽle des prĂ©fets sur tous les actes des collectivitĂ©s.

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. aprĂšs la Commune, la relance du d Ă©bat institutionn el :

Il convient ici de souligner quelques caractĂ©ristiques du « qui dĂ©fend quoi » dans ce dĂ©bat sur lecentralisme et la dĂ©centralisation Ă  cette pĂ©riode charniĂšre de la fin du Second Empire qui vasombrer dans la dĂ©faite de 1870 et l’amputation d’une partie de la Nation ( l’Alsace et la Lorraine)et de la brĂšve Ă©popĂ©e tragique de la Commune qui connaĂźtra d’éphĂ©mĂšres institutions trĂšsdĂ©centralisĂ©es et ancrĂ©es dans la dĂ©mocratie directe du peuple , parce que ces positionnementsauront des consĂ©quences durables.


.des positionn ements, traduction d es intĂ©rĂȘts en prĂ©sence :

Les nostalgiques de la monarchie mettent en avant la rĂ©gionalisation comme formed’organisation la plus propice Ă  la pĂ©rennitĂ© de leurs valeurs (la rĂ©fĂ©rence Ă  la terre et au terroir,le respect de la famille et de la religion, une monarchie respectueuse des diffĂ©rences, etc.). Cetteappropriation rĂ©actionnaire de la rĂ©gion discrĂ©ditera durablement parmi les dĂ©mocrates l’idĂ©emĂȘme de rĂ©gion-niveau institutionnel.

A cette Ă©poque, le centralisme ayant si bien servi les intĂ©rĂȘts des c lasses dominantes,mĂȘme la grande bou rgeoisie libĂ©rale a rengainĂ© depuis long temps l’i dĂ©e d’un EtatfĂ©dĂ©raliste.

La bou rgeoisie des notables qui va dĂ©finitivement opter pou r le systĂšme rĂ©pub licain (1875)vit dans la hantise (surtout aprĂšs la Commune )le Paris qui par ses luttes l’a plusieurs foisobligĂ©e Ă  aller plus loin. Elle veut don c renforcer le niveau institutionn el qu i lui est le plusfavorable, le dĂ©partement.

Les répub licains en majorité veulent le renforcement du n iveau municipal, car le plus enprise avec le mouvement popu laire et les besoins sociaux.

LA VICTOIRE DEFINITIVE DE LA REPUBLIQUE :


.une organisation d es collectivitĂ©s territoriales pou r plus d’un siĂšcle :

Le grand train de rĂ©formes qui suit l’établissement de la TroisiĂšme RĂ©publique (suffrage universel,enseignement primaire, enseignement secondaire, droit syndical, etc.) et les immenses mutationsdes structures Ă©conomiques et sociales ( Ă©lectricitĂ©, transports, agriculture, explosion du salariat,constitution de la classe ouvriĂšre, etc.) commandent la rĂ©organisation institutionnelle faisantfranchir aux collectivitĂ©s une Ă©tape dĂ©cisive. Hormis, la sinistre pĂ©riode pĂ©tainiste quirecentralisera tout, en dĂ©possĂ©dant les collectivitĂ©s de leurs prĂ©rogatives et les nouvelles formesde centralisme de la constitution de 1958, la stabilitĂ© institutionnelle de l’organisation territorialede la France sera sa caractĂ©ristique jusqu’à la rĂ©forme MAUROY-DEFFERRE.


..une aff irmation des libertĂ©s locales dans l’Etat un itaire :

Ce seront les lois du 10 Avril 1871 sur les dĂ©partements et celle du 5 Avril 1884 sur lescommunes et la loi municipale. Elle sera complĂ©tĂ©e par la loi sur la crĂ©ation de syndicats decommunes du 22mars 1890 (Ă  vocation unique
 et il faudra attendre 1959, pour une loi sur lessyndicats de communes Ă  vocation multiple ! on mesure la stabilitĂ© de l’édifice fondateur de laTroisiĂšme RĂ©publique). Enfin, la rĂ©forme institutionnelle la plus profonde sera bien sĂ»r, la loi desĂ©paration de l’Etat et de l’Eglise( 1905).

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L’ un itĂ© nationale, la forme rĂ©pub licaine du pou voir, un essor de la dĂ©mocratie et deslibertĂ©s locales, la laĂŻcitĂ© comme ajout au concept de l’égali tĂ© de tous face Ă  la loi etnotamment l’enseignement, la consolidation d es notions de « service public » fondentaprĂšs ce lui de 1789, un nou veau pacte rĂ©pub licain qu i sera Ă  son tour renou velĂ© en 1946.

