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Analyse comparée de la performance des systèmes de régulation du secteur avicole, Canada, États-Unis, France et Australie NOVEMBRE 2005 2014, boul. Jean-Talon Nord, bureau 307, Sainte-Foy (Québec) G1N 4N6 Tél. : (418) 527-4681 Téléc. : (418) 527-7101 www.groupeageco.ca

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Analyse comparée de la performance des systèmes de régulation du secteur avicole,

Canada, États-Unis, France et Australie

NOVEMBRE 2005

2014, boul. Jean-Talon Nord, bureau 307, Sainte-Foy (Québec) G1N 4N6 Tél. : (418) 527-4681 Téléc. : (418) 527-7101 www.groupeageco.ca

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Analyse comparée des systèmes de régulation du secteur avicole

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RAPPORT PRÉSENTÉ AU

Fédération des producteurs de volailles du Québec Fédération des producteurs d’œufs de consommation du Québec Syndicat des producteurs d’œufs d’incubation du Québec

ÉQUIPE DE RÉALISATION

Responsable du mandat Daniel-Mercier Gouin Analyse des données et rédaction Jean-François Bergeron Daniel-Mercier Gouin Correction linguistique Animemo

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SOMMAIRE

Qu’il soit américain, australien ou français, le producteur de poulet œuvre à l’intérieur d’un système qui, en évoluant, ne lui a réservé qu’un rôle de figurant. Bien que minime, son rôle est clair et important : produire toujours plus de poulet en utilisant le moins de moulée possible et en réduisant à un minimum la mortalité dans chaque lot produit. Dans cette quête incessante d’une meilleure efficacité, les contrats de production et l’intégration verticale sont les systèmes dominants en ce qui a trait à l’organisation de la production et de la mise en marché des poulets vivants destinés à l’abattage et dont les transformateurs sont les maîtres d’œuvre. Dans le secteur des œufs de consommation, la situation des producteurs est généralement meilleure, la phase d’intégration verticale qu’a connue l’industrie découlant surtout d’une démarche entreprise par les producteurs. Au début des années 1970, la majorité des producteurs de poulet aux États-Unis et dans plusieurs grands pays producteurs avaient presque entièrement perdu le contrôle des orientations prises par leur secteur. À la même époque, les producteurs canadiens de volailles et d’œufs ont plutôt choisi une autre voie qui leur assurait de conserver une plus grande mainmise sur leur avenir. Ainsi, en optant pour une organisation de la production et de la mise en marché des poulets vivants et des œufs par la gestion de l’offre avec contingentement, le Canada se retrouve dans une position unique. En agissant ainsi, en maintenant en place un système qui se distingue, on peut se demander si le Canada ne se condamne pas à présenter une performance qui souffrirait d’une comparaison avec celle des autres pays. On peut aussi se demander si en donnant une place plus grande aux producteurs, le système canadien n’a pas mis en péril la performance générale des industries des œufs et du poulet. En s’appuyant sur notre analyse comparative de la performance économique et sociale des secteurs canadiens du poulet et des œufs de consommation, notre réponse à ces deux questions est un simple non. Que l’on se base sur des indicateurs économiques ou sur l’évaluation des impacts sociaux du mode d’organisation, nous arrivons au constat que le Canada performe aussi bien, et parfois mieux, que l’Australie, les États-Unis et la France. En fait, notre analyse permet d’affirmer que dans le cas du poulet c’est la progression de la consommation, plus que la nature du système de régulation, qui s’avère le facteur le plus déterminant dans l’atteinte d’une bonne performance. À ce titre, le secteur canadien du poulet montre qu’il a su, au même titre que celui des États-Unis par exemple, profiter des occasions de marché et faire de la viande de poulet celle qui est la plus consommée. Loin de nuire à cette poussée, les producteurs canadiens de poulet ont démontré leur capacité à appuyer les efforts de l’industrie de la transformation. Les gains qu’ils ont réalisés en termes d’efficacité de la production ont permis à l’industrie de développer une gamme de produits de plus en plus variée qui a permis de déplacer le bœuf à titre de viande la plus populaire. Que l’on mette en parallèle l’évolution des prix payés aux producteurs ou des prix à la consommation, l’industrie canadienne de la volaille suit des tendances pratiquement similaires à celles de l’industrie américaine.

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La performance économique du secteur des œufs de consommation diffère de celle du poulet notamment parce que la consommation d’œufs n’a pas connu le même genre de progression que celle du poulet. Les trois pays étudiés se trouvent d’ailleurs dans une phase de relative stabilité de cette consommation depuis le début des années 1980. Mais l’industrie canadienne des œufs de consommation, au même titre que celle des autres pays, a démontré, à la fin de la décennie 1990, sa capacité à renverser la tendance à la baisse de popularité des œufs. Le système canadien de gestion de l’offre semble de son côté avoir un effet sur les variations de prix à la consommation et de prix à la production, ceux-ci subissant des fluctuations moins prononcées que dans les autres pays analysés. L’analyse permet aussi d’observer que les réformes économiques entreprises par l’Australie en 1995 résultent en une hausse prononcée des prix payés par les consommateurs et en une diminution plus rapide des prix reçus par les producteurs. C’est au niveau de la performance sociale que le secteur canadien du poulet et des œufs se distance de celui des autres pays. Les unités de production sont mieux réparties sur le territoire et posent ainsi moins de risques pour l’environnement. Le système canadien réserve aussi un meilleur sort à ses producteurs qui sont majoritairement propriétaires de leurs entreprises et sont, de par leur représentation provinciale, de véritables partenaires de l’industrie. On pourrait ainsi dire que, pris dans son ensemble, le secteur canadien du poulet et des œufs performe mieux que celui de l’Australie, des États-Unis et de la France. Malgré la bonne performance générale du secteur canadien de production avicole, il ne faut pas négliger le fait qu’il persiste un écart structurel important entre le Canada et les États-Unis. Outre la plus grande concentration géographique des activités de transformation et de production aux États-Unis, la taille moyenne des entreprises y est nettement plus importante. Dans ce contexte, une plus grande ouverture des marchés pourrait conduire à l’instauration d’une concurrence inégale pour l’industrie avicole canadienne. La question des contingents tarifaires et du niveau des tarifs protégeant le marché canadien d’importations massives revêt donc une grande importance stratégique pour l’industrie avicole canadienne afin de lui permettre de continuer à générer une activité économique importante sur l’ensemble du territoire canadien et maintenir ses particularités qui lui confèrent des avantages majeurs notamment en termes d’impact environnemental et du rôle confié aux aviculteurs. Daniel-Mercier Gouin Jean-François Bergeron

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TABLE DES MATIÈRES

1. Introduction ......................................................................................... 1 1.1 Présentation du mandat.................................................................. 1 1.2 Méthodologie............................................................................... 2

2. Les systèmes de régulation du secteur avicole dans différents pays....................... 4 2.1 Une coordination verticale forte........................................................ 4

2.1.1 Coordination verticale et système de régulation : définitions......... 4 2.1.2 La réduction du risque et des coûts de transaction ..................... 6

2.2 Les systèmes de régulation du secteur du poulet à griller ......................... 7 2.2.1 Le système canadien.......................................................... 7 2.2.2 La situation aux États-Unis..................................................10 2.2.3 La situation en France .......................................................13 2.2.4 La situation en Australie ....................................................17

2.3 Les systèmes de régulation du secteur des œufs de consommation .............22 2.3.1 Le Canada......................................................................22 2.3.2 Les États-Unis .................................................................23 2.3.3 L’Australie .....................................................................24

3. La performance économique comparée .......................................................27 3.1 Le secteur du poulet .....................................................................27

3.1.1 L’évolution des prix à la production ......................................28 3.1.2 L’évolution des volumes de production...................................30 3.1.3 La consommation de poulet ................................................32 3.1.4 Évolution des prix à la consommation ....................................36 3.1.5 La transformation et la distribution du poulet ..........................42

3.2 Le secteur des œufs .....................................................................47 3.2.1 L’évolution des prix à la production ......................................47 3.2.2 Volumes de production ......................................................49 3.2.3 La consommation par habitant.............................................50 3.2.4 Les prix à la consommation.................................................51 3.2.5 La distribution ................................................................53

3.3 Les enjeux commerciaux................................................................54 4. La performance sociale...........................................................................57

4.1 Le secteur du poulet .....................................................................57 4.1.1 La répartition géographique ................................................58 4.1.2 La concentration de la transformation ...................................64

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4.1.3 Les conditions de travail en production avicole aux États-Unis.......66 4.1.4 Les coûts de la restructuration de la production avicole en

France ..........................................................................70 4.1.5 La production avicole australienne à l’heure de la

déréglementation ............................................................73 4.2 Le secteur des œufs .....................................................................76

5. Conclusion ..........................................................................................80

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LISTE DES TABLEAUX

Tableau 3.1 Évolution de la production de poulet en volume (tonnes) par pays, 1981 à 2004 ..................................................................................... 32

Tableau 4.1 Répartition des fermes productrices de poulet et de la population au Canada par province en 2003 .......................................................... 58

Tableau 4.2 Répartition de la production de poulet en Australie, année financière 2003-2004 ................................................................................. 59

Tableau 4.3 Répartition des fermes, de la production de poulet et de la population pour les cinq principaux États producteurs de poulet aux États-Unis en 2002........................................................................................ 60

Tableau 4.4 Répartition des fermes, de la production de poulet et de la population pour les principales régions productrices de poulet en France .................. 60

Tableau 4.5 Principales compagnies productrices de poulet aux États-Unis en 2003 ........ 64 Tableau 4.6 Abattages totaux de poulet au Canada, principales provinces en 2002 ......... 65 Tableau 4.7 Abattages totaux aux États-Unis dans les principaux États, 2002 ................ 65 Tableau 4.8 Répartition de la production d’œufs de consommation par province au

Canada, 2003 ............................................................................. 77 Tableau 4.9 Répartition de la production d’œufs de consommation, principaux États

producteurs, États-Unis, 2003 ......................................................... 78 Tableau 4.10 Répartition du cheptel de poules pondeuses en Australie par État, au 30

juin 2003. ................................................................................. 79

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LISTE DES FIGURES

Figure 3.1 Évolution comparée des prix à la production du poulet par pays, monnaies nationales courantes, 1981 à 2003, 1981 = 100..................................... 29

Figure 3.2 Évolution comparée des prix à la production du poulet par pays, monnaies nationales constantes, 1981 à 2003 (1981 = 100)................................... 30

Figure 3.3 Évolution comparée de la production de poulet par pays, 1981 à 2003 (1981 = 100) .............................................................................. 31

Figure 3.4 Évolution de la consommation de poulet par pays, 1960 à 2004 (en kg/habitant/année) ................................................................ 33

Figure 3.5 Consommation des principales viandes au Canada, 1981 à 2004 (en kg/habitant/année) ................................................................ 34

Figure 3.6 Consommation des principales viandes aux États-Unis, 1981 à 2003 (en kg/habitant/année) ................................................................ 34

Figure 3.7 Consommation des principales viandes en Australie, 1978-1979 à 1998-1999 (en kg/habitant/année).......................................................... 35

Figure 3.8 Consommation des principales viandes en France, 1981 à 2003 (en kg/habitant/année) ................................................................ 36

Figure 3.9 Évolution des prix à la consommation du poulet par pays, en monnaies nationales courantes, 1981 à 2004 (indice 100 = 1981) ........................... 37

Figure 3.10 Évolution des prix à la consommation du poulet par pays, en monnaies nationales constantes, 1981 à 2004 (indice 100 = 1981) .......................... 38

Figure 3.11 Évolution du prix au détail du poulet à griller entier aux États-Unis et au Canada, 1974 à 2002 (en $ Can/kg) .................................................. 39

Figure 3.12 Comparaison de l’évolution du prix au détail des principales viandes au Canada, en monnaie nationale courante, 1981 à 2004 (indice 100 = 1981).... 40

Figure 3.13 Évolution comparée du prix au détail des principales viandes aux États-Unis, en monnaie nationale courante, 1981 à 2004 (indice 100=1981) ......... 40

Figure 3.14 Évolution comparée du prix au détail des principales viandes en Australie, en monnaie nationale courante, 1981 à 2004 (indice 100 = 1981)....................................................................................... 41

Figure 3.15 Évolution comparée du prix à la consommation des principales viandes en France, en monnaie nationale courante, 1981 à 2003 (indice 100 = 1981) .... 41

Figure 3.16 Évolution de la marge agrégée de la transformation du poulet et de la distribution sur la base de la différence entre l’indice des prix à la consommation et l’indice des prix à la production (indice 100 = 1981), par pays, 1981 à 2002................................................................... 43

Figure 3.17 Marge de la distribution calculée sur la base de la différence entre l’indice des prix à la consommation et l’indice du prix de gros du poulet entier (indice 100 = 1981), États-Unis et Canada, 1981 à 2002 .................. 45

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Figure 3.18 Marge de la transformation calculée sur la base de la différence entre l’indice du prix de gros du poulet entier et l’indice de prix à la production (indice 100=1981), Canada et États-Unis, 1981 à 2002 ............. 46

Figure 3.19 Prix de gros du poulet entier éviscéré au Canada et aux États-Unis, 1974 à 2002 (en $ Can/kg).................................................................... 47

Figure 3.20 Prix à la production des œufs par pays, monnaies nationales courantes, 1981 à 2004 (indice 100 = 1981)....................................................... 48

Figure 3.21 Prix à la production des œufs par pays, monnaies nationales constantes, 1981 à 2004 (indice 100 = 1981)....................................................... 49

Figure 3.22 Production d’œufs par pays, indice 100 = 1981...................................... 50 Figure 3.23 Évolution de la consommation d’œufs par pays, 1960 à 2003

(en oeufs/habitant/année) ............................................................ 51 Figure 3.24 Évolution des prix à la consommation des œufs par pays, monnaies

nationales courantes, indice 100 = 1981............................................. 52 Figure 3.25 Évolution des prix à la consommation des œufs par pays, monnaies

nationales constantes, indice 100 = 1981............................................ 52 Figure 3.26 Évolution de la marge agrégée de la distribution des œufs sur la base de

la différence entre l’indice des prix à la consommation et l’indice des prix à la production des œufs, par pays, 1981 à 2003 (indice 100 = 1981)..... 53

Figure 3.27 Importations de viande de poulet du Canada, 1981 à 2003 (en ‘000 tonnes) ... 55 Figure 3.28 Exportations de viande de poulet des États-Unis et du Brésil, 1981 à 2004

(en ‘000 tonnes) ......................................................................... 55

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1. INTRODUCTION

1.1 PRÉSENTATION DU MANDAT

La gestion de l’offre dans le secteur avicole a commencé à s’appliquer de façon structurée à l’échelle canadienne au début des années 1970 et couvre maintenant les productions de poulet, de dindon, d’œufs de consommation et d’oeufs d’incubation. Les modalités de son application ont évolué dans le temps et peuvent varier quelque peu d’une production à l’autre. Des principes de base sont cependant communs aux quatre productions visées, le plus important étant le contingentement de la production en fonction de la demande sur le marché domestique, contingentement qui est ajusté selon le niveau des importations autorisées en conformité avec les différents accords de commerce multilatéraux. L’écoulement des surplus éventuels de produits avicoles sur le marché domestique ou à l’exportation sans contribution financière des pouvoirs publics constitue un deuxième principe de base. Finalement, la fixation des prix à la production se fait de telle sorte que les producteurs avicoles vont chercher la plus grande part de la rémunération de leur activité de production sur le marché, soit sans soutien direct spécifique des pouvoirs publics. Dans un contexte de déréglementation des marchés des produits agricoles, que le gouvernement fédéral a initié dès les années 1980 dans le cadre d’une première révision de la politique agricole canadienne sous le thème Partenaires dans la croissance, et qu’il a concrétisé lors des dernières négociations commerciales de l’Uruguay Round par l’accord en matière agricole, la régulation des secteurs de production agricole par la gestion de l'offre suscite débat. En effet, le maintien d’un système efficace de gestion de l’offre de la production avicole requiert la mise en place de barrières aux importations qui peuvent paraître contradictoires avec l’objectif de libéralisation des échanges de produits agricoles que poursuit ce même gouvernement fédéral. La ronde de négociations multilatérales en cours à l’OMC remet de nouveau à l’ordre du jour cette question des barrières aux importations et, en conséquence, la capacité de maintenir en place à terme la gestion de l’offre. Alors que dans le secteur laitier, régulé par la gestion de l’offre au Canada et dans l’Union européenne, l’interventionnisme est la règle plutôt que l’exception dans les pays développés, la situation est toute autre dans le secteur avicole. Dans les faits, le Canada fait figure d’exception avec un système de régulation de son secteur avicole basé sur le contingentement. La plupart des autres pays n’interviennent pas dans l’équilibre de l’offre et de la demande sur leur marché intérieur, si ce n’est éventuellement que par un contrôle des importations ou par des programmes d’aide à l’exportation. En ce sens, le fonctionnement de la régulation, ou son apparente absence, du secteur avicole dans plusieurs pays semble remettre en question la spécificité économique du secteur agricole. À tout le moins, il semble que l’on ne puisse plus défendre sur cette base (celle de la spécificité) la régulation du secteur avicole par la gestion de l’offre. Dans

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d’autres pays, les systèmes de régulation paraissent s’appuyer sur un ensemble d’initiatives de nature strictement privée. Dans ce contexte, l'objectif principal de ce projet de recherche est d’analyser les systèmes de régulation du secteur avicole qui sont à l’oeuvre dans différents pays et de discuter de leur performance relative. Tout au long de ce texte, l’accent sera mis sur les deux principales productions du secteur de l’aviculture, soit le poulet à griller et les œufs de consommation. Cependant, notons que l’ensemble de l’industrie avicole canadienne est organisé sur ce modèle de gestion de l’offre avec contingentement, les secteurs des œufs d’incubation et du dindon ayant aussi choisi cette voie. En ce sens, il n’y a pas de raison de croire a priori que les conclusions que nous tirons de notre analyse ne s’appliqueraient pas aussi dans ces deux secteurs.

1.2 MÉTHODOLOGIE

Le travail de recherche requis pour atteindre l’objectif visé est divisé en trois étapes. Tout d’abord, il s’agit de décrire les systèmes de régulation du secteur avicole qui sont mis en œuvre dans les pays visés par l’étude. Outre le Canada, l’analyse vise également l’Australie, les États-Unis et la France. Le choix des États-Unis s’impose d’emblée; en plus d’être le voisin immédiat du Canada, ce pays est le plus gros producteur de poulet au monde et le deuxième exportateur (le Brésil détient la première place depuis 2004). La différence entre la philosophie d’intervention du Canada et des États-Unis constitue aussi un aspect primordial de notre sélection. Pour sa part, la France est le plus important producteur de volailles de l’Union européenne et la production de poulet y présente la particularité de se diviser en deux filières distinctes. La première, plus « industrielle », se base sur le modèle de production intensive et à grande échelle et a adopté les modes d’organisation dominants, les contrats et l’intégration verticale. La deuxième s’appuie sur des méthodes plus traditionnelles qui privilégient la croissance en plein air et des densités d’élevage peu élevées et dépendent d’une reconnaissance accordée par une série de normes et de stricts cahiers de charge. L’Australie représente un cas intéressant parce que c’est le seul pays à avoir favorisé l’implantation d’un mode de régulation qui s’apparente à celui du Canada. En permettant la négociation collective dans les États, le gouvernement australien donnait, au début des années 1980, une voix commune aux producteurs de poulet afin de régulariser leurs relations avec les transformateurs. Dans certains États de l’Australie, les autorités de commercialisation avaient même le pouvoir de contrôler le niveau de l’offre. Cette expérience aura duré à peine plus d’une décennie et s’est terminée lors de la mise en œuvre des réformes économiques de 1995. En ce qui a trait à la production d’œufs, l’Australie fait figure de pionnier ayant mis en place des offices de commercialisation durant les années 1920. Ceux-ci ont par contre fait

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l’objet d’un processus de révision dès la fin des années 1970 et les principaux États producteurs ont mis fin aux activités de ces offices dans les années 1980, le processus de déréglementation ayant été par la suite complété au milieu des années 1990. Comme pour le poulet, le gouvernement des États-Unis n’est pas intervenu dans la régulation des activités de production et de mise en marché des œufs. Bien que la France soit le plus important producteur d’œufs de l’Union européenne, le manque de données disponibles sur cette filière nous oblige à limiter notre analyse aux trois autres pays. La deuxième étape permettra de questionner la performance économique de chacun des systèmes de régulation. Une telle analyse doit aborder la question des niveaux et de la variabilité des prix à la production et à la consommation, la question de la transmission des prix qui y est liée, et le coût budgétaire. Cette analyse doit se faire sur une longue période afin d’éviter les conclusions hâtives basées sur une analyse des données à trop court terme. Pour ce faire et selon la disponibilité des données, il est envisagé d’analyser les séries de données sur un peu plus de vingt ans soit de 1981 à 2004 lorsque la disponibilité des statistiques le permet. La troisième étape s'intéresse à la performance « sociale » des différents systèmes de régulation du secteur avicole. Un système de régulation donné peut permettre le maintien d’une activité agricole mieux répartie sur son territoire ou résulter en une moindre concentration du secteur de production. Il peut s’agir là d’un objectif implicite ou explicite de l’intervention de l’État. C’est sur la base de l’évolution des structures de production et de transformation que sera menée cette analyse.

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2. LES SYSTÈMES DE RÉGULATION DU SECTEUR AVICOLE DANS DIFFÉRENTS PAYS

2.1 UNE COORDINATION VERTICALE FORTE

Un exercice de comparaison entre l’agriculture du début des années 1960 et entre l’agriculture telle qu’elle se pratique en 2005 permettrait de soulever plusieurs différences majeures ne serait-ce qu’au niveau des performances techniques et des moyens de production utilisés. Comme ce document s’intéresse plutôt à la comparaison de différents systèmes de régulation de la filière avicole de plusieurs pays, il faut plutôt trouver en quoi l’agriculture d’aujourd’hui se distingue de celle d’il y a plus de quarante ans en ce qui a trait à la régulation de ses activités. Avant de répondre à cette question, il parait primordial d’en formuler une autre soit « À quoi sert un système de régulation? ».

2.1.1 COORDINATION VERTICALE ET SYSTÈME DE RÉGULATION : DÉFINITIONS

Bien que la recherche d’une réponse à une telle interrogation puisse potentiellement soulever un véritable débat, celle que l’on propose ici se veut simple : un système de régulation sert à définir de quelle manière circule un produit agricole à l’intérieur d’un secteur donné. La question du paragraphe précédent devient donc la suivante : En quoi l’agriculture des années 1960 se distingue-t-elle de celle de 2005 si on s’attarde uniquement au fonctionnement du système de circulation des biens à l’intérieur d’un secteur de production donné? L’agriculture de 2005 présente un visage transformé parce que les systèmes de régulation ont évolué rapidement de manière à rapprocher l’activité agricole de base du processus de transformation et de distribution. En d’autres mots, la coordination verticale entre les producteurs agricoles et les autres intervenants (tant en aval qu’en amont de la production) s’avère beaucoup plus étroite maintenant qu’elle ne l’était en 1960. « La coordination verticale réfère à la synchronisation des étapes successives de la production et de la commercialisation d’un bien en fonction de la quantité produite, de sa qualité et de la planification de la circulation dudit bien » (Martinez 2002)2. La notion de coordination verticale englobe l’ensemble des façons qui s’offrent à deux agents économiques pour s’échanger un bien. Cet éventail de possibilités se positionne entre deux extrêmes qui sont, d’un côté, les transactions sur le marché comptant (spot markets) et, de l’autre, l’intégration verticale complète. Entre les deux, se trouvent de nombreuses alternatives dont le recours à des contrats, la coopération et les organisations centralisées (plan conjoint) de mise en marché.

2 Traduction libre, citation originale à l’Annexe 1.

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Dans le cas d’un marché comptant, le producteur ne s’engage pas à vendre sa production avant qu’elle ne soit prête tandis que le signal du prix assure la coordination verticale et régit les échanges. L’intégration verticale se distingue, quant à elle, par des transactions qui se déroulent à l’intérieur d’une structure à propriété unique hiérarchisée et bureaucratisée et pour lesquelles le signal du prix ne joue aucun rôle dans la régulation de la circulation du bien. Dans le cas de l’intégration verticale, comme dans celui d’autres modes de coordination comme les contrats, la destination finale du produit agricole est déterminée avant même que ne soit initié le processus de production. Le secteur agricole et l’industrie agroalimentaire foisonnent de types de coordination verticale qui poursuivent des objectifs variés. Parmi ceux-ci, on retrouve par exemple ceux mis en place par des entreprises qui répondent au souhait exprimé par certains consommateurs qui ne veulent pas d’aliments qui contiennent des organismes génétiquement modifiés (OGM). Les chaînes à identité préservée, qui ont été créées pour répondre aux besoins de ce marché spécifique, demandent la planification serrée de plusieurs étapes et supposent une collaboration étroite entre les producteurs, leurs fournisseurs d’intrants (semences) et les transformateurs de leurs produits. Le producteur s’engage à fournir un marché potentiellement plus lucratif mais, en contrepartie, il perd une partie de sa « liberté d’entrepreneur ». Il ne peut plus acheter de n’importe quel fournisseur ni vendre à n’importe quel acheteur. Ce dernier ne peut plus acheter sa matière première sur le marché traditionnel et se place dans l’obligation de ne transiger qu’avec certains producteurs. Bien que certains modes de coordination verticale plus étroite (perte de l’importance du signal du prix) tirent leur origine d’une démarche entreprise par des producteurs agricoles pour protéger leurs intérêts propres3, plusieurs existent surtout pour répondre à un besoin spécifique du marché. Ainsi, des transformateurs peuvent exiger que les animaux qu’ils achètent présentent des caractéristiques uniformes afin de faciliter l’implantation de la mécanisation des processus. De leur côté, des groupes de consommateurs soucieux du bien-être animal demanderont plutôt que l’élevage se fasse dans des conditions plus « naturelles » que celles que l’on associe habituellement à l’élevage intensif. L’obligation de s’assurer que le produit final répondra aux exigences de l’un comme de l’autre pousse les agents économiques impliqués à abandonner le mécanisme d’échange propre au marché4 au profit d’un mécanisme où le niveau de contrôle est plus élevé. En dehors de cet arrangement, sur le marché comptant par exemple, les acheteurs potentiels ne reconnaîtront plus la « valeur ajoutée » du produit distinctif. Alors que Hobbs et Young (2001) constatent que la coordination verticale dans l’industrie agroalimentaire, tant aux États-Unis qu’au Canada, va en s’accentuant depuis quelques années, on remarque que dans le secteur avicole (plus particulièrement dans la production de poulet à griller) ce phénomène existe depuis le début des années 1960 (Martinez 2002 et Ménard 1996). Dans la majorité des pays (la principale exception étant le Canada) où les

3 Les exemples les plus communs étant les organisations de mise en marché collective, qui permettent de redéfinir la nature des transactions entre les producteurs et les premiers acheteurs de leurs produits, et la coopération, par laquelle un groupe de producteurs devient propriétaire de l’entreprise qui achète leur production. 4 Où, en théorie, les participants ont le libre choix d’acheteurs ou de vendeurs.

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productions de poulet et d’œufs sont devenues un processus quasi industriel, on constate que les contrats de production et l’intégration verticale complète constituent les modes dominants de coordination verticale. Par conséquent, et sur la base de ce qui a été dit précédemment, le constat est à l’effet qu’une forte majorité de producteurs de poulet et d’œufs ont depuis longtemps sacrifié une part non négligeable de leur indépendance pour un arrangement qui doit permettre de mieux répondre aux besoins des consommateurs et qui, espérons-le, leur apporte des avantages par rapport à la situation qui prévalait avant. Il apparaît légitime de se demander de quelle façon, il y a plus de quarante ans, les producteurs avicoles en sont venus à prendre une voie qui différait de leur situation de départ. Peterson, Wisocki et Harsh décrivent ainsi la réflexion qui mène au changement :

« L’adoption d’une nouvelle stratégie de coordination verticale doit découler d’une évaluation de la situation qui repose sur les cinq questions suivantes : (1) La stratégie actuelle est-elle trop coûteuse?; (2) Est-ce qu’une stratégie alternative réduirait le coût?; (3) Existe-t-il une autre stratégie qui correspond aux besoins du gestionnaire?; (4) Cette autre stratégie peut-elle être mise en oeuvre?; (5) Est-ce que le ratio risque encouru/rendement attendu est acceptable aux yeux du gestionnaire? Si la réponse aux cinq questions est « oui », on doit alors s’attendre à un changement dans la stratégie » 5 (Peterson, Wisocki et Harsh 2001).

