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Année 2002-2003
Université Robert SchumanStrasbourg III
DEA de droit des affaires
Les groupes de sociétés confrontés à la théorie des actes anormaux de
gestion
Sous la direction de Monsieur Philippe Marchessou
Matthieu Desfeuillet
- 1 -
SOMMAIRE
INTRODUCTION ........................................................ 4
TITRE I : L’APPROCHE TRADITIONNELLE DES OPERATIONS INTRA-GROUPES. ....................... 13
CHAPITRE I : LE MAINTIEN DU PRINCIPE DE L’ « EGOÏSME SACRE » ................................... 13
Section 1 : Les raisons de ce maintien ...................................................................... 14
§ 1 : L’impératif de lutte contre les transferts de bénéfices ................................ 14
§ 2 : Les causes juridiques....................................................................................... 17
Section 2 : Les effets du maintien du principe aux opérations intra-groupe ........ 20
§ 1 : La signification de ce maintien ....................................................................... 20
§ 2 : Les implications de ce maintien ..................................................................... 23
CHAPITRE II : L’ATTENUATION DU PRINCIPE ........................................................................ 29
Section 1 : En présence de liens financiers : les relations mères-filles ................ 30
§ 1 : La possibilité de conclure des transactions à un prix inférieur à celui du marché......................................................................................................................... 30
§ 2 : La possibilité d’octroyer des aides aux filiales en difficulté........................ 35
Section 2 : En présence de liens commerciaux........................................................ 39
§ 1 : Les conditions ................................................................................................... 40
§ 2 : Les effets............................................................................................................ 42
TITRE II : PLAIDOYER POUR UNE NOUVELLE APPROCHE DES OPERATIONS INTRA-GROUPE ................................................................... 44
CHAPITRE I : LES AMORCES D’UNE REELLE PRISE EN COMPTE DU GROUPE....................... 44
Section 1 : Les apports du régime de l’intégration fiscale ...................................... 44
§ 1 : Les assouplissements résultant du régime lui-même................................. 46
§ 2 : La prise en compte l’intérêt du groupe dans les groupes intégrés : l’arrêt « Société SEEE » ...................................................................................................... 48
- 2 -
Section 2 : Les apports de l’arrêt des « centres Leclerc »...................................... 50
§ 1 : La solution apportée par l’arrêt des centres Leclerc ................................... 50
§ 2 : Le problème de sa portée ............................................................................... 51
CHAPITRE II : QUEL REGIME POUR LES OPERATIONS INTRA-GROUPE ? ............................. 53
Section 1 : La reconnaissance de l’intérêt du groupe.............................................. 54
§ 1 : La légitimité d’une prise en compte de l’intérêt du groupe......................... 54
§ 2 : Les modalités de cette prise en compte ....................................................... 55
Section 2 : Les alternatives à la reconnaissance de l’intérêt du groupe .............. 57
§ 1 : L’abandon de la théorie des actes anormaux de gestion pour les opérations intra-groupe............................................................................................. 57
§ 2 : La création d’un véritable droit fiscal des groupes. ..................................... 58
CONCLUSION .......................................................... 60
BIBLIOGRAPHIE...................................................... 62
TABLE DES MATIERES ......................................... 65
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Introduction
Depuis 20 ans, avec l’avènement de la mondialisation, le poids des groupes dans l’économie
n’a cessé de progresser : entre 1980 et 2000, le nombre de groupes de sociétés a été multiplié
par 81. Si l’on explique généralement ce phénomène par le mouvement de concentration des
entreprises, on constate au cours des dix dernières années un ralentissement des
concentrations. Or dans le même temps, on observe l’essor des « microgroupes »2 (groupes de
moins de 500 salariés), dont la création est motivée en général par une stratégie de croissance
ou par la volonté de séparer activité commerciale et propriété immobilière.
Quoi qu’il en soit, aujourd’hui, en France, les groupes de sociétés représentent une part
importante de l’activité économique : une entreprise sur 20 fait partie d’un groupe français ou
étranger, plus de la moitié des salariés y travaille (6,3 millions) produisant plus de 60% de la
valeur ajoutée3.
Cet essor des groupes de sociétés est lié à la stratégie de développement des entreprises. La
prise de participation est préférée à la fusion. Cela s’explique entre autres par les nombreux
avantages que revêt cette forme d’organisation des entreprises. Le groupe de sociétés permet
une croissance externe de l’entreprise, qui présente l’avantage par rapport à la croissance
interne de cantonner les risques d’une nouvelle activité4. Cela permet de diviser les risques
lorsque l’entreprise exerce des activités variées (conglomérat). Néanmoins, cette tendance à la
diversification de l’activité de l’entreprise est aujourd’hui remise en cause par la doctrine
économique dominante. Cette doctrine vise plutôt à un repli de l’entreprise autour de son
activité principale, historique, pour concentrer ses forces et éviter la dispersion, et devenir
ainsi leader sur le marché dans son domaine.
La structuration en groupe peut résulter également de la volonté de rationaliser l’organisation
des différentes activités économiques du groupe. Elle permet d’introduire une souplesse dans
la gestion tout en maintenant une unité de direction. On déconcentre les organes de gestion
tout en centralisant les objectifs. Mais aussi une souplesse dans la structure de l’entreprise :
1 INSEE Première N° 553 , n° 764 mars 2001et 836 : le nombre de groupes est passé de 1 306 en 1980 à 9551 en 2000. 2 Hervé Loiseau, Des groupes de la taille d’une PME : un phénomène en plein essor, INSEE Première N°764 mars 2001. D’après cette étude de l’INSEE, leur nombre a augmenté de 6000 entre 1990 et 1998 : ils représentent aujourd’hui plus de 80% des groupes. Il faut savoir aussi que de ce fait, une PME sur 8 appartient à un microgroupe. 3 Anne Skalitz, Au-delà des entreprises : les groupes, INSEE Première N° 836 mars 2002. 4 L’entreprise peut de ce fait se séparer d’activités déficitaires sans engager la responsabilité de toutes les entités du groupe. Elle peut également commencer une nouvelle activité, créer un nouveau produit sans que son échec ait une influence sur la notoriété du groupe.
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les groupes de sociétés sont des instruments efficaces des restructurations car ils permettent le
transfert de branches d’activités et les partages d’influence. Il faut noter que cette souplesse
procède essentiellement de l’absence de réglementation globale des groupes de sociétés.
Mais surtout, la constitution d’un groupe va permettre la création de synergies et d’économies
d’échelle par la mise à disposition du potentiel économique de plusieurs sociétés.
Enfin, la création d’un groupe (en général ce sont alors des microgroupes) peut être motivée
par la volonté de transmettre l’entreprise dans les meilleures conditions.
Ainsi, l’organisation de l’entreprise en groupe va permettre aux acteurs économiques
d’asseoir leur compétitivité et d’accroître leur profit.
Le groupe de sociétés constitue donc un mode de gestion souple et efficace d’un ensemble
économique de sorte que messieurs Germain et Vogel y ont vu « un des phénomènes les plus
remarquables de l’économie contemporaine »5. C’est une réalité économique dont il faut tenir
compte et dont on mesure bien l’importance dans une société mondialisée et globalisée.
Intéressons-nous maintenant au concept de groupe de sociétés et à son appréhension par le
droit en général puis plus particulièrement par le droit fiscal qui est le domaine de notre étude.
Le groupe de sociétés ne doit en aucun cas être considéré comme une société de sociétés. En
effet, le groupe de sociétés ne fonctionne pas comme une économie dont les sociétés du
groupe seraient les associés. La logique dans les groupes de sociétés est très différente de
celle qui doit présider dans les sociétés. Dans les sociétés, les associés collaborent sur un pied
d’égalité alors que dans les groupes de sociétés, les sociétés du groupe agissent selon la
politique du groupe définie par la société mère. Le groupe de sociétés n’a pas vocation à
former un organisme collectif mais plutôt à utiliser les capacités et les possibilités de chacune
des sociétés du groupe dans un intérêt commun. Ainsi, dans les groupes de sociétés le rapport
hiérarchique existant entre les sociétés s’oppose à ce que l’on puisse assimiler le groupe de
sociétés à une société de sociétés.
Si l’on s’accorde pour reconnaître que le groupe de sociétés est un ensemble de sociétés qui,
tout en étant juridiquement distinctes, se trouvent cependant liées les unes aux autres, de telle
sorte que l’une d’entre elles, la société mère, est en mesure d’imposer aux autres une unité de
décision6, l’application de cette définition vague et large aux différentes branches du droit
5 G. Ripert et R. Roblot, par M. Germain et L. Vogel, Traité de droit commercial, L.G.D.J., 1999, n° 1010. 6 Ph. Delebecque, Rev. proc. Coll., n°1998-2, p.129
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pose plus de difficultés. Le groupe de sociétés a donc du mal à être appréhendée par le droit.
A ce titre, c’est une illustration convaincante de la dichotomie entre le fait et le droit.
Cette difficulté est liée à la nature économique de la notion de groupe de sociétés. Celle-ci n’a
aucun contenu juridique. Car il s’agit de saisir un fait économique, une construction évolutive,
sui generis mouvant qu’il est difficile d’enfermer dans le cadre d’une norme juridique précise.
Cela résulte également de la grande diversité, de la complexité des groupes de sociétés et de
leur perpétuelle évolution. En premier lieu, de part la nature des liens unissant les sociétés
entre elles qui peuvent être contractuels, personnels7 ou financiers. De part également la
structure du groupe (radiale, pyramidale, circulaire, complexe …). Enfin, de part l’objectif
poursuivi par le groupement, qui s’il est souvent économique, peut n’être que financier
comme dans les conglomérats (tel Vivendi Universal).
Face à la diversité des groupes de sociétés, faut-il en retenir une conception large ou étroite ?
Enfin, la contradiction inhérente aux groupes de sociétés n’améliore pas la situation. La
définition du groupe de sociétés traduit une opposition entre la situation de droit qui est celle
de l’indépendance juridique8 des sociétés du groupe mais qui correspond également au
phénomène économique de la décentralisation, et la situation de fait qui est celle de la
convergence des objectifs, de la concentration du pouvoir de décision, caractérisée par
l’existence d’une direction économique commune.
Quel aspect, de la réalité économique ou de la situation juridique, faut-il faire prévaloir ?
L’unité économique, c’est-à-dire ce système de relations de dépendance économique sur
lesquelles s’exerce un pouvoir centralisé, ou l’indépendance juridique des sociétés membres
du groupement ?
Le législateur a fait le choix de ne pas élaborer de régime global contrairement au législateur
allemand9. Par conséquent, il a refusé de reconnaître au groupe la personnalité juridique. L’on
peut aussi observer l’absence de définition légale du groupe de sociétés en droit français. Dès
lors, la notion de groupe de sociétés reste ambiguë.
7 Il faut noter que les groupes personnels, où c’est une personne physique qui exerce sa domination sur les sociétés du groupe, sont très rares aujourd’hui. Un holding est, le plus souvent, constitué car cela présente des avantages juridiques et fiscaux. 8 L’indépendance des sociétés est un critère fondamental du groupe : c’est ce qui permet de le distinguer de la forme unitaire (qui comprend des succursales dépourvues de la personnalité morale) 9 Le régime de l’Organschaft qui reconnaît la personnalité juridique aux groupes de sociétés.
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Ainsi, l’on constate aujourd'hui une antinomie fondamentale10 entre les groupes de sociétés et
le droit. Le groupe de sociétés qui est issu de la pratique économique n’a pas actuellement de
traduction juridique. Par conséquent, traiter des groupes de sociétés revient à traiter d’une
situation de fait parfois opposée à la situation juridique.
Devant l’absence de régime général des groupes de sociétés, chaque branche du droit a
privilégié une approche particulière au regard de ses propres finalités. Ainsi, le groupe de
sociétés est une notion fonctionnelle qui va être définie en fonction de l’objectif poursuivi.
Comme l’a très justement affirmé T. Gauthier11, la notion de groupe de sociétés est un prisme
qui reflète une image différente selon la facette du droit qui est observée.
En droit commun le groupe de sociétés est appréhendé au travers de la notion de contrôle. Il y
a groupe de sociétés lorsqu’une société en contrôle financièrement une autre, lorsque c’est
elle qui, au travers de sa participation dans le capital, exerce une influence déterminante sur la
société.
Le droit du travail, soucieux de la protection effective des salariés dans l’entreprise, s’est
intéressé à la réalité économique du groupe, notamment en créant des comités de groupes,
permettant ainsi à ceux-ci d’être au plus prêt de la prise de décision économique. Il définit à
cette occasion le groupe comme une entité composée de la société dominante, de ses filiales et
sous-filiales et des participations. Il renvoie ensuite au droit des sociétés pour la définition des
membres du groupe. Cette définition n’est pas satisfaisante car elle est très large mais ne
signifie pas grand chose.
Pour le droit de la concurrence, le groupe de sociétés est assimilé à une entreprise et à ce titre
il est exonéré du respect de certaines règles.
Le droit fiscal s’inscrit dans le même courant. Il a du mal à cerner le groupe de sociétés,
préférant le prendre en compte pour ce qu’il induit et non pour ce qu’il est. De fait, il ne
reconnaît pas le groupe dans son ensemble et le fait uniquement à l’aide de régimes très
limités dans leur application et sous un contrôle très réglementé. De plus, ces régimes, qui ne
prennent en compte que les liens financiers du groupe de sociétés, ne visent donc que certains
aspects des groupes. Dès lors, ces dispositions ne s’appuient pas sur une même définition du
groupe de sociétés. Il y a donc autant de définitions que de régimes fiscaux du groupe. Ainsi,
le régime mère-fille, qui permet l’exonération des dividendes distribués par la société filiale à
sa mère, est applicable en cas de participation supérieure à 5% dans la filiale. Au contraire, 10 T. Gauthier , Les dirigeants et les groupes de sociétés, Litec 2000 p.9 11 T. Gauthier , Les dirigeants et les groupes de sociétés, Litec 2000 p.11
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pour le régime de l’intégration fiscale qui permet une consolidation des résultats des sociétés
du groupe, une participation de 95% est nécessaire.
Devant l’absence de réglementation globale et cohérente, il convient de se pencher sur
l’opportunité d’une telle réglementation. L’adoption d’une réglementation plus précise et plus
complète risque de se traduire par un statut rigide, un carcan juridique susceptible d’entraver
le fonctionnement des groupes. De plus, il est difficile, voire impossible de les saisir dans
toutes leurs diversités. L’approche pragmatique actuelle même si elle demeure imparfaite
permet dans les faits de traiter au cas par cas les problèmes juridiques et fiscaux qui
apparaissent au sein des groupes. La « cloison » qui subsiste entre les sociétés d’un même
groupe permet de prévenir les abus de biens sociaux.
Nous adopterons pour les besoins de notre étude une conception large de la notion de groupe,
proche de celle proposée par le treizième rapport du Conseil des impôts : « un groupe de
sociétés est l’ensemble constitué par plusieurs sociétés ayant chacune leur existence juridique
propre mais unies entre elles par des liens divers, en vertu desquels l’une d’elles, dite société
mère, qui tient les autres sous sa dépendance, exerce un contrôle sur l’ensemble et fait
prévaloir une unité de décision ». En effet, selon nous, le critère essentiel du groupe de
sociétés est la « domination »12 qu’exerce une société sur les autres ; c’est la capacité qu’a une
société à exercer une influence déterminante sur l’activité d’autres sociétés.
Cette conception nous donne la possibilité d’appréhender les différentes formes de groupes de
sociétés ( dont les groupes contractuels et les groupes personnels).
S’il n’existe ni définition unique ni régime global des groupes de sociétés, la situation actuelle
n’est toutefois pas satisfaisante.
Le législateur a opté pour un régime de liberté ne préférant fixer que les limites au
fonctionnement des groupes de sociétés. Ainsi, les dispositions relatives à l’autocontrôle, aux
conventions réglementées, aux OPA, vont dans ce sens. Ces dispositions visent en fait
essentiellement à la protection des actionnaires minoritaires du groupe. Dès lors, elles
privilégient l’autonomie patrimoniale de chaque société sur l’unité économique du groupe.
Mais ce régime de liberté présente des inconvénients en matière fiscale. Car le droit fiscal vise
à imposer des sociétés prises individuellement. Or le groupe de sociétés, qui ne constitue
12 M. Cozian, A. Viandier, Fl. Deboissy, droit des sociétés, Litec, 13e édition : « Domination : c’est le mot clé en matière de groupe »
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économiquement qu’une seule entité, va être pénalisé de l’absence de véritable prise en
compte du groupe de sociétés par le droit. De fait, le droit fiscal impose les sociétés
individuellement ce qui donne lieu à des doubles impositions dans les groupes. De plus, le
cloisonnement des résultats entre mère et filiale engendre une pression fiscale plus lourde. Les
régimes du bénéfice consolidé et de l’intégration fiscale permettent de l’éviter mais ce sont
des régimes accessoires qui ont un champ d’application restreint.
Cela se manifeste aussi plus généralement dans les relations intra-groupe. Les sociétés d’un
groupe entretiennent en effet des relations privilégiées entre elles. Elles sont liées entre elles
par un même objectif. Celui-ci consiste en la réalisation de synergies, d’économies en vue
d’améliorer leur compétitivité et de gagner ainsi des parts de marché. Les relations intra-
groupe sont caractérisées par des rapports de dépendance économique en raison du contrôle
exercé par la société mère. Elles sont le fruit d’un compromis plutôt que d’un rapport de
force. De fait, elles n’obéissent pas aux mêmes règles que les relations entre sociétés tierces.
Elles ne doivent donc pas être traitées de la même manière. La fréquence et la diversité des
relations intra-groupe nécessitent une réglementation souple qui passe par l’adaptation des
principes généraux applicables aux relations entre sociétés tierces. Mais comme chaque
société du groupe conserve sa personnalité morale et son patrimoine, il ne faut pas non plus
que les relations intra-groupe soient dispensées de toute réglementation et de tout contrôle.
Car ces relations ne doivent pas porter atteinte aux droits des créanciers de ces sociétés, qui
sont des tiers au groupe, en transférant par exemple indûment des bénéfices d’une société du
groupe à une autre.
Dès lors, quel a été le chemin suivi par le législateur et le juge ?
A l’instar des relations entre sociétés tierces, celles-ci ne sont que très peu réglementées.
Seuls la procédure des conventions réglementées et l’article 57 du CGI en droit fiscal s’y
intéressent. Ainsi, c’est essentiellement le juge qui s’en est chargé.
Les relations intra-groupe sont de fait contrôlées par les juges commercial, pénal et fiscal de
manière assez analogue mais avec des raisonnements quelque peu divergents. Ces juges vont
en pratique tous sanctionner les actes conclus contrairement à l’intérêt social mais avec une
opinion différente sur ce que l’on doit entendre par intérêt social dans les groupes de sociétés.
