angenot - la conversion au socialisme.pdf

Upload: ana-chez-san

Post on 10-Feb-2018

219 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

  • 7/22/2019 Angenot - La conversion au socialisme.pdf

    1/11

    Marc Angenot

    LA CONVERSION AU SOCIALISME

    MONTRAL

    CIADEST

    1992

    Je garde de mon entre dans la vie militante un souvenir ineffaable. Mon premier contactavec la grande foule proltarienne eut lieu en 1886, aprs les meutes et les fusillades demars. (...) Voici ce que je retrouve ce sujet, dans des notes prises peu aprs lvnement:

    Je me trouvais avec notre Ligue ouvrire [dIxelles, affilie au P.O.B.] sur le plateau de laVille haute [de Charleroi]. (...) De tous les villages dalentour, les colonnes de manifestantsdvalaient pour remonter vers nous (...) et dans ce flot humain roulant vers lavenir, je

    recevais comme un nouveau baptme; je me sentais li, pour la vie, ce peuple detravailleurs et de souffrants. [Vandervelde, 1939, 25].

    Cest en ce terme qumile Vandervelde dans ses Souvenirs dun militant socialistepublis en 1939 narre son engagement dfinitif dans le mouvement ouvrier socialiste: cebref rcit forme un exemple typique de lpisode de la conversion, du moment o le jeunebourgeois, touch par la grce rvolutionnaire, sengage irrvocablement aux cts duproltariat, rompt avec sa classe, comme on disait alors, et se fait lui-mme, de faonplus ou moins explicite, un serment solennel que toute une vie militante viendra accomplir.

    Le rcit du How I became a Socialist a form dans la propagande de la DeuximeInternationale un vritable genre doctrinaire et difiant auquel tous les leaders et les

    tribuns des Partis ouvriers, et tout spcialement les chefs et les publicistes doriginebourgeoise, ont sacrifi. Je me propose dexaminer la forme, les variantes et lesfonctions remplies par ce rcit, lequel pose de faon particulirement patente la questionde la mise en discours de la mmoire, de la construction acceptable et intelligible du sensdune vie, la question des souvenirs-crans, celle des amnagements plus ou moinsfallacieux que semble rclamer linterprtation dune vie comme rcit.

    Le texte de Vandervelde, cens transcrire en partie des notes anciennes pour donner plusdauthenticit et dintensit lmotion quil veut exprimer, prsente quelques-un destopo qui composent le rcit de la Conversion. Le topos central de ce passage est celui ducontact-avec-le-Peuple, contact visuel dabord o la foule en marche est aussittallgorise, telle quen elle mme dj lidologie la change, comme ce Proltariat enmarche vers lAvenir, comme lapparition dans le monde de la perception et delexprience, dun sens transcendant, dj connu dans labstrait, mais incarn soudain dansun spectacle qui se dchiffre comme une rvlation. Le peuple qui revendique et manifestefait don au jeune observateur, plac sur la hauteur et lcart, dune vision de lhistoire et,bientt aprs, le jeune homme, immerg dans la foule comme dans leau baptismale, renat lui-mme transfigur; sa vie sest charge de sens, le contact sest opr et le futurmilitant prononce le serment qui comporte le don de soi (don pour don) aux travailleurset aux souffrants et le dchiffrement anticip de sa propre destine.

  • 7/22/2019 Angenot - La conversion au socialisme.pdf

    2/11

    La Conversion au soc ial isme2

    On aura relev dans ce passage une rhtorique narrative et expressive qui manifeste lecaractre construit, cest--dire pour notre culture, le caractre littraire de ce souvenirineffaable. Position observatrice dabord du narrateur install en un point lev do le

    spectacle se rvle lui dans toute son ampleur ampleur empirique: des colonnes demanifestants dvalaient et ampleur hermneutique: ce flot humain roulant vers lavenir.Harmonie proprement romanesque entre lextrieur et lintrieur, le monde et lme, le

    flot humain qui roule et le flot de sensations et dmotions qui semparent du narrateur,motions que celui-ci ne peut dominer quen leur donnant la forme sacramentelle duserment irrvocable: je me sentais li pour la vie.

    Le jeune converti dpouille le vieil homme, le flot populaire devient une eaulustrale, il est touch par la grce. La remotivation de catachrses religieuses est le traitconstant de ce micro-rcit. On ne peut oublier que le mot mme de militant trouve sonorigine dans la tripartition de lApologtique, glise souffrante, glise militante, glisetriomphante. Mais ce sont tous les mots qui narrent la conversion qui reclent une

    tymologie religieuse. Dans le recueil de Louis Lvy, Comment ils sont devenus socialistes(1931), ces expressions religieuses, - en fait chrtiennes, - abondent. Nous avons chez

