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Démence alcoolique à propos de cas cliniques

Journée Alois

Ph. Nubukpo

Limoges le 31/05/2011

Introduction • L’alcoolisme est La plus fréquente des addictions du sujet âgé

(Griner-Abraham et Bodenez, 2007)

• Toutefois, 20% des patients traités pour alcoolisme chronique décèdent avant l’âge de la retraite (Fernandez et al, 2010)

• L’abus d’alcool toucherait 2à 10% de la pop âgée gériatrique • Fréquence des troubles cognitifs (TC) associés à l’alcool 19% (50 à 80% dans certaines études)

(Zuccala et al, 2001; Bates et al, 2002) En institution : 10 à 24% de démence alcoolique (DA); 3e cause de

démences (Oslin et Cary, 2003 ; Carlen et al, 2002 )

Quels sont les enjeux du diagnostic des TC et de DA?

Vignettes

Monsieur A, 62 ans Motif • Patient adressé en psychiatrie en 2009, après un séjour au Centre

Hospitalier Général,

• pour suspicion d’ivresse éthylique aiguë , suite à une chute au foyer

• en réalité, le patient ne s’était pas alcoolisé,

• la chute semble être attribuable à une prise excessive de benzodiazépines

• une plaie frontale suturée aux Urgences

• le bilan biologique était normal.

• TDM : pas d’hématome sous-dural, leuco-araïose et leucopathie

d’origine vasculaire.

Antécédents

Traitement à l’admission Cardensiel* 10, Lipanthyl* 160, Inexium* 20, Plavix* 75 ,Kardegic*

75, Seresta*

Médicaux : • Ethylisme. • Neuropathie périphérique. • Hépatopathie : dernière échographie hépatique (2008) :

– stéatose hépatique – Lithiases vésiculaires non compliquées.

• BPCO, emphysème

• AVC en 2006 hémiparésie gauche séquellaire.

• Dernier scanner céphalique :

– une atrophie cortico-sous-corticale diffuse avec des signes de leucoaraïose, plus marqués en regard des cornes occipitales.

– Sur les coupes cérébelleuses une atrophie assez nette (probablement due à l’éthylisme).

Antécédents

Médicaux (suite): • Artériopathie oblitérante des membres inférieurs • Diabète non insulino-dépendant modéré. • Cardiopathie ischémique. • Coma et défaillance multi viscérale, septicémie,

encéphalopathie de Gayet-Wernicke en 2008 • Tableau de cachexie globale avec risque de choc septique • Accident de la Voie Publique en état d’ébriété (alcoolémie

à 3g65 aux Urgences).

Psychopathologiques : • Plusieurs hospitalisations pour éthylisme chronique et

ivresses • dont trois sous contrainte en 2006 pour troubles du

comportement et agressivité 2aires à un alcoolisme aigu.

Histoire de la maladie • Début des alcoolisations un an avant sa retraite à visée

anxiolytique, car il s’adaptait mal à son nouveau directeur

• Il buvait, selon lui, 2 Ricard par jour, uniquement le soir.

• Selon son entourage, les consommations étaient beaucoup plus importantes : environ 1.5 litre de vin rouge le matin + 1/3 de bouteille de Ricard par jour.

• Depuis sa retraite, Monsieur A. a du mal à s’adapter

• Comportement très conflictuel avec son épouse.

Clinique • A l’admission, M. A. semble endormi, répond difficilement aux

questions. Il dit ne pas avoir tenté de se suicider.

• L’examen réalisé le lendemain est normal en dehors d’une instabilité importante probablement liée à un syndrome cérébelleux.

• Le patient reste assez confus initialement

• Le MMS réalisé peu après l’admission : troubles de l’orientation, difficultés en calcul, en rappel différé, pas de troubles gnosiques ou praxiques majeurs (score=24/30).

• Deux chutes à noter au début de l’hospitalisation.

• Pas de signes évidents en faveur d’un syndrome de sevrage.