En matière pénale et commerciale, la prise en compte du groupe se heurte à la protection des
minoritaires et des autres créanciers sociaux. Le juge commercial a eu à connaître des
relations intra-groupe au travers des conventions réglementées. Cette réglementation vise à
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protéger les actionnaires minoritaires contre les détournements qui pourraient être opérés par
les dirigeants de la société. La loi NRE a systématisé son application dans les groupes de
sociétés. Mais y demeurent toujours exonérées les conventions courantes conclues à des
conditions normales. Pour déterminer les caractères courant et normal des conventions, le
juge a accepté de prendre en compte les particularités des relations intra-groupe. Il a suivi la
même démarche à propos de l’abus de majorité13.
Le juge pénal s’est intéressé aux relations intra-groupe à l’occasion de plaintes déposées pour
abus de bien social ou abus de crédit. Il vérifie alors si l’acte en cause14 a été réalisé dans
l’intérêt social. Dans les relations intra-groupe, le juge pénal a admis que l’intérêt du groupe
puisse être pris en compte pour décharger le chef d’entreprise.
En matière fiscale, c’est au travers de la théorie des actes anormaux de gestion que la
jurisprudence a été amenée à connaître les relations intra-groupe. Cette théorie d’origine
prétorienne repose sur l’idée que la liberté de gestion de l’entreprise interdit l’immixtion de
l’administration en ce domaine, mais que tout acte doit répondre à son intérêt. Elle repose
également sur le postulat que la gestion de l’entreprise est nécessairement commandée par la
recherche de profits. Cela conduit à refuser la déduction des charges qui n’auraient pas été
exposées pour servir l’entreprise. Le souci évident ici est celui de la protection des intérêts du
fisc. En effet, il est intéressé à la gestion de l’entreprise puisque par l’IS, il va percevoir 1/3
des bénéfices réalisés par les entreprises. L’Etat est en quelque sorte « actionnaire » de toute
société implantée en France. C’est à ce titre qu’il bénéficie d’un droit de regard sur la gestion
de l’entreprise.
Pour définir l’acte anormal de gestion, on peut reprendre les termes du commissaire du
gouvernement M. Racine dans ses conclusions à propos d’un arrêt du Conseil d'Etat du 27
juillet 198415. C’est « un acte ou une opération qui se traduit par une écriture comptable
affectant le bénéfice imposable que l’administration entend écarter comme étant étrangère ou
contraire à l’intérêt de l’entreprise… ». Il permet donc au fisc de vérifier que les décisions de
l’entreprise qui ont des répercussions fiscales16 ont bien été prises dans l’intérêt de celle-ci.
13 La Cour de cassation l ‘a défini « comme étant une résolution litigieuse… prise contrairement à l’intérêt général de la société et dans l’unique dessein de favoriser les membres de la majorité au détriment de la minorité » : Cass crim., 18/04/61, D. 1961, 661. Pour une étude plus approfondie de l’abus de majorité dans les groupes de sociétés : voir M..Pariente, Les groupes de sociétés, aspects juridique, social, comptable et fiscal, Litec,1993 n°235 et s. 14 Qui a entraîné un transfert de biens vers le patrimoine d’un dirigeant ou d’une société à laquelle il est intéressé. Pour une étude plus complète voir également la thèse de M..Pariente précité, n°101 et s. 15 Ccl. Publiées dans RJF 10/84 p.563 sous CE, 7e, 8e et 9e sous-sect., 27/07/84. 16 C’est-à-dire tout acte qui a pour conséquence de l’appauvrir et ainsi de diminuer les bénéfices.
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Cela signifie que les actes de gestion effectués par l’entreprise ne doivent pas être dépourvus
de contrepartie.
L’identification des actes anormaux de gestion renferme une part d’aléa qui laisse une
importante marge d’appréciation au juge. Cela garantit une certaine souplesse d’application
mais cela implique aussi une relative incertitude quant aux situations qui pourront être visées.
Elle l’oblige à porter un jugement de valeur sur ce qu’est l’intérêt de l’entreprise. Cette
souplesse pourrait permettre au juge d’apprécier in concreto les différentes situations créées
par les groupes de sociétés.
Dès lors, comment le juge fiscal appréhende-t-il les opérations intra-groupe ?
Il faut trouver un équilibre entre la prise en compte des préoccupations des groupes et la lutte
contre l’évasion fiscale. Il ne faut pas pénaliser économiquement les groupes par des mesures
non adaptées à la vie de ce type de structures, par des cascades d’impôts, mais écarter le
risque de privilégier un outil d’évasion fiscale par transfert de résultat.
La jurisprudence a fait prévaloir la situation juridique. En conséquence, en raison de l’absence
de personnalité juridique et fiscale reconnue au groupe de sociétés, le principe en matière de
relation intra-groupe est celui du maintien de l’application de la théorie des actes anormaux de
gestion. Le Conseil d'Etat n’admet de fait la normalité des avantages intra-groupe que si
l’action est égoïste, c'est-à-dire qu’il existe une contrepartie.
On constate toutefois un léger infléchissement pour les relations mère-filiale, ce qui peut
s’expliquer en raison de la prise en compte de ces relations par le régime mère-fille et des
liens financiers qui les unissent. En revanche, le maintien des solutions aux relations entre
sociétés sœurs s’applique pleinement. L’unité économique ainsi que la communauté des
objectifs du groupe ne sont donc pas pris en compte par le droit fiscal.
L’équilibre actuel n’est pas satisfaisant puisque la législation et l’attitude du juge de l’impôt
sont des freins, sinon à l’expansion des groupes de sociétés qui ne répond pas qu’à des
considérations fiscales, à la compétitivité des groupes français.
Dès lors, comment favoriser la dynamique économique du groupe tout en préservant l’intérêt
public ?
Une meilleure prise en compte du groupe pourrait passer par la reconnaissance de l’intérêt du
groupe ou par l’élargissement du régime de l’intégration fiscale. Ce régime, s’il apporte des
solutions relativement satisfaisantes, demeure un régime accessoire dans la mesure où il n’est
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applicable qu’aux groupes où les participations financières entre les sociétés sont supérieures
à 95%. Ce niveau de participation exclut de ce régime une grand nombre de groupes de
sociétés dont les groupes personnels et contractuels.
Nous envisagerons donc dans une première partie la position traditionnelle de la jurisprudence
fiscale quant aux opérations intra-groupe, position qui repose essentiellement sur la théorie
des actes anormaux de gestion (Titre I)
Dans une deuxième partie, nous tenterons de développer une nouvelle approche des groupes
de sociétés, qui soit réaliste et qui puisse au mieux répondre à la problématique des groupes
(Titre II).
Les solutions adoptées en matière d’opérations intra-groupe au niveau interne sont
globalement transposables au niveau international. En effet, le raisonnement suivi pour
l’application de l’article 57 CGI reprend celui suivi en matière d’acte anormal de gestion. Le
commissaire du gouvernement M.-H. Mitjavile, dans des conclusions récentes sur un arrêt de
plénière du Conseil d'Etat du 27 novembre 2003 en a fait une convaincante démonstration aux
termes de laquelle il affirme que « les relations entre société mère et filiale étrangère sont
commandées, quels que soient leurs liens par l’acte anormal de gestion17 ». Nous
n’aborderons ces relations qu’indirectement, lorsqu’elles corroborent celles au niveau interne.
17 Ccl. sous CE, Plén.,27/11/81, n°16814, DF 82 n°31, comm. 1630, RJF 1/82 n°7 ccl. J.F. Verny p.9
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Titre I : L’approche traditionnelle des opérations intra-groupes.
Les sociétés d’un groupe ont de part leur communauté d’intérêt, un penchant naturel à nouer
des relations entre elles. Ces relations sont plus sûres et peuvent être conclues à des conditions
plus avantageuses sans respecter les prescriptions du droit de la concurrence.
Leur appartenance à un groupe de sociétés, leur soumission à l’intérêt du groupe et les divers
avantages résultant de leur intégration ne sont pas pris en compte aujourd’hui par le droit
fiscal.
L’intérêt du groupe n’est pas pris en considération dans l’appréciation du caractère normal ou
anormal des relations s’établissant à l’intérieur d’un groupe non intégré. Cela a pour
conséquence directe que les sociétés du groupe ne pourront invoquer que leur intérêt propre
(chapitre I).
Cependant, le juge de l’impôt apprécie l’intérêt propre de chaque société en fonction du
contexte dans lequel a été passé l’acte en cause. A ce titre, vont être pris en compte
notamment l’interdépendance et l’intégration des sociétés d’un même groupe. De plus, le
Conseil d'Etat accepte depuis toujours de prendre en considération les liens de capital qui
existent entre une société mère et sa filiale. Et ainsi, le groupe va-t-il être pris en compte
indirectement par la jurisprudence (chapitre II).
Chapitre I : Le maintien du principe de l’ « égoïsme sacré18 »
Cette formule conçue par M. Jérôme Turot illustre bien le principe qui régit les opérations de
gestion réalisées par les sociétés. En effet, la théorie des actes anormaux de gestion telle que
développée par le juge administratif et l’administration interdit aux sociétés toute libéralité.
Ce principe trouve aussi à s’appliquer dans les groupes de sociétés où chaque société du
groupe doit agir dans son intérêt propre.
En effet, comme l’a si bien résumé le professeur Cozian19, l’appartenance à un groupe de
sociétés n’a pas cette vertu magique de transformer le mal en bien, les conditions anormales
en conditions normales. Chacune des sociétés du groupe conserve sa personnalité juridique et
fiscale, y compris les filiales à 100% sous l’entière dépendance économique et financière de la
18 J. Turot, Avantages consenties entre sociétés d’un groupe multinational, RJF 1989, n°5 p.263 19 M. Cozian, les transactions intra-groupes in Les grands principes de la fiscalité des entreprises, Litec 4e éd. 1999
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mère. Celle-ci a pris le choix et le risque d’engendrer un nouveau sujet de droit juridiquement
indépendant.
Dès lors, il nous faut passer en revue les raisons (section 1) et les implications (section 2) de
l’application du principe de l’égoïsme sacré aux groupes de sociétés.
Section 1 : Les raisons de ce maintien Chacune des sociétés du groupe conserve sa personnalité juridique et fiscale.
Comme souvent en matière fiscale, les causes du maintien du principe de l’égoïsme sacré
dans les groupes de sociétés sont d’ordre politiques (§1). Ce sont ces raisons qui ont dicté
l’orientation suivie par le Conseil d'Etat et par conséquent, les justifications juridiques (§2).
§ 1 : L’impératif de lutte contre les transferts de bénéfices20 Comme l’explique clairement le commissaire du gouvernement J.-F. Verny21, de même que le
fisc doit être prémuni contre le risque de transfert de matière fiscale vers l’étranger, de même
il doit l’être contre les transferts indirects de bénéfices imposables entre personnes juridiques
distinctes et notamment contre la tentation de faire absorber par les déficits de la filiale les
bénéfices réalisés par la mère. Cela est d’autant plus vrai que le fisc n’est pas le seul à être
victime de ces transferts indirects de bénéfices.
A. Le risque de transferts de bénéfices à l’occasion d’opérations intra-groupe A défaut de pouvoir opter pour le régime d’intégration fiscale, les groupes de sociétés sont
tentés d’opérer cette intégration indirectement par le biais de libéralités intra-groupe ou de
tout autre procédé permettant de transférer les bénéfices d’une société à une autre déficitaire.
Cela s’explique par les relations privilégiées qu’entretiennent les sociétés d’un même groupe.
Les transactions réalisées entre sociétés d’un même groupe n’ont aucune influence sur le
groupe puisque le bien (compris au sens large) demeure dans le « patrimoine économique »
du groupe, étant entendu également que les contrats intra-groupe ne sont plus négociés entre
deux parties indépendantes mais dictés par une autorité commune.
20 Cet objectif explique l’application de la théorie des actes anormaux de gestion dans l’ordre international ainsi que la parenté des règles applicables. 21 Ccl. Du commissaire du gouvernement J.-F. Verny sous CE, 7e, 8e et9e sous-sect., 27/11/81 req. n°16814, RJF 82 n°1 p.8
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Dès lors, il est facile dans les groupes de sociétés d’opérer des transferts de bénéfices, par
exemple, par le biais de cessions à des prix fixés de manière artificielle ou encore par le biais
d’aides répétitives.
Ainsi, les opérations intra-groupe entraînent des risques de déplacement de la masse
imposable vers les entités les moins taxées du groupe. De sorte que les relations intra-groupe
sont propices à des transferts de bénéfices pour des motifs extérieurs aux mécanismes du
marché qui ne tiennent qu’à la politique interne du groupe.
De plus, l’existence d’actionnaires communs à deux sociétés, fréquente dans les groupes de
sociétés, met à l’abri de tout contrôle extérieur les opérations réalisées entre ces entreprises et
facilite ainsi la réalisation d’opérations étrangères à une gestion normale. D’ailleurs, la plupart
des opérations intra-groupe sanctionnées par le biais des actes anormaux de gestion sont des
montages frauduleux.
Tout cela favorise les opérations dont le seul but est la diminution de la pression fiscale. Le
groupe de sociétés est ainsi un instrument idéal d’évasion fiscale.
Dès lors, seuls les transferts de bénéfices effectués sous forme de dividendes, c'est-à-dire
après paiement de l’impôt sur les sociétés sont exonérés (régime mère-fille), regardés avec
bienveillance par le fisc et le juge de l’impôt. Les transferts indirects, effectués sous d’autres
formes, sont considérés suspects.
B. La nécessaire lutte contre les transferts de bénéfices intra-groupe Chaque société conserve un patrimoine propre. Dès lors, il faut protéger tous les ayants-droits
de chaque société du groupe contre toute opération aboutissant à son appauvrissement. De cet
impératif de protection, on tire la nécessité pour chaque société du groupe d’agir dans son
propre intérêt. Ainsi, toute opération réalisée par elle avec d’autres sociétés devra être
équilibrée, contenir une contrepartie suffisante.
1) La nécessité de sauvegarder les recettes fiscales
La théorie des actes anormaux de gestion a pour but principal la protection des intérêts du fisc
et de l’intérêt général (égalité devant les charges publiques).
- 15 -
Dès lors, la recherche de l’intérêt propre de chaque société dans les relations intra-groupe
évite de transformer le droit fiscal en pourvoyeur de toutes sortes de libéralités au détriment
des entreprises elles-mêmes par le truchement de la déduction des charges.
Comme nous l’avons affirmé en introduction, l’Etat est en quelque sorte « actionnaire » de
toute entreprise exploitée en France. Ainsi, tout appauvrissement d’une société est
préjudiciable pour l’Etat même lorsqu’il bénéficie à une autre société de groupe. C’est
pourquoi, s’il n’est pas suffisamment justifié aux yeux du fisc, il doit lui être inopposable.
Un système de compensation à l’échelle du groupe des bénéfices et des déficits générés par
les sociétés d’un groupe, s’il se justifie économiquement, coûte très cher à l’Etat. Pour preuve
le régime de l’intégration fiscale22 coûtait en 1995 19 milliards de francs23.
Une aide accordée par une société bénéficiaire à une société déficitaire, si on admettait sa
déductibilité, ferait contribuer l’Etat à l’opération à hauteur d’un tiers. Dès lors, le contrôle de
l’administration sur ces opérations se doit d’être effectif.
Il en résulte que c’est au regard de chaque sujet fiscal que l’intérêt de la société à l’opération
en cause doit être apprécié.
2) La protection des actionnaires minoritaires et des créanciers des différentes sociétés du groupe
L’appartenance d’une société à un groupe de sociétés peut avoir des conséquences
dommageables pour ses actionnaires minoritaires et autres créanciers. Outre le fait qu’ils
n’ont aucune influence sur la politique poursuivie par la société qui est déterminée au niveau
du groupe, ceux-ci sont susceptibles de voir une partie des bénéfices normalement destinée à
la distribution sous forme de dividendes (en faveur de tous les actionnaires) ou au paiement
du passif social, être confisquée par l’actionnaire majoritaire, le groupe, dont ils ne sont pas
forcément actionnaires. D’autant que les résultats de chaque société d’un groupe ne peuvent
se compenser pour la détermination de l’impôt sur les sociétés à payer24. Cela a au minimum
un coût de trésorerie lorsque les déficits peuvent être reportés sur l’impôt sur les sociétés
ultérieur à payer et dans le cas contraire un coût définitif. Leur protection s’oppose à la licéité
des transferts de bénéfices dans les groupes de sociétés.
22 Voir supra p.44 et s. 23 Depuis, le ministre de l’économie et des finances se refuse à en calculer le coût pour des raisons que l’on peut aisément comprendre (voir également http://www.assemblee-nat.fr/dossiers/grindus/t1part01.asp ) 24 Les pertes éventuelles de certaines sociétés du groupe ne peuvent être déduites des bénéfices des autres sociétés pour le calcul de l’impôt.
- 16 -
De plus, l’autonomie juridique des sociétés d’un groupe fait obstacle à ce que les créanciers
d’une société puissent en cas de défaillance de celle-ci demander remboursement aux autres
sociétés du groupes.
Pour justifier le statut quo en matière de groupes de sociétés, on peut également citer un
auteur pour qui « la recherche de bénéfices constituant un élément essentiel du pacte social, il
n’est au pouvoir d’aucune majorité des associés – ni même à l’unanimité – soit d’autoriser les
mandataires sociaux à effectuer un acte à titre gratuit, soit cet acte accompli, de le ratifier 25».
Il en résulte que même dans les groupes de sociétés, les actes sans contrepartie, sources de
transferts indirects de bénéfices, doivent être considérés comme anormaux.
C’est essentiellement leur protection qui est la cause de l’absence de la prise en compte de
l’intérêt de groupe. D’ailleurs, c’est elle qui est la cause du fort taux de participation
nécessaire à l’intégration fiscale.
Mais l’on peut se demander si c’est le rôle du droit fiscal de protéger les actionnaires
minoritaires et autres créanciers sociaux des sociétés du groupe qui sont déjà protéger par de
nombreuses dispositions et théories jurisprudentielles du droit commercial. Car le droit fiscal
est un droit très pragmatique comme en témoigne la théorie des actes anormaux de gestion.
Un acte illicite peut néanmoins être normal au sens du droit fiscal. De plus, la théorie des
actes anormaux de gestion n’a qu’une logique fiscale. Sa sanction permet bien la protection
des intérêts du fisc en lui rendant l’acte en cause inopposable. Par contre, elle alourdit par le
surcoût d’impôts, la facture payée par les actionnaires minoritaires.
Il devrait uniquement se préoccuper de l’optimisation des recettes fiscales et de la lutte contre
l’évasion et la fraude fiscale tout en veillant à ne pas décourager les initiatives privées.
Pourtant, le juge de l’impôt a consacré le principe de l’égoïsme sacré dans les relations intra-
groupes.
