acta uni versitatis lodziensis
TRANSCRIPT
A C T A U N I V E R S I T A T I S L O D Z I E N S I SFOLIA LITTERARIA 33, 1992
K rystyna A ntkow iak
LES VOYAGES EXISTENTIELS DANS LES PRISON S DE MARGUERITE DE NAVARRE
A rencontre de son titre qui Ă©voque lâimmobilitĂ©, le poĂšme de M ar-guerite dĂ©crit le m ouvement: le voyage dâun ĂȘtre hum ain qui, libĂ©rĂ© de la prison dâam our, sâenivre de sa libertĂ© et lors de la pĂ©rĂ©grination Ă travers le monde s âengage dans diffĂ©rentes activitĂ©s.
Le hĂ©ros Ă© ta it prisonnier de lâAmour parce q u âil croyait Ă la perfec-tion de sa dame. Cette prison lâempĂȘchait de voir et d âadm irer la beautĂ© du monde et de la N ature, de connaĂźtre et d âapprĂ©cier les acquis de la civilisation et de la culture, elle le privait aussi de toute activitĂ© ce qui s âopposait Ă la na ture de lâhomme:
Comme long tem ps m es m ains furent oysives!Comme mes piedz de leurs façons nayv es,Furent tournez m yeulx, aym ant séjournerEn lieu fasch eux que de se proumener?
(I, 591â5941)
Au m oment oĂč il apprend lâinfidĂ©litĂ© de sa dame, il se libĂšre de la prison dâamour. Cette libĂ©ration apparaĂźt comme un fait positif: lâhomme ne se rt plus lâidĂ©al douteux et devient capable de voir la beautĂ© de la nature.
Son prem ier m ouvem ent de libertĂ©, câest le voyage âcosmiqueâ de ses yeux Ă travers la terre, le ciel et la mer. Le sentim ent que le specta-cle de lâunivers fait naĂźtre, câest lâadm iration de sa beautĂ©:
Le c ie l d'asur plain d âextresm e beau ltĂ© (...)(II, 36)
Que ceste mer je trouvay admirable!(H, 121)
1 C ité d1 aprÚs Les Prisons, édition et com mentaire par S. G lasson, Librairie Droz, G en Úve 1978, (livre, vers).
Tout Ă©bloui qu âil soit par le spectacle qui sâoffre Ă ses yeux, le hĂ©ros n âen est pas moins capable de rĂ©flexion, et lâĂ©motion sâaccompagne de reconnaissance de la bontĂ© et de la puissance divines, ce qui fait uue l âhomme sâhum ilie devant son C rĂ©ateur:
O! quel povoir a c es te main qui serre Un si grand corps en ung lim itté lieu:A utre e lle n'a, sinon c e llu y de D ieu.
(II, 138â 140)
L âadm iration pour lâoeuvre et pour son C rĂ©ateur perm ettent Ă lâhom-me de comprendre son propre destin et sa place dans le monde:
Je ne sç a v o y s pou rq u oy D ieu fist la teste De l âhom m e en hault, d ifferen te Ă la beste*M ais m aintenant, je puys bien advou er Q ue ce ne fut sinon pour le louer!
(II, 65â68)
Louer son Seigneur est donc le destin de l âhomme; le monde avec sa beautĂ© et sa perfection doit constituer pour lui le chemin qui mĂšne vers Dieu.
