avoir une attitude positive - rbc

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VOL. 55, No11 SIÈGE SOCIAL:MONTRÉAL, NOVEMBRE1974 Avoir une attitude positive LES MOTS POSITIF ET NÉGATIF sont destermes de portĂ©e etdesens trĂšs Ă©loignĂ©s. La distance qui les sĂ©pare est le champ clos oĂč se joue le succĂšs ou l’échec de toute entreprise commerciale et oĂč se dĂ©cide le bonheur ou le malheur de la viedeshommes. La victoire a tendance Ă  favoriser lesconcurrents qui joutent sous l’étendard positif. Ce sont desper- sonnes qui sesont habituĂ©es Ă  penser "Quelle initiative vais-je prendre ?" au lieu de"Qu’est-ce qui va m’arri- ver?" Pour venir Ă  bout desdifficultĂ©s et satisfaire ses aspirations dans la vie, il importe de dĂ©terminer ce qu’il faut faire pour devenir ceque l’on veut ĂȘtre, puis de l’accomplir. Il importe aussi de savoir quels sont les outils et les talents dont on dispose etcomment en faire lemeilleur usage. Si lesort nevous a pas permis de faire desĂ©tudes supĂ©rieures, ne vous croyez pas pour autant exclu du tournoi desaffaires ou de la vie sociale: vous ferez de votre mieux avec l’instruction quevousavez et vous vous armerez de courage pour en acquĂ©rir davantage. Charles Darwin soutenait, Ă  la fin de toute unevie d’observation critique, que les hommes diffĂšrent moins par leur capacitĂ© que par leur zĂšle etleur dĂ©ter- mination Ă  utiliser leurs aptitudes. L’attitude positive estun Ă©lĂ©ment constitutif de l’initiative, qui est ledon de rĂ©flĂ©chir etd’innover. Certaines personnes achoppent sur lesoccasions favo- rables comme si c’étaient des obstacles, alors que les esprits positifs recherchent les bons cĂŽtĂ©s des choses. La dĂ©couverte de la pĂ©nicilline nousapporte un exemple del’avantage qu’il peut y avoir Ă  envisager les choses de façon positive plutĂŽt que nĂ©gative. "Bien des bactĂ©riologistes avaient observĂ© que les cultures de microbes s’altĂ©raient si on lesexposait auxmoisis- sures, mais leur seule conclusion Ă©tait la nĂ©cessitĂ© de garder les cultures de ces moisissures. Il fallait un coup de gĂ©nie pour dĂ©celer lespossibilitĂ©s mĂ©dici- nales del’observation initiale." Cette citation est tirĂ©e d’un ouvrage de Hans Selye sur la recherche fonda- mentale, intitulĂ© Adventures of the Mind. Nous voyons par lĂ ,d’autre part, qu’il faut parfois bien peu pour faire tourner leschoses Ă  son avantage. Noter les menus dĂ©tails, enobserver lanature et relier les rĂ©flexions qu’ils suscitent aux connaissances dĂ©jĂ  emmagasinĂ©es dans l’esprit, voilĂ  un moyen de dĂ©cou- vrir desidĂ©es nouvelles. Shakespeare entendit parler d’une petite Ăźle decorail, etc’est Ă  partir deouĂŻ-dire qu’il Ă©crivit samagnifique fĂ©erie laTempĂȘte. L’enthousiasme est constructif Tous les progrĂšs delacivilisation sont attribuables Ă  la pensĂ©e constructive des peuples. Les annales de l’humanitĂ© proclament les actions deshommes et des femmes qui ont dit: "J’en suis capable", tandis qu’elles sontle plussouvent muettes surceux qui ontdit: "J’en suis incapable". Les esprit positifs estiment qu’il vaut mieux Ă©chouer dans l’exĂ©cution d’un projet que ne pas Ă©chouer pour n’avoir pas essayĂ©. L’enthousiasme est une qualitĂ© nĂ©cessaire pour accomplir unetĂąche avec succĂšs. Lesgrandes rĂ©alisa- tions sont souvent lefruit non pas de la force mais de la persĂ©vĂ©rance. Enprincipe, l’artiste, lescientifique, l’homme d’affaires, l’inventeur et l’écrivain sont mus par undĂ©sir siirrĂ©sistible decrĂ©er que loin defaire la grĂšve pour obtenir un salaire plus Ă©levĂ© et des heures plus courtes, ilsacceptent mĂȘme de payer pour avoir la chance d’accomplir quelque chose de nouveau. Ils savent qu’il est loin d’ĂȘtre aussi intĂ©ressant de suivre la voie facile del’inaction que des’attaquer Ă  une difficultĂ© etdelavaincre. Ceque les autres dĂ©cla- rentimpossible est soumis chez eux Ă  un examen attentif. Peu devictoires apportent autant desatisfac- tion que celle d’organiser untravail que tout le monde considĂšre comme irrĂ©alisable, puisde se mettre Ă  l’oeuvre et del’exĂ©cuter. Savoir oĂč l’on va La vie ne peutĂȘtre que terne et dĂ©nuĂ©e de sens pour qui nesefixe pas certains buts et nes’engage pas Ă  s’efforcer deles atteindre. Si l’on adopte l’attitude nĂ©gative d’envisager la viecomme un torrent sans forme ni destination, oĂč personne n’a le moindre avenir, il ne reste aucune raison d’espĂ©rer ou de travailler.