§ 2 : Les causes juridiques La jurisprudence refuse de se livrer à une analyse purement économique du phénomène des
groupes. Cela résulte d’une jurisprudence constante du Conseil d'Etat. Les raisons de ce refus
ont été exposées par le commissaire du gouvernement, M. Rivière, à l’occasion d’une
importante affaire soumise au Conseil d'Etat (A). Malgré les insistances des groupes de
25 Bellenger, Rev. Soc. 1964, p.169
- 17 -
sociétés, ce dernier n’a pas voulu modifier sa position à propos des relations entre une société
mère et sa filiale société de personnes (B).
A. Une conception juridique des groupes de sociétés En matière de groupes de sociétés, la jurisprudence administrative a fait prévaloir la situation
juridique sur la situation économique, c'est-à-dire l’indépendance juridique des sociétés
membres du groupe et l’absence de personnalité morale du groupe sur l’unité économique du
groupe caractérisée par l’unité de décision économique. Cela a été clairement exposé par un
commissaire du gouvernement dans ses conclusions sur un arrêt du Conseil d'Etat du 26 juillet
198226.
En l’espèce, il s’agissait d’un groupe de sociétés exploitant une chaîne de grands magasins.
L’opération source du contentieux avait pour but de faire supporter aux filiales françaises et
algériennes le « coût de l’indépendance de l’Algérie », en faisant porter sur elles les risques
d’expropriation des actifs situés là-bas. L’opération avait consisté d’une part dans la cession
des actifs situés en Algérie aux filiales algériennes sous forme d’apport, les actions ainsi
détenues avaient été ensuite cédées à leur valeur vénale aux filiales françaises, et d’autre part
dans le transfert aux filiales françaises des participations détenues dans les filiales algériennes.
Du fait des dispositions du droit fiscal de l’époque, cette opération avait été exonérée d’impôt.
Il coule de source que cette opération avait été effectuée dans l’intérêt exclusif de la société
mère. En effet, elle faisait supporter aux filiales un risque sans qu’elles y trouvent aucune
contrepartie. Elle était, selon la conception traditionnelle du droit fiscal, constitutive d’un acte
anormal de gestion. Mais il s’agissait en l’espèce d’un groupe de société où les intérêts de la
société mère et des filiales étaient fortement imbriqués. Cette circonstance était-elle de nature
à rendre normale cette opération ?
Si M. Rivière, dans ses conclusions, admet la nécessité de prendre davantage en considération
les groupes de sociétés, il refuse qu’une société puisse agir dans l’intérêt du groupe. Car selon
lui la reconnaissance de l’intérêt de groupe passe nécessairement par celle de la personnalité
fiscale du groupe. Or la personnalité fiscale ne peut être attribuée qu’à des groupements, des
entreprises dotés de la personnalité juridique. Il n’existe d’exception à ce principe que le
régime légal de l’intégration fiscale. Pour M. Rivière, le juge de l’impôt ne doit pas prendre
l’initiative de bouleverser la détermination des sujets du droit fiscal et des redevables de 26 CE plén. 26/07/82, req. n°2.533 et 19.645, RJF 10/82, n° 903, avec chron. P.-F. Racine, p.439, DF 83 n°10 comm. 378, ccl. D. Rivière,
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chacun des différents impôts. Autrement dit, seule la loi peut conférer la personnalité fiscale à
une personne, un groupement dépourvu de la personnalité juridique. Par conséquent, le
groupe de sociétés qui ne possède pas la personnalité morale ne peut non plus bénéficier de la
personnalité fiscale. Dès lors, selon M. Rivière, il y a lieu d’écarter tout critère tiré de l’intérêt
du groupe auquel l’entreprise appartient. Les sociétés du groupe doivent donc agir dans leur
intérêt propre.
B. Le cas des filiales, sociétés de personnes Une solution différente pour les sociétés de personnes aurait été concevable au vu des
particularités de ce type de sociétés. Les sociétés de personnes sont en effet semi-
transparentes, c’est-à-dire qu’elles échappent à l’impôt qui est réglé par ses associés à raison
de la quote-part des bénéfices sociaux qui leur revient. De fait, les résultats de la société mère
et de sa filiale société de personnes se compensent, d’autant plus qu’ils sont déterminés selon
le même mode27.
Ainsi, l’utilisation de sociétés semi-transparentes dans les groupes de sociétés permet, à
défaut de pouvoir opter pour le régime de l’intégration fiscale, de réaliser en pratique cette
intégration.
Par conséquent, lorsqu’un avantage (un abandon de créances par exemple) est accompli par
une société mère en faveur d’une filiale semi-transparente, son résultat global reste le même28.
Il en résulte que les opérations réalisées entre la mère et sa filiale, société de personnes, sont
pratiquement neutres fiscalement dans la limite bien sûr de la participation de la mère dans le
capital de sa filiale.
Dès lors, quel est le préjudice que subit l’Etat, surtout lorsque la société de personnes est
détenue à près de 100% ? Y-a-t-il matière à redresser ? Car le principe des vases
communicants joue alors sans aucune perdition. Il n’y a aucune déperdition d’impôts. De
plus, la société mère est solidairement responsable du passif de sa filiale semi-transparente.
Du fait de cette solidarité légale, les créanciers des deux sociétés n’encourent aucun risque.
27 L’article 238 bis capital du CGI prévoit que la quote-part de bénéfices d’une société de personnes lorsqu’elle revient à une société passible de l’impôt sur les sociétés est déterminée selon les règles des BIC. 28 Le profit abandonné par la mère se compense avec la charge non supportée par la filiale (du fait de la renonciation à facturer) qui a pour effet chez la mère, soit d’aggraver le déficit non déductible lui revenant, soit de minorer le bénéfice imposable lui remontant.
- 19 -
Mais la jurisprudence refuse de tenir compte de cette intégration « sauvage ». Le Conseil
d'Etat29 juge en effet que « ce fait est sans influence sur l’application de la loi fiscale dès lors
que les résultats d’exploitation réalisés directement par une société et les résultats provenant
de ses participations dans des filiales ne sont pas nécessairement imposables à la même date et
selon le même régime ». Malgré l’intégration fiscale, chacune des filiales conserve sa
personnalité fiscale : le résultat fiscal reste déterminé au niveau de chacune d’elles.
La société mère ne doit pas pouvoir localiser à sa guise les bénéfices sous prétexte que suivant
le système des vases communicants, tout ce qui vient en moins d’un côté vient en plus de
l’autre et qu’en fin de compte la charge fiscale consolidée en quelque sorte reste comparable.
Pour le professeur M. Cozian30, « c’est du mauvais juridisme que d’opposer dans les
montages de ce type, l’intérêt propre des filiales à celui de la mère ».
Ce raisonnement du Conseil d'Etat vaut à plus forte raison pour les filiales à 100% quelle que
soit leur forme.
Section 2 : Les effets du maintien du principe aux opérations intra-groupe L’existence d’un groupe de sociétés va avoir des conséquences néfastes sur les opérations
réalisées entre deux sociétés d’un même groupe.
Le Conseil d’Etat contrôle la qualification d’acte anormal de gestion donnée par les juges du
fond aux faits que ces derniers apprécient souverainement31.
§ 1 : La signification de ce maintien L’application du principe de l’égoïsme sacré aux opérations intra-groupe revient à interdire
les opérations sans contrepartie au sein d’un groupe de sociétés (A). Cela se traduit également
au niveau de la charge de la preuve (B).
A. La prohibition des avantages sans contrepartie Chaque acte réalisé par une entreprise doit avoir une contrepartie « réelle et suffisante32».
Cela se traduit au niveau des groupes de sociétés par l’obligation faite à chaque société d’agir
29 CE, 4/04/90, req. n°65.943, SARL Somag, RJF 6/90 n°671, DF 16-17/91 avec ccl. Liébert-Champagne. 30 M. Cozian, Les avances sans intérêts in Les grands principes de la fiscalité des entreprises, Litec, 1995. 31 CE, 10/07/92, n°110213, sect., RJF 8-9/92 n°1249 32 CE, 29//03/78, 7e et 8e sous-sect., n°4062, RJF 78 n° 231
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dans son intérêt propre. Cet intérêt sera apprécié en fonction de la contrepartie lui revenant du
fait de ses relations directes avec la société bénéficiaire et non en fonction de ses liens avec la
société mère.
Dès lors, chaque société d’un groupe doit être traitée comme une entité juridiquement
indépendante ayant à défendre son intérêt propre, même pour une filiale à 100% sous entière
dépendance économique et financière. Malgré les effets de domination qui caractérisent le
groupe, l’intérêt propre d’une société ne peut s’effacer devant celui d’une autre ou s’identifier
à lui du fait que les sociétés appartiennent à un même groupe (et quelque soit l’imbrication
des intérêts des sociétés33).
Par conséquent, est anormal tout acte de gestion accompli dans l’intérêt exclusif de la société
mère ou de quelque autre société du groupe. Chaque société doit chercher à maximiser ses
profits quels que soient les impératifs et la stratégie du groupe.
Les solidarités économiques existant entre sociétés d’un même groupe trouvent leur limite
dans l’autonomie juridique de chacune d’elles34. Il n’existe donc pas, aux yeux du Conseil
d'Etat, un intérêt général du groupe qui transcenderait les intérêts particuliers des sociétés
membres. Cela implique que l’intérêt de l’entreprise ne puisse s’apprécier au niveau du
groupe mais qu’il doivent s’apprécier au niveau de chaque société du groupe. Il ne peut être
tenu compte des conséquences qu’aurait la cessation des paiements d’une société sœur sur le
renom du groupe.
L’arrêt Sofige surtout de part les conclusions du commissaire du gouvernement Martin en
constitue une bonne illustration. Dans cette affaire, la société Sofige avait consenti des
avances sans intérêts à une société sœur en grande difficulté, la Banque Lair, avances qui
s’étaient transformées par la suite en abandon de créances. Pour consentir ces avances, la
société Sofige avait dû céder une grande partie de ses actifs (participations). Les deux sociétés
n’entretenaient entre elles aucune relation. Si la société Sofige était venue en aide à sa sœur,
ce n’était que sur ordre de ses actionnaires, pour préserver le renom du groupe. Elle avait
donc été sacrifiée dans l’intérêt du groupe. Le commissaire du gouvernement rappelle que si
la faillite de la Banque Lair pouvait avoir des effets néfastes sur le groupe, il appartenait à ses
actionnaires de le consentir. Cela revient à dire que lorsqu’une société d’un groupe est en
difficulté, c’est à la société mère de lui venir en aide, en consentant les sacrifices nécessaires.
Les autres sociétés du groupe ne peuvent quant à elles être mises à contribution.
33 CE, Plén. 26/07/82, précit. 34 Ccl. M.Rivière publiées dans DF 83 n° 10 comm. 378, précit.
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Il ressort aussi de cet arrêt, que l’intérêt de l’entreprise ne se confond pas avec celui de son
actionnaire majoritaire. Cet intérêt est distinct de celui des actionnaires. Il consiste pour le
juge fiscal dans la réalisation de bénéfices.
Enfin, chaque société du groupe doit avoir une gestion propre. C’est ainsi que doit être
condamnée la gestion d’une filiale dans l’intérêt exclusif de la société mère, dès lors qu’elle
aboutit à condamner la première à avoir un résultat nul35.
B. La charge de la preuve C’est à l’administration qu’il appartient d’apporter la preuve de l’existence d’un acte anormal
de gestion. En pratique pourtant, ce n’est pas si simple.
1) La présomption d’anormalité en cas d’existence d’avantages intra-groupe
Cela résulte d’une jurisprudence36 bien établie aujourd’hui qui considère qu’un avantage
intra-groupe comme une renonciation à recettes ou une minoration de prix de vente ou
d’achat37 constitue a priori un acte anormal de gestion et que dès lors, il appartient à
l’entreprise d’apporter la preuve de l’existence d’une contrepartie. Cela revient à étendre au
droit interne les solutions édictées par la loi (au travers de l’article 57 du CGI) pour les
relations internationales dans les groupes de sociétés.
Mais il n’en a pas toujours été ainsi38 dans les relations mère-fille où la preuve apportée par
l’administration de l’existence d’une libéralité ne suffisait pas à démontrer l’existence d’un
acte anormal de gestion39. Autrement dit, une société était présumée agir dans son intérêt
(intérêt financier) lorsqu’elle accordait un avantage à sa filiale. L’administration devait alors
prouver que les avantages octroyés avaient eu pour but de consolider la situation ou d’aider au
développement de la filiale.
De plus, il n’y a pas de place pour l’erreur de gestion dans les groupes de sociétés en cas
d’avantages intra-groupe. Pour le Conseil d'Etat40 l’élément subjectif, l’intention qui permet
35 CE, 4/03/85, 8e et 9e sous-sect., req. 41.396 et 41.399, DF 85 n° 41 comm.1675 36 Voir notamment CE,30/10/87, 7e et 8e sous-sect., req. n°50157, DF 88 n° 5 comm.144, CE, 4/04/90, req. 65.943, SARL Somag, RJF 6/90 n° 671, DF 16-17/91, comm. 892 avec ccl. M. Liébert-Champagne ; CE, 20/01/92, req. n° 67.917, Socodis, DF 17/92, comm. 868J. Arrighi de Casanova 37 CE, 27/01/89, 7e et9e sect., n°61.422, DF n°25 comm.1229 avec ccl. Fouquet 38 Le revirement date de 1984 : CE, 27/07/84, req. n° 34588, DF 85 n°11 comm. 596, RJF 10/84 562 avec ccl. P.-F. Racine 39 CE, 14/06/63, n° 57.457, DF 64 n°48 bis p.167 avec ccl. Ducamin ; CE, 5/07/78, n°7.717, RJF 10/78 p.283, DF 79 n°10 p.345 avec ccl. Lobry 40 CE, 7/10/88, 7e et 8e sous-sect., n° 42924, DF 89 n° 8 comm.325, RJF 12/88 n° 1361
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de distinguer l’acte anormal de gestion de l’erreur de gestion, doit être présumé lorsque le
vendeur et l’acquéreur sont liés par des relations particulières comme les relations mère-fille.
2) Le problème de la preuve en matière de prestations de services intra-groupe
Les prestations de services intra-groupe, principalement les services centraux comme les
prestations d’assistance administrative, technique et commerciale posent un problème
particulier quant à la preuve. C’est en effet à l’occasion de ces opérations que les groupes de
sociétés sont tentés d’élaborer des conditions préférentielles (car c’est sur ces opérations que
les marges sont les plus importantes). De plus, il est très difficile de contrôler la normalité de
ces opérations.
Ainsi, le Conseil d'Etat exige, afin de pouvoir effectuer son contrôle, que la société en cause
apporte la preuve matérielle de l’existence des prestations de services qui ont été facturées
ainsi que celle de leur montant, c'est-à-dire de l’adéquation entre la rémunération versée et
l’importance des prestations offertes41. En d’autres termes, la société filiale en cause doit
fournir une double preuve : outre l’existence des prestations, elle doit prouver le caractère non
exagéré du montant de la rémunération versée à la mère, quel que soit le mode de
rémunération choisi.
De plus, lorsque la somme fixée forfaitairement rémunère toute une série de services
administratifs, financiers et autres, la société doit apporter la preuve que les services facturés
ont bien été exécutés42.
Il en résulte qu’en matière de prestations de services intra-groupe, un contrat en bonne et due
forme, bien que facultatif43, facilite la preuve de la réalité des services.
§ 2 : Les implications de ce maintien Les opérations intra-groupe doivent être conclues à des conditions normales. Dans les
opérations habituelles, cela implique qu’elles soient conclues aux conditions du marché (A).
Dans les opérations exceptionnelles, cela implique qu l’acte ne soit pas désintéressé. (B).
41 CE (na) 22/11/2002, 8e sous-sect., n°238585, SA Mat-Transport, RJF2/03 n°151 42 CE, 20/06/2003, sect., n° 232832, Société des établissements Lebreton-Comptoir général de peinture et annexe, DF 2003 n° 1066 p.1176. C’est l’application du droit commun : chaque charge doit être effective et être appuyée de justifications suffisantes (Doc. adm. 4C-12) 43 CE, 6/01/86,7e et 8e sous-sect., n°42795, RJF 2/86 n°154. Le coût des frais de siège à répartir peut être déterminé à partir de méthodes extra-comptables : CE, 20/04/84, 8e et 9e sous-sect., req. n° 37098 et 37099, DF 84 n°47 comm.2039 avec ccl. Racine, RJF 6/84 p.357
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A. La normalité dans les opérations habituelles Comme nous l’avons déjà dit, les opérations intra-groupe sont fréquentes. Elles vont par
exemple consister en des ventes de marchandises, en des prestations de services ou en une
gestion centralisée de la trésorerie.
La théorie des actes anormaux de gestion appliquée à ces opérations implique que celles-ci
soient réalisées dans des conditions normales et notamment que la rémunération du bien ou du
service soit normale. Il en résulte que les transactions intra-groupes doivent être équilibrées.
Par normal on entend que les opérations intra-groupe soient réalisées dans les mêmes
conditions que les opérations entre sociétés tierces. Cela implique tout d’abord que les
opérations habituelles, commerciales ou financières soient facturées. Cela implique ensuite
que ces opérations soient conclues aux conditions du marché.
L’administration rejointe ici par le Conseil d'Etat poursuit la même démarche qu’en matière
de prix de transfert, à la seule différence que la détermination du prix normal est ici plus facile
pour l’administration et le juge de l’impôt car les opérations sont réalisées entre sociétés
distinctes et non entre établissements d’une même société.
1) Les opérations commerciales
Par conditions normales, la jurisprudence entend généralement les conditions du marché. Un
prix inférieur au prix de revient ne suffit pas à caractériser l’existence d’un acte anormal de
gestion44. Car ce qui importe, c’est que le prix fixé soit conforme au prix du marché.
Afin de déterminer ce prix du marché, le juge compare avec les opérations de même nature,
réalisées dans des conditions similaires dans le temps et dans l’espace. A défaut de
comparaisons possibles, il vérifie que la marge dégagée soit cohérente par rapport à la marge
normale de l’entreprise concernée et des entreprises similaires45.
Concernant les baux, les juges se réfèrent à la valeur locative réelle46.
Ce sont essentiellement les prestations de services intra-groupe qui posent problèmes47. Elles
sont très fréquentes. En effet, nombre de services sont centralisés soit au niveau de la société
44 CE, 26/06/96, n°80178, SARL Rougier-Hornitex, RJF 8-9/96 n°973, ccl. F. Loloum : BDCF 4/96 p.15 45 Les opérations intra-groupe ne doivent pas introduire des distorsions non justifiées entre les différentes opérations réalisées par une même entreprise : CAA Lyon, 2e ch., n° 95-20105, SA Biscottes du Helder, RJF 6/99 n° 696, ccl. C. Millet : BDCF 6-7/99 n°62 46 CE, 22/02/89, n° 71.181, Rev. Sociétés 89 p.497, note Fouquet
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mère, soit au niveau d’une filiale. Ce sont principalement les services centraux fonctionnels
du siège et les services de recherche. Les filiales n’ont généralement pas les moyens
financiers et techniques de disposer de tous ces services (qui pour certains nécessitent des
moyens considérables). Par ailleurs, la réalisation centralisée de ces services permet une plus
grande cohésion et une meilleure efficacité de ces services.
