Travaux originaux M~decine et Maladies Infectieuses -- 1986 -- 10 -- 552 & 555

Caract risation

de rivi re en

des Yersinia isol es dans les eaux

Meur the -e t -Mose l le : chimiotypes,

s rotypes et lysotypes*

par F. AGBAL IKA* * , J. BRAULT** * , M. SOLTANDALLAL* * , A. GUIYOULE** * et H.H. M O L L A R E T * * *

RESUME Des souches de Yersinia isol~es dans I'environnement hydrique sont ~tudi~es pour leurs caract6res chimiotypes, s~rotypes (antig~nes somatiques 0) et lysotypes. Parmi les 209 souches ~tudi~es, 90 (43 %) appartiennent ~ Y. enterocofitica, 93 (44,5 %) ~ Y. in- termed&, 12 (5,7 %) ~ Y. frederiksenii, 11, (5,2 %) ~ Y. kristensenfi et 3 (1,4 %) ~ Y. ((atypiques)~. Cos trois souches atypiques comprennent une souche de Y. enterocoEtica ur~ase n~gative et deux souches de Yersinia immobiles ~ 25°C, n'appartenant ~ aucune des esp~ces d~finies et util isant le rhamnose, I'(X-m~thyI-D-glucoside et le citrate de Sim- mons. Les souches de Y. enterocofit ica sont plus fr~quemment de chimiotype 1 (84,9 %) tandis que les Y. intermedia se r~partissent plus fr~quemment entre les chimiotypes 1 et 4 (respectivement 41,9 % et 39,8 %). Trente s~rotypes diff~rents ont ~t~ identifies et se r~partissent entre 181 souches (86,6 %). Les s~rotypes les plus frequents sont 0 : 4 ; 0 : 5 ; 0 : 6 ; 0 : 7 ; 10K 1 ; 0 : 10K 1 , 3 4 ; 0 : 1 6 ; 0 : 2 8 ; 0 : 3 0 . 1 1 s a p p a r t i e n n e n t ~ c e s types de Yersinia potentiellement pathog~nes de plus en plus rencontres actuellement en pathologie humaine.

Mots-Cl~s : Yersinia - Chimiotypes - S~rotypes - Lysotypes - Eaux de rivi~re.

Les infections & Yersinia occupent actuellement une place importante en pathologie infectieuse humaine (4, 7, 8). Une telle observation t ient ~ la recherche syst~matique du germe entreprise depuis quelques ann~es dans divers pr~l~vements issus tant du milieu ext~rieur que d'indivi- dus malades ou sains et d'animaux, comme en t~moignent des travaux r~cents (5, 13, 14, 17, 18). L'analyse de ces derniers confirme le caract~re mouvant du processus d'adaptation du germe (21). Aussi, une ~tude r~cente de Mollaret (15) fait-elle ~tat de s~rotypes nouveaux de Yersinia chez des individus malades, s~rotypes apatho- g~nes d~crits jusque I~ dans des ~chantillons de I'environ- nement.

A I'occasion d'un travail sur les eaux de rivi~re, nous avons ~tudi~ les caract~res des souches de Yersinia isol~es dans les pr~l~vements effectu~s aux points de prise d'eau alimentant des stations de traitement d'eau pour produire I'eau potable.

MATERI ELS ET METHODES

L'~tude porte sur 209 souches de Yersinia isol~es ~ par- t i r d'eaux de rivi~re pr~lev~es de Mars 1983 & D~cembre 1984 dans la R~gion Lorraine. Los ~chantillons, au nombre

de 108, sont conserves ~ + 4°C pendant deux ~ trois se- maines, puis filtr~s sur des membranes filtrantes de 0,22 #m de porositY. Ces membranes sont d~pos~es sur milieu Y-M (16) coul~ en boites de P~tri qui sont incub~es ~ + 25°C en ana~robiose (24 heures) et a~robiose (48 heures).

