chained beloved - cinemas-utopia.org

24
CHAINED + BELOVED Tels le cĂŽtĂ© pile et face d’une piĂšce de monnaie, deux ïŹlms pour dĂ©crire les revers d’un mĂȘme monde. On peut se contenter de l’un ou de l’autre, tant ils ont leur identitĂ© propre ; ensemble ils gagnent encore en puissance, se renforcent, tel un duo d’ñmes sƓurs autonomes. On vous conseille donc de ne rien louper de ce diptyque (en commençant par Chained) aïŹn de goĂ»ter toute la subtilitĂ© de cet accord parfait. Les deux Ɠuvres se reïŹ‚Ăštent si bien l’une dans l’autre qu’on les suspecterait presque d’avoir inventĂ© une sorte de mouvement perpĂ©tuel. DĂ©couvrir l’une, enchainer sur l’autre, donne envie de revenir Ă  la premiĂšre et ainsi de suite, tant notre regard et notre comprĂ©- hension de ce puzzle social n’en ïŹnit plus d’ĂȘtre nourri et d’évoluer
 On plonge Ă  chaque fois dans une humanitĂ© sans fard par une porte d’entrĂ©e diffĂ©rente, en se focalisant sur l’essentiel, la mise en relief d’un personnage principal jusqu’alors restĂ© dans l’ombre. Ainsi ces points de vue adverses, ces vĂ©ritĂ©s intimes mises bout-Ă -bout aboutissent Ă  un portrait en creux, profond et saisissant, d’une sociĂ©tĂ© israĂ©lienne dĂ©sorientĂ©e, rendue schizophrĂšne et qui se cherche dĂ©sespĂ©rĂ©ment
 N°126 du 1 er juillet au 4 aoĂ»t 2020, EntrĂ©e : 6,50€ / le midi : 4€ / Abonnement : 47€ les dix places 5 AVENUE DU DOCTEUR PEZET 34090 MONTPELLIER / TÉLÉPHONE : 04 67 52 32 00 et 04 67 87 91 85 (rĂ©pondeur) / www.cinemas-utopia.org CinĂ©m a g a r a nt i s a n s 3 D

Upload: others

Post on 11-Jan-2022

6 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Page 1: CHAINED BELOVED - cinemas-utopia.org

CHAINED + BELOVED

Tels le cĂŽtĂ© pile et face d’une piĂšce de monnaie, deux films pour dĂ©crire les revers d’un mĂȘme monde. On peut se contenter de l’un ou de l’autre, tant ils ont leur identitĂ© propre ; ensemble ils gagnent encore en puissance, se renforcent, tel un duo d’ñmes sƓurs autonomes. On vous

conseille donc de ne rien louper de ce diptyque (en commençant par Chained) afin de goĂ»ter toute la subtilitĂ© de cet accord parfait. Les deux Ɠuvres se reflĂštent si bien l’une dans l’autre qu’on les

suspecterait presque d’avoir inventĂ© une sorte de mouvement perpĂ©tuel. DĂ©couvrir l’une, enchainer sur l’autre, donne envie de revenir Ă  la premiĂšre et ainsi de suite, tant notre regard et notre comprĂ©-hension de ce puzzle social n’en finit plus d’ĂȘtre nourri et d’évoluer
 On plonge Ă  chaque fois dans une humanitĂ© sans fard par une porte d’entrĂ©e diffĂ©rente, en se focalisant sur l’essentiel, la mise en relief d’un personnage principal jusqu’alors restĂ© dans l’ombre. Ainsi ces points de vue adverses,

ces vĂ©ritĂ©s intimes mises bout-Ă -bout aboutissent Ă  un portrait en creux, profond et saisissant, d’une sociĂ©tĂ© israĂ©lienne dĂ©sorientĂ©e, rendue schizophrĂšne et qui se cherche dĂ©sespĂ©rĂ©ment


N°126 du 1er juillet au 4 aoĂ»t 2020, EntrĂ©e : 6,50€ / le midi : 4€ / Abonnement : 47€ les dix places

5 AVENUE DU DOCTEUR PEZET 34090 MONTPELLIER / TÉLÉPHONE : 04 67 52 32 00 et 04 67 87 91 85 (rĂ©pondeur) / www.cinemas-utopia.org

Cinéma garanti sans 3D

Page 2: CHAINED BELOVED - cinemas-utopia.org

CHAINED + BELOVEDCHAINED + BELOVED

CHAINEDÉcrit et rĂ©alisĂ© par Yaron SHANIIsrael 2019 1h52 VOSTFavec Eran Naim, Stav Almagor, Stav Patai


À PARTIR DU 8 JUILLET

Trop de rĂŽles pour un seul homme ? Être bon flic, bon mari, bon beau-pĂšre, bon mĂąle reproducteur
 : voilĂ  ce Ă  quoi as-pire Rashi
 Mais parfois le regard des autres nous renvoie Ă  une autre rĂ©alitĂ© : on ne nait pas homme, on le devient
PremiĂšre scĂšne choc, dĂ©rangeante, plus par sa vĂ©racitĂ© que par son originalitĂ©. On frappe Ă  la porte d’un appartement cosy mais sans charme. Des coups in-sistants, impĂ©rieux, sĂ©vĂšres tout comme les regards de ces deux flics qui opĂšrent une semi-perquisition improvisĂ©e. Ils ne mĂ©nageront pas celui qui se proclame ancien combattant de l’armĂ©e, feront fi pour une fois de toute forme de solida-ritĂ© masculine, de caste virile
 et pour cause  ! Nous voilĂ  rentrĂ©s dans la ba-

nalitĂ© du mal ordinaire, le pain quotidien de Rashi qu’il n’en finit plus d’imaginer partout : maltraitances, petits deals mi-nables
 En policier et patriote conscien-cieux qui prend Ă  cƓur son boulot, il na-vigue Ă  vue, sous pression constante, souvent Ă  la limite de dĂ©raper. Mais dans son univers masculin, ce serait fai-blesse de l’admettre, les sentiments ne se conjuguent qu’au fĂ©minin. Autant dire que lorsqu’il rentre extĂ©nuĂ© au bercail, dans son propre appartement cosy et sans charme, la psychologie de Yasmin, l’adolescente qui vit sous son toit, la fille de sa femme Avigail, lui Ă©chappe dra-matiquement. D’ailleurs que comprend-il Ă©galement de sa jeune Ă©pouse aux longs cheveux bruns, jamais libĂ©rĂ©s  ? Les caresses gauches qu’il lui destine paraissent comme autant de gestes de possession. Sans qu’il y ait besoin de le formuler, on ressent dans nos chairs que les protagonistes sont tributaires de rĂŽles qui les dĂ©passent, pris dans une nasse d’injonctions paradoxales. Ils aiment l’idĂ©e de l’amour, l’idĂ©e d’une forme d’émancipation moderne, mais toujours le devoir reprend le dessus, tuant dans l’Ɠuf toute forme de vĂ©ritable individualitĂ©. À ce jeu-lĂ , nul ne connait Ă  cĂŽtĂ© de qui il chemine. Rashi n’étant pas plus armĂ© pour comprendre les ressentis des autres que pour exprimer les siens, il

parait condamnĂ© Ă  passer Ă  cĂŽtĂ© de l’es-sentiel, s’enferrant dans des schĂ©mas qui lui procurent bonne conscience. Un archĂ©type d’homme, peu habituĂ© dans le fond Ă  ne pas ĂȘtre l’unique centre du motif, dressĂ© Ă  tout contrĂŽler, Ă  ne pas accorder sa confiance et qui ne sau-ra pas faire face Ă  l’incommunicabilitĂ© qui progressivement s’immiscera dans sa maisonnĂ©e, l’isolera. BientĂŽt les mo-ments de tendresse, infĂ©odĂ©s Ă  l’obliga-tion de procrĂ©er, de reproduire sa lignĂ©e, ne suffiront plus Ă  attĂ©nuer l’ambiance pesante, presque suffocante qui suinte de ce quotidien ratĂ©.

Contrairement Ă  ses protagonistes, Chained n’est nullement enchainĂ© aux codes traditionnels. Il oscille perpĂ©tuel-lement entre fiction et rĂ©alitĂ© jusqu’à ce que nos certitudes vacillent et que s’opĂšre une forme de fascination hyp-notique, troublante, nourrie par la per-sonnalitĂ© des acteurs qui se dĂ©voilent Ă  l’état brut, plus justes que nature. De cette Ă©trange façon de filmer ressort une vĂ©racitĂ© grinçante et crue qui nous fait nous sentir un brin voyeurs, alors mĂȘme que les dĂ©tails trop intimes nous appa-raissent floutĂ©s. Comme si le tact pris pour respecter la pudeur des corps ne faisait qu’exaspĂ©rer l’indĂ©cence des Ăąmes.

Page 3: CHAINED BELOVED - cinemas-utopia.org

CHAINED + BELOVEDCHAINED + BELOVED

BELOVEDÉcrit et rĂ©alisĂ© par Yaron SHANIIsrael 2019 1h48 VOSTFavec Eran Naim, Stav Almagor, Stav Patai


À PARTIR DU 22 JUILLET

Trop de rĂŽles pour une seule femme  ? Être bonne mĂšre, bonne infirmiĂšre, bonne Ă©pouse, bonne femelle
  : voilĂ  ce Ă  quoi aspire Avigail
 Mais parfois le regard des autres nous renvoie Ă  une autre rĂ©alitĂ© : on ne nait pas femme, on le devient
Si la premiĂšre scĂšne dĂ©marre avec des larmes, elle n’est en rien larmoyante. Car les pleurs d’Avigail vont couler comme autant de prises de conscience bĂ©nĂ©-fiques. D’ailleurs sur quoi s’apitoie-t-elle ? Sur cet embryon qui ne naitra pas ou sur cette sensation de se sentir dĂ©-fectueuse, pas Ă  la hauteur de la tĂąche Ă  accomplir  ? Les gestes protecteurs de son mari Rashi, qui contrastent tant avec ses mots lui intimant de se ressai-

sir, n’ont en dĂ©finitive rien de rassurant. Ils ne lui laissent pas le loisir de souffler, de penser, de faire un deuil. Il n’y aura nul rĂ©pit pour son corps qui se doit d’en-fanter coĂ»te que coĂ»te. Tout se nĂ©gocie entre hommes, entre un obstĂ©tricien qui Ă©graine des constats cliniques dĂ©nuĂ©s de compassion et un mari déçu, comme si Avigail n’était pas lĂ  devant eux et n’avait pas voix au chapitre. D’ailleurs, la rare question qu’elle trouvera la force de poser, douce mais audible, restera ignorĂ©e, avec cette façon infantilisante qu’ont les adultes de feindre de ne pas entendre un caprice. Peut-ĂȘtre est-ce lĂ  la pire violence : se sentir soudain trans-parente. À cet instant-lĂ , on en oublierait presque qu’Avigail est infirmiĂšre, une de celles qui pansent le monde, affrontent quotidiennement les pires dĂ©tresses, les pires souffrances, changent les couches des vieillards Ă  l’abandon
 Elle aus-si mĂ©riterait bien qu’on la dorlote Ă  son tour au lieu d’avoir encore Ă  faire la po-pote aprĂšs une journĂ©e de travail haras-sante
 Mais de retour au bercail, c’est un nouveau champ de bataille qui l’at-tend. Non seulement il lui faut tenir son mĂ©nage, mais elle doit jouer les mĂ©dia-trices entre sa fille de plus en plus ex-cĂ©dĂ©e, malheureuse, et un Rashi moins Ă  l’écoute que jamais, de plus en plus coincĂ© dans un rĂŽle empesĂ©, taillĂ© dans

l’étoffe d’un patriarcat Ă©touffant.C’est au moment mĂȘme oĂč son Ă©poux se montre de moins en moins flexible qu’Avigail, qu’on croit anesthĂ©siĂ©e et docile, va opĂ©rer un pas de cĂŽtĂ© salu-taire. Il suffira d’une jolie rencontre avec un groupe de femmes, qu’ensemble elles s’octroient le temps de se ressour-cer, de prendre soin d’elles, de se cajo-ler mutuellement, de pouffer de rire, de s’écouter
 de tout simplement respi-rer. Quelques instants simples, tactiles, oĂč puiser une forme de rĂ©silience, pour rompre enfin avec la soumission deve-nue atavique Ă  force de se reproduire de gĂ©nĂ©rations en gĂ©nĂ©rations