On a vu que l âhomme Ă©tait prisonnier Ă cause de son ignorance (il ne connaissait pas l âinfidĂ©litĂ© de sa dame). Au m om ent oĂč il a appris la vĂ©ritĂ©, il sâest libĂ©rĂ©, et ce prem ier m ouvem ent de libertĂ© possĂ©dait .m aspect cognitif: lâhomme a connu la beautĂ© du monde et le sens de sa vie. Dans le schĂ©ma de ce prem ier voyage, on peut apercevoir le rap -port entre lâignorance et lâem prisonnem ent d âun cĂŽtĂ© et, entre la prise du savoir et la libĂ©ration de l âautre. Ce schĂ©ma, on le re trouve aussi dans deux voyages suivants: terres tre et intellectuel. Si, jusquâĂ prĂ©sent, lors du voyage âcosmiqueâ, lâhomme adm irait la beautĂ© de la nature, le voyage terrestre naĂźt de l âĂ©blouissem ent par la splendeur de lâarchi-tecture:
Je le s sa y lĂ la mer et ses b ateaux Pour a ller veoir et v ille s et chasteau x,Pala is, jardins [...]
(II, 145â 147)
Et câest, peut-ĂȘtre, Ă cause de cet Ă©blouissement que le voyageur ne reconnaĂźt pas que la splendeur des constructions n âest que
paradis de d e licesD ont le s b eaultez font ignorer les v ices
(II, 147â 148)
Les m Ă©faits de la civilisation ne tardent pas Ă se m anifester: lâhomme prend envie de bĂątir et d âorner les maisons, de possĂ©der les terres ce qui le rend esclave de lâAmbition; celle-ci le pousse Ă dĂ©sirer les biens m a-tĂ©riels qui lui perm ettron t de satisfaire Ă lâAmbition. Ainsi devient-il en plus esclave de lâAvarice.
Dans la suite de son voyage, lors de la visite des églises, il reste ébloui par leur somptuosité et richesse, ce qui pourtant ne dirige pas ses pensées vers Dieu, mais fait naßtre chez lui le désir de fonder une église:
Pour d Ă©la isser aux pierres [sa] m em oyre,Et aquerir par le s pierres la g loyre De vray salut.
(II, 237)
En plus, il pense aussi quâil lui sera plus facile dâavoir lâabsolution de ses pĂ©chĂ©s puisquâil a âde quoi les satisfaireâ (II, 242). Ainsi devient-il esclave de lâHypocrisie qui fait considĂ©rer les gestes exterieurs et la satisfaction des ambitions mondaines comme les signes de piĂ©tĂ©.
En continuant son voyage, il arrive Ă la cour oĂč il se laisse im pres-sionner par les a ttra its de la vie mondaine: il prend goĂ»t aux tournois et aux festins; ayant reje tĂ© lâamour parfait, il tombe dans la prison de la CupiditĂ©; câest ainsi qu âil embrasse la carriĂšre de courtisan et tout en
Souffrant la peur de la guerre et de l'unde(II, 424)
il reste persuadĂ© quâil suit un juste chemin d âhonneur et de vertu:
Et qui plus est, je m e persuad oys Q ue d'aquerir ce que bien je cu y d oy s Et vray honneur, c âesto it lo uab le ch ose,M onstrant vertu dedans le cueur enc lose.
(II, 425â 429)
Lorsquâil se m et Ă Ă©tudier, ce n âest pas non plus par l âam our de la science, mais pour acquĂ©rir la gloire mondaine, âle b ru it dâestre un hom-me sage et sçavantâ (II, 454). Et cette mise Ă profit intĂ©ressĂ©e de la science constitue un piĂšge de plus dans lequel tombe le hĂ©ros enivrĂ© par sa libertĂ©. Ce qui est pire, câest qu âil ne se rend pas compte de sa misĂšre et se croit heureux:
[...] plus contant su ys que ne fuz jam ais,Car de plaisir, d'honneur et de richesse M'a depnrty Fortune Ă grand largesse:
J'ay d'ung ch ascun l'amour et la faveur,Et mon sçavoir, aprins à grand ferveur,M e fait avoir au m onde te lle estim e,Que arrivé su ys, ce me sem ble, à la cym e De mon désir, qui me rend trescontant.