    Vandervelde relev demble baptme. Nous trouvons chez Lvy conversion demultiples reprises, touch par la grce socialiste (p.7), miracle (p.7), rvlationbrusque (p.7), bible socialiste (p. 45), mystique, foi socialiste (p. 85), catchisme(p.94), reliques (p.101), rvlation soudaine (p.117). Ladjectif socialiste vient gauchir loccasion ces catachrses, mais leur abondance doit sinterprter. Les propagandistesdu mouvement ouvrier pour qui le Manifeste communiste est une bible, pour qui JulesGuesde est un aptre et un martyr de la Rvolution, qui confessent leur foi dans lecollectivisme et dnoncent les rengats dans leurs rangs, ne croient pas avouer par cesmtaphores omniprsentes le caractre religieux de leur militantisme. Ils croient aucontraire donner un sens enfin concret et non chimrique ces mots du spiritualismebanni, remettre sur ses pieds le vocabulaire du croyant en donnant la foi un Royaumequi soit de ce monde.

    lpisode de la Conversion fait logiquement pendant, -- quoique toujours refusjusquen 1917 aux aptres et aux martyrs lpisode de laccession au Paradis destravailleurs, celui o le militant, aprs une vie de lutte, verrait enfin de ses yeux cettesocit collectiviste en laquelle il a mis toute son esprance. Dans les biographies desgrands leaders de la Deuxime Internationale, lobjet de lesprance ne se concrtise pas,ils meurent sans avoir vu. Ce dont Adodat Compre-Morel plaint son biographi,JulesGuesde, le socialisme fait homme (1937) [On note dans le titre mme de Compre-Morellaffleurement du topos de lIncarnation.]

    Pauvre Guesde! Il ne la pas vue cette socit collectiviste dont il a prntant de fois les bienfaits et quil a vcue en soi, idologiquement, mais sonnom contre lequel le temps naura aucune prise, restera ternellement gravau fronton de lhistoire des peuples. (1937, 498)

    Justus judex ultionis,la Mmoire socialiste rvolutionnaire console le converti en luigarantissant lternit en dincorruptibles, dinoublieuses annales. Cest encore le mythede la mmoire parfaite en Dieu qui se transpose ici.

  • 7/22/2019 Angenot - La conversion au socialisme.pdf

    3/11

    La Conversion au soc ial isme 3

    Ces premiers lments dgags de la topique narrative nous invitent nous tournervers une histoire de la conversion, ou plus exactement, -- mais il nen est pas dautre, -- unehistoire des rcits qui assermentent le converti et difient le lecteur. Les rcits deconversion sont structurs selon un certain paradigme qui sest inscrit dans la longue

    dure de nos cultures. Ils trouvent leur archtype dans lpisode de Paul sur le Chemin deDamas. Je ne prtends pas en cherchant dgager une topique transhistorique, ramenerla conversion socialiste un avatar des rcits de la Conversion chrtienne. Je crois aucontraire que le rcit, quil puisse ou non faire intervenir une apparition surnaturelle, seconstruit selon une certaine logique du vraisemblable et de lirruption du sens qui luiimpose une forme narrative et argumentative. Il faut donc dgager les principesgnosologiques que la ncessit de narrer met en lumire. La conversion doit avoir lecaractre dun vnement circonscrit, descriptible la fois fatal et improbable. Il faut quil

    y ait un avant et un aprs et que le hros du rcit soit montr irrvocablement transfigur.Il ny a pas de conversions par petites tapes, par ttonnements, trial and error, - mais ilpeut (amplification narrative dun type classique) y avoir eu des intersignes, la destinepeut avoir dj discrtement frapp, le hros demeurant encore sourd cet appel. Le rcit

    se trouve thmatiser en effet une difficult dordre argumentatif: si le hros devaitreconnatre explicitement toutes des tapes antrieures, une propdeutique progressive,lvnement naurait plus ce caractre de grce soudaine, de salto mortale, de rvlationbouleversante qui est ncessaire pour quon en reconnaisse le caractre total etinconciliable avec lordre antrieur de la vie et du cours des penses. Il faut quelvnement soit une rencontre soudaine, inopine, qui vous retourne et engage sansretour celui qui en a t le tmoin et lobjet. Il faut cependant encore que la conversionau socialisme, -- pisode qui sera prcd, je viens de le dire, par des prodromes, desindices avant-coureurs -- ne se prsente pas comme une rencontre alatoire, quelque chosequi aurait pu arriver ou ne pas arriver. Il faut quelle se place sous le signe de llection,de la singularit dune destine qui vous distingue, cest--dire selon une logique secrtemais personnelle, qui ne soit pas celle de la ncessit collective. Ce topos de llection estprpar dans la Vorgeschichte du futur converti par des noncs de surprise rtrospective:

    Pourtant, crit Henri de Man dans ses mmoires,Aprs-coup, jai grandi dansun milieu qui ignorait la pauvret, linscurit de lexistence... (1941, 7)