Comme, à l’évidence, il existe des stratégies de coordination qui, dans le secteur avicole, ont pu se substituer au marché comptant, on peut maintenant s’attarder brièvement à mieux définir les objectifs de réduction des coûts de transaction et de réduction du risque.

2.1.2 LA RÉDUCTION DU RISQUE ET DES COÛTS DE TRANSACTION

Avec la réduction du risque, tant pour le producteur que pour le premier acheteur de son produit, la réduction des coûts de transaction représente une des principales raisons justifiant l’abandon des transactions sur le marché comptant pour un mode de coordination verticale qui tend vers l’intégration complète. Les coûts de transaction se classent en trois grandes catégories soit : les coûts de recherche d’un acheteur ou d’un vendeur, les coûts d’évaluation de la qualité du produit à vendre et les coûts de contrôle qui sont ceux encourus pour s’assurer du respect des termes (quantité, qualité, date de la livraison et paiement) d’une transaction (MacDonald et autres 2004). La théorie économique de l’économie des coûts de transaction6 soutient qu’à partir du moment où les coûts rattachés à l’utilisation d’une stratégie de coordination des transactions deviennent trop élevés, les agents économiques ont avantage à en adopter une nouvelle qui permettra de réduire ces coûts. Ainsi, un transformateur de poulet qui aurait de la difficulté à trouver, au moment souhaité, sur le marché comptant des quantités

5 Traduction libre, citation originale à l’Annexe 1. 6 L’article de Hobbs et Young (2001) contient une bonne description de cette théorie ainsi que quelques exemples de son application.

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suffisantes de poulets qui répondent à ses exigences, a tout avantage à privilégier l’utilisation de contrats qui spécifient, entre autres, les caractéristiques recherchées (poids, morphologie) et établissent à l’avance les prix et les dates de livraison. Au Canada, les plans conjoints avec gestion de l’offre coordonnant les filières volailles, œufs de consommation et lait jouent un rôle similaire à celui de ces contrats. Le principal risque auquel les producteurs agricoles en général veulent se soustraire est le risque de revenu qui se divise en deux composantes à savoir le risque de rendement (de production) et le risque de prix. Pour le producteur individuel, le risque de rendement peut être associé à des événements aléatoires mais courants, comme les écarts extrêmes de température ou la présence de maladies, ou à des événements exceptionnels comme les incendies. Le risque de prix a peu à voir avec les résultats d’un producteur en particulier et plus avec les fluctuations de prix que peuvent connaître les intrants et les produits agricoles (Knoeber et Thurman 1995, MacDonald et autres 2004). Alors qu’au Canada, les producteurs avicoles ont choisi les plans conjoints soumis aux règles de la gestion de l’offre pour réduire le risque de revenu, ceux des autres pays soumis à la présente analyse ont plutôt opté pour (ou se sont fait imposer) les contrats de production. En établissant les règles à suivre pour la production, en étant stricts sur les intrants utilisés et en définissant des formules de paiement, ces contrats (en plus de diminuer les coûts de transaction) réduisent le risque de production courant ainsi que le risque de prix (Knoeber 1995). Tandis qu’on peut admettre d’emblée que le modèle canadien respecte le principe de la spécificité économique du secteur agricole, la prochaine section, qui décrit les systèmes de régulation du secteur avicole de plusieurs pays, permet de vérifier si les stratégies de coordination verticale autres que la gestion de l’offre tiennent effectivement compte de cet aspect.

2.2 LES SYSTÈMES DE RÉGULATION DU SECTEUR DU POULET À GRILLER

2.2.1 LE SYSTÈME CANADIEN

À la fin des années 1960 et au début des années 1970, plusieurs provinces canadiennes mettaient en place, de façon individuelle, des systèmes de contingentement de la production de poulet qui allaient devenir la base du système national qui fonctionne maintenant depuis près de 30 ans. Le Québec ne fait pas exception à ce mouvement car, depuis 1971, les producteurs de poulet du Québec disposent d’un plan conjoint provincial de mise en marché. Administré dès ses débuts par la Fédération des Producteurs de Volailles du Québec (FPVQ), le Plan conjoint des producteurs de volailles accorde à cette dernière plusieurs pouvoirs, notamment ceux de contrôle des volumes commercialisés et mis en marché (contingentement) ainsi que de négociation des prix et des conditions de paiement et de vente avec les organismes accrédités. C’est à une organisation nationale que revient la tâche de déterminer le niveau de contingent pour tout le Canada et de le diviser entre les provinces.

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La mise en place d’une organisation nationale s’avère nécessaire car la difficulté de contrôler les importations et le commerce interprovincial constitue une des principales lacunes du contingentement par province. Pour fonctionner adéquatement, un système de gestion de l’offre doit reposer sur une entité unique qui peut assurer un contrôle de l’offre interne ainsi qu’un suivi constant des importations et des exportations. Suite à des jugements rendus par de nombreux paliers de tribunaux qu’a entérinés la Cour suprême du Canada, le gouvernement canadien a adopté en 1972, la Loi sur les offices des produits agricoles qui a permis de clarifier les pouvoirs de chaque niveau de gouvernement. C’est cette loi qui va permettre la création, en 1978, d’un office national de commercialisation du poulet, l’Office canadien de commercialisation du poulet, qui, 20 ans plus tard, changera de nom pour s’appeler les Producteurs de poulet du Canada (PPC). En 2005, les PPC représentent 2 800 éleveurs de volailles localisés dans toutes les provinces canadiennes. Tel qu’on peut le lire sur leur site Internet, la mission des PPC consiste à « bâtir une industrie canadienne du poulet qui soit fondée sur des besoins réels et centrée sur les consommateurs. Nous devons aussi fournir des possibilités de croissance rentable à nos membres » (PPC). Pour arriver à leurs fins, les PPC gèrent, en collaboration étroite avec les offices de commercialisation provinciaux, le système de contingentement de la production qui sert à déterminer le niveau de production alloué à chaque province durant une période déterminée. La responsabilité des offices provinciaux (tel que la FPVQ) consiste en la répartition des contingents entre les producteurs et en l’établissement de règles de transfert de quota entre producteurs. La délégation de pouvoir entre les entités nationales et provinciales est régie par des accords fédéraux-provinciaux « qui réunissent dans un document global, divers aspects comme le fondement juridique du système, les obligations des parties et une série d’éléments opérationnels qui définissent le mode de fonctionnement des offices canadiens » (MAPAQ 2001). La première Entente fédérale provinciale, mise en œuvre en 1978, instaurait un système d’allocation qui confiait aux PPC la tâche de déterminer les besoins du marché (approche « top-down »). L’allocation à chaque province se faisait ensuite suivant une formule prédéterminée de partage des parts de marché. Comme certaines provinces se plaignaient du manque de rigueur dans l’application de la formule et accusaient même les PPC de verser dans l’arbitraire, ceux-ci ont entrepris une refonte de la formule d’allocation à partir du milieu des années 1990. En plus d’apporter les correctifs pour mettre fin à ces reproches, la nouvelle méthode d’allocation devait se montrer capable de mieux répondre aux besoins de l’ensemble des intervenants du marché. La nouvelle formule, appelée Entente nationale sur l’allocation et dont l’adoption officielle date de 1998, modifie d’abord la dynamique au sein du système canadien. On note d’abord que les contingents sont établis en fonction de périodes mobiles de huit semaines. On note également que les négociations entre les offices provinciaux et les représentants des abattoirs doivent débuter au plus tard 18 semaines avant le début de chaque période. Lorsque l’ensemble des besoins est connu, les offices provinciaux transmettent cette information (marché interne et marché d’exportation) aux PPC qui établiront la nouvelle allocation nationale en fonction des demandes provinciales. Pour éviter un déséquilibre du

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marché aux dépens des producteurs (surplus d’offre et baisse du prix à la ferme), les PPC établissent un objectif de progression annuelle du marché qui sert de référence. Si la demande en allocation d’une province excède cette projection, le ou les acheteurs concernés doivent démontrer qu’ils desserviront de nouveaux marchés (MAPAQ 2001). Ce système offre plusieurs avantages et ce, que l’on se place du côté des acheteurs ou des éleveurs. Les premiers disposent d’un approvisionnement garanti à un prix connu d’avance tandis que les seconds connaissent le prix qu’ils recevront pour des quantités prédéterminées. Les décisions qui émanent des PPC reposent sur un comité de direction qui compte 14 membres : dix étant des éleveurs de poulet, les quatre autres représentant les milieux de la distribution alimentaire et de la transformation. Quand ils ont rendu leur décision suite aux demandes des provinces, chacune d’entre elles alloue aux producteurs la part de l’allocation qui leur revient puis établit un niveau de prix avec l’ensemble des transformateurs. La formule d’allocation de 1998 a fait place à un nouveau système en 2001 qui, en plus d’introduire de nouveaux principes, marque la réintégration de l’Alberta et de la Colombie-Britannique à l’intérieur du système canadien. Ces deux provinces avaient, il y a quelques années, décidé de se soustraire de la juridiction des PPC. L’entente fédérale provinciale de 2001 devait permettre au PPC de mieux gérer le système d’allocation en tenant compte des besoins du marché. Elle s’appuie sur les principes opérationnels suivants :

• Le système d’allocation « ascendant » (bottom-up);

• Aucun blocage des parts de marché provinciales;

• La possibilité pour les régions7 de croître jusqu’à 5 % par année et jusqu’à 8 % pour les provinces individuelles;

• La réserve d’adaptation du marché prend en compte les différences de taux de croissance entre le Canada atlantique, le Canada central et l’Ouest canadien;

• Des mesures de protection pour s’assurer que la croissance se fait sur une base durable. (tiré du site Internet des PPC)

En basant leur action sur ces principes opérationnels, les PPC ont introduit de la souplesse dans le processus de détermination des besoins du marché afin d’être en mesure de bien répondre aux préoccupations particulières des producteurs, des transformateurs et des consommateurs. Pour éviter une détérioration des conditions de marché, le système prévoit des pénalités pour les provinces qui produisent au-delà de leur allocation tandis que celles qui ne remplissent pas leurs obligations risquent de perdre une fraction de leur part de marché lors de leur prochaine demande d’allocation. De leur côté, les prix payés aux producteurs sont l’objet d’un processus de négociations provinciales entre les organisations qui représentent les aviculteurs et les porte-parole des abattoirs. Pour toutes les provinces, le prix du poulet vivant sur le marché du Canada

7 Ouest (Colombie-Britannique, Alberta, Saskatchewan et Manitoba), Centre (Québec et Ontario) et Provinces de l’Atlantique (Terre-Neuve, Île-du-Prince-Édouard, Nouvelle-Écosse et Nouveau-Brunswick).

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central sert de base à la négociation pour l’établissement du prix du poulet « standard » soit le poulet à griller affichant un poids de 2,11 à 2,35 kg. C’est à partir de celui-ci qu’est déterminé le prix des poulets plus légers ou plus lourds. Au cours de la négociation, les parties doivent tenir également compte de facteurs tels que les coûts de production du poulet, le niveau de concurrence interprovinciale, les conditions de marché ainsi que l’offre et la demande (MAPAQ 2001). Soulignons que tant au niveau canadien qu’au niveau provincial, le système de gestion de l’offre fonctionne sans aucune intervention financière de la part des autorités gouvernementales. Les PPC et les offices de commercialisation provinciaux tirent leur financement de prélevés sur chaque poulet vendu. Certains éleveurs sont membres de coopératives vers lesquelles ils dirigent l’ensemble de leurs poulets. Certaines de ces coopératives ne veillent qu’à l’abattage et à la transformation tandis que d’autres fournissent aussi les poussins et la moulée. Dans ce dernier cas, l’arrangement s’apparente à l’intégration verticale parce que l’éleveur n’achète pas les intrants dont le coût est plutôt déduit du prix du poulet. Un dernier groupe fait affaire avec des entreprises privées non coopératives et ils entretiennent souvent une relation durable parce qu’ils élèvent des poulets qui répondent à des critères de qualité précis tels que désirés par l’entreprise qui les abat et les transforme.

2.2.2 LA SITUATION AUX ÉTATS-UNIS

Jusqu’au milieu du vingtième siècle, la production de poulet à griller aux États-Unis est demeurée l’apanage de producteurs indépendants qui écoulaient leur production sur le marché comptant et favorisaient donc la coordination verticale par le mécanisme du prix. Les données historiques compilées par le USDA (Martinez 2002) démontrent que, dès 1955, les modes de coordination verticale tels que les contrats de production, les contrats de commercialisation8 et l’intégration verticale complète accaparent 85 % de la production de poulet à griller. En 1994, ce pourcentage atteint presque 100 %, l’intégration verticale complète comptant pour près de 15 % du total et les contrats de production étant à l’origine du reste des volumes produits. Même si, au fil des années, la tendance vers la coordination verticale plus étroite de la filière poulet à griller s’est confirmée, on observe tout de même un changement important dans la composition de cette filière. Du milieu des années 1950 jusqu’au début des années 1970, ce sont les fabricants de moulées (Ralston-Purina et autres Cargill) qui ont exercé le contrôle sur le secteur et qui ont même, durant les années 1960, pris en charge les activités liées à la transformation et à la commercialisation du poulet. Quand, au début des années 1970, de fortes fluctuations de prix (à la baisse surtout) les ont poussés à se recentrer sur leur mission première, les transformateurs ont rapidement pris la place laissée vacante et ne l’ont plus jamais abandonnée (Martinez 2002).

8 Dans ce type de contrat, le producteur fournit les intrants mais s’engage tout de même à livrer le produit correspondant aux besoins de l’acheteur à une date précise.

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Les contrats de production qui, aujourd’hui encore, demeurent le mode de régulation de la production que préfèrent les grands transformateurs de poulet, fonctionnent sur une base similaire à ceux du milieu des années 1950. Les transformateurs fournissent la matière première de base (poussins et moulées pour les différentes étapes de croissance), le suivi vétérinaire et un soutien technique pour l’ensemble des aspects de la régie d’élevage. De leur côté, les producteurs doivent financer la construction de bâtiments qui répondent aux normes techniques de l’intégrateur9 de même que l’achat des machineries agricoles requises et s’engagent à apporter les modifications, à leurs pratiques et à leurs bâtiments, qui leur permettront d’améliorer leur performance technique. Dans un tel système les producteurs s’engagent également à fournir la main-d’œuvre et à livrer la totalité de leur production au fournisseur d’intrants. De plus, il est évident que le rôle de coordination verticale que joue le marché comptant ne peut-être que mineur, la destination finale du produit étant prédéterminée. La rémunération des producteurs ne venant pas du marché, les acheteurs de poulet ont adopté la formule de paiement de type « tournoi à taux à la pièce variable en deux parties »10. Suivant cette méthode, le prix est calculé à partir d’un prix de base à la livre qui peut être majoré ou réduit en fonction de la performance technico-économique du producteur. De manière générale, une formule du genre de la suivante sert à fixer le niveau de la prime (ou de la pénalité) du producteur :

Poussins x 12 + Kilocalories x 6 Prime (pénalité) =

Poids total des poulets vivants Source : Knoeber et Thompson 1995

« Ici, Poussins équivaut au nombre de poussins au départ d’un cycle d’élevage, Kilocalories est la quantité de kilocalories dans les aliments fournis par l’intégrateur et les constantes, 12 et 6, servent à pondérer (ou à « monétariser ») les intrants fournis par l’intégrateur ». (Knoeber et Thompson 1995)11. Il est important de bien comprendre que la prime dont pourra bénéficier l’éleveur ne dépend pas de sa performance absolue, telle que déterminée par la formule, mais bien de sa performance relative vis-à-vis d’un groupe de producteurs qui inclut ceux qui livrent dans la semaine qui suit et dans la semaine qui précède sa propre journée de livraison. Tel que l’illustre la précédente formule, le taux de mortalité et le taux de conversion alimentaire s’avèrent les deux facteurs les plus critiques dans la paie finale de l’aviculteur. Si le résultat de l’évaluation de sa performance conclut à un coût inférieur de 3 ¢ par rapport à la moyenne, le prix qu’il recevra sera majoré du même montant. Un coût de 3 ¢ au-dessus de la moyenne conduira plutôt à une réduction équivalente du prix reçu. Alors que le système canadien permet aux producteurs de poulet de savoir à l’avance exactement quel prix ils recevront, le système américain place les éleveurs dans la situation où il est difficile de prédire le prix ne serait-ce que parce que la composition des groupes de comparaison varie sans cesse. Malgré tout, comme l’ont démontré Knoeber et Thompson (1995), le système des contrats de production de type tournoi comporte tout de

9 Pour la suite de ce document, le terme intégrateur sera utilisé pour identifier le transformateur qui signe des contrats de production avec des éleveurs de poulet. 10 « Two-part piece rate tournaments » dans le texte original (Tsoulouhas et Vukina 2001). 11 Traduction libre, citation originale à l’Annexe 1.

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même des avantages. Ces auteurs observent d’abord une diminution du risque de prix considérant que les producteurs n’ont plus à offrir leurs poulets sur un marché qui connaît des fluctuations constantes. De même, ils n’ont plus à subir les variations que peuvent connaître les marchés des intrants. Ensuite, Tsoulouhas et Vukina (2001) mentionnent que, malgré l’incertitude dans le niveau final du prix reçu, le système compare des producteurs qui ont livré à l’intérieur d’une même période et qui, par conséquent, ont de fortes chances d’avoir connu des conditions semblables (météo, maladie, génétique des poussins, composition des moulées) durant leur cycle d’élevage. Parce qu’il implique la fourniture des principaux intrants et parce qu’il standardise le mode de production, le système de régulation de la production que les intégrateurs ont mis en place « résulte en un déplacement du risque de prix et du risque de production courant des éleveurs individuels vers les propriétaires des compagnies intégratrices »12 (Knoeber et Thompson 1995). Le rôle du producteur dans la filière se limite donc à celui de devenir et de demeurer le producteur le plus efficace possible car, en étant constamment parmi les meilleurs, il augmente ses chances d’obtenir le prix le plus élevé possible et de rentabiliser son investissement. Il ne faut pas non plus négliger le fait que c’est au producteur que revient la responsabilité de rentabiliser (en étant techniquement performant) l’investissement qu’a consacré l’intégrateur au développement d’animaux et de moulée plus performants. Considérant qu’ils doivent assumer cette responsabilité, les producteurs de poulet à griller américains font face à un important risque de contrat qui se substitue au risque de prix et au risque de production. Plusieurs facteurs contribuent à la création du risque de contrat. Les éleveurs qui présentent constamment des performances qui se situent sous la moyenne de leurs groupes de référence, et qui ne rentabilisent pas l’investissement en moulée et en poussins de l’intégrateur, risquent de ne plus se faire offrir de contrat. Il faut aussi savoir que la filière poulet à griller en est une que l’on pourrait qualifier de proximité en ce sens que les intégrateurs exigent que les éleveurs s’installent près des abattoirs et autres usines de transformation. La proximité présente notamment l’avantage de faciliter le suivi (technique et vétérinaire) des aviculteurs par l’intégrateur et permet de réduire les pertes de poids des animaux vivants qui peuvent survenir durant le transport. Avant d’aborder la description du système français de régulation de la production de poulet à griller, il semble pertinent de tenter de comprendre la véritable nature des relations entre les éleveurs américains et les grandes entreprises qui abattent les poulets et en transforment la viande. Cette précision s’avère nécessaire car dans la présentation du système américain, on parle tantôt de contrat et tantôt d’intégrateur alors que ces concepts font référence à deux modes d’organisation des transactions qui diffèrent passablement. L’idée de contrat confère aux éleveurs un statut d’entrepreneurs indépendants qui conservent la possibilité d’offrir leurs services à plus d’un acheteur. À l’opposé, l’idée d’intégration verticale les prive de la possibilité de choisir et les confine à un réseau duquel ils peuvent difficilement se soustraire. Pour la suite de ce document, l’interprétation à donner à la position des producteurs de poulet à griller sous contrat sera donc la suivante :

12 Traduction libre, citation originale à l’Annexe 1.

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« L’intégration verticale requiert une structure centralisée de prise de décision qui contrôle étroitement les opérations de ces diverses unités. Si l’on convient que la propriété unique ne signifie pas obligatoirement que l’on se trouve en situation d’intégration verticale, la propriété séparée des unités ne permet pas non plus d’exclure la présence d’intégration verticale. Par exemple, un important transformateur de poulet opère-t-il sur la base de contrats de production ou exerce-t-il un contrôle suffisant qui permet de dire qu’il opère un véritable système intégré au sein duquel les éleveurs maintiennent une identité séparée seulement qu’en principe ? La dernière hypothèse est probablement la plus près de la vérité et, par conséquent, on peut dire de cet important transformateur qu’il opère un réseau verticalement intégré même si les éleveurs sont propriétaires de leurs entreprises »13 (Peterson, Wysocki et Harsh 2001).

2.2.3 LA SITUATION EN FRANCE

Le secteur français de la production de poulet à griller se distingue de ceux du Canada et des États-Unis par le clivage qu’il a connu dès 1965. Comme dans ces deux pays, la filière « poulet à chair » a vécu, au début des années 1960, de profondes modifications de son système de production. S’appuyant sur les progrès génétiques menant à la sélection de lignées à croissance rapide et sur les progrès réalisés en alimentation, l’élevage de volaille s’est intensifié et, comme au Canada et aux États-Unis, s’est inscrit dans une logique d’industrialisation et de circulation efficace du produit le long d’une chaîne de valeur. Il faut également noter qu’à la même époque, la Communauté européenne œuvrait à la mise en place du Marché commun et poursuivait des efforts d’homogénéisation des produits agricoles et d’amélioration du contrôle de la qualité. L’arrivée, sur le marché français, de ces poulets dits de « batterie » ne s’est pas faite sans heurts et les consommateurs français ont rapidement exprimé leur désapprobation face à ce poulet dont la qualité ne répondait pas à leurs attentes. Profitant de cette grogne généralisée, un groupe d’éleveurs de poulet a décidé de s’adresser au gouvernement de l’époque pour obtenir une certification officielle de qualité. Sentant la menace, venue de l’intensification et de l’industrialisation, qui pesait sur l’agriculture et le mode de vie rural, l’État français a rapidement acquiescé à la demande de ces éleveurs qui voulaient développer un produit de « niche » étroitement lié à la préservation d’un mode d’élevage plus traditionnel (Ménard 1996). Ces démarches ont donc mené à l’adoption du système des LABELS qui suppose que les producteurs qui y adhèrent embrassent des principes éthiques communs soit : un mode de production extensif, le respect du bien-être animal, le respect de l’environnement et une qualité supérieure des produits finis. Le SYNALAF est l’organisation qui regroupe les producteurs de volaille et de poulet LABEL ROUGE et qui définit le cahier de charges qui se base sur cinq grandes lois :

13 Traduction libre, citation originale à l’Annexe 1.

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• L’utilisation de races rustiques, adaptées à courir et réputées pour leur croissance lente et leur qualité de viande exceptionnelle;

• Un élevage fermier en plein air ou en liberté, dans de grands espaces14, par petits groupes sur un parcours herbeux et ombragé;

• Une alimentation naturelle à base de céréales (70 % à 80 % minimum selon les espèces), sans farine ni graisse animale et sans antibiotique, le complément étant apporté par des protéines végétales (soja, colza, tournesol);

• Une durée d'élevage beaucoup plus longue15, environ deux fois supérieure à celle de la majorité des volailles standard, ce qui donne une viande plus ferme et plus goûteuse, l'animal étant proche de la maturité sexuelle;

• Une garantie de fraîcheur et de sécurité, avec des conditions d'hygiène systématiquement contrôlées (Site web SYNALAF).

Les principes de fraîcheur et de sécurité impliquent d’abord qu’un producteur LABEL ne peut se situer à plus de 100 kilomètres (deux heures de route) de l’abattoir le plus près. En deuxième lieu, le poulet LABEL ROUGE ne pouvant se vendre que réfrigéré (jamais congelé)16, il ne peut s’écouler plus de neuf jours entre l’abattage et la vente finale au consommateur. Notons enfin que ce dernier doit pouvoir consulter, sur tout produit de poulet LABEL, une étiquette portant l’information sur son origine géographique, son mode d’alimentation, le lot duquel le poulet provient et la durée de conservation maximale (Ménard 1996). Le cahier des charges et le plan de contrôle qui permet de s’assurer de son respect doivent être présentés à une organisation du Ministère de l’Agriculture, de l’Alimentation, de la Pêche et des Affaires Rurales (MAAPAR) nommée la Commission nationale des labels et des certifications (CNLC) et acceptés par cette dernière avant d’être mis en œuvre. Alors que dans l’ensemble du Canada il n’existe qu’une forme de régulation de la production de poulet à griller, Ménard (1996) a relevé trois principaux modes distincts de coordination verticale de la filière poulet LABEL ROUGE. Dans le premier cas, c’est une organisation représentant un groupe d’éleveurs qui se charge de l’ensemble des négociations en leur nom. Elle s’entend d’abord avec plusieurs distributeurs pour ce qui est des conditions (date, quantité, poulet entier ou préparé) de livraison du produit puis passe des ententes avec des fournisseurs d’intrants (prix, qualité des grains) et des abattoirs (prix, conditions d’abattage, préservation de la qualité). Les éleveurs ont ensuite la possibilité de s’approvisionner auprès d’un des vendeurs présélectionnés pour l’achat de grains et de poussins et peuvent envoyer les poulets à un des abattoirs identifiés par l’organisation représentative.

14 La densité maximale tolérée est de 11 oiseaux au m2 comparativement à 24/m2 pour le poulet de batterie (Ménard 1996). 15 Les oiseaux doivent atteindre l’âge de 81 jours avant l’abattage (Ménard 1996). 16 Cette exigence vaut tant pour le poulet entier que pour les découpes et les préparations (poulet mariné ou assaisonné) (site Web du SYNALAF).

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La coopération constitue l’autre mode de coordination verticale de la filière poulet LABEL ROUGE. Dans ce cas, les éleveurs propriétaires s’y approvisionnent en intrants et confient à l’abattoir dont ils sont propriétaires la majorité de leurs poulets. La coopérative négocie les conditions de vente des poulets entiers et des produits de poulet avec les distributeurs au nom de l’ensemble de ses membres propriétaires. La troisième structure s’apparente au mode de régulation de la production utilisé aux États-Unis pour le poulet à griller standard. La firme qui se trouve au centre du processus est une entreprise privée qui possède son propre abattoir et distribue les produits de poulet LABEL directement aux distributeurs en alimentation. Elle signe des contrats de quelques années avec des fournisseurs de grains et de poussins qu’elle fournit ensuite aux éleveurs. La paie de ces derniers se calcule à partir d’un prix de base négocié annuellement auquel s’adjoint un système de calcul de prime ou de pénalité. Même si la réduction du risque et la diminution des coûts de transaction constituent des facteurs de décision importants quant au choix d’un mode de coordination verticale, d’autres facteurs peuvent contribuer aux orientations prises par un secteur de production. Dans le cas de l’élevage et de la commercialisation de poulet à griller standard (dit « de batterie ») sur le territoire français, le choix de l’intégration a aussi été motivé par une combinaison de facteurs techniques et économiques.