Le premier conflit mondial a eu peu d’incidences sur les institutions de la France.

Pourtant, avant et aprĂšs 1914-1918, les rĂ©flexions et projets furent nombreux sur ce que l’onappelait, « rĂ©forme administrative ». Ils restĂšrent dans les cartons en raison de la situationintĂ©rieure et extĂ©rieure (montĂ©e du fascisme).

1946 ET LE NOUVEAU PACTE REPUBLICAIN :

AndrĂ© Mauriac a dit Ă  juste titre : « c’est la classe ouvriĂšre qui a sauvĂ© la France dudĂ©shonneur ». Dans le nouveau rapport de forces issu de la DeuxiĂšme Guerre mondiale (existence de l’URSS et des pays socialistes, sacrifices des masses populaires, place des forcesde classe, aspirations de la population, besoins de reconstruction du pays pour les forcesproductives) va se nouer une nouvelle phase du pacte rĂ©publicain oĂč Ă  nouveau dans son histoirela bourgeoisie française va devoir composer avec les forces vives de la Nation. Ce sera laConstitution de 1946 et les grandes conquĂȘtes sociales que tous les militants (es) de la CGT onten tĂȘte.

Les grands principes rĂ©publicains y sont rĂ©affirmĂ©s voire renforcĂ©s, les libertĂ©s dĂ©mocratiquesĂ©largies, le suffrage universel accordĂ© (enfin !) aux femmes, le pouvoir du Parlement est plusimportant que celui de l’exĂ©cutif, etc.

Si le cadre des rapports entre l’Etat et les collectivitĂ©s n’est pas modifiĂ©, la constitution de 1946 vadans le sens du renforcement du rĂŽle des collectivitĂ©s territoriales et de l’affirmation de leur libreadministration, avec un prĂ©fet reprĂ©sentant de l’Etat . Ainsi, on retrouve la mĂȘme direction entreprogrĂšs de la dĂ©mocratie et des libertĂ©s locales.

LE GAULLISME ET LE CENTRALISME POUR LE CAPITALISME FRANÇAIS :

Ce sont dans les enjeux des restructurations et nou velles s tratĂ©gies du capitalismefrançais et europĂ©en dans les fou lĂ©es de l’effond rement des empires coloniaux, les dĂ©butsde la construction europĂ©enne ( rempart et outil de reconqu ĂȘte des pays de l’Est), tou joursla grande peur des peuples et du mouvement rĂ©volutionn aire d’alors et la peur tout courtde la guerre civile qu’il faut apprĂ©hender le recours au GĂ©nĂ©ral De Gaulle, une nou velle foisĂ  un pou voir fort qu i va mett re en p lace des institutions comportant recul de la dĂ©mocratieet des libertĂ©s locales, au service des forces Ă©cono miques dominantes.

On ne dĂ©taillera pas la Constitution de 1958 car c’est toujours celle qui est en vigueur.

Soulignons seulement quelques caractéristiques au regard de notre sujet.

Elle a limitĂ© le domaine d’intervention de la loi et augmentĂ© celui du pouvoir rĂ©glementaire.

Elle a renforcĂ© les prĂ©rogatives de l’exĂ©cutif.

Elle a renoué avec les plébiscites napoléoniens (les référendums prédéterminés).

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Elle a renforcĂ© la tutelle du PrĂ©fet sur les collectivitĂ©s, Ă©tabli les bases d’une vaste rĂ©formeadministrative centralisatrice autour du pouvoir central et dans les dĂ©partements sur le PrĂ©fet(1964).

Elle a bien Ă©videmment rognĂ© les libertĂ©s des fonctionnaires dont le rĂȘve de tous lesgouvernements musclĂ©s est d’en faire des exĂ©cutants serviles de leur politique.

LA REFORME INSTITUTIONNELLE AVORTEE DE 1969, TENTATIVE ANTICIPATRICE :

Les EvĂšnements de1968 ont mis Ă  nu les blocages et insatisfactions profond es d’unesociĂ©tĂ© française en p leines mutations et le potentiel de processus de luttes de classe don telle Ă©tait porteuse.

Le GĂ©nĂ©ral De Gaulle a perçu la nĂ©cessitĂ© de prendre les devants pour Ă©viter de nouvellesgrandes peurs Ă  venir pour le capital en proposant une rĂ©forme des institutions et des rapportsentre l’Etat et les collectivitĂ©s. Sans prise en compte des aspirations sociales et sociĂ©talesrĂ©vĂ©lĂ©es par les luttes de mai-juin 1968, cette rĂ©forme institutionnelle bĂąclĂ©e, sans s’assurer d’unappui suffisant de la classe dirigeante en recherche encore sur ces enjeux Ă  cette Ă©poque, avaitpeu de chances de recueillir un consensus Ă©lectoral.