Le calcul du coût de la prestation de services pourra se faire sur la base de la rémunération en
pourcentage usuellement pratiquée dans la profession à l’égard de la généralité des clients48.
Mais ces services ne sont généralement pas individualisés et de ce fait facturés à la prestation
à chaque filiale. Pour répartir ces frais de fonctionnement du groupe, les sociétés doivent alors
avoir recours à une clé de répartition forfaitaire49. Cette clé devra cerner la réalité d’aussi près
que possible pour éviter la requalification de ces facturations en acte anormal de gestion. Car
l’existence d’un accord de répartition des frais ne suffit pas. La déductibilité des frais exposés
passe, pour chaque société du groupe, par la preuve de la réalité des services et donc d’une
contrepartie précise.
Les juges sont particulièrement exigeants quant à la justification des prestations de services
intra-groupe. En témoigne un arrêt de la cour administrative d’appel de Paris du 17 mars 1998
où les juges ont confirmé le redressement de filiales d’un groupe, en raison de l’augmentation
de la redevance qu’elles payaient à leur mère en rémunération de la licence d’usage et
d’utilisation de la marque du groupe pour absence de justification de cette augmentation. En
l’espèce, la hausse n’était pas dû à l’augmentation des services rendus aux filiales mais à des
frais engagés pour l’amélioration de l’image de la marque50.
La jurisprudence a également jugé que le fait de facturer une prestation de services à un prix
inférieur à celui convenu contractuellement est un acte anormal de gestion51. C’est une sorte
de libéralité.
2) Les opérations financières
Par opérations financières, on vise essentiellement les opérations de trésorerie (qui sont elles-
mêmes des opérations de crédit ou favorisant le crédit). On entend par là les prêts, les avances
47 Voir infra p.22 48 CE, sect. 24/02/78, req. n° 2.372, RJF 4/78, n° 161, DF 30/78 comm. n°1212 avec ccl. Rivière. 49 CE, 6/01/86, précit. Cet arrêt admet la répartition forfaitaire en fonction du chiffre d'affaire de chaque filiale des frais communs. 50 CAA Paris, 17/03/98, SA Bossard Consultants, RJF 97 n°911. 51 CAA Lyon, 1/02/95
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ainsi que les garanties comme le cautionnement. Celles-ci peuvent dans les groupes de
sociétés être effectuées bien sûr de manière isolée52, en dehors de tout cadre établi mais le
sont généralement dans le cadre de la politique d’ensemble du groupe par des conventions de
trésorerie intra-groupe. Le groupe disposant de moyens financiers importants et du fait de
l’étroitesse des liens entre ses membres, ces opérations y sont très fréquentes.
Les opérations financières entre sociétés se heurtent au principe du monopole bancaire.
Cependant, ce principe n’est pas applicable aux opérations de trésorerie53. De cette licéité,
résulte la normalité au niveau fiscal des opérations de trésorerie intra-groupe.
Elles doivent cependant être rémunérées et à un niveau normal. Les avances sans intérêts sont
en principe anormales54 et les exceptions sont rares55. Le problème ici encore revient à
déterminer le taux normal. La jurisprudence56 décide qu’elles doivent se faire en principe au
taux que le préteur aurait pu obtenir du placement, sur le marché bancaire, de sommes d’un
montant équivalent, dans des conditions analogues57.
Toutefois, en présence d’une convention de trésorerie (permettant la centralisation de la
trésorerie au niveau du groupe), le juge fiscal58 infléchit quelque peu sa jurisprudence. Les
prêts et avances peuvent alors y être faits à des taux préférentiels.
En effet, l’administration et la jurisprudence tolèrent les taux d’intérêt59, quoique très
inférieurs à ceux du marché, s’il existe une égalité des taux en usage dans le groupe. En
d’autres termes, les taux peuvent être portés à un niveau « hors marché » s’ils sont identiques
52 Le principe même de l’avance peut être remis en cause lorsqu’elle fait courir à l’entreprise un risque inconsidéré : voir notamment : CAA Lyon 6/04/95, RJF 7/95 p.494. 53 Article 12.3 de la loi bancaire du 24 janvier 1984 : le monopole bancaire ne fait pas « obstacle à ce qu’une entreprise puisse procéder à des opérations de trésorerie avec des entreprises ayant avec elle, directement ou indirectement des liens de capital conférant à l’une des entreprises liées un pouvoir de contrôle effectif sur les autres ». 54 CE, 4/04/90, SARL Somag, précit. 55 Voir infra p.35 et s. 56 CE, 7/10/88, n°50256 Société des Ets Pierre Deveugle ; CAA Bordeaux 23/04/97, n° 95-401, 95-703, 95-1310, CRCAM de Lot-et –Garonne, RJF 5/98 n°537. 57 Concernant la déductibilité des intérêts: voir Charvériat, B. Gouthière, H. Bardet, Ph. Tourès, Les Holding, guide juridique et fiscal, éd. Francis Lefebvre, 2002. Elle est limitée dans les relations entre associés et donc dans les relations mère-fille par deux dispositions du CGI ( articles 39-1-3° et 212) sachant que dans ces dernières cette limitation est atténuée. De plus les sommes mises à la disposition des associés sont considérées comme des revenus distribués (article 111-a du CGI). Mais l’administration les tolère lorsqu’elles résultent de l’application d’une convention d’omnium (convention donnant à la société mère le mandat général d’employer les fonds qu’elle est amenée à recevoir de ses filiales) et que la société pivot ne détourne pas les fonds de leur destination normale. Si le fisc ne reconnaît pas les groupes de sociétés, il reconnaît en revanche les conventions de trésorerie intra-groupe. On peut également noter une instruction administrative du 12/04/1999 qui prévoyait un régime favorable pour les groupes internationaux qui concluent une convention de centralisation de la trésorerie (à condition que la société pivot soit implantée en France). Ce régime prévoyait l’exonération de retenue à la source des intérêts payés hors de France et l’inapplication de la limitation à la déduction des intérêts servis aux actionnaires(article 39 1 3° du CGI) . Mais cette instruction a été déclarée contraire au droit communautaire et a été retirée par l’administration 58 CE, 15/02/78, 7e et8 e sous-sect., req. 4413, DF 78 n°25 comm1036, RJF 4/78 p.115 59 CAA Marseille, 25/01/2000, 3e ch., n° 97-126, SARL Sacob, RJF 1/01 n° 18, ccl. J.-C. Duchon-Doris : BDCF 1/01 n° 4
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entre eux pour une catégorie donnée d’opérations60. La société pivot, centralisatrice, va de ce
fait pouvoir bénéficier d’avances à des taux inférieurs à ceux du marché et faire elle-même
des avances aux autres sociétés du groupe à ces mêmes taux61. Car si elle reprêtait les sommes
à des taux supérieurs, cela entraînerait des transferts illicites (car exonérés de taxation) de
bénéfices vers cette société et ainsi, la constitution d’un profit artificiel vers celle-ci.
L’absence de solidarité passive entre les sociétés d’un groupe est supplée par la fourniture de
sûretés entre elles. Cela permet de reconstituer en partie l’unité d’ensemble. Ces pratiques
sont donc courantes. Elles sont généralement admises entre les sociétés d’un même groupe.
Par contre, elles doivent être rémunérées62. La jurisprudence admet, en matière de
cautionnement, pour le calcul du taux de commissionnement qu’il soit tenu compte du risque
encouru.
3) Les opérations sur immobilisations
Les opérations sur immobilisations à l’intérieur d’un groupe doivent également être effectuées
dans des conditions normales. Cela signifie, pour le Conseil d'Etat, que les acquisitions et
cessions d’éléments d’actif soient pratiquées à leur valeur vénale63.
Si les cessions d’immobilisations pour un prix soit inférieur, soit supérieur à leur valeur
vénale constituent des libéralités qui devront être réintégrées dans les résultats du cédant64, il
n’en est pas de même pour les acquisitions d’immobilisations. Cette opération ne constitue
jamais un acte anormal de gestion, à condition bien sûr que l’élément d’actif ait été inscrit
pour la valeur égale au prix payé. Car dès lors, il n’en résulte aucune variation de la valeur
d’actif net ressortant du bilan à la clôture de l’exercice65. L’administration est uniquement
fondée à rejeter la déduction des provisions pour dépréciation ainsi que des dotations pour
amortissement que pourra ultérieurement comptabiliser l’entreprise à raison de la part
considérée comme excessive du prix66.
Le Conseil d'Etat ne tient pratiquement pas compte du groupe dans la détermination du
caractère normal d’une opération habituelle. Néanmoins, il sanctionne que les fraudes
60 Sous réserve de la rémunération de la société pivot. 61 Plus bien sûr sa rémunération 62 CE, 17/02/92, 9e et 7e sect., n° 74.272, Carrefour, RJF 4/92 n°433, RJF 4/92 p.267 ccl. Ph. Martin. 63 C’est-à-dire sur la base de la valeur réelle des immobilisations. La détermination de cette valeur est souvent incertaine. 64 CE, 21/11/80, req. n° 17055, DF 81 n°7 comm.273 65 cela a été rappelé récemment par CE, 27/04/2001, GTI, RJF 7/2001 n° 905 66 CE, 21/06/95, précit.
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manifestes. En atteste un arrêt du 198167 par lequel ce dernier s’était refusé à sanctionner une
opération commerciale où l’écart entre le prix du contrat et celui déterminé par
l’administration comme étant normal était modique (8%).
B. La normalité dans les opérations exceptionnelles L’obligation pour les sociétés d’un groupe d’agir conformément à leur intérêt et non dans
l’intérêt du groupe implique bien évidemment l’interdiction pour elles d’effectuer des actes
désintéressés. Par acte désintéressé nous voulons désigner les libéralités mais aussi les
opérations sans intérêt pour la société (généralement des montages frauduleux).
En effet, des opérations peuvent être à prix normal et être néanmoins constitutives d’acte
anormal de gestion lorsqu’elles ne présentent aucun intérêt pour la société. On pense
immédiatement à l’affaire des filiales algériennes68 où l’opération litigieuse avait été réalisée
dans des conditions normales mais faisait supporter à ses filiales les risques de ses activités en
Algérie. On peut également relever un arrêt69 du Conseil d'Etat en date du 23 novembre 2001.
Les faits étaient les suivants : une filiale avait conclu avec sa mère une convention de société
en participation. La filiale y avait inséré son activité de centrale d’achats, mais au final 90%
des bénéfices issus de l’activité de la société étaient attribués à la société mère qui par contre
n’apportait aucune contribution significative. La filiale n’avait aucun intérêt propre à conclure
cette convention qui permettait un transfert des bénéfices de la filiale vers la mère. Dès lors, le
fait pour la filiale d’avoir souscrit à cette convention constitue pour le Conseil d'Etat un acte
anormal de gestion.
Sont prohibées aussi les libéralités intra-groupe, contraires à l’objet des sociétés commerciales
qui est d’affecter leurs actifs à la réalisation de bénéfices. De même qu’elles sont coutumières
entre les membres d’une même famille, elles sont fréquentes à l’intérieur d’un groupe de
sociétés. Dans les groupes de sociétés, il s’agit essentiellement des abandons de créances.
On désigne communément sous ce vocable non seulement l’abandon d’une avance, d’un prêt
mais également tous les autres avantages consentis qui tendent à majorer les résultats ou à
minorer les pertes de la société bénéficiaire comme les subventions, les minorations de prix de
vente, les majorations de prix d’achat ou encore les avances sans intérêt. C’est un mécanisme
67 CE, 9/10/81, 7e et 9e sous-sect., req.19.972, DF 82 n° 52 comm. 2366 68 CE, 26/07/82, voir infra p.18 69 CE, 23/11/2001, 9e et 10e sous-sect., n° 205132, SA Cogedac, RJF 2/02 n°196, BDCF 2/02 n°26
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qui peut permettre une remontée chez la mère des pertes de la filiale70 et ainsi de réaliser des
transferts officieux de bénéfices à l’intérieur d’un groupe.
A ce titre, un abandon de créances consenti sans contrepartie constitue un acte anormal de
gestion71.
Le Conseil d'Etat a décidé de maintenir le principe de l’égoïsme sacré aux groupes de
sociétés. Cela lui permet d’imposer que les opérations intra-groupe se fassent dans les
conditions du marché, à des conditions concurrentielles. Cela permet également de ne pas
privilégier les groupes de sociétés aux dépens des sociétés isolées. Mais cela revient à ignorer
la réalité économique et à freiner le développement des groupes de sociétés.
La jurisprudence met néanmoins un peu d’eau dans son vin lorsqu’elle accepte de tenir
compte de la particularité de certaines opérations intra-groupe comme les opérations de
trésorerie. Il en est de même lorsqu’elle accepte de tenir compte du contexte de l’opération
dans l’appréciation de la contrepartie.
Chapitre II : L’atténuation du principe
Si le principe en matière de fiscalité des groupes de sociétés est celui de l’égoïsme sacré, il
n’empêche que sur le plan de la gestion, la structure du groupe introduit des possibilités et des
nécessités de différenciation par rapport à la société isolée.
Mais le groupe de sociétés n’est pas en l’état actuel du droit un facteur d’assouplissement des
règles régissant les relations entre sociétés. Pour juger de l’intérêt propre de la société, le juge
ne se réfère pas à la notion de groupe.
Néanmoins, certains liens inhérents aux groupes de sociétés sont pris en considération par la
jurisprudence et vont permettre d’atténuer quelque peu, dans une certaine mesure, la rigidité
de ces règles. Ces atténuations ne remettent pas en cause ce que nous venons de dire. Elles ne
permettent qu’une prise en compte indirecte du groupe de sociétés. Leur importance varie
suivant la nature des transactions et des avantages octroyés. Certaines ne relèvent en effet que
d’une appréciation plus souple de l’intérêt propre de la société, de la contrepartie à
70 Voir infra p.19 71 La jurisprudence admet néanmoins la normalité de subventions d’équilibre entre sociétés sœurs lorsqu’elles sont assorties d’une clause de retour à meilleure fortune car elles sont analysées comme une forme de prêt : CAA Nancy, 4/07/2002, 2e ch., req n°99-752, Sté Usine Claas France, DF 2003 n° 8 comm.140
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l’opération, comme le régime des abandons de créances. Dans ce cas la contrepartie sera
appréciée en considération de l’ensemble des opérations réalisées entre les deux sociétés liées.
En d’autres termes, le Conseil d'Etat va apprécier l’intérêt de chaque société du groupe dans
son contexte. En aidant une société avec qui elle a des relations privilégiées, une société agit
dans son intérêt. Or la jurisprudence reconnaît deux sortes de relations privilégiées qui sont
favorisées dans les groupes de sociétés : les relations financières (section 1) et les relations
commerciales (section 2).
Il faut noter que la présence d’actionnaires communs comme c’est le cas entre sociétés sœurs,
n’a aucune influence positive sur l’application du principe. Bien au contraire, elle va rendre
l’opération en cause suspecte de conflit d’intérêt.
Section 1 : En présence de liens financiers : les relations mères-filles On désigne par liens financiers les liens capitalistiques. Lorsqu’une société possède une
participation significative dans une autre, on dit alors que les sociétés sont juridiquement
liées.
Si l’existence de liens financiers ou commerciaux ne suffit plus aujourd’hui à faire présumer
la normalité des avantages accordés aux filiales72, elle va permettre un assouplissement de
l’appréciation du juge quant à la normalité des opérations réalisées entre ces sociétés.
Ces assouplissements sont principalement de deux ordres. La société mère va pouvoir réaliser
avec ses filiales, des transactions à un prix inférieur à celui du marché (§1) et venir à leur
secours en cas de difficultés (§2)
Le problème principal que posent ces liens financiers est relatif au niveau de participation
requis.
§ 1 : La possibilité de conclure des transactions à un prix inférieur à celui du marché La conséquence la plus importante de l’existence de liens financiers entre deux sociétés est la
faculté accordée à une société mère de traiter avec ses filiales à des prix préférentiels.
Il s’agit d’une véritable exception au principe de l’égoïsme sacré qui permet un déplacement
de la frontière de la normalité. En effet, dès que les conditions de participation sont remplies,
72 Voir infra p.22
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la société mère peut traiter avec sa filiale à prix coûtant. La société mère n’a pas besoin de
prouver l’existence d’un intérêt propre à l’acte, d’une contrepartie.
Le principe qui a été posé par un arrêt du Conseil d'Etat du 24 février 1978 (A), n’a pas
donné ensuite lieu à un contentieux très abondant. Cela peut s’expliquer par l’instauration par
la loi de finance pour 1988 d’un nouveau régime d’intégration fiscal des groupes73 qui
concerne également les groupes où les participations sont minoritaires. Il reste que ce principe
est toujours valable aujourd’hui (B)
A. Un principe posé par un arrêt du Conseil d'Etat du 24 février 1978 La possibilité de conclure des opérations hors marché résulte d’un arrêt du Conseil d'Etat en
date du 24 février 197874. En l’espèce, une SARL de promotion immobilière avait constitué
des SCI qu’elle contrôlait à plus de 99% pour chacune des opérations immobilières effectuées
(comme cela est d’usage dans la profession). Tous les travaux d’étude, de commercialisation
et de gestion des différentes sociétés étaient réalisés gratuitement par la société mère.
Or la fourniture gratuite de prestations de services à un tiers constitue un acte anormal de
gestion, même dans les groupes de sociétés. Il y avait donc à réintégrer le prix des prestations.
Mais le problème en l’espèce, et c’est sur ce point que se situe l’intérêt de l’arrêt, était relatif
au montant de la réintégration : quel était le prix normal des prestations ?
Le Conseil d'Etat a consacré ici une solution nouvelle. Il a admis que cette réintégration
puisse se limiter au prix de revient des prestations de services et qu’ainsi, la société mère
puisse se borner à demander le remboursement du coût des prestations. En effet, selon le
Conseil d'Etat, « lorsqu’une société a notamment pour clientes des filiales dans lesquelles les
participations minoritaires sont négligeables, il n’est pas anormal qu’elle pratique à l’égard de
ces filiales, une politique de prix préférentiels au point de renoncer à réaliser des bénéfices sur
cette catégorie d’affaires ; qu’à cet effet, elle peut être conduite à ajuster les prix facturés sur
les prix de revient réels … ».