    Il faut que la grce ne soit pas accorde quelquun dindigne, quelle napparaisse pascomme une voie que le hasard vous a fait suivre, mais quun autre hasard aurait pu voirfaire manquer. Pour les rcits qui ne peuvent thmatiser lintervention dun agentprovidentiel, il faut donc quune qute de sens, un malaise intense, une interrogationpersistante aient prpar les voies. Il faut quil se soit produit ce que beaucoup desocialistes, usant cette fois dimages mdicales, dsignent comme une lente incubation,

    avant que le socialisme ne possde lme entire du patient; avant la rvlation, il y a doncune lente imprgnation, ou un instinct qui pousse vers quelque chose qui na pasencore didentit, des sentiments en qute dune doctrine. Rtroactivement, lemmorialiste reconnat quil tait dj engag sur la voie, imprgn dune sorte desocialisme sentimental, diagnostiquera-t-il parfois, qui avait besoin de lvnement quiallait le faire se rencontrer avec lui-mme et se transformer ainsi en un socialiste au senscomplet du terme. (Lvy, 1931, 33)

  • 7/22/2019 Angenot - La conversion au socialisme.pdf

    4/11

    La Conversion au soc ial isme4

    Henri de Man dtaille longuement ces petits chocs antrieurs, ces expriencesconfuses et drangeantes qui prparent la voie, mais ne prennent de sens quex post factoet ralisent ainsi ce qui forme le dispositif essentiel de la cohrence narrative:lintelligibilit rtroaoctive. Jtais trop jeune pour me faire de tout cela une opinion

    raisonne et cohrente. Mais certaines impressions men sont restes qui ont plus tardguid et nourri mes rflexions. (1941, 38)

    Dans une logique qui est la fois individualiste et romanesque, le futur convertirencontresadestine et celle de nul autre, il se reconnat donc dans lvnement qui lascelle; entre le monde et le moi, une fusion de sens saccomplit. Le rcit de la conversioncomporte donc une pr-histoire, qui va montrer contradictoirement une imprparation ensurface et une sourde disponibilit en profondeur. Cest comme agent de la perscution,comme antichrtien militant (mais peut-tre dj ouvert la foi de ladversaire) que Salrencontre Quelquun sur la route de Damas: Je suis Jsus de Nazareth, celui que tuperscutes. Dans son fameux article How I Became a Socialist, lcrivain amricain JackLondon expose clairement combien, en apparence, sa tournure desprit dans sa jeunesse

    lloignait du socialisme:

    It is quite fair to say that I became a Socialist in a fashion somewhat similarto the way in which the Teutonic Pagans became Christians it washammered into me. Not only was I not looking for Socialism at the time ofmy conversion but I was fighting it. It was very young and callow, did notknow much of anything, and though I had never even heard of a schoolcalled Individualism, I sang the paean of the strong with all my heart. (---,362)

    Il est clair que dans ce passage o London use expressment du mot de conversion, -conversion la teutonne, - lauteur transpose le paradigme de Saint-Paul, se reconnaissantpour avoir t un barbare, un social-darwiniste lamricaine dont la religion de la Forcesemblait spontanment hostile au socialisme, apparemment religion des faibles et des

    vaincus. Lvnement ou la squence dvnements conscutifs qui font rflchir London(my brain began to work) et transfigurent sa vision du monde le conduisent alors ausocialisme, mais cest un socialisme avant la lettre, la fides implicita de celui qui na pas tenseign. En termes qui, dans sa culture amricaine, sont ceux de la Sunday School,London confesse: I had been reborn but not renamed. (...) I ran back to California andopened the books. (p. 365) Lpisode typique suivant la conversion est en effet le passagedu socialisme de sentiment au socialisme de science, science indispensable car la foi abesoin de doctrine, mais science surrogatoire aussi car la foi est toute entire dans lepremier contact avec la vrit: I was already It, whatever It was, and by aid of the books

    I discovered that I was a Socialist (p.365). La fides explicita celle qui pourra parler lesocialisme et qui fera de vous lavocat de la Cause du peuple vient en second car pour lirevraiment il fallait que vous soit octroy une cl, un code sans lequel les grands textes nefussent demeurs que lettres mortes. Les rcits de la conversion font donc bien ladiffrence entre lexprience transfiguratrice, vivante, et les doctrines et thories abstraitesqui ne se mettent vivre quen fonction du dclic fatal qui a jou. Beaucoup de socialistesbourgeois tudiants vont le dire: je me suis mis relire alors Michelet, Proudhon, lireMarx et Engels et tout coup ces textes ont pris un sens. Avant, eussent-ils pu dire,

  • 7/22/2019 Angenot - La conversion au socialisme.pdf

    5/11

    La Conversion au soc ial isme 5

    linstar de Jean-Paul Sartre parlant de ses lectures marxistes de jeune agrg de philo, jecomprenais tout lumineusement et je ne comprenais rien.