Beloved, avec ses passages tout en ron-deurs fĂ©minines, apporte un contre-point Ă  un univers masculin anguleux, taillĂ© dans le roc : clichĂ©s dont nul ne ressorti-ra gagnant. Si Avigail essaie de s’éman-ciper de sa condition de victime, Rashi deviendra une victime impardonnable. Et les constats terribles en filigrane, que dĂ©bite la voix d’un prĂ©sentateur radio, Ă©clairent encore diffĂ©remment le propos. La misĂšre Ă©motionnelle, semble creu-ser un sillage pour une forme de prĂ©da-tion sexuelle inavouable, exponentielle en IsraĂ«l
 Bien aigre semble alors le lot des enfants de la Terre Promise


Page 4: CHAINED BELOVED - cinemas-utopia.org

JINPA, UN CONTE TIBÉTAINÉcrit et rĂ©alisĂ© par Pema TSEDENTibet/Chine 2018 1h26 VOSTFavec Jinpa, Genden Phuntsok, Sonam Wangmo


DĂšs les premiĂšres images, assez fascinantes, on a cet Ă©trange sentiment d'ĂȘtre plongĂ© simultanĂ©ment dans de multiples uni-vers cinĂ©matographiques qui ont bercĂ© notre cinĂ©philie : un peu de Kaurismaki pour ses personnages atypiques au milieu de coins paumĂ©s, un peu de Jarmusch pour ses hĂ©ros dĂ©ca-lĂ©s et rock'n roll, un peu de Sergio Leone pour sa maniĂšre de filmer les dĂ©serts et les cow-boys transpirants
 et mĂȘme un chouia d'esthĂ©tisme Ă  la Wong Kar Wai. Qui justement est l'heureux producteur de ce petit bijou tibĂ©tain !

Un camion file dans la poussiĂšre d'un plateau dĂ©sertique, en l'occurrence le Kekexili, paysage extraordinaire. Au vo-lant, un personnage que l'on croirait pour le coup sorti d'un Jarmusch  : coiffure punkisante et perfecto en cuir, mais Ă©norme collier traditionnel au cou, Ă©coutant Ă  tue-tĂȘte le O Sole Mio immortalisĂ© par le maestro Pavarotti, ce pourrait ĂȘtre une version bouddhiste de Sid Vicious ou de Mad Max, et on pourrait s'attendre Ă  voir dĂ©bouler de nulle part une horde de motards post-apocalyptiques
 Mais Ă  dĂ©faut de pirates de la route, c'est un malheureux mouton que notre camion-neur va croiser, ou plutĂŽt percuter. Et voilĂ  notre hĂ©ros, bien embĂȘtĂ© (un TibĂ©tain par principe a un sain respect de toutes les formes de vie), qui charge le cadavre de l'animal dans sa benne. ÉvĂ©nement Ă©tonnant dans cette Ă©tendue vide de tout, il aperçoit au bord de la route un marcheur en tenue tradition-nelle, qu'il dĂ©cide de prendre en stop. L'homme, qui porte une Ă©pĂ©e Ă  la ceinture, dit s'appeler Jinpa, nom qui lui a Ă©tĂ© donnĂ© par un lama. Il est peu causant mais explique sans sourciller qu'il se rend dans la ville la plus proche pour tuer l'homme qui, il y a dix ans, a assassinĂ© son pĂšre avant de s'enfuir
Ce qui sĂ©duit et dĂ©route Ă  la fois dans Jinpa, c'est ce mĂ©lange audacieux et harmonieux des genres, entre polar dĂ©calĂ©, rĂ©a-lisme naturaliste quasi-documentaire et fable mystique.

Le précédent film de Pema Tseden, Tharlo le berger tibétain, est disponible en Vidéo en Poche

UN DIVAN À TUNISÉcrit et rĂ©alisĂ© par Manele LABIDIFrance / Tunisie 2019 1h28 VOSTF(un peu d'arabe, beaucoup de français)avec Golshifteh Farahani, Majd Mastoura, AĂŻcha Ben Miled, Feriel Chammari, Hichem Yacoubi


La scĂšne d’introduction – quiproquo autour du cĂ©lĂšbre por-trait photographique de Sigmund Freud portant la chĂ©chia rouge, le couvre-chef traditionnel tunisien – dit bien d’emblĂ©e toute la fantaisie de ce film, et tout l’humour de sa pĂ©tillante hĂ©roĂŻne, Selma, fraĂźchement dĂ©barquĂ©e de Paris pour installer son divan Ă  Tunis ! Car n’en dĂ©plaise aux langues de vipĂšres, aux oiseaux de mauvaise augure et autres sceptiques locaux qui jurent par le Saint Coran qu’il n’y a pas besoin de psy dans ce pays, Selma est bien dĂ©cidĂ©e Ă  installer son cabinet de thĂ©rapeute sur le toit terrasse de la maison de son oncle. Dans cette Tunisie d’aprĂšs Ben Ali, la parole, muselĂ©e pen-dant des annĂ©es de dictature, se libĂšre et le pays redevient bavard, dans un Ă©lan un peu chaotique oĂč tout se bouscule : les angoisses du passĂ©, la peur de l’avenir, les dĂ©sirs et les rĂȘves qui peuvent Ă  nouveau se raconter.Il y a l’imam Ă  qui l’on reproche de ne pas avoir laissĂ© pous-ser sa barbe, le boulanger tumultueux qui adore se travestir et aimerait comprendre et assumer cette Ă©trange pratique. Il y a le trentenaire « pot de colle » aux allures de gros bĂ©bĂ© qui ne veut pas quitter sa maman chĂ©rie d’une semelle, et la tour-billonnante Baya qui excelle dans l’art de la mise en plis mais est prise de nausĂ©es dĂšs qu’elle pense Ă  sa mĂšre. Il y a aussi l’oncle qui dissimule de l’alcool dans des cannettes de coca, habitude prise sous Ben Ali dont il n’arrive pas Ă  se dĂ©barras-ser. Et la jeune cousine qui rĂȘve de Paris et montre ses seins façon Femen en plein cours d’éducation religieuse
 MĂȘme le jeune policier se fait un devoir de rĂ©pĂ©ter haut et fort que c’en est fini des dĂ©cennies de bakchichs et qu’il est temps de retrouver des rĂšgles de bonne conduite pour reconstruire la nation. Selma va imposer son art et ses maniĂšres, mĂȘme s’il lui faudra aussi faire preuve d’ingĂ©niositĂ© et d’un sens ai-gu de la nĂ©gociation quand il s’agira de montrer patte banche aux autoritĂ©s, pas vraiment ravies de voir une jeune Franco-Tunisienne proposer Ă  ses concitoyens de venir s’allonger sur son divan, rideaux fermĂ©s !Sans jamais tomber dans une vision caricaturale de la psy-chanalyse, ni dans les clichĂ©s exotiques pour parler de la Tunisie, Un divan Ă  Tunis est un dĂ©licieux cocktail d’intelli-gence, de drĂŽlerie et d’émotion qui raconte, l’air de rien, l’état d’un pays entre l’élan de modernitĂ© et le poids des traditions.

Page 5: CHAINED BELOVED - cinemas-utopia.org

Écrit et rĂ©alisĂ© par GrĂ©gory MAGNEFrance 2020 1h41avec Emmanuelle Devos, GrĂ©gory Montel, Gustave Kervern, Sergi Lopez, ZĂ©lie Rixhon


Dans son premier film, L'Air de rien, Gregory Magne rĂ©unissait deux hommes que tout sĂ©parait : Michel Delpech dans son propre rĂŽle de chanteur un peu has been et beaucoup endettĂ© et un huis-sier de justice pas du tout huissier dans l'Ăąme. L'alchimie improbable entre ces deux-lĂ , ressort classique au cinĂ©ma, faisait de belles et tendres Ă©tincelles, li-vrant une comĂ©die douce et attachante sur le temps qui passe et les filiations impromptues qui se crĂ©ent au hasard des rencontres. Il reprend ici le mĂȘme comĂ©dien – GrĂ©gory Montel, dĂ©concer-tant de drĂŽlerie et de naturel – et sen-siblement la mĂȘme formule du « duo a priori mal accordĂ© » mais pousse un peu plus loin son exploration de l'alchi-mie entre deux corps Ă©trangers plongĂ©s dans un mĂȘme bain. Et toute allusion avec la chimie molĂ©culaire n'est pas for-tuite, bien au contraire.