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VOL. 55, No 11 SIÈGE SOCIAL: MONTRÉAL, NOVEMBRE 1974

Avoir une attitude positive

LES MOTS POSITIF ET NÉGATIF sont des termes de portĂ©eet de sens trĂšs Ă©loignĂ©s. La distance qui les sĂ©pare estle champ clos oĂč se joue le succĂšs ou l’échec de touteentreprise commerciale et oĂč se dĂ©cide le bonheur oule malheur de la vie des hommes.

La victoire a tendance Ă  favoriser les concurrentsqui joutent sous l’étendard positif. Ce sont des per-sonnes qui se sont habituĂ©es Ă  penser "Quelle initiativevais-je prendre ?" au lieu de "Qu’est-ce qui va m’arri-ver?"

Pour venir Ă  bout des difficultĂ©s et satisfaire sesaspirations dans la vie, il importe de dĂ©terminer cequ’il faut faire pour devenir ce que l’on veut ĂȘtre, puisde l’accomplir. Il importe aussi de savoir quels sontles outils et les talents dont on dispose et comment enfaire le meilleur usage. Si le sort ne vous a pas permisde faire des Ă©tudes supĂ©rieures, ne vous croyez paspour autant exclu du tournoi des affaires ou de la viesociale: vous ferez de votre mieux avec l’instructionque vous avez et vous vous armerez de courage pouren acquĂ©rir davantage.

Charles Darwin soutenait, Ă  la fin de toute une vied’observation critique, que les hommes diffĂšrentmoins par leur capacitĂ© que par leur zĂšle et leur dĂ©ter-mination Ă  utiliser leurs aptitudes.

L’attitude positive est un Ă©lĂ©ment constitutif del’initiative, qui est le don de rĂ©flĂ©chir et d’innover.Certaines personnes achoppent sur les occasions favo-rables comme si c’étaient des obstacles, alors que lesesprits positifs recherchent les bons cĂŽtĂ©s des choses.

La dĂ©couverte de la pĂ©nicilline nous apporte unexemple de l’avantage qu’il peut y avoir Ă  envisager leschoses de façon positive plutĂŽt que nĂ©gative. "Biendes bactĂ©riologistes avaient observĂ© que les cultures demicrobes s’altĂ©raient si on les exposait aux moisis-sures, mais leur seule conclusion Ă©tait la nĂ©cessitĂ© degarder les cultures de ces moisissures. Il fallait uncoup de gĂ©nie pour dĂ©celer les possibilitĂ©s mĂ©dici-nales de l’observation initiale." Cette citation est tirĂ©ed’un ouvrage de Hans Selye sur la recherche fonda-mentale, intitulĂ© Adventures of the Mind.