• Des hallucinations sont signalées aux Urgences

• Il n’y a pas de troubles oculomoteurs.

Vos hypothèses diagnostics?

Hypothèses diagnostics

Monsieur A.

– Syndrome de Gayet-Wernicke ?

– Démence vasculaire au début?

– Etat confusionnel secondaire à une prise excessive de benzodiazépines sur terrain d’alcoolisme chronique?

Évolution: monsieur A, 62 ans • Des perfusions de thiamine sont réalisées.

• Après quelques jours d’hospitalisation, Mr A. est moins confus,

expose avec insistance son projet de retour à domicile, avec l’aide d’une « gouvernante ».

• A la fin de l’hospitalisation, Mr A. est parfaitement orienté.

• Il regagne son domicile le 15/07/2009 avec des aides

• Vu en consultation le 10/08/2009 : pas de problème à son domicile.

• Il se rend régulièrement au Centre d’Alcoologie et fréquente les réunions d’alcooliques anonymes.

• Le 10/09/2009, l’abstinence se confirme, l’HDT est levée.

• Plusieurs hospitalisations en 2010 avec rechute alcoolique; troubles cognitifs; nouveau placement en institution…Décès.

Mme B., 75 ans

Motif : • la patiente présenterait un syndrome démentiel évoluant depuis 1 an

avec apparition récente d’éléments dépressifs. • Anorexie avec perte de poids, désorientation temporelle Biographie : veuve depuis une quinzaine d’année ; sous tutelle ancienne employée dans l’édition ; pas d’enfant ; vit seule au domicile avec de nombreuses aides et IDE au domicile

Antécédents : • HTA • Diabète non insulinodépendant. • Hypercholestérolémie. • Arthrose hanche droite. • Fracture de l’olécrane gauche. • Traitement avant l'admission : Voltarene* LP 100 1 le soir, Dipropan*, Tenstaten* 1-0-0, Tahor* 10,

Effexor* 37,5 : 1-0-1, Pariet* 10, Xanax* 0,25 :1/2/j.

Mme B., Clinique

• La patiente reconnaît un alcoolisme chronique d’environ 2 à 3 kirs par soir : euphorie

• Incontinence urinaire

• Syndrome tétra pyramidal

• Absence du signe d’Hoffmann

• Réflexes archaïques absents

• Le reste de l’examen neurologique est normal

Mme B., Clinique

Examen neuropsychologique • MMS : 22/30

• Test des 5 mots :

– rappel immédiat 5/5 – rappel différé à 2/5 et 4/5 en indicé – apparitions d’intrusion

• Test de l’horloge : pathologique • Troubles des praxies • Manque du mot • Agnosie • Désorientation temporelle mais non spatiale, • Troubles de la mémoire épisodique.

Mme B., Dessin du corps

Commentaire dessin / j’ai été grosse et à certains moments de ma vie

j’ai beaucoup maigri…C’est

un peu disproportionné ; j’ai de petites rides sur le ventre…je me vois comme cela.

A ma question « Manque -t-il

quelque chose ? ». Il manque sûrement des

choses. Rien…la tête. C’est pas beau.

Mme B., Paraclinique • Biologie :

– Discrète macrocytose à 98µm3, – Carence en folates – hypogammaglobulinémie, augmentation des alpha 1 et 2 globulines – Bilan hépatique normal – Bilan thyroïdien normal – Vitamine B12 normale

• EEG : rythme de fond globalement ralenti et aréactif. Pas

d’anomalie de type comitial.

• Scanner cérébral : – aspect atrophique du cortex cérébelleux en relation avec l’éthylisme

chronique ; atrophie cortico sous corticale diffuse sans prédominance bitemporale, sans argument pour un état multilacunaire ou leucoencéphalopathie péri-ventriculaire significative.

• ECG et Fibroscopie œsogastroduodénale normaux • Echographie hépatique : réalisé le jour de la sortie

Vos hypothèses diagnostics

Hypothèse diagnostic Madame B.