Si Guillaume a un talent, c'est bien celui de s’accommoder de toutes sortes de situations, si douloureuses soient-elles. Optimiste, il l'est assurĂ©ment quand il s'agit de rester motivĂ© pour demander la garde de sa fille, alors qu'il vit sans vrai boulot fixe dans un studio oĂč il aurait dĂ©-jĂ  du mal Ă  caser un hamster
 alors une prĂ©-ado ! Mais notre homme a le contact aisĂ©, il est chaleureux et sympathique et prend avec beaucoup de sĂ©rieux son travail de chauffeur privĂ©, condui-sant des limousines pour le compte de Monsieur ArsĂšne (impayable Gustave

Kervern, gominĂ© comme un caĂŻd mais gentil comme un Gustave Kervern, qui a Ă©tabli son siĂšge social au fond d'un res-taurant chinois). Il n'y a pas de sot mĂ©-tier et celui-ci, aussi prĂ©caire soit-il, lui assure de quoi sortir sa fille adorĂ©e les samedis aprĂšs-midi.Justement, une certaine Anne Walberg a commandĂ© une berline pour la province et au son de sa voix hautaine dans l'in-terphone, Guillaume sent dĂ©jĂ  que ça ne va pas ĂȘtre une partie de rigolade. De fait Anne Walberg n'est pas du genre fa-cile. Outre ses valises imposantes qu'il faut manipuler avec la plus grande dĂ©li-catesse, elle ne se dĂ©place jamais sans ce petit pincement des lĂšvres de la na-na perpĂ©tuellement agacĂ©e par n'im-porte qui ou n'importe quoi. Guillaume va rapidement lui faire comprendre qu'il

est juste son chauffeur, pas son assis-tant, ni son majordome, ni son souffre-douleur
 La voilĂ  piquĂ©e au vif : c'est bien la premiĂšre fois qu'on la remet Ă  sa place, ça lui fait tout drĂŽle
 et beau-coup de bien !Car bien sĂ»r, Anne Walberg (Emmanuelle Devos, impĂ©riale comme toujours) trim-bale une histoire aussi lourde Ă  por-ter que ses malles. Nez pour les plus grands parfumeurs, elle a connu son heure de gloire, son talent s’arrachait dans le monde entier
 Jusqu'au jour oĂč
 panne de sens. Son nez a dĂ©ci-dĂ© un beau matin de dĂ©clarer forfait, incapable soudain de distinguer une essence de nĂ©roli d'une effluve de gou-dron. DĂ©classĂ©e du jour au lendemain, lĂąchĂ©e par les prestigieuses maisons et les amis, Anne vit dĂ©sormais de petites missions olfactives. Elle a perdu de sa superbe et s'est peu Ă  peu coupĂ©e des autres
 Cela dit, Anne n'a jamais Ă©tĂ© douĂ©e pour les rapport humains, prĂ©-fĂ©rant de loin la compagnie des hespĂ©-rides, des floraux, ou des boisĂ©s conte-nus dans ses flacons. Mais la rencontre avec Guillaume va changer la donne
 Parce qu'il est nature, parce qu'il est sincĂšre, parce qu'il ne ment pas dans son rapport aux gens et aux situations. Quand Ă  lui, il trouve chez Anne l'exi-gence, la rigueur, la persĂ©vĂ©rance et la maturitĂ© qui manquent indiscutablement Ă  sa vie quelque peu bancale.

Sans surtout parler d'amour – ce serait une terrible faute d'Ă©criture que GrĂ©gory Magne ne commet heureusement pas â€“ ces deux-lĂ  vont partager quelques souvenirs
 l'odeur d'un savon de l'en-fance, celle de l'herbe d'un prĂ© fraĂźche-ment tondu et mĂȘler leurs Ă©motions ti-mides pour Ă©crire une trĂšs belle et rare histoire d'amitiĂ© et de collaboration. Plus originale qu'une histoire de cƓur, une belle histoire de nez.

LES PARFUMS

SÉANCE EN PLEIN AIR jeudi 30 juillet au ChĂąteau de Grabels, Ă  la tombĂ©e de la nuit.

Page 6: CHAINED BELOVED - cinemas-utopia.org

LE CAPITAL AU XXIe SIÈCLE

Justin PEMBERTON et Thomas PIKETTY, d’aprĂšs le livre du mĂȘme titre de Thomas PikettyFrance / Nouvelle-ZĂ©lande 2019 1h43 VOSTF

« Quand Justin Pemberton et la pro-duction nĂ©o-zĂ©landaise m’ont proposĂ© ce projet, je me suis dit que c'Ă©tait un moyen extraordinaire de toucher un pu-blic Ă  la fois diffĂ©rent et plus large – et, surtout, de recourir Ă  une autre forme d'expression pour parler du capital au xxie siĂšcle. Je crois Ă  la langue des sciences sociales, mais j'estime aus-si qu'elle est insuffisante et qu'elle doit ĂȘtre complĂ©tĂ©e par le langage des ro-mans, de la BD, de la culture populaire, de l’Art en gĂ©nĂ©ral. Cependant, je tiens Ă  prĂ©ciser que je ne suis pas devenu rĂ©a-lisateur ! Je suis auteur et chercheur en sciences sociales. Mais, Ă  mon avis, le film est un complĂ©ment formidable au livre
 » Thomas PikeTTy

C’est un art vĂ©ritable que de mettre Ă  portĂ©e d’entendement des simples mor-tels les thĂ©ories Ă©conomiques com-plexes que s’attachent Ă  dĂ©montrer de

grands universitaires, chercheurs inter-nationaux. Et ils ne sont pas moins d’une quinzaine Ă  apparaĂźtre dans ce docu-mentaire. Des Français, des Anglais, des AmĂ©ricains, des NĂ©o-ZĂ©landais
Tous ensemble nourrissant notre rĂ©-flexion autour des inĂ©galitĂ©s sociales, sur les mĂ©canismes de rĂ©partition des ri-chesses dans les pays dĂ©veloppĂ©s de-puis le  xviiie  siĂšcle, remettant en cause l’hypothĂšse de Kuznets Ă©tablie dans les annĂ©es 1950 qui laissait Ă  penser que le dĂ©veloppement Ă©conomique s’accom-pagnait mĂ©caniquement d’une baisse des inĂ©galitĂ©s de revenu
Tout dĂ©file vite, trĂšs vite
 GrĂące au rythme soutenu des images de Justin Pemberton, tantĂŽt pop, tantĂŽt d’ar-

chives, qui plongent dans les racines du mal, non seulement on a l’impres-sion qu’on a toujours su les choses, et mĂȘme un peu trop connu, mais qu’elles sont d’une Ă©vidence et d’une simplicitĂ© extrĂȘmes.

Il ne nous resterait donc plus qu’à ap-pliquer les solutions proposĂ©es pour rĂ©guler tout ça, amĂ©liorer le prĂ©sent et le futur de l’humanitĂ©. Mais des thĂ©o-ries Ă  la pratique, il n’y a pas qu’un pas. D’autant que l’hydre du capitalisme a de multiples tĂȘtes inaccessibles. Et c’est lĂ  qu’on peut ne plus ĂȘtre tout a fait d’ac-cord avec Thomas Piketty  : faut-il n’en couper qu’un peu, ou occire dĂ©finitive-ment la bĂȘte  ? Et comment s’y prend-on ? Vaste question


Page 7: CHAINED BELOVED - cinemas-utopia.org

(LINGUA FRANCA)

Écrit et rĂ©alisĂ© par Isabel SANDOVALUSA 2019 1h29 VOSTFavec Isabel Sandoval, Eamon Farren, Lynn Cohen, Megan Channell


GRAND PRIX DU FESTIVAL CHÉRIES-CHÉRIS 2019

Olivia est d’origine philippine et travaille comme aide-soignante Ă  domicile au-prĂšs d’Olga, une vieille femme russe ashkĂ©naze de Brooklyn. Charmante au demeurant, Olga commence doucet-tement Ă  perdre les pĂ©dales, ne recon-naĂźt plus sa cuisine, confond ses en-fants avec ses petits et arriĂšre-petits enfants, au grand dĂ©sarroi de sa famille. L’indispensable Olivia, qui connaĂźt son Olga sur le bout des doigts, gĂšre avec professionnalisme et humanitĂ© la lente dĂ©gĂ©nĂ©rescence de la vieille dame.Pourtant sa propre situation est pour le moins prĂ©caire. Comme nombre de ses compatriotes en situation irrĂ©guliĂšre, Olivia vit dans la crainte permanente du contrĂŽle d’identitĂ© et de la reconduite Ă  la frontiĂšre. Un AmĂ©ricain a bien accep-tĂ© de l’épouser pour qu’elle puisse obte-nir un statut lĂ©gal – aux États-Unis, c’est mĂȘme un business rĂ©pandu et assez lu-

cratif. Mais il a empochĂ© une avance et fait le mort, et Olivia ne sait pas si ces noces de papier se matĂ©rialiseront un jour. C’est alors qu’elle rencontre Alex, le petit-fils d’Olga, totalement craquant avec sa petite gueule d’ange marquĂ©e par les coups durs d’une vie de pata-chon – l’alcool, les addictions, la pri-son
 Pour l’heure ouvrier d’abattoir « Ă  l’essai Â» chez un tonton un rien des-pote, Alex lutte tant bien que mal contre ses dĂ©mons, et se laisse peu Ă  peu Ă©mouvoir et sĂ©duire par la fragile jeune femme. Jusqu’à la dĂ©couverte inopinĂ©e du secret pourtant bien enfoui de l’iden-titĂ© d’Olivia. Entre Olivia et Alex grandit un amour douloureux oĂč se tĂ©lescopent dĂ©sirs, non-dits, passion, rechutes, pe-tites et basses vengeances


Les premiers plans de Brooklyn secret montrent un New York Ă©trangement vide, qu’il s’agisse d’une station de mĂ©-tro ou de Coney Island. Le film laisse de la place au silence comme Ă  l’introspec-tion, et met en scĂšne la solitude dans la-quelle se trouve Olivia, femme sans pa-piers dans l’AmĂ©rique de Trump. «  En regardant le dĂ©but du film, on s’attend peut-ĂȘtre Ă  un style brut, nĂ©orĂ©aliste. J’ai voulu tenter quelque chose de dif-fĂ©rent – une sensibilitĂ© alternative au

tiers-monde. Je voulais faire un film qui touche Ă  des questions sociales comme l’immigration et les questions de genre mais qui puisse ĂȘtre lyrique, sĂ©duisant et mĂ©lancolique. Il y a une certaine dĂ©li-catesse dans la composition, la richesse des couleurs et la langueur du rythme ; tout cela participe Ă  faire un film poli-tique et sensuel. [
] J’ai toujours Ă©tĂ© at-tirĂ©e par les rĂ©cits de femmes margina-lisĂ©es d’une maniĂšre ou d’une autre, et qui se retrouvent Ă  faire des choix inten-sĂ©ment personnels dans des milieux so-cio-politiques tendus. Mes personnages font inĂ©vitablement partie du tissu social – ils ne vivent pas dans le vide – et c’est pourquoi mes films sont par essence politiques. Â».De la violence du contexte politique, on n’entend que quelques bribes Ă  la radio. C’est suffisant pour comprendre ce Ă  quoi Olivia est confrontĂ©e. Si les problĂ©matiques finissent par se recouper, le film ne documente pas son personnage  : son authenticitĂ© vient de ses qualitĂ©s d’écriture, de l’interprĂ©-tation charismatique et sans effets de Sandoval elle-mĂȘme ; elle vient peut-ĂȘtre aussi de l’expĂ©rience de la comĂ©-dienne/rĂ©alisatrice. Le ton du film est dĂ©licat, sentimen-tal. Mais lucide, sans angĂ©lisme. Isabel Sandoval se penche avec sensibilitĂ© sur son hĂ©roĂŻne solitaire et invisible et par-vient, sans didactisme et avec nuance, Ă  la faire exister avec intensitĂ©.