« … c’est le secteur où en raison de la brièveté des cycles de production (1 à 3 mois) des facteurs d’ajustements quantitatifs de la production, tels que variation des densités, anticipation ou retard de la date d’abattage, durée du vide sanitaire, qui offrent la plus grande souplesse d’ajustement de la production aux besoins du marché. Dans ce contexte, l’intégration n’apparaît pas comme résultant d’une volonté d’exploitation ou de domination mais bien comme une solution technique et économique aux contraintes de la production et des marchés de ce secteur » (Fabre 1999).

Il faut comprendre ici que Fabre (1999) n’utilise pas le terme intégration dans son sens le plus strict car le système français de production de poulet à griller présente une organisation qui s’apparente à ce qu’on observe aux États-Unis. L’élevage des poulets standard est donc organisé par des entreprises d’aval qui décident des volumes à produire en fonction des débouchés qui s’offrent à elles et qui, de manière générale, ne sont pas propriétaires des unités de production. À la lecture du texte de Fabre (1999), il semble qu’en France (comme aux États-Unis) des entreprises en amont de la production aient été les premières à « intégrer » la production de poulet dans le but d’assurer un débouché à leur production de moulées et ce, sans égard aux exigences du marché de la consommation. Aujourd’hui, comme aux États-Unis, ce sont des entreprises en aval (abattoirs, transformateurs) qui contrôlent ce secteur de production. En France, au début des années 2000, 96 % de la production de poulet à griller se déroulait à l’intérieur d’un système à forte coordination verticale, qu’il s’agisse de contrat d’intégration (76 %) ou de contrat de coopération (20 %) (Fabre 1999). Bien que ces proportions s’avèrent semblables à la situation américaine, le système français se distingue par la protection qu’offre la loi aux éleveurs de poulet17. En France, la protection de

17 Cet aspect est abordé plus en détail à la section 4.1.3.

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l’éleveur de poulet débute d’abord au niveau du code civil qui accorde un statut particulier aux contrats d’intégration en agriculture. Un article (L. 326.1) du code rural définit ainsi les contrats d’intégration :

« Sont réputés contrats d’intégration tout contrat, accord ou convention conclus entre un producteur, ou un groupe de producteurs agricoles et une ou plusieurs entreprises industrielles ou commerciales portant obligation réciproque de fournitures de produits ou de services. Sont également réputés contrats d’intégration, les contrats, accords ou conventions séparés conclus par plusieurs entreprises industrielles et commerciales avec un même producteur dont la réunion aboutit à l’obligation réciproque visée à l’alinéa précédent » (cité par Fabre 1999).

En juillet 1980, l’article 326.2 de la loi d’orientation agricole amenait des précisions sur l’intégration dans le cas de l’élevage :

« Dans le domaine de l’élevage sont réputés contrats d’intégration, les contrats par lesquels le producteur s’engage envers une ou plusieurs entreprises industrielles ou commerciales à élever ou engraisser des animaux, ou à produire des denrées d’origine animale et à se conformer à des règles concernant la conduite de l’élevage, ou l’approvisionnement en moyens de production, ou l’écoulement des produits finis » (cité par Fabre 1999; italiques dans l’original).

Le code rural contient également une clause qui précise le genre d’information qu’un contrat d’intégration doit inclure pour s’avérer valide :

« Les contrats d’intégration conclus à titre individuel ou le contrat collectif doivent obligatoirement, à peine de nullité, fixer la nature, les prix et les quantités de fournitures réciproques de produits ou de services, le rapport entre les variations de prix de fournitures faites ou acquises par le producteur. Leurs clauses doivent également mentionner les conditions de durée, de renouvellement, de révision et de résiliation » (cité par Fabre 1999).

Dès 1965, le gouvernement français statue que lorsqu’une entreprise est liée à plus de 50 éleveurs ou lorsque les deux tiers d’un groupe d’éleveurs liés à une entreprise en fait la demande, le contrat type se substitue aux contrats existants. Depuis le 1er mars 1998, les contrats types dans le domaine de l’élevage doivent obligatoirement inclure l’information suivante :

• « le lieu d’application, la durée, les conditions de renouvellement, de résiliation du contrat;

• la durée de chaque prestation et l’intervalle entre deux prestations; • les propriétaires des biens et services mis en œuvre; • la nature, la qualité, les quantités, caractéristiques et les prix des biens et

services utilisés; • les conditions de fournitures et de contrôles de ces biens et services;

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• le mode de calcul du prix ainsi que les rapports de variation entre les qualités et quantités des biens et services et le prix payé;

• le mode de règlement; • l’obligation d’établir un décompte à l’issue de chaque prestation; • la procédure d’établissement des normes moyennes servant de base à

l’élaboration du contrat;

• l’obligation de rapporter la preuve de la responsabilité de l’éleveur avant d’opérer une réfaction sur les prix;

• le financement des moyens de production, les assurances … ; • les conditions de révision, de suspension ou de résiliation; • le recours, en cas de contestation à une instance de conciliation,

préalablement à une instance judiciaire » (Fabre 1999).

La loi offre une certaine protection aux aviculteurs français en définissant clairement les engagements de chacune des parties. Par contre, la Confédération paysanne juge qu’elle ne tient pas compte du déséquilibre du rapport entre l’éleveur et l’intégrateur et ne reconnaît pas aux éleveurs le droit à la défense collective de leurs droits18. Le 15 mars 1988, l’État français a homologué deux contrats types pour la production de volaille à chair. Dans le contrat à façon, l’intégrateur demeure le propriétaire des animaux et des aliments. Dans le contrat à prix de reprise déterminé, l’éleveur acquiert les animaux et les aliments et reçoit en fin de cycle un prix à l’unité qui équivaut à la différence entre la valeur du produit livré et le coût des intrants. De manière générale, la rémunération des éleveurs repose sur une grille de paiement qui s’apparente à ce qu’on retrouve aux États-Unis. Cette grille comprend des éléments d’atteinte de résultats techniques tels que poids à l’abattoir, indice de conversion alimentaire et le pourcentage de saisie en abattoir. Bien qu’ils n’assument pas les coûts de moulées et de poussins, le producteur défraie lui-même les charges annexes comme l’énergie, la litière et le transport. En signant le contrat l’éleveur et l’acheteur (un intégrateur ou une coopérative) s’entendent sur un nombre de lots qui dans certains cas (plutôt rares) couvre la période d’amortissement des bâtiments d’élevage. Le renouvellement du contrat se fait habituellement par tacite reconduction qui, dans les faits, le prolonge d’un an.

2.2.4 LA SITUATION EN AUSTRALIE

Parmi les éleveurs de poulet à griller des pays industrialisés, ceux de l’Australie ne font pas exception en ce sens que, depuis plusieurs années, ils transigent avec un faible nombre d’intégrateurs et doivent, pour débuter la production et y rester, investir des montants élevés pour la construction et l’entretien de bâtiments qui ne peuvent servir à d’autres fins. L’obligation d’acquérir des actifs à usage hautement spécifique ainsi que la position

18 Propos recueillis auprès de Bernard Breton, Confédération paysanne, un syndicat paysan français minoritaire.

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oligopolistique des acheteurs de poulet (soit les transformateurs) placent ces éleveurs dans une situation où ils disposent d’un faible pouvoir de négociation. Dès les années 1960, les producteurs de poulet australiens ont compris que cette faiblesse dans leur position entraînait des désavantages concrets tels que l’obligation de toujours transiger avec le même acheteur et l’exposition à des fluctuations importantes, et apparemment injustifiées, de leurs revenus. Cette prise de conscience a mené à la création, en août 1967, de l’Australian Chicken Growers’ Council19 (ACGC) qui regroupait dès ses débuts, des éleveurs des principaux États producteurs de poulet à griller soit Queensland, New South Wales et Victoria. Fondé dans le but de défendre les intérêts des producteurs face aux transformateurs de poulet, l’ACGC a adopté la résolution suivante lors de sa première assemblée :

« Ce conseil émet l’opinion qu’une plus grande stabilité dans les conditions de commercialisation des poulets à griller est vitale et nécessaire et recommande que les associations de tous les États supportent une proposition visant à l’établissement d’un modèle de contrat uniforme (avec arbitrage indépendant pour l’établissement des prix) afin de favoriser la mise en marché ordonnée des poulets à griller vivants »20 (Cain 1990).

Cette déclaration démontre que les éleveurs de poulet à griller d’Australie poursuivent des objectifs qui s’apparentent à ceux de leurs homologues canadiens. Par contre, les éleveurs de chaque province canadienne ont pu, aidés en cela par les gouvernements en place, mettre en place des structures solides qui ont mené à la création d’un office de commercialisation national. L’établissement de l’ACGC, et de structures représentatives dans chaque État australien, s’est révélé plus ardu. Dans son analyse des événements qui se sont déroulés entre la fin des années 1960 et le début des années 1980, Cain (1990) révèle que l’ACGC n’a pu accomplir de progrès qu’en périodes de crise alors que cette organisation semblait sombrer dans l’oubli quand l’industrie traversait des périodes fastes. Cain (1990) réfère notamment aux années 1973 et 1981 qui ont marqué la fin de séquences de croissance rapide pendant lesquelles les transformateurs ont supporté la construction de nouveaux poulaillers et l’expansion de la capacité de production. Cette expansion ayant été trop rapide par rapport à la progression de la demande intérieure, le secteur s’est rapidement retrouvé en situation de surplus. Lorsque de telles conditions se présentent, il semble que les transformateurs procèdent simplement à des annulations de contrat.

« En août 1981, 31 éleveurs de l’État de Victoria et 38 dans le New South Wales ont reçu des notifications de fin de contrat alors que les transformateurs tentaient de réduire le surplus de capacité qui avait été créé »21 (Cain 1990).

Même si les producteurs ont entrepris des négociations avec les transformateurs et que ces fermetures de poulaillers ne se sont jamais concrétisées, Cain (1990) mentionne que cet événement a causé une dégradation des relations entre les deux groupes. 19 Initialement cette organisation portait le nom de Australian Council of Broiler Growers’ Associations. 20 Traduction libre, citation originale à l’Annexe 1. 21 Traduction libre, citation originale à l'Annexe 1.

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C’est ainsi qu’en 1982 l’ACGC a fait appel au gouvernement fédéral et aux gouvernements des États22 pour obtenir les moyens de contrebalancer le pouvoir de marché détenu par les transformateurs. En général, et malgré qu’ils n’aient pas tous réagi avec le même empressement, les États ont répondu favorablement, ce qui a mené à la mise en place de différents Poultry Meat Industry Committees. Bien que la plupart des auteurs consultés classent ces « comités » dans la catégorie des Statutory Marketing Authorities (SMAs), les réels pouvoirs de ces institutions ne se comparent en rien à ceux des offices de commercialisation des provinces canadiennes et varient considérablement d’un État à l’autre. En général, les « Committees » représentaient l’ensemble des producteurs d’un État lors des négociations avec les transformateurs. Ces négociations permettaient d’abord de déterminer le prix minimum que recevaient les éleveurs et servaient ensuite à établir certaines autres conditions relatives aux transactions. Ces « Committees » pouvaient aussi contrôler l’entrée de nouveaux producteurs ou l’augmentation de la capacité de production. En 1991 (Industry Commission 1991), le gouvernement fédéral australien publiait les résultats d’une vaste consultation sur les SMAs et plusieurs organisations représentant les producteurs de poulet exprimaient des réserves quant à la véritable efficacité des Poultry Meat Industry Committees. Dans la plupart des cas, il semble que la décision finale pour la détermination du prix se trouvait sous la responsabilité d’un fonctionnaire, désigné par les autorités de l’État concerné, qui devait rendre son verdict sur la base de deux positions fortement polarisées. Dans ce même rapport, le Australian Chicken Growers Council (ACGC) s’interrogeait sur le rôle de marketing des « Committees » considérant qu’en réalité les poulets demeurent en tout temps la propriété des transformateurs23. Pour mieux comprendre l’insatisfaction des éleveurs de poulet relativement au véritable pouvoir que leur donnent les Poultry Meat Industry Committees, il faut savoir que ces organisations se retrouvaient sous la surveillance du National Competition Council (NCC). Cet organisme gouvernemental se charge de l’application du Trade Practice Act (TPA), une loi qui vise à promouvoir des relations commerciales justes et équitables pour les consommateurs et pour la grande majorité des entreprises qui œuvrent sur le territoire australien. Le TPA établit des lignes de conduite et sanctionne certaines pratiques, telles que la publicité trompeuse, la fixation de prix, les comportements frauduleux et les ententes tacites de partage de parts de marché, qui vont à l’encontre de ses grands principes de base. Il paraît intéressant de mettre en parallèle les tentatives d’organisation des éleveurs de poulet et le fait que le TPA donne au NCC le pouvoir de combattre les comportements qui visent à limiter la compétition, de condamner les cartels et de s’attaquer aux abus de pouvoir. Dans ce contexte, il devient aisé de comprendre que les SMAs des éleveurs de poulet (ou de tout autre type) n’existaient que parce les autorités les toléraient. À ce titre, soulignons l’intervention de la Victorian Farmers Federation (VFF)24 qui, dans le rapport de 1991 du gouvernement australien (Industry Commission 1991), émettait l’opinion que ces mêmes

22 Queensland, South Australia, Western Australia, New South Wales, Victoria, Northern Territory. 23 On rejoint ici l’idée défendue par Peterson, Wysocki et Marsh (2001) relativement au niveau d’intégration verticale dans l’industrie du poulet. 24 Fédération des Fermiers de l’État de Victoria.

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autorités « jugent que les ententes de prix sont hautement « anticompétitives » et encouragent l’inefficacité économique et constituent un flagrant désaveu des principes de base du TPA »25 (Industry Commission 1991, guillemets ajoutés). D’ailleurs, en 1995, le gouvernement central australien concrétisait un processus de réformes économiques entrepris depuis plusieurs années par l’adoption de la National Competition Policy (NCP) 26. La NCP consiste en une démarche de déréglementation globale de l’économie du pays que le gouvernement central et les gouvernements des États ont entrepris conjointement. La mise en œuvre de la NCP a sonné le glas de la plupart des SMAs. Une clause spéciale de la loi, appelé le Competition Principle Agreement (CPA), s’avère le seul recours qui reste aux éleveurs de poulet dans leur volonté de négocier d’égal à égal avec les intégrateurs. Dans son application, le CPA est une provision de la politique nationale sur la compétition permettant à un groupe de se soustraire de l’application de cette politique et qui statue :

« que la compétition ne devrait pas connaître d’entrave à moins qu’il ne puisse être démontré que : • les bénéfices de la restriction pour la communauté entière soient plus

grands que les coûts; • les bénéfices apportés par une législation ne pouvaient être atteints que

par une restriction à la compétition »27 (Edwards 2003). Le CPA est communément appelé le test de l’intérêt (bénéfice) public et sert à démontrer que, en certaines occasions, le public peut être mieux servi par des mesures qui vont à l’encontre des orientations de la NCP. Bien qu’elle appuie la NCP dans son ensemble, la National Farmers’ Federation (NFF) considère que celle-ci ne respecte pas assez la spécificité du secteur agricole. Par conséquent, cette organisation qui représente les agriculteurs australiens, souhaite que le CPA soit renforcé en incluant une évaluation des politiques en regard des intérêts propres à l’agriculture et aux communautés rurales (Potter28 2004). Au sein du gouvernement de l’Australie, c’est l’Australian Competition and Consumer Commission (ACCC) qui a le pouvoir d’autoriser un arrangement spécial qui aurait potentiellement l’effet, dans l’esprit du TPA, de restreindre la compétition. À titre d’exemple, un intégrateur localisé dans l’État de South Australia et un groupe d’éleveurs de poulet ont demandé à l’ACCC de leur permettre d’implanter un processus de négociation centrale du prix et des termes et conditions du marché. Dans le cadre de ce mécanisme, qui incluait une procédure de résolution de conflits, les ententes d’une durée de six mois découlaient de rencontres entre les représentants de l’entreprise de transformation et ceux des éleveurs. Les éleveurs qui le souhaitaient, avaient loisir de se retirer du processus collectif et de négocier eux-mêmes avec l’acheteur (Potter 2003). En accord avec le principe du CPA, l’ACCC a autorisé cet arrangement parce qu’il générait des bénéfices pour les deux groupes en :

25 Traduction libre, citation originale à l’Annexe 1. 26 Que l’on pourrait traduire par Politique Nationale de la Compétitivité. 27 Traduction libre, citation originale à l’Annexe 1. 28 Noter que cet auteur est économiste à la division Politiques de la National Farmers’ Federation.

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a) « permettant une adaptation graduelle à la dérégulation; b) donnant plus de pouvoir de négociation à un groupe composé d’un grand

nombre de producteurs faisant face à un gros acheteur; c) réduisant le coût autrefois associé à la négociation d’un nombre élevé

d’ententes séparées »29 (Department of the Treasury 1998).

Dans son évaluation de l’impact de la NCP sur le secteur de production du poulet à griller en Australie, Potter (2004) porte un jugement plutôt sévère et mentionne notamment que la mise en œuvre de la NCP a mené à des écarts majeurs dans la situation des éleveurs d’un État à l’autre. Il pointe aussi du doigt le manque de constance de la NCC dans ses décisions alors qu’elle refuse à un État des accommodements qu’elle a permis à un autre de même qu’il critique la mauvaise compréhension de la NCC des enjeux propres à l’industrie de la volaille. Potter poursuit en reprochant à la NCC de n’offrir aux producteurs qu’une gamme limitée de moyens par lesquels ils peuvent résoudre leurs problèmes et l’accuse aussi de ne pas leur avoir fourni les outils nécessaires à leur adaptation à la dérégulation. Au seul chapitre de l’écart entre les États, Potter observe que :

« Dans le Queensland, où on trouve un confortable duopole de transformateur qui démontre un niveau modéré d’abus de pouvoir de marché, une législation timide a été approuvée par la NCC. Dans Western Australia, où il y a un duopole absolu de transformateurs qui démontre un comportement d’affaires approprié et peu d’abus de pouvoir de marché, la NCC a approuvé une législation très forte. Dans l’État de New South Wales, où un oligopole se livre à des abus de marché significatifs, la NCC a rejeté une demande qui conférait aux producteurs un faible pouvoir de marché »30 (Potter 2003).

Il est difficile de tracer un portrait précis de la régulation de la production de poulet à griller en Australie parce que les États ont adopté diverses façons de fonctionner que l’on se place avant ou après la vague de réformes qu’a entraîné l’application de la NCP. À ce titre, on peut tirer la conclusion que l’Australian Chicken Growers’ Council n’a pu remplir ses objectifs de départ et a échoué dans sa tentative de normaliser les relations entre intégrateurs et éleveurs de poulet à griller. Malgré tout, dans certains États, les Poultry Meat Industry Committees ont réussi à discipliner le secteur et à réduire les risques de comportements abusifs de la part des intégrateurs. Il persiste néanmoins l’impression que toute l’histoire de l’organisation du secteur australien du poulet à griller, des années 1960 à aujourd’hui, se lit comme une suite de demi-mesure, les producteurs n’ayant pas véritablement bénéficié d’un soutien clair de l’État australien. Considérant la situation géographique de l’Australie et considérant qu’elle est pratiquement absente du marché international du poulet, les autorités de ce pays disposaient pourtant d’une certaine latitude en terme de régulation du secteur.

29 Traduction libre, citation originale à l’Annexe 1. 30 Traduction libre, citation originale à l’Annexe 1.

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2.3 LES SYSTEMES DE REGULATION DU SECTEUR DES ŒUFS DE CONSOMMATION

2.3.1 LE CANADA

Le secteur de la production d’œufs de consommation du Canada a profité de la Deuxième Guerre Mondiale pour prendre son envol. Durant le conflit, la baisse draconienne du niveau de production en Grande-Bretagne a en effet créé une opportunité d’exportation sans précédent pour le Canada. Cette période faste a d’ailleurs connu son apogée en 1947, le Canada exportant alors 58 millions de douzaines d’œufs et 5,8 millions de kg d’œufs séchés (AAC 1999)31. Ce sont les années de crise qui ont suivi l’atteinte de ce sommet qui ont été à l’origine de la mise en place de l’actuel système national de gestion de l’offre dans l’industrie des œufs de consommation. L’agriculture britannique a éventuellement recommencé à produire comme elle le faisait avant la guerre et les importations d’œufs canadiennes sont devenues inutiles. La surcapacité qui a découlé de cette perte d’un important marché a mené vers une succession de cycles de surplus d’offre et de pénuries qui ont entraîné des difficultés financières pour une forte proportion de producteurs et ont forcé l’intervention de l’État canadien. Même si le système canadien de gestion de l’offre des œufs de consommation n’a vu le jour qu’en 1972, il a été précédé par de nombreuses initiatives provinciales qui découlaient directement des cycles vécus dans les années 1950. À titre d’exemple, au Québec c’est en 1966 que la Fédération des producteurs d’œufs de consommation du Québec (FCOCPQ) commence à administrer le plan conjoint. Celui-ci lui permet de « contrôler la production d’œufs, de satisfaire aux exigences et aux besoins du marché et d’éviter une surproduction » (Bergevin et al. 2004). La FCOCPQ arrive à ces fins parce qu’elle a le pouvoir de « contingenter la production et la mise en marché et de fixer les prix » (Bergevin et al. 2004). Suite à la création de l’Office canadien de commercialisation des œufs (OCCO) en 1972, les organisations provinciales ont conservé leur pouvoir d’intervention et ont introduit des mesures de contrôle des mouvements interprovinciaux et des importations. Comme c’est le cas pour la production de poulet, un Accord fédéral-provincial sur les œufs établit les règles d’administration du système et définit les responsabilités et les pouvoirs des organisations fédérales et provinciales. Cet accord, dont la première signature date de 1976, a, comme celui du poulet, connu quelques ratés dans son application au début des années 1990 et a fait l’objet d’une révision à partir de 1998. Une des provinces signataires ayant exprimé des réserves quant à certaines des modifications qu’apporterait la nouvelle entente, le processus de négociation est présentement interrompu et ne pourra reprendre que lorsque les tribunaux auront réussi à dénouer l’impasse. En attendant, l’Accord de 1976 continue d’encadrer les activités de l’OCCO et du système de gestion de l’offre des œufs de consommation.

31 À titre comparatif, la production du Québec était de 85,8 millions de douzaines en 2002 et celle du Canada de 500 millions de douzaines.

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Un conseil d’administration regroupant 11 producteurs provenant de chaque province et territoire, trois représentants du Conseil canadien des transformateurs d’œufs et de volailles (CCTOV) et un autre de l’Association des consommateurs du Canada (ACC) assure la direction de l’OCCO. Une des tâches principales de ce dernier consiste à établir le contingent national, puis de le répartir entre les dix provinces et les Territoires du Nord-ouest, et de déterminer le montant des prélevés. En plus d’assurer le fonctionnement de l’OCCO, ces sommes servent à la cueillette des données nécessaires pour une évaluation correcte de la demande, au financement de la recherche, à la promotion de la santé animale, de la salubrité et de la protection de l’environnement ainsi qu’à la mise en marché des œufs. L’office de commercialisation des œufs de chaque province s’assure ensuite de répartir les contingents qu’alloue l’OCCO à chaque producteur se trouvant sur son territoire. À ces offices échoit aussi la responsabilité d’établir le prix que recevront les producteurs pour leurs œufs, le niveau de prix variant en fonction du coût de production. Que ce soit au niveau national ou au niveau provincial, le principal objectif du système de contingentement consiste à obtenir le meilleur équilibre possible entre l’offre et la demande de manière à ce que les producteurs reçoivent un prix équitable et que les consommateurs paient un prix raisonnable.

2.3.2 LES ÉTATS-UNIS

En 1994, près de 100 % de la production d’œufs de consommation (Martinez 2002) provenait d’entreprises entièrement intégrées ou de fermes qui produisent des œufs dans le cadre de contrats de production ou de contrats de commercialisation. Cette situation présente des similitudes avec celle du poulet à griller en ce sens que la quasi-totalité des volumes produits se trouve sous le contrôle des firmes qui commercialisent les œufs. Par contre, l’étude de l’évolution de ce niveau de contrôle entre 1955 et 1994 permet de dégager des dissimilitudes notables. On remarque d’abord que jusqu’au milieu des années 1960, ce sont des éleveurs indépendants qui contrôlaient la plus grande part de la production d’œufs de consommation, l’intégration et les contrats ne comptant alors que pour un peu plus de 40 %. Dix ans plus tard, la tendance vers un plus grand contrôle de la production par l’intégration se confirme alors que près de 80 % des œufs de consommation des États-Unis proviennent d’entreprises intégrées ou de fermes qui ont signé des contrats. La deuxième différence s’observe au niveau du mode de coordination verticale alors que l’industrie des œufs montre une préférence pour l’intégration verticale complète qui, en 1994, accapare environ 60 % du volume de production. On remarque aussi que l’intégration dans le poulet à griller découle des initiatives de certains transformateurs, tandis que celle du secteur des œufs de consommation résulte d’une intégration, par des producteurs, des activités se situant en aval (Martinez 2002).

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Cette prise en charge de la mise en marché des oeufs par des producteurs s’explique d’abord par le fait que l’œuf demeure un produit que l’on consomme surtout à l’état frais. Comme c’est un produit fragile qui connaît une dégradation rapide, il est préférable que les étapes suivant la ponte se déroulent dans les plus courts délais dans un endroit se situant à proximité du site de production. En deuxième lieu, on observe que le maintien de cette proximité (le tri et l’emballage ont lieu sur le site même de la ferme) et l’intégration des activités de tri et d’emballage ont été grandement facilités par l’arrivée de technologies qui ont automatisé le déroulement de ces dernières étapes. D’après Martinez (2002), l’intégration verticale s’avère le mode préféré d’organisation pour les compagnies qui commercialisent surtout des œufs entiers. Celles qui sont plus actives sur le marché des produits d’œufs (œufs liquides ou congelés, blancs d’œuf séchés, etc..) favorisent plutôt l’utilisation de contrats de production avec des producteurs indépendants. Il est à noter que les étapes de transformation des œufs en sous-produits continuent de se dérouler dans des usines directement rattachées à des unités de production. La formule de paiement dans les œufs diffère de celle que les intégrateurs emploient dans le cas du poulet à griller. Ainsi, la production d’œufs de consommation sous contrat n’inclut pas de comparaison entre producteurs comme dans le cas des « tournois ». Martinez (2002) estime que l’usage de cette formule est proscrit en production d’œufs de consommation parce qu’il y a relativement peu de vendeurs par rapport au nombre d’acheteurs. Le prix que reçoivent les producteurs est basé sur celui que publie Urner Barry Publications à partir des transactions réalisées pour l’achat et la vente des œufs produits en trop. Considérant qu’aux États-Unis l’établissement des quantités à produire ne revient pas à une organisation centrale, l’existence de surplus sur le marché s’avère une réalité quotidienne. L’écoulement de ces surplus revient à une organisation nommée Egg Clearinghouse Inc. (ECI) dont le mandat consiste à rediriger ces excédents vers les marchés qui en ont besoin. ECI est un lieu d’échanges commerciaux reconnu à travers les États-Unis, tant par les acheteurs que par les vendeurs, et se veut un organisme indépendant que gèrent un conseil d’administration et un comité exécutif dont les membres sont élus. La raison d’être de ECI est de procurer aux vendeurs et aux acheteurs d’œufs un forum d’échanges quotidiens pour satisfaire leurs besoins en approvisionnement. En fournissant un système de « découverte des prix » (Price discovery), ECI s’assure que les échanges se font sous type d’enchère de façon à ce que le vrai prix soit celui transigé. ECI garantit le paiement au vendeur, la qualité du produit à l’acheteur suivant les règles de commerce et les spécifications annoncées lors de l’enchère. Le prix réel transigé n’est disponible que pour les membres de ECI qui gère également un programme de soutien et d’assistance pour les transactions et minimise les coûts de transactions.

