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Le désir

Introduction :

Opinion : le désir est un appétit naturel.Objection : le désir a une dimension spirituelle et culturelle car 1) il est intersubjectif2) il renouvelle sans cesse ses objets.

Questions : 1) Le désir est il voué à la frustration ? Désirer est-ce nécessairement souffrir ?

2) Le désir procède-t-il d'un manque irréductible, ou bien est il l'expression de notre puissance ?

I) De quoi parlons-nous ?

A) Désir et besoin

Besoin : manque de ce qui est objectivement nécessaire.Remarque : le besoin n'est pas forcément naturel, il existe des besoins « culturels »

- Le besoin peut s'accompagner subjectivement d'un désir.exemple : la faim

- Le besoin peut exister sans qu'il y ait désirExemple : on peut avoir besoin de se reposer sans en avoir envie.

- Le désir peut s'opposer au besoin : exemple : le désir anorexique

- le désir peut aller au-delà du besoin : Exemple : le désir boulimique.

Définition du désir : C'est l'appétit ou l'attirance pour quelque chose que l'on se représente (qu'on s'imagine) être source de satisfaction.

B) Désir, pulsion, volonté

Désir = pulsion + conscience

Dimension pulsionnelle : la force, l'énergie du désir.

Dimension consciente : nous jugeons que l'objet de notre désir est désirable, par ses qualités censées nous plaire.

Il faut les deux dimensions.

Une tendance sans conscience de l'intérêt de l'objet n'est que PULSION. Ce n'est pas un désir.

Une action qui ne procède que du jugement (la raison) sur ce qui est bon et utile est VOLONTE. Ce n'est pas un désir.

Donc le désir est ambigu :

Dans sa dimension pulsionnelle, il est subi ; nous ne décidons pas de désirer ou pas.

Dans sa dimension consciente, il est assumé ; choisi : nous désirons ce qui nous semble bon.

Problème : désirons nous parce que cela nous semble bon ; ou bien cela nous semble-t-il bon parce que nous le désirons ?

II) Ethique du désir :

Comment se comporter vis-à-vis de nos désirs ?Faut-il les réprimer ou bien leur laisser libre cours ?

II) A) L'ascétisme : pour être heureux, faire taire le désir.

Ascétisme = effort pour renoncer aux plaisirs sensibles, en vue d'un perfectionnement moral ou spirituel.

Argument :

Le désir semble insatiable et sans limite.

Il y a donc un décalage entre nos désirs et notre capacité de les satisfaire => FRUSTRATION

Une solution : supprimer le désir = ASCETISME

Exemple : le Bouddhisme

Si la douleur est universellement répandue, c'est à cause du désir. Eternellement insatisfait, l'homme est attaché à son existence douloureuse par le désir qui le fait renaître, encore et encore. Pour que cesse cette souffrance, il faut donc supprimer le désir.

On passe alors du "Samsara" (cycles des réincarnations) au "Nirvana" (état de repos indescriptible, extinction de la conscience et donc expérience de béatitude absolue).

II) B) L'intempérance : pour être heureux, avoir la force de satisfaire tous ses désirs.

Cf Texte de Platon : Gorgias, dialogue entre Calliclès et Socrate à propos de la vertu.

Calliclès est hédoniste, et pense que le bonheur consiste à satisfaire un maximum de désirs.« la vie facile, l’intempérance, la licence, quand elles sont favorisées, font la vertu et le bonheur ; le reste, toutes ces fantasmagories qui reposent sur les conventions humaines contraires à la nature, n’est que sottise et néant. »Gorgias

Arguments de Calliclès :

1) La répression des désirs (l'ascétisme) est une attitude de lâches, de faibles. C'est la morale de la foule.

2) Renoncer aux plaisirs c'est n'éprouver « ni joie ni peine », c'est « vivre comme une pierre ».

II) C) La tempérance : le tonneau plein plutôt que le tonneau percé

Réponse de Socrate à Calliclès : l'homme intempérant s'épuise à vouloir satisfaire des désirs sans cesse renaissants. Il est comme les Danaïdes qui furent condamnées à remplir éternellement un tonneau percé.

Les Danaïdes par John William,1903

Argument implicite : Distinction entre faire ce qui plaît et faire ce qui est bien.Ce qui plaît est parfois nuisible ; ce n'est pas ce que l'on veut vraiment => le bien.

Conclusion : l'homme heureux c'est celui qui se gouverne lui-même ; qui ne désire que ce qui est conforme au bien. Image : celle d'un tonneau bien rempli, qui ne se vide pas.

II) D) Peut-on être tempérant sans renoncer au plaisir ?Cf EPICURE(-341/-270) : Lettre à Ménécée

Argument :

- le bonheur repose sur le plaisir = hédonisme- le bonheur consiste dans « l'ataraxie » = tranquillité de l'âme.- Or, de nombreux désirs troublent notre âme.

Conclusion : pour être heureux il ne faut désirer que ce qui est nécessaire pour notre vie humaine et facile à obtenir.D'où la nécessité d'opérer un tri entre les désirs.

Désirs naturels Désirs artificiels et vains

Désirs naturels mais non-nécessaires

Désirs naturels et nécessaires

« pour le bonheur » « Pour le calme du corps »

« Pour le fait de vivre »

Désirs

III) Le désir procède-t-il d'un manque ?

A) La quête de l'unité perdue

Cf PLATON, Le Banquet, discours d'Aristophane.

Le mythe des Hermaphrodites raconte que notre plus profond désir serait de retrouver une totalité que nous avons perdue. Nous serions nostalgiques d'un paradis perdu.

Voir l'étymologie : désir, du latin « desiderare » = regretter l'absence de l'astre, de l'objet merveilleux.