    Deux autres topo figurent dans le paradigme classique du rcit de conversion: le

    sacrifice des biens de ce monde fait par le converti, sacrifice qui tmoigne de lauthenticitde sa foi nouvelle est le premier. Ce sacrifice difie le lecteur car le rcit de la conversiona toujours pour fonction immdiate dengager le lecteur sur la bonne voie ou de lui fairerenouveler son adhsion et communier avec lauteur dans lesprance partage. Le toposdu sacrifice montre que le zlote sarrache au monde de lerreur qui, dans la traditionchrtienne, est aussi le monde des plaisirs, des biens matriels et des prestiges apparents.Laxiome narratif est quil y a un prix payer pour la rdemption axiome essentielrgulateur du roman, de lvangile de Luc Dostoevsky. Le converti sacrifie beaucoup1

    de choses et chez les socialistes, le militant bourgeois sacrifie la belle carrire laquelleil et pu prtendre sil navait choisi de consacrer sa vie la Cause des Dshrits. Je citeune ncrologie, autre genre difiant de la propagande socialiste o le culte de lapersonnalit sautorise de la mort du leader:

    Notre ami [Victor] Marouck aurait pu trouver sa place dans les rangs de labourgeoisie; il a prfr partager avec nous le pain de la misre, lutter pourlmancipation sociale.2

    Quil sagisse du chrtien ou du socialiste, le converti reconnat la juste voie ceciquelle est la plus ardue gravir, la plus seme dobstacles, ce quelle conduit vers letriomphe mais par le martyre. La conversion est toujours dsintresse, - ou plutt, carnous savons quels intrts sattachent aux dmarches ds-intresses, elle sacrifie desintrts sculiers et matriels un intrt transcendant qui consiste rembourser unedette que la conversion vous a fait contracter. Cette dette que lHomme qui agonisait surle chemin de Jricho ne pourra en ce monde jamais rembourser au bon Samaritain estanalogue la dette que le militant sefforce dteindre en se faisant le serviteur desparias sociaux, des esclaves de la mime et du rail, qui lui ont ouvert les yeux. Dettequil faut encore rembourser en se faisant son tour le prdicateur de la bonne parole, enessayant darracher dautres ignorants leur torpeur et leur aveuglement - de sorteque le Rcit de la Conversion, la confession difiante est elle-mme un moyen partiel derembourser cette dette inextinguible. Abandonne tout et suis moi. Les auteurs deconfessions chrtiens dveloppent avec pathos cet appel. Ici encore on peut trouver unarchtype, chez Saint Augustin qui abandonne sa concubine, mater ignota Adeodati,et sonfils pour pouser la foi chrtienne. Le socialiste dorigine bourgeoise ne peut se permettrednumrer de faon ostentatoire ce quil a sacrifi la Cause, mais tous les mmoires demilitants, malgr loptimisme, le stocisme qui les colorent, malgr la reconnaissance qui

    sy exprime lgard du Parti de la Rvolution, ladmiration envers les masses hroqueset les compagnons de lutte, malgr encore le refus de complaisance et dintrospection quiseront un des caractres conventionnels surtout du militant de la Troisime Internationale(ce qui nexclut pas un grand narcissisme de groupe), malgr tout ceci, le mmorialiste

    Que ce soit dans la Parabole du Samaritain ou dans Crime et chtiment on a la variante du prix quun Autre1

    paiera pour votre salut.

    Ncrologie par J. Allemane, Le Parti ouvrier (F.T.S.F., Paris), 27 mai 1890, p.1.2

  • 7/22/2019 Angenot - La conversion au socialisme.pdf

    6/11

    La Conversion au soc ial isme6

    montre le prix: carrire bourgeoise abandonne, vie prive sacrifie (ce point sur lequella discrtion du mmorialiste ne lui permet pas de sappesantir, est cependant un lment-cl de la psychologie militante), perscutions policires, prison, annes de misre. Lesacrifice cote peu puisque les biens sacrifis sont de nulle valeur pour celui qui sest

    enrl dans les vaillantes phalanges de la Rvolution.

    Le leader bourgeois trouve justifier par deux arguments sa lgitimit auprs desmasses. il a la science dont il fait don au proltaire puis, science qui seule peut montrerla voie rvolutionnaire et mettre dans la poche du leader les premiers dcrets desocialisation des moyens de production. Il a le dvouement, le sacrifice perptuel; ceux-cile lavent du pch dorigine. Quel est votre mtier? demande un interrupteur ouvriristeau Dr Ferroul, dput socialiste de lAude.