2.3.3 L’AUSTRALIE

Sans égard à la forme qu’il a adoptée, on peut dire que le contrôle de la production d’œufs de consommation au Canada et aux États-Unis n’a vu le jour qu’au cours des années 1960

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et 1970. En Australie, c’est plutôt à la fin des années 1920 que les producteurs de l’État de New South Wales ont créé les coopératives qui allaient en fait introduire les premières mesures de contrôle de la production d’œufs. Dans les quelques années qui ont suivi, les autres États australiens ont emboîté le pas et ont mis en place un système qui a survécu pendant près de 60 ans soit jusqu’au mouvement de dérégulation qu’a connu l’Australie à la fin des années 1980. Dans tous les cas, ces « egg marketing boards » (EMB) ont eux aussi été mis en place pour discipliner le secteur et éviter les cycles qui peuvent s’avérer désastreux pour les producteurs. Les EMB disposaient généralement du pouvoir de gestion de l’offre et d’émission de quotas, opéraient les postes de classification et d’emballage, percevaient des prélevés auprès des producteurs pour financer leurs activités et pouvaient également fixer les prix payés aux producteurs. La vague de dérégulation de la fin des années 1980 a entraîné la fin des activités des EMB des États de Victoria, New South Wales, Queensland et South Australia. Ils avaient été précédés par le Australian Egg Board dont la fin des opérations date de 1986. Seuls les États de Western Australia et Tasmania ont conservé leurs EMB mais ceux-ci font l’objet de révisions périodiques et pourraient connaître le même sort que leurs semblables dans un délai assez court. Les années 1970 ont été le théâtre des premiers questionnements à l’égard des EMB et c’est vers la fin des années 1980 et le début des années 1990 que la plupart des États australiens ont entamé le processus de révision. Le rapport de la Productivity Commission du gouvernement australien résume bien l’esprit dans lequel s’est déroulée cette remise en question :

« Ce processus reflète, en partie, la disponibilité de façons nouvelles et plus efficaces d’atteindre leurs objectifs historiques. Par exemple, des moyens de communication plus performants et moins coûteux, le développement de nouveaux outils financiers de gestion du risque et l’adoption du taux de change flottant ont réduit substantiellement le besoin de recourir à des mécanismes obligatoires pour réduire l’impact des fluctuations des prix mondiaux ou des grandes variations de taux de change » (Productivity Commission 1999).32

Cette prise de position du gouvernement australien s’appuie sur l’opinion que la cessation des activités des « egg marketing boards » n’aura que peu d’impact sur les prix et les revenus des producteurs considérant que d’autres mécanismes plus efficaces prendront leur place. Pour appuyer son propos, la Commission évoque l’exemple des producteurs de fruits séchés d’Australie qui ont réclamé le démantèlement de leur office de commercialisation et l’arrêt du soutien à l’exportation parce que ces deux mesures « masquaient la transmission des signaux du prix et inhibaient l’innovation » (Productivity Commission 1999).33 La position de la National Farmers Federation relativement aux dossiers des SMA étonne quelque peu dans un contexte ou l’intégration verticale semble la principale alternative d’organisation de la circulation du produit. Ainsi, la NFF dit notamment de l’abolition des SMA, et autres EMB, qu’elle redonnera aux producteurs une plus grande liberté dans leurs choix (de partenaires, de prix, etc.), qu’elle leur octroiera un plus grand

32 Traduction libre, citation originale à l’Annexe 1. 33 Traduction libre, citation originale à l’Annexe 1.

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contrôle sur le marketing de leurs produits et la gestion du risque et qu’elle fournira aux producteurs l’incitation à innover en termes de marketing et de développement de nouveaux produits à valeur ajoutée (Productivity Commission 1999). Une douzaine d’années après la dérégulation du secteur des œufs, l’industrie australienne se présentait devant un comité du Sénat pour défendre la création d’une nouvelle société privée qui serait la propriété conjointe des producteurs. Cette organisation, nommée Australian Egg Corporation Limited (AECL) a vu le jour en 2002 et se donne comme mission de « créer un environnement qui peut aider l’industrie à minimiser les coûts et les barrières pour les producteurs d’œufs australiens et à maximiser les bénéfices et les revenus pour l’industrie et la collectivité par le biais d’efforts intégrés de recherche et de commercialisation » (site Web de l’AECL)34. À la lecture de différents documents émanant du gouvernement australien, on comprend que la diminution lente mais continue de la consommation d’œufs en Australie constitue un des principaux facteurs dans l’établissement de l’AECL. Le principal objectif de l’AECL consiste donc à faire augmenter la demande en œufs (œufs frais ou œufs transformés) sur le marché australien et elle finance ses activités grâce à un prélevé obligatoire. Ces montants serviront au financement d’activités de recherche et de formation des producteurs notamment en matière de régie d’élevage et de salubrité. Ils permettront aussi de concevoir et de diffuser des campagnes de publicité générique et donneront à l’industrie une voie commune dans ses efforts de promotion du produit. AECL n’est pas une organisation de lobbying.

34 Traduction libre, citation originale à l’Annexe 1.

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3. LA PERFORMANCE ECONOMIQUE COMPAREE

3.1 LE SECTEUR DU POULET

Tout au long de la section 2.2 du présent document, on a pu constater que, parmi les quatre secteurs de production de poulet à griller retenus pour cette étude, celui du Canada présente des différences notables qui le distingue des autres. Aux États-Unis, en France et en Australie ce sont les abattoirs et les transformateurs qui, de manière quasi exclusive, décident des orientations du secteur. En optant plutôt pour une approche fermement ancrée dans un cadre réglementaire qui définit les règles du jeu et se veut plus inclusive, le système de régulation en vigueur au Canada permet aux producteurs de poulet canadiens de faire entendre leur voix quant à la direction à prendre. Il sera intéressant de vérifier, dans la présente section, si cette approche particulière résulte en une performance économique qui se distingue clairement de celle des autres. Ceci étant dit, et sans établir de comparaison entre pays, on ne peut que reconnaître la performance générale du secteur du poulet à griller. Amélioration génétique rapide due au court cycle de production, progrès en alimentation, industrialisation de l’ensemble de la filière, élargissement sans égal de la gamme de produits offerts et modification des habitudes de consommation ont fait du poulet à griller une des « success story » du monde de l’agroalimentaire depuis les 30 dernières années. Que l’on soit un consommateur américain, australien, canadien ou français il est à peu près certain que l’on mange maintenant plus de poulet qu’il y a une, deux ou trois décennies.

« L’industrie de la volaille a été le leader incontesté du développement de produits qui promettaient aux consommateurs une haute valeur nutritionnelle et de la commodité à des prix compétitifs. L’adoption d’une structure de chaîne de valeur allant de la ‘génétique au consommateur’ assure que le consommateur reçoit des produits correspondant à ses besoins et présentant un niveau de qualité élevé et constant. Ces efforts se sont avérés payants alors que la part de marché du poulet a connu une rapide augmentation, surtout aux dépens de la consommation de bœuf »35 (Berkema et autres 2001).

Le prix à la ferme, le prix au détail et la consommation par habitant se trouvent parmi les variables qui serviront à comparer la performance économique du secteur du poulet à griller en Australie, au Canada, aux États-Unis et en France. Il faut toutefois noter que la prudence s’impose quant à l’utilisation des données de prix à la ferme dans un secteur qui donne une place importante aux transactions privées et où les échanges par le biais du « marché comptant », traditionnellement la principale source d’information pour les prix des produits agricoles, ne représentent qu’une faible part des échanges. Dans un tel contexte, il apparaît parfaitement justifié d’en appeler à la prudence quant à l’utilisation des données de prix que publient les agences gouvernementales.

35 Traduction libre, citation originale à l’Annexe 1.

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« Les prix inscrits dans les contrats ne sont pas rendus publics et l’efficacité des marchés comptants peut s’éroder parallèlement à l’intensification de l’usage des contrats. Les ventes restantes risquent de refléter une série de transactions non représentatives faisant ainsi du prix publié une expression imprécise de l’activité sur le marché considérant que les rapports de marché basés sur des échantillons plus petits peuvent être moins fiables »36 (MacDonald et autres 2004).

Comme l’Australie, les États-Unis et la France se caractérisent par la forte présence des ententes contractuelles. Par contre au Canada, la détermination des prix par les offices provinciaux s’effectue dans un cadre tout à fait transparent et public. Comme on le voit à la section suivante, les données de prix recueillies semblent tout de même afficher une certaine cohérence dans une perspective d’analyse à long terme. Dans la deuxième phase de notre examen du secteur de la production de poulet nous portons une attention particulière à l’évolution de la production de chaque pays afin de voir si la présence du système de gestion de l’offre avec contingentement du Canada affecte de façon spécifique le dynamisme du secteur.

3.1.1 L’EVOLUTION DES PRIX A LA PRODUCTION

La Figure 3.1 présente l’évolution des prix à la production en monnaies nationales courantes par pays sur une période de plus de vingt ans. Pour établir une comparaison qui reflète le mieux possible l’état du marché intérieur, nous avons utilisé l’indice des prix à la production agricole (IPPA) pour le poulet publié par les autorités compétentes. L’utilisation d’une base en monnaie nationale de chacun des pays (indice 100 = 1981) plutôt qu’un niveau relatif calculé à partir d’une monnaie unique (le dollar canadien par exemple) permet d’éviter d’obtenir des courbes qui fluctuent au gré des variations de taux de change. La prise en compte des taux de change demanderait de faire une analyse sur la base de facteurs macroéconomiques qui dépassent la simple question du système de régulation de la production ainsi que les objectifs que nous nous sommes donnés. À partir des courbes de la Figure 3.1, une comparaison entre le Canada et les États-Unis montre que les prix à la production de ces deux pays fluctuent suivant un cycle similaire. Cette similarité est plus évidente lors de la période 1981 à 1991 alors que chaque hausse ou baisse observée du côté américain trouve écho sur le marché canadien mais avec une amplitude moindre. À partir de 1991, cette correspondance dans le comportement des prix semble moins automatique alors que le prix américain affiche une hausse plus marquée. Cette plus grande amplitude dans les variations de prix pourrait être causée par le fait que le prix américain publié ne représente que de faibles volumes. Cela dit, la similarité du comportement du prix canadien et du prix américain porte à croire qu’il dépeint tout de même assez fidèlement la situation de l’offre et de la demande de poulet à l’échelle des États-Unis.

36 Traduction libre, citation originale à l'Annexe 1.

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Figure 3.1 Évolution comparée des prix à la production du poulet par pays,

monnaies nationales courantes, 1981 à 2003, 1981 = 100

80

90

100

110

120

130

140

150

160

1981

1983

1985

1987

1989

1991

1993

1995

1997

1999

2001

Canada États-Unis Australie France

Source : Statistique Canada, USDA-ERS, BSL, ABARE, ABS, INSEE et nos calculs.

Une comparaison directe du Canada avec l’Australie semble moins pertinente si l’on considère la distance qui sépare ces deux pays et l’absence de l’Australie sur le marché mondial du poulet. On remarque tout de même que les producteurs de poulet australiens ont bénéficié d’une hausse rapide (+ 32 %) du prix qu’ils reçoivent entre 1984 et 1988. Ce mouvement pourrait s’expliquer par le fait qu’après la désastreuse année 1981, les éleveurs de poulet de l’Australie ont obtenu du gouvernement la permission de négocier collectivement les conditions de mise en marché. La forte majoration observée entre 1984 et 1988 pourrait donc être le résultat direct du rétablissement du rapport de force entre producteurs et transformateurs. On remarque aussi que dès 1996, soit l’année suivant la mise en place des mesures de déréglementation de l’économie en Australie, le prix au producteur a subi un réajustement rapide à la baisse après avoir connu plusieurs années de relative stabilité. Il semble donc que durant la période étudiée, la présence de « Statutory Marketing Authorities » ait eu une certaine influence sur le niveau de prix payé aux producteurs. Il y a peu à dire sur l’exemple français outre le fait que, comme au Canada, les aviculteurs recevaient sensiblement le même prix en 2003 qu’en 1981 et que la hausse observée entre 2001 et 2002 est directement liée à la crise de la vache folle. Lorsque les prix aux producteurs sont convertis en monnaies nationales constantes (1981 = 100) comme à la Figure 3.2, les différences préalablement observées se retrouvent aussitôt aplanies. À part quelques soubresauts dans la courbe représentant les prix américains, le constat général est à l’effet que dès que l’on élimine l’effet de l’inflation, les prix réels à la production n’ont cessé de décroître. Pour l’ensemble des pays, on peut dire que les producteurs de poulet ont reçu en 2003, pour chaque kilogramme de poulet produit, environ la moitié de ce qu’ils empochaient en 1981.

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Alors que l’on aurait pu s’attendre à une meilleure protection du prix au producteur dans le système canadien, on observe plutôt une chute de prix en tout point semblable à celle des autres pays. Les prix que reçoivent les producteurs semblent donc peu dépendre du système de régulation en place et seraient conséquemment davantage soumis aux impératifs propres à l’industrie du poulet. Ainsi, dans sa quête de nouvelles parts de marché aux dépens des autres viandes, cette filière doit notamment profiter du court cycle de production pour tenter d’en tirer des gains d’efficacité qui sont transférés du secteur de la production vers les autres maillons de la filière.

Figure 3.2 Évolution comparée des prix à la production du poulet par pays,

monnaies nationales constantes, 1981 à 2003 (1981 = 100)

40

50

60

70

80

90

100

110

1981

1983

1985

1987

1989

1991

1993

1995

1997

1999

2001

Canada États-Unis Australie France

Source : Statistique Canada, USDA-ERS, BSL, ABARE, ABS, INSEE et nos calculs.

Ces gains permettent aux transformateurs de toujours se procurer leur matière première à un coût qui va en diminuant et ce, quel que soit la formule de rémunération retenue ou le système de régulation en place. Dans le secteur canadien du poulet, le plan conjoint avec gestion de l’offre ne protège donc pas les producteurs de cette tendance lourde pas plus qu’il ne prive les transformateurs de bénéficier de poulets moins chers qui leur donnent un avantage de plus pour concurrencer leurs compétiteurs de l’industrie du bœuf et du porc.

3.1.2 L’ÉVOLUTION DES VOLUMES DE PRODUCTION

Dans le cas de la production laitière, Gouin (2004) a démontré que l’évolution des volumes produits était d’abord tributaire des politiques en place et dépendait ensuite de l’environnement économique. Si l’on met en parallèle, comme à la Figure 3.3, la progression de la quantité de poulet produite au Canada avec celle des autres pays, on remarque qu’elles suivent généralement la même tendance, à une exception près. Les productions de l’Australie, du Canada et des États-Unis ont plus que doublé entre 1981 et

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2002 après avoir traversé une séquence d’expansion quasi ininterrompue tandis que la France vit une décroissance depuis 1997. L’industrie française du poulet à griller s’est beaucoup basée sur le commerce extérieur pour assurer son expansion et les nouvelles règles du jeu à ce chapitre, en vigueur depuis l’Accord de l’Uruguay Round, auraient réduit sa compétitivité sur ses marchés traditionnels de l’Afrique du Nord et du Moyen-Orient. Les exportations de viande de poulet de la France ont atteint un sommet de 500 700 tonnes en 1998 comparativement à 362 800 tonnes en 2003, soit une réduction de 28 % en 5 ans37 (FAO). Cette baisse des exportations correspond à près de 70 % de la réduction totale de la production domestique française entre 1998 et 2003.

Figure 3.3 Évolution comparée de la production de poulet par pays,

1981 à 2003 (1981 = 100)

50

100

150

200

250

300

1981

1983

1985

1987

1989

1991

1993

1995

1997

1999

2001

2003

Canada États-Unis Australie France

Source : AAC, Statistique Canada, ABARE, USDA-ERS, INSEE et nos calculs.

On observe donc une fois de plus que le cadre réglementaire semble avoir peu d’influence sur le dynamisme du secteur du poulet. C’est plutôt le contexte économique favorable que le secteur a su créer qui lui dicte la direction à prendre. Comme nous le verrons dans les sections suivantes, c’est plutôt l’augmentation de la consommation intérieure de viande de poulet qui constitue le principal moteur de développement. Le principal intérêt du Tableau 3.1 réside dans la comparaison qu’il permet entre les volumes de production des quatre pays. On constate d’abord que les États-Unis occupent véritablement une position dominante, la production de poulet y étant à peu près cinq fois et demie supérieure à la production totale de l’Australie, du Canada et de la France. Ce tableau donne aussi l’occasion de voir que l’industrie française du poulet s’est relativement peu développée entre 1981 et 2004 si on la compare avec celle du Canada. En effet, les volumes canadiens et français sont maintenant presque égaux alors que la France compte environ le double de population (61 vs 31 millions d’habitants) et disposait d’une avance de

37 Dans le cas de la France, c’est la baisse des budgets consacrés au programme de restitution et l’émergence d’un pays comme le Brésil qui sont identifiées comme étant les principales causes de la baisse des exportations et de la production.

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plus de 500 000 tonnes en 1981. Si l’on prend en considération les données de consommation moyenne par habitant présentées dans la section suivante, on pourrait croire que la France possède, malgré la chute de ses exportations hors communauté, le plus fort potentiel de croissance intérieure à exploiter.

Tableau 3.1 Évolution de la production de poulet en volume (tonnes)

par pays, 1981 à 2004

Année Canada États-Unis Australie France

1981 431 243 5 715 500 291 000 956 000

1985 505 474 6 407 000 330 000 938 000

1990 597 597 8 667 000 385 215 1 049 000

1995 720 390 11 486 000 466 551 1 232 000

2000 903 878 13 944 000 610 000 1 242 000

2004 969 716 15 513 000 680 734 1 105 000

Source : FAO STAT.

3.1.3 LA CONSOMMATION DE POULET

De tous les secteurs qui composent l’agroalimentaire, celui du poulet se trouve parmi ceux qui ont su le mieux profiter des changements dans les habitudes alimentaires des consommateurs et dans leurs préoccupations nutritionnelles. Ce succès se vérifie d’abord par l’étude de l’évolution des quantités de poulet consommées par les habitants d’un pays sur une base annuelle. Ainsi, en établissant une comparaison directe entre les données provenant du Canada, des États-Unis, de l’Australie et de la France, à la Figure 3.4, on se rend compte que les achats de poulet n’ont cessé de croître depuis le début des années 1960. Les consommateurs canadiens mangeaient, en 2004, trois fois plus de poulet qu’en 1960 soit 30 kg/personne en comparaison avec 9,5 kg/personne. La situation en Australie est comparable, la consommation ayant passé de 8 kg/personne en 1968 à près de 31 kg/personne en 1998. La progression de la popularité du poulet a été encore plus marqué aux États-Unis alors qu’on observe que la consommation de 2004, environ 45 kg/personne est quatre fois supérieure à celle de 1960. Étonnamment, avec une consommation par habitant d’environ 12 kg, les Français semblent avoir moins jeté leur dévolu sur la viande de poulet. Il faut toutefois préciser que, pour l’année 2002, la consommation de viande de volailles en France s’élève à 25 kg/habitant et que — contrairement à leur homologues australiens, canadiens et américains — les consommateurs français incluent plus volontiers d’autres volailles (dindons, canards à rôtir et pintades surtout) à leur menu. Si l’on ne considère que les principales viandes consommées, le

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poulet compte respectivement pour 35 % et 38 % de la consommation au Canada et aux États-Unis contre 30 % en Australie et environ 15 % en France.

Figure 3.4 Évolution de la consommation de poulet par pays,

1960 à 2004 (en kg/habitant/année)

0

5

10

15

20

25

30

35

40

45

50

1960

1963

1966

1969

1972

1975

1978

1981

1984

1987

1990

1993

1996

1999

2002

Canada États-Unis Australie France

Source : Statistique Canada, USDA-ERS, Department of primary industries-Australie, INSEE et nos calculs.

L’étude des courbes de consommation des viandes au Canada et aux États-Unis pour la période 1981 à 2004, que l’on retrouve à la Figure 3.5 et à la Figure 3.6, révèle que l’augmentation des quantités de poulet consommées par habitant s’est faite, au moins en partie, aux dépens des autres viandes. Au niveau canadien, entre le début et la fin de la période, on remarque que le porc, avec une baisse de 4,5 kg, a tout de même réussi à conserver sa place. Les gains réalisés par le poulet, hausse de près de 14 kg, correspondent donc à une chute plus importante pour le bœuf, dont la consommation a baissé de 9 kg/habitant. Comme le démontrent les courbes de la Figure 3.5, l’écart d’environ 23 kg/personne en faveur du bœuf en 1981 a été complètement effacé à partir de 2002. La Figure 3.6 illustre que le cas américain diffère quelque peu de celui du Canada et ce, parce que la croissance des quantités de poulet consommées s’inscrit à l’intérieur d’une tendance de hausse de la consommation globale de viande. Ainsi, même si chaque Américain consommait, en 2004, 22 kg de poulet de plus qu’en 1981, la consommation de bœuf a subi, durant la même période, une baisse de seulement 4,6 kg et celle de porc de 2 kg. Le gain de popularité du poulet s’est ainsi moins fait aux dépens des produits substituts que sont le bœuf et le porc. Pour ces trois viandes, la consommation totale par habitant est passée de 102 kg à 117 kg entre 1981 et 2004. On remarque également que l’écart entre la consommation de bœuf et de poulet en 1981, soit 24 kg, est identique à celui observé au Canada et que le poulet a rejoint le bœuf en 2002.

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Figure 3.5 Consommation des principales viandes au Canada,

1981 à 2004 (en kg/habitant/année)

0

5

10

15

20

25

30

35

40

45

1981

1983

1985

1987

1989

1991

1993

1995

1997

1999

2001

2003

Poulet Bœuf Porc

Note : base poids éviscéré pour le poulet, poids carcasse pour le bœuf et le porc. Source : Statistique Canada.

Figure 3.6 Consommation des principales viandes aux États-Unis,

1981 à 2003 (en kg/habitant/année)

0

10

20

30

40

50

60

1981

1983

1985

1987

1989

1991

1993

1995

1997

1999

2001

2003

Poulet Bœuf Porc

Note : base poids éviscéré pour le poulet, poids carcasse pour le bœuf et le porc. Source : USDA-ERS et nos calculs.

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Comme le révèle l’examen de la Figure 3.7, l’Australie se distingue des autres pays par le goût marqué des consommateurs australiens pour la viande d’agneau et de mouton. À la fin des années 1960, la viande ovine était encore autant consommée (40 kg/personne) que la viande de bœuf, qui a pris par la suite le haut du pavé. La viande ovine demeurait encore, en 1998-1999, aussi populaire que le porc. Contrairement au Canada et aux États-Unis, les dernières données disponibles montrent que le bœuf continue d’être la viande la plus consommée. On remarque toutefois que la baisse de 44 % de la consommation de bœuf entre la fin des années 1970 et la fin des années 1980 a surtout profité à l’industrie du poulet.

Figure 3.7 Consommation des principales viandes en Australie,

1978-1979 à 1998-1999 (en kg/habitant/année)

0

10

20

30

40

50

60

70

1978-'79 1988-'89 1992-'93 1993-'94 1994-'95 1995-'96 1996-'97 1997-'98 1998-'99

Volaille Bœuf Porc Mouton/agneau

Source : Department of primary industries, Australia et nos calculs.

Tel que nous l’avons déjà mentionné, la France ne paraît pas vouloir mimer les comportements alimentaires des autres pays. La Figure 3.8 montre que la viande de poulet conserve une lointaine troisième place derrière le bœuf et le porc, bon premier avec une consommation de près de 40 kg/habitant. Dans les autres pays, la consommation de poulet compte pour la quasi-totalité de la consommation de volailles mais elle n’en représente que 50 % en France. Avec respectivement 27 % et 14 % du marché français de la volaille, la dinde et le canard à rôtir y occupent une place respectable. Selon l’ITAVI, la faible consommation relative du poulet en France (en comparaison avec le Canada et les États-Unis par exemple) s’expliquerait en grande partie par le peu d’importance qu’accorde l’industrie aux découpes et autres produits élaborés à base de poulet qui ont constitué ailleurs, depuis les 20 dernières années, les moteurs de la croissance. Les poulets entiers provenant de l’élevage à grande échelle représentaient encore, en 2002, 29 % de l’ensemble des achats de volailles alors que les poulets entiers label comptaient pour 18 %.

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Figure 3.8 Consommation des principales viandes en France,

1981 à 2003 (en kg/habitant/année)

05

1015

2025

3035

4045

1981

1983

1985

1987

1989

1991

1993

1995

1997

1999

2001

2003

Poulet Bœuf Porc

Source : INSEE et nos calculs.

3.1.4 ÉVOLUTION DES PRIX À LA CONSOMMATION

Nous avons déjà démontré que dans les quatre pays retenus pour cette étude, la présence ou non d’un mécanisme de régulation soumis à un cadre réglementaire ne change rien au comportement des prix à la production surtout si on les ramène en monnaies nationales constantes. Quel que soit le pays, la chaîne de valeur du poulet se caractérise par une amélioration rapide de l’efficacité technique de la production. Les économies de coûts de production qui découlent de ces gains d’efficacité sont ensuite transmises aux transformateurs de poulet qui peuvent livrer une plus forte concurrence aux autres types de viande offerts sur le marché. Dans la présente section, nous allons vérifier de quelle façon évoluent les prix à la consommation du poulet au Canada s’ils sont directement comparés à ceux des autres pays. De même, nous procédons à une analyse, pays par pays, de l’évolution des prix à la consommation du poulet relativement à ceux de ses principaux concurrents, soit le bœuf et le porc. La Figure 3.9 présente les courbes de l’évolution des indices de prix à la consommation du poulet en monnaies nationales courantes. On y remarque que les prix au Canada et aux États-Unis suivent une progression similaire et ont augmenté d’une manière graduelle qui rappelle celle de la consommation. De leur côté, les prix français ont connu une longue période de stabilité38 entre 1985 et 2000, période interrompue par un bond qui, entre 2000 et 2001, a été directement causé par la hausse épisodique de consommation du poulet entraînée par la crise de la vache folle.

38 Comme nous l’avons déjà mentionné, cette stabilité découle directement de la progression anémique de la consommation et de la faible présence de produits transformés à base de poulet sur le marché de détail.

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Analyse comparée des systèmes de régulation du secteur avicole

Groupe AGÉCO 37

La croissance totale du prix de détail en Australie (+ 41 %) s’apparente à celle de la France (+ 47 %), mais on observe de plus fortes variations en Australie. À la poussée remarquée durant la période 1981 à 1989, succèdent une descente graduelle du prix australien qui a duré cinq ans puis une remontée rapide entre 1994 et 1996. De cette progression en dent de scie, découlent des prix qui, globalement, n’ont pratiquement pas changé entre 1989 et 2004.

Figure 3.9 Évolution des prix à la consommation du poulet par pays,

en monnaies nationales courantes, 1981 à 2004 (indice 100 = 1981)

75

100

125

150

175

200

1981

1983

1985

1987

1989

1991

1993

1995

1997

1999

2001

2003

Canada États-Unis Australie France

Source : Statistique Canada, BLS, ABS, INSEE et nos calculs.

Dès que l’on étudie, à la Figure 3.10, l’évolution des prix à la consommation en éliminant l’effet de l’inflation on remarque que, convertis en monnaie nationale constante de 1981, le prix à la consommation du poulet en Australie a connu une diminution constante et relativement marquée durant la période analysée. Les prix payés par les consommateurs en 2002 équivalent à 47 % des prix de 1981. À l’opposé, la hausse régulière des prix courants et une inflation mieux contrôlée aux États-Unis et au Canada ont permis de limiter la décroissance des prix à 13 % sur le marché américain et à 17 % du côté canadien. Les consommateurs français ont pu aussi bénéficier d’une diminution graduelle du prix qu’ils paient pour le poulet, les prix de 2002 représentant 72 % du prix de 1981. Sur la base de ces observations relatives à l’évolution du prix de détail du poulet, il s’avère que le système de régulation en place n’a probablement que peu d’effet sur la variation de ce prix. Il faut plutôt reconnaître que le niveau de consommation constitue la principale influence. Quant à elles, les quantités consommées dépendent beaucoup de l’image santé dont bénéficie le poulet, de la capacité de l’industrie de la transformation et du secteur du commerce de détail (incluant la restauration) à varier l’offre de produits à base de poulet afin de rendre cette viande plus attrayante aux yeux du consommateur.