Nous voyons par là, d’autre part, qu’il faut parfois

bien peu pour faire tourner les choses Ă  son avantage.Noter les menus dĂ©tails, en observer la nature et relierles rĂ©flexions qu’ils suscitent aux connaissances dĂ©jĂ emmagasinĂ©es dans l’esprit, voilĂ  un moyen de dĂ©cou-vrir des idĂ©es nouvelles. Shakespeare entendit parlerd’une petite Ăźle de corail, et c’est Ă  partir de ouĂŻ-direqu’il Ă©crivit sa magnifique fĂ©erie la TempĂȘte.

L’enthousiasme est constructif

Tous les progrĂšs de la civilisation sont attribuables Ă la pensĂ©e constructive des peuples. Les annales del’humanitĂ© proclament les actions des hommes et desfemmes qui ont dit: "J’en suis capable", tandis qu’ellessont le plus souvent muettes sur ceux qui ont dit:"J’en suis incapable". Les esprit positifs estiment qu’ilvaut mieux Ă©chouer dans l’exĂ©cution d’un projet quene pas Ă©chouer pour n’avoir pas essayĂ©.

L’enthousiasme est une qualitĂ© nĂ©cessaire pouraccomplir une tĂąche avec succĂšs. Les grandes rĂ©alisa-tions sont souvent le fruit non pas de la force mais dela persĂ©vĂ©rance. En principe, l’artiste, le scientifique,l’homme d’affaires, l’inventeur et l’écrivain sont muspar un dĂ©sir si irrĂ©sistible de crĂ©er que loin de faire lagrĂšve pour obtenir un salaire plus Ă©levĂ© et des heuresplus courtes, ils acceptent mĂȘme de payer pour avoirla chance d’accomplir quelque chose de nouveau.

Ils savent qu’il est loin d’ĂȘtre aussi intĂ©ressant desuivre la voie facile de l’inaction que de s’attaquer Ă une difficultĂ© et de la vaincre. Ce que les autres dĂ©cla-rent impossible est soumis chez eux Ă  un examenattentif. Peu de victoires apportent autant de satisfac-tion que celle d’organiser un travail que tout le mondeconsidĂšre comme irrĂ©alisable, puis de se mettre Ă l’oeuvre et de l’exĂ©cuter.

Savoir oĂč l’on va

La vie ne peut ĂȘtre que terne et dĂ©nuĂ©e de senspour qui ne se fixe pas certains buts et ne s’engage pasĂ  s’efforcer de les atteindre. Si l’on adopte l’attitudenĂ©gative d’envisager la vie comme un torrent sansforme ni destination, oĂč personne n’a le moindreavenir, il ne reste aucune raison d’espĂ©rer ou detravailler.

Nous devons nous river à des buts qui nous inté-ressent vraiment et qui sont compatibles avec nostalents et nos rÚgles de conduite.

D’oĂč la nĂ©cessitĂ© de bien choisir dans la vie ce quinous servira de normes de succĂšs. Tout sera ensuiterattachĂ© Ă  cette norme, du cĂŽtĂ© plus ou du cĂŽtĂ© moins,du cĂŽtĂ© positif ou du cĂŽtĂ© nĂ©gatif. Nous appliqueronsnotre effort de rĂ©flexion Ă  ce qui est important etessentiel, Ă©vitant ainsi de confondre les buts secon-daires avec les valeurs primordiales.

Le dĂ©sir d’une chose est plus qu’une simple disposi-tion Ă  recevoir. C’est un sentiment positif, tenace,Ă©nergique et crĂ©ateur. Il est mĂ» par notre initiative,notre Ă©nergie et notre persĂ©vĂ©rance, et ce sont lĂ  desforces positives. GrĂące Ă  elles, on ne quitte plus desyeux la destination que l’on veut atteindre.