De fait, cet arrêt introduit expressément dans notre droit, la possibilité pour les sociétés
juridiquement liées de réaliser des opérations neutres, c'est-à-dire facturées au prix de revient
(il faut souligner ici que reste prohibées les opérations commerciales réalisées à un prix
supérieur à celui du marché). En autorisant les sociétés mères à réaliser avec leurs filiales des
73 Voir supra p.44 74 CE, sect. 24/02/78, req. n° 2.372, RJF 4/78, n° 161, DF 30/78 comm. n°1212 avec ccl. Rivière.
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opérations « hors marché », cet arrêt revient donc à admettre les déplacements de charges et
les transferts de bénéfices à l’intérieur d’un groupe. Il consacre sur le plan fiscal un certain
degré d’intégration économique dans les relations mère-fille.
Dans une chronique de la même année, Mme Hagelsteen75, maître des requêtes au Conseil
d'Etat explique les raisons de l’adoption d’une telle solution. Elle est fondée sur le postulat
qu’aucune disposition du CGI n’impose l’obligation de faire des bénéfices. En revanche, les
pertes ne sont pas admises pour les opérations courantes. Or, en réalisant des opérations
neutres, la société ne supporte aucun appauvrissement ; elle s’abstient seulement de réaliser
des bénéfices. Et, en vertu du principe de non-immixtion dans la gestion des entreprises, on ne
peut obliger les dirigeants à dégager le maximum de profits. Mais l’argument selon lequel les
bénéfices dégagés par la filiale sont imposés en définitive chez la mère par le biais des
redistributions n’a quant à lui pas été retenu conformément à la position traditionnelle du
Conseil d'Etat76.
S’est posé rapidement et se pose toujours encore dans une certaine mesure le problème de la
portée de la solution apportée par cet arrêt : à quels types de relations intra-groupe s’applique-
t-il ?
B. La portée de l’arrêt Compte tenu de l’importance de la dérogation apportée au principe de l’égoïsme sacré par
cette solution, son interprétation ne pouvait être que restrictive. Il convient tout de même de
relever que l’arrêt a été rendu par la section du contentieux du Conseil d'Etat qui est la
formation solennelle. Il ne s’agit donc pas d’une solution d’espèce mais bien d’une solution
de principe.
S’il ne fait aucun doute que cette solution ne vaut que dans les relations mère-fille, les autres
modalités d’application de cette solution sont moins évidentes et méritent quelques
développements.
75 Mme Hagelsteen, les relations commerciales normales entre entreprises, RJF 5/78 p.146. Des raisons invoquées par Mme Hagelsteen, aucune n’est fondée sur l’existence de liens de capitaux, d’un groupe de sociétés. Car contrairement à ce qui a pu être écrit à propos de cet arrêt, le Conseil d'Etat a ici restreint aux seules relations mère-fille cette possibilité. Antérieurement, conformément au principe de non-immixtion dans la gestion des entreprises le Conseil d'Etat refusait d’inclure en cas de réintégration un certain bénéfice. 76 Voir infra p.19
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1) Le niveau de participation requis
Les termes de l’arrêt sont clairs quant au niveau de participation requis pour bénéficier de
l’exception. Le Conseil d'Etat parle de « filiales dans lesquels les participations minoritaires
sont négligeables », c'est-à-dire les hypothèses où la société mère détient la quasi-totalité du
capital social de sa filiale et donc les cas où la société mère est susceptible de recueillir la
quasi–totalité des bénéfices de la filiale.
A ce titre, cette possibilité fonctionne à sens unique, dans le sens mère-fille. Une filiale ne
peut au nom du groupe traiter avec sa mère à prix coûtant car elle ne peut invoquer le contrôle
que la société mère possède sur elle. Cela a été expressément énoncé par un arrêt du Conseil
d'Etat du 4 mars 198577. En l’espèce, une filiale de commercialisation revendait à prix coûtant
des articles qu’elle achetait à sa mère. Cette dernière, en contrepartie, lui remboursait
intégralement les frais et charges qu’elle supportait.
2) Les relations intra-groupe visées
Notons en premier lieu que la solution n’est applicable qu’au niveau interne78. Elle n’est pas
transposable aux relations entre sociétés entrant dans le champ d’application de l’article 57 du
CGI. Car pour le commissaire du gouvernement Martin, cet article interdit de prendre en
compte les liens de filiation entre sociétés françaises et étrangères.
Relevons également que cette solution ne concerne que les opérations courantes, habituelles.
L’arrêt de 1978 visait des prestations de services fournies par la société mère à ses filiales.
Cette solution peut-elle être étendue à toutes les transactions passées entre la mère et ses
filiales ?
a) Dans les relations commerciales Il ne fait aucun doute que la solution dégagée par l’arrêt de 1978 s’applique à toutes les
relations commerciales courantes dont les ventes de marchandises. Le Conseil d'Etat parle de
sociétés filiales « clientes », de « politique de prix préférentiels » et de « prix de revient
réels » qui sont des termes généraux visant toute relation commerciale courante.
77 CE, 4/03/85, 8e et 9e sous-sect., req. n° 41.396 et 41.399, DF 85 n° 41 comm.1675, RJF 5/85 p.364 78 CE, 17/02/92, Carrefour, précit.
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Cette solution vaut notamment pour les frais communs au groupe, supportés par la société
mère et qui doivent être refacturés à chacune des filiales selon une clé de répartition79. Il est
admis que le juste prix à refacturer soit le coût de revient. Cette solution n’est bien sûr valable
que lorsque les frais sont engagés par la société mère, d’où l’importance dans les groupes de
sociétés que les services centraux soient effectués par la mère.
Par contre, il est clair que la solution de l’arrêt ne devait s’appliquer qu’aux seules opérations
commerciales courantes. Les motifs de la décision comme le commentaire de Mme
Hagelsteen vont dans ce sens. Mais les principes sous-jacents à cette décision ne seraient-ils
pas transposables à d’autres types d’opérations ?
b) Dans les relations financières L’organisation des activités économiques à l’intérieur du groupe exige une grande mobilité
des capitaux et un coût aussi réduit que possible de leur déplacement.
De sorte que l’on a très envie d’étendre la solution de l’arrêt de 1978 aux opérations
financières. Pourtant, le Conseil d'Etat l’a refusée et considère anormales les opérations
financières neutres, c'est-à-dire les avances sans intérêts ou les cautionnements gratuits80.
c) Dans les opérations sur immobilisation En cas de cession intra-groupe d’immobilisations, le bien reste dans le patrimoine
économique du groupe. Dès lors, il aurait pu paraître logique de permettre les cessions
d’immobilisations pour leur valeur comptable, c'est-à-dire pour leur prix de revient.
Le Conseil d'Etat a expressément refusé de se ranger à cette conception dans un arrêt du 21
novembre 198081. Cette affaire était quelque peu différente de l’arrêt de 1978 car la
transaction était dans le sens fille-mère. Néanmoins le raisonnement développé par le Conseil
d'Etat est parfaitement transposable aux cessions d’immobilisations dans le sens mère-fille. Le
Conseil d'Etat a jugé dans cette affaire que « s’agissant d’une transaction entre une société et
son principal actionnaire », le prix de cession ne pouvait être notablement inférieur à la valeur
vénale des titres cédés.
79 Voir infra p.25 80 Voir infra p.28 81 CE, 21/11/80, précit.
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J.-M. Sauvé82, auditeur au Conseil d'Etat, a essayé d’expliquer les raisons de la différence de
traitement avec les opérations commerciales courantes. Selon lui, la cession au prix de revient
d’une immobilisation, lorsqu’elle est inférieure à la valeur vénale, constitue, en terme
économique, un appauvrissement car c’est renoncer à en percevoir la véritable valeur. Le
cédant ne renonce pas à réaliser un bénéfice mais une plus-value latente et commet alors un
acte anormal de gestion. De plus, une plus-value n’est pas imposable selon les mêmes règles
qu’un profit. Enfin, cela revient, lorsque l’élément d’actif est cédé à l’actionnaire majoritaire à
une spoliation des actionnaires minoritaires, ce qui est pénalement répréhensible.
La possibilité offerte dans les relations mère-fille de réaliser des opérations commerciales à
prix coûtant permet une certaine intégration économique dans les groupes de sociétés.
Néanmoins, elle est très restreinte puisque le niveau de participation exigé est très élevé. Elle
ne peut donc viser que les groupes de sociétés qui peuvent opter pour le régime de
l’intégration fiscale. Or comme nous le verrons par la suite, le régime de l’intégration fiscale
permet une intégration des sociétés beaucoup plus importante. Dès lors, cette faculté très
novatrice pour l’époque est aujourd'hui plutôt inutile, superflue.
§ 2 : La possibilité d’octroyer des aides aux filiales en difficulté Il est généralement admis qu’une société mère a un intérêt financier à réaliser toute opération
de sauvegarde tendant à éviter la chute d’une filiale, avec toutes les conséquences
économiques, financières et sociales qu’elle comporte.
Il existe plusieurs façons de venir en aide à une filiale en difficulté. On peut citer
l’augmentation de capital, les avances en compte courant ou les abandons de créances. Mais
ce sont généralement les abandons de créances qui sont préférés des managers. Car étant des
charges non remboursables83, ils contribuent ainsi à réduire le bénéfice imposable de leur
société contrairement aux autres qui sont des éléments d’actifs.
Mais le fait de choisir ce type d’aide ne constitue pas un abus de droit84. Ainsi lorsque la
nécessité de venir en aide à sa filiale est établie, la qualification d’acte anormal de gestion est
exclue, les modalités de cette aide relevant de l’appréciation souveraine des dirigeants en
vertu du principe de non-immixtion de l’administration dans la gestion des entreprises. Il en
ressort que les aides peuvent être accordées sous toutes les formes.
82 Chron. J.-M. Sauvé, RJF 2/81 p.55 83 Voir infra 84 CE, 27/06/84,n°35030 Ets Courtauld, DF85 n°22-23 comm.1063 ccl Mme M.-A. Latournerie, RFJ 8-9/84 n°937.
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La faculté accordée aux sociétés de venir en aide à leurs filiales en difficulté ne constitue par
contre pas en soi une exception au principe de l’égoïsme sacré. Si en pratique l’aide accordée
à une filiale n’est jamais considérée comme anormale (C), il n’en reste pas moins que sur le
plan des principes, la mère doit justifier d’un intérêt propre à agir ainsi sous peine de voir
l’acte qualifié en acte anormal de gestion. Cette justification (A) va résulter de l’existence des
difficultés de la filiale (B).
A. La justification Les relations entre mère et filiale sont le champ privilégié de l’abandon de créances. Ce
dernier pourra répondre tout d’abord à une motivation commerciale, en raison des divisions
du travail et de l’intégration verticale qui caractérise les groupes de sociétés85.
Dans les rapports mère-filiale, l’aide pourra toujours être justifiée en cas de difficultés de la
filiale pour des raisons financières. C’est une sorte d’obligation alimentaire86. La société mère
a toujours intérêt à rechercher à maintenir la valeur de ses titres de participation et à exercer
ses responsabilités d’actionnaire. De plus, les difficultés financières de la filiale peuvent
également être de nature à porter atteinte à son renom87 ou à entraîner la mise en jeu de sa
responsabilité. Enfin, la société mère pourra avoir intérêt à assainir la situation financière de
la filiale en difficulté88. Cette perspective qui ne concerne que les sociétés mères et leurs
filiales nous permet d’affirmer qu’une société mère aura toujours intérêt à venir en aide à une
de ses filiales en difficulté.
Il convient à cette occasion de remarquer que cette possibilité ne fonctionne que dans le sens
mère-fille : une filiale ne pourra jamais venir en aide à sa mère en sa qualité de filiale. Ce qui
ne veut pas dire non plus qu’elle ne le puisse pas pour une autre raison.
B. Les conditions Pour qu’un abandon de créances soit déductible, il faut naturellement qu’il procède d’une
gestion normale mais aussi que la créance abandonnée ne constitue pas un élément du prix de
revient d’une participation dans une autre société89. Il faut bien sûr que l’aide n’ait pas pour
85 Toutefois il va de soi que l’abandon de créances à caractère commercial peut jouer aussi entre deux sociétés tierces. 86 Expression empruntée à M. Cozian dans : Les abandons de créances, Les grands principes de la fiscalité des entreprises, Litec, 1999 p.425 87 CE, 17/12/84, n° 52.3410, Rev. Sociétés 85, p.145 88 CE, 27/06/84, n° 35.030, Rev. Sociétés 85, p.139 ; CE, 11/02/94, n° 119.726, DF 94 p.1046, ccl. Bachelier 89 Instruction du 22/08/83, §35, DF 32-38/1983, ID et chiffre d'affaire 7807
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objet de favoriser les dirigeants90 et qu’elle n’excède pas les possibilités financières de la
société donatrice. Enfin, les aides répétitives versées à titre habituelle et systématique sont
généralement considérées comme anormales91.
1) Le niveau de participation requis
La jurisprudence n’a pas donné de définition du niveau de participation requis pour
l’appréciation bienveillante de l’aide apportée par la société mère à sa filiale en difficulté. La
logique voudrait que l’on reprenne le seuil exigé pour l’application du régime mère-fille de
l’article 145 du CGI. Ce régime est en effet réservé aux filiales détenues à plus de 5%.
L’article 216 du CGI qui aménage le régime des abandons de créances à caractère financier
pour la société filiale bénéficiaire, n’est en effet applicable qu’aux filiales remplissant les
conditions de l’article 145. Toutefois ce taux est très faible et ne démontre ainsi que
l’existence d’une participation et non d’un lien de filiation entre deux sociétés. Ce taux doit en
conséquence constituer selon nous tout au plus le seuil minimum en deçà duquel on ne peut
admettre l’existence d’un groupe. Le critère véritable doit être celui du contrôle.
C’est un peu ce que fait le juge quand il effectue une analyse de l’ensemble des circonstances
de fait. Il examine si la participation financière s’accompagne ou non d’autres éléments
(comme la communauté d’actionnaires, de dirigeants, les contrats …) permettant de prouver
l’autorité d’une société sur l’autre et ainsi l’existence d’un groupe poursuivant un intérêt
propre. Or selon M.-D. Hagelsteen, ces circonstances sont le seul fondement à une
appréciation plus libérale de la jurisprudence.
2) La nature des difficultés de la filiale
La faculté accordée à une société mère de consentir un abandon de créances à ses filiales pour
des raisons financières ne vaut que pour autant que les filiales bénéficiaires se trouvent en
difficulté et que la société mère vise ainsi à sauvegarder la valeur de ses titres. Un abandon de
créances ne saurait être justifié par la contrepartie consistant dans la perspective de profits
éventuels92 (par la perception des dividendes) ou la valorisation de ses participations.
90 C’est le cas lorsque la société mère s’était substituée à son président pour assurer le remboursement d’un engagement de caution donné au profit d’une filiale : CE, 22/04/85, n° 45.813, Bull. Joly 85, p.647 91 Cela est d’autant plus vrai lorsqu’elles sont versées à fonds perdus à une filiale « tonneau des Danaïdes » : cf. M. Cozian, Les abandons de créances, Les grands principes de la fiscalité des entreprises, Litec, 1999, p.444. 92 CE, 4/04/90, SARL Somag, précit.
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Le Conseil d'Etat exige par ailleurs que les difficultés de la filiale soient sérieuses. Cela
nécessite que la continuation de l’entreprise soit compromise.
Par contre, le fait que les difficultés financières soient le fait de la société mère n’est pas un
obstacle, bien au contraire. Cela résulte d’un arrêt du Conseil d'Etat du 22 mars 199993. Dans
cette affaire, une filiale avait acquis par emprunt, sur la demande de sa mère, les actions d’une
société d’exploitation d’une clinique. Or cette filiale qui ne disposait pas d’une surface
financière suffisante, s’était retrouvée rapidement dans une situation difficile. La mère lui
était alors venue en aide au moyen de versements à fonds perdus et d’avances sans intérêts. Le
Conseil d'Etat a accepté leur déduction, retenant par là une approche objective de la situation
sans porter de jugements de valeur sur l’opération d’investissement, source des difficultés. En
l’espèce, cela avait même justifié le caractère répétitif des aides.
Dans un autre arrêt94, une société A avait fonctionné dans l’intérêt exclusif de l’entreprise X,
ce qui avait entraîné les difficultés de cette société. Le Conseil d'Etat a jugé normales les
subventions a posteriori, c’est-à-dire versées par X à A alors que la société A avait déjà cessé
définitivement son activité. Car en l’espèce, les subventions accordés relevaient plus d’une
obligation morale.
C. Les effets Les aides accordées par une société mère échappent à la qualification d’acte anormal de
gestion et de ce fait, elles seront déductibles des résultats de la société mère.
Dès lors, quand la société accorde une aide à une filiale en sa qualité de société mère,
l’abandon de créances sera réputé à caractère financier.
Les abandons de créances à caractère financier ne sont déductibles que pour autant qu’ils ne
sont pas compensés par la revalorisation des parts sociales détenues par la société mère. Ainsi
n’est pas déductible la fraction de l’aide correspondant à l’accroissement de l’actif de la
filiale, au-delà du comblement de passif pour retrouver une situation nette positive, à
concurrence de la participation de la société mère dans le capital de la filiale. Car cette
fraction est considérée comme un supplément d’apport.
93 CE, 22/03/99, n° 163.282, SA Alphamed, RJF 5/99 n°534, BDCF 5/99 n°48 ccl J. Courtial, BGFE 3/99 p.3 note J. Turot, Bull. Joly 99 §141 note C.Nouel 94 CE, 9/10/81, 7e et 9e sous-sect., req. n° 15.553, DF 81 n° 108 p.164 avec ccl. Verny
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Il faut souligner qu’une renonciation à recettes n’est jamais concernée par cette limite. Car
elle ne peut jamais rendre positive la situation nette de la filiale, mais elle va par contre éviter
de la rendre négative.
En raison de la déductibilité partielle des abandons de créances à caractère financier, la
société mère pourra avoir intérêt à se prévaloir de ses éventuels liens commerciaux avec ses
filiales car comme nous allons de voir, les abandons de créances à caractère commercial sont
déductibles dans leur intégralité.
Section 2 : En présence de liens commerciaux Lorsque deux entreprises sont en relation d’affaires, des impératifs commerciaux peuvent
justifier qu’elles se consentent des avantages, généralement des concours financiers.
En effet, les difficultés, la défaillance d’un partenaire peuvent avoir des conséquences graves
sur les activités d’une entreprise pouvant aller jusqu’à entraîner sa défaillance. Il en découle
que dans une telle situation, une entreprise doit pouvoir apporter une aide à son partenaire.
L’aide apportée se traduira généralement en abandons de créances, le terme devant être ici
compris au sens large95. La jurisprudence admet alors leur normalité.
L’existence de liens commerciaux entre deux sociétés va ainsi permettre dans certaines
circonstances (§1) de déplacer la frontière de l’anormalité (§2).
Il faut noter que l’existence d’un lien commercial entre deux sociétés n’implique pas
nécessairement qu’elles fassent parties d’un même groupe. Ce lien peut résulter notamment de
la complémentarité des objets statutaires des sociétés, soit par leur nature, soit par les relations
commerciales qu’elles entretiennent.