Les colonies suspectes rouge-magenta sont repiqu~es en g~lose ordinaire, puis test~es pour I'hydrolyse rapide de I'ur~e (5 ~ 10 ran) en milieu ur~e-indole (Merck) & la tem- perature ambiante. Elles sont identifi~es en galerie API 20E et API 50E (Api Systems - La Balme - Les Grottes - 38 France) pour d~terminer I'esp~ce et le chimiotype des sou- ches selon Bercovier et coll. (3).

La s~rotypie (antig~nes somatiques 0) ainsi que la ly- sotypie sont r~alis~es ~ I ' lnsti tut Pasteur de Paris (Pr. Mollaret).

*Re~u le 26.5.1986. Acceptation d~finitive le 11.6.1986 ** Laboratoire d'Hygi~ne et de Recherche en Sant~ Publique - Facul- t6 B de M~decine - Universit~ de Nancy I (Prof. ag. Ph. Hartemann), 9 av. de la For~t de Haye, BP 184, F 54505 Vandoeuvre les Nancy c6d. ***Unit~ d'Ecologie bact6rienne, Centre International OMS pour les Yersinia, Institut Pasteur, 25 rue du Dr. Roux, 75015 Paris

552

T A B L E A U I Classification des souches de Yersinia isol~es en fonct ion de I'esp~ce, du chimiotype, du s(~rotype et du lysotype

Esp~ces Chimiotype Sdrotype Lysotype Nombre Nombre total % par dJisolements par ch imiotype chimiotype

Yers in ia 1 5 X z 8 en te roco l i t i ca 6 Xz 16

7 Xo 2 7 ,8 Xz 17 7 ,8 Xo 4

7, 8, 19 Xz 4 10K 1 b Xo 2

10K1,34 Xo 2 14 Xo 1 16 Xz 2 28 Xo 6 79 84,9 30 Xz 2 30 Xo 1 40 Xo 1 48 Xo 1

Nag Xz 9 AA Xz 3

2 34, K 1 Xo 1 1 1,07

3 4 Xo 4 6 Xz 2 16 Xo 2 11 11,8 18 Xo 2

Nag Xo 1

Yersin ia 1 4 X z 5 in te r rned ia 5 Xz 1

10 K 1 Xo 3 14 Xz 5 17 Xo 2 29 Xz 1 39 41,9 36 Xo 11 37 Xz 2 38 Xz 3 46 Xo 1 48 Xo 1 49 Xz 2 AA Xo 2

2 4 Xz 1 14 Xz 3 14 Xo 1 9 9,6 17 Xo 3

25, 35 Xo 1

3 7 ,8 Xo 1 4, 9 Xo 2 3 3,2

4 4 Xz 1 5 Xo 2 5 Xz 1

7 ,8 Xz 2 8, 19 Xo 1

10, K 1 Xo 9 t0, K1, 34 lent Xz 2 10, K 1 34 lent Xo 9 37 39,8

17 Xo 1 30 Xo 1

Nag Xz 2 Nag Xo 3 AA Xo 3

5 35 Xz 1 36 Xz 1 40 Xz 1 5 5,4 46 Xz 1 46 Xo 1

Yersin ia 11 Xz 5 k i rs tensen i i 12, 5 Xz 1 11

28 Xz 5

Yersinia 16 Xz 2 f reder iksen i i 16 X o 1

16, 4 Xz 1 12 34 lent Xz 3

Nag Xz 1 Nag Xz 4

T O T A L 209

a) Trois souches de Yersin ia atypiques sont incluses dans le nombre total de Y. en te roco f i t i ca : -- 1 souche Y. en te roco l i t i ca ur~ase n~gative (IP 13789) -- 2 souches de Yersinia (esp~ces non d~termin~es) immobiles ~ -~-25°C, Rhamnose -~-, 0L-methyI-D-glucoside -}-, citrate de

Simmons -{-; chimiotype non d~termin~ (voir b) (IP-13150 et 13151).