(d'aprĂšs N. Bardot, lepolyester.com)

BROOKLYN SECRET

Page 8: CHAINED BELOVED - cinemas-utopia.org

DARK WATERSTodd HAYNESUSA 2019 2h07 VOSTFavec Mark Ruffalo, Anne Hathaway, Tim Robbins, Bill Camp
 ScĂ©nario de Matthew Carnahan et Mario Correa, d'aprĂšs le livre de Nathaniel Rich

Il y a quelque chose de pourri en Virginie-Occidentale, en cette fin des annĂ©es 1990. Les fermiers voient leurs vaches mourir les unes aprĂšs les autres, les yeux sanguinolents, comme si elles avaient Ă©tĂ© possĂ©dĂ©es. Les habitants de la rĂ©gion affichent quant Ă  eux un taux anormalement Ă©levĂ© de cancers
 Au milieu du paysage, une gigantesque usine du groupe DuPont, dont tout le monde sait depuis 40 ans qu'on y stocke des quantitĂ©s pharaoniques de dĂ©chets qui ont toutes les chances de se retrouver dans les nappes phrĂ©a-tiques courant sous les champs et abreuvant les Ă©tables. Mais tout le monde ferme plus ou moins les yeux, l’usine fai-sant vivre toute la ville. Rob Bilott n'a a priori nullement le profil d'un avocat de la cause Ă©cologique, bien au contraire : il travaille pour un im-portant groupe pĂ©trochimique. Mais voilĂ , la grand-mĂšre de Rob habite en Virginie et un des fermiers cherchant dĂ©sespĂ©-rĂ©ment un avocat est un de ses amis. Quand Rob comprend que l’on a dĂ©libĂ©rĂ©ment empoisonnĂ© la rĂ©gion et ses habitants durant quatre dĂ©cennies, notre avocat va se mettre en action et devenir le cauchemar de l'industrie qui l'a pourtant fait vivre durant de nombreuses annĂ©es.

Cette histoire passionnante, le comĂ©dien – et producteur – Mark Ruffalo l'a dĂ©couverte grĂące un article du New York Times en 2006, alors que Rob Billott se battait dĂ©jĂ  depuis plus d'une dĂ©cennie. Militant Ă©cologiste convaincu, Ruffalo a convaincu Todd Haynes, grande figure du mĂ©lodrame Ă  la Douglas Sirk (Loin du paradis et Carol, entre autres
) de rĂ©a-liser le film. S'appuyant sur la performance intense de Mark Ruffalo, Todd Haynes mĂšne impeccablement son rĂ©cit, avec le parfait classicisme que requĂ©rait son sujet, et nous cap-tive d'un bout Ă  l'autre de ce parcours judiciaire semĂ© d'em-bĂ»ches. Il y a fort Ă  parier qu'aprĂšs avoir vu ce film, vous regarderez d'un sale Ɠil votre poĂȘle en tĂ©flon, produit phare de DuPont


LE CAS RICHARD JEWELLClint EASTWOOD USA 2019 2h09 VOSTFavec Paul Walter Hauser, Sam Rockwell, Kathy Bates, John Hamm, Olivia Wilde
ScĂ©nario de Billy Ray, d'aprĂšs un article de Marie Brenner, American Nightmare : The ballad of Richard Jewell

Il faut croire qu'Eastwood a dĂ©cidĂ©, avec l'Ăąge, de ne plus perdre de temps. Il poursuit ainsi, au rythme stakhanoviste d'un film par an, son portrait de l'AmĂ©rique profonde, s'atta-chant Ă  ses hĂ©ros que l'on appelle ordinaires (remember l'ex-cellent Sully). C'est encore le cas ici : inspirĂ© de faits rĂ©els, le film retrace l'histoire de Richard Jewell, vigile de son Ă©tat, accueilli en hĂ©ros pour avoir repĂ©rĂ© et signalĂ© la prĂ©sence d'une bombe sur le parc olympique d'Atlanta lors des JO de 1996, avant d'ĂȘtre suspectĂ© trois jours plus tard par le FBI d'avoir lui-mĂȘme perpĂ©trĂ© l'attentat ! La nouvelle fait vite les gros titres de la presse suite Ă  la publication prĂ©cipitĂ©e d'un article de la journaliste Kathy Scruggs dans l'Atlanta Journal-Constitution.

Le film dĂ©marre quelques annĂ©es plus tĂŽt, alors que Richard est prĂ©posĂ© aux fournitures de bureau pour la « Small Business Administration », une agence gouvernementale crĂ©Ă©e pour conseiller et dĂ©fendre les intĂ©rĂȘts des petites en-treprises. Il y fait la connaissance de celui qui deviendra son avocat quelques annĂ©es plus tard, Watson Bryant, excen-trique et intransigeant – campĂ© par le toujours trĂšs bon Sam Rockwell –, qui surnommera Jewell : « Radar », tant ce dernier fait preuve d'un sens de l'observation aigu et d'une grande efficacitĂ©. En quelques scĂšnes, Eastwood dresse le portrait de Jewell et on comprend assez vite que ce dernier, malgrĂ© toute sa bonne volontĂ©, ne sera sĂ»rement jamais le policier qu'il rĂȘve d'ĂȘtre. Car c'est son rĂȘve Ă  Richard  : protĂ©ger et servir comme dit le cĂ©lĂšbre insigne, endosser l'uniforme et travailler pour le bien de sa communautĂ©. Sans arriĂšre pen-sĂ©e, sans malice, ce grand gaillard qui souffre d'une lĂ©gĂšre surcharge pondĂ©rale, qui vit chez sa mĂšre, y croit dur comme fer et compte bien, Ă  force de lire tous les soirs le code pĂ©nal, dĂ©crocher la timbale. Malheureusement pour lui, cela ne se passera pas comme il l'entend. Il se retrouve agent de sĂ©cu-ritĂ© sur un campus universitaire, oĂč son zĂšle Ă  faire appliquer le rĂšglement auprĂšs des Ă©tudiants vire Ă  la catastrophe et il se retrouve Ă  la porte. Mais les Jeux Olympiques approchent, l'État et la ville d'Atlanta ont besoin de recruter. Le voilĂ  donc de nouveau agent de sĂ©curitĂ© et il a rendez-vous avec un des-tin qu'il ne pouvait pas imaginer


Page 9: CHAINED BELOVED - cinemas-utopia.org

Écrit et rĂ©alisĂ© par Mehdi M. BARSAOUITunisie / France 2019 1h36 VOSTFavec Sami Bouajila, Najla Ben Abdallah, Youssef Khemiri, Noomen Hamda


Le titre de ce remarquable premier film est intelligemment trompeur, car la fi-gure du fils ne sera pas tant le centre du motif que le fil conducteur autour duquel gravitent les principaux protagonistes. Ce dont il s’agit, c’est de ce lien invi-sible qui relie un homme et une femme, bien au-delĂ  de la notion de couple : la mystĂ©rieuse et viscĂ©rale sensation d’ĂȘtre parents. Mais le rĂ©alisateur n’en reste pas lĂ , car en filigrane il pose Ă©ga-lement la question des rĂŽles en gĂ©nĂ©ral et celui du patriarcat en particulier, qui fige les rĂȘnes du pouvoir, depuis des gĂ©-nĂ©rations, entre des mains masculines.

L’action se situe en Tunisie, pendant l’étĂ© 2011, peu aprĂšs la chute de Ben Ali, ce qui, sans que ce soit appuyĂ©, donne une ampleur politique et sociĂ©tale Ă  l’in-trigue. Il fallait un casting d’une justesse impressionnante pour que tout cela soit suggĂ©rĂ© sans ĂȘtre lourdement soulignĂ©, pour qu’on puisse lire entre les lignes. Il fallait un grand acteur comme Sami Bouajila, qu’il dĂ©ploie tout son art pour qu’on pĂ©nĂštre dans la tĂȘte de son per-sonnage, un pĂšre habituĂ© Ă  ne jamais se plaindre, Ă  ĂȘtre un roc, le pilier rassurant

en toutes circonstances, cachant ses Ă©tats d’ñmes et la panique qui monte
Ce jour-lĂ , on pique-nique agrĂ©ablement en pleine nature, sous un soleil complice. Un entre-soi cosy, entre amis modernes, ouverts d’esprits, fiers d’avoir piĂ©tinĂ© les fantĂŽmes du passĂ©. Encore qu’un spec-tateur extĂ©rieur pourrait douter de leur engagement actif dans la rĂ©volution : on imagine en effet mal cette classe sociale largement aisĂ©e dans la rue ou les mains manucurĂ©es dans le cambouis. Leur vie semble naturellement facile, leur uni-vers bien protĂ©gĂ© sous le plafond de verre, derriĂšre les pare-brises de leurs luxueuses bagnoles, dont le gros du peuple n’aurait mĂȘme pas les moyens de s’offrir une roue
 La suite va prou-ver l’inverse Ă  FarĂšs (Sami Bouajila) et Ă  son Ă©pouse Meriem (excellente Najla Ben Abdallah). En attendant elle fĂȘte sa promotion pro-fessionnelle. Autour de quelques verres tous rient, Ă©changent des blagues et commentent sans conviction l’actua-litĂ©. Ici c’est leur petit coin de paradis, loin des tourments du pauvre monde. Ici on peut laisser gambader les mĂŽmes sans trop les surveiller, se laisser aller aux confidences, loin des oreilles indĂ©-licates.Puis c’est l’heure de reprendre la route pour retourner au bercail. FarĂšs et Meriem, sur la lancĂ©e de cette belle jour-nĂ©e qui s’achĂšve, gazouillent encore tel

un couple d’insĂ©parables prĂ©venants et jamais lassĂ©s l’un de l’autre. À l’ar-riĂšre, Aziz, leur fils de neuf ans, exulte, tout autant Ă©panoui, rĂ©clamant qu’on monte le son. Les trois se trĂ©moussent en rythme, chantant Ă  tue-tĂȘte. Il au-ra suffi de quelques minutes passĂ©es en compagnie de cette petite famille modĂšle pour percevoir la belle compli-citĂ© qui rĂšgne entre eux et la fiertĂ© de FarĂšs envers son fils adorĂ©. Il suffira de quelques secondes, d’une balle perdue entre deux bandes armĂ©es, pour que le futur semble voler en Ă©clat


VoilĂ  les deux parents au chevet d’Aziz, griĂšvement blessĂ©. HabituĂ©s Ă  ce que tout leur rĂ©ussisse, que rien ne rĂ©siste Ă  leur pouvoir d’achat, les voilĂ  qui ful-minent et qui maudissent l’hĂŽpital local qui n’a pas les moyens de celui d’une capitale, la lenteur des soins, les ana-lyses qui n’arrivent pas et qui ne di-ront pas ce qu’ils veulent entendre, rĂ©-vĂ©leront mĂȘme un secret
 qu’on vous laisse dĂ©couvrir.La camĂ©ra filme en scope et ne lĂąche pas les protagonistes, les pousse dans leurs retranchements, jusqu’à nous im-merger au plus proche de leurs Ă©tats d’ñmes, de leur dĂ©shĂ©rence. Mais jusqu’oĂč peut-on se voiler la face, refu-ser d’affronter la vĂ©ritĂ©, jusqu’oĂč peut-on aller pour sauver son enfant, quel prix est-on prĂȘt Ă  payer ?

