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Neutropénies fébriles
Prise en charge
Pr Catherine Cordonnier
CHU Henri Mondor, Créteil DES Hématologie, 22 novembre 2014
Principaux facteurs d’infection bactérienne
en onco-hématologie
INFECTION
Chimiothérapie
Radiothérapie
Stéroïdes
Biothérapies (Ac)
Greffe
=> IMMUNITE
Altérations
muqueuses
Altérations cutanées Malnutrition
Corps étrangers
KT, sondes
Co-infections
Ex: CMV Exposition
Exogène Endogène
…dont.. La neutropénie
Neutropénie fébrile: Historique
Risque important de choc septique en
l’absence de traitement Bodey 1966
> Notion d’urgence thérapeutique et de
traitement empirique Schimpff 1972
Définition actuelle de la NF:
neutropénie < 500 PNN/mm3, ou attendue comme telle
dans les 48h )
+ fièvre (>38°3 une fois ou > 38° x 2 à 8 h d’intervalle)
Différentes populations
Neutropénies courtes (<7j)
Agranulocytoses médicamenteuses
Tumeurs solides/chimio
Lymphomes non agressifs, myélomes…
Neutropénies longues (> 7j)
Leucémies aigues: induction, consolidation
Lymphomes agressifs
Greffes de cellules souches hématopoïétiques
Les risques infectieux sont
• D’abord et prioritairement BACTERIEN
• Plus tard, et moins fréquent: FONGIQUE
Neutropénie fébrile Classification internationale
(Proportions dans les premiers épisodes de NF)
Fièvre d’origine inconnue (60%) (FOI/FUO) pas de foyer, pas de germe Fièvre cliniquement documentée (10%) foyer(s) sans germe Fièvre microbiologiquement documentée (30%)
Germe pathogène, avec ou sans foyer
10%: BGN: E. coli, Klebsielle, Eb, Pyo
20%: CG+: Staph coag neg +++
Apport des modèles animaux?
L’animal rendu neutropénique….
s’infecte plus vite et plus souvent
avec des inoculums plus faibles
a des foyers moins inflammatoires
meurt plus souvent, même traité
souvent à partir du tube digestif…..
La translocation bactérienne est
la principale cause de bactériémie
chez les patients neutropéniques
Par ordre décroissant de fréquence:
Bacilles à Gram –
Cocci à G+
Anaérobies
EFFET BARRIERE de la flore anaérobie
Classiques éléments de mauvais pronostic
dans les neutropénies fébriles
• Présence d’un foyer « majeur »: ex: Pneumonie,
atteinte périnéale, cellulite cutanée (Elting et al. CID 1997)
• Choc
• Nature du germe: Pyocyanique, Clostridium
• Statut de la maladie: poussée, rechute
• Retard ou l’inadéquation du traitement
initial
• Sortie tardive d’aplasie
Neutropénie fébrile
Que peut-on prédire?
• La nature du germe: Ex: le risque de bactériémie à streptocoque est lié à
certains facteurs: PNN < 100/mm3Ara-C high dose,
omeprazole, anti-acides, mucite sévère, déconta par Coli
• L’absence de complications graves: le
score du MASCC (JCO 2000)
SCORE
Parametre Valeur
Charge tumorale #0 5
Pas d’hypotension 5
Pas de BPCO 4
Tumeur solide ou pas d’IFI antérieure 4
Pas de déshydratation 3
Inf communautaire 3
Age < 60 ans 2
Total maximal 26
Un score > 21 prédit un risque faible de complications graves
Les critères du MASCC
Klasterski et al., JCO 2000
Neutropénie Fébrile
Comment construire la stratégie thérapeutique à
partir de l’évaluation du risque ?
« Haut risque » et « Risque intermédiaire »: : neutropénie >
7j, LA, lymphomes graves, greffe
-> Prise en charge hospitalière complète, ttt ATB IV
« Bas risque »: neutropénie <7j, tumeur solide, chimio non ou peu aplasiantes
-> Prise en charge ambulatoire IV (Cefotaxime, Ceftriaxone), ou Per os (Cipro-Augmentin)
(Freifeld, Kern, NEJM 1999)
Neutropénie fébrile:
Principe n° 1: ce qu’il faut faire à J0?
1 – C’est une urgence, les heures sont comptées
2 – Apprécier rapidement et précisément, et tracer la
situation clinique:
- Choc septique? Sepsis sévère?
- Foyer patent? Retentissement? KT?
- Comorbidités?
- Le statut de la maladie sous-jacente?