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Analyse comparée des systèmes de régulation du secteur avicole

Groupe AGÉCO 38

Figure 3.10 Évolution des prix à la consommation du poulet par pays,

en monnaies nationales constantes, 1981 à 2004 (indice 100 = 1981)

20

40

60

80

100

120

81 82 83 84 85 86 87 88 89 90 91 92 93 94 95 96 97 98 99 00 01 02

Canada États-Unis Australie France

Source : Statistique Canada, BLS, ABS, INSEE et nos calculs.

Notre étude de l’évolution des prix à la consommation du poulet ne saurait être complète sans une comparaison des prix (en dollars canadiens) au détail du poulet entier au Canada et aux États-Unis. Nous avons déjà observé que lorsque ramenés en indice 100 = 1981, les prix de la viande de poulet dans ces deux pays empruntent des parcours semblables entre 1981 et 2002. Les données de prix en $ CA/kg montrées à la Figure 3.11 mènent à un constat général semblable. Ainsi, le prix américain est demeuré inférieur au prix canadien tout au long de la période et, comme nous l’attendions, ces mêmes prix ont évolué de façon similaire entre 1974 et 2002. Par contre, l’écart relatif entre les deux prix a eu tendance à décroître depuis 1993 alors que durant la période 1974 à 1988, l’écart moyen a été de 33,5 % en faveur du prix américain, il a été réduit à 26 % en moyenne de 1994 à 2002. C’est durant la période de 1989 à 1993 que le prix canadien s’est le plus distancé du prix américain, 47 % en 1991, alors que la différence moyenne atteignait 43,4 %. Cette tendance à la hausse relative du prix au Canada s’est renversée à partir de 1994 alors que l’écart moyen jusqu’en 2002 a été de seulement 26 %. À la fin de la période étudiée, l’écart n’était plus que de 24,4 % (35,1 % en 1974) tandis qu’entre 1974 et 2002 le prix américain (en dollars canadiens courants) avait crû de 209 % contre 165 % pour le Canada. Nous arrivons donc encore une fois au constat que malgré des dissemblances dans leurs modes d’organisation, les industries canadiennes et américaines du poulet progressent sensiblement de la même façon lorsque comparées sur près de trois décennies. Mais force est de constater qu’un écart structurel existe depuis toujours, semble-t-il, entre ces deux filières. D’ailleurs, comme le remarquaient Gouin, Proulx et St-Louis dans leur rapport de 1991, cet écart existe depuis longtemps et était présent même avant l’avènement de la gestion de l’offre dans le secteur du poulet au Canada.

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Groupe AGÉCO 39

Figure 3.11 Évolution du prix au détail du poulet à griller entier

aux États-Unis et au Canada, 1974 à 2002 (en $ Can/kg)

0

1

2

3

4

5

6

1974

1976

1978

1980

1982

1984

1986

1988

1990

1992

1994

1996

1998

2000

2002

Canada États-Unis

Sources : Agriculture Canada, BSL, Statistique Canada et nos calculs.

En permettant une comparaison directe de l’évolution du prix à la consommation du poulet et de ceux des autres viandes, la Figure 3.12 et la Figure 3.13 aident à mieux comprendre pourquoi le poulet est devenu la viande la plus consommée au Canada et aux États-Unis. On pourrait croire que la hausse de demande ainsi que la présence d’une offre de plus en plus variée se caractérisant par la présence d’une proportion de plus en plus grande de découpes et de produits transformés auraient causé une hausse plus rapide du prix du poulet. Au contraire, les gains d’efficacité réalisés par les producteurs et par les transformateurs permettent à la viande de poulet de soutenir la concurrence du prix avec le bœuf et le porc. Durant la période étudiée, les augmentations de la valeur au détail pour ces trois viandes s’élèvent toutes à environ 190 % dans les deux pays. La performance canadienne se compare donc avantageusement avec celles des États-Unis et il semble encore une fois que la présence d’un système de régulation plus strict du côté canadien n’empêche pas l’industrie du poulet d’y afficher un niveau de performance comparable à celle des États-Unis. Comme on peut le constater à l’examen de la Figure 3.14 et de la Figure 3.15, le prix du poulet augmente moins vite que le prix des autres viandes en Australie et en France. Ce retard est particulièrement marqué en Australie et étonne considérant que la consommation australienne par habitant se situe à un niveau comparable (~30 kg) à celle du Canada. Il faut par contre reconnaître que les viandes rouges demeurent encore beaucoup plus populaires que le poulet en Australie, les dernières données faisant état d’une consommation totale de près de 72 kg/personne pour le bœuf, le mouton et le porc. La concurrence que livrent les viandes rouges au poulet sur le marché australien est beaucoup plus féroce qu’au Canada et aux États-Unis et le prix semble y rester un facteur d’attrait plus important.

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Figure 3.12 Comparaison de l’évolution du prix au détail des principales viandes

au Canada, en monnaie nationale courante, 1981 à 2004 (indice 100 = 1981)

90

120

150

180

210

1981

1983

1985

1987

1989

1991

1993

1995

1997

1999

2001

2003

Poulet Bœuf Porc

Source : Statistique Canada et nos calculs.

Figure 3.13 Évolution comparée du prix au détail des principales viandes

aux États-Unis, en monnaie nationale courante, 1981 à 2004 (indice 100=1981)

90

120

150

180

210

1981

1983

1985

1987

1989

1991

1993

1995

1997

1999

2001

2003

Poulet Bœuf Porc

Source : BSL et nos calculs.

Bien que les prix au détail du poulet français aient crû moins rapidement que ceux du bœuf et du porc entre 1981 et 2003, l’écart est beaucoup moins prononcé qu’en Australie. Les données de consommation donnant un net avantage aux viandes rouges (66 kg/personne vs 12 kg/personne) par rapport au poulet, on aurait pu croire à une progression encore moins rapide du prix de détail du poulet en France. De plus, comme nous l’avons vu précédemment, les découpes et autres produits transformés à base de poulet sont

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beaucoup moins populaires sur le marché français que sur les autres marchés. C’est la popularité grandissante du poulet label entier et de ses découpes (des produits plus « haut de gamme » que le poulet de batterie) qui pourrait avoir le plus contribué (malgré la stabilité de la consommation totale de poulet) à l’augmentation graduelle du prix au détail et qui a permis d’éviter un élargissement de la différence de prix avec le porc et le bœuf.

Figure 3.14 Évolution comparée du prix au détail des principales viandes

en Australie, en monnaie nationale courante, 1981 à 2004 (indice 100 = 1981)

80

120

160

200

240

280

320

360

1981

1983

1985

1987

1989

1991

1993

1995

1997

1999

2001

2003

Poulet Bœuf Porc Mouton

Source : Australian Bureau of Statistics.

Figure 3.15 Évolution comparée du prix à la consommation des principales viandes

en France, en monnaie nationale courante, 1981 à 2003 (indice 100 = 1981)

80

110

140

170

200

1981

1983

1985

1987

1989

1991

1993

1995

1997

1999

2001

2003

Volailles Bœuf Porc

Source : INSEE.

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3.1.5 LA TRANSFORMATION ET LA DISTRIBUTION DU POULET

L’analyse de l’évolution du secteur de la transformation et de la distribution du poulet et de sa performance relative dans les divers pays est difficile à réaliser à cause du manque de données et d’information sur ce segment de la filière. L’essentiel de notre examen de la performance du secteur de la transformation et de la distribution du poulet porte donc sur la progression de la marge globale entre le prix à la production et le prix à la consommation du poulet. L’établissement d’un tel rapport sert à apprécier l’évolution de la part relative du secteur de la production et celle, agrégée, de la transformation et de la distribution alimentaire dans le montant dépensé par le consommateur pour ses achats de poulet. Rappelons cependant la limite quant à la validité des comparaisons de prix à la production et le fait qu’il faut faire preuve de prudence dans l’interprétation des résultats. La Figure 3.16 présente donc l’évolution de l’écart entre l’indice des prix à la consommation et celui des prix à la production. Un écart positif signifie que les prix à la consommation ont augmenté plus vite que les prix à la production et donc que la marge globale de la transformation du poulet et de la distribution s’est accrue. Il faut cependant noter qu’en l’absence de données sur la progression de la productivité globale de la production, de la transformation ou de la distribution, une telle analyse ne permet pas de tirer de conclusions relativement aux variations des taux de profit de chacun des paliers de la filière du poulet. Un premier coup d’œil aux deux graphiques de la Figure 3.16 permet de constater que les différences dans l’organisation de la commercialisation du poulet entre le Canada et les États-Unis semblent avoir peu d’influence dans la variation de la marge globale en monnaies constantes. Les deux courbes épousent des tendances similaires alors qu’entre les deux, les écarts entre le début et la fin de la période sont peu significatifs. En fait, l’écart se creuse rapidement en début de période puis reste relativement constant par la suite avant de se résorber presque entièrement entre 2000 et 2002. Tant au Canada qu’aux États-Unis, on observe tout de même que l’écart entre l’évolution des prix à la production et l’évolution des prix à la consommation n’a cessé de s’élargir. Cependant, il est normal qu’un tel écart se creuse quand une denrée agricole comme le poulet connaît une évolution rapide de sa présentation aux consommateurs qui implique le développement d’une grande variété de produits transformés. Le produit final que les détaillants offrent aux consommateurs est moins proche de sa forme initiale qu’il ne l’était auparavant et demande un apport supplémentaire en main-d’œuvre et l’introduction de nouvelles technologies. Cela dit, les producteurs semblent donc avoir bien joué leur rôle de fournisseur de matière première à un coût toujours décroissant et ce, sans égard au système de régulation en place. De manière générale, on observe que l’écart entre le prix au détail et le prix aux producteurs a crû moins rapidement en France par rapport au Canada et aux États-Unis. Deux facteurs peuvent expliquer ce décalage soit la stagnation de la consommation de

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poulet en France et la faiblesse relative de la place qu’y occupent les découpes et autres produits transformés. Ainsi, le poulet doit encore livrer une concurrence sur le prix aux viandes rouges et aux autres volailles tandis que la faible popularité des produits transformés prévient une poussée à la hausse des prix au détail comparable à celle du marché nord-américain. On peut toutefois croire que la présence de produits commandant une prime, les produits de poulet label par exemple, compense en partie les « retards » en terme de consommation et de préparation.

Figure 3.16 Évolution de la marge agrégée de la transformation du poulet et de la distribution

sur la base de la différence entre l’indice des prix à la consommation et l’indice des prix à la production (indice 100 = 1981), par pays, 1981 à 2002

monnaies nationales constantes

-20

-10

0

10

20

30

40

81 82 83 84 85 86 87 88 89 90 91 92 93 94 95 96 97 98 99 00 01 02

Canada États-Unis Australie France

monnaies nationales courantes

-40

-20

0

20

40

60

80

81 82 83 84 85 86 87 88 89 90 91 92 93 94 95 96 97 98 99 00 01 02

Canada États-Unis Australie France

Sources : Statistique Canada, BLS, USDA-ERS, ABS, ABARE, INSEE et nos calculs.

Bien que la consommation de poulet par habitant en Australie soit identique à celles du Canada et des États-Unis, on note, malgré tout, un fossé entre l’évolution de la marge globale de ce pays et celle des autres. Les Australiens demeurant de grands consommateurs de viandes rouges et le poulet n’y occupant pas une position aussi dominante qu’en Amérique du Nord, le prix au détail demeure fort probablement un argument de vente important. Cette forte concurrence des autres viandes forcerait donc les transformateurs

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de poulet et les détaillants en alimentation à mieux contrôler leurs marges. Encore une fois, les réformes économiques du milieu des années 1990 signalent le début d’un renversement de tendance et, à partir de 1996, la marge globale a commencé à croître au profit des transformateurs et des distributeurs. La déréglementation semble donc avoir davantage porté fruit pour ce segment de l’industrie australienne du poulet. Alors que la Figure 3.16 illustre la différence annuelle entre l’évolution du prix à la ferme du poulet destiné à l’abattage et l’évolution du prix au détail de la viande de poulet, les graphiques de la Figure 3.17 et de la Figure 3.18 permettent plutôt de suivre la progression, le long de la chaîne de commercialisation, du poulet vendu entier et éviscéré, grâce à la disponibilité des données sur le prix de gros. Ces graphiques, qui ne contiennent que les données canadiennes et américaines, donnent aussi la possibilité de désagréger la marge à un niveau qui n’était pas envisageable dans le cas précédent parce que l’indice du prix au détail était celui du poulet entier et de l’ensemble des découpes de poulet pour lesquelles le traitement des données s’avérerait un exercice fastidieux. Les écarts calculés entre le prix de gros du poulet entier vendu aux distributeurs et entre les prix au détail du poulet entier et le prix payé aux producteurs permettront donc de donner un portrait plus juste de la distribution de la part du dollar versé par le consommateur lors de l’achat d’un poulet entier éviscéré. Les graphiques de la Figure 3.17 confirment une fois de plus la grande similarité dans les comportements des secteurs américains et canadiens du poulet mais permettent surtout de réaliser que, pour l’ensemble de la période étudiée, les prix à la consommation du poulet entier augmentent plus rapidement que les prix de gros. Cette tendance s’est toutefois accentuée à partir de 1996, l’avantage des détaillants canadiens, relativement stable depuis le milieu des années 1980, ayant connu un bond important entre 1996 et 2002 en passant de trois points de pourcentage à plus de 20, sur la base des données en dollars constants. La situation américaine s’avère pratiquement semblable hormis une progression moins rapide de l’écart entre 1996 et 2002. Il semble donc que les abattoirs se retrouvent, par rapport aux détaillants en alimentation, dans une position semblable à celle des producteurs. Les gains de productivité et d’efficacité qu’ils réalisent pour demeurer compétitifs profitent en grande partie aux agents économiques situés en aval de la chaîne.

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Figure 3.17 Marge de la distribution calculée sur la base de la différence entre l’indice des prix à la consommation et l’indice du prix de gros du poulet entier (indice 100 = 1981),

États-Unis et Canada, 1981 à 2002

monnaies nationales constantes

-10

-5

0

5

10

15

20

25

1981

1983

1985

1987

1989

1991

1993

1995

1997

1999

2001

Canada États-Unis

monnaies nationales courantes

-10

0

10

20

30

40

50

1981

1983

1985

1987

1989

1991

1993

1995

1997

1999

2001

Canada États-Unis

Sources : Agriculture Canada, Statistique Canada, BLS et nos calculs.

Tout en gardant à l’esprit les invitations à la prudence concernant les prix à la ferme provenant des États-Unis, les graphiques de la Figure 3.18 montrent une première note discordante dans notre comparaison de la performance économique de l’industrie du poulet au Canada et aux États-Unis. Selon les données que nous avons recueillies, les prix de gros du poulet ont crû moins rapidement que les prix aux producteurs aux États-Unis alors que le contraire s’est produit au Canada. Une plus faible demande pour le poulet entier aux États-Unis due à une plus grande popularité des découpes et des produits transformés qu’au Canada pourrait expliquer cette différence : le poulet entier serait ainsi un produit de plus faible valeur. Dans un cas comme dans l’autre, l’avantage dont dispose une des étapes de la chaîne aux dépens de l’autre montre une stabilité certaine car cet avantage ne dépasse

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jamais les 10 points de pourcentage lorsque ramenés en monnaies constantes et se maintient à 5 points de pourcentage depuis plusieurs années.

Figure 3.18 Marge de la transformation calculée sur la base de la différence entre l’indice du prix

de gros du poulet entier et l’indice de prix à la production (indice 100=1981), Canada et États-Unis, 1981 à 2002

monnaies nationales constantes

-15

-10

-5

0

5

10

15

1981

1983

1985

1987

1989

1991

1993

1995

1997

1999

2001

Canada États-Unis

monnaies nationales courantes

-25-20-15-10-505

101520

1981

1983

1985

1987

1989

1991

1993

1995

1997

1999

2001

Canada États-Unis

Sources : Agriculture Canada, Statistique Canada, BLS et nos calculs.

Nous avons déjà montré à la Figure 3.11 qu’il existe un écart structurel entre le Canada et les États-Unis en ce qui concerne les prix au détail du poulet entier. Un même écart, quoique moins prononcé au cours des années récentes, se retrouve au niveau du prix de gros comme le montre la Figure 3.19.

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Figure 3.19 Prix de gros du poulet entier éviscéré au Canada et aux États-Unis,

1974 à 2002 (en $ Can/kg)

0,5

1,0

1,5

2,0

2,5

3,0

1974

1976

1978

1980

1982

1984

1986

1988

1990

1992

1994

1996

1998

2000

2002

Canada États-Unis

Source : AAC, Statistiques Canada, BLS et nos calculs.

3.2 LE SECTEUR DES ŒUFS

Le secteur des œufs a lui aussi été caractérisé par des gains de productivité rapide mais dans un contexte de consommation stagnante en volume. Il se distingue aussi par la livraison d’un produit unique, l’œuf non transformé avant la vente finale au consommateur. Lorsque l’œuf est vendu transformé, ce n’est plus l’œuf que le consommateur achète mais plutôt un produit fini dont l’œuf n’est qu’un ingrédient. Dans l’état des données disponibles, nous ne sommes pas en mesure d’analyser le cas particulier du marché des œufs transformés et nous devons donc nous en tenir au marché des œufs de consommation à l’état frais. De plus, le manque de données disponibles sur la filière française nous oblige à limiter notre analyse aux trois autres pays.

3.2.1 L’ÉVOLUTION DES PRIX À LA PRODUCTION

La Figure 3.20 met en parallèle l’évolution, en monnaies courantes, du prix reçu par les producteurs d’œufs de consommation en Australie, au Canada et aux États-Unis. Ce graphique montre, comme pour le secteur du poulet, que les systèmes de régulation très différents entre le Canada et les États-Unis ne conduisent pas pour autant à une différenciation systématique de l’évolution des prix des œufs à la production entre ces deux pays. Bien que le prix à la production au Canada montre une appréciation supérieure au prix aux États-Unis pour la plupart des années, ils se retrouvent finalement en fin de période à avoir subi une évolution somme toute peu différenciée.

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Pour la première partie de la période étudiée, soit jusqu’en 1996, les prix payés aux producteurs d’œufs australiens, bien que variables d’une année à l’autre, montraient une évolution à peu près équivalente au prix en vigueur aux États-Unis. Par contre, la mise en place des réformes économiques paraît, encore une fois, avoir eu un impact important sur le niveau des prix. Alors que le prix de 1996 correspondait à 110 % de celui de 1981 en Australie, le prix de 2000 ne comptait plus que pour 80 % du même prix, nettement en deçà de l’évolution observée au Canada et aux États-Unis.

Figure 3.20 Prix à la production des œufs par pays, monnaies nationales courantes,

1981 à 2004 (indice 100 = 1981)

70

80

90

100

110

120

130

140

150

160

1981

1983

1985

1987

1989

1991

1993

1995

1997

1999

2001

2003

Canada États-Unis Australie

Sources : Statistique Canada, USDA NASS, ABARE et nos calculs.

Lorsque les prix aux producteurs sont convertis en monnaies constantes, comme à la Figure 3.21, le graphique fait clairement ressortir une chute particulièrement rapide et soutenue du prix australien. Ce graphique met aussi en évidence que les prix américains et canadiens se comportent habituellement selon une même tendance. En outre, il illustre le fait que le système canadien de régulation du secteur aurait un impact non négligeable sur l’ampleur des fluctuations de prix, les pics et les creux étant plus prononcés du côté américain.

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Groupe AGÉCO 49

Figure 3.21 Prix à la production des œufs par pays, monnaies nationales constantes,

1981 à 2004 (indice 100 = 1981)

20

30

40

50

60

70

80

90

100

110

1981

1982

1983

1984

1985

1986

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

Canada États-Unis Australie

Sources : Statistique Canada, USDA NASS, ABARE et nos calculs.

3.2.2 VOLUMES DE PRODUCTION

La Figure 3.22 permet d’établir que la production d’œufs a augmenté de 12 % au Canada et de 25 % aux États-Unis sur une période de 25 ans. La production au Canada est demeurée stable durant 19 de ces années et ne connaît une poussée soutenue que depuis 1999, ayant connu une hausse de 16 % entre 1999 et 2003. La baisse entre 2003 et 2004 coïncide avec le problème de grippe aviaire qui a sévi en Colombie-Britannique. Les États-Unis présentent un portrait similaire pour la période 1981 à 1991 et ont ensuite connu une phase de croissance relativement rapide qui s’est poursuivie jusqu’en 2004. Pour l’ensemble de la période, la production d’œufs en Australie montre une progression graduelle et se situait à 120 % de la production de 1981. Au total, les courbes de croissance de la production affichent, pour l’ensemble de la période, des évolutions relativement similaires. Les courbes de croissance des trois pays affichent donc, pour l’ensemble de la période, des évolutions similaires. Comme pour le poulet, le volume de production d’œufs dépend fortement du niveau de consommation par habitant dans chaque pays et a peu à voir avec la nature du système de régulation. Ces volumes pourraient d’ailleurs connaître une augmentation appréciable si les consommateurs redonnaient aux œufs la popularité qu’ils avaient au début de la décennie 1970 (Figure 3.23).

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Groupe AGÉCO 50

Figure 3.22 Production d’œufs par pays, indice 100 = 1981

80

100

120

140

1981

1983

1985

1987

1989

1991

1993

1995

1997

1999

2001

2003

Canada États-Unis Australie

Sources : FAO, Statistique Canada, USDA ERS, AECL, INSEE et nos calculs.

3.2.3 LA CONSOMMATION PAR HABITANT

Même s’ils sont maintenant reconnus à titre d’aliment complet dont la consommation modérée n’affecte pas négativement l’état de santé de celui qui en mange, les œufs ont été longtemps associés, à tort, à une hausse du taux du « mauvais » cholestérol sanguin. Dans les pays inclus dans la présente étude, cette « couverture négative » a résulté en une diminution ou, au mieux et grâce à des campagnes éducatives à l’endroit des consommateurs, à une stabilisation de la consommation moyenne annuelle par habitant. La Figure 3.23 présente les statistiques de consommation pour les trois pays et nous avons choisi de retenir les données sur quarante ans afin de donner un meilleur portrait de la situation. On observe d’abord que les habitudes des Américains et des Canadiens sont apparentées : la consommation par habitant y a décliné pendant trois décennies avant de se stabiliser au début des années 1990 et de connaître un certain regain vers la fin de cette même décennie. Cette reprise de la consommation est probablement due, en bonne partie, aux campagnes de publicité vantant les mérites nutritionnels des œufs et leur facilité de préparation. Cet effort promotionnel et éducatif à l’endroit des œufs n’aura par contre pas permis de reprendre le terrain perdu en quarante ans soit près de 70 œufs par habitant, tant au Canada qu’aux États-Unis. Il y a peu à dire sur la situation en Australie outre une diminution très lente de la consommation depuis 1984, diminution qui a été somme toute relativement faible par rapport aux deux autres pays analysés.

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Groupe AGÉCO 51

Figure 3.23 Évolution de la consommation d’œufs par pays,

1960 à 2003 (en oeufs/habitant/année)

50

100

150

200

250

300

350

1960 1966 1972 1978 1984 1990 1996 2002

Canada États-Unis Australie

Sources : Statistique Canada, USDA-ERS, AECL, INSEE.

3.2.4 LES PRIX À LA CONSOMMATION

À la Figure 3.24, qui montre l’évolution du prix au détail des œufs en monnaies courantes on remarque le changement de cap du prix en Australie à partir du moment (1996) où l’on ressent l’effet de la mise en place des réformes et de la déréglementation de l’économie. Auparavant, les prix à la consommation dans les trois pays avaient évolué dans une fourchette relativement similaire et ce n’est qu’à compter de 1996 que le prix à la consommation des œufs en Australie se détache nettement vers le haut par rapport aux prix qui ont cours au Canada et aux États-Unis. En termes réels, des taux d’inflation différents entre les pays conduisent à nuancer l’analyse. En Australie, alors que de 1981 à 1991, le prix réel des œufs avait diminué constamment pour afficher une baisse totale de 42 %, la plus forte des trois pays analysés, à partir de 1995 la tendance s’inverse totalement et la croissance devient significative, malgré une consommation stable. En fin de période, malgré des parcours différents, le prix des œufs à la consommation en termes réels dans les trois pays analysés se trouve à avoir subi sensiblement la même évolution. Finalement, aussi bien en dollars courants qu’en dollars constants, en fin de période, le prix des œufs à la consommation au Canada et aux États-Unis se trouve à avoir subi sensiblement la même évolution. Par contre, la variabilité des prix d’une année à l’autre est plus forte aux États-Unis qu’au Canada.

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Figure 3.24 Évolution des prix à la consommation des œufs par pays,

monnaies nationales courantes, indice 100 = 1981

80

100

120

140

160

180

200

220

240

1981

1983

1985

1987

1989

1991

1993

1995

1997

1999

2001

2003

Canada États-Unis Australie

Source : Statistique Canada, BSL, AECL, INSEE et nos calculs.

Figure 3.25 Évolution des prix à la consommation des œufs par pays,

monnaies nationales constantes, indice 100 = 1981

40

50

60

70

80

90

100

110

1981

1983

1985

1987

1989

1991

1993

1995

1997

1999

2001

2003

Canada États-Unis Australie

Source : Statistique Canada, BSL, AECL, INSEE et nos calculs.

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3.2.5 LA DISTRIBUTION

Quand une denrée agricole comme le poulet connaît une évolution rapide de sa présentation aux consommateurs qui implique le développement d’une grande variété de produits transformés, il est normal qu’un écart se creuse entre l’évolution du prix à la production et l’évolution du prix à la consommation. Le produit final que les détaillants offrent aux consommateurs est moins proche de sa forme initiale qu’il ne l’était auparavant et demande un apport supplémentaire en main-d’œuvre et en traitement ainsi que l’introduction de nouvelles technologies.

Figure 3.26 Évolution de la marge agrégée de la distribution des œufs sur la base de la différence

entre l’indice des prix à la consommation et l’indice des prix à la production des œufs, par pays, 1981 à 2003 (indice 100 = 1981)

monnaies nationales constantes

-10

0

10

2030

40

50

60

1981

1983

1985

1987

1989

1991

1993

1995

1997

1999

2001

2003

Canada États-Unis Australie

monnaies nationales courantes

-30

0

30

60

90

120

150

1981

1983

1985

1987

1989

1991

1993

1995

1997

1999

2001

2003

Canada États-Unis Australie

Sources : Statistique Canada, USDA-NASS, BSL, ABARE, AECL et nos calculs.

À l’opposé, la grande majorité des œufs que les détaillants en alimentation vendent le sont entiers et frais et ne subissent aucun traitement autre que la réfrigération. En toute logique, les marges de la distribution dans le secteur des œufs ont augmenté nettement

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moins au Canada (cf. Figure 3.26) que celles agrégées de la transformation et de la distribution dans la filière du poulet, respectivement de moins de 10 points d’indice contre plus de 30 en fin de période en termes réels. Par contre, le portrait n’est pas aussi net aux États-Unis alors que jusqu’en 2001, les niveaux de marge du poulet et des œufs sont très similaires. Quant à l’Australie, les résultats sont contraires à ce qui était attendu, les marges de la distribution dans le secteur des œufs ayant augmenté de façon particulièrement significative depuis 1995. Le secteur de la distribution semble donc avoir pu y bénéficier de façon marquée de la dérégulation de la filière des œufs qui a provoqué une baisse des prix à la ferme et permis une hausse accélérée des prix à la consommation. Finalement, la comparaison de l’évolution de la marge de la distribution des œufs entre les trois pays permet de constater que c’est au Canada que cette marge a le moins augmenté sur l’ensemble de la période alors que c’est en Australie qu’elle a le plus augmenté. Les États-Unis se retrouvent en position intermédiaire.