Le sage construit lui-mĂȘme son avenir. 11 se donnecorps et Ăąme Ă  quelque chose qui dĂ©passe la satisfac-tion des besoins immĂ©diats. Il n’ajoute pas foi ausort, Ă  la destinĂ©e et aux mirages du futur. Ce sontlĂ  des abstractions. Il Ă©tudie plutĂŽt les moyens dedĂ©cider dĂšs maintenant de sa carriĂšre. La croyance Ă la prĂ©destination est parfois une lĂąche dĂ©robadedevant la responsabilitĂ© de prendre une dĂ©cisionpĂ©remptoire et d’accomplir un geste positif.

Elaborer ses plans avec prudence

Il est nĂ©cessaire d’avoir un plan en tĂȘte. Sinon,toutes nos petites briques de reconstruction pourraienttout aussi bien rester dans la briqueterie. L’enchaĂźne-ment des consĂ©quences ne suit pas toujours le planque nous avons tracĂ©, mais autant l’orienter audĂ©part dans la bonne direction.

Le plan a valeur de prĂ©servatif. Les personnes qui serĂ©vĂšlent les mieux Ă©quilibrĂ©es et les plus habiles dansles situations difficiles sont sans doute celles qui ontprĂ©vu le pire et ce qu’il faut faire dans ce cas. Rappe-lons-nous l’exhortation de "Father Duncan" dansle roman d’Elizabeth Byrd, les Fleurs de la forĂȘt:"Soyez prudents dans vos priĂšres de crainte que Dieune les exauce."

Un esprit crĂ©ateur n’observe pas la rĂšgle servile-ment, bien qu’il doive la connaĂźtre. Shakespeare etTintoretto n’ont-ils pas connu un certain succĂšs ens’écartant, l’un, des rĂšgles du genre dramatique,l’autre, de celles de l’art. 11 faut parfois sauter sansvoir ce qu’il y a derriĂšre le mur. Cela revient Ă  dire:"Avec les lumiĂšres dont je dispose en ce moment,voici le parti que je choisis, bien que je puisse demainen savoir plus et faire un choix diffĂ©rent."

Le dĂ©sordre des idĂ©es et des actes est un obstacle auprogrĂšs, donc quelque chose de nĂ©gatif. Faites quereste simple tout ce qu’il est possible de simplifier.La complexitĂ© des mĂ©thodes et du matĂ©riel est unefausse qualitĂ©, qui rend le travail plus pĂ©nible. Presquetous les hommes d’affaires pratiques reconnaĂźtrontque la bureaucratie leur met trop de paperasserie surles bras. Il appartenait au prĂ©sident de la Roumaniede leur en indiquer le remĂšde en dĂ©crĂ©tant une rĂ©duc-

tion de 50 p. 100 des stocks de papier destinés auxbureaux.

La prise de décision

Il se peut qu’un homme accomplisse son sĂ©jourterrestre sans ĂȘtre confrontĂ© une seule fois avec unegrande question dont la dĂ©cision modifiera sonavenir, mais chacun est appelĂ© quotidiennement Ă trancher des problĂšmes embarrassants dans la vie.

DiffĂ©rentes options nous sont offertes. Devant unecroisĂ©e de chemins, oĂč il faut dĂ©cider quoi faire,quatre choix sont possibles: s’asseoir, s’engager dansl’une ou l’autre des voies divergentes, ou encoretourner le dos au problĂšme et rentrer chez soi.

L’important c’est de se renseigner suffisammentsur les avantages respectifs de chaque option pourĂȘtre en mesure d’en arriver Ă  une dĂ©cision intelligente.Consultez votre guide routier, les passants et lesdonnĂ©es des panneaux indicateurs. Si vous avez votrecalepin, Ă©tablissez le pour et le contre de chaquepossibilitĂ©.

En gĂ©nĂ©ral (il y a des exceptions Ă  toute rĂšgle deconduite), il est plus sage de prendre ses dĂ©cisionsnettement et rapidement que de s’y attarder et perdreson premier Ă©lan. Retarder une dĂ©cision en attendantde connaĂźtre les faits nĂ©cessaires pour agir avecsagacitĂ© n’est pas la mĂȘme chose que l’indĂ©cisionfondĂ©e sur la rĂ©pugnance Ă  fixer son choix. L’hommede science cherchant la solution d’un problĂšmed’importance capitale peut fort bien suspendre sonjugement dĂ©finitif avant d’avoir toutes les preuvesentre les mains, mais il lui est permis dans l’intervallede faire connaĂźtre les conclusions provisoires aux-quelles le conduit l’état actuel de ses renseignements.