Par contre, l’existence d’un lien commercial dans les relations intra-groupe est beaucoup plus
fréquente que dans les relations entre deux sociétés tierces en raison de l’imbrication des
intérêts et des activités dans les groupes de sociétés96.
Relevons également que lorsque des sociétés d’un même groupe sont en relation d’affaires, on
fait abstraction des liens financiers qui les unissent. Cela s’explique par le meilleur traitement
réservé aux liens commerciaux.
95 Voir infra p.28 96 Il faut entendre ici les groupes de sociétés économiques, industriels qui constituent une seule et même entreprise, cela par rapport aux groupes financiers où il existe plusieurs synergies.
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§ 1 : Les conditions La jurisprudence apprécie le caractère normal d’une aide en examinant l’ensemble des
éléments de fait ou de droit ayant conduit à la décision de la société. Elle apprécie en fait
souvent sa conformité aux usages commerciaux.
Elle va examiner la nature et le montant de l’aide (celle-ci doit bien sûr être proportionnée aux
difficultés du partenaire et en rapport avec les capacités de la société donatrice). Et elle va
surtout s’intéresser aux justifications de l’aide. A cette fin, elle va s’intéresser à l’intensité des
liens commerciaux (A) et aux difficultés du partenaire (B).
A. La nature des liens commerciaux Les liens commerciaux doivent être d’une certaine intensité pour qu’une société puisse
déduire les aides qu’elle accorde à un partenaire en difficulté. Il faut en effet qu’elle poursuive
un intérêt commercial ou qu’elle recherche à sauvegarder sa propre pérennité. Les sociétés
doivent dès lors entretenir des relations particulières de client à fournisseur ou à prestataire de
services.
L’intérêt commercial va généralement consister dans le souci de ménager un partenaire en
difficulté, ici une société du groupe, dont la cessation d’activité aurait une incidence grave sur
la poursuite de ses propres activités commerciales.
La société peut tout d’abord rechercher à maintenir ses débouchés, à préserver ses sources
d’approvisionnement. La normalité de l’aide va alors dépendre de l’importance des
transactions commerciales que les sociétés réalisent entre elles ; si une des sociétés est un des
fournisseurs / clients essentiels voire exclusifs de l’autre97.
La société peut rechercher également à lutter contre un risque de contagion des difficultés de
son partenaire en raison de l’imbrication des activités de deux sociétés. Par exemple, dans un
arrêt du 26/06/9298, le Conseil d'Etat avait relevé que les activités des sociétés s’exerçaient
dans le même secteur, qu’elles étaient imbriquées dans la mesure où l’une avait en charge la
gestion administrative et commerciale de l’autre, avait mis à sa disposition son réseau
commercial et lui fournissait des produits représentant 26% du chiffre d'affaires d’une de ses
usines. En agissant ainsi, la société assure le maintien de sa propre activité.
97 Voir notamment CE, 27/06/84, n°34.430 et 36.880, RJF 5/84 p.297 (la filiale en difficulté achetait 40% de la production de sa mère); CAA Nancy, 6/03/96 n° 94-1326, Société Nord-Eclair, RJF 12/96 n°1464 ( la société vendait à sa sœur en difficulté des travaux représentant 30% de son chiffre d'affaire) 98 CE, 26/06/92, 8e et 9e sous-sect., n° 68646, SA Bish Marley, RJF 8-9/92 n° 1116
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L’octroi d’une aide peut enfin procéder dans les groupes de sociétés de l’intégration
économique des sociétés, de l’autorité que possède la société mère sur ses filiales.
On peut relever à cet effet, un arrêt du Conseil d'Etat du 16 février 198399 où les liens
commerciaux étaient d’une nature très particulière. En l’espèce, une société mère avait versé à
deux de ses filiales dont elle était l’unique client des subventions sous forme de complément
de prix. Ces versements avaient pour objet de compenser les pertes d’exploitation des deux
filiales. Le Conseil d'Etat a admis leur déduction aux motifs qu’ils « tendaient à rétablir
l’équilibre d’exploitation de ses fournisseurs, lorsque les aléas et contraintes économiques
avaient alourdi leur gestion, et trouvaient leur justification dans des relations commerciales
étroites et spéciales établies entre la société requérante et ses fournisseurs ».
On voit bien dans cette affaire, la souplesse de l’appréciation du Conseil d'Etat quant à
l’existence de la contrepartie, l’important étant que les relations entre les sociétés soient
équilibrées à long terme.
B. Les difficultés du cocontractant Les difficultés du partenaire doivent être de nature à compromettre la poursuite des activités
commerciales de la société. Dès lors, comme pour les abandons de créances à caractère
financier100, les difficultés doivent être graves. La jurisprudence parle de situation financière
difficile risquant d’entraîner le dépôt de bilan de la société ou de situation commerciale
difficile pouvant entraîner la cessation de son activité101.
Cependant, il faut qu’il subsiste un espoir de redressement. Le caractère répété des aides
même si elles se révèlent après coup impuissantes à redresser la situation n’est pas a priori
anormal. Le droit à l’erreur est en effet admis par la jurisprudence102, et cela malgré
l’instruction du 22/08/83 qui considère anormaux les abandons de créances qui aboutissent
tant par leur caractère répétitif que par leur modularité en valeur absolue à une remontée au
niveau de la mère des déficits subis par certaines filiales.
Mais l’octroi d’un avantage peut également se justifier en l’absence de difficultés du
partenaire, par la volonté d’obtenir un marché, un débouché commercial lorsque l’entreprise
est fragile. Dans un arrêt du 3 décembre 1975103, le Conseil d'Etat a admis la normalité
99 CE, 16/02/83, req. n° 37.868, à rapprocher de CE, SA Alphamed, précit. 100 Voir infra p.37 101 CE, 4/12/85, req. n°44.323, DF 86 p.587 comm.896 102 CE, 17/10/90, 7e et 8e sous-sect., req. n° 83310, RJF 11/90 p.760 103 CE, 3/12/75, req. n° 89412, RJ II p.163
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d’avances sans intérêts consenties à une société pour lui permettre de poursuivre la mise au
point d’un prototype. La société donatrice devait en effet recevoir l’exploitation exclusive
pour la France du brevet de cet appareil. La société avait de ce fait un intérêt commercial à la
réussite du prototype qui justifiait cette aide.
Est justifiée par exemple, l’avance sans intérêts accordée par une société mère à sa filiale
pendant sa phase de démarrage104.
§ 2 : Les effets Comme nous l’avons déjà entraperçu, l’existence de liens commerciaux entre deux sociétés
d’un même groupe, en cas de difficultés de l’une d’elles, va permettre à l’autre de lui venir en
aide en lui consentant des aides. De fait, cela revient à admettre dans les groupes de sociétés
une certaine solidarité entre les membres.
Ces aides vont consister en grande majorité en des abandons de créances. Ces abandons de
créances à caractère commercial vont échapper à la qualification d’acte anormal de gestion et
contrairement aux abandons de créances à caractère financiers105 vont être intégralement
déductibles. Il est dès lors important de les distinguer. En pratique, la qualification d’abandon
de créances à caractère commercial est la qualification par défaut. S’il existe le moindre
intérêt commercial à l’acte, il sera qualifié d’abandon de créances à caractère commercial.
Outre les abandons de créances, ces aides peuvent également consister en des faveurs
indirectes. Il en était ainsi dans un arrêt Société Nord-Eclair106 où l’avantage avait consisté
dans un accord entre les sociétés. Cet accord prévoyait en effet la facturation de travaux au
prix de revient à une société sœur en difficulté. Celle-ci les refacturait ensuite avec une marge
de 45%.
Cet arrêt est intéressant dans le sens où il admet expressément qu’une société puisse avoir un
intérêt commercial à réaliser des transactions à prix coûtant avec une société sœur.
De nos précédents développements, il résulte que l’intérêt de groupe ne peut être invoqué que
dans certaines hypothèses par la société mère. Il n’est pris alors en compte qu’indirectement,
lorsqu’il se confond avec l’intérêt propre de la société. Dans tous les cas ce dernier doit
prévaloir. Néanmoins, lorsque les sociétés d’un groupe ont des liens quelconques entre elles,
la jurisprudence admet une certaine solidarité entre elles. Une société ne peut cependant en 104 CE, 2/06/82, 8e et 9e sous-sect., req. n° 23342, DF 83 n°6 comm.191 avec ccl. Sckricke, RJF 7/82 p.28 105 Voir infra p.38 106 CAA Nancy 6/03/96 n° 94-1326, Société Nord-Eclair, précit.
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aucun cas se sacrifier pour une autre. Elle doit toujours agir dans son propre intérêt soit
directement, soit indirectement en favorisant l’activité d’une société avec qui elle a des
relations privilégiées. Elle admet également que la société mère n’est pas obligée de s’enrichir
au détriment de ses filiales en ajoutant une marge bénéficiaire aux frais résultant des services
qu’elle leur rend.
Il reste que les groupes de sociétés ne sont appréhendés par le juge fiscal que par les
conséquences et les imbrications qui en résultent, et non pour ce qu’ils sont. L’unité de
décision économique, critère principal du groupe de sociétés, est méconnu. Les avantages
résultant de l’appartenance à un groupe de sociétés ne peut jamais être invoqués pour justifier
une opération intra-groupe. Il en résulte que les relations entre sociétés sœurs mais également
les relations mère-fille dans le sens fille-mère sont ignorées. Les sociétés sœurs sont traitées
comme les sociétés tierces. Ainsi pour le Conseil d'Etat les groupes de sociétés se résument à
des relations verticales et descendantes, entre la société mère et ses filiales. Ce sont des
familles inachevées.
La jurisprudence a une approche très pragmatique des opérations intra-groupe basée
essentiellement sur la recherche de faisceaux d’indices. Cela lui permet d’être au plus près de
la réalité économique. Il apparaît dès lors paradoxal qu’elle ne prenne pas en considération
l’intérêt du groupe.
Cette démarche est source d'insécurité juridique pour les groupes de sociétés. Elle conduit
également à un contrôle de l’opportunité des décisions de gestion du groupe. Dès lors, il ne
reste plus grand chose du principe de non-immixtion dans la gestion des entreprises.
A côté de cette jurisprudence restrictive, le Conseil d'Etat est allé beaucoup plus loin pour
certaines catégories de groupes qui remettent à l’ordre du jour la question d’une meilleure
prise en compte du groupe notamment à travers l’intérêt du groupe.
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Titre II : Plaidoyer pour une nouvelle approche des opérations intra-groupe
Nous venons de voir que si le Conseil d'Etat s’avère favorable aux opérations intra-groupe
dans le sens mère filiale, il se montre en revanche très exigeant pour tenir compte des
opérations entre société sœurs et dans le sens filiale à mère. Cela est d’autant plus
préjudiciable pour les groupes de sociétés que la sanction de l’acte anormal de gestion ne leur
est pas adaptée. Celle-ci aboutit en effet à une double imposition du groupe.
Et si le régime de l’intégration fiscal permet de résoudre un certain nombre de problèmes, son
champ d’application trop restrictif n’est pas satisfaisant.
Une meilleure prise en compte des groupes de sociétés par le droit fiscal est dès lors
souhaitable. Les prémices d’une nouvelle approche des groupes de sociétés par le Conseil
d'Etat ont peut-être été esquissées par deux arrêts récents (chapitre I). Il reste que pour le
moment leur portée reste limitée. Il nous paraît donc nécessaire d’approfondir cette approche
et de nous interroger sur les modalités d’une plus grande prise en compte des groupes de
sociétés par le droit fiscal(chapitre II).
Chapitre I : Les amorces d’une réelle prise en compte du groupe
La jurisprudence a récemment développé un raisonnement novateur à propos de certains
groupes de sociétés. Ce raisonnement qui prend en compte la réalité des groupes de sociétés
pourrait fonder une appréciation plus libérale de la jurisprudence.
Car les solutions apportées avaient très à des hypothèses très particulières. Dans la première,
les opérations intra-groupe avaient lieu dans le cadre du régime de l’intégration fiscale
(section 1). Dans la seconde, elles avaient lieu dans le cadre d’un groupe contractuel très
spécifique, celui des centres Leclerc (section 2).
Section 1 : Les apports du régime de l’intégration fiscale Présenté aujourd’hui à tort par de nombreux auteurs comme le régime fiscal des groupes de
sociétés, le régime de l’intégration fiscale laisse sur le carreau toute une série de groupes, tout
un pan de la réalité économique. Ce sont les groupes inachevés n’ayant pu ou pas voulu faire
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l’appoint des participations inférieures à 95%, les groupes dissuadés par les obligations
qu’impliquent la gestion du système (même s’ils sont de moins en moins nombreux). Ce
régime restrictif ne saurait être présenté comme un véritable régime des groupes, ce qui n’a
d’ailleurs jamais été sa finalité.
L’objectif de cette réglementation est essentiellement d’ « assurer la neutralité de l’impôt sur
les sociétés au regard de l’organisation et de la structure des groupes de sociétés ». A ce titre,
ce régime instaure au sein des groupes sans actionnaires minoritaires significatifs, la neutralité
des diverses formes d’exploitation. Applicable sur option, il permet aux groupes de payer
l’impôt sur la base d’un seul résultat, calculé à partir de celui des sociétés françaises
comprises dans son périmètre. Il ne reconnaît cependant pas la personnalité fiscale au groupe
de sociétés qui est personnifié dans la société mère, seule redevable de l’impôt.
Dès lors le régime de l’intégration fiscale est plus « une simple technique visant à aligner le
régime des structures décentralisées juridiquement indépendantes en filiales spécialisées sur
les structures déconcentrées en département d’activités fonctionnant sur des budgets
autonomes 107».
Néanmoins, il faut reconnaître qu’il connaît aujourd'hui un vif succès (surtout depuis 1992)
avec 11620 options pour ce régime recensées en 2002 pour 8210 bénéficiaires. Il est de ce fait
presque devenu le droit commun des groupes de sociétés.
Dès lors il nécessaire d’étudier les effets de ce régime sur les opérations intra-groupe.
Si ce régime permet d’atténuer les conséquences particulièrement rigoureuses du principe de
l’égoïsme sacré, il ne prévoit cependant qu’un mécanisme de neutralisation des avantages
intra-groupe au niveau du résultat d’ensemble et ainsi, ne permet pas d’écarter ce principe
(§1). La jurisprudence quant à elle, semble adopter une appréciation plus économique qu’en
droit commun (§2).
Mais comme il n’existe pour le moment qu’une décision de première instance, il est difficile
de connaître la réelle position de la jurisprudence. Si la lenteur de la juridiction administrative
dans le traitement des affaires et la relative nouveauté de ce régime peuvent expliquer dans
une certaine mesure cet état de fait108, les faibles conséquences du caractère normal ou
anormal des avantages dans les groupes intégrés (du fait qu’il sont neutralisés) en sont la
principale explication.
107 G. Amédée-Manesme, principes et pratiques du droit fiscal des affaires, Economica, 1990, p. 275 108 Mais cela résulte aussi des relations particulières qu’entretiennent l’administration et les grandes entreprises comme les groupes de sociétés.
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§ 1 : Les assouplissements résultant du régime lui-même Le régime de l’intégration fiscale permet l’intégration économique des sociétés d’un groupe.
A ce titre, il réglemente les opérations intra-groupe. Il prévoit à cet effet la neutralisation des
opérations intra-groupe (A) et la possibilité pour les sociétés du groupe de conclure entre elles
des transactions commerciales à prix coûtant (B).
A. La neutralisation des opérations intra-groupe 1) La neutralisation des transferts d’immobilisations
Le régime de l’intégration fiscale109 entraîne la neutralisation des plus-values résultant des
cessions d’immobilisations (les actifs corporels comme les actifs financiers que sont les titres
de participations et de placements) entre sociétés intégrées. Cependant celle-ci n’est que
provisoire car la plus-value devient exigible lorsque le bien sort du groupe110.
Le mécanisme facilite ainsi la circulation des immobilisations à l’intérieur du groupe et par là-
même les restructurations intra-groupe.
Pourtant, ce régime n’est pas satisfaisant. Tout d’abord puisqu’il s’applique également en cas
de moins-value111. Mais surtout, la jurisprudence n’admet pas ici que les cessions
d’immobilisations puissent se faire au prix de revient. Le principe demeure celui de la cession
à la valeur vénale du bien.
2) La neutralisation des avantages intra-groupe
L’article 223B dispose que les avantages intra-groupe ne sont pas pris en compte pour la
détermination du résultat d’ensemble. Cela signifie tout d’abord que les résultats des sociétés
du groupe restent déterminés dans les conditions de droit commun. En ce qui concerne le
résultat d’ensemble, les effets fiscaux des avantages, lorsqu’il y en a, vont être neutralisés,
c'est-à-dire que les aides non déductibles ou partiellement déductibles vont être déduites du
résultat d’ensemble. Mais ils ne sont que neutralisés : en cas de sortie du groupe de la société
concernée dans les cinq ans, l’aide doit être réintégrée au titre de l’exercice de sortie. A cette
fin, la mère intégrante est tenue de fournir tous les ans un tableau récapitulatif des avantages
intra-groupe réalisés au cours de l’exercice.
109 Article 223 F du CGI. 110 De même, le bien n’est amortissable que pour sa valeur nette comptable avant cession (valeur d’origine du bien). 111 Mais dans ce cas, le bien ne sera amortissable que pour sa valeur d’acquisition.
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Les avantages concernés par cette neutralisation sont aussi bien les abandons de créances et
autres subventions directes que les subventions indirectes. Les notions d’abandons de
créances et de subventions directes ne demandent pas d’éclaircissements contrairement aux
subventions indirectes.
B. La normalité dans les opérations courantes entre sociétés intégrées. L’article 46 quater-O ZG de l’annexe III du CGI définit les subventions indirectes et de la
sorte indirectement les opérations normales dans les groupes intégrés. Ainsi, sont des
subventions indirectes, les cessions d’immobilisations pour un prix différent de leur valeur
réelle, les prêts et avances sans intérêt ou consentis à un taux différent des taux du marché et
les ventes de biens ou services pour un prix inférieur à leur prix de revient ou pour un prix
supérieur à leur valeur réelle112.
Cet article revient à admettre la pratique des facturations à prix coûtant entre sociétés
membres du groupe intégré. Il constitue un progrès par rapport au droit commun des groupes
où cette pratique n’est admise qu’avec réticence et dans des cas très limités113. Il tient ainsi
compte de la réalité économique des groupes de sociétés répondant par là aux attentes des
praticiens.
Le régime de l’intégration consacre les principes dégagés par la jurisprudence pour
l’appréciation de la normalité des opérations intra-groupe. En effet, dans les groupes intégrés,
les opérations sur immobilisations doivent se faire pour la valeur réelle des biens, les
opérations entre mère et filiales peuvent se faire à prix coûtant, et les aides intra-groupe ne
doivent pas être dépourvues de contreparties. Une seule différence notable apparaît
néanmoins et elle est appréciable : les opérations commerciales entre sociétés sœurs peuvent
se faire à prix coûtant.