(II, 520â 527)
Câest ainsi que se term ine le voyage terrestre dont les effets ne sont pas aussi heureux que ceux du voyage âcosmiqueâ : si le spectacle de lâunivers a dirigĂ© l âĂąme humaine vers Dieu, le contact avec la civilisa-tion a dĂ©tournĂ© lâhomme de son destin: au lieu de rendre grĂąces Ă Dieu, il sâoccupe des affaires mondaines et temporelles, et le monde n âest plus pour lui le chemin qui conduit vers Dieu, mais un piĂšge, un obstacle qui lâempĂȘche de sâapprocher de son CrĂ©ateur.
Mais si cet Ă©chec Ă©ta it possible, câest que lâhomme ignorait la nature vicieuse de la vie mondaine: câest son ignorance qui lâa mis de nouveau en prison.
Il serait restĂ© pour toujours le prisonnier des vices mondaines, si le vieillard qui se dit âde science A m ateurâ ne lui avait pas fait com-prendre que les a ttra its de la vie m ondaine ne sont qu âapparents, que la libertĂ© n âest qu âune au tre captivitĂ©, que le bonheur terres tre est dĂ©ce-vant car la Fortune est m uable et aucune rĂ©ussite n âest dĂ©finitive; en plus, la poursuite du bonheur finit toujours mal aussi bien pour ceux qui ont rĂ©ussi que pour ceux qui ont Ă©chouĂ©: les prem iers, ayant a tteint le bonheur, âcrainctifz, poureux de le perdre [...] deviennentâ (II, 760), les seconds maudissent ,,1âheure, le temps, le jour / Que aux troys ty -rans ont eu foy ny am ourâ (II, 757â758). La poursuite du bonheur te r-restre rend non seulem ent l âĂąme humaine captive, mais, qui pis est, la rem plit dâinquiĂ©tude et dâinsatisfaction.
A in sy le cueur, de tourm ent en tourment,M onte, d escen d, et de tous costez tourne,Tant quâen ung poinct jam ais il ne sĂ©jou rne [...]
(II, 766â 768)
Le vieillard lui explique aussi que les vices et la poursuite du ton - heur Ă©loignent l âhomme de son prochain et de Dieu, par consĂ©quent lâhomme perd sa sim ilitude Ă Dieu et devient âĂ la beste semblableâ. L âattachem ent au monde tem porel sâavĂšre nĂ©faste aussi bien sur le plan naturel que surnaturel. Comme le moyen de sa libĂ©rer de la prison mondaine et de comprendre en quoi consiste la vraie vertu , le vieillard propose la lecture des oeuvres philosophiques â la sagesse hum aine aidera le hĂ©ros Ă trouver la libertĂ© et la vertu . Comme le degrĂ© supĂ©-rieu r de cette Ă©ducation morale, il indique la lecture de la Sainte Ecri-
ture qui communique lâenseignement de Dieu et offre le plus bel exemple de la vertu: lâhistoire de JĂ©sus Christ.
Câest ainsi que commence le troisiĂšme voyage: le cheminement in te l-lectuel. Cette fois, câest la âfantasieâ qui se promĂšne:
Car de [son] corps [le héros] ne b ou geoit d'ung lieu.( III, 369)
Au dĂ©but, les effets de ce voyage sont favorables: le voyageur prend conscience de sa propre âdeffianceâ (II, 956) et il voit clairement, sans se laisser trom per par les apparences, âle vice en sa laideurâ (II, 957). Ces bienfaits se laissent sentir bientĂŽt sur le plan moral:
Et m oy fuz sem blable à cerf ou veau Me retrou vay ung hom m e tout nouveau ,D oulx, p assien t, sobre, ch aste et joy eu lx ,Prudent, piteu x, m iséricordieux,Et liberal, fidelle, ferm e et fort,N e m e troublant pour v ie ne pour mort.