Nul ne peut exceller dans son domaine Ă  moins depenser par lui-mĂȘme, d’en arriver Ă  ses dĂ©cisions, d’envĂ©rifier l’exactitude et de leur donner suite. Ceux quihĂ©sitent entre le pour et le contre sont dans une situa-tion malheureuse. En voulant mĂ©nager la chĂšvre etle chou, ils encourent le danger de tout perdre.

Les personnes qui occupent des postes oĂč il fautprendre des dĂ©cisions judiciaires s’efforcent de trouverune rĂšgle particuliĂšre au lieu de juger les causes parti-culiĂšres en fonction de rĂšgles gĂ©nĂ©rales. Il est mal-honnĂȘte de s’en tenir aux gĂ©nĂ©ralitĂ©s lorsqu’on disposede prĂ©cisions, mais la connaissance des principesgĂ©nĂ©raux permet de rĂ©soudre de façon plus construc-tive les cas particuliers.

Le premier trait caractĂ©ristique de la droiture depensĂ©e est son souci d’envisager les faits. C’est par lafranchise d’esprit, en distinguant entre ce que l’onsait et ce que l’on tient simplement pour acquis quel’on Ă©vite la perpĂ©tuelle imprĂ©cision dans laquellerestent tant de gens.

Optimisme et discrétion

Nous ne savons jamais quand la Fortune viendrafrapper Ă  notre porte, alors pourquoi ne pas vivre dansl’expectative? Comme l’a dit Norman Vincent Peale:"Nulle bonne chose n’est trop bonne pour ĂȘtre vraie."

Il faut avant tout adopter une attitude constructive.Jamais une idĂ©e lumineuse ni une ïżœuvre fĂ©conde n’estsortie d’un cerveau nĂ©gatif ou chicanier. On entendparfois la triste lamentation qu’il est impossible dechanger le monde. C’est peut-ĂȘtre vrai (bien qu’il soitpeut-ĂȘtre possible d’en amĂ©liorer une infime partie),mais rien ne nous oblige Ă  baisser pavillon et Ă  nousranger du cĂŽtĂ© des Ă©lĂ©ments de dĂ©tĂ©rioration quis’y trouvent.

Il n’y a nulle satisfaction pour un esprit sain Ă  pestercontre les choses. Selon le prĂ©cepte de Confucius:"Mieux vaut allumer une petite chandelle que demaudire l’obscuritĂ©." Le pessimiste est celui qui se faitun plaisir de condamner ce qu’il considĂšre comme peusouhaitable sans rien faire pour y remĂ©dier. Il refuseles possibilitĂ©s qui lui sont offertes, alors que l’opti-miste profite des difficultĂ©s qu’il rencontre en lesmaĂźtrisant.

Bien sĂ»r, l’attitude positive ne consiste pas Ă  agiravec prĂ©cipitation, dans l’espoir de voir se rĂ©aliserimmĂ©diatement tout ce qui est bon. Les personnespatientes, celles qui sondent le terrain avec soin, sontdes esprits positifs Ă  condition qu’elles progressent,mĂȘme si c’est Ă  pas lents. Le doute a ses heures:l’esprit positif entreprend alors des recherches, et lesrecherches mĂšnent Ă  la vĂ©ritĂ©.

Les temps de réflexion

Au cours de sa carriÚre, tout homme doit de tempsen temps se ménager une diversion, un répit, unepause, pour tenter de comprendre sa vie, juger desfaits du moment et mesurer le chemin parcouru pourréaliser ses projets à long terme.

La rĂ©flexion a un double aspect: elle peut servir Ă stimuler un idĂ©al qui aura pour effet de transformeret d’orienter notre vie, ou tout simplement Ă  nousreplier sur notre moi envisagĂ© dans la grisaille duquotidien. La tour d’ivoire est l’endroit indiquĂ© oĂčse retirer pour se prĂ©parer Ă  l’action, pour aller aufond des choses, pour reprendre ses forces. Ce qui estmalheureux, c’est qu’elle est devenue le symboled’un repli sans retour.