    Notre mtier, rplique celui-ci avec grandiloquence et roublardise, est denous mettre la disposition des travailleurs et de leurs revendications sansautre ambition que de les faire triompher. 3

    Dans les rcits antiques, un autre topos venait prolonger laprs-coup de laconversion: celui de la tentation de renier. Autre pisode paradigmatique, celui du triplereniement de Pierre. Mme les saints avaient connu la tentation et ils y avaient rsist nonsans affres et sans douleur. Le socialiste est cet gard depuis toujours taill dans uneautre toffe. Non seulement sa foi est inbranlable, mais il nest accessible ni au douteni au dcouragement. Il faudrait nuancer: il y a des pisodes de dcouragement, il y a deschecs dprimants, des conjonctures bien sombres, mais lintervention empresse descamarades est tonique et roborative; toujours lenthousiasme rapparat. Le militant quine demande rien pour lui-mme, reprend le collier. Sil est un adjectif-cl des logesncrologiques, cest infatigable. Le vieux lutteur dont les combats furent ceux duProltariat a droit au repos mrit car il a t infatigable. Cette topique qui, dslaprs-Commune, montre le chef socialiste investi dun enthousiasme et dune convictioninbranlable qui le placent au-dessus de la courante humanit est contredite par deuxdonnes, lune bien connue du militantisme et lautre refoule.

    La premire cest justement labondance des rengats dans les rangs des partisrvolutionnaires. Le mouvement ouvrier na cess de voir avec horreur se multiplier cestratres dont les yeux staient pourtant ouverts la lumire du socialisme, au soleil de laRvolution et qui ont trahi la cause du proltariat, qui sont retourns la bourgeoisie, la dfense du Capital comme le chien son vomi. (Les plus mprisables tant ceux qui,dans leur trahison, continuent se rclamer du socialisme refusant ceux quils ont trahislaveu de leur parjure). Ils ne peuvent avoir trahi la foi rvolutionnaire que pour les motifs

    les plus infmes - lchet, got du lucre, corruption et dbauche. Bien avant que Lninene stigmatise le Rengat Kautsky, les partis rvolutionnaires avaient vu se multiplier cesrengats qui avaient vendu leurs frres pour divers plats de lentilles. En France, ce sontles Paul Brousse, les Alexandre Millerand et autres ministriels et blocards, mais ce futsurtout Aristide Briand, thoricien de la grve gnrale devenu ministre et flic, qui afigur pour des gnrations de socialistes et de syndicalistes le rengat par excellence. Le

    Dr. Ferroul, dans Le Comb at (guesdiste, Paris), 2 avril 1890, p.1.3

  • 7/22/2019 Angenot - La conversion au socialisme.pdf

    7/11

    La Conversion au soc ial isme 7

    rengat nest pas quelquun qui a chang davis, ni mme retourn sa veste, cest unmonstre au sens tymologique, qui a foul aux pieds sa conversion originelle et qui, ayantconnu la voie du bien, a sciemment choisi le mal. Les rcits de vie socialistes manifestentde faon extrme ce qui se trouve au principe de toute narration biographique (ce que la

    littrature peut justement venir brouiller, problmatiser ou ironiser), cest la cohrence,la valeur thique de la persistance dans une conviction de for intrieur, lide quune viea un sens, que la narrer est mettre celui-ci en valeur, et que ce sens est, doit tre cohsifet cumulatif, que ds lors la Urszene, lpisode de la Conversion est ce qui organise etintgre tous les pisodes successifs comme si leur dynamique y tait dj inscrite in nuceet que cette vie militante retourne son tour sur le serment originel pour lauthentifier.Quelle montre donc que ce serment a bien eu lieu, que cet pisode inoubliable a bieneu le caractre singulier, unique et total que la suite des vnements prtend manifester,que cet pisode nest pas un souvenir-cran qui cacherait des ttonnements et des calculsplus contingents. Je reviendrai sur cette notion de souvenir-cran. Le rcit de laconversion apaise une angoisse, une indcision, un doute. Il dit: de ce jour, ma vie a tcela, elle ne pouvait tre autre, mon mandat existentiel rsulte dune certitude totale,

    dune transfiguration et cela ne me sera pas repris.

    La deuxime contradiction dont je parlais plus haut, refoule celle-ci par la mmoiresocialiste, pire que le cas, difiant a contrario, des rengats (car la bassesse de leurmtamorphose, le zle dinfamie du sycophante contiennent quelque leon), cest le casde ceux qui se sont arrts. Qui un jour en ont eu assez, qui sont partis, qui nont plusrien fait. Cest le cas semble-t-il dmile Pouget, fondateur en 1889 du Pre Peinard,inlassable agitateur en effet, idologue de la C.G.T. au dbut de ce sicle, directeur dela Voix du Peuple,doctrinaire de lAction directe. Cet homme si nergique sarrte vers1909. Il laisse tomber. Il a encore vingt bonnes annes vivre. Il se retire la campagneet ne soccupera plus jamais de rien qui touche au militantisme. Ainsi la conversion, laconviction inbranlable, la foi militante peuvent un jour devenir lettres mortes, rien nest

    jamais acquis et dans cette fin de vie que rien ne permet plus dinterprter videmment,cette drliction, nous retrouvons une logique romanesque selon un autre aspect du genreroman, la logique de la conversion selon Ren Girard non comme conqute dun mandatmais comme qute dmonique aboutissant laveu de la vanit intrinsque du mandat et lannulation rtroactive des certitudes.