3.3 LES ENJEUX COMMERCIAUX

Nous avons vu précédemment qu’il existe un écart structurel entre le Canada et les États-Unis en ce qui concerne les prix au détail et les prix de gros du poulet entier. L’analyse de l’évolution de cet écart, surtout au niveau des prix de gros, peut être particulièrement importante dans un contexte d’ouverture éventuelle des marchés du poulet entre ces deux pays. En effet, les tarifs s’appliquant aux importations de viande de poulet au Canada se situent toujours à des niveaux (~240 %) qui restreignent les possibilités d’entrée de volumes supplémentaires. Par contre, les discussions en cours dans le cycle de négociation de Doha de l’OMC questionnent le maintien de tarifs à des niveaux si élevés. À première vue, l’écart relativement restreint entre les prix de gros des deux pays montré à la Figure 3.19 pourrait laisser à penser que le secteur du poulet au Canada serait en mesure d’absorber une baisse de tarif importante sans voir pour autant le marché canadien inondé de poulets américains. En fait, il est risqué de conclure en ce sens à la seule observation des prix de gros du poulet entier. Pour pouvoir pousser l’analyse, il faudrait disposer de l’évolution des prix de gros des différentes découpes et produits du poulet, le marché du poulet entier n’étant pas représentatif de la consommation nationale, aussi bien au Canada qu’aux États-Unis. Le Canada est déjà un importateur de viande de poulet, comme le montre la Figure 3.27. Conformément à ses engagements antérieurs en matière de commerce avec les États-Unis, le Canada importe statutairement l’équivalent de 7,5 % de sa production annuelle de l’année précédente, et ce à un très faible tarif. Et même plus, au cours de l’année 2004 et des sept premiers mois de l’année 2005, le Canada a importé respectivement pour 1,4 et 3,6 millions de $ de produits du poulet au-delà de ses contingents tarifaires, c’est donc dire à plein tarif (Statistique Canada). Il ne s’agit pas de volumes importants d’importation en regard de la production totale de poulet au Canada mais cela représente tout de même une indication de la limite de la protection aux frontières dont bénéficie le système de gestion de l’offre. Ces importations provenaient principalement des États-Unis mais en 2005 le Brésil est aussi devenu un fournisseur non négligeable avec un peu plus du quart de la valeur de ce commerce.

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Figure 3.27 Importations de viande de poulet du Canada, 1981 à 2003 (en ‘000 tonnes)

0

20

40

60

80

100

120

1981

1983

1985

1987

1989

1991

1993

1995

1997

1999

2001

2003

Source : Statistique Canada.

Une telle situation est le reflet de la position de plus en plus dominante qu’occupe le Brésil sur le marché international du poulet. La production de poulet y a été en progression accélérée, appuyée par des coûts de production très compétitifs ce qui lui a permis d’afficher une croissance rapide de sa présence sur les marchés internationaux. En 2004, le Brésil est devenu le principal exportateur de poulet au monde reléguant les Américains à la deuxième place (cf. Figure 3.28).

Figure 3.28 Exportations de viande de poulet des États-Unis et du Brésil,

1981 à 2004 (en ‘000 tonnes)

-

500

1 000

1 500

2 000

2 500

3 000

1981

1983

1985

1987

1989

1991

1993

1995

1997

1999

2001

2003

États-Unis Brésil

Source : FAO et USDA FAS.

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Dans ce contexte, la question des tarifs hors contingent revêt donc une grande importance stratégique pour l’industrie canadienne du poulet si elle veut continuer à s’approvisionner sur son propre territoire. Il semble donc que la marge de manœuvre quant à une baisse éventuelle des tarifs à l’importation qui résulterait des négociations multilatérales en cours soit extrêmement mince, voire inexistante, si l’objectif demeure de préserver le système de régulation en place.

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4. LA PERFORMANCE SOCIALE

L’analyse de la performance relative des systèmes de régulation du secteur avicole ne serait pas complète sans la prise en compte de considérations que l’on qualifiera de sociales, soit l’impact possible de la concentration de la production sur les externalités environnementales et la question des relations contractuelles dans les différents modes d’intégration verticale.

4.1 LE SECTEUR DU POULET

Que l’on se place dans une perspective américaine, australienne, canadienne ou française, on peut difficilement critiquer la performance économique du secteur du poulet à griller. La production ainsi que la consommation ont connu une augmentation quasi ininterrompue depuis les trente ou quarante dernières années et on pourrait arguer que, de toutes les industries de la viande, c’est celle du poulet qui a le mieux saisi les opportunités offertes par le changement des habitudes de consommation. En effet, les succès du poulet s’expliquent en grande partie par la place qu’il a réussi à se tailler dans les créneaux des aliments prêts à consommer et de la restauration rapide. De plus, à une époque où les populations des sociétés industrialisées se préoccupent de plus en plus de leur santé et des aliments qu’ils consomment, le poulet, qui est une protéine de qualité contenant peu de gras, est devenu le choix santé des amateurs de produits carnés. D’un autre côté, et d’après la littérature que nous avons relevée, la performance sociale du secteur du poulet semble laisser à désirer dans les pays sans gestion de l’offre. Par performance sociale, on entend ici la place qu’occupe le secteur du poulet à griller dans chacun des pays étudiés et ce, en termes de répartition et de concentration de l’activité ainsi qu’en terme d’évolution des structures de production et de conditions de travail. Comme nous l’avons évoqué, le contraste entre la situation canadienne et celle des autres pays est frappant notamment en ce qui a trait au rôle que jouent les producteurs et à la place qu’ils occupent dans la filière poulet. L’exemple canadien contribue à mettre en lumière la forte concentration du pouvoir de marché aux mains des transformateurs et la situation difficile des producteurs de poulet relativement aux conditions de rémunération. Dans la présente section, nous démontrons que la production canadienne est non seulement mieux répartie sur le territoire mais qu’en plus elle se déroule dans un contexte qui favorise un meilleur équilibre des pouvoirs entre producteurs et transformateurs. On pourra aussi voir que des systèmes semblables, comme ceux des États-Unis et de la France, bénéficient de niveaux de soutien différents de la part de leurs gouvernements respectifs et que l’Australie traverse présentement une période difficile qui présente vraisemblablement des similitudes avec la situation que pourraient vivre les éleveurs canadiens en cas d’abandon du système de gestion de l’offre.

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Les données disponibles pour chacun des pays sont présentées en comparaison directe avec celles des autres pour chacun des critères retenus pour établir la performance sociale du secteur du poulet à griller de chacun des pays.

4.1.1 LA REPARTITION GEOGRAPHIQUE

L’examen des données disponibles sur la répartition de la production de poulet à griller mène au constat que les quatre pays étudiés se classent en deux groupes distincts. Le premier rassemble le Canada et l’Australie qui tous deux présentent une répartition géographique correspondant sensiblement à celle de la population humaine. Les États-Unis et la France ont plutôt opté pour la concentration dans des régions pour lesquelles la production de poulet est devenue une véritable spécialité. Considérant que l’industrie canadienne du poulet à griller doit sa structure actuelle à une série d’initiatives provinciales et considérant l’influence qu’exerce le système de gestion de l’offre, il n’est pas étonnant de constater qu’elle demeure encore présente même dans des provinces peu peuplées. De même, on ne peut se surprendre de voir que ce sont les deux provinces les plus populeuses, soit l’Ontario et le Québec, qui comptent le plus grand nombre de fermes, suivies par la Colombie-Britannique et l’Alberta.

Tableau 4.1 Répartition des fermes productrices de poulet et de la population

au Canada par province en 2003

Province % des fermes % de la

production kg/ferme Population

Ontario 39,5 32,4 273 340 38,7 Québec 25,7 27,9 360 733 23,7 Colombie-Britannique 12,3 15,8 428 409 13,1 Alberta 10,0 8,7 289 371 10,0 Manitoba 4,2 4,1 324 966 3,7 Saskatchewan 3,5 3,3 313 979 3,1 Nouvelle-Écosse 3,0 3,4 369 082 3,0 Nouveau-Brunswick 1,3 2,7 700 556 2,4 Île-du-Prince-Édouard 0,25 0,4 477 571 0,4 Terre-Neuve-Labrador 0,25 1,3 1 796 143 1,6 Total Canada 2 808 fermes 934 403 tonnes Χ = 332 765 31,7 millions

Source : Producteurs de poulet du Canada, Statistiques Canada et nos calculs.

À la lecture des données du Tableau 4.1, on remarque en effet que la répartition des entreprises productrices de poulet correspond presque directement à la répartition des populations humaines au Canada. Comme 65 % des entreprises se trouvent au Québec et en Ontario, on doit conclure à une certaine concentration de la production en admettant toutefois qu’elle est équitable. Ce sont les zones où la demande s’avère la plus forte qui

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profitent des retombées économiques positives et des éventuels désagréments, notamment au plan de l’impact environnemental, induits par la production de poulet. Bien que les données dont nous disposons sur la situation australienne demeurent fragmentaires en comparaison avec les données canadiennes, il est tout de même possible d’établir des parallèles entre le Canada et l’Australie. Ainsi, les secteur du poulet à griller de ces deux pays se préoccupent d’abord de la satisfaction des besoins de leurs marchés internes et se préoccupent peu des marchés étrangers39. Ce sont ensuite ceux au sein desquels les producteurs ont pu, sous différentes formes, s’organiser collectivement. Cette organisation collective est encore bien présente au Canada et même si elle est remise en question en Australie, les effets de l’organisation passée continuent à se faire sentir au niveau de la répartition géographique de la production. Au Tableau 4.2, on remarque qu’en Australie, grand pays peuplé surtout dans sa partie est, 83 % de l’activité d’abattage de l’industrie du poulet à griller se retrouve dans les États de New South Wales, Victoria et Queensland. Ceux-ci accueillent d’ailleurs un peu plus de 80 % des quelques 20 millions d’habitants que comptait l’Australie en 2003.

Tableau 4.2 Répartition de la production de poulet en Australie,

année financière 2003-2004

État Abattage total

‘000 têtes % du total % de la population

New South Wales 149 359 35,5 33,6 Victoria 120 346 28,7 27,7 Queensland 77 472 18,4 19,2

Australie 420 054 100,0 20 millions

Source : Australian Bureau of Statistics 2005.

Selon le Département australien de l’agriculture40, l’industrie de la production et de la transformation de la viande de poulet41 s’est surtout établie à proximité des grands centres urbains. Dans le New South Wales notamment, cette proximité combinée à l’étalement urbain a déjà commencé à créer des problèmes de cohabitation (ACGC). Le Tableau 4.3 présente le nombre de fermes d’élevage de poulet dans les cinq principaux États américains en termes de production de poulet à griller. Selon le US Census Bureau, les cinq États énumérés dans ce tableau ne comptent que pour 9,4 % de la population totale des États-Unis mais accueillent quand même un peu plus de 41 % des élevages. Hormis le Texas, qui totalise environ 6 % des fermes productrices de poulet à griller et 7 % de la population, l’industrie du poulet de chair est proportionnellement peu présente dans les régions densément peuplées comme le Sud-ouest et le Nord-est des États-Unis.

39 Entre 1981 et 2003, les exportations de viande de poulet du Canada et de l’Australie s’élevaient respectivement à 25 et 7 millions de kg comparativement à 381 millions pour la France et 1,2 milliard pour les États-Unis. 40 Department of Agriculture, Fisheries and Forestry. 41 Comme il a déjà été mentionné dans ce texte, le bon fonctionnement de la filière poulet à griller demande une certaine proximité entre les unités de production et les abattoirs.

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Tableau 4.3 Répartition des fermes, de la production de poulet et de la population

pour les cinq principaux États producteurs de poulet aux États-Unis en 2002

État % des fermes % de la production Kg/ferme % de la

population Georgie 8,6 14,6 774 687 3,0 Arkansas 11,0 13,1 542 323 0,9 Alabama 8,1 12,3 687 509 1,6 Mississippi 6,0 9,5 719 639 1,0 Caroline du Nord 7,6 10,5 628 763 2,9 Total États-Unis 32 006 fermes 14 588 973 Χ = 455 820 28,8 millions

Source : USDA, NASS, US Census Bureau et nos calculs.

Le Tableau 4.4 présente des données qui permettent de tracer un portrait de la concentration géographique de l’industrie du poulet à griller en France. Nous avons inclus de l’information sur les exploitations et sur le cheptel à cause de la présence des deux filières distinctes que sont les poulets standard et les poulets label et qui supposent des tailles d’entreprises elles aussi distinctes. On remarque ainsi que les régions de la Bretagne et des Pays de la Loire regroupent 14,2 % des fermes productrices de poulet, comparativement à 10,5 % de la population, mais qu’elles représentaient un fort pourcentage (54 %) des poulets présents sur le territoire français.

Tableau 4.4 Répartition des fermes, de la production de poulet et de la population

pour les principales régions productrices de poulet en France

2000 Abattages en 2003 2000 1999

Région % des

exploitations totales

% du cheptel total

% standard % label Taille

moyenne(1) % de la

population

Bretagne 6,6 31,9 46,4 4,7 4 987 5,0 Pays de la Loire 7,6 22,1 27,4 35,3 2 996 5,5 Aquitaine 13,9 6,7 1,4 23,1 499 5,0 Bourgogne 2,9 5,5 3,2 3,6 1 982 2,8 Rhône Alpes 8,2 5,2 1,8 6,9 659 9,6

Nord-Pas-de-Calais 2,5 4,1 3,0 3,0 1 713 6,8

Centre 4,1 3,9 5,3 3,2 1 001 4,2

Midi-Pyrénées 15,7 3,2 1,5 7,5 209 4,4

Total France 269 538 fermes 129 296 895 têtes 756 174 t 156 902 t Χ = 1 029 60,2 M

(1) Exprimé en nombre moyen de poulets en inventaire sur les entreprises.

Source : AGRESTE, Recensement de l’agriculture, Ministère de l’Agriculture et la Pêche, INSEE et nos calculs.

Il apparaît aisé d’établir un parallèle entre le niveau de concentration géographique de la production de poulet à griller en France et aux États-Unis et l’organisation du secteur dans

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ces deux pays. On observe notamment qu’ils présentent un niveau élevé d’intégration verticale, que les producteurs ne disposent que de peu de moyens pour défendre collectivement leurs intérêts et qu’ils sont parmi les principaux exportateurs de poulet au niveau mondial42. Ainsi, il paraît légitime de se demander si, lorsque laissés à eux-mêmes, les transformateurs de poulet préfèrent procéder à une concentration géographique extrême des activités de production et de transformation du poulet. Le Tableau 4.3 donne aussi un portrait plus précis du niveau de concentration qui caractérise le secteur du poulet à griller aux États-Unis. Les cinq États du Sud-est qui, en 2002, totalisaient plus de 40 % des quelques 32 000 fermes productrices de poulet des États-Unis produisent également 60 % de tout le poulet aux États-Unis. De plus, les entreprises de ces États affichent des tailles moyennes qui surpassent de loin ce qu’on observe pour l’ensemble des États-Unis. On remarque notamment que la taille moyenne des fermes productrices de poulet à griller en Georgie, soit 755 000 kg par ferme, est supérieure de 70 % à la moyenne américaine. Si on ajoute à ce portrait les cinq États suivants43 en terme d’importance des volumes produits, on arrive à la conclusion que le secteur du poulet à griller est l’affaire d’une dizaine d’États d’où proviennent environ 80 % de tous les poulets. En partant du Texas à l’extrême ouest et en allant jusqu’à la Virginie à l’extrême est, ces dix États forment une véritable « chicken belt ». Dans certains de ces États, tels que la Georgie ($ US 3 milliards) et le Mississippi ($ US 1,5 milliards), le secteur de la volaille représente la principale activité économique agricole. En Georgie, la filière poulet à griller, incluant la production et la transformation, comptait pour 44 % de l’économie agroalimentaire de cet État en 2001 (Sambidi 2003). Les Tableau 4.1 et Tableau 4.3 permettent aussi d’établir une comparaison entre les niveaux de production atteints au Canada et ceux des États-Unis. On remarque d’abord que du côté de la production moyenne par ferme, les principales régions productrices du Canada ne peuvent d’aucune façon se comparer à celles de la Georgie. Rappelons que la production moyenne par entreprise y est de près de 800 000 kg alors qu’elle varie entre 270 000 et 430 000 pour l’Ontario, le Québec et la Colombie-Britannique. La comparaison devient encore plus saisissante si l’on considère qu’à elle seule la Georgie a produit 2,1 milliards de kg en 2002 ce qui correspond à un peu plus de deux fois la production totale du Canada. En additionnant le volume de poulet des cinq principaux États américains, on obtient le total de 8,8 milliards de kg soit environ 9,5 fois la production canadienne et ce, dans une région dont l’étendue ne correspond qu’à une fraction du territoire canadien. Un examen attentif du Tableau 4.1 permet aussi de vérifier que, contrairement aux États-Unis, ce sont des régions productrices de moindre importance qui, au Canada, abritent les fermes les plus grandes. Bien qu’elles ne comptent respectivement que pour 1,3 % et 2,7 % des volumes produits au Canada, les fermes des provinces de Terre-Neuve (1,8 million de

42 Selon les données publiées par Agriculture et Agroalimentaire Canada, les États-Unis arrivaient jusqu’à tout récemment au premier rang et la France au quatrième rang. 43 En ordre décroissant : Texas, Kentucky, Delaware, Maryland et Virginie (USDA-NASS).

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kg/ferme) et du Nouveau-Brunswick (700 556 kg/ferme) dépassent de loin, en termes de taille moyenne, celles des zones de production comme la Colombie-Britannique, le Québec ou l’Ontario. On peut penser que, dans certaines provinces, la présence d’un nombre restreint d’aviculteurs, et donc d’acheteurs potentiels de quotas de production, contribue à un accroissement de la concentration de la propriété de ces quotas. La filière française du poulet à griller comportant deux branches distinctes, le Tableau 4.4 en dresse un portrait en deux parties qui permet de vérifier qu’il existe des spécificités régionales fortes et qu’il existe un niveau de concentration élevé même en comparaison avec les États-Unis. Ainsi, les données sur les abattages44 mènent au constat que la Bretagne et les Pays de la Loire se détachent clairement des autres régions en ce qui a trait à la production de poulet standard et représentent environ 74 % de toute la production française. Quant à elle, la filière du poulet label se concentre surtout aux Pays de la Loire et en Aquitaine, ces deux régions comptant pour 58 % du total. C’est d’ailleurs la forte présence de la filière label dans la Loire et dans l’Aquitaine qui explique, tel que l’illustre le Tableau 4.4, que la taille moyenne des entreprises de ces deux régions est nettement inférieure à ce qui est observé en Bretagne. Il est important de préciser que le cahier de charge propre à la production sous label définit la taille maximum des entreprises. Pour l’année 2002, l’ITAVI avance les arguments suivants pour expliquer les différences entre régions.

« La structure de taille des capacités d'élevage est très dépendante de la localisation régionale. Ainsi, pour des régions comme la Bretagne, dont le développement du parc de volailles standard s'est réalisé pour partie par l'augmentation des structures d'élevage, la proportion d'exploitations dans les classes de tailles importantes (au-dessus de 900 m²) est supérieure à la moyenne nationale. Sur 956 exploitations de plus de 3000 m² de bâtiments recensés en France, 436 (soit 45,6 %) se trouvent en Bretagne. En Aquitaine et Midi-Pyrénées, par contre, régions très orientées sur les productions sous label rouge, ce sont respectivement 77 % et 80 % des exploitations qui sont en dessous d'une capacité de 900 m² » (ITAVI 2003).

Les données que nous avons présentées dans les paragraphes précédents semblent démontrer que le mode de régulation du secteur joue un rôle important dans la répartition géographique des activités de production des filières volailles et ce, en autant que nous puissions établir un parallèle entre la situation canadienne et la situation australienne. Nous sommes d’avis qu’au Canada, la présence du système de gestion de l’offre avec contingentement de la production permet de maintenir la production et la transformation de poulet à griller dans des zones d’où elle serait autrement fort probablement absente. Comme l’observe l’ITAVI, les entreprises de transformation qui ont procédé à l’intégration verticale des activités de production ont avantage, d’un point de vue économique, à concentrer l’ensemble de la filière à l’intérieur d’une zone géographiquement limitée. En procédant ainsi elles peuvent notamment tendre vers une « optimisation de l’encadrement

44 Notons que les capacités d’abattage permettent de démontrer les spécificités régionales mais ne constituent pas une représentation parfaite du portrait régional de la production.

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technique et commercial des éleveurs » (ITAVI) et ainsi veiller à une meilleure coordination de l’ensemble de la filière. Bien qu’étant économiquement souhaitable, la concentration des activités de production animale génère habituellement des externalités négatives liées à la qualité de l’environnement. Dans son article sur l’agriculture de la Bretagne, LePuill (2004) évoque les problèmes environnementaux qui découlent de la forte présence des activités d’élevage dans le porc et dans la volaille. Dans cette région de la France, les énormes quantités de déjections animales produites (tant pour le porc que pour la volaille) résultent en la présence, dans les sols et l’eau, de niveau élevé de nitrates. Pour sa part, Nalewajko (2004) a relevé plusieurs des impacts environnementaux négatifs qui résultent de la présence de plusieurs unités de production et de transformation de poulet à griller dans la région de Delmarva au Maryland, un État de la côte Est des États-Unis. Parmi ceux-ci, nous avons retenu les suivants :

• débordement, en cas de fortes pluies, d’ouvrages de rétention de déjections animales et écoulement vers les voies d’eau naturelles;

• pollution diffuse suite à l’épandage de fumier de poulet sur des terres dont la capacité d’absorption est déjà atteinte;

• présence de résidus d’antibiotiques qui favorisent la propagation de pathogènes dommageables pour la faune aquatique;

• détérioration de la qualité de l’eau potable; • présence de nitrates dans les eaux douces et salées qui accélère

l’eutrophisation et favorise le développement d’algues toxiques; • transmission de certaines pathologies du poulet à la faune aviaire de la

Baie de Chesapeake (Nalewajko 2004).

On peut imaginer que des États comme la Georgie, l’Alabama et l’Arkansas où se produit la majorité des volumes de poulet aux États-Unis font face à des problématiques environnementales qui ne sont pas moins sévères qu’au Maryland. On ne peut prétendre que le Canada et l’Australie se trouvent à l’abri des problèmes environnementaux qui accompagnent l’obligation de disposer des déjections animales. Quel que soit le système de régulation en place et quelles que soient les pratiques de l’industrie, il existera toujours des zones de plus fortes concentrations d’activités dans tout secteur agricole. De même, les filières poulet à griller du Canada et de l’Australie n’ont pas à satisfaire la demande de 300 millions et de 60 millions de consommateurs (en n’incluant pas les exportations) comme l’ont à faire celles des États-Unis et de la France. Toutefois, des concentrations de production comme celles observées en France et aux États-Unis ne peuvent qu’accentuer la problématique environnementale. Dans un contexte où les populations des pays industrialisés portent un jugement de plus en plus critique sur les impacts environnementaux de l’activité agricole, la forte concentration géographique de la production de poulet aux États-Unis et en France risque fort, si ce n’est déjà fait, d’être questionnée.

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4.1.2 LA CONCENTRATION DE LA TRANSFORMATION

Selon des données de l’année 2002 (AAC), cinq entreprises, dont trois sont des coopératives, dominent le secteur de l’abattage et de la transformation du poulet alors que leurs usines traitent 55 % de tous les poulets produits au Canada. Par ordre d’importance ces cinq firmes sont Olymel (une filiale de la Coop Fédérée), Lilydale, Maple Leaf Poultry, Exceldor et Maple Lodge Farms. L’industrie de la transformation du poulet au Canada présente deux traits distinctifs, le premier étant le rôle important que les coopératives y jouent (Exceldor est une coopérative et la Coop Fédérée est en partie propriétaire de Olymel) le deuxième étant sa forte régionalisation. Ainsi, Exceldor et la Coopérative Fédérée sont actives au Québec tandis que Lilydale possède ses principales usines en Colombie-Britannique, en Alberta et en Saskatchewan45. Pour leur part, les activités de Maple Leaf Poultry46 et de Maple Lodge Farms se déroulent principalement en Ontario (AAC). Aux États-Unis en 2002, il y avait une quarantaine de firmes qui assuraient, par l’intégration verticale, le contrôle de la production de poulet à griller. Parmi celles-ci, les cinq plus grandes, Tyson Foods, Gold Kist, Pilgrim’s Pride Corporation, ConAgra Poultry et Purdue Farms, avaient la mainmise sur plus de 55 % de la production. En 2003, Pilgrim’s Pride a acquis ConAgra Poultry et est ainsi devenue le deuxième plus important transformateur de poulet aux États-Unis. Poursuivant toujours sa croissance, Tyson a aussi été active et a acheté la 18e firme en importance (Thornton 2004). Pour l’année 2003, le portrait du secteur du poulet à griller aux États-Unis est présenté au Tableau 4.5.

Tableau 4.5 Principales compagnies productrices de poulet aux États-Unis en 2003

Compagnie Abattoirs Millions kg éviscérés sur une

base hebdomadaire Tyson Foods 41 67,7 Pilgrim’s Pride 26 48,2 Gold Kist 11 28,3 Perdue Farms 11 21,9 Wayne Farms LLC 8 13,1

Source : Watt Poultry USA Survey 2004.

Cette nouvelle phase de concentration de l’industrie du poulet à griller laisse toujours Tyson avec une part de 22 % du marché américain tandis que la part de Pilgrim’s Pride passe de 9 % à 16 %. Cette phase s’inscrit d’ailleurs dans une tendance généralisée de consolidation qui a permis à la part de marché des trois premières compagnies productrices de poulet de faire un bond de plus de 12 % entre 1990 et 2003. Les données de cette dernière année montrent que cette part s’établit à 47,7 % comparativement à 35,5 % en 1990 (Thornton 2004).

45 Notons que Lilydale a acquis l’abattoir Les Becs Fins, localisé à Mirabel au Québec, en 2004. 46 Maple Leaf opère aussi un établissement en Alberta et un autre en Nouvelle-Écosse.

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En Australie, les trois plus grandes entreprises productrices de poulet à griller se nomment Inghams Enterprises Pty Ltd, Bartter Enterprises Pty Ltd et Baiada Poultry Pty Limited et elles occupent plus de 80 % du marché du poulet et des produits dérivés du poulet. Comme toutes les entreprises du genre, elles présentent une intégration verticale complète de l’œuf jusqu’à la vente de produits du poulet aux détaillants en alimentation et aux acheteurs institutionnels. Parmi ces trois firmes, Inghams et Bartter se distinguent car elles comptent toutes deux pour environ 70 % de la production de viande de poulet en Australie alors que Baiada représente un autre 10 %. La portion restante revient à une dizaine de transformateurs de taille relativement petite et qui s’attaquent surtout à des créneaux de marché particuliers (poulet biologique ou élevé à l’extérieur par exemple) (ACCC 2005). La filière du poulet à griller favorisant la proximité entre les unités de production et les usines de transformation, il n’est pas étonnant de constater que les régions de fortes productions sont aussi celles où les abattages demeurent les plus importants. Les données de la France ont déjà été présentées au Tableau 4.4 tandis que celles sur l’Australie se retrouvent au Tableau 4.2. Le Tableau 4.6 permet de constater que la part de chaque province canadienne dans les abattages totaux correspond, à quelques dixièmes près, à la place qu’elle occupe du côté de la production. La conclusion est comparable du côté des États-Unis comme on peut le vérifier au Tableau 4.7.

Tableau 4.6 Abattages totaux de poulet au Canada, principales provinces en 2002

Province Total (‘000 kg) % du total Colombie-Britannique 147 089 15,8 Alberta 79 985 8,6 Ontario 306 588 33,0 Québec 253 166 27,3 Canada 928 730 100,0

Source : Agence canadienne d’inspection des aliments et nos calculs.