La retraite dans un lieu tranquille, soustrait Ă toutes distractions visuelles et sonores, peut ĂȘtre unesource d’énergie dirigĂ©e. Que l’on nous ait parlĂ© dansnotre enfance du charme de s’asseoir devant le feupour rĂȘver et trouver des idĂ©es, cela est fort bien.L’ennui c’est que les idĂ©es sont exposĂ©es Ă  s’envolerpar la cheminĂ©e et Ă  se perdre. Il paraĂźt plus avanta-geux Ă  notre Ă©poque de s’installer Ă  une table, avec uncrayon et du papier, afin de fixer nos pensĂ©es pourles analyser.

Une action concrĂšte s’impose toujours devant lesproblĂšmes. Le sens commun nous invite Ă  ne pasnourrir l’espoir gĂ©nĂ©ralement rĂ©pandu qu’il suffit detourner le dos Ă  un problĂšme pour le voir disparaĂźtre.Cela est aussi insensĂ© que de prendre une chandellepour regarder l’heure la nuit sur un cadran solaire.

L’esprit positif est celui qui, lorsque quelque chose

ne va pas, non seulement le sent par intuition, maisa la patience et le courage de chercher la rĂ©ponseadĂ©quate du problĂšme, ou peut-ĂȘtre mĂȘme rien qu’unebonne rĂ©ponse, et d’y donner suite.

Nous parlons souvent de l’embarras d’ĂȘtre enfermĂ©dans un dilemme. Un dilemme est le fait d’avoir Ă choisir entre deux partis Ă©galement dĂ©sagrĂ©ables. Enpareil cas, analysez la situation. Les deux Ă©ventualitĂ©ss’excluent-elles vraiment et ~puisent-elles Ă  elles deuxtoutes les possibilitĂ©s ?

Adopter une attitude nĂ©gative Ă  l’égard d’un pro-blĂšme avant de l’avoir soumis Ă  un examen de cegenre n’est guĂšre profitable. DĂ©finissez le problĂšme.Appliquez les mĂ©thodes et les principes connus Ă  lasolution. Ne cherchez pas de contradictions oĂč il n’yen a pas. Le chaud et le froid, le pĂąle et le foncĂ©, le bonet le mauvais, le fort et le faible ne sont pas des con-traires mais des degrĂ©s et des diffĂ©rences. La clef d’unproblĂšme, la solution d’une discussion, le choix d’uneligne de conduite rĂ©sident souvent dans le juste milieu.

Il est des gens, dont beaucoup de bonne Ă©ducation,qui sont contre tout par tempĂ©rament. Ceux quiprennent une initiative nouvelle ou proposent unemaniĂšre diffĂ©rente de voir les choses sont parfois para-lysĂ©s dans leurs efforts par la crainte de ce que dirontces personnes. Il est toujours quelqu’un pour se prĂ©-senter Ă  une rĂ©union de comitĂ© avec des liasses depapier couvertes de notes sur les raisons pour les-quelles il est impossible de faire tel changement ou derĂ©aliser telle nouvelle idĂ©e. Ces critiques sont nĂ©ga-teurs par principe. Leur dĂ©cision est prise avant mĂȘmequ’on leur expose les faits nĂ©cessaires pour en arriverĂ  une conclusion intelligente.

Lorsqu’on demande Ă  un homme quelles sont sesconvictions, que de fois n’entend-on pas, au lieud’une rĂ©ponse affirmative, une kyrielle de choses qu’ilcondamne: le bilinguisme, l’unilinguisme, la fluorisa-tion, le tabac, la vitesse, le gouvernement, etc.

Il est raisonnable d’ĂȘtre contre des rĂ©alitĂ©s commel’esclavage, la pollution, la maladie et le pĂ©chĂ© pourvuque l’on soit pour quelque chose qui est de nature Ă rendre ces maux impossibles ou Ă  y remĂ©dier.