    Je voudrais en venir un autre topos du rcit de la conversion socialiste, celui dela rencontre et celui de la lecture, pour parler dans les termes de la narratologielittraire, intervention du mdiateur intradigtique ou extrodigtique. La plupartdu temps en effet, les narrmes qui englobent le moment fatidique celui duEt ego , et moiaussi, je suis socialiste! Mes yeux se sont dessills. Je sais, je vois, je suis dsabus. Je

    marrache lindividualisme bourgeois, ou encore je nappartiens plus la masse exploiteaveulie et moutonnire. Ce moment est, le plus couramment, le plus topiquement, celuio va intervenir un mdiateur au sens narratologique. On pourrait croire que, chez lesleaders dorigine ouvrire, le spectacle quotidien depuis lenfance, du pre lusine, de lamre latelier, du chmage, des journes sans pain, de lalcoolisme, de lusurephysiologique de lentourage, quun tel spectacle portait en soi un enseignement bienloquent et des raisons directes de choisir le parti de la Rvolution. Mais la propagandesocialiste sait que la rvolte seule ou lexprience nue de lexploitation ne font pas laconscience de classe; les rcits de conversion transposent ceci leur manire.

  • 7/22/2019 Angenot - La conversion au socialisme.pdf

    8/11

    La Conversion au soc ial isme8

    On est un peu tonn de relever combien de futurs leaders dorigine ouvrire disentavoir prouv les motions les plus dcisives face la misre du Peuple en lisant dans leuradolescence Eugne Sue ou Victor Hugo! Voici en passant une sorte de rponse la vieillequestion que peut la littrature? (Sans que nous soyions tenus de prendre au mot de tels

    souvenirs). Ceci indique en tout cas le caractre incontournable du narrme de lamdiation pour lappropriation par le narrateur du Sens de sa destine. Il nest pasnarrable en quelque sorte de se faire soi-mme le donateur du mandat. Tous les socialistesont donc un jour rencontr quelquun ou ils ont lu un livre dcisif. Cette rencontre, cettelecture forment lpisode-cl et ce nest que rtroactivement quils ont pu voir que leterrain tait prpar, toujours suivant le topos: tu ne me rencontrerais pas si tu nemavais dj trouv. Le jeune bourgeois ou le jeune ouvrier rencontrent un homme, un an, sur lequel ils projettent une admiration qui le place hors du commun. Et aucours de ce transfert, le narrateur dcouvre que cet homme est socialiste, que cest la

    vrit du socialisme qui irradie travers cette personnalit fascinante. Il na de cesse deconfondre ladmiration pour le mdiateur et ladhsion la doctrine dont celui-ci estdevenu lincarnation. Ainsi, Paul Faure prsente comme dterminante sa rencontre

    dadolescents avec Castagnier, correspondant de La Dpche Prigueux et membre duP.O.F. (Lvy, 1931, 12).

    Dans lautre cas, cest une lecture qui a boulevers la vie et a dcid delengagement. la faon dont les hros de roman sont tous engendrs par leurs lectures,les Amadis de Gaulepour Don Quichotte, leMmorial de Saint-Hlne pour Julien Sorel, lesromans de Madame Cottin et de Madame de Genlis pour la future Madame Bovary,couventine, le futur socialiste, peut-tre dj socialiste de sentiment, met la main surun livre do il ressort transfigur. Dans le cas de Bracke (personnage important de la SFIOdans les 30 premires annes du sicle pass), cest classiquement (et peut-tre trop pourque ce soit vraisemblable) la lecture adolescente du Capital, ce symbole du socialismemoderne (Lvy, 1931, 33-4) qui la fait venir au socialisme scientifique. Ce sont cependanttrs souvent des lectures littraires, des romans qui sont prsents comme les mdiatricespar excellence sur la voie du socialisme. Le chef cgtiste Georges Dumoulin, precolporteur, mre ouvrire, forc de travailler battre le lin et arracher les betteravesds lge de huit ans aurait pu avoir trouv sa voie dans sa seule et prcoce exprience dela misre et de lexploitation. Cependant dans ses Carnets de route (Lille: LAvenir, 1938),le passage au militantisme est marqu par deux moments mdiateurs. Il assiste, dit-il, enspectateur la grve des mines de Courrires en 1893 (il a seize ans) et se met alors lireZola et des brochures du Parti ouvrier guesdiste. Ce nest quaprs quil se laisse entranerdans les premires runions et les premires batailles. Lexprience immdiate seraitdemeure lettre morte sans linterposition la fois de la fiction (Zola), de la conjecturedoctrinaire et de ce bref moment, avant dtre soi mme acteur o le monde des luttes

    se prsente comme un spectacle o lme passive dchiffre, smeut et se cre unevolont travers une reprsentation. De faon analogue, un des pisodes-cls delitinraire du jeune Henri de Man cest limpression que lui fait la lecture du chapitre desMisrables o Jean Valjean sentretient avec lvque Bienvenu (1941, 40). Rencontrefortuite, ajoute de Man, car je lisais normment vers mes quinze ans. Mais rencontre quilui donnera lillusion davoir conu dans ses jeunes annes un socialisme sui-generis:

  • 7/22/2019 Angenot - La conversion au socialisme.pdf

    9/11

    La Conversion au soc ial isme 9

    clair subitement par cette lumire nouvelle, je me lanai dans une srie dedductions qui me firent dcouvrir ou plutt construire le socialisme par mespropres moyens. (p.40)

    Pour beaucoup dautres, qui dclarent aussi avoir t auparavant socialistes parinstinct, ce fut un discours de meeting qui semble avoir dcid de tout. Ce que Jean-Jacques Courtine dsigne dans son histoire bauche de la reprsentation politique commele spectacle du corps parlant: une prsence physique, une voix qui porte, criarde dans lecas de Jules Guesde, ample et ronflante dans celui de Jaurs, la symbiose avec une foulequi vibre et un message, des arguments et un pathos ports par la voix du tribun. J.-P.Lebas a un jour entendu Guesde en 1892 ou 1893: cela a fait sur moi une profondeimpression (Lvy, 56). Raoul vrard qui jusqualors ne comprenait rien au socialismeconfesse-t-il, a cout par hasard Jaurs: son discours me prit au cerveau et auxentrailles. (ibid., 65) Vincent Auriol sest dcouvert socialiste en coutant Guesde aussi:son discours (...) fit sur moi une impression trs forte. (p.80) On multiplierait lesdclarations qui ne parviennent jamais prciser de quelle impression il sagit. Ces

    dtails font sentir, si besoin est, que ltude des idologies ne peut se limiter lanalysedes textes, quil y a des choses qui tiennent aux conditions concrtes de lacommunication, lesquelles du reste influent sur le dicible. Ces rhteurs tonitruants dontla voix portait dix mille personnes (sans micro) et ces foules houleuses appartiennent une archologie de la communication politique (voir la statuaire sovitique de Lnine etsa kinsique de tribun), communication aujourdhui domestique, on pourrait dire aussidvirilise, par lintimit sductrice simule de lentretien tlvis.

    *

    Je me rends bien compte combien les exemples divers et disperss dont je me suis servisont loin de rendre inutile une enqute systmatique. Je vois bien aussi combien lesinterprtations et les synthses que je viens de formuler sont schmatiques, couvrent maltous les cas de figure et ngligent certains dtails. Il me semble pourtant quon peut entirer certaines conclusions. Le rcit de la conversion apparat comme le rsultat duntruquage la fois fatal et en quelque sorte innocent parce quil est impos lautobiographe par des rgles de narration qui sont, dans sa culture, incontournables, parune idologie du sens de la destine qui enserre lexpression du matriau mmoriel et luiimpose des schmas - en dehors desquels il semble quil ny ait plus que lalatoire,linexplicable et la contingence brute. La conversion au socialisme, avec ses connotationsdillumination, de clart soudaine et de serment irrvocable sert ordonancer dans uneintelligibilit forte tous les vnements qui la prcdent et qui la suivent; elle donne la

    vie la cohrence et la ncessit sans lesquelles aucune narration nest apparement possible.

    Dans la narration socialiste, ces principes sont surdtermins par lantinomie radicale quelidologie tablit entre le monde capitaliste et le parti de la Rvolution, entre les valeurset les ides fallacieuses de la bourgeoisie et la science de lhistoire. Deux campssopposent en une guerre sociale qui ne prendra fin quavec le triomphe du collectivisme,triomphe fatal malgr les vicissitudes. Celui qui choisit le camp des opprims et la voie quimne vers lavenir ne peut le faire quen divisant le monde selon un paradigme binaire eten schmatisant sa propre vie pour la rendre dcomposable en pisodes qui senchanentselon un modle narratif impos.

  • 7/22/2019 Angenot - La conversion au socialisme.pdf

    10/11

    La Conversion au soc ial isme10

    Lintellectuel de parti, le tribun n dans la bourgeoisie mais devenu lun des chefsdu mouvement ouvrier, est tent plus quun autre de faire de sa biographie uninstrument de lgitimation et dadopter des schmas narratifs qui effacent de la mmoireles zones grises, les ambiguits, les tapes intermdiaires, les sens multiples et les

    restrictions mentales.