- Les ATCD infectieux, colonisation? Contexte épidémio
3 – Faire vite les pvts bactérios: 2 Hc (KT/périph), ECBU, pvt
d’un foyer accessible, copro si diarrhée, et RxP
4 – Prescrire l’ATB et s’assurer qu’elle est débutée dans
l’heure +++ Gérer l’hydratation, les transfusions …
Principales classes d’antibiotiques
utilisables dans les neutropénies fébriles -lactamines
Amoxicilline
Amoxi/Ac. clavulanique
Oxacilline
Cefotaxime (Claforan)
Ceftriaxone (Rocefine )
Cefepime (Axepim )
Ceftazidime (Fortum )
Aztreonam (Azactam )
Ticarcilline (Ticarpen )
Piperacilline (Piperilline )
Pipera-Tazo (Tazocilline )
Imipenem (Tienam )
Meropeneme (Meronem )
Ertapenem (Invanz )
Aminosides
Gentamycine
Nétromycine
Amikacine
Tobramycine
Glycopeptides
Vancomycine
Teicoplanine
Quinolones
Ofloxacine (Oflocet )
Pefloxacine (Peflacine )
Norfloxaine (Noroxine )
Ciprofloxacine (Ciflox )
Levofloxacine (Tavanic )
Polypeptides
Colimycine
Oxazolidinones
Linézolide (Zyvoxid )
Lipopeptides
Daptomycine
(Cubicin )
Glycilcyclines
Tigécycline (Tygacil )
Tetracyclines
Quinupristine
(Synercid )
Gestion des NF à BAS RISQUE en ambulatoire
Les 2 études Cipro-Augmentin (NEJM 1999) valident
la stratégie orale à l’hôpital (par extension, à domicile?)
Les difficultés rencontrées:
Nécessité de la présence d’un tiers à domicile
Tolérance médiocre de l’ATB orale (1/3 intolérants)
Inégalité d’accès à des soins rapides si complication
Implication difficile du médecin de ville
A éviter:
Prescription anticipée d’ATB (sauf circonstance particulière)
Absence d’examen clinique avant de choisir la stratégie (à
domicile ou pas)
Les ATB ambulatoires dans la neutropénie
fébrile sont à réserver aux patients:
- Sans signes de sepsis sévère (polypnée, hypotension, choc)
- Sans foyer clinique majeur (= fièvre isolée +/- foyer mineur)
- Seulement si neutropénie attendue < 7j
- Sans comorbidité (hémorragie, thrombopénie profonde, ..)
- Avec une maladie sous-jacente « stabilisée »
- Un entourage à domicile
- Et informés de la nécessité de venir en urgence à l’hôpital si
dégradation ou Vts empêchant la prise d’ATB
- OU situation palliative, après discussion avec le patient et la
famille
Neutropénies à haut risque
(= neutropénies prolongées)
Recommandations internationales
Choix des antibactériens guidé par:
l’épidémiologie locale
l’éventuel usage d’une prophylaxie
(décontamination non absorbable, quinolones)
La MONOTHERAPIE par une bétalactamine à activité
anti-pyo est recommandée en situation non compliquée
C3G: Cefotaxime (Ceftriaxone), Cefepime, Ceftazidime
Tazocilline, (Imipenem)
Mais aux bonnes doses!! Attention aux sous-dosages
Qu’est-ce que l’ECIL ?
L’European Conference on Infections in Leukemia
Une initiative regroupant
- la working party « Maladies infectieuses » de l’EBMT
- le groupe « Maladies infectieuses » de l’EORTC
- le groupe « Supportive care » de l’European LeukemiaNet
- et l’International ImmunoCompromised Host Society
ECIL1 en 2005, puis tous les 2 ans
Niveau de preuve Niveau de
recommendation I Evidence from at least one well-
executed randomized trial
II Evidence from at least one well-
designed clinical trial without
randomization; cohort or case-
controlled analytic studies (preferably
from more than one center); multiple
time-series studies; or dramatic results
from uncontrolled experiments
III Evidence from opinions of respected
authorities based on clinical
experience, descriptive studies, or
reports from expert committees
A Strong evidence for efficacy and
substantial clinical benefit
Strongly recommended
B Strong or moderate evidence for
efficacy, but only limited clinical benefit
Generally recommended
C Insufficient evidence for efficacy; or
efficacy does not outweigh possible
adverse consequences (e.g., drug
toxicity or interactions) or cost of
chemoprophylaxis or alternative
approaches
Optional
D Moderate evidence against efficacy or
for adverse outcome
Generally not recommended
E Strong evidence against efficacy or of
adverse outcome
Never recommended
Le « Grading system » du CDC utilisé pour
l’ECIL 1, 2, et la mise à jour de l’ECIL 3
Niveau de preuve Niveau de
recommendation
I Evidence from > 1 properly randomized,
controlled trial
II Evidence from > 1 well-designed clinical
trial, without randomization; from cohort or
case-controlled analytic studies (preferably