Démence alcoolique ? – Troubles de la mémoire, praxiques, gnosiques,

langage – Alcoolisme chronique

Peut-on évoquer une démence mixte (vasculaire et alcoolique)?

Evolution : Mme B., 75 ans

• Amélioration de l’humeur

• Abstinence totale à l’alcool

• Retour à domicile avec des aides et suivi psychiatrique

• Des séances de relaxation qui ont été arrêtées car source d’angoisse ; elle oubliait les dates et téléphonait fréquemment aux ambulanciers ; n’était pas prête quand ces derniers arrivaient ;

• Poursuite de la relaxation à l’Hôpital de Jour

• Orientée après six mois vers un EHPAD

Synthèse • Vignette 1 :

– Etat confusionnel transitoire, dans un contexte de prise excessive de benzodiazépines, et d’alcoolisme chronique.

– Traité comme un Gayet Wernicke mais probable évolution démentielle…

– En réalité non assez investigué

• Vignette 2 : – Troubles cognitifs globaux et progressifs (mémoire,

langage, praxies, gnosies) dans un contexte d’alcoolisme chronique

– Démence alcoolique et EDM réactionnel

Diagnostic des démences alcooliques

Diagnostic des troubles cognitifs dans

l’alcoolisme du SA

2 circonstances : – Dépister un trouble cognitif chez un alcoolique et

en préciser le mécanisme

– Devant un tableau de démence dégénérative ou vasculaire, rechercher la part éventuelle due à une alcoolisation

Moyens : – obtenir un sevrage complet avant toute

exploration – évaluer le type de trouble de la mémoire

Eliminer une Encéphalopathie de Gayet Wernicke

• Déficit en vit B1 • Au décours d’un sevrage

• Triade :

– troubles de la conscience (coma ou obnubilation), – troubles équilibres (cérébelleux et vestibulaire), – signes oculaires (nystagmus et ou paralysie des

mouvements oculaires latéraux)

• Évolution : en l’absence de traitement, dans 75% vers Korsakoff

Eliminer une maladie de Korsakoff • Souvent après encéphalopathie de Gayet Wernicke

• Clinique :

– Troubles massifs de la mémoire surtout antérograde

– En principe maintien des autres fonctions

– Légère altération des fonctions exécutives

– Plus rarement : fausses reconnaissances, trouble de l’humeur, fabulation

– Évolution lente avec régression des troubles si longue abstinence (deux ans)

Eliminer les autres troubles cognitifs de l’alcoolisme

– Moins graves – Touchent plus de la moitié des personnes hospitalisées pour

sevrage dans des structures spécialisées – Troubles mnésiques – Troubles des capacités visuospatiales – Troubles de l’abstraction et des fonctions exécutives – Entrainent une désinsertion et impossibilité de nouveaux

apprentissages

• Différents du korsakoff car : – apparition plus lente – Régression en quelques mois

Données neuropsychologiques des troubles cognitifs dans l’alcoolisme

• La majorité des alcooliques chroniques ne présentent pas de diminution des performances aux tests usuels

• En revanche l’examen neuropsychologique peut mettre en évidence des perturbations : - des habiletés visuo-spatiales - des fonctions exécutives - de la mémoire épisodique (rappel libre)

Mais les capacités langagières sont conservées et les déficits mnésiques disparaissent ou sont améliorés en

reconnaissance

Données neuropsychologiques des troubles cognitifs dans l’alcoolisme

Les déficits permanents sont traditionnellement décrits en deux tableaux : • Syndrome de Korsakoff bien caractérisé par

- dans les suites d’une encéphalopathie de Wernicke - un syndrome amnésique majeur avec préservation des capacités

intellectuelles globales - ses lésions neuropathologiques et son origine carentielle