LA REFORME DES ANNEES 1981-1983 :

La rĂ©forme MAUROY-DEFFERRE n’a rien eu d’une divine surprise !


.. la levĂ©e de la tutelle de l’Etat et des transferts de compĂ©tence :

Le besoin de lever la tutelle de l’Etat sur les collectivitĂ©s devenait nĂ©cessaire comme de desserrerle centralisme.

L’explosion d e l’urbanisation, les besoins sociaux grandissants et diversifiĂ©s, les donn Ă©esĂ©cono miques, le progrĂšs techno logiques, les aspirations Ă  la dĂ©mocratie au p lus prĂšs ( le« vivre et t ravaill er au pays », enfant de 1968) appelaient une nou velle Ă©tape d’émergencede la dĂ©centralisation et de la dĂ©mocratie locale .


.dans le cadre du p acte répub licain :

La dĂ©centralisation de l’aprĂšs 1981, s’est faite dans le respect du pacte rĂ©publicain de l’aprĂšs-guerre et sans changement constitutionnel, sans transfert du pouvoir rĂ©glementaire, c’est Ă  dire lapossibilitĂ© donnĂ©e Ă  une collectivitĂ© d’adapter la loi, donc de rompre l’égalitĂ© face Ă  celle-ci.

On aura relevĂ© que la RĂ©gion dont tout indiquait dĂ©jĂ  qu’elle Ă©tait dĂ©jĂ  un niveau dĂ©cisif de toutedĂ©centralisation n’a pas Ă©tĂ© incluse alors dans la Constitution.

Elle n’a pas bouleversĂ© les cadres institutionnels existants.

Elle n’ a pas supprimĂ© les prĂ©fets.

La dĂ©centralisation d e 1981 a avant tout marquĂ© la fin de la tutelle d’un pou voir central qu i« exĂ©cutait » les dĂ©cisions de ces collectivitĂ©s et le transfert de compĂ©tences de l’Etatcentral aux collectivitĂ©s terr itoriales, avec le corollaire de la dĂ©concentration interne del’Etat.

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.. des critiques de la CGT, validĂ©es par les 20 ans de mise en Ɠuvre :

Mais, elle comportait des dimensions que la CGT avait critiquĂ©es : la notion de partages decompĂ©tences d’un mĂȘme domaine entre plusieurs niveaux, le pluralisme des financements pourune mĂȘme mesure, le transfert de compĂ©tences sans les moyens Ă  la hauteur, le danger d’enflurebureaucratique, le risque de nouvelles formes de recentralisation avec le maintien des prĂ©fets etles partenariats, la fragilisation du service public propice aux offensives pour leur privatisation,etc.

La plupart de ces critiques se sont révélées pertinentes avec un recul de 20 ans de pratiques.Il a souvent été dit, non sans fondement, que la décentralisation MAUROY-DEFFERRE était celledes maires des grandes villes et des présidents de conseils généraux des gros départements quine supportaient plus une tutelle étatique stérilisatrice et dominatrice.

Enfin, il faut aussi avoir Ă  l’esprit les lois PASQUA, VOYNET, CHEVENEMENT qui, au travers del’amĂ©nagement du territoire, ont introduit des bases d’évolution institutionnelle.

QUELQUES ENSEIGNEMENTS :

Au fil de ce bref rappel historique, des enseignements se dégagent :

‱ On ne peut sĂ©parer les Ă©volutions des institutions et les questions dedĂ©centralisation de tout ce qui les dĂ©terminent.

‱ Ce sont tou jours les enjeux touchant aux rappo rts de force « dominants /dominĂ©s » qui dĂ©cident de la forme et du fond s des institutions.

‱ La dĂ©centralisation est compatible avec le maintien et l’enrichissement de ce quel’on appelle le pacte rĂ©pub licain don t le dĂ©velopp ement de la dĂ©mocratie localedevrait ĂȘtre un no uvel axe fort.

‱ Le centralisme Ă©tatique, qu i n’a pas grand chose Ă  voir avec l’Etat un itaire et deson p euple, a Ă©tĂ© l’arme des rĂ©gimes autoritaires dans notre pays (par choixidĂ©ologique, comme le Bonapartisme, ou d ans des c irconstances exceptionn elles,comme la terreur jacobine).