(II, 979â 984)
Et pourtant, il ne tardera pas à tomber dans un au tre piÚge: délivré de la prison des plaisirs mondains, il deviendra prisonnier du plaisir intellectuel, et, comme avant, il ne trouvera pas de repos car celui qui se m et à étudier
-N'a nul repoz, mais toujours va avant En désirant le sçavoir du sçavan t
(III, 45â 46)
L âĂ©tude des oeuvres thĂ©ologiques, Ă cause des diffĂ©rences entre les docteurs âirrĂ©fragables, [...] subtilz, seraphicques, amablesâ (III, 231â â232), le rem plit dâinquiĂ©tude et de dĂ©sespoir:
A retourner ces livres m'arrestay,M ais le s lisant bien peu me con ten tay,V oyan t en eu lx si forte difference Q ue par les ungs me croissoit l âesperance Et desesp oir par le s autres ven oit,Leur different en horreur m e tenoitUng jour joyeu lx , ravy jusques aux cyeu lx .L'autre damnĂ©, fa sch eu x et sou cieux.
(III, 261â 268)
Au moment, oĂč il aborde la lecture de la Bible, sa raison se rĂ©vĂšle incapable de comprendre le sens du christianisme: il ne dĂ©duit de lâAn-
cien Testam ent que la nĂ©cessitĂ© de faire pĂ©nitence et de pratiquer de bonnes oeuvres pour m Ă©riter le sa lut de l âĂąme. Nâayant pas compris le sens de la Bible, il dem eure prisonnier de la lettre.
V elà com ment, enferm é dans la lettre,En liberté je p en soy s du tout estre.
(III, 329â 330)
Encore une fois lâignorance lâemprisonne. C ette fois, elle est plus g ra-ve parce quâelle concerne la vĂ©ritĂ© de Dieu. Aussi la prison dans laquelle elle va m ettre notre hĂ©ros se ra-t-elle pire, le voyage intellectuel fin it dans la prison d âOrgueil: le âcuyder de sçavoirâ pousse lâhomme Ă se croire ,,mys desjĂ au reng des angesâ (III, 379â 388) et ĂȘtre exem pte de la souffrance et de la mort. En plus, puisquâil accomplit de bonnes oeuvres, il devient persuadĂ© de sa perfection et rem ercie Dieu de ne pas ĂȘtre
tel que le povre homme Que publiquain ou grand pecheur l'on nomme,Larron, meurtrier, faulx tesm oing, adultere.
(III, 40 7 -4 0 9 )
La prison dâOrgueil est la pire de toutes parce que, cette fois, le âpĂ©chĂ© ressem ble Ă la v e rtu â (III, 431) et lâhomme, qui se croit proche de Dieu, sâĂ©loigne de Lui: Ă cause de sa fiertĂ©, il devient Ă©tranger au christianism e qui est une religion dâ hum ilitĂ©. Mais cette fois, sa raison n âest plus capable de triom pher de lâignorance. De cette dern iĂšre prison, lâhomme ne pourra pas se dĂ©livrer par ses propres forces.
Câest ainsi que se term ine son cheminem ent Ă travers la terre et Ă trav ers les idĂ©es. MĂȘme si le prem ier m ouvem ent de libertĂ© a eu d âheureux rĂ©sultats, ces trois voyages sont, au fond, un Ă©chec, car ils ne sont q uâune suite de libĂ©rations et d âem prisonnem ents. Ces voyages dans lesquels l âignorance alterna it avec la prise du savoir sâachĂšvent par le triom phe de celle-lĂ .
En fin de compte, le bien acquis n âest quâapparen t ou mĂȘme faux. MĂȘme sâil se croit heureux, l âhomme ne se sent jam ais ni en sĂ»retĂ© ni en repos car, par envie dâavoir ou de savoir plus, il est toujours tour-m entĂ© par le dĂ©sir des nouveaux voyages.