• Démence alcoolique moins bien caractérisée par

- atteinte globale et progressive des fonctions intellectuelles - des troubles de mémoire au second plan - absence de lésions neuropathologiques précises - son origine liée à la toxicité de l’alcool

Données neuropsychologiques des troubles cognitifs dans l’alcoolisme

Cette opposition a été remise en cause : - Le syndrome de Korsakoff peut apparaître de façon isolée

(Blansjaar et Van Dijk, 1992) - Des lésions de type carentiel ont été observées chez des patients avec troubles de mémoire mineurs (Harper et al, 1986) - La démence alcoolique Peut s’accompagner de troubles de mémoire importants (Schmidt et

al, 2005)

- Des perturbations cognitives d’intensité variable sont observées chez des alcooliques simples bien que plus marqués chez les WK :

– perturbations de type frontal: fonctions exécutives, – troubles de la mémoire (Kopelman, 1991,1995)

Examens morphologiques • Il existe un continuum en imagerie et à l’examen

anatomopathologique entre : – les lésions liées à un alcoolisme chronique non compliqué – et celles d’un alcoolisme compliqué de type WK – Les lésions sont en lien avec : diminution du volume cerveau,

atteinte de la substance blanche et atteinte neuronale

Les signes radiologiques d’atteinte du cerveau – augmentation des espaces liquidiens – atrophie cérébelleuse ; amincissement du corps calleux; lésions de

type carentiel

• IRM au cours des troubles cognitifs de l’alcoolisme – Atrophie cérébrale ; Hypersignaux prédominant dans la région

périventriculaire observée en T2 et FLAIR

• Lésions anatomiques au cours de la Maladie de Korsakoff – Surtout : hippocampe, tubercules mamillaires, thalamus – Lésions du cortex frontal possibles

Démence alcoolique • L’alcool est reconnu comme facteur contributif à la

démence dans 21 à 24 % des cas (Lagha, 2003)

Le mécanisme avancé : – importance et durée de l’alcoolisation comme FDR de

survenue de lésions cérébro vasculaires

– diminution des réserves cognitives

– atteinte globale et progressive de toutes les fonctions intellectuelles

– Clinique : trouble praxique, phasique (langage), gnosique, mnésique

Diagnostic différentiel des troubles cognitifs : synthèse

Alcool non compliquée

Syndrome de Korsakoff Maladie d’Alzheimer (MA)

La démence alcoolique (DA)

troubles de l’encodage et du rappel

-Apparition suite à un syndrome confusionnel - troubles identiques à MA Sd. Amnésique antérograde sévère Corrigée par indiçage conservation des capacités intellectuelles globales pas de trouble du langage

Sd hippocampique -Amnésie antérograde -Corrigée par indiçage -atteinte des autres fonctions cognitives (langage, gnosie, praxies)

atteinte globale et progressive de toutes les fonctions intellectuelles

continuum entre les lésions liées à un alcoolisme chronique non compliqué et celles d’un alcoolisme WK

atrophie cérébrale et ou cérébelleuse ; nombreux signaux non spécifiques en séquence T2 et FLAIR ; possibles : hippocampe, tubercules mamillaires, thalamus Lésions du cortex frontal

Atrophie hippocampique pouvant s’étendre aux régions frontales

Pas spécifique

Conclusion • L’alcoolisme du SA est de deux types :

– Ancien : avant 65 ans – Récent : au-delà de 65 ans

• Le diagnostic recèle quelques pièges

• La neuropsychologie et l’imagerie tendent à montrer une continuité

entre les troubles cognitifs des patients alcooliques sans complications neurologiques (AL) et ceux avec un syndrome de Korsakoff (SK).

• Alcool à l’origine de la démence ou aggravant celle-ci ?

• Nécessité d’une meilleure définition de la démence alcoolique (Oslin et al 1998)

• La proposition de remplacer le terme de démence alcoolique par d’autres termes: alcohol-related cognitive impairment ; Déficit cognitif associé à l’alcool

Merci!

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