Au moment oĂč sont Ă©crites ces lignes, le projet gouvernemental n’est pas encore public. Mais toutce qui en a dĂ©jĂ  Ă©tĂ© dit et l’ensemble des rĂ©flexions, Ă©tudes, prises de positions connues desforces qui le soutiennent, autorisent Ă  penser que les « libĂ©raux » espĂšrent que cette fois-ci serala bonne pour imposer une profonde transformation institutionnelle, qui derriĂšre les discoursrassurants, leur permettra de prendre leur revanche sur 1789 !

QUELQUES PRINICIPES FONDAMENTAUX6

LA CONSTITUTION :

6 il s’agit du rappel des dĂ©finitions et principes tirĂ©s des ouvrages classiques en la matiĂšre et non pas des positions de la CGT .

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1) L’article 72 de la constitution Ă©numĂšre les catĂ©gories de collectivitĂ©sterritoriales : « communes, dĂ©partements et territoires d’Outre-mer ». Cette Ă©numĂ©ration nefige pas Ă  l’intĂ©rieur de chaque catĂ©gorie, le nombre et la qualification de ces collectivitĂ©s. Ilpeut y avoir fusion ou crĂ©ation de communes ou de dĂ©partements.

2) L’article 72 prĂ©cise aussi « que tout autre catĂ©gorie de collectivitĂ© territoriales est crĂ©e parla loi. » Ainsi, la loi du 2/03/1982, Ă©rige les rĂ©gions en collectivitĂ©s territoriales. Autreexemple, celui de Paris, commune et dĂ©partement en vertu de la loi du 31/12/1975.

L’ORGANISATION DES POUVOIRS :

Pourquoi créer des collectivités territoriales ou en fonction de quelles conceptions du pouvoir ?

Cela revient Ă  poser la question de l’organisation du pouvoir, ce qui implique au prĂ©alable, dedĂ©finir les principes qui fondent le sens des concepts : la centralisation, la dĂ©centralisation, ladĂ©concentration, le fĂ©dĂ©ralisme.

‱ La centralisation : elle impose,a) l’unitĂ© dans l’exĂ©cution des lois,

b) l’unitĂ© dans la gestion des services,

c) une conception unique d’application de la loi sur l’ensemble du territoire, quelque soit le point de ce territoire pris en compte.

d) elle a pour consĂ©quence l’unicitĂ© ou l’homogĂ©nĂ©itĂ© de la conception del’organisation et de la gestion des services

‱ La dĂ©centralisation :elle a pour objectif de donner aux collectivitĂ© territoriales une certaine autonomie leurpermettant de dĂ©finir les normes de leurs actions et de choisir les modalitĂ©s de leursinterventions.

De ce principe découlent deux conséquences :

a) l’absence de dĂ©pendance, par rapport aux autoritĂ©s centrales qui peut ĂȘtre importanteou limitĂ©e,

b) la diversitĂ© des situations locales, diversitĂ© logique Ă  partir du moment oĂč une certaineautonomie est donnĂ©e Ă  ces collectivitĂ©s pour la dĂ©finition comme pour la conduite desleurs missions.

‱ la dĂ©concentration :elle se prĂ©sente par rapport Ă  la dĂ©centralisation comme un correctif technique et unpalliatif socio-politique de l’absence de dĂ©centralisation ; Correctif car l’Etat se rapprochedu lieu d’application des politiques. DĂ©concentrer consiste donc Ă  mieux rĂ©partir les actionsremplies par les administrations de l’Etat entre le niveau national de conceptions de cesactions et le niveau territorial de ces mĂȘmes actions. Par ailleurs ce n’est pas une rĂ©formedĂ©finitive ou irrĂ©versible, dans la mesure oĂč une compĂ©tence qui Ă  Ă©tĂ© dĂ©concentrĂ©e peuttrĂšs bien ĂȘtre reprise et Ă  nouveau assumĂ©e au niveau central de l’Etat.

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Il faut surtout retenir que ces deux termes ne doivent jamais ĂȘtre confondu s car ilssont antinomiques. La dĂ©centralisation consiste en un partage des pou voirs entrel’Etat et les collectivitĂ©s locales, selon d es modali tĂ©s variables suivant les traditionshistoriques de chaque pays.

Par la dĂ©concentration, l’Etat ne partage pas son pou voir, il se rapproche seulementdes c itoyens en installant sur place des services s pĂ©cialisĂ©s dotĂ©s d’une certaineautono mie.