La vĂ©ritĂ© que l âhomme essayait d âacquĂ©rir lors du voyage intellec-tuel ne lui a pas apportĂ© la libertĂ© totale et dĂ©finitive. Pourquoi7
Pour rĂ©pondre Ă cette question, rem arquons dâabord que les co n -ditions dans lesquelles sâeffectuent les voyages: intellectuel et terrestre, ne sont pas les mĂȘmes que celles du voyage âcosmiqueâ : Ă cause de sa faiblesse, lâhomme, sâest dĂ©tournĂ© de son destin: au lieu de louer Dieu,
il a dirigĂ© son regard vers la terre et sâest laissĂ© im pressionner par la civilisation:
M ais ma fo ib lesse enlin, par forte guerre,M e contraignit de regarder la terre,LĂ oĂč je v iz tout le plaisir que l'oeil Peult regarder, qui sou ven t fine en dueil.
(II, 73â 76)
Le voyage terrestre a Ă©tĂ© en trepris un peu par hasard, lâhomme ayant Ă© tĂ© frappĂ© par l âa ttra it extĂ©rieur des choses.
Lors de son chem inem ent Ă travers les idĂ©es, il ne suit pas non plus un plan prĂ©cis: Ă©bloui par la richesse du savoir, il ne veut quâen acquĂ©rir toujours plus sans se dem ander oĂč ce savoir va le mener.
Remarquons aussi que sa connaissance de la rĂ©alitĂ© se fait par les sens (les yeux) ou p ar la raison â les moyens hum ains dont chacun, Ă un certain moment, sâest m ontrĂ© im parfait.
Enfin, la rĂ©alitĂ© qui constitue l âobjet de son savoir, est la rĂ©alitĂ© temporelle et terrestre , et le bonheur que lâhomme pense acquĂ©rir se rĂ©alise uniquem ent dans le cadre des valeurs terrestres: lâhonneur et la richesse; lorsquâil lĂšve ses pensĂ©es vers Dieu, ce n âest que pour Le prier de pro longer son b ien-ĂȘtre terrestre:
Car la beaulté du m onde me plaist tant,Que l'Eternel, que je prie jours et nuietz,M e donne plus de plaisir que d'ennuys.
(Il, 528â 530)Il ne me fault que bonne et longu e v ie,Car d'estre icy sans mourir jâay envie.
(II, 535â 536)
Les deux voyages sâeffectuent donc uniquem ent dans le cadre n a tu -rel. Serait-ce la raison pour laquelle, quel que soit lâeffort de lâhomme, celui-ci finit toujours par dem eurer prisonnier de l âignorance, de lâinqui-Ă©tude et de l âinsatisfaction?
Et pourtan t lâhomme trouvera sa libertĂ©. Cependant, ce ne sera pas par ses propres forces, mais grĂące Ă la m isĂ©ricorde de Dieu qui, ayant pris pitiĂ© de lui, lui m ontrera le chemin vers la libertĂ© et la vĂ©ritĂ©. Cette fois, lâillum ination venant de Dieu n âaura lieu n i dans les yeux, ni dans la raison: la lum iĂšre divine transpercera le coeur:
Ce feu par qui tout mal est consumé,Pour mon oeil c loz ne fut m oins alum é Dedans mon cueur, qui de lu y fut espris A van t que l'oeil l'eust conceu ne compris.
(III, 4 9 5 -4 9 8 )
Ce sont deux fragm ents de l âEvangile par lesquels sâeffectue cette illum ination. Le prem ier parle de la logique particuliĂšre du chris-tianisme, qui est diffĂ©rente de celle du monde temporel.
Et la façon fut en lisant ung tex te OĂč Jesuchrist sa bontĂ© m anifeste,D isant Ă Dieu: âPere, je te ren dz graces,Qui aux p etis et Ă p erson n es b asses A s rĂ©v Ă©lĂ© le s trĂ©sors et secretz,Et aux sçavants, gentz d octes et discretz,Les as cach ezi tel est ton bon plaisir.