La jurisprudence tarde à se prononcer sur l’opportunité d’une différenciation d’avec les
groupes non intégrés quant à l’appréciation de la normalité des opérations intra-groupe.
112 La valeur réelle doit être entendue comme la valeur vénale pour les éléments d’actif. Pour les biens et services, elle doit être déterminée par référence au prix qui aurait résulté d’un marché entre sociétés tierces (instr. AH-13-92 du 23/07/92). 113 Voir infra p.30 et s.
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§ 2 : La prise en compte l’intérêt du groupe dans les groupes intégrés : l’arrêt « Société SEEE »114 Avec la mise en place du régime de l’intégration fiscale s’est posée à nouveau la question de
la prise en compte du groupe dans l’appréciation des opérations intra-groupe. Car comme
nous venons de le voir, le régime de l’intégration fiscale ne permet qu’une neutralisation des
avantages.
Un seul arrêt s’est pour le moment prononcé sur la question. Il s’agit d’un jugement du
tribunal administratif de Paris en date du 9 juin 1999115. Ce jugement privilégie la logique
économique sur la logique juridique (A) et reconnaît indirectement l’intérêt du groupe (B).
A. La solution de l’arrêt « société SEEE » Les faits qui se passaient dans le cadre d’un groupe intégré étaient les suivants. La société
SEEE était à la tête d’un groupe de sociétés intégré fiscalement comprenant également deux
autres sociétés ; les sociétés Serip et Sedep. La société Sedep avait racheté la société Dopresse
alors qu’elle était au bord de la faillite. Afin de la renflouer, sa société sœur, la société Serip
avait souscrit à une augmentation de capital. Après l’opération, la situation nette comptable de
la société étant restée négative, la société Serip avait alors constaté la dépréciation des titres.
Considérant la souscription à l’augmentation de capital anormale, l’administration avait
réintégré la provision dans les plus-values à long terme. Comme l’augmentation avait eu lieu
avant l’inclusion de la société Dopresse dans le groupe, la provision n’avait pas pu être
neutralisée dans les résultats d’ensemble. Le tribunal administratif de Paris a annulé le
redressement.
L’administration avait adopté en l’espèce le même raisonnement qu’en matière de groupes
non intégrés à savoir que chaque société du groupe doit agir dans son intérêt propre. Or
comme en l’espèce la société Serip avait pris des participations dans une société en difficulté
qui ne présentait pour elle aucun intérêt116, l’administration avait conclu à l’anormalité de
l’opération.
114 B. Plagnet, L’intérêt du groupe en droit fiscal : les incidences du régime de l’intégration fiscale, ANSA mars-mai 2000 n° 3027 115 TA Paris 9/06/99, n° 95-10189, société SEEE, RJF 1/00 n° 32, Droit Société 5/2000 p.25, 116 Cette affaire se rapprochait de celle de CAA Paris 20/06/95, 2e ch., n° 93-1140, Société Hachette Filipacchi-Presse où la cour avait décidé que « intérêt du groupe et la politique menée par la société mère ne suffisent pas à conférer un caractère anormal à une prise de participation minoritaire dans une société sœur B déficitaire, cette option ne présentant aucun intérêt propre pour la société A mais viant en fait à lui faire supporter une partie des charges financières générées par les déficits de B ».
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Le tribunal pour sa part considère que la normalité de l’opération doit être appréciée au regard
de l’intérêt de la société mère, seule redevable de l’impôt. Or la société SEEE avait un intérêt
financier à la réalisation de l’opération. L’opération était donc normale. Il en résulte que dans
les groupes intégrés, les sociétés filiales peuvent agir dans l’intérêt de la société mère.
B. La reconnaissance de l’intérêt du groupe dans les groupes intégrés. Cet arrêt reconnaît indirectement l’intérêt de groupe. Les faits invoqués par le tribunal pour
justifier l’intérêt de l’acquisition des parts relèvent plus de l’intérêt de groupe que de l’intérêt
de la société mère. En effet, l’acquisition de la société en difficulté avait été décidée dans
l’intérêt du groupe et bénéficiait à l’ensemble des sociétés du groupe (le jugement parle
d’acquisition par le groupe) : elle avait permis d’augmenter les débouchés publicitaires des
revues du groupe ainsi que de réaliser des économies d’échelle au niveau de l’utilisation des
équipes éditoriales et des services de gestion.
Cette reconnaissance indirecte du groupe s’explique par le régime de l’intégration fiscale lui-
même. Celui-ci ne reconnaît pas la personnalité fiscale au groupe qui est personnifié dans la
société mère. De même, le tribunal identifie l’intérêt du groupe à celui de la société mère.
Le régime de l’intégration, qui ne reconnaît pas la personnalité morale du groupe de sociétés
peut-il permettre de modifier l’approche de la normalité dans les opérations intra-
groupe comme l’a estimé le tribunal administratif de Paris ?
L’argumentation développée par le commissaire du gouvernement M. Rivière dans l’arrêt des
filiales algériennes de 1982 y invite. Il estimait, comme nous l’avons relevé plus haut, qu’il
fallait une réforme législative modifiant la détermination des redevables des différents impôts.
Le régime de l’intégration, qui nécessite un niveau de participation très important, fait de la
société mère la seule redevable de l’impôt sur les sociétés et neutralise les effets des avantages
intra-groupe. Cela justifie donc que soit pris en compte l’intérêt de groupe. Dès lors, la
solution du tribunal nous semble devoir être approuvée117.
Notons également que cette solution n’entraîne pas de lourdes conséquences fiscales en raison
de la neutralisation des avantages intra-groupe.
L’administration a fait appel de cette décision. La cour administrative d’appel de Paris devrait
donc prochainement être amenée à se prononcer sur ce point. Il serait souhaitable que cette 117 P.Gastineau, Juris-Classeur Fiscal Impôt direct Traité, Fasc. 1135-10 (Vol. 10)
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évolution y soit confirmée. Il est cependant certain que cette solution n’a pas vocation à
s’étendre à toutes les relations intra-groupe puisqu’elle est justifiée par les spécificités du
régime de l’intégration fiscale. Pourtant le cas des sociétés semi-transparentes118 imposables
au titre de l’impôt sur les sociétés entre les mains de ses associés, lorsque l’associé ultra
majoritaire est une société de capitaux, est très proche de celui de l’intégration fiscale.
L’opportunité d’une extension de cette solution peut être discutée et c’est ce qui occupera une
partie de nos prochains développements.
Le régime de l’intégration fiscale a pour effet de modifier sensiblement l’appréciation de la
normalité des actes passés au sein d’un groupe. Il tient compte de la réalité, de l’unité
économique des groupes de sociétés. Par contre, ce qui est regrettable, c’est que ce régime ne
constitue pas le droit commun des groupes de sociétés. L’élargissement de son champ
d’application serait donc appréciable.
Une nouvelle approche a également été retenue par le Conseil d'Etat dans un groupement
particulier, celui des centres Leclerc.
Section 2 : Les apports de l’arrêt des « centres Leclerc » L’arrêt du Conseil d'Etat du 26 septembre 2001119 a apporté un peu de nouveauté dans la
jurisprudence traditionnelle en matière d’opérations intra-groupe. A ce titre, il a été
abondamment commenté120.
Il reconnaît pour la première fois la normalité d’avantages entre sociétés sœurs en l’absence
de tout lien commercial (§1). Néanmoins, la portée de cet arrêt est très limitée (§2).
§ 1 : La solution apportée par l’arrêt des centres Leclerc Le Conseil d'Etat a rendu le 26 septembre 2001 un arrêt important quant à l’appréciation de la
contrepartie dans les relations entre sociétés juridiquement indépendantes. Dans cette affaire,
il était question de la normalité des aides consenties entre membres du réseau de distribution
Leclerc. La société Rocadis avait parrainé deux autres sociétés pour l’exploitation de centres
commerciaux. Ce parrainage s’était traduit par des engagements de caution auprès des 118 Voir infra p.19 119 CE, 26/09/2001, 8e et 3e sous-sect., n° 219825, SA Rocadis, RJF 12/01 n° 1491, DF 2003 n° 15 comm.292 avec ccl. G..Bachelier, JCP E 1122. 120 Chron. C. Acard, Banque & Droit sept.-oct. 2002, M. Cozian, Le devoir d’entraide des centres Leclerc : est-ce un acte anormal de gestion, BF 7/02 p.523, A Lagarrigue, Jusqu’où peut-on aider des entreprises tiers en difficulté ?, Droit Société 2002 n °3 p.25
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banques ayant financé ces deux nouveaux membres. Compte tenu des difficultés financières
rencontrées par les deux nouveaux arrivants, la SA Rocadis leur avait consenti des avances
sans intérêt qu’elle avait ensuite dû en partie abandonner. L’administration avait qualifié ces
sacrifices d’actes anormaux de gestion.
Or, le Conseil d'Etat a relevé que la participation des membres aux réseaux de distribution
Leclerc nécessitait sous peine d’exclusion, l’engagement de parrainage de deux nouveaux
centres consistant en une aide technique et en un appui financier. C’était en vertu de cet
engagement que la société Rocadis avait consenti les aides en cause.
Dès lors, le Conseil d'Etat a conclu à la normalité des aides consenties jugeant qu’elles étaient
la conséquence des engagements que la société Rocadis avait souscrits et qui avaient pour
contrepartie des avantages de clientèle et de prix de revient liés notamment au renom de
l’enseigne et aux économies réalisées grâce à l’utilisation des centrales d’achat du réseau. En
octroyant ces aides, elle avait ainsi agi dans son intérêt propre.
Le Conseil d'Etat a donc accepté de prendre en considération le particularisme du mouvement
Leclerc pour apprécier la normalité des actes de gestion. Il valide son système original de
solidarité financière interne. Pour la première fois, il retient pour déterminant le fait que les
avantages ont été octroyés en application d’un engagement contractuel, engagement qu’il a
également reconnu normal.
Cet arrêt traduit ainsi une nouvelle approche de la jurisprudence.
§ 2 : Le problème de sa portée Cet arrêt écarte les règles classiques de l’acte anormal de gestion. Mais c’est un arrêt
d’espèce. Par conséquent, cette solution n’a pas vocation à être étendue. Dans ses conclusions
le commissaire du gouvernement considère que l’avancée de cette jurisprudence doit être
limitée à la présente hypothèse.
Néanmoins, cette solution vient en contradiction avec celles qui avaient été précédemment
retenues par les juges du fond dans le cadre des aides consenties entre les membres du réseau
Leclerc121. Elle marque de ce fait un assouplissement de la jurisprudence. Cette solution a
depuis été transposée au cas de dépenses de formations de personnel communes à l’ensemble
121 TA Toulouse, 19/05/98, n° 94-2260, SA Solibag, RJF 3/99, n° 288, CAA Nancy, 23/11/93, n°92-303, SA Solibrag, RJF 2/94 n° 128.
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des centres Leclerc (qui tendent au développement du réseau à l’étranger). Cette transposition
était logique dans la mesure où il s’agissait d’une hypothèse semblable122.
Plus généralement, cette solution doit pouvoir être étendue à toutes les situations où un groupe
de sociétés déciderait d’instaurer une solidarité interne à condition bien sûr que cette solidarité
soit obligatoire et dans la mesure où l’aide apportée n’excède pas les possibilités financières
de la société qui la consent.
Mais l’intérêt de cette solution se situe surtout dans l’approche de l’affaire par le Conseil
d'Etat. Cet arrêt marque en effet un assouplissement de la jurisprudence dans la mesure où il
apprécie de manière large l’existence d’une contrepartie en prenant en compte tous les motifs
ayant conduit à l’octroi de l’avantage. Car en l’espèce, la société Rocadis n’avait aucun lien
avec les sociétés en difficulté. Leur défaillance n’aurait alors eu pour elle aucune
conséquence. La contrepartie était « négative » dans le sens où elle consistait dans les
conséquences qu’auraient eu la soustraction à son engagement c'est-à-dire le risque d’être
exclu du réseau. Elle n’était dès lors que très indirecte. En d’autres termes, l’intérêt de la
société ne résultait pas de près ou de loin de l’aide accordée mais de son maintien au sein du
réseau.
Par conséquent, le juge a adopté en l’espèce une vision globale de la situation : il examine
globalement tous les motifs et tous les effets de l’acte en ne se limitant pas à la relation entre
les deux sociétés concernées par l’acte.
L’autre intérêt de cet arrêt consiste dans l’idée selon laquelle la contrepartie à l’acte litigieux
peut être tout simplement l’appartenance au groupe (qui présente pour la société toute une
série d’avantages).
Il reconnaît enfin aussi de fait l’existence des groupes contractuels sans liens financiers.
La jurisprudence administrative montre l’importance de conclure des conventions dans les
groupes de sociétés. Les solutions récentes apportées par la jurisprudence en matière
d’opérations intra-groupes, si elles n’ont pas vocation à devenir le droit commun
n’introduisent pas moins des perspectives d’évolution.
122 TA Poitiers, 5/12/2002, 2e Ch., req. n° 01-2701, SA Loudundis, DF 2003 n° 15 comm.292 : l’obligation de contribution résultait également de la charte et son non-respect était assorti des mêmes sanctions.
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Chapitre II : Quel régime pour les opérations intra-groupe ?
Le système actuel n’est pas satisfaisant. L’absence d’une réelle prise en compte du groupe
par la jurisprudence est un frein à leur développement et à leur rentabilité. Elle entraîne des
limitations importantes à la circulation des biens à l’intérieur d’un groupe. Celle-ci implique
en effet que toute transaction intra-groupe puisse se faire à prix coûtant. De plus, la logique
économique du groupe repose sur des relation contractuelles à des conditions privilégiées et
dans la mesure de leur indépendance, tout ce qui engendre une dynamique d’ensemble profite
à chacune des sociétés du groupe123.
De plus, ce système ne prend pas suffisamment en compte la nécessaire solidarité entre les
différentes sociétés d’un groupe. Les difficultés d’une société sœur ou d’une société mère
surtout ont nécessairement des répercussions sur les autres sociétés du groupe. Ces dernières
se voient alors contraintes, dans l’intérêt de leur propre crédibilité, à aider les autres sociétés
du groupe. S’il est normal que ce soit à la société la plus proche de lui venir en aide (et donc
le plus souvent à la société mère), une filiale qui n’a aucun moyen de pression sur les autres
sociétés se doit d’intervenir en cas de carence de celle-ci.
Cela est d’autant plus vrai lorsque la société en difficulté est la société mère car dans ce cas
selon la jurisprudence, aucune société du groupe n’est habilitée à lui venir en aide. Or bien
souvent le dépôt de bilan de la société mère entraîne celui de ses filiales ou leur vente pour
payer les créanciers. Ainsi une filiale ne peut être indifférente à la santé de son groupe.
Enfin, en favorisant uniquement les groupes très intégrés financièrement, le système actuel
favorise le financement bancaire aux dépens du financement par augmentation de capital.
Dès lors, pour permettre une plus grande solidarité intra-groupe, il est nécessaire de passer en
revue toutes les solutions de substitution à l’actuel contrôle du juge sur les opérations intra-
groupe ( qui est fondé sur la théorie de l’acte anormal de gestion). Le Conseil d'Etat pourrait
bien sûr revenir sur sa position et reconnaître l’intérêt du groupe (Section 1). Mais des
modifications plus importantes peuvent également être envisagées (section 2).
123 C. P.rieto, La société contractante, Presses Universitaires d’Aix-Marseilles, 1994, p.303
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Section 1 : La reconnaissance de l’intérêt du groupe Le Conseil d'Etat a eu plusieurs fois l’occasion de se prononcer sur la prise en compte de
l’intérêt du groupe. Chaque fois, il a rejeté avec vigueur cette possibilité. Pourtant, la
reconnaissance de l’intérêt du groupe en droit fiscal n’implique pas nécessairement un grand
revirement de la jurisprudence du Conseil d'Etat (§1). Tout dépend de la définition de l’intérêt
du groupe que l’on retient (§2).
§ 1 : La légitimité d’une prise en compte de l’intérêt du groupe Se poser la question de la légitimité de la reconnaissance de l’intérêt du groupe revient à se
poser la question déjà entrevue en introduction : faut-il faire prévaloir la réalité économique à
la situation juridique ? Les concepts de groupe de sociétés et d’entreprises y invitent. Ce sont
en effet des termes économiques rétifs à toute définition juridique.
Le raisonnement développé par la jurisprudence en matière d’acte anormal de gestion n’est
pas satisfaisant. Elle fait référence à l’intérêt de l’entreprise pour apprécier en fait l’intérêt
propre de la société. Or la notion d’entreprise ne se confond pas avec celle de la société,
l’intérêt de l’entreprise avec l’intérêt social. Une entreprise peut être composée de plusieurs
sociétés et inversement. Du reste, entre une société mère chargée de la production et une
filiale chargée de la commercialisation des produits conçus par la société mère, n’est-ce pas
une seule et même entreprise. Dès lors, pourquoi ne prendrait-on pas en compte l’intérêt du
groupe ?
Le groupe de sociétés trouve sa dynamique dans la répartition concertée et contrôlée des
activités et donc des risques entre les sociétés124. Lorsqu’un groupe se forme, les sociétés ne
vont plus décider de leur gestion en fonction de leurs seuls intérêts sociaux. Un nouveau
centre de décision va donner naissance à de nouvelles relations. Les relations intra-groupe
vont alors être influencer par une stratégie de groupe, une unité de décision économique. Si
l’on ne veut pas entraver les groupes de sociétés, il est important de tenir compte de cet état
de fait. La reconnaissance de l’intérêt du groupe peut y contribuer.
124 Q. Urban, La « communauté d’intérêts », un outil de régulation du fonctionnement du groupe de sociétés , RTD Com.2000 p.1 et s.
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L’intérêt du groupe a déjà été reconnu par le juge judiciaire. Sans reconnaître expressément
l’intérêt du groupe, le juge commercial125 a jugé qu’un transfert gratuit d’actifs réalisé en vue
d’une réorganisation au sein d’un groupe échappait aux droits d’enregistrement. Le juge pénal
a accepté dans un arrêt très connu, l’arrêt Rozemblum126 que les concours financiers apportés
par les dirigeants d’une société à une autre puissent être justifiés par l’intérêt du groupe.
La reconnaissance de l’intérêt du groupe n’implique pas que tous les autres intérêts soient
sacrifiés. L’intérêt du groupe doit seulement faire présumer la normalité des opérations intra-
groupe. Car, dans les groupes de sociétés, la contrepartie des avantages va résulter des
avantages de l’appartenance au groupe. (Ces avantages peuvent consister notamment en un
partage des risques économiques, une répartition des activités entre sociétés, une
dynamisation et le perfectionnement du financement des activités du groupe, l’utilisation du
renom du groupe …). Dès lors, l’absence de personnalité juridique et fiscale du groupe ne
s’oppose pas à sa reconnaissance.