UN FILS

Page 10: CHAINED BELOVED - cinemas-utopia.org

BELOVEDdu 22/07 au 04/08

BENNIdu 22/07 au 04/08

LA BONNE EPOUSEdu 15/07 au 04/08

BROOKLYN SECRETdu 01/07 au 21/07

LE CAPITAL DU XXIe SIECLE

du 22/07 au 04/08

LE CAS RICHARD JEWELL

du 01/07 au 21/07

CHAINEDdu 08/07 au 04/08

LA COMMUNIONdu 01/07 au 04/08

DARK WATERSdu 01/07 au 04/08

JINPA, UN CONTE TIBETAIN

du 01/07 au 14/07

KONGOdu 01/07 au 21/07

LETTRE A FRANCOdu 01/07 au 21/07

NUESTRAS MADRESdu 01/07 au 04/08

L’OMBRE DE STALINEdu 22/07 au 04/08

LES PARFUMSĂ  partir du 29/07

THE INTRUDERdu 01/07 au 04/08

UN DIVAN A TUNISdu 01/07 au 04/08

UN FILSdu 15/07 au 04/08

Jeune public :

BALADES SOUS LES Ă‰TOILESavant-premiĂšre le samedi 1er aoĂ»t

BEBERT ET L’OMNIBUSdu 01/07 au 21/07

MA PETITE PLANÈTE VERTEdu 15/07 au 28/07

LA PETITE FABRIQUE DE NUAGESĂ  partir du 29/07

LA PETITE TAUPE AIME LA NATUREdu 15/07 au 28/07

LES PETITS CONTES DE LA NUITdu 01/07 au 14/07

SoirĂ©es, Ă©vĂ©nements :Programmation plein-air tous les jeudis du 16 juillet au 13 AoĂ»tUtopia Ă  GRABELS« LES TOILES DU CHÂTEAU Â»

LA BONNE EPOUSEle jeudi 16/07

YOUR NAME (version française)le jeudi 23/07

LES PARFUMSle jeudi 30/07

DOUCE FRANCEavant-premiÚre en pré-sence du réalisateur Geoffrey Couanon, et de membres du collectif OxygÚne, le jeudi 06/08

A COUTEAUX TIRESle jeudi 13/08

INFOS À L’USAGE DE SPECTATEURS SUPER MOTIVÉS POUR REVENIR AU CINÉMAAu jour du bouclage de cette gazette, un protocole sanitaire complet et rigoureux est mis en place dans toutes les salles de cinĂ©ma de France.Nous avons travaillĂ© avec cƓur et ardeur (vous nous connaissez) pour que la reprise se passe dans les meilleures conditions sanitaires pour le public et l’équipe, sans stress excessif ni dĂ©sinvolture dĂ©placĂ©e.

Voici la liste des « nouveautĂ©s au cinĂ© dĂ©confinĂ© Â» que nous avons mis en place et que nous vous demandons de respecter. Tout ceci Ă©tant bien entendu, et selon la formule consacrĂ©e, susceptible d’évoluer (dans le sens d’un assouplissement on l’espĂšre) selon la situation sanitaire et les directives Ă©lysĂ©ennes qui en dĂ©couleront.

‱ Le port du masque est obligatoire pour le public adulte (conseillĂ© pour les jeunes spectateurs) dans le hall d’accueil du cinĂ©ma et les zones de circulation (entre les salles, sanitaires, vers la sortie). Il est recommandĂ© pendant la sĂ©ance.

‱ L’équipe sera masquĂ©e (mais tout Ă  fait reconnaissable)

‱ L’heure, ce sera VRAIMENT l’heure : aucun retard ne sera acceptĂ© une fois les portes des salles fermĂ©es et les lumiĂšres Ă©teintes (mais ça, c’est comme d’habitude)

‱ Nous vous demandons de respecter les sens de circulation, de sortie, et de bien prendre connaissance des messages qui vous seront donnĂ©es sur l’écran avant le dĂ©but de votre film

‱ S’il ne pleut pas, Ă©vitez de rester dans le hall, prĂ©fĂ©rez l’extĂ©rieur, y’a de l’air et plus de place !!! Et soyez prĂ©voyants : venez environ 20 minutes avant votre sĂ©ance (mais ça, c’est encore comme d’habitude).

‱ Le principe UN FAUTEUIL SUR DEUX (attention, ne pas confondre avec Un fauteuil pour deux) est mis en place : laissez un fauteuil entre chaque spectateur (ou chaque groupe de spectateurs venus ensemble). Ça fait un peu moins de place dans les salles, mais il ne devrait pas y avoir d’embouteillages pour autant : l’étĂ© vous ĂȘtes traditionnellement moins nombreux Ă  venir au cinĂ©.

‱ La gazette sera Ă  votre disposition dans le hall, merci de la garder, de ne pas la laisser traĂźner, de ne pas la manipuler (et donc de ne pas la prendre, la feuilleter et la reposer dans le prĂ©sentoir) et de ne pas l’oublier en salle (mort assurĂ©e pour elle, sans perspective de seconde chance).

‱ Du gel et du savon à votre disposition (et du bon sens pour tout le monde).

Enfin, sachez que toute l’équipe est formĂ©e et informĂ©e sur les mesures Ă  prendre, le nettoyage des fameux points de contacts et des zones recevant du public sera rĂ©alisĂ© avec soin (mais ça, c’est toujours comme d’habitude).

Donc, ça va le faire. Merci !

Page 11: CHAINED BELOVED - cinemas-utopia.org

4€ 16H30 19H00 21H20 CHAINED CHAINED DARK WATERS 15H50 17H00 19H30 21H30 LES PETITS CONTES... LA COMMUNION BROOKLYN SECRET JINPA 15H30 17H45 20H00 21H45 BEBERT ET L’OMNIBUS LETTRE À FRANCO NUESTRAS MADRES THE INTRUDER

MERCREDI

JUILLET8

4€ 16H10 18H00 20H30 NUESTRAS MADRES CHAINED UN DIVAN À TUNIS 15H30 17H45 19H50 BEBERT ET L’OMNIBUS BROOKLYN SECRET CAS RICHARD JEWELL 16H00 18H15 20H00 LETTRE À FRANCO KONGO LA COMMUNION

JEUDI

JUILLET9

4€ 17H00 19H00 21H20 UN DIVAN À TUNIS CHAINED CAS RICHARD JEWELL 17H15 19H15 21H10 JINPA BROOKLYN SECRET DARK WATERS 17H30 19H30 21H40 KONGO NUESTRAS MADRES LA COMMUNION

VENDREDI

JUILLET10

4€ 15H00 17H30 19H15 21H40 CHAINED NUESTRAS MADRES CHAINED DARK WATERS 15H50 17H00 19H30 21H30 LES PETITS CONTES... LA COMMUNION UN DIVAN À TUNIS CAS RICHARD JEWELL 15H20 17H40 20H00 22H00 BEBERT ET L’OMNIBUS LETTRE À FRANCO BROOKLYN SECRET THE INTRUDER

SAMEDI

JUILLET11

4€ 16H30 19H00 21H00 LA COMMUNION UN DIVAN À TUNIS CAS RICHARD JEWELL 16H00 17H00 19H20 21H15 LES PETITS CONTES... LETTRE À FRANCO NUESTRAS MADRES DARK WATERS 15H45 18H00 19H40 21H30 BEBERT ET L’OMNIBUS KONGO BROOKLYN SECRET JINPA

MERCREDI

JUILLET1er

4€ 16H15 17H45 19H40 LES PETITS CONTES... JINPA LA COMMUNION 16H00 18H00 20H00 UN DIVAN À TUNIS NUESTRAS MADRES UN DIVAN À TUNIS 16H30 18H15 20H20 KONGO BROOKLYN SECRET LETTRE À FRANCO

JEUDI

JUILLET2

4€ 17H00 19H00 21H30 UN DIVAN À TUNIS DARK WATERS THE INTRUDER 16H45 19H15 21H00 LA COMMUNION NUESTRAS MADRES CAS RICHARD JEWELL 17H30 19H30 21H45 KONGO LETTRE À FRANCO BROOKLYN SECRET

VENDREDI

JUILLET3

4€ 16H30 19H15 21H15 CAS RICHARD JEWELL UN DIVAN À TUNIS DARK WATERS 16H00 17H15 19H30 21H30 LES PETITS CONTES... LETTRE À FRANCO NUESTRAS MADRES LA COMMUNION 15H45 18H00 20H00 21H50 BEBERT ET L’OMNIBUS JINPA BROOKLYN SECRET THE INTRUDER

SAMEDI

JUILLET4

4€ 13H50 16H00 18H00 19H45 BEBERT ET L’OMNIBUS UN DIVAN À TUNIS NUESTRAS MADRES CAS RICHARD JEWELL 14H10 16H30 17H45 20H30 NUESTRAS MADRES LES PETITS CONTES... LA COMMUNION KONGO 13H30 15H30 18H10 20H15 JINPA DARK WATERS BROOKLYN SECRET THE INTRUDER

DIMANCHE

JUILLET5

4€ 17H15 19H30 21H20 LETTRE À FRANCO UN DIVAN À TUNIS CAS RICHARD JEWELL 16H45 19H00 21H30 BEBERT ET L’OMNIBUS LA COMMUNION DARK WATERS 17H00 19H10 20H50 BROOKLYN SECRET NUESTRAS MADRES JINPA

LUNDI

JUILLET6

4€ 17H15 19H00 21H30 KONGO DARK WATERS LA COMMUNION 17H00 18H30 21H00 LES PETITS CONTES... CAS RICHARD JEWELL UN DIVAN À TUNIS 17H30 19H15 21H15 NUESTRAS MADRES BROOKLYN SECRET LETTRE À FRANCO

MARDI

JUILLET7

4€ 13H45 16H30 18H20 20H15 CHAINED THE INTRUDER UN DIVAN À TUNIS CAS RICHARD JEWELL 14H00 16H10 17H15 19H45 BEBERT ET L’OMNIBUS LES PETITS CONTES... CHAINED DARK WATERS 13H30 15H00 17H00 19H00 KONGO BROOKLYN SECRET NUESTRAS MADRES LA COMMUNION

DIMANCHE

JUILLET12

CINÉPOP : les tickets « suspendus » (ou la menue monnaie) que vous laissez dans la boĂźte Ă  lait d’Utopia sont redistribuĂ©s par le Secours Populaire aux personnes en situation de prĂ©caritĂ©

Page 12: CHAINED BELOVED - cinemas-utopia.org

4€ 15H00 17H00 19H15 21H30 UN FILS CAPITAL AU 21E SIÈCLE BELOVED DARK WATERS 15H45 16H45 19H00 21H20 PETITE PLANETE VERTE LA BONNE ÉPOUSE BENNI LA COMMUNION 15H30 17H30 19H15 21H40 UN DIVAN À TUNIS NUESTRAS MADRES L’OMBRE DE STALINE CHAINED

MERCREDI

JUILLET22

4€ 15H00 17H10 19H30 BELOVED BENNI CAPITAL AU 21E SIÈCLE 15H30 16H45 19H10 LA PETITE TAUPE AIME... L’OMBRE DE STALINE LA BONNE ÉPOUSE 15H15 17H00 19H30 THE INTRUDER CHAINED UN DIVAN À TUNIS

JEUDI

JUILLET23

MERCREDI

JUILLET15

JEUDI

JUILLET16VENDREDI

JUILLET17SAMEDI

JUILLET18DIMANCHE

JUILLET19

LUNDI

JUILLET20MARDI

JUILLET21

4€ 17H00 19H15 21H30 BEBERT ET L’OMNIBUS CHAINED UN DIVAN À TUNIS 16H30 19H00 21H00 LETTRE À FRANCO BROOKLYN SECRET CAS RICHARD JEWELL 16H30 17H30 19H30 21H15 LES PETITS CONTES... JINPA (D) NUESTRAS MADRES LA COMMUNION

LUNDI

JUILLET13

4€ 17H00 19H20 21H00 CHAINED NUESTRAS MADRES DARK WATERS 16H45 19H00 21H15 LES PETITS CONTES...(D) LETTRE À FRANCO CHAINED 18H00 19H40 21H30 KONGO THE INTRUDER BROOKLYN SECRET

MARDI

JUILLET14Les Toiles du ChĂąteau : sĂ©ance en plein air de LA BONNE ÉPOUSE jeudi 16/7 au chĂąteau de Grabels

Ă  la tombĂ©e de la nuit. Ouverture des portes Ă  19h30. Tarifs habituels d’Utopia.