Tableau 4.7 Abattages totaux aux États-Unis dans les principaux États, 2002

État Total (‘000 kg) % du total Georgie 2 802 127 14,1 Arkansas 2 627 404 13,3 Alabama 2 321 827 11,7 Mississippi 1 768 655 8,9 Caroline du Nord 1 888 081 9,5 États-Unis 19 829 106 100,0

Source : USDA-NASS et nos calculs.

Une telle concentration des activités d’abattage soulève la question de la répartition du pouvoir de marché au sein de la filière du poulet à griller. Il faut cependant noter que

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même si la concentration de l’activité d’abattage est forte partout, la taille des entreprises américaines est telle qu’elle n’a aucune commune mesure avec celle des entreprises au Canada ou en Australie. Ainsi, Tyson Foods avec 22 % du contrôle des activités d’abattage de poulet aux États-Unis contrôle un volume de production trois fois supérieur à la totalité de la production française, trois fois et demie supérieur à la production canadienne ou cinq fois supérieur à la production australienne. La notion de pouvoir de marché prend alors aux États-Unis une toute autre dimension.

4.1.3 LES CONDITIONS DE TRAVAIL EN PRODUCTION AVICOLE AUX ÉTATS-UNIS

Dans des économies de marché comme celles de l’Australie, du Canada, des États-Unis ou de la France, le propriétaire d’une compagnie de petite ou de moyenne taille, un atelier d’usinage de pièces par exemple, a le statut de chef d’entreprise et, à ce titre, dispose du pouvoir de gestion et de décision. Il peut notamment choisir les orientations que prendra son entreprise en fonction de son interprétation des signaux du marché. En contrepartie, il court constamment le risque de prendre de mauvaises décisions ou de voir ses revenus s’effondrer suite à une chute de prix du produit qu’il offre ou suite à une hausse du coût des intrants nécessaires au processus de fabrication. Dans ces mêmes économies de marché, les autorités gouvernementales ont toutes, sans exception, accordé un statut spécial à l’activité agricole. Comme le souligne Gouin (2004), ce statut spécial, cette spécificité économique du secteur agricole, a généralement été reconnu à cause d’une combinaison de caractéristiques économiques qui lui est propre :

• Forte inélasticité de la demande pour les produits agricoles; • Une élasticité-revenu qui s’avère faible pour les produits agricoles; • Des changements technologiques rapides qui poussent constamment l’offre

à la hausse; • Un secteur de production hautement compétitif; • Des actifs et des connaissances spécifiques qui ne peuvent être déployés

vers d’autres secteurs de l’économie.

La reconnaissance de cette spécificité a mené les États à imaginer plusieurs formes d’interventions qui sont aujourd’hui bien documentées. Parmi celles-ci, le soutien des prix ou des revenus et les subventions à l’exportation font partie des principales mesures mises en place par les gouvernements pour protéger les producteurs agricoles contre les fluctuations du marché. Au chapitre des secteurs de production, celui du poulet à griller ne fait pas exception et il a aussi fait l’objet de ce genre de mesures même si elles n’impliquent pas nécessairement l’intervention de l’État. Au Canada, le gouvernement a donné aux aviculteurs le droit d’intervenir dans la mise en marché du produit afin de limiter les fluctuations de prix et de revenu. En France, aux États-Unis et en Australie (malgré la présence des offices de commercialisation à une époque) ce sont les entreprises de transformation de poulet qui,

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par l’intégration verticale, ont conçu un système qui vise aussi à limiter les fluctuations de prix et de revenus. La différence entre les deux approches se situe surtout au niveau du statut dont bénéficie l’aviculteur. Au Canada, la majorité des producteurs de poulet à griller peuvent se dire chef d’entreprise ou gestionnaire car ils disposent de la liberté de faire des choix comme celui du fournisseur d’intrants ou de l’acheteur. En Australie, aux États-Unis et en France, les aviculteurs sont appelés à investir dans l’acquisition d’actifs de production mais ne peuvent, en retour, bénéficier de la liberté à laquelle un entrepreneur s’attend généralement. Même si les contrats de production que ces éleveurs signent constituent un certain gage de stabilité, ils laissent aux intégrateurs la presque totalité du pouvoir de gestion tout en créant un lien d’exclusivité quasi permanent. Un aviculteur français témoigne d’ailleurs ainsi de sa condition : « l'éleveur intégré n'est qu'un moyen de production et de valorisation de l'aliment » (Confédération paysanne). La prochaine section présente donc le combat des éleveurs américains pour obtenir certains droits, les conséquences pour les aviculteurs français des coupures du budget des programmes de restitutions et la réaction des éleveurs australiens face à la dérégulation de leur secteur. Du point de vue de l’éleveur de poulet à griller, on peut aisément porter un jugement sévère à l’endroit des intégrateurs qui semblent parfois avoir bâti leur croissance à l’aide de pratiques abusives. Par contre, et considérant l’augmentation phénoménale qu’a connue la consommation de poulet au cours des 40 dernières années aux États-Unis, on ne peut que conclure à l’efficacité de leur stratégie. Comme le mentionnent Ollinger et autres (1997), la croissance de la taille des entreprises de transformation du poulet leur a donné la capacité de réaliser d’importantes économies d’échelle ainsi que la capacité de répondre adéquatement à une hausse dans la demande d’une variété grandissante de produits à base de poulet. Toutefois, comme nous l’avons vu précédemment, l’efficacité du secteur dans la réponse à la demande croissante peut aussi se faire dans le cadre d’un système de régulation plus réglementé comme celui du Canada. Dans tous les pays étudiés, le poulet fait maintenant quasi systématiquement l’objet d’une transformation et il doit présenter des caractéristiques standardisées qui permettent le traitement rapide des carcasses dans des usines qui se veulent de plus en plus efficaces. Dans un tel système, il est évident que les industriels du poulet se doivent d’assurer un contrôle étroit de l’ensemble du processus afin d’obtenir des oiseaux uniformes. Ces grandes compagnies ont donc rapidement adopté un mode de coordination verticale qui donne aux éleveurs de poulet un statut qui s’éloigne de celui de l’entrepreneur et qui se rapproche plus de celui d’employé. Aux États-Unis, on pourrait croire que le mouvement d’opposition aux pratiques des intégrateurs prend son origine dans la nature de cette relation, patron-employé plutôt que d’entrepreneur à entrepreneur. Bien que les principales zones de production de poulet à griller aux États-Unis soient situées dans quelques États du Sud-est comme la Georgie et l’Alabama et ne se trouvent ainsi qu’à quelques centaines de kilomètres des régions de forte production au Canada, un monde semble les séparer. Un groupe de producteurs ontariens, membres de la National

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Farmers Union (NFU)47, ont pu constater la largeur du gouffre qui les sépare de leurs collègues américains lors d’une conférence livrée par Mary Clouse en février 2005. Madame Clouse est l’ancienne directrice de la division Programme de réforme des contrats en agriculture48 d’une organisation nommée RAFI-USA49. De façon succincte, on peut décrire RAFI-USA comme étant une organisation qui se donne le mandat de protéger le mode de vie rural dans une perspective de développement durable. Le programme de réforme des contrats appuie les producteurs contractuels qui tentent de contrebalancer le pouvoir de marché que détiennent les grands intégrateurs. Venue au Canada pour y parler de poulet et plus précisément de la situation des éleveurs de poulet aux États-Unis, Madame Clouse a fait le commentaire suivant suite à sa présentation et aux échanges avec l’assistance :

« C’était merveilleux d’être présente à une rencontre où des producteurs de volaille étaient invités à venir parler ouvertement des choses qui les préoccupent. J’ai une fois de plus réalisé à quel point les éleveurs de poulet de chez nous étaient craintifs et oppressés ‘au pays des hommes libres et braves’ »50 (RAFI-USA avril 2005).

Il est évident qu’une telle déclaration invite à la prudence et qu’elle peut s’avérer le trop sombre portrait d’une réalité qui, en définitive, ne mérite pas une description aussi teintée de pessimisme. Cette invitation à la prudence étant lancée, notons que l’État de la Georgie a adopté en avril 2004, pour la première fois de son histoire, une loi assurant une certaine protection aux éleveurs de poulet à griller à contrat. Cette loi constitue une première en ce qui a trait à l’introduction de principes qui devraient permettre l’atteinte d’une certaine équité pour les producteurs et ses principales mesures sont les suivantes :

1. « Un éleveur doit obligatoirement avoir l’occasion de réviser, avec l’aide d’un conseiller ou d’un avocat de son choix, un contrat en dehors du lieu d’affaires de l’intégrateur et ce, pour une période d’au moins trois jours;

2. Un éleveur doit avoir le droit d’annuler un contrat de production jusqu’à trois jours après la signature du contrat et ce, sans encourir de pénalité;

3. Les intégrateurs doivent fournir aux éleveurs sous contrats toute information statistique ou donnée utilisée pour déterminer les compensations (autres que de l’information confidentielle);

4. Un éleveur ou n’importe quel représentant de son choix doit pouvoir être présent durant la pesée de la volaille, durant la pesée des moulées livrées par l’intégrateur et doit pouvoir examiner les instruments et mesures utilisés pour déterminer les compensations versées »51 (Klauke 2004).

Alors que la déclaration de Madame Clouse paraissait tantôt extrême, elle se présente sous un autre jour quand on la situe dans le contexte de cette percée historique pour le bénéfice des éleveurs de poulet de la Georgie. Cette même déclaration semble encore plus rattachée à la réalité lorsqu’on apprend que la Georgia Poultry Federation (qui représente

47 Pour plus d’information sur cette organisation, consulter le www.nfu.ca. 48 Contract Agriculture Reform Program. 49 Rural Advancement Foundation International USA à l’adresse www.rafiusa.org. 50 Traduction libre, citation originale à l’Annexe 1. 51 Traduction libre, citation originale à l’Annexe 1.

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les intégrateurs) a continué de s’opposer à la loi et à faire des représentations auprès du gouverneur de l’État même après son adoption par la Chambre des représentants52 et par le Sénat de Georgie (Klauke 2004). On ne peut que conclure que pour obtenir des droits qui n’offrent qu’un minimum de protection, les éleveurs de poulet à griller des États-Unis doivent livrer une rude bataille à ceux qui retiennent leurs services. En ce sens, la situation des producteurs français est quelque peu différente. Ils sont eux aussi engagés dans une formule d’intégration verticale par laquelle ils sont liés aux acheteurs par contrat mais ils disposent, nous l’avons exposé à la section 2.2, de la protection d’un cadre législatif qui définit de façon plus serrée le contenu des contrats d’intégration. Il est aussi intéressant de noter que la situation des producteurs américains de poulet à griller a fait l’objet de quelques articles dans la presse générale. Nous en avons relevé trois (Fesperman et Shatzkin 1999 et Mitchell 2001a et 2001b) qui font état des nombreuses embûches que rencontrent les éleveurs qui, à l’invitation des intégrateurs, empruntent des sommes avoisinant les 500 000 $ US et se retrouvent sans le sou quelques années plus tard. Les perdants de ce système se disent souvent victimes de pratiques douteuses de la part des intégrateurs qui, à leur dire, surestiment parfois les livraisons de moulées, fournissent des lots de poussins dont la majorité présente des problèmes de santé ou prolongent indûment la période d’attente à l’abattoir de manière à ce que les poulets livrés perdent du poids avant la pesée. Ce genre de pratiques contribueraient à réduire leur efficacité en deçà de leur performance réelle et donneraient aux intégrateurs les arguments qui justifient l’annulation de leur contrat. Une analyse des systèmes de régulation du secteur du poulet à griller aux États-Unis, en France et en Australie mène à la conclusion qu’il n’existe pas, dans ces pays, de gestion de l’offre au sens où on l’entend habituellement. En effet, la gestion de l’offre implique notamment qu’une quelconque organisation contrôle le secteur et exerce ainsi une influence directe sur le volume de production et sur les prix, système envers lequel les Américains se montrent généralement réfractaires. Comme il n’existe pas ailleurs d’organisations comparables au Producteurs de Poulet du Canada ou aux offices provinciaux de commercialisation du poulet, on ne peut prétendre que les intervenants de l’industrie du poulet à griller y agissent à l’encontre des principes du libre marché. Cela n’empêche pas pour autant les intervenants fortement concentrés, comme nous l’avons vu précédemment, d’opérer une forme de gestion de l’offre par la gestion des contrats qui les lient aux éleveurs : délais de mise en production, résiliations de contrats, etc. Même s’il n’est pas aisé de documenter de telles pratiques, il semble, selon les apparences, que cette gestion de l’offre pourrait s’exercer aux dépens des éleveurs. Cela dit, il faut faire preuve d’une certaine réserve quant à l’interprétation des conclusions que tirent les journalistes et les groupes de pression à ce sujet. À cet égard, Nalewajko (2004) cite une étude conduite aux États-Unis par le National Contract Poultry Growers Association qui arrivait à la conclusion que l’investissement total des producteurs correspondait à 50 % des sommes investies pour toute la filière. Leurs efforts seraient récompensés par des rendements variant entre 1 % et 3 % comparativement

52 Georgia House of Representatives.

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à des rendements variant entre 0 % et 30 % pour les transformateurs. La même étude souligne que plus de 70 % des éleveurs américains touchent des revenus se situant sous le seuil de la pauvreté. Dans son étude des flux de trésorerie pour un poulailler typique de 20 000 pi2 localisé en Georgie, présentant une performance moyenne et coûtant 140 000 $ US, Cunningham conclut qu’une telle installation génère, pour l’année 2002 sur une base annuelle, la somme de 7 000 $ US de profit.

4.1.4 LES COUTS DE LA RESTRUCTURATION DE LA PRODUCTION AVICOLE EN FRANCE

Dans ce contexte, le cas de l’industrie du poulet à griller en France s’avère intéressant simplement parce que lorsqu’un intégrateur manifeste la volonté de ne plus transiger avec certains éleveurs, ces derniers bénéficient d’une intervention gouvernementale qui permet d’atténuer le choc. Nous avons d’ailleurs déjà expliqué que la France, malgré l’absence de structures organisationnelles centrales comme c’est le cas au Canada, assure, surtout par le biais de la loi d’orientation agricole, à ses éleveurs de poulet une protection supérieure à celle dont bénéficient leurs homologues américains. Malgré cette relative protection, les éleveurs français de poulet à griller peuvent quand même tomber sous le coup des décisions des groupes volaillers visant à abaisser le niveau de production si ces derniers jugent qu’il en va ainsi de leur meilleur intérêt. Au cours des dernières années, certains événements combinés à des modifications à l’environnement concurrentiel ont contribué à la création d’un état de crise qui frappe surtout les aviculteurs bretons et qui a mené à une intervention gouvernementale ciblée. Des quatre secteurs avicoles nationaux comparés dans le cadre de cette étude, celui de la France est le seul qui ait bénéficié d’un programme récurrent d’aide aux exportations connu sous le nom de « restitutions ». Jusqu’en 1995, les restitutions touchaient plusieurs produits élaborés à partir de viande de poulet et permettaient aux entreprises exportatrices de bénéficier d’une aide financière lorsque le prix mondial des produits transigés était inférieur à leur coût de production (Boyer 1999). Ce programme, qui s’applique aux ventes hors communautaire, a notamment permis au poulet français de faire une percée dans les pays du Proche et du Moyen-Orient. Les problèmes de l’industrie française du poulet à griller ont débuté en 1995 alors que l’Union européenne, voulant respecter les règles de l’OMC, a entamé un processus de suppression progressive des restitutions dont bénéficiaient plusieurs produits élaborés à partir de viande de volaille. Depuis 1999, seul le poulet entier congelé bénéficie encore de restitutions (ITAVI 2003). Une grande partie de l’industrie avicole française (surtout bretonne) étant résolument orientée vers les marchés extérieurs, la fin des restitutions a placé cette dernière dans une position difficile par rapport à des concurrents comme le Brésil, les États-Unis et la Thaïlande. En effet, pour l’année 1998, les coûts de production et d’abattage, en dollars américains, de ces pays s’avèrent nettement inférieurs à ceux de la France soit, respectivement 0,88 $/kg, 1,01 $/kg et 1,06 $/kg comparativement à 1,26 $/kg pour l’aviculture française (Perrin 1999). La diminution des restitutions n’affecte la capacité concurrentielle des Français que pour la vente dans les pays tiers (Proche et Moyen-Orient par exemple).

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Dans le cas des ventes dans les pays intracommunautaires comme l’Allemagne et la Grande-Bretagne, c’est en partie l’augmentation de la production intérieure de ces pays qui a réduit considérablement les débouchés pour le poulet français. Il semble en effet se dessiner une tendance lourde sur le marché européen, comme le souligne l’ITAVI, par laquelle les consommateurs, devenus craintifs suite à la crise de la dioxine et de l’ESB, favorisent les produits locaux quand ils achètent du frais :

« La position de la filière avicole française sur le marché intracommunautaire des viandes de volailles, dont elle était encore récemment le premier fournisseur, apparaît ainsi aujourd’hui fragilisée par deux facteurs. Le premier est une tendance à la renationalisation des consommations sur les produits frais (l’indication de l’origine nationale des produits étant souvent un vecteur privilégié de la réassurance des consommateurs en période de crise alimentaire), le second étant une concurrence accrue des produits congelés en provenance des Pays Tiers sur le marché de la matière première destinée à la transformation » (ITAVI 2003).

D’un strict point de vue budgétaire, on peut considérer que les coupures dans le programme des restitutions (dans le poulet et d’autres secteurs) ont atteint leur objectif. « Le montant des restitutions a été divisé par trois depuis 1991 : de 10,2 milliards d'euros en 1993 dans une Europe des Douze, elles sont tombées à 3,4 milliards d'euros en 2001 dans l'Europe des Quinze » (Assemblée nationale 2003). En contrepartie de ce succès, on comprendra aisément que les groupes volaillers français se devaient de réagir relativement à la diminution de la demande. Il planait donc sur les aviculteurs français la menace d’une fermeture de plusieurs poulaillers et ce, dans le but de réduire la surcapacité structurelle de production. Alors qu’aux États-Unis, les éleveurs de poulet à griller ne bénéficient d’aucune assistance quand les intégrateurs mettent fin à leur contrat, l’État français se montre beaucoup plus généreux envers les agriculteurs qui traversent des périodes difficiles. Comme le mentionne Boyer (1999), ce genre de soutien fait partie du champ d’intervention du gouvernement qui accorde des aides transitoires aux agriculteurs en difficulté. Ainsi, en 1999, 7,6 millions d’euros ont été consacrés aux aides à la réduction des capacités de production qui permettent de compenser financièrement les aviculteurs devant cesser leurs activités faute de nouveaux contrats. Ce programme a permis la suppression de 468 000 m2 de bâtiments et le retrait de 426 éleveurs (Dupont 2002). Il est intéressant de noter que ce plan de fermeture a rencontré un succès relatif mais qu’il est arrivé en quelque sorte à contretemps. En effet, la crise de l’ESB a causé, en 2001, une hausse soudaine de la demande de viande de poulet. Les groupes volaillers ont réagi à ce sursaut de la demande en ordonnant la construction de nouveaux poulaillers au moment même ou l’État payait pour la fermeture de bâtiments plus âgés. À la fin de la crise de l’ESB, le regain de confiance des consommateurs à l’égard du bœuf a fait à nouveau ressurgir le problème de surcapacité de production qui a forcé le gouvernement français à mettre un nouveau programme sur pied. Cette fois-ci, le plan vise la fermeture de 1 million de m2 et touche surtout la Bretagne (60 % des superficies) et les Pays de la Loire (14 % des superficies). Pour s’assurer de la pérennité de la mesure, l’État exige cette fois des

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producteurs qu’ils s’engagent à ne plus produire de poulet pour une période de 10 ans. Ces mesures représentent un effort financier additionnel de 6 millions d’euros. Sachant que ce plan de fermeture concerne surtout les bâtiments les plus vieux et les moins performants sur les plans sanitaire, environnemental et technique, on conviendra que les autorités françaises posent un geste qui réduit le malheur des aviculteurs touchés et diminue l’impact négatif des erreurs de planification des groupes volaillers. D’autre part, cette réduction volontaire est importante car elle laisse les éleveurs restants dans une position plus favorable et les soustrait d’une pratique courante (et potentiellement abusive) que les intégrateurs utilisent parfois pour réduire la production. Cette pratique consiste à allonger l’intervalle entre les livraisons de poussins et peut, aux dires d’aviculteurs français, causer la perte, sur une base annuelle, de revenus équivalant à ceux soutirés d’un lot complet de poulets (Dupont 2002). « En cumulant l’augmentation des vides sanitaires avec les retards d’enlèvement des lots de volailles, les intégrateurs nous mettent en contradiction avec tous les critères de bonne gestion » (Le Puill 1999). De toute évidence l’État français, au même titre que les autorités américaines, n’a pas veillé à la mise en place d’un système qui protège les aviculteurs des aléas propres à leur secteur de production. En fait, il s’agit d’une observation qui peut être généralisée selon Ronan et Cox (2003) :

« Au niveau international, l’industrie de la viande de poulet se caractérise par la vitesse du changement, la prédominance des contrats et la position dominante des transformateurs par rapport aux éleveurs qui se combinent pour placer ces derniers dans des conditions difficiles, et parfois fatales, pour leur entreprise et contribuent à la forte présence ‘d’actifs échoués’ »53.

Par contre en France, le gouvernement, en offrant un soutien financier à ceux qui se voient montrer la porte de sortie par les intégrateurs, démontre une sensibilité certaine quant à leur sort. D’autres interventions pourraient d’ailleurs être requises considérant que certains signes, notamment une relative délocalisation de la production, semblent démontrer que la restructuration de l’industrie française du poulet à griller risque de se poursuivre durant un certain temps encore. On associe souvent le terme délocalisation à la perte d’emplois manufacturiers dans les pays occidentaux au profit de pays en voie de développement. Les arguments qu’invoquent habituellement les firmes pour justifier ces déplacements de capacité productive en reviennent à la question d’économie de coûts que ce soit au niveau de la main-d’œuvre, des matières premières ou de la conformité aux réglementations en place. Fortement touché par la baisse des restitutions, le Groupe Doux, premier groupe volailler en France, a transféré une partie de sa capacité de production vers le Brésil à partir de 1995-1996. Considérant que la structure de coûts du Brésil s’avère nettement plus avantageuse que celle de la France (Perrin 1999), Doux est en mesure de continuer à approvisionner le marché des pays du Proche et du Moyen-Orient à partir de ce pays sud-américain.

53 Traduction libre, citation originale à l’Annexe 1.

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Pour mieux comprendre l’impact des décisions d’un acteur important tel que Doux, considérons les faits suivants tels que relatés dans un article tiré du site LCI Live54 (2003). En juin 2002, Doux annonce la fermeture d’un abattoir opérant en Bretagne et employant 300 personnes. Conséquence directe de cette fermeture, Doux envisage de fermer, à partir de mai 2003, un total de 620 000 m2 de poulaillers industriels. Confrontés à cette réalité, près de cinq cents aviculteurs (dont 400 en Bretagne) ont déposé un dossier de cessation d’activités à la fin d’avril 2003 et ce, afin de pouvoir bénéficier du soutien offert par l’État français. Finalement, l’État français se trouve à absorber une partie du coût de délocalisation d’une entreprise industrielle qui maintiendra son chiffre d’affaires et le fera ailleurs que sur le territoire français. Ce genre de comportement d’une entreprise comme Doux aide également à mieux comprendre pourquoi les transformateurs de poulet préfèrent la formule du contrat de production à celle de la propriété des poulaillers. En cas de réduction de la demande et de baisse subséquente de l’offre ou de modification à l’environnement concurrentiel, ils n’ont pas à assumer les coûts d’un arrêt (temporaire ou permanent) des activités de certaines unités de production.

4.1.5 LA PRODUCTION AVICOLE AUSTRALIENNE A L’HEURE DE LA DEREGLEMENTATION

De tous les pays producteurs de poulet à griller retenus pour cette étude, le cas de l’Australie représente vraisemblablement le plus intéressant si l’on adopte une perspective canadienne. En effet, seuls les Australiens ont mis sur pied des offices de commercialisation (SMA)55 comparables à ceux du Canada et qu’ils ont choisi d’abolir par la suite. Il est intéressant de noter que c’est sous la pression de politiques gouvernementales qui reprennent plusieurs des arguments traditionnels des opposants à la gestion de l’offre que ces offices ont été démantelés. Par ailleurs, ce court passage, tiré d’un rapport produit par la Productivity Commission du Parlement australien démontre que les autorités admettent que les SMA peuvent avoir des effets bénéfiques sur un secteur.

« Les instruments utilisés par les offices de commercialisation, tels que l’acquisition de produits ainsi que le contrôle de la production et des prix, affectent le mode de production, de transformation, d’usage et de consommation des produits agricoles. En exerçant une influence sur la production, la structure d’une industrie et sur les prix – parfois au niveau de la chaîne au complet de la ferme jusqu’aux grossistes et aux détaillants – les offices de commercialisation peuvent mener à des pertes ou à des gains significatifs en termes d’efficacité ou d’allocation »56 (Productivity Commission).

Même s’il reconnaissait que les SMA pouvaient présenter des avantages, l’État australien a malgré tout exigé le démantèlement des offices de commercialisation dans le cadre de sa National Competition Policy (NCP). Pour justifier cette décision, la Productivity Commission invoque notamment que l’organisation de la production constitue un frein à l’innovation,

54 Consultation à l’adresse www.lci.fr. 55 Statutory Marketing Authorities. 56 Traduction libre, citation originale à l’Annexe 1.

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protège les producteurs les moins efficaces, qui volent ainsi des parts de marché aux plus efficaces, et génère, pour les consommateurs (et pour la société en général), des pertes qui s’avèrent bien supérieures aux gains que peuvent en soutirer les producteurs. À ce titre, la Commission convient que l’abolition des offices de commercialisation peut s’avérer néfaste pour certains producteurs et même pour certaines régions mais conclut tout de même que les gains pour la société en général compenseront largement pour ces pertes. L’idée du démantèlement étant acquise et les nombreux désavantages attribués aux offices de commercialisation ayant été affirmés mais pas prouvés, rappelons que nous avons réfuté la plupart de ces arguments dans la section 3 du présent document, c’est la suite des événements qui laisse perplexe. Elle fait surtout transparaître que le gouvernement australien maintient, à l’endroit du secteur du poulet à griller, une position ambivalente qui a mené à la création d’iniquité et qui, aux yeux des organisations représentant les producteurs, contribue à démonter certains des principaux arguments qui se trouvent à la base de l’action du gouvernement. Même s’il est trop tôt pour porter un jugement définitif sur les impacts de l’abandon de la régulation tel que l’exerçaient les SMA, il semble que l’État australien ait agi précipitamment dans le cas du secteur du poulet à griller. De manière générale, la position des éleveurs s’avère particulièrement fragile et les expose à des comportements abusifs de la part des intégrateurs.

« C’est un marché où les éleveurs fournissent des bâtiments coûteux à usage très spécialisé pour lesquels il n’existe aucune autre utilisation possible et où ils ne peuvent souvent transiger qu’avec un acheteur unique. Nous sommes en présence d’un monopsone régional. Il s’agit d’un marché où l’échec de marché, sous la forme d’abus de pouvoir, peut se produire et s’observe »57 (Ronan et Cox 2003).