553

R ESU LTATS

A partir des 108 dchanti l lons d'eau de rivi~re examines, 67 (62 %) ont ~t~ positifs pour au moins une souche de Yersinia. La r~parti t ion selon les esp~ces des 209 souches isoldes est prdsent~e dans le tableau I. Y. enterocofitica et Y. intermedia sont les esp~ces les plus fr~quemment isol~es (respectivement 43 % et 44,5 %) tandis que Y. kristensenti (5,2 %) et Y. frederiksenii (5,7 %) sont relativement peu frequents. Trois souches pr~sentent un int~r~t part icul ier : 1 souche Y. enterocofitica urdase n~gative et 2 souches de Yersinia n'appartenant 8 aucune esp~ce d~finie mais rham- nose, c~-m~thyI-D-glucoside et citrate de Simmons positifs et immobiles 8 25°C. II est 8 noter d'autres caract6res bio- chimiques atypiques. C'est ainsi que 7 souches de Y. ente- rocofitica fermentent le lactose, 2 souches de Y. enteroco- fitica et 9 souches de Y. frederiksenii utit isent le citrate de Simmons. Mais 15 souches de Y. intermedia sont inca- pables d'ut i l iser le citrate de Simmons.

L'~tude des chimiotypes montre que la majoritd des Y. enterocofitica (84,9 %) sont de chimoitype 1, tandis que Y. intermedia se r~partit plus fr~quemment entre les chimiotypes 1 et 4 (respectivement 41,9 % et 39,8 %). Pour chacune de ces deux esp~ces, les autres chimiotypes sont peu frequents.

181 souches isol~es, soit 86,6 % se r~partissent en 30 s~rotypes diff~rents (antig~nes somatiques 0). Pour Y. en- terocofitica, on note une predominance des s~rotypes 0 : 5, 0 : 6, 0: 7, 8 et 0: 28. Pour Y. intermedia, ce sont les s~ro- types 0 : 4, 0 : 14, 0 : 3 6 qui sont le plus fr~quemment ob- serves. Pour Y. kristensenii, ce sont les sdrotypes 0 : 11, 0 : 12, 25 et 0 : 28 qui sont observes. Y. frederiksenti se r~partit aussi entre 3 s~rotypes 0 : 16, 0 : 16, 34 et 0 : 34. Aucun des s~rotypes 0 : 3, 0 : 8 et 0 : 9 isol~s habituelle- ment jusqu'8 present chez I 'homme et r~putds pathog6nes pour lui n'est ddtect~ au cours de cette ~tude. Cependant, beaucoup des souches de types r~put~s non pathog~nes, mais de plus en plus fr~quemment isol~es maintenant chez des malades sont prdsent~es dans le tableau II. Elles correspondent ~ 36,8 % des souches que nous avons isol~es.

Pour les 209 souches ~tudides, seuls sont observes les lysotypes X o (41%) et X z (59 %) qui sont r~partis dans les esp~ces Y. enterocofitica (X o = 31% et Xz = 69 %) ; Y. in- termedia (Xo = 53,7 % et X z = 46,3 %) ; Y. frederiksenti (X o = 41,6 % et Xz = 58,4 %). La total i td des Y. kristen- senti isol~es appartient au lysotype Xz.

DISCUSSION

De nombreux travaux ont fait ~tat de I' isolement de Yersinia dans les eaux douces (6, 9, 10, 12), mais ces sou- ches sont toutes du type ((non adapt~ ~ I'homme)), selon la dist inct ion faite par Wauters (21) entre souches adapt~es et souches non adapt~es. Nous n'avons isol~ aucune souche classiquement r~putde pathog6ne pour I 'homme (Y. entero- cofitica sensu stricto des chimiotypes 2 et 4). Sur ces bases, la total i t~ de nos souches serait des souches ((non adapt~es)) saprophytes de I 'environnement tant du po in t de rue chi- miotype que s~rotype et lysotype.

Dans nos souches, Y. enterocofitica chimiotype 1 pr~- domine largement (84,9 %), ce qui est conforme aux r~sul- tats des autres enqu~tes (6, 13). II est ~ souligner par ail- leurs les caract~res biochimiques atypiques de certaines souches, en part icul ier I ' isolement d'une souche de Y. en- terocofitica ur~ase n~gative. De telles particularit~s seraient souvent observ~es chez les souches de I 'environnement (20) mais rares sont les souches de Y. enterocofitica urdase n~- gative ddcrites dans la l i t tdrature (19).