Les Toiles du ChĂąteau : sĂ©ance en plein air de YOUR NAME jeudi 23/7 au chĂąteau de Grabels Ă  la tombĂ©e de la nuit. Ouverture des portes Ă  19h30. Tarifs habituels d’Utopia.

4€ 15H00 17H00 19H00 21H15 BEBERT ET L’OMNIBUS UN DIVAN À TUNIS LA BONNE ÉPOUSE CAS RICHARD JEWELL 16H00 17H15 19H20 21H40 PETITE PLANETE VERTE BROOKLYN SECRET CHAINED DARK WATERS 15H30 17H45 19H30 21H30 CHAINED NUESTRAS MADRES UN FILS LA COMMUNION

4€ 15H30 17H00 19H10 KONGO LA BONNE ÉPOUSE CAS RICHARD JEWELL 15H00 17H30 19H50 LA COMMUNION CHAINED UN DIVAN À TUNIS 16H00 17H15 19H20 LA PETITE TAUPE AIME... UN FILS DARK WATERS

4€ 16H45 17H50 19H30 21H40 PETITE PLANETE VERTE KONGO LA BONNE ÉPOUSE BROOKLYN SECRET 17H00 19H00 21H20 UN DIVAN À TUNIS CHAINED THE INTRUDER 17H10 19H20 21H10 LETTRE À FRANCO NUESTRAS MADRES UN FILS

4€ 15H50 17H00 19H00 21H20 LA PETITE TAUPE AIME... UN DIVAN À TUNIS LA BONNE ÉPOUSE CAS RICHARD JEWELL 15H10 17H30 19H20 21H40 CHAINED NUESTRAS MADRES CHAINED DARK WATERS 15H30 17H45 20H10 22H10 LETTRE À FRANCO LA COMMUNION UN FILS THE INTRUDER

4€ 13H40 (D) 15H50 18H20 20H40 BEBERT ET L’OMNIBUS DARK WATERS LA BONNE ÉPOUSE UN DIVAN À TUNIS 14H00 16H30 17H50 20H10 CHAINED PETITE PLANETE VERTE CHAINED LA COMMUNION 14H20 16H00 18H00 20H00 KONGO NUESTRAS MADRES UN FILS BROOKLYN SECRET

4€ 16H00 18H00 20H20 THE INTRUDER CHAINED UN FILS 15H50 18H15 20H00 LETTRE À FRANCO NUESTRAS MADRES LA BONNE ÉPOUSE 16H30 17H45 19H50 LA PETITE TAUPE AIME... BROOKLYN SECRET (D) KONGO (D)

4€ 16H30 19H00 21H20 LA BONNE ÉPOUSE CHAINED UN DIVAN À TUNIS 17H20 19H15 21H30 PETITE PLANETE VERTE LETTRE À FRANCO (D) UN FILS 17H00 (D) 19H30 21H15 CAS RICHARD JEWELL NUESTRAS MADRES DARK WATERS

Page 13: CHAINED BELOVED - cinemas-utopia.org

MERCREDI

JUILLET29

JEUDI

JUILLET30VENDREDI

JUILLET31SAMEDI

AOÛT1er

DIMANCHE

AOÛT2LUNDI

AOÛT3MARDI

AOÛT4

4€ 17H00 19H15 21H30 LA BONNE ÉPOUSE BELOVED DARK WATERS 16H30 17H30 19H30 21H45 PETITE PLANETE VERTE UN FILS CHAINED L’OMBRE DE STALINE 17H15 19H40 22H00 LA COMMUNION BENNI UN DIVAN À TUNIS

VENDREDI

JUILLET24

4€ 15H10 17H15 19H30 21H40 UN FILS LA BONNE ÉPOUSE BELOVED DARK WATERS 15H45 17H00 19H10 21H30 LA PETITE TAUPE AIME... CAPITAL AU 21E SIÈCLE BENNI THE INTRUDER 15H00 16H45 19H00 21H20 NUESTRAS MADRES CHAINED L’OMBRE DE STALINE LA COMMUNION

SAMEDI

JUILLET25

4€ 14H30 16H45 18H10 20H30 BELOVED LA PETITE TAUPE BELOVED CAPITAL AU 21E SIÈCLE 13H30 15H40 17H30 20H00 LA BONNE ÉPOUSE UN DIVAN À TUNIS BENNI UN FILS 13H45 15H30 17H50 20H20 NUESTRAS MADRES CHAINED L’OMBRE DE STALINE LA COMMUNION

DIMANCHE

JUILLET26

4€ 15H45 18H10 20H30 L’OMBRE DE STALINE CHAINED BELOVED 16H00 17H50 19H45 NUESTRAS MADRES UN DIVAN À TUNIS BENNI 16H45 (D) 18H00 20H00 PETITE PLANETE VERTE UN FILS LA BONNE ÉPOUSE

LUNDI

JUILLET27

4€ 16H20 18H40 20H50 CHAINED LA BONNE ÉPOUSE CAPITAL AU 21E SIÈCLE 16H40 (D) 18H00 20H20 LA PETITE TAUPE AIME... BENNI NUESTRAS MADRES 16H00 18H20 20H30 BELOVED UN FILS DARK WATERS

MARDI

JUILLET28

Les Toiles du ChĂąteau : sĂ©ance en plein air de LES PARFUMS jeudi 30/7 au chĂąteau de Grabels Ă  la tombĂ©e de la nuit. Ouverture des portes Ă  19h30. Tarifs habituels d’Utopia.

4€ 15H40 18H10 20H20 LA COMMUNION UN FILS LES PARFUMS 15H20 16H40 19H00 21H00 LA PETITE FABRIQUE... LA BONNE ÉPOUSE THE INTRUDER CAPITAL AU 21E SIÈCLE 16H00 18H20 20H40 CHAINED BELOVED L’OMBRE DE STALINE

4€ 15H00 17H30 19H40 BENNI LA BONNE ÉPOUSE NUESTRAS MADRES 15H40 17H00 19H20 LA PETITE FABRIQUE... BELOVED LA COMMUNION 15H00 17H10 19H30 LES PARFUMS L’OMBRE DE STALINE UN FILS

4€ 17H20 19H40 22H00 LES PARFUMS LA BONNE ÉPOUSE UN DIVAN À TUNIS 16H10 17H30 19H15 21H40 LA PETITE FABRIQUE... NUESTRAS MADRES BENNI CAPITAL AU 21E SIÈCLE 16H30 19H00 21H20 CHAINED BELOVED L’OMBRE DE STALINE

4€ 15H30 17H30 19H20 21H30 UN FILS UN DIVAN À TUNIS LES PARFUMS CHAINED 15H45 17H00 19H30 21H45 BALADES SOUS LES
 LA COMMUNION LA BONNE ÉPOUSE BENNI 14H30 16H40 19H00 21H20 BELOVED CAPITAL AU 21E SIÈCLE L’OMBRE DE STALINE DARK WATERS

4€ 13H45 15H50 18H30 20H50 LES PARFUMS DARK WATERS BENNI BELOVED 14H10 16H45 18H50 21H15 L’OMBRE DE STALINE UN DIVAN À TUNIS LA BONNE ÉPOUSE THE INTRUDER (D) 13H30 15H15 16H30 18H45 21H00 NUESTRAS MADRES LA PETITE FABRIQUE... CAPITAL AU 21E SIÈCLE CHAINED UN FILS

4€ 16H00 18H10 20H20 UN FILS LES PARFUMS LA BONNE ÉPOUSE 15H40 17H00 19H30 LA PETITE FABRIQUE... LA COMMUNION (D) BENNI 15H20 17H40 20H10 BELOVED L’OMBRE DE STALINE CHAINED

4€ 15H40 18H00 20H10 CAPITAL AU 21E SIÈCLE UN FILS LES PARFUMS 15H30 16H45 18H30 21H00 LA PETITE FABRIQUE... NUESTRAS MADRES DARK WATERS (D) UN DIVAN À TUNIS (D) 15H50 18H15 20H40 L’OMBRE DE STALINE CHAINED (D) BELOVED

Page 14: CHAINED BELOVED - cinemas-utopia.org

LETTRE À FRANCO(MIENTRAS DURE LA GUERRA)

Alejandro AMENABAREspagne 2019 1h47 VOSTFavec Karra Elejalde, Eduard Fernández


Avec Lettre Ă  Franco, Alejandro Amenabar revient vers ses racines ou plutĂŽt vers les racines du mal. La petite enfance du rĂ©alisateur, fils d’une mĂšre espagnole et d’un pĂšre chilien contraints de se jeter dans les griffes de la dictature franquiste en fuyant celle de Pinochet en 1973, aura Ă©tĂ© marquĂ©e par l’empreinte du totalitarisme. On comprend d’autant mieux ses lĂ©gitimes inquiĂ©tudes quand il dĂ©clare : « L’expression “Alors que dure la guerre” (qui est le titre original du film) signifie deux choses. D'une part, elle fait partie d'un document signĂ© par les nationalistes au dĂ©but de la guerre et qui a jouĂ© un rĂŽle clĂ© dans la prise du pouvoir de Franco, et a permis son instal-lation durable. C’est aussi une phrase que je trouve trĂšs ac-tuelle et qui s’adresse plutĂŽt aux spectateurs : l’état de guerre est permanent. Aujourd’hui, on assiste Ă  une rĂ©surgence des mouvements fascistes, notamment en Europe. Dans ce sens, le film parle autant du prĂ©sent que du passĂ©. »Le rĂ©cit dĂ©bute le 19 juillet 1936, le jour oĂč l’état de guerre est officiellement dĂ©crĂ©tĂ© dans toute l’Espagne suite au sou-lĂšvement fomentĂ© par une clique de gĂ©nĂ©raux dont fait partie Francisco Franco.Ici Ă  Salamanque, Miguel de Unamuno, Ă©crivain cĂ©lĂšbre pour ses prises de position pleines de contradictions mais cou-rageuses, parfois mĂȘme si pĂ©rilleuses qu’elles l’ont dĂ©jĂ  contraint Ă  s’exiler, voit d'un fort bon Ɠil la reprise en main du pays par un gouvernement militaire. Mais trĂšs rapidement, au fur et Ă  mesure que le ton monte, que les coups de feux se rapprochent, que les corps dispa-raissent, il va devenir de plus en plus difficile pour Miguel de Unamumo de maintenir ses positions. Il lui faudra bientĂŽt re-dĂ©finir son camp