Au contraire, le rapport Marini, tout en affirmant la nécessité de la reconnaissance de l’intérêt
du groupe pour l’efficacité d’une organisation en groupe, ne concevait cette reconnaissance
que dans le cadre d’un régime particulier, celui du contrôle renforcé127.
La reconnaissance de l’intérêt du groupe, tout en ne nécessitant pas d’importantes
modifications de la jurisprudence actuelle, permettrait d’admettre qu’une entreprise puisse
renoncer à certaines contreparties immédiates. Elle permettrait également l’élargissement de
la jurisprudence libérale du Conseil d'Etat concernant les relations mère-filles aux relations
entre sociétés sœurs.
§ 2 : Les modalités de cette prise en compte La reconnaissance de l’intérêt du groupe n’implique pas que l’on fasse abstraction de tout
intérêt propre des sociétés du groupe. L’intérêt du groupe vient en limitation de l’intérêt
propre de chaque société, comme l’intérêt général en limitation des intérêts des citoyens. De
même que l’intérêt général ne justifie pas toute atteinte aux droits des citoyens, l’intérêt du
groupe ne peut justifier toute opération intra-groupe. Chaque société conserve toujours, selon
nous, un intérêt irréductible propre qui empêche tout sacrifice. Par sacrifice, nous voulons
125 Cass. Com., 2/10/78, arrêt n° 604, DF 79 comm. 598 p. 400 : l’Avocat général s’était prononcé dans le sens contraire. 126 Crim 4/02/85, Rev. Sociétés 1985 p.648, note B.Bouloc, JCP 86 éd. E.20585, note W. Jeandidier, Dalloz 85 II p.478. 127 Proposition 83,84 et 85 du rapport
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entendre ici toute aide excédant les possibilités financières de la société, la mettant en
difficulté. Considérer que l’intérêt du groupe autorise le sacrifice d’une société du groupe
reviendrait à considérer le groupe comme une simple technique d’organisation de l’entreprise.
La reconnaissance de l’intérêt de groupe par le juge pourrait donc selon nous suivre le même
chemin que celui suivi par le juge pénal. Ce dernier a fixé les caractéristiques de l’intérêt du
groupe pour qu’il puisse être pris en compte. Celles-ci peuvent, dans une certaine mesure, être
reprises par le juge de l’impôt car elles sont destinées à être des garde-fous, protecteurs des
actionnaires minoritaires.
En premier lieu, il doit s’agir d’un intérêt économique, social ou financier commun résultant
d’une politique élaborée pour l’ensemble du groupe. Cette première caractéristique permet de
distinguer l’intérêt du groupe de celui de la société mère. Elle signifie que l’opération en
cause doit découler d’une stratégie du groupe, préalablement élaborée, connue et acceptée par
toutes les sociétés du groupe. L’existence d’une politique de groupe pourra résulter
notamment de la complémentarité économique des activités des sociétés du groupe, d’un
convention de trésorerie, de services centraux ou de l’existence d’un holding (dont la mission
est d’organiser les rapports au sein du groupe et d’assurer une certaine unité de décision et de
direction).
L’opération ne doit pas ensuite excéder les possibilités financières de celle de qui en supporte
la charge. L’intérêt du groupe ne doit pas justifier le sacrifice de la société sollicitée.
L’opération doit enfin trouver une contrepartie et ne pas rompre l’équilibre entre les
engagements respectifs des sociétés. Cette dernière condition est très restrictive.
D’après nous, seules les deux premières conditions devraient être reprises, le respect de la
troisième devant être présumé. Car l’intérêt du groupe devrait justement avoir pour effet
d’entraîner le renversement de la charge de la preuve de la contrepartie. La contrepartie serait
alors présumée être les bienfaits attendus de l’appartenance à l’ensemble économique. Ainsi,
une opération intra-groupe effectuée dans l’intérêt du groupe devrait être présumée normale.
L’administration devrait alors apporter la preuve contraire, c'est-à-dire que l’opération est
dépourvue de toute contrepartie. Par exemple, lorsque qu’un montage a pour conséquence de
condamner une société à avoir un résultat nul ou déficitaire. Ou lorsque l’opération n’a en
réalité pour objet que le transfert de bénéfices. Car la reconnaissance de l’intérêt du groupe ne
doit pas avoir pour effet de permettre la constitution et la localisation d’un profit artificiel
dans l’une des sociétés membres.
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Ainsi les conséquences négatives de la reconnaissance du groupe se trouveraient atténuées.
Cela devrait permettre d’échapper à la critique de l’absence de personnalité morale du groupe
tout en facilitant la preuve de la normalité des actes dans les groupes de sociétés.
Section 2 : Les alternatives à la reconnaissance de l’intérêt du groupe Finalement, au travers des décisions des juridictions administratives, on remarque que la
notion d’acte anormal de gestion n’est pas satisfaisante pour appréhender les opérations intra-
groupe dans leurs aspects complexes et contradictoires. De sorte que l’on peut envisager pour
les opérations intra-groupe son abandon (§1). Il pourrait alors être opportun de créer un
véritable régime des groupes de sociétés.
§ 1 : L’abandon de la théorie des actes anormaux de gestion pour les opérations intra-groupe L’acte anormal de gestion appliqué aux groupes de sociétés conduit, comme nous l’avons vu
et revu, à l’insécurité juridique et à l’immixtion toujours croissante de l’administration dans la
gestion de l’entreprise. Dès lors, est-il encore adapté pour régir les aspects fiscaux des
relations intra-groupe ?
M. Collet128 propose d’abandonner non pas la théorie des actes anormaux de gestion, mais sa
conception traditionnelle d’acte contraire à l’intérêt de l’entreprise, au profit d’un
« réinvestissement de l’idée d’anormalité ». La normalité serait alors la conformité aux
usages.
Cette conception permet à la théorie des actes anormaux de gestion d’être un instrument
permettant d’assurer l’égale application de la loi aux contribuables placés dans des situations
similaires. Cela permettrait une meilleure prise en compte du groupe dans la mesure où il
tiendrait compte des usages des groupes de sociétés. C’est donc une alternative à la prise en
compte de l’intérêt du groupe. Le Conseil d'Etat adopte déjà cette conception lorsqu’il admet
dans les opérations de trésorerie intra-groupe les taux d’intérêt préférentiels.
Néanmoins, a référence aux usages fige la règle : une pratique novatrice serait souvent
considérée comme anormale. Cela ne laisse pas de place à l’innovation.
128 M. Collet, Contrôle des actes de gestion : pour un retour à l’anormal, DF 2003 n° 14 p. 537.
- 57 -
- 58 -
Le contrôle de la normalité des opérations de gestion dans les groupes de sociétés pourrait
alors être purement et simplement abandonné. Ce contrôle serait alors remplacé par un
contrôle plus léger : celui de la fraude (en cas de transfert de bénéfices) et de l’abus de droit.
Ne seraient dès lors sanctionnés dans les relations intra-groupe que les comportements
manifestement frauduleux, par exemple quand le principal effet recherché est la localisation
de bénéfices dans une société déficitaire ou bien l’évasion fiscale. Ce système a le mérite de
reconnaître pleinement la solidarité intra-groupe. Par contre, il ne fixe aucune limite à cette
solidarité et autorise le sacrifice d’une société du groupe (comme dans l’arrêt Sofige). Cela
réduit l’intérêt de cette alternative.
§ 2 : La création d’un véritable droit fiscal des groupes. La création d’un régime global des groupes de sociétés n’est pas chose aisée comme nous
l’avons vu en introduction. Son opportunité est d’ailleurs discutable. Mais nous voulons nous
intéresser ici uniquement à l’opportunité de créer un régime fiscal des groupes. Nous
connaissons en effet le souci de réalisme du droit fiscal. De plus, le succès du régime de
l’intégration fiscale montre que c’est le désir des groupes eux-mêmes. L’existence d’une
direction spécialisée pour les grandes entreprises et d’obligations comptables pour les groupes
militent en ce sens. Cela permettrait aussi de simplifier les relations intra-groupe en
neutralisant le facteur fiscal.
Sans pour autant reconnaître la personnalité juridique aux groupes de sociétés, il serait
possible de créer un véritable régime fiscal des groupes. Ce régime viendrait en remplacement
du régime actuel de l’intégration fiscale dont il reprendrait les grandes bases. Contrairement
au régime actuel, la personnalité fiscale lui serait reconnue. Le niveau de participation
nécessaire pour opter pour ce régime (qui resterait donc optionnel) serait abaissé.
Il serait possible ici d’adopter un peu la même démarche qu’en matière d’OPA. C'est-à-dire,
prévoir un seuil minimum de capital (qui pourrait être également de 33⅓) et laisser la
possibilité aux sociétés dont le seuil n’est pas atteint d’apporter la preuve du contrôle de la
société (au sens du code de commerce).
J. Turot129 propose pour sa part la création d’un « droit des familles de sociétés qui soit autre
chose qu’un droit des groupes proprement dit, et où s’exprime la solidarité sans intégration. »
129 J. Turot, Fiscalité des groupes non intégrés, RJF 1/92 p.3
Et G.Amédée-Manesme130 suggère la création d’un grand régime des groupes de sociétés qui
consisterait à laisser les entreprises bénéficier sur le plan juridique de la technique protectrice
et adaptée de la société de capitaux et tout en leur réservant, sur le plan fiscal, une option pour
le régime des sociétés transparentes leur permettant une intégration au prorata de leur
participation financière.
Cela aurait l’avantage par rapport aux autres solutions de préserver la sécurité juridique des
groupes. Néanmoins, ce sont des propositions qui restent à élaborer plus en détail et qui ont
peu de chance d’être entendues par le législateur dont on connaît la surcharge de travail et
l’incapacité à élaborer des lois cohérentes. Il est vrai aussi qu’une telle réforme aurait un coût
fiscal important.
Mais le problème d’un véritable régime des groupes tient également à la difficulté
d’appréhender les groupes dans leur diversité. Un régime légal n’est pas suffisamment souple.
130 G.Amédée-Manesme, Principes et pratiques du droit fiscal des affaires, Economica, 1990
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Conclusion De nos précédents développements, il ressort que le Conseil d'Etat, s’il ne reconnaît pas
officiellement le groupe dans les relations intra-groupe, recherche à ne pas les entraver.
Il recherche un compromis entre l’orthodoxie juridique, qui l’empêche de reconnaître l’intérêt
du groupe, et la prise en compte de la réalité économique des groupes.
Le juge fiscal adopte une approche très pragmatique en fondant ses solutions sur des
faisceaux d’indices. Pourtant, il ne retient pas à cette occasion l’existence d’un groupe de
sociétés, ce qui est assez paradoxal.
Néanmoins, le droit fiscal reconnaît la force obligatoire des contrats. Et le juge pour sa part
tient compte des opérations intra-groupe lorsqu’elles sont organisées, qu’elles sont
contractualisées. A ce titre, il admet qu’il soit fait quelques entorses à la théorie des actes
anormaux de gestion. C’est le cas pour les conventions de trésorerie, les services de
fonctionnement du groupe et la solidarité intra-groupe (l’arrêt des centres Leclerc l’induit :
l’existence d’une clause de solidarité entraîne la normalité des aides intra-groupe). Le juge
n’exige en fait que la transparence et la prévisibilité. Les règles de preuve défavorables aux
groupes de sociétés en témoignent.
Dès lors, on ne saurait que trop conseiller les groupes de sociétés de formaliser leurs relations
internes.
Ces solutions couplées au régime de l’intégration fiscale permettent de préserver la
compétitivité des groupes de sociétés. Néanmoins, la prise en compte de l’intérêt du groupe
permettrait d’accroître la lisibilité de la jurisprudence du Conseil d'Etat tout en préservant les
intérêts du fisc et des créanciers sociaux. Le rescrit déjà permet aux groupes de sociétés
d’accroître la sécurité des opérations intra-groupe en soumettant à l’approbation de
l’administration les projets de convention.
La pratique économique précède très souvent le droit. Ce dernier a alors du mal à s’adapter.
Gageons qu’il en sera autrement pour les entreprises en réseau.
Il s’agit d’entreprises, d’unités de production juridiquement indépendantes organisées
horizontalement entre elles en vue de la réalisation d’un objectif commun. Phénomène très
récent, elles sont encore plus en marge du droit. Elles n’ont en fait pas de liens financiers
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entre elles mais des liens contractuels. Contrairement aux groupes de sociétés, leurs relations
réciproques devraient être mieux prises en compte par le droit fiscal car elles constituent une
seule entreprise. L’utilisation du critère de la contrariété à l’intérêt de l’entreprise permettrait
alors de prendre en compte leurs spécificités. Enfin, l’arrêt des centres Leclerc est susceptible
de leur être appliqué.
- 61 -
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n° 15 comm.292.
J. Courtial, ccl. sous CE, 22/03/99, n° 163.282, SA Alphamed, BDCF 5/99 n°48
J. Turot, note sous CE, 22/03/99, n° 163.282, SA Alphamed, BGFE 3/99 p.3
C.Nouel, note sous CE, 22/03/99, n° 163.282, SA Alphamed, Bull. Joly 99 §141
B.Bouloc note sous Crim 4/02/85, Rev. Sociétés 1985 p.648.
W. Jeandidier note sous Crim 4/02/85, JCP 86 éd. E.20585.
CE, 4/04/90, req. n°65.943, SARL Somag, RJF 6/90 n°671, DF 16-17/91 avec ccl. Liébert-
Champagne.
D. Rivière, ccl. sous CE plén. 26/07/82, req. n°2.533 et 19.645, DF 83 n°10 comm. 378.
J.-F. Verny Ccl. sous CE, 7e, 8e et9e sous-sect., 27/11/81 req. n°16814, RJF 82 n°1 p.8.
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TABLE DES MATIERES
INTRODUCTION ........................................................ 4
TITRE I : L’APPROCHE TRADITIONNELLE DES OPERATIONS INTRA-GROUPES. ....................... 13
CHAPITRE I : LE MAINTIEN DU PRINCIPE DE L’ « EGOÏSME SACRE » ................................... 13
Section 1 : Les raisons de ce maintien ...................................................................... 14
§ 1 : L’impératif de lutte contre les transferts de bénéfices ................................ 14
A. Le risque de transferts de bénéfices à l’occasion d’opérations intra-groupe ..................................................................................................................... 14 B. La nécessaire lutte contre les transferts de bénéfices intra-groupe......... 15
1) La nécessité de sauvegarder les recettes fiscales.................................. 15 2) La protection des actionnaires minoritaires et des créanciers des différentes sociétés du groupe ........................................................................ 16
§ 2 : Les causes juridiques....................................................................................... 17
A. Une conception juridique des groupes de sociétés..................................... 18 B. Le cas des filiales, sociétés de personnes .................................................. 19
Section 2 : Les effets du maintien du principe aux opérations intra-groupe ........ 20
§ 1 : La signification de ce maintien ....................................................................... 20
A. La prohibition des avantages sans contrepartie .......................................... 20 B. La charge de la preuve .................................................................................... 22
1) La présomption d’anormalité en cas d’existence d’avantages intra-groupe ................................................................................................................. 22 2) Le problème de la preuve en matière de prestations de services intra-groupe ................................................................................................................. 23
§ 2 : Les implications de ce maintien ..................................................................... 23
A. La normalité dans les opérations habituelles ............................................... 24 1) Les opérations commerciales ..................................................................... 24 2) Les opérations financières........................................................................... 25 3) Les opérations sur immobilisations ............................................................ 27
B. La normalité dans les opérations exceptionnelles....................................... 28
CHAPITRE II : L’ATTENUATION DU PRINCIPE ........................................................................ 29
Section 1 : En présence de liens financiers : les relations mères-filles ................ 30
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§ 1 : La possibilité de conclure des transactions à un prix inférieur à celui du marché......................................................................................................................... 30
A. Un principe posé par un arrêt du Conseil d'Etat du 24 février 1978 ....... 31 B. La portée de l’arrêt ........................................................................................... 32
1) Le niveau de participation requis................................................................ 33 2) Les relations intra-groupe visées ............................................................... 33
a) Dans les relations commerciales............................................................ 33 b) Dans les relations financières ................................................................. 34 c) Dans les opérations sur immobilisation ................................................. 34
§ 2 : La possibilité d’octroyer des aides aux filiales en difficulté........................ 35
A. La justification.................................................................................................... 36 B. Les conditions ................................................................................................... 36
1) Le niveau de participation requis................................................................ 37 2) La nature des difficultés de la filiale ........................................................... 37
C. Les effets ........................................................................................................... 38
Section 2 : En présence de liens commerciaux........................................................ 39
§ 1 : Les conditions ................................................................................................... 40
A. La nature des liens commerciaux .................................................................. 40 B. Les difficultés du cocontractant ...................................................................... 41
§ 2 : Les effets............................................................................................................ 42
TITRE II : PLAIDOYER POUR UNE NOUVELLE APPROCHE DES OPERATIONS INTRA-GROUPE ................................................................... 44
CHAPITRE I : LES AMORCES D’UNE REELLE PRISE EN COMPTE DU GROUPE....................... 44
Section 1 : Les apports du régime de l’intégration fiscale ...................................... 44
§ 1 : Les assouplissements résultant du régime lui-même................................. 46
A. La neutralisation des opérations intra-groupe.............................................. 46 1) La neutralisation des transferts d’immobilisations ................................... 46 2) La neutralisation des avantages intra-groupe .......................................... 46
B. La normalité dans les opérations courantes entre sociétés intégrées. .... 47
§ 2 : La prise en compte l’intérêt du groupe dans les groupes intégrés : l’arrêt « Société SEEE » ...................................................................................................... 48
A. La solution de l’arrêt « société SEEE »......................................................... 48 B. La reconnaissance de l’intérêt du groupe dans les groupes intégrés...... 49
Section 2 : Les apports de l’arrêt des « centres Leclerc »...................................... 50
§ 1 : La solution apportée par l’arrêt des centres Leclerc ................................... 50
§ 2 : Le problème de sa portée ............................................................................... 51
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CHAPITRE II : QUEL REGIME POUR LES OPERATIONS INTRA-GROUPE ? ............................. 53
Section 1 : La reconnaissance de l’intérêt du groupe.............................................. 54
§ 1 : La légitimité d’une prise en compte de l’intérêt du groupe......................... 54
§ 2 : Les modalités de cette prise en compte ....................................................... 55
Section 2 : Les alternatives à la reconnaissance de l’intérêt du groupe .............. 57
§ 1 : L’abandon de la théorie des actes anormaux de gestion pour les opérations intra-groupe............................................................................................. 57
§ 2 : La création d’un véritable droit fiscal des groupes. ..................................... 58
CONCLUSION .......................................................... 60
BIBLIOGRAPHIE...................................................... 62
TABLE DES MATIERES ......................................... 65
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