Parmi les souches isoldes, 86,6 % sont s~rotypables et se distr ibuent dans trente s~rogroupes diff~rents qui sont tous des s~rogroupes d~crits jusqu'~ present comme sapro- phytes. Mais ces donn~es sont en train de se modif ier. En effet, certains s~rotypes de I 'environnement sont de plus en plus retrouvds chez des malades pr~sentant les m~mes ta- bleaux cliniques que ceux qu'entrainent les souches patho- g~nes 4 /3 /V I I I et 2 /9 /X 3 (15). Ces types de Yersinia poten- t iel lement ((pathog~nes)), au nombre de 77 (36,8 %), appar- t iennent surtout aux s~rotypes 0:4 ; 0:5 ; 0:6 ; 0:7,8 ; 0:10, K 1 ;0 :10 K1,34 ;0 :16 ;0 :28 ;0:30.

TABLEAU II R~partition de quelques sdrotypes potentiellement (cpathog~nes)> selon les esp~ces

Esp~ces

S6rotypes

0 : 4

0 : 5

0 : 6

0 : 7 , 8

0 : 10K 1

0 :16

0 :28

0 :30

a = Yersinia : esp~ce et chimiotyple (IP 13150 et 13151)

Y. enterocolitica Y. intermedia Y. frederiksenii

Chimiotypes

1 3

16 2

Chimiotypes

1 3 4

2 1

1 3

21 1 1

2a

2 2 3

6

3 1

non d~termin~es, immobile ~ -{-25eC, Rhamnose, m~thyI-D, glucoside et citrate de Simmons positifs

554

La quest ion estde savoir ma in tenant si I 'acquis i t ion de ce pouvo i r pathog~ne est li~e ou non ~ une con tam ina t i on plas- mid ique, mais les s~rotypes d~crits sont d i f f~rents de ceux (0:3, 0:8, 0:9) poss~dant un plasmide (11). Ces derniers sont excep t ionne l lement isol~s dans I 'env i ronnement hyd r ique (12). Les mani festat ions pathologiques dues ~ ces types de

Yersinia rendent-el les compte p l u t b t de I '~tat immun i ta i re des pat ients comme il est d~cr i t exp~r imen ta lemen t par certains auteurs (1, 2) ? Toute fo is , leur iso lement ~ la fois dans les pr~l~vements b io log iques et I ' env i ronnement pour- ra i t const i tuer un ~l~ment impo r tan t dans la con f i rma t ion de I'eau de consommat ion en tan tque v~h icu ledecon tamina t ion .

S U M M A R Y Characterization of Yersinia strains isolated from rirer water in Meurthe-et-Moselle : Chemotypes, serotypes and phage types

The chemotypes, serotypes and phage types o f 209 Yersinia strains isolated f rom 108 river water samples were studied. O f these 209 strains, 90 (43 %) belonged to Y. en- te roco l i t i ca , 93 (44,5 %) to Y. in termedia, 12 (5,7 %) to Y. f reder ikseni i , 11 (5,2 %) to Y. kr istenseni i and 3 (1,4 %) to atypical strains. These atypical strains included one urea negative strains and two Yersinia-like strains nonmot i le at 25°C and posit ive fo r rham- nose, oL-methyI-D-'glucoside and Simmons'citrate. The strains o f Y. enteroco l i t i ca belon- ged more f requent ly to chemotype 1 (84,9 %) where as Y. in termedia were chief ly dis- t r ibuted between chemotypes I and 4 (respectively 41,9 % and 39,8 %). Th i r ty diffe- rent serotypes were identi f ied and distr ibuted between 181 (86,6 %) f rom 209 strains studied. The serotypes f requent ly found belonged to : 0:4 ; 0:5 ; 0:6 ; 0:7,8 ; 0:1OK 1 ; 0:10K1,34 ; 0:16 ; 0:28 and 0:30. These serotypes now are isolated in the course o f human infectious diseases.

Key-words : Yersinia - Chemotypes - Serotypes - Phage types - River water

B I B L I O G R A P H I E

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