(III, 483â489)
Le second dĂ©finit Dieu comme le seul ĂȘ tre qui existe vraim ent et Ă cĂŽtĂ© de qui dâautres crĂ©atures ne sont Rien:
Je su ys qui su ys, que oe il v iv an t ne peult veoir.(III, 520)
Les effets de cette illum ination sont immĂ©diats: l âhomme se dĂ©livre de son orgueil et comprend que le seul vrai savoir est celui qui concer-ne Dieu. Et, câest dans ce nouvel Ă© ta t dâesprit qu âil commence un nou-veau cheminem ent â le chem inem ent spirituel. Dans les mĂȘmes livres quâil lisait avant, il cherche m aintenant la trace de Dieu, et le monde oĂč chaque crĂ©atu re tĂ©moigne de la prĂ©sence divine devient Ă nouveau pour lui le chemin vers le CrĂ©ateur. Mais finalement, câest dans le livre dâune femm e2 quâil apprendra que le chemin le plus sĂ»r qui mĂšne vers Dieu, câest le chemin de l âamour. Au term e de son chem inem ent spiri-tuel, il com prendra que la vraie libertĂ© est en Dieu:
Đ forte Amour, Ă qui tout est sou bzm ys De recevoir ce Rien par ton m istere!C este v o ix lĂ ne pu ys n y ne d oy taire:Que oĂč l'esp rit est div in et veh em en t,La lib ertĂ© y est parfaictem en t.
(III, 3210â 3214)
Câest ainsi que lâhomme acquiert sa libertĂ©: il n âĂ© ta it pas en Ă©ta t dây arriver par ses propres moyens intellectuels, incapable qu âil Ă© tait de passer du cadre natu rel au surnaturel, du tem porel Ă lâĂ©ternel, et cette impossibilitĂ© voue Ă l âĂ©chec sa recherche de la libertĂ© et de la vĂ©ritĂ©, celles-ci se trouvant dans un au tre cadre. Ainsi l âhomme apparaĂźt-il comme une crĂ©ature tragique, dĂ©chirĂ©e entre deux rĂ©alitĂ©s: celle oĂč il
2 II s âagit d âun d ia lo gu e a llĂ©gor iq u e, le Miroir des Sim ples A m es, Ă©crit probab-lem ent par M arguerite Porete (XIII* s iĂšcle ). V oir lĂ -d essu s, ib id em , p. 47 et sq.
vit, et celle oĂč se trouvent les valeurs essentielles pour lui: la libertĂ© et la vĂ©ritĂ©. Câest pourquoi son voyage, effectuĂ© uniquem ent par les forces hum aines et Ă travers les affaires mondaines, n âest pas une ac ti-vitĂ© constructive ni consciente; en trepris sous lâinfluence des impressions, il ne peut ĂȘ tre quâune errance Ă travers les fautes et les pĂ©chĂ©s. Si Dieu ne m ontre pas le chemin, ce tte errance du pauvre âv iateurâ ne le m Ăšne pas Ă bonne fin.
U nivĂ©rsitĂ© de ĆĂłdĆș Pologne
K ry s ty n a A n tk o w ia k
PODROĆ»Ä EGZYSTENCJALNE W PRISONS MAĆGORZATY Z NAW ARRY
G tĂłwny w Ä tek akcji ostatn iego poem atu M aĆgorzaty z N aw arry, stop niow e w y -zw alanie siÄ du szy lud zk iej z k rÄpujÄ cych jÄ w jej dÄ ĆŒeniu do Boga w iÄzĂłw : w iÄzienia nam iÄtnoĆci m iĆosn ej, w iÄzien ia am bicji z iem sk ich i w iÄzien ia p ych y p Ćyn Ä -cej z w ied zy zam kniÄtej w m artw ej literze, interp retuje autorka jako k ole jne pod-rĂłĆŒe: ziem sk Ä i intelektu aln Ä , koĆ czÄ ce siÄ jednak ĆŒe k lÄsk Ä bohatera. Praw dziwÄ drogÄ do w oln oĆci i praw dy znajduje on na drodze d u ch ow ego z jedn oczen ia z Bo-giem .