from >1 center); from multiple time-series
studies; or from dramatic results from
uncontrolled experiments
III Evidence from opinions of respected authorities, based on clinical experience, descriptive studies, or reports of expert committees
A Good evidence to support a
recommendation for or against use
B Moderate evidence support a
recommendation for or against use
C Poor evidence to support a
recommendation
Le « Grading system » du CDC utilisé à
partir de l’ECIL 3 (2009)
Adapted from Canadian Task Force on the Periodic Health Examination
Walsh et al. CID 2008; Pappas et al. CID 2009
Aminosides : Recommandations de l’ECIL
Une monothérapie est aussi efficace qu’une association AG +
bétalactamine sur :
- La réponse globale (résolution de la fièvre sans modification de
traitement)
- La réponse des infections à BGN
- La survie globale à l’aplasie et la survie à l’infection
La bithérapie est plus toxique (rein et oreille) que la monothérapie
Seule indication: choc septique ou sepsis sévère
Pas d’indication pour:
- fièvre persistante, infection à BGN, pneumopathie
- réduire le risque d’émergence de résistance
Glycopeptides: L’addition empirique de la vancomycine à
la bétalactamine est inutile en 1° ligne en situation
standard
0 2 4 6 8 10
0.0
0.2
0.4
0.6
0.8
1.0
Ceftazidime+amikacin+vancomycin
Ceftazidime+amikacin
Duration of treatment (d)
Pro
po
rtio
n f
eb
rile
pati
en
ts
EORTC-IATCG, J Infect Dis, 1991; 163: 951-958
L’addition de vancomycine est inutile en 2° ligne en
cas de fièvre nue persistante sous bétalactamine Cometta et al., Clin Infect Dis 2003
763 patients traités par Tazocilline
en 1° ligne
165 avec fièvre persistante non
documentée à 48-60h d’ATB
Placebo ou Vanco
Même survie
Même taux de réponse
Même Nb de pts Ampho B
O verall tim e to defervescence
Days
15129630
Ra
te o
f fe
bri
le p
ati
en
ts
1.0
.8
.6
.4
.2
0.0
Placebo
Vanco
Résumé des recommandations de l’ECIL 1 à
propos des glycopeptides dans les NF en 1°
intention Glycopeptide
CDC grading
system
At onset of fever Not recommended I D
Persistent fever Not recommended I D
Known colonisation
with MRSA
Recommended III C
Hypotension or
shock
Recommended III C
Skin and soft tissue
infections including
cath-related
infections
Recommended III C
Quelques situations où il faut faire d’emblée plus
large: Le principe de la désescalatde
La désescalade doit être réservée aux patients
– Avec une presentation d’emblée compliquée: choc, sepsis sévère
– Avec des facteurs de risque importants pour une
infection à bactérie résistante,
– Dans les centres ayant des taux de résistance élevés
Voir Dias ECIL 4
NF: Principe n° 2: Ré-évaluer à J3
à réception des résultats microbios
• Une obligation dans la certification française
• Adapter à la documentation
• Discuter avec le microbiologiste
• Rester bactéricide et le moins toxique possible
Cas particuliers
Allergie grave aux bétalactamines:
Aztreonam + Vancomycine
Intolérance sévère aux glycopeptides et indication
Établie d’anti Gram +:
Linezolide, Synercid, Clindamycine
Patients âgés: éviter au maximum les AG et
les GP. Attention aux retards d’élimination
Si choc septique: Betalactamine + Quinolone
Principe n° 3: neutropénie > 10j, patient haut risque,
fièvre persistante:
le patient a-t-il une infection fongique??
Deux stratégies discutées et toutes deux discutables
• Antifongique « empirique »: fièvre persistante > 4jours sous
ATB à large spectre, ou fièvre récurrente
• Antifongique « pré-emptif » sur la base d’une antigénémie
galactomannane, d’un autre marqueur biologique, ou d’un signe
clinique (pneumopathie…) ou radiologique (scan)
Pas de consensus sur le choix optimal entre ces 2 stratégies. La 1°
s’accompagne de moins d’infection fongique invasive, la seconde
est moins chère
Ce qui ne sert à rien
• L’utilisation des marqueurs d’inflammation en
aplasie (CRP etc…)
• Les modifications intempestives d’ATB chez un
patient stable, dont les pvts sont négatifs, même
fébrile
• L’ablation systématique des KT centraux en cas
de fièvre persistante
Pourquoi de nouvelles
recommandations en 2011 (ECIL 4)?
2) Evolution péjorative de la sensibilité des bactéries
aux ATB / 2000-2010 dans le monde entier
- Hors US: surtout Italie, Espagne, Turquie, Grèce,
Roumanie… Israël, Maghreb, Inde
- Mortalité importante chez l’immunodéprimé
- Applicabilité des recos US?