    Cependant comme le mmorialiste est de bonne foi, comme il se borne mettreen perspective autour dun souvenir-cran des vnements multiples que la narrationrelgue seulement comme contingents ou accessoires, il est toujours possible dereconstituer un autre rcit, un rcit dont lordonancement reconstruit la biographie delintress selon une logique moins mythique et moins ncessaire de marche force versune destine au sens plein. Il peut se faire que cet autre rcit soit plus consistant aveclobjectivation sociologique et lhistoire des ides. Jen reviens au cas des souvenirsdmile Vandervelde. Lpisode le plus charg de sens, celui o la vie apparat commelie correspond, daprs une lecture superficielle, au premier contact avec le proltariaten marche, limmersion baptismale dans la foule des exploits. Mais au fond,

    ranalyser les donnes fournies par Vandervelde mme, on peut lire sans peine unprocessus tout fait diffrent et qui a, lui, quelque chose voir avec lhistoire intellectuelleparticulire de la Belgique au XIX sicle. la question: comment Vandervelde est-ile

    devenu socialiste, on pourrait par boutade donner une rponse tout fait oppose: il lestdevenu en suivant des cours lUniversit ! Vers 1883, au dbut de mes annesduniversit (...), jentrai en contact avec Hector Denis (...) [E]n mme temps avec soncoreligionnaire et ami, Guillaume Degreef. (p.19) Vandervelde qui aurait pu citer encoremile de Laveleye, fait apparatre les noms duniversitaires, intgrs coup sr la vieacadmique belge, qui incarnent quelque chose dessentiel la Belgique acadmiquedautrefois: un Kathedersozialismus,un socialisme de la chaire compos duniversitairesfidles lidal proudhonien et/ou colinsien de leur jeunesse et travaillant contre lesstructures dominantes du droit et de lconomie politique lmergence dune sciencesociale la fois critique des doctrines librales et dans une relation de sympathie distance lgard de lmergent mouvement ouvrier. Lhistoire du socialisme belge estmarque par ces mdiations avec des doctrinaires dun socialisme de sociologues, dunsocialisme sans proltariat, quil sagisse de proudhoniens de la Premire Internationaleou de socialistes-rationnels, disciples de Colins, qui se retrouvent dans des chairesuniversitaires ou dans des revues intellectuelles et littraires commeLa Socit nouvelle (etLa Philosophie de lAvenir). Je ne puis quvoquer ces particularits du milieu progressistebelge qui laissent paratre la prexistence dun socialisme des intellectuels, rformiste,thique et conservant des attaches avec un certain idalisme radical romantique. Dans cecadre dhistoire culturelle, cest bien le contact du jeune tudiant avec les Degreef et lesDenis qui fait passer Vandervelde de la Jeune garde librale au Cercle des tudiants

    progressistes et la Ligue ouvrire dIxelles. Vandervelde, lorsquil reoit le baptmepar immersion dans le proltariat carolorgien, est dj le produit de ce socialismeuniversitaire propre la Belgique francophone (et, il faut le noter, totalement a-marxiste).Un historien montrerait certainement, en ayant recours des exemples antrieurscomme ceux de Csar de Paepe ou de Louis Bertrand, comment litinraire personnel de

    Vandervelde, ses engagements et les particularits de son socialisme tiennent auxsingularits de la vie culturelle de lpoque et y trouvent leur dtermination.

  • 7/22/2019 Angenot - La conversion au socialisme.pdf

    11/11

    La Conversion au soc ial isme 11

    Quand je parle de souvenir-cran, je nentends pas dceler une fiction substitutivequi viendrait dissimuler ou totalement refouler des vnements dtermins et objectifs.Lvnement de mmoire, le souvenir ineffaable se soumet, il est vrai, l o il se prtendle plus irrductiblement personnel et singulier, des schmas prconstruits, surdtermins

    par toute une histoire culturelle. Il permet par l de fixer, pour soi et pour les autres, cequil y a dirrmdiablement obscur, de labile et dinconnaissable dans les choix et lesimpressions dont sont faits les engagements existentiels; il permet dassigner une origine la totalisation quappelle toute rflexion sur sa propre vie. Le travail de remmorationqui est rtrospectif, transpose dans une scne originelle une cohrence qui nest quuneillusion synoptique. Le tri quappelle le travail mmorialiste aboutit cette rencontreinattendue de la contingence de la vie et de la ncessit idologique que le mmorialisteet ses lecteurs confondent fatalement avec la vracit.

    !

    Bibliographie deLa Conversion au socialisme

    Allem ane, Jea n. Mmoires dun communard . Paris: Allemane, [1907?]

    Compre-Morel [Adodat]. Jules Guesde, le soc ial isme fait homm e. Paris: Quillet, 1937.

    De Man, Henri. Aprs coup. Bruxelles: La Toison dOr, [1941].

    Lejeune, Philippe. Je est un autre. Paris: Seuil, 1980.

    ---------. Moi aussi. Paris: Seuil, 1986.

    Lvy, Louis. Comment ils sont devenus socialistes. Prface de Lon Blum. Paris: Le Populaire, 1931.

    London, Jack. How I became a Socialist, 362-65.

    Michel, Louise. Souvenirs et aventures de ma vie. Paris: Maspero, 1983 (Paru dans La Vie popu laire, 1905).

    Morris, William. How I became a Socialist,Justice (London), 16 juin 1894.

    Peneff, Jean. La m tho de biogra phique. Paris: Colin, 1990.

    Vandervelde , m ile . Souven irs dun militant socialiste. Paris: Denol, 1939.