Non seulement Lettre Ă  Franco a le mĂ©rite de rendre palpable la tension de cette pĂ©riode charniĂšre, trĂšs habilement et en Ă©vitant les Ă©cueils du manichĂ©isme, mais il donne Ă  voir le caudillo avant qu’il ne rĂ©Ă©crive et instrumentalise sa propre lĂ©gende. Un gars d’apparence banale dont certains ne se mĂ©-fiaient pas tandis que d’autres, plus perspicaces, le redou-taient


KONGOHadrien LA VAPEUR et Corto VACLAVFrance/Congo 2019 1h10 VOSTF

Quelle Ă©trange affaire que ce Kongo, entre songe, mythe, do-cumentaire, un ovni franchement intrigant et dĂ©paysant.Autant il peut paraĂźtre Ă©trange Ă  un occidental blanc comme un cachet d’aspirine de retrouver le matin dans sa boĂźte-aux-lettres la rĂ©clame d’un fĂ©ticheur vous promettant amour, gloire et argent, autant ça relĂšve en Afrique du quotidien et surtout des croyances profondes. Nous voilĂ  rendus Ă  Brazzaville, capitale de la RĂ©publique du Congo, oĂč, contrairement Ă  notre vieille Europe, la chasse aux sorciers n’a jamais fait par-tie des obsessions nationales, heureusement. Ce n’est pas pour autant qu’ils pullulent, mais ils sont clairement identi-fiĂ©s et ont pignon sur rue. Évidemment ils n’ont pas l'allure caricaturale de ceux, affublĂ©s de baguettes magiques et de chapeaux pointus, qu’on rencontre dans nos contes Ă  dor-mir debout. Ils ont clairement une utilitĂ© sociale, d’écoute, de gestion des conflits, de guĂ©risseurs bienveillants
 MĂ©dard est un de ceux-lĂ , un Ngunza, un sacrĂ© personnage ! Il fait partie des figures locales incontournables, accueillant chacun dans son Ă©glise bĂątie sur une parcelle familiale oĂč la collusion entre vie profane et sacrĂ©e est absolue. C’est ici qu’il aide ceux qui sont Ă  la marge, qu'il calme leurs angoisses, qu'il les protĂšge des mauvais sorts
 sans oublier de les dĂ©charger de quelques deniers au passage. Car enfin, il faut bien qu’il vive, lui aussi. Et vous le verrez, il ne s’en prive pas. Sa religion ne lui impose visiblement pas le cĂ©libat
 Pas bien sĂ»r que ce soit trĂšs catholique, mais tous pourtant le baptisent l’apĂŽtre MĂ©dard. On va le suivre dans ses tribulations ordinaires et extraordinaires, dans l’intimitĂ© des mĂ©nages, dans son quo-tidien imprĂ©visible, qui va le devenir encore plus quand une de ses ouailles va l’accuser d’avoir pratiquĂ© la magie noire. On vous laisse dĂ©couvrir comment il fera face Ă  cette odieuse accusation et ses preuves accablantes, avant d’aller piquer un plongeon en eaux troubles parmi les sirĂšnes du fleuve


Ces paysages ensorcelants, chargĂ©s d’esprits et de croyances sĂ©culaires vont nous amener Ă  changer de pa-radigmes, Ă  adopter un point de vue loin de nos certitudes Ă©triquĂ©es, hĂ©ritĂ©es, Ă  nos corps dĂ©fendants, de notre passĂ© colonial. Le film ne s’en tient pas Ă  un Ă©trange pĂ©riple anec-dotique, il nous amĂšne Ă  nous questionner sur notre cartĂ©sia-nisme, la justesse de nos propres croyances, leur impact sur d’autres civilisations.

Page 15: CHAINED BELOVED - cinemas-utopia.org

Roger CORMANUSA 1962 1h23 VOSTFavec William Shatner, Frank Maxwell, Beverly Lunsford, Robert Ermhardt, Leo Gordon...ScĂ©nario de Charles Beaumont d'aprĂšs son roman (en français, Un intrus).

Entre autres pĂ©pites – souvent des films d’horreur plus ou moins fauchĂ©s  –, Roger Corman, le grand manitou de la sĂ©rie B, a tournĂ© ce formidable The Intruder qu’on redĂ©couvre aujourd’hui grĂące Ă  l’indispensable distributeur Carlotta Films.L’action se situe au dĂ©but des annĂ©es 1960 Ă  Caxton, charmante bourgade du sud des Etats-Unis, ontologiquement raciste, comme le rappelle l’un de ses habitants. Y dĂ©barque le meilleur Ă©lĂ©-ment perturbateur qui soit en la per-sonne d’Adam Cramer (William Shatner gĂ©nial, bien plus que dans son futur rĂŽle du capitaine Kirk de la sĂ©rie Star Trek), soi-disant envoyĂ© par une organisation Ă  « vocation sociale » mais bel et bien Ă©missaire d’un groupuscule d’extrĂȘme droite de type Ku Klux Klan opposĂ© aux rĂ©centes lois d’intĂ©gration autorisant un quota d’élĂšves noirs Ă  intĂ©grer un lycĂ©e

jusque lĂ  rĂ©servĂ© exclusivement aux Blancs. Brillant tribun, il va rĂ©ussir Ă  sou-lever la population et Ă  raviver la haine sĂ©grĂ©gationniste qui ne demandait qu’à flamber


« Je voulais m’éloigner du cinĂ©ma de genre et tourner un film engagĂ©, Ă©vo-quant la lutte pour les droits civiques et l’intĂ©gration des enfants noirs dans les Ă©coles du Sud. Personne n’a voulu me financer. Le tournage fut Ă©prouvant, menaces de mort Ă  la clĂ©. » RĂ©alisĂ© en 1962 avec l’argent rapportĂ© par le suc-cĂšs de ses deux premiĂšres adapta-tions d’Edgar Poe (La Chute de la mai-son Usher et La Chambre des tortures), The Intruder a Ă©tĂ© filmĂ© en dĂ©cors natu-rels dans plusieurs villes du Missouri, en faisant appel Ă  des autochtones pour la figuration. Dont trĂšs peu (euphĂ©misme) partageaient les opinions progressistes de Corman et de son scĂ©nariste !FidĂšle Ă  ses idĂ©aux contestataires et Ă  sa sympathie pour les marginaux, Roger Corman a rĂ©ussi un film poli-tique de haute volĂ©e. Le scĂ©nario est un modĂšle du genre. On le doit Ă  Charles Beaumont, auteur de science-fiction qui adapte ici son propre roman, avant de se faire un nom Ă  la tĂ©lĂ©vision, en

signant de nombreux Ă©pisodes de La QuatriĂšme Dimension. Au passage, ce rusĂ© de Corman n’oubliera pas de rĂ©-duire les coĂ»ts en confiant Ă  Beaumont un rĂŽle dans le film ! Son scĂ©nario op-pose d’abord les deux communautĂ©s de maniĂšre presque documentaire puis bascule dans la rĂ©flexion sur la manipu-lation des foules et le mirage du pouvoir oratoire.La camĂ©ra, placĂ©e dans des angles impossibles, comme souvent chez Corman, scrute des personnages extrĂȘ-mement bien Ă©crits, aux fĂȘlures et rĂ©ac-tions inattendues. Jamais tout noir ou tout blanc. Le tout ficelĂ© en quatre vingt trois minutes seulement. Du grand art. Et sans vĂ©ritable Ă©quivalent dans la pro-duction de l’époque, le dĂ©but des six-ties, oĂč Hollywood ne brillait pas encore par son audace politique.

Bien accueilli par la critique, The Intruder reste nĂ©anmoins connu pour ĂȘtre le pre-mier film avec lequel son auteur a perdu de l’argent. Faisant mentir le titre de son Ă©patante autobiographie, Comment j’ai fait cent films Ă  Hollywood sans jamais perdre un centime, Ă©ditions Capricci.A la suite de cet Ă©chec commercial, qui frappait un film auquel il avait Ă©normĂ©-ment cru et qui reste celui dont il est le plus fier, Corman dĂ©cide de revenir Ă  un cinĂ©ma de divertissement et ne rĂ©alisera plus jamais de film ouvertement engagĂ©. Ce qui rend The Intruder d’autant plus prĂ©cieux.

(d’aprĂšs J. Couston, TĂ©lĂ©rama)

THE INTRUDER

Page 16: CHAINED BELOVED - cinemas-utopia.org

LES PETITS CONTES DE LA NUITProgramme de 6 courts métrages d'animationDurée totale : 40 mn

POUR LES ENFANTS À PARTIR DE 3 ANSTarif unique : 4 euros

Une histoire, un cñlin, un bon lit, il n'en faut pas plus pour pour bien dormir ! Six contes-doudous pour faire entrer les tout-petits dans l’univers du sommeil et de la nuit.

LA PROMENADE DE MONSIEUR PAPIERLe soleil s’est levĂ© et une belle journĂ©e s’annonce. Du matin au soir, Monsieur Papier vit des aventures ordinaires et pour-tant palpitantes. Quand vient la nuit, il peut dormir sur ses deux oreilles : demain sera tout aussi formidable !

PETITE ÉTINCELLEDe jour comme de nuit, une souris passe son temps cachĂ©e dans un grenier, Ă  dĂ©vorer des livres Ă  la lumiĂšre d’une bou-gie. Lorsque la flamme s’éteint, le petit rat de bibliothĂšque s’aventure hors de sa cachette et part Ă  la recherche d’une petite Ă©tincelle.

LA TORTUE QUI VOULAIT DORMIRL’hibernation est venue pour Madame Tortue ! Ce soir, elle s’ins-talle bien au chaud dans son lit pour y passer tout l’hiver. C’est sans compter ses amis, qui lui ont prĂ©parĂ© bien des surprises


LE POISSON-VEILLEUSEC’est l’heure d’aller au lit ! Un doudou, un bisou et on Ă©teint la lu-miĂšre. VoilĂ  le petit poisson endormi. Endormi ? Pas tout Ă  fait
 Il fait trop noir au fond de l’ocĂ©an pour dormir Ă  poings fermĂ©s !

LE RATON LAVEUR ET LA LAMPE DE POCHEUne nuit, au cƓur de la forĂȘt, un raton laveur rencontre une drĂŽle de crĂ©ature. Un peu magique, un peu effrayante, mais de si bonne compagnie
 Quelle belle nuit il va passer avec son amie la lampe torche !