‱ Le fĂ©dĂ©ralisme :

Il s’agit d’une organisation institutionnelle fondamentalement diffĂ©rente de la simpledĂ©centralisation. Il y a d’abord une distinction constitutionnelle des rĂŽles respectifs de l’EtatfĂ©dĂ©ral et des Etats fĂ©dĂ©rĂ©s, et seule la constitution peut prĂ©voir cette rĂ©partition desmissions et des compĂ©tences entre les Etats fĂ©dĂ©rĂ©s et le niveau fĂ©dĂ©ral. Une diffĂ©rencejuridique existe aussi entre un systĂšme qui se dĂ©centralise et un systĂšme administratiffĂ©dĂ©ral. En effet, la compĂ©tence de l’Etat central sur les collectivitĂ© territorialesdĂ©centralisĂ©e est illimitĂ©e ; Elle peut ĂȘtre plus ou moins importante, mais c’est l’Etat centrallui-mĂȘme qui en dĂ©cide, alors que la compĂ©tence de l’Etat central sur les Etats fĂ©dĂ©rĂ©s est,par dĂ©finition, limitĂ© et prĂ©cisĂ©e par la constitution.

‱ Le cas des Etats rĂ©gionaux :

A mi-chemin entre le fĂ©dĂ©ralisme et la dĂ©centralisation (exemple de l’Espagne). Par rapportaux grandes distinctions classiques –centralisation, dĂ©centralisation et fĂ©dĂ©ralisme- il s’agitd’une nouvelle conception de la rĂ©partition du pouvoir, puisque les « RĂ©gions » dĂ©tiennentune certaine capacitĂ© lĂ©gislative, notamment le pouvoir rĂ©glementaire d’adaptation des loisau sein de L’Etat national et qu’il existe donc une pluralitĂ© d’ordres juridiques au sein d’unmĂȘme Etat national.

‱ Le principe de subsidiaritĂ© :

L’idĂ©e de subsidiaritĂ© est ancienne. Elle fut Ă  la base du fonctionnement de la plupart dessociĂ©tĂ©s antiques et surtout fĂ©odales. Elle est insĂ©parable du terreau philosophiquechrĂ©tien et germanique. Elle est fondĂ©e sur l’idĂ©e que chaque individu (ou grouped’individus) est responsable de sa destinĂ©e et que toute forme publique de pouvoir ne doitintervenir que si l’individu ou le groupe d’individus n’est pas en capacitĂ© de rĂ©gler leproblĂšme auquel il est confrontĂ© ou si un intĂ©rĂȘt plus gĂ©nĂ©ral est mis en pĂ©ril ou nonsatisfait au niveau de l’individu ou d’un groupe. Le principe de subsidiaritĂ© est la base dufonctionnement des Ă©tats de type fĂ©dĂ©ral. Il ne se limite pas Ă  l’organisation des pouvoirspublics mais concerne tout autant les relations sociales, les financements des besoinssociaux, etc. Le principe de subsidiaritĂ© (appelĂ© aussi principe de supplĂ©ance) a Ă©tĂ©fortement remis en selle par la pensĂ©e libĂ©rale en raison de ses fondementsphilosophiques qui correspondent aux besoins de la mondialisation libĂ©rale dans le cadredes recompositions du capital dans tous les domaines : diversification et individualisationau nom de la responsabilitĂ© de chacun ; le rĂŽle de l’Etat rĂ©duit Ă  la prise en charge de cequi ne l’est par personne ou comme simple garant du bien commun ; substitution de lanotion d’équitĂ© Ă  celle d’égalitĂ© ; construction de grands ensembles Ă©conomiques etinstitutionnels et Ă©miettement des territoires ; remplacement des droits sociaux des Etatspar des normes diffĂ©renciĂ©es gĂ©nĂ©rĂ©es par les entreprises selon leurs besoins etc. L’Etatsubsidiaire est un Etat qui a transfĂ©rĂ© soit Ă  un niveau supĂ©rieur (aujourd’hui l’Europe, pourcertaines compĂ©tences comme la monnaie, la DĂ©fense, etc.) ou au niveau infĂ©rieur, lescollectivitĂ©s territoriales, des compĂ©tences dans des conditions qui remettent en cause lecaractĂšre unitaire de cet Etat d’une part et les fondements des caractĂ©ristiques historiques,sociales et philosophiques sur lequel il s’est constituĂ© et dĂ©veloppĂ© d’autre part. En raisonde l’importance du principe de subsidiaritĂ© dans les enjeux de la prĂ©sente« dĂ©centralisation », un document plus Ă©laborĂ© est en prĂ©paration.