3) Très peu de nouveaux ATB +++
De multiples études montrent que si l’antibiothérapie initiale n’est pas adaptée au
germe dont on aura connaissance 2 à 4 jours plus tard, la mortalité augmente
Ceci est particulièrement illustré dans les séries comportant des patients infectés
par des germes à BLSE pour lesquels le traitement initial est inadapté dans
environ 50% des cas (surtout en monothérapie)
Un traitement antibiotique empirique
initialement inapproprié augmente la
mortalité
Elting et al. Clin Infect Dis 1997
Ariffin et al. Int J Infect Dis 1999
Tumbarello et al. Antimicrob Agents Chemother 2006
Ortega et al. J Antimicrob Chemother 2009
Trecarichi et al. J Infect 2009
Martinez et al. Antimicrob Agents Chemother 2010
Trecharichi et al. Haematologica 2011
Les principaux facteurs de risque à considérer
pour décider d’une antibiothérapie dans les
neutropénies fébriles à haut risque
Facteurs de risque d’infection par une
bactérie résistante
Facteurs de risque d’évolution
défavorable
Colonisation ou infection antérieure par
une bactérie R, en particulier:
Entérobactérie BLSE+ or carbapénémase+
Acinetobacter baumannii,
Pseudomonas spp. & S. maltophilia
Staph doré métiR,
Entérocoque vanco R
Cures d’ATB antérieures
Affection grave (ex: maladie en phase
terminale, choc septique, pneumonie)
Hospitalisation prolongée ou répétée
Sondes urinaires
Age
Séjour en réa
Choc, sepsis, hypotension
Site d’infection patent (ex: pneumonie,
enterite, infection sur cathéter )
Patient hospitalisé
Aplasie sévère et prolongée
Co-morbidités (saignement,
déshydratation, défaillance d’organe,
maladie chronique)
Age (> 60ans)
Inadéquation du traitement
antibiotique initial 37
L’utilisation d’une combinaison d’ATB augmente les
chances d’être efficaces sur des bactéries multi-R
Les aminosides:
- peuvent initialement apporter un bénéfice en terme de
SPECTRE si le germe est résistant à la plupart des
bétalactamines
- Seront hautement BACTERICIDES sur les 48 premières
heures si le germe est sensible aux aminosides, ce en
attendant les résultats microbiologiques
Certaines données In-vitro suggèrent un bénéfice à
associer 2 ATB, même si la bactérie est résistante aux 2
Safdar et al. Lancet Infect Dis 2004
Définition d’une stratégie d’escalade
“Escalation therapy”
– L’antibiothérapie initiale couvre typiquement les
entérobactéries et P. aeruginosa, mais ni les BLSE ni les
carbapénémases, ni les germes multi-resistants
• (ex: ceftazidime, céfépime or piperacillin-tazobactam)
– Si le patient se détériore, ou si une bactérie R est isolée,
le traitement ATB sera secondairement ‘escaladé’, ex:
du céfépime à un carbapénème
39
Initial empirical therapy for febrile, high-risk patients with
uncomplicated neutropenia (Escalation therapy)
• Anti-pseudomonal cephalosporin (cefepime*, ceftazidime*) AI
• Piperacillin-tazobactam AI
• Other possible options include:
– Anti-pseudomonal carbapenem** AI
– Ticarcillin-clavulanate, cefoperazone-sulbactam
* Avoid if ESBLs are prevalent
** AI for efficacy, but should be avoided in uncomplicated patients
lacking risk factors for resistant bacteria, to preserve activity for
seriously-ill patients
Définition d’une stratégie de désescalade
De-escalation therapy
- Le traitement ATB initial est très large, couvrant les
bactéries multi-R (et les BLSE+) Gram+ et Gram -
• Ex: carbapénème + un ATB anti-G+
- Le traitement ATB sera secondairement “désescaladé”
pour un régime plus simple, ciblé sur le germe identifié
après réception des résultats microbiologiques si le
germe identifié n’est finalement pas multirésistant
41
Suggested initial regimens in a
de-escalation strategy
• Carbapénème seul
• Bétalactamine active sur le pyocyanique + aminoside ou
quinolone
• Carbapénème + aminoside ou quinolone pour les patients les
plus sévères
• Colistine + bétalactamine ou rifampicine
• Ajout d’un glycopeptide ou autre agent actif sur les G+
Que faire à 24-72 h dans le cas d’une
stratégie de “désescalade”
- Pas de germe documenté, pas de foyer, (FUO), et le
patient est apyrétique, ou fébrile mais stable BIII
DESESCALADER
Switch vers un antibiotique de spectre plus étroit, couvrant les
entérobactéries
Arrêter l’aminoside, quinolone ou colistin....+++++
- Si germe documenté: adapter en arrêtant les ATB inutiles
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