La peur et la frustration

Envisagez la peur de façon positive. Recherchez-enla cause: si elle est fondĂ©e, faites le nĂ©cessaire; si elleest sans fondement, chassez-la. DĂšs qu’ils apprirentque la terre Ă©tait ronde, les gens cessĂšrent d’avoir peurde tomber dans le vide.

L’une des grandes victoires de la vie tient Ă  lacapacitĂ© des hommes d’affronter la peur et la frustra-tion positivement. Nous devons nous attendre Ă  subirnotre bonne part de frustrations. Elles font partie ducours normal de l’existence, comme les fosses desable sur un terrain de golf.

On ne peut s’instruire sans commettre des erreurs,et quiconque fait quelque chose se trompe fatalementde temps en temps. Lorsqu’on est dans l’erreur, il estnoble de le reconnaütre et de corriger rapidement et

de bon cïżœur ce qui est de travers. Il est vain dechercher Ă  s’excuser.

"Si" est un mot nĂ©gatif. Combien de personnesn’entendons-nous pas l’employer pour dĂ©plorer leurmanque de progrĂšs ou de bonheur: "Si j’avais unevoiture neuve; si j’avais 20 ans de moins; si j’étaisplus instruit; si j’avais un bon patron; si j’avais meil-leure santĂ©." Elles espĂšrent se disculper de leur Ă©checen en dĂ©clinant la responsabilitĂ©.

Nos rapports avec les autres

N’est-il pas beaucoup plus facile de s’entendre surune question en recherchant les similitudes plutĂŽt queles diffĂ©rences de point de vue, le positif plutĂŽt que lenĂ©gatif?

Dans la rĂ©daction des lettres d’affaires, il y aintĂ©rĂȘt Ă  donner un tour positif Ă  ses idĂ©es. Faites desaffirmations prĂ©cises. Évitez le langage anodin, hĂ©si-tant, non compromettant. S’il vous faut contredirevotre client ou refuser ce qu’il demande, ne vouscontentez pas d’un simple "non". Vous avez l’obliga-tion de proposer une solution de rechange.

Avant d’engager un dĂ©bat, il faut se demander s’il ya intĂ©rĂȘt Ă  le faire. La façon constructive d’aborderune discussion consiste Ă  rĂ©flĂ©chir avec soin Ă  la findĂ©sirĂ©e: Ă©coutez, concĂ©dez, soyez modĂ©rĂ©, citez vossources et laissez la porte entrouverte afin de permet-tre Ă  votre adversaire de passer de votre cĂŽtĂ© sansperdre la face.

Louez lorsque la chose est possible. La reconnais-sance et les Ă©loges sont des valeurs positives quandils sont naturels et sincĂšres. Il est honorable et justede se montrer sensible au succĂšs des autres et de lesfĂ©liciter de bonne grĂące. C’est une preuve que l’onsait discerner la compĂ©tence.

Un "rĂ©alisme" tenace veut que l’on considĂšre uni-quement les rĂ©alitĂ©s de la vie, sans tenir compte desidĂ©aux ni des personnes en cause. "C’est le propre dubarbare, dit Richard Weaver, qu’on le trouve Ă  uneĂ©poque prĂ©culturelle ou qu’il sorte de terre aux joursde dĂ©clin d’une civilisation, de tenir absolument Ă  voirune chose ’telle qu’elle est’. Cette exigence tĂ©moignequ’il n’a rien en lui avec quoi la spiritualiser; il s’agitd’un rapport de chose Ă  chose oĂč l’imagination n’aaucune part."

Avoir un idéal

L’idĂ©al est la plus noble crĂ©ation de l’imagination.MĂȘme s’il est parfois hors de portĂ©e, il n’en demeurepas moins un point de visĂ©e nĂ©cessaire. Ce conseil d’unadministrateur en tĂ©moigne: "Soyez ce qu’un cadredevrait ĂȘtre selon vous avant de parvenir Ă  ce rang."