Conclusion : l'objet du désir serait symbolique.Symbole d'un objet inaccessible qui manque irrémédiablement.

III) B) Le désir manque son objet, car il procède de l'imaginaire

Cf Rousseau, La nouvelle Héloïse :

« Malheur à qui n'a plus rien à désirer, il perd pour ainsi dire tout ce qu'il possède. » 

Argument : - l'homme se trouve dans l'incapacité de satisfaire ses désirs : il est « fait pour tout vouloir, et peu obtenir »- mais il possède une « force consolante », qui lui permet de jouir en imagination des choses qu'il désire.- Conséquence : quand l'objet désiré est réellement obtenu, il est forcément décevant.

Conclusion : le bonheur consiste dans le désir lui-même. Il faut désirer le désir.

III) C) Le désir mimétique.Le désir procède d'un manque d'être. Le désir recherche la reconnaissance d'autrui.Désir du désir de l'autre.

Cf René Girard, né en 1923, La Violence et le Sacré, 1972

Argument :

- Au fond l'homme ne sait pas vraiment ce qu'il désire, car ce qu'il désire c'est «l'être».- Il s'imagine un modèle humain qui est doté de cet être.- Alors il désire ce que ce modèle désire : c'est le désir « mimétique »

- Mais comme l'homme est orgueilleux, le désir mimétique va entraîner la rivalité entre les hommes.

La pub a bien compris ce mécanisme...

IV) La positivité du désir. Le désir comme affirmation de la vie.

IV) A) Le désir : moteur de l'existence

Cf Spinoza (1632-1677), Ethique

Le conatus : « Chaque chose, autant qu’il est en elle, s’efforce de persévérer dans son être »

Qu'est-ce que le désir ? C'est le « conatus » , accompagné de conscience« Le désir est l’appétit avec conscience de lui-même »

Conséquence : le désir n'est pas simple instinct de conservation, mais il est recherche consciente de tout ce qui nous est utile, de tout ce qui semble convenir à notre nature.

Le désir = chercher à « actualiser notre essence »

Bien entendu le désir peut être aveugle ; et alors nous nous trompons sur ce qui nous est utile.Mais la recherche de ce qui est véritablement utile devrait nous conduire à employer notre raison.

« La raison ne demande rien contre la Nature ; elle demande donc que chacun s'aime soi-même, qu'il cherche l'utile qui est le sien, c'est-à-dire ce qui lui est réellement utile, et qu'il qu'il désire tout ce qui conduit réellement l'homme à une plus grande perfection »SPINOZA, Ethique, IV, prop. 18, Scolie.

Conséquence : - la vertu, ou bonne volonté, n'est rien d'autre que le désir accompagné de raison.- la raison n'est pas opposée au désir, mais elle est le désir qui se comprend lui-même.

IV) B) Le désir génère la culture

Le désir ne peut donc pas se réduire aux besoins primaires, naturels. Le désir transforme la nature, et produit la culture.La culture est constituée de ces créations qui ont véritablement augmenté notre puissance de comprendre, de sentir et d'aimer.La joie n'est que l'expression de cette augmentation.

“C’est par une sorte de plaisir de luxe, comme dessert, que le feu prouve son humanité. Il ne se borne pas à cuire, il croustille. Il dore la galette. Il matérialise la fête des hommes (…). La conquête du superflu donne une excitation spirituelle plus grande que la conquête du nécessaire. L’homme est une création du désir, non pas une création du besoin. » Gaston Bachelard La psychanalyse du feu, Gallimard, p 34

IV) C) Le désir est producteur de valeurs

Le désir est non pas manque, mais affirmation de ce qui est l'utile, le juste ou le bien.Mais ces concepts sont relatifs à nous-mêmes, à ce que nous sommes. C'est en nous que réside la valeurdes choses et non en elles-mêmes.

“quand nous nous efforçons à une chose, quand nous la voulons ou aspirons à elle, ou la désirons, ce n’est pas parce que nous jugeons qu’elle est bonne ; mais au contraire, si nous jugeons qu’une chose est bonne, c’est précisément parce que nous nous y efforçons, nous la voulons, ou aspirons à elle, ou la désirons. »SPINOZA, Ethique, III.

IV) D) L'amour est il aveugle ou source de sagesse ?

Cf PLATON, Le Banquet, mythe d'Eros

EROS (Amour)

PENIA (Pauvreté) POROS (Expédient= riche en solutions)

Eros aime ce qui est beau et bon. Mais comment posséder cela pour toujours, alors que nous sommes mortels ?Solution : procréer« Chez le vivant mortel c'est cela même qui est immortel : la fécondité et la procréation »

Donc Eros chercher à procréer dans la beauté.

Mais il ya deux sortes de « procréation » ou de fécondité :

- fécondité du corps = faire des enfants

- fécondité de l'âme = réalisation de pensées, d'oeuvres et d'actions excellentes.

Ignorance

Sagesse

EROS aime la sagesse = philosopheEROS aime la sagesse

EROS aime la Beauté, dans une progression dite « dialectique ».

Les beaux corps

Les beaux discoursLes belles actions

Les belles âmes

La Beauté en soi = le vrai, le Bien

Ainsi le désir, bien que procédant de la conscience d'un manque (Pauvreté), est cette dynamique qui nous élève vers la science, l'art et la sagesse.

Conclusion : Le désir ne nous condamne pas à la souffrance, et n'est pas nécessairement l'indice d'un manque.Le désir, dans la mesure où il porte sur ce que Spinoza appelle le « véritablement utile », est source de joie, et affirmation de la vie.

« Qu’est-ce que le bonheur ? Le sentiment que la puissance croît, qu’une résistance est en train d’être surmontée ». Nietzsche L’antéchrist

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