Cette citation permet de constater qu’il existe des similitudes entre la situation des éleveurs de poulet à griller australiens et celles de leurs collègues américains. À l’opposé du gouvernement des États-Unis, qui semble n’offrir qu’un soutien timide aux producteurs de poulet, le gouvernement de l’Australie a ouvert la porte à de nouvelles formes d’organisation pour les producteurs. Ces formes organisationnelles viennent, d’une certaine façon, prendre la place que les « marketing authorities » occupaient auparavant. Il a d’abord reconnu que le statut des éleveurs de poulet, qui sont essentiellement des contractants, ne peut, par exemple, se comparer à celui des producteurs de lait. Ceux-ci demeurent en effet propriétaires de l’ensemble des moyens de production et assurent le contrôle de l’ensemble des étapes se déroulant à la ferme (Productivity Commission 1999). Ronan et Cox (2003) se permettent d’aller plus loin et arguent que la teneur des contrats de production confère aux éleveurs un statut équivalent à celui d’employés. Les éleveurs de poulet de plusieurs États australiens ont donc obtenu du gouvernement central, par le biais de l’ACCC, la permission de mener des négociations collectives de façon à contrebalancer le pouvoir que les intégrateurs détiennent. Même si ces groupes de négociations collectives vont à l’encontre des principes de la NCP, l’ACCC les tolère d’abord parce qu’ils offrent une clause de sortie aux producteurs qui pensent obtenir de meilleures conditions en négociant seuls. On observe ensuite que l’ACCC juge que « la

57 Traduction libre, citation originale à l’Annexe 1.

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sanction d’un arrangement intérimaire apporte des gains à la société considérant qu’une dérégulation complète ne pourrait se réaliser sans que les éleveurs ne bénéficient d’une quelconque protection durant la phase transitoire »58 (Productivity Commission 1999). En donnant l’occasion aux éleveurs de poulet à griller de mieux se positionner dans leur négociation avec les intégrateurs, l’ACCC considère donc qu’elle trace la voie à une dérégulation complète et à la fin de toutes formes d’intervention étatiques. Notons que la mise en place d’un processus collectif s’est révélée, aux yeux des producteurs, peu efficace quant à l’obtention d’un plus grand pouvoir de négociation. Les intégrateurs persistaient à présenter des formules de rémunération du genre « à prendre ou à laisser ». L’ACCC a corrigé la situation en exigeant que les négociations soient soumises à un processus d’arbitrage et de médiation (Productivity Commission 1999). Dans un document soumis à la Productivity Commission en juin 2004 (ACGC 2004), les producteurs de poulet à griller tracent un sombre portrait de leur industrie. Ils dénoncent d’abord les conditions de travail des éleveurs, qui ne peuvent compter que sur des contrats d’une durée de cinq ans alors qu’on leur demande d’acquérir des bâtiments et des équipements qu’ils doivent ensuite financer sur une vingtaine d’années. Ils mentionnent également que dans les États où les groupes de négociation collective disposent de peu de pouvoirs relativement aux autres, les éleveurs hésitent à investir, et les banquiers à prêter, de nouvelles sommes dans leurs entreprises freinant ainsi l’innovation. Dans ce même document, l’ACGC (2004) met également en lumière le contrôle quasi absolu qu’exercent les intégrateurs qui ont le pouvoir d’autoriser la construction de nouveaux poulaillers et de ne pas renouveler par la suite les contrats qu’ils avaient avec des éleveurs. Ces intégrateurs exerceraient donc une forme de gestion de l’offre en tout point semblable aux intégrateurs qui sont actifs aux États-Unis ou en France. En plus de n’avoir reçu aucun soutien gouvernemental suite au démantèlement des offices de commercialisation, les éleveurs de poulet à griller se retrouvent maintenant à œuvrer dans un secteur qui présente des modes d’organisation variables d’un État à l’autre. Cette variété rend pratiquement impossible l’harmonisation de l’industrie au niveau national et créerait effectivement des barrières au commerce entre États; l’ACGC illustre ce phénomène en utilisant le terme « silo ». De plus, le soutien général de l’État australien à l’égard du secteur de la production de poulet à griller serait déficient aux dires de la National Farmers’ Federation.

« Par exemple, alors que ABARE59 ne produit qu’une quantité minime d’information, il n’y a pas d’information de marché disponible pour les producteurs qui les renseignerait sur les besoins futurs des consommateurs, les projets des transformateurs relativement à la relocalisation des usines, les importations ou les avancées technologiques pour les poulaillers. Au lieu de cela, les transformateurs exigent des éleveurs qu’ils améliorent leurs poulaillers et augmentent la taille de leurs fermes sans que ces derniers en sachent suffisamment pour prendre des décisions éclairées quant à leur avenir »60 (Potter 2003).

58 Traduction libre, citation originale à l’Annexe 1. 59 Australian Bureau of Agricultural and Resource Economics. 60 Traduction libre, citation originale à l’Annexe 1.

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Du côté des revenus soutirés de leurs exploitations, il semble que la situation des éleveurs de poulet à griller intégrés ne soit guère reluisante. Potter (2003) évoque le cas typique d’un éleveur australien qui doit assurer le financement de trois à quatre poulaillers coûtant chacun entre 320 000 $ et 450 000 $. Les éleveurs prennent généralement une vingtaine d’années pour rembourser le prêt initial et les améliorations qu’ils devront apporter aux bâtiments durant leur vie utile. Potter (2003) mentionne également que les prix payés aux producteurs correspondent à environ 6 % du prix au détail alors que leurs investissements équivalent à 40 % du total de la filière.

4.2 LE SECTEUR DES ŒUFS

Dans le secteur du poulet, il a été relativement aisé de documenter l’impact social du système de régulation en place. Les agriculteurs de pays industrialisés et démocratiques comme l’Australie, le Canada et les États-Unis sont habituellement appuyés par des organisations qui sont capables de faire entendre leurs voix dans les cas où ils s’estiment lésés. Ainsi, nous avons pu relever des écrits qui montrent que les aviculteurs américains, australiens et français expriment plusieurs doléances relativement au mode d’organisation dominant (le contrat de production) de leur secteur d’activité. À l’opposé, il s’est avéré beaucoup plus ardu de dénicher suffisamment de littérature pour documenter de manière satisfaisante les aspects sociaux pour le secteur des œufs. Cela pourrait indiquer que, de manière générale, les producteurs d’œufs de l’Australie ou des États-Unis n’ont pas autant de doléances à exprimer que leurs collègues du secteur du poulet. Il est possible que cette situation trouve son origine dans la participation active des producteurs d’œufs aux étapes suivant celle de la production. Le taux d’intégration verticale de ce secteur est encore plus élevé que dans celui du poulet à la différence que les producteurs constituent les initiateurs de ce mode d’organisation. Ils contrôlent donc les étapes de classification, d’emballage et de distribution qui succèdent la production. Ainsi, ils établissent des contacts directs avec les distributeurs de leurs produits et constituent, à l’évidence, des acteurs de premier plan dans le processus de prise de décision qui mène à la définition des orientations du secteur. Cette situation demeure exceptionnelle pour un produit agricole d’origine animale, l’œuf représentant le seul qui peut passer de la ferme à la table sans subir de traitement qui en modifie la nature ou la composition61. Par conséquent, la présence d’intermédiaires qui prendraient en charge les étapes d’une quelconque transformation devient inutile, ce qui laisse le champ libre aux producteurs. D’une certaine manière, et suite à un processus qui s’est déroulé « naturellement » et sans intervention extérieure, les producteurs d’œufs ont appliqué la formule qui fait la distinction du système canadien de gestion de l’offre : la mise en place d’un mécanisme qui garde une place significative aux producteurs. En Australie, tel que nous l’avons déjà

61 Le lait de consommation se trouve sensiblement dans le même cas mais il est de pratique courante de faire transiter ce produit par une usine de transformation qui permet de l’homogénéiser et de le pasteuriser avant sa vente finale au consommateur.

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décrit, les producteurs ont créé les offices de commercialisation dès les années 1920 parce que la nature du produit permet de réduire le nombre d’intervenants au sein de la filière. Ceci étant dit, il demeure pertinent de vérifier si, dans le cas de la production et de la mise en marché des œufs de consommation, la présence de la gestion de l’offre avec contingentement exerce une influence significative. Le peu d’information dont nous disposons limite la portée de notre analyse à celle de la répartition des activités sur le territoire. Le Tableau 4.8 présente le portrait de la répartition de la production d’œufs de consommation au Canada. De manière générale, les données de ce tableau permettent de tirer les mêmes conclusions que dans le cas du poulet, la place qu’occupe chaque province étant un reflet assez fidèle de la proportion de la population canadienne sur son territoire.

Tableau 4.8 Répartition de la production d’œufs de consommation

par province au Canada, 2003

Province % production % population Ontario 38,4 38,7 Québec 17,0 23,7 Manitoba 14,9 3,7 Colombie-Britannique 11,0 13,1 Alberta 7,0 10,0 Saskatchewan 4,0 3,7 Nouvelle-Écosse 3,5 3,0 Nouveau-Brunswick 2,0 2,4 Terre-Neuve 1,6 0,4 Île-du-Prince-Édouard 0,6 1,6 Canada 6 milliards d’oeufs 31,7 millions

Source : Statistique Canada et nos calculs.

On remarque tout de même qu’avec près de 15 % des œufs de consommation produits au Canada, le Manitoba occupe une place disproportionnée relativement à sa population qui ne compte que pour 3,7 % de celle du Canada. Le Québec se distingue également à cet égard, son 17 % du volume total produit étant significativement inférieur à la proportion (23,7 %) des habitants sur son territoire. On peut évidemment parler de concentration dans le cas de la production d’œufs de consommation au Canada considérant que les deux principales provinces représentent 55,4 % des volumes totaux. Ces proportions ne font par contre que refléter leur poids relativement aux populations qu’elles abritent. Lorsqu’on étudie la situation de la production d’œufs de consommation aux États-Unis on arrive au constat que, comme dans le cas du poulet, un faible nombre d’États regroupent une part majeure de l’activité. Les six États énumérés dans le Tableau 4.9 comptent en effet pour près de 54 % des quelques 75 milliards d’œufs qu’ont produits les États-Unis en 2003.

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Tableau 4.9 Répartition de la production d’œufs de consommation,

principaux États producteurs, États-Unis, 2003

État % production % population Iowa1 13,9 1,0 Ohio1 10,6 3,9 Pennsylvanie 8,8 4,3 Indiana 7,9 2,1 Californie1 7,1 12,2 Texas1 5,2 7,6 États-Unis 74,6 milliards 290 788 976

(1) Estimations. Dans ces États, le faible nombre de producteurs empêche le dévoilement des statistiques de production.

Sources : Bell (2004), US Census Bureau et nos calculs.

Deux particularités du secteur des œufs de consommation le différencient du secteur du poulet à griller. La première est la présence de deux États fortement peuplés (la Californie et le Texas) parmi les principaux producteurs. La deuxième est la proximité entre les quatre premiers États et des zones où l’on retrouve une forte densité de population. Ce rapprochement entre la répartition de la production et des populations confirme qu’il est préférable que les œufs frais soient produits près de ceux qui les consomment. Ainsi, on peut penser que la très grande majorité des œufs que produisent la Californie et le Texas sont destinés aux habitants de ces États. La position de l’Iowa, de l’Ohio, de la Pennsylvanie et de l’Indiana est évidemment autre, ils regroupent 41 % de la production par rapport à 11,3 % de la population étasunienne. Par contre, de par leur position dans le nord et dans le centre du territoire américain, ces États peuvent desservir aisément le Nord-est des États-Unis (New York et le New Jersey regroupent près de 10 % de la population) ainsi que les États comme le Michigan (3,5 %) et l’Illinois (4,3 %) qui ceinturent les Grands-Lacs. Les données du Tableau 4.10 révèlent que l’Australie abrite 12,9 millions de pondeuses destinées à la production d’œufs de consommation. Elles révèlent également que leur distribution sur le territoire ressemble en tout point à celle de la production de poulet à griller et qu’elle se calque sur celle de la population. New South Wales, Victoria et Queensland demeurent donc les zones majeures de production avec 78 % des volumes totaux. En parallèle, ces trois régions accueillent près de 80 % de tous les Australiens.

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Tableau 4.10 Répartition du cheptel de poules pondeuses

en Australie par État, au 30 juin 2003.

État % pondeuses % population New South Wales 29,8 35,3 Victoria 23,6 24,7 Queensland 24,3 19,0 South Australia 7,7 7,7 Western Australia 11,3 9,8 Tasmania 2,4 2,4 Northern Territories 0,9 1,0 Australie 12,9 millions 20 millions

Source : AECL et nos calculs.

Ainsi, la distribution géographique de la production d’œufs correspond dans les trois pays à la répartition de la population. D’autres facteurs que le système de régulation semblent donc en cause. Notamment, la nature de l’œuf pourrait constituer un facteur déterminant dans la localisation de sa production. En plus d’être consommé dans son état naturel, l’œuf s’avère particulièrement fragile. Afin de préserver sa fraîcheur et de garantir son intégrité jusqu’au moment de l’achat par le consommateur, la proximité entre le lieu de production et le lieu de consommation revêt donc une grande importance. Cette proximité permet de diminuer le risque de dégradation lié au transport sur de longues distances. De plus, même pour la consommation des œufs comme ingrédient dans des produits transformés (gâteaux, biscuits, pâtisseries, etc.), les usines de transformation alimentaire se construisent et opèrent dans les grands centres urbains ou près de ceux-ci. En conséquence, la localisation des activités de production à proximité permet de minimiser les coûts de transport de l’œuf en tant que matière première. Cette question de minimisation des coûts de transport dans des pays aux immenses superficies comme l’Australie, le Canada et les États-Unis pourrait aussi jouer un rôle majeur dans la détermination de cette répartition de la production. À titre de contre exemple, la production d’œufs de consommation reste fortement régionalisée en France. Selon l’ITAVI (2004), la Bretagne représente encore plus du tiers de l’activité de ce secteur. Selon notre interprétation, la densité de la population en France fait en sorte que les distances à parcourir de la Bretagne vers les zones plus peuplées comme la région parisienne sont relativement courtes ce qui permet de maintenir ce niveau élevé de concentration. On ne peut donc conclure que le système de régulation du secteur des œufs de consommation exerce une influence déterminante sur la localisation des unités de production. La nature du produit et l’étendue géographique d’un pays représenteraient également des variables décisionnelles de premier plan.

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5. CONCLUSION

Qu’il soit américain, australien ou français, le producteur de poulet œuvre à l’intérieur d’un système qui, en évoluant, ne lui a réservé qu’un rôle de figurant. Bien que minime, son rôle est clair et important : produire toujours plus de poulet en utilisant le moins de moulée possible et en réduisant à un minimum la mortalité dans chaque lot produit. Dans cette quête incessante d’une meilleure efficacité, les contrats de production et l’intégration verticale sont les systèmes dominants en ce qui a trait à l’organisation de la production et de la mise en marché des poulets vivants destinés à l’abattage et dont les transformateurs sont les maîtres d’œuvre. Dans le secteur des œufs de consommation, la situation des producteurs est généralement meilleure, la phase d’intégration verticale qu’a connue l’industrie découlant surtout d’une démarche entreprise par les producteurs. Au début des années 1970, la majorité des producteurs de poulet aux États-Unis et dans plusieurs grands pays producteurs avait presque entièrement perdu le contrôle des orientations prises par leur secteur. À la même époque, les producteurs canadiens de volailles et d’œufs ont plutôt choisi une autre voie qui leur assurait de conserver une plus grande mainmise sur leur avenir. Ainsi, en optant pour une organisation de la production et de la mise en marché des poulets vivants et des œufs par la gestion de l’offre avec contingentement, le Canada se retrouve dans une position unique. En agissant ainsi, en maintenant en place un système qui se distingue, on peut se demander si le Canada ne se condamne pas à présenter une performance qui souffrirait d’une comparaison avec celle des autres pays. On peut aussi se demander si en donnant une place plus grande aux producteurs, le système canadien n’a pas mis en péril la performance générale des industries des œufs et du poulet. En s’appuyant sur notre analyse comparative de la performance économique et sociale des secteurs canadiens du poulet et des œufs de consommation, notre réponse à ces deux questions est un simple non. Que l’on se base sur des indicateurs économiques ou sur l’évaluation des impacts sociaux du mode d’organisation, nous arrivons au constat que le Canada performe aussi bien, et parfois mieux, que l’Australie, les États-Unis et la France. En fait, notre analyse permet d’affirmer que dans le cas du poulet c’est la progression de la consommation, plus que la nature du système de régulation, qui s’avère le facteur le plus déterminant dans l’atteinte d’une bonne performance. À ce titre, le secteur canadien du poulet montre qu’il a su, au même titre que celui des États-Unis par exemple, profiter des occasions de marché et faire de la viande de poulet celle qui est la plus consommée. Loin de nuire à cette poussée, les producteurs canadiens de poulet ont démontré leur capacité à appuyer les efforts de l’industrie de la transformation. Les gains qu’ils ont réalisés en termes d’efficacité de la production ont permis à l’industrie de développer une gamme de produits de plus en plus variée qui a permis de déplacer le bœuf à titre de viande la plus populaire. Que l’on mette en parallèle l’évolution des prix payés aux producteurs ou des prix à la consommation, l’industrie canadienne de la volaille suit des tendances pratiquement similaires à celles de l’industrie américaine. En fait, cette

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similitude découle directement d’une progression comparable de la consommation de viande et semble ne dépendre aucunement du mode d’organisation du secteur. La performance économique du secteur des œufs de consommation diffère de celle du poulet notamment parce que la consommation d’œufs n’a pas connu le même genre de progression que celle du poulet. Les trois pays étudiés se trouvent d’ailleurs dans une phase de relative stabilité de cette consommation depuis le début des années 1980. Alors que le poulet a profité de la préoccupation des populations à l’égard de la santé et des bienfaits d’une saine alimentation, les œufs se sont vu accoler (à tort) une image de produit néfaste pour la santé dont ils doivent maintenant se défaire. Ainsi, l’industrie canadienne des œufs de consommation, au même titre que celle des autres pays, a démontré, à la fin de la décennie 1990, sa capacité à renverser la tendance à la baisse de popularité des œufs. Le système canadien de gestion de l’offre semble de son côté avoir un effet sur les variations de prix à la consommation et de prix à la production. Une comparaison avec les autres pays démontre que les prix suivent des tendances à la baisse similaires mais que les prix au Canada subissent des fluctuations moins prononcées. Une telle comparaison permet aussi d’observer que les réformes économiques entreprises par l’Australie en 1995 résultent en une hausse prononcée des prix payés par les consommateurs et en une diminution plus rapide des prix reçus par les producteurs. L’année 1995 marque généralement une cassure par rapport à la période précédente. C’est au niveau de la performance sociale que le secteur canadien du poulet se distance de celui des autres pays. Les unités de production y sont mieux réparties sur le territoire, tout comme en Australie d’ailleurs, ce qui semble avoir réduit les impacts non souhaitables du secteur sur l’environnement. Le système canadien réserve aussi un meilleur sort à ses producteurs qui sont majoritairement propriétaires de leurs entreprises et sont, de par leur représentation provinciale, de véritables partenaires de l’industrie. En comparaison, les aviculteurs de l’Australie, des États-Unis et de l’Australie assument le risque associé à la propriété d’entreprises tout en ne disposant que d’une faible liberté de gestion. De manière générale, les producteurs de poulet de ces trois pays ne reçoivent pas, de la part des transformateurs, de garantie quant à la durée de leur engagement. Les aviculteurs se retrouvent donc dans la situation où la durée du prêt nécessaire pour financer l’achat des poulaillers dépassent de beaucoup la durée du contrat normal. De plus, les producteurs de l’Australie, des États-Unis et de la France décrient les pratiques de gestion des transformateurs qui, souvent, décident unilatéralement du nombre de poussins à placer ou de la durée de la période tampon entre chaque lot. Il semble également que la décision de ne pas renouveler les contrats représente une façon courante d’éliminer les producteurs ou les bâtiments les moins performants et ce, sans égard aux engagements financiers des producteurs. Cela permet en outre une certaine forme de gestion de l’offre par les entreprises qui pratiquent l’intégration. Il est difficile d’établir un portrait aussi clair de la performance sociale comparée du secteur des œufs à cause du peu d’information disponible à ce sujet. Nous observons toutefois que, de manière générale, ce sont des producteurs qui ont pris en main les phases

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de mise en marché (classification et emballage) suivant la production et en sont donc les propriétaires. Leur situation générale serait donc plus enviable que celle de leurs homologues du poulet. Comparée aux États-Unis, la répartition de la production d’œufs au Canada est mieux répartie sur le territoire et est encore directement reliée au pourcentage de la population canadienne dans chaque province. La forte concentration de l’activité aux États-Unis laisse encore entrevoir plus de problèmes environnementaux. En somme, le système de gestion de l’offre au Canada semble avoir conduit non seulement à une meilleure répartition de la production avicole sur le territoire mais elle se déroule en plus dans un contexte qui favorise un meilleur partage des revenus et des pouvoirs entre producteurs et transformateurs. Si l’on ajoute à ces avantages que nous avons qualifiés de sociaux le fait qu’ils ne soient pas obtenus au détriment des résultats économiques de la filière avicole, on peut ainsi dire que, pris dans son ensemble, le secteur avicole canadien affiche une meilleure performance que celui de l’Australie, des États-Unis et de la France. Malgré la bonne performance générale du secteur canadien de production avicole, il ne faut pas négliger le fait qu’il persiste un écart structurel important entre le Canada et les États-Unis. Outre la plus grande concentration géographique des activités de transformation et de production aux États-Unis, la taille moyenne des entreprises y est nettement plus importante. Dans ce contexte, une plus grande ouverture des marchés pourrait conduire à l’instauration d’une concurrence inégale pour l’industrie avicole canadienne. La question des contingents tarifaires et du niveau des tarifs protégeant le marché canadien d’importations massives revêt donc une grande importance stratégique pour l’industrie avicole canadienne. Il semble que la marge de manœuvre quant à une baisse éventuelle des tarifs à l’importation qui résulterait des négociations multilatérales en cours soit extrêmement mince, voire inexistante, si l’objectif demeure de préserver le système de régulation en place afin de permettre à l’industrie avicole canadienne de continuer à générer une activité économique importante sur l’ensemble du territoire canadien et maintenir ses particularités qui lui confèrent des avantages majeurs notamment en termes d’impact environnemental et du rôle confié aux aviculteurs.

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ANNEXE 1 CITATIONS ORIGINALES

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CITATIONS ORIGINALES

2 “Vertical coordination refers to the synchronization of successive stages of production and marketing, with respect to quantity, quality and timing of product flows” (Martinez 2002).

5 “... five assessments are critical to adopting a specific change in coordination strategy:

(1) Is the current strategy too costly?; (2) Would an alternative strategy reduce the cost?; (3) Is an alternative programmable?; (4) Is an alternative implementable?; (5) Is the risk/return trade off acceptable? If the answers to all five assessments are “yes”, then a change in strategy would be expected to occur (Peterson, Wisocki et Harsh 2001).

11 “Here, Chicks is the number of chicks placed in a flock, Kilocalories is the number of

kilocalories in the integrator-provided ration, and the constants, 12 and 6, serve to weight (or ‘price’) these integrator-provided inputs” (Knoeber et Thompson 1995).

12 “... results in the shifting of price and common production risk from individual growers

to owners of integrator companies” (Knoeber et Thompson 1995). 13 “Vertical integration requires a centralized decision making structure that tightly

controls the operation of its diverse business units. Just as single ownership may not result in vertical integration, multiple ownership does not rule out vertical integration by this definition. For example, does a large poultry processor operation on the specification contract portion of the continuum, or does it exercise sufficient centralized control that it operates a truly vertically integrated system with producers maintaining separate identity in name only? The latter is probably closer to the truth, and thus this large poultry processor can be said to be vertically integrated even in the absence of single ownership” (Peterson, Wysocki and Harsh 2001).

20 “This council is of the opinion that more stability in the marketing of broilers is vitally

necessary and recommends that all State Associations support a proposal for a common contract scheme (with independent price arbitration) for the orderly marketing of live broilers” (Cain 1990).

21 “In August, 1981, 31 growers in Victoria and 38 in New South Wales were issued with

notices of termination as processors attempted to reduce the capacity surplus that had been created” (Cain 1990).

25 “ It believes price agreements are highly anticompetitive and encourage economic

inefficiency and would herald the wholesale departure from [a] basic tenet of the Trade Practices Act” (Industry Commission 1991).

27 “The guiding principles for reviews under CPA was that competition should not be

restricted unless it could be demonstrated that :

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• The benefits of the restriction to the community as a whole exceeded costs; • The benefits of the legislation could only be achieved by restricting

competition” (Edward 2003). 29 • “a gradual de-regulation process;

• more even bargaining power between the large number of small growers and the strong, large buyer (countervailing power); and

• reducing the costs of a large number of separately negotiated supply agreements” (Department of the Treasury 1998).

30 “In QLD where there is effectively a comfortable processor duopoly with a moderate

degree of market power abuse, there is weak legislation that has been approved by the NCC. In WA where there is an absolute processor duopoly with relatively appropriate business behaviours and little market power abuse, there is extremely powerful legislation that has been approved by the NCC. In NSW, where there is an oligopoly and very significant market abuse, the NCC has rejected very weak countervailing power legislation” (Potter 2003).

32 “In part, this reflects the availability of newer and more efficient means of achieving

their historical objectives. For example, better and cheaper communications, the development of new financial tools to manage risk, and the adoption of a flexible exchange rate, have substantially reduced the need for statutory arrangements to smooth out the effects of fluctuations in world prices or large exchange rate shifts” (Productivity Commission 1999).

33 “... to mask price signals and inhibit product innovation” (Productivity Commission

1999). 34 “To create an industry operating environment that assists to minimise barriers and costs

for Australian egg producers and to maximize benefits and revenue for the industry and the community through integrated marketing and research” (Site web de Australian Egg Corporation Limited, Mission statement).

35 “The poultry industry was the clear leader in developing products that promised

consumers both nutrition and convenience at attractive prices and in shifting to a ‘conception to consumer’ supply chain structure that ensured consistent, high quality of its new consumer-oriented poultry products. These efforts paid off with a surge in poultry’s share of the market, largely at the expense of the beef industry” (Berkema, Drabenstott et Novack 2001).

36 “Contract prices are usually not publicly reported, and the effectiveness of spot

markets can be eroded as contracting expands. The remaining sales may reflect a non representative set of transactions, making the reported prices an inaccurate reflection of activity, and market reports based on smaller samples can be less reliable” (MacDonald et autres 2004).

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50 “It felt wonderful to be at a meeting of poultry farmers who were free to come and to speak up about whatever is on their minds. I realized once again how oppressed and fearful our poultry growers are here “in the land of the free and the brave” (RAFI-USA, April 2005).

51 “1. A grower must be afforded the opportunity to review a contract outside the

business premises of the integrator with an attorney or adviser of the contract producer's choosing for at least three business days prior to execution. 2. A contract grower shall have a right to cancel a production contract up to three days after signing the contract without penalty. 3. Integrators shall provide to contract growers any statistical information and data used to determine compensation (other than a trade secret). 4. Any contract grower or grower designee shall have the right to be present at the weighing of poultry, present at the weighing of feed delivered by the integrator, and observe the weights and measures used to determine compensation” (RAFI-USA, April 2004).

53 “The occurrence of ‘stranded assets’ in the chicken meat industry is an international

phenomenon where the pace of change, the business of contracting, and the imbalance in processor/grower power can combine to produce harsh, and in some cases terminal, outcomes for individual grower enterprises”(Ronan et Cox 2003).

56 “The instruments used by SMAs, such as acquisition of produce and price and

production controls, affect the manner in which commodities are produced, processed or other wise used and consumed. By influencing production, industry structure and prices – sometimes through the entire chain from the farm gate to wholesalers and retailers – statutory marketing arrangements can give rise to significant efficiency and distributional gain or losses” (Productivity commission).

57 “This is a market where growers provide specialized and valuable shedding with no

alternatives use, and may have only one purchaser in their region for their services. This is regional monopsony. It is a type of market where market failure in the form of abuse of power can and does occur” (Ronan et Cox 2003).

58 “… public benefit in sanctioning an interim arrangement on the grounds that

deregulation was unlikely to occur unless there was a mechanism in place to protect growers in the transition stage” (Productivity Commission 1999).

60 “For instance, while there is minimal information available from ABARE, there is no

market signal available to growers indicating future consumer demand trends, future processor plan relating to relocation, importation and future shed technologies. Instead processors require growers to upgrade shed type and increase farm size without any knowledge of the very things that will impact upon their future income” (Potter 2003).

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Analyse comparée des systèmes de régulation du secteur avicole

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