Qui que nous soyons, notre sentiment de ce qui estbon, important et souhaitable doit tenir compte denotre milieu de vie et du caractĂšre individuel de notrenature humaine. Le sens des valeurs est une forcemotrice positive. Il est vrai qu’il nous impose beau-coup d’efforts dans la vie, mais sans lui nous retombe-rions dans le nĂ©gativisme des espĂšces infĂ©rieures quiont reçu le droit de vivre sans rien dĂ©sirer de plus.

pUBLIÉ AUSSI EN ANGLAIS ET EN BRAILLE

Parler des "droits" c’est parler nĂ©gativement puisqueles droits ne peuvent mener qu’à l’organisation de larĂ©sistance. Le devoir est positif. Au nombre des obli-gations positives auxquelles nous devons porterattention figurent notamment celles de nous mainte-nir, nous et notre famille, en santĂ© et dans l’aisance;de payer nos dettes; d’accroĂźtre notre prospĂ©ritĂ© enaugmentant notre rendement.

Pratiquer cette maniĂšre de vivre positive ce n’estpas s’accommoder des maux de la sociĂ©tĂ© en essayantde se tirer d’affaire le mieux possible, mais Ă©difier savie sur un sens des valeurs qui place les banalitĂ©s del’existence quotidienne dans une perspective pratique.

Pensée et action

La rĂ©flexion est une nĂ©cessitĂ©. L’intelligence vautmieux que la voyance. Il est plus sensĂ© de se laisserguider par son esprit que par les astres.

Seule la rĂ©flexion nous permet de mettre notretalent au jour et de l’utiliser. Un homme Ă  qui l’ondemandait s’il savait jouer du piano rĂ©pondit trĂšsfranchement: "Je l’ignore, je n’ai jamais essayĂ©."

L’activitĂ© positive jointe Ă  la luciditĂ© de vue peutproduire des rĂ©sultats marquĂ©s au coin du gĂ©nie,c’est-Ă -dire de l’aptitude Ă  concevoir des idĂ©es et deschoses de haute qualitĂ©.

Lorsque la pensĂ©e a Ă©laborĂ© un plan rationnel, ilconvient de le mettre en pratique. Les hommes et lesfemmes ne sauraient conserver leur caractĂšre vraimenthumain ni contribuer au progrĂšs de la civilisation ense contentant d’exister comme spectateurs nonengagĂ©s de la vie. La passivitĂ© est quelque chosede nĂ©gatif.

Une dĂ©cision ou un projet qui reste sans suite est unvain effort. L’hĂ©sitation, voilĂ  le vice de fabricationcapital de bien des hommes et des femmes. NapolĂ©onnous dit que la raison de l’échec de certains gĂ©nĂ©rauxexcellents par ailleurs fut leur incapacitĂ© de saisir lebon moment pour agir. Un dĂ©part si modeste soit-ilest quelque chose de positivement profitable.

L’un des fondateurs du pragmatisme, le psychologueWilliam James, Ă©crit que "pour vaincre les tendancesĂ©motionnelles peu dĂ©sirables qu’il y a en nous, nousdevons assidĂ»ment, et surtout de sang-froid, exĂ©cuterles mouvements extĂ©rieurs des dispositions contrairesque nous voulons acquĂ©rir."

Etre positif c’est dĂ©tourner ses pensĂ©es des chosesqui nous sont adverses et les fixer sur la multitude decelles qui nous sont favorables. Puis, ayant dĂ©cidĂ©d’accomplir quelque chose de positif, ne pas mĂ©nagersa peine: le faire bien et jusqu’au bout. C’est l’usageque nous faisons de nos aptitudes qui dĂ©cide du succĂšsde nos efforts.

Sachez donner de la vitalitĂ© Ă  vos idĂ©es positives.Devant sa propre vie, chacun de nous est comme lechef d’orchestre devant ses musiciens: il anime, guide,contient, coordonne, interprĂšte les multiples qualitĂ©sde son ĂȘtre. Il doit avoir de l’envergure et de l’assu-rance.

LA BANQUE ROYALE DU CANADA 1974/IMPRIMÉ AU CANADA