CONTE D'UNE GRAINEOĂč doit-on planter une graine quand elle est trĂšs prĂ©cieuse ? La lĂ©gende raconte qu’il faut lui trouver un endroit spĂ©cial ! Au cƓur d’un paysage de lumiĂšre ? Ou dans le ventre sombre d’un monstre ? L’endroit idĂ©al n’est peut-ĂȘtre pas si loin qu’on le pense


BÉBERT ET L'OMNIBUSYves ROBERT France 1963 1h36 Noir & blancavec Martin Lartigue (alias Petit Gibus, tout droit sorti de La Guerre des boutons), Jacques Higelin, Michel Serrault, Pierre Mondy, Jean Richard


À (RE-)DÉCOUVRIR ÉVIDEMMENT DE PRÉFÉRENCE EN FAMILLE, DE 6 À (AU MOINS) 106 ANS

Personne aujourd’hui n’est plus surnommĂ© « BĂ©bert », dimi-nutif de Robert, Ă  moins d’ĂȘtre septuagĂ©naire ; les omnibus qui marquaient un arrĂȘt Ă  toutes les gares ont Ă©tĂ© remplacĂ©s par des TER, des RER ou des autocars. C’est dire si la vision du film d’Yves Robert, 57 ans aprĂšs sa sortie, nĂ©cessitera, de la part des grands-parents qui pourraient y conduire leurs pe-tits-enfants, une petite explication prĂ©alable.En 1963, les ados roulaient Ă  vĂ©lo. Terrifiants, les adultes me-naçaient les enfants de torgnoles pour un oui pour un non. On vendait de tout Ă  la Samaritaine, grand magasin parisien au-jourd’hui promis Ă  une seconde vie dans l’hĂŽtellerie de luxe. Les vacances d’étĂ© Ă©taient le Graal d’une annĂ©e de labeur. En 1963, les trains roulaient lentement, mais tout le monde Ă©tait desservi. Des agents dĂ©bonnaires savaient se mettre en quatre pour assurer la rĂ©putation de la SNCF et la grandeur du service public. AprĂšs cette mise Ă  jour, les accompagna-teurs se laisseront gagner par leurs souvenirs (s’ils sont assez ĂągĂ©s) et les enfants par le charme surannĂ© d’un film tendre et bienveillant.L’histoire tient sur un ticket de train. Alors que toute la famille Martin, rĂ©sidant en Seine-et-Marne, fait ses derniers achats Ă  la « Samar », afin de prĂ©parer son dĂ©part en vacances, elle laisse BĂ©bert, enfant rĂȘveur et farceur, sous la surveillance de son aĂźnĂ©, Tiennot (Jacques Higelin), chargeant ce dernier de le ramener en train Ă  Tournan-en-Brie, berceau de la famille. Mais Tiennot prĂ©fĂšre courir les filles et perd son petit frĂšre en chemin. Et tout le monde de partir Ă  la recherche de BĂ©bert, transformant le film en road-movie seine-et-marnais oĂč se croisent train Ă  vapeur, vĂ©lo mi-course, moto et 403 de la gen-darmerie nationale
 (d'aprĂšs Philippe Ridet, Le Monde)

Page 17: CHAINED BELOVED - cinemas-utopia.org

Nos amis distributeurs de chez CinĂ©ma Public Films, Gebeka Films, Les Films du PrĂ©au et Little KMBO ont Ă©tĂ© bien inspi-rĂ©s de nous concocter ce chouette pro-gramme de films d’animations venus des 4 coins du globe qui abordent de maniĂšre intelligente quelques grandes questions environnementales, s’aventurent dans la

nature, furĂštent le nez dans les nuages, compagnonne avec tout plein d’animaux
 DĂ©clinaison en diffĂ©rents thĂšmes, retrouvez-les sur cette gazette et sur la prochaine (tarif unique par film 4€) :

RÊVER LA TÊTE EN L’AIR

LA PETITE FABRIQUE DE NUAGESProgramme de 5 courts-mĂ©trages venus des 4 coins du monde (Mexique, Russie, BrĂ©sil
)Films d' animation 2019 46mn VFPour les enfants Ă  partir de 4 ans

Vu d’en bas ou vu d’en haut, le ciel est le thĂ©Ăątre de spec-tacles extraordinaires. Que l’on soit un oiseau migrateur, un lĂ©murien explorateur, un chasseur d’étoiles ou une tortue de terre, il est temps de rĂȘver, la tĂȘte dans les nuages


AVANT-PREMIERE le 1er Août

BALADES SOUS LES ÉTOILESProgramme de 6 films courtsFilms d’animation 2020 49mn VFPour les enfants Ă  partir de 5 ans

Ce coup-ci, le programme tournicote autour de la nuit, des rĂȘves, de la peur de l’obscuritĂ© et de rencontres entre les ani-maux et les hommes
 Cinq jeunes rĂ©alisateurs et rĂ©alisatrices Ă  l’imagination fertile pour une promenade poĂ©tique nocturne.La nuit, rien n’est tout Ă  fait pareil
 Moutons, Ă©toiles filantes, jungle enchantĂ©e, ombres chinoises ou papillons de nuit, il y a tant de poĂ©sie Ă  dĂ©couvrir sans plus attendre !

PRENDRE SOIN DE LA NATURE

MA PETITE PLANÈTE VERTEProgramme de 5 courts-mĂ©tragesFilms d’animation 2016 36mn VFPour les enfants Ă  partir de 3/4 ans

Les igloos fondent, la forĂȘt disparaĂźt peu Ă  peu et les animaux cherchent de nouveaux refuges. Mais tout ça peut changer ! Voici des personnages courageux et malins  : ils font preuve d’inventivitĂ©, montrent l’exemple et prennent soin de la nature.Pour tous les parents et les enfants, voici un programme qui ne cherche pas Ă  assĂ©ner de grands discours Ă  grand ren-fort de blablas mais qui, tout en douceur, façon ludique, drĂŽle et poĂ©tique, raconte aux plus petits l’écologie, mais aussi les gestes qui font du bien Ă  la planĂšte et mĂȘme le bio !

LA PETITE TAUPE AIME LA NATUREZdenek MILERFilm d’animation TchĂ©coslovaquie 2020 44mn VFPour les enfants Ă  partir de 2/3 ans

Soucieuse de l’environnement et de la prĂ©servation de la na-ture, l’emblĂ©matique et indĂ©modable Petite Taupe revient au cinĂ©ma pour 3 nouvelles aventures avec ses acolytes !

Page 18: CHAINED BELOVED - cinemas-utopia.org

LA COMMUNION(CORPUS CHRISTI)

Jan KOMASAPologne 2019 1h58 VOSTFavec Bartosz Bielenia, Eliza Rycembel


Il y a dans le titre original de ce film polonais emballant une part d'ironie joyeuse intraduisible en français. LittĂ©ralement «  BoĆŒe CiaƂo » signifie « la FĂȘte-Dieu », une fĂȘte extraordi-nairement populaire en Pologne qui donne lieu Ă  des pro-cessions tellement colorĂ©es qu’elles prennent des allures de carnavals paĂŻens. Certains vous diront mĂȘme que cette FĂȘte-Dieu a jouĂ© un rĂŽle fondamental dans la protection de l’identi-tĂ© nationale de la Pologne quand cette derniĂšre a Ă©tĂ© dĂ©mem-brĂ©e au xviiie siĂšcle par les envahisseurs russes, allemands et autrichiens. Tout un symbole, d’autant que sous l’occupation soviĂ©tique, les membres du parti au pouvoir se retrouvaient bannis s’il prenaient part Ă  ce genre de cĂ©lĂ©bration. L’histoire dĂ©bute dans la lumiĂšre ascĂ©tique et bleutĂ©e d’un centre de dĂ©tention pour mineurs. Alors que ses compagnons de galĂšre aux gros bras semblent incorrigibles, Daniel, grand escogriffe, au beau regard d’un gris intense, joue les enfants de chƓur au sens littĂ©ral du terme. Le voilĂ  prĂȘt Ă  rentrer dans les ordres, Ă  renoncer Ă  Satan, Ă  sa vie turbulente. Mais la sentence de l’institution sera sans appel : jamais aucun sĂ©mi-naire n’acceptera un Ă©lĂšve avec un tel casier judiciaire ! Les voies du Seigneur Ă©tant dĂ©cidĂ©ment impĂ©nĂ©trables, presque par accident, pour avoir jouĂ© les fanfarons au hasard d’une rencontre, Daniel va tout de mĂȘme se retrouver Ă  la tĂȘte d’une minuscule paroisse Ă  l’esprit Ă©triquĂ©. Quel drĂŽle de curĂ© il fait, planquant sous la soutane ses tatouages et sa sourde violence ! Et ma foi, les villageois, d’abord mĂ©fiants, vont se faire aux maniĂšres atypiques, aux grands effets de manche dĂ©gingandĂ©s de celui qui se prend dĂ©sormais pour leur bon berger et leur sert des sermons loin d’ĂȘtre prĂ©formatĂ©s


Ce Corpus Christi nous fera passer intelligemment du fou rire aux frissons. L’affaire a beau ĂȘtre dĂ©jantĂ©e, elle n’en est pas moins subtile.Et la mise en scĂšne somptueuse nous rĂ©vĂšle celui qui irradie l’écran, le jeune acteur principal, Bartosz Bielenia qui, de tous les plans, restitue avec prĂ©cision cette humanitĂ© sauvage et perdue en quĂȘte d’un sens inaccessible.

L’OMBRE DE STALINE(MR. JONES)

Agnieszka HOLLANDPologne / GB 2019 1h59 VOSTF (anglais)avec James Norton, Vanessa Kirby, Peter Sarsgaard, Joseph Mawle
 ScĂ©nario d’Andrea Chalupa

HoLoDoMor
 Quatre syllabes, quatre notes Ă©chappĂ©es d’un requiem secret, que murmurent les morts aux oreilles des vi-vants. Quand en 1933 Gareth Jones entreprend d’enquĂȘter sur l’incroyable dĂ©veloppement Ă©conomique de l’URSS alors que le reste du monde capitaliste subit les affres de la Grande DĂ©pression, il n’a jamais entendu prononcer ce mot mystĂ©-rieux ; mais au-delĂ  de l’empathie qu’il Ă©prouve pour la Patrie des Travailleurs, et sa conviction que la Grande Bretagne de-vra s’allier Ă  elle face Ă  la menace hitlĂ©rienne, une question le taraude : comment diable une nation majoritairement pay-sanne peut-elle financer les gigantesques travaux d’industria-lisation Ă  marche forcĂ©e du premier plan quinquenal  ? Qui paie et avec quoi ?ArmĂ© de son culot, de son Leica et d’une lettre d’accrĂ©di-tation signĂ©e du Premier Ministre Lloyd George, Jones dĂ©-barque Ă  Moscou bien dĂ©cidĂ© Ă  dĂ©crocher une interview de Staline en personne, mais il lui faudra vite dĂ©chanter : baladĂ© par les officiels, Ă©conduit par le directeur du bureau du New York Times, surveillĂ© par les agents du GuĂ©pĂ©ou, il comprend qu’il a mis le doigt sur une question sensible. Faussant com-pagnie Ă  ses anges gardiens, il pĂ©nĂštre dans une rĂ©gion inter-dite aux touristes, aux journalistes et aux curieux : l’Ukraine, grenier Ă  blĂ© des Soviets, « l’or de Staline Â»â€ŠAujourd’hui connu sous le nom de Grande Famine, provo-quĂ©e sciemment par le MaĂźtre du Kremlin pour servir ses desseins Ă©conomiques et politiques, l’Holodomor demeure dans l’angle-mort des gĂ©nocides du xxe siĂšcle. Le vrai Gareth Jones a tĂ©moignĂ© en vain de ce qu’il avait vu : harcelĂ© et ri-diculisĂ© par la puissance de la propagande qui usa de tous ses relais pour le dĂ©crĂ©dibiliser, sa voix se fit inaudible, et on l’oublia. Agnieszka Holland place ouvertement son film sous les auspices de George Orwell, dont elle fait ici un person-nage secondaire, coryphĂ©e discret dont les citations extraites de son chef-d’Ɠuvre La Ferme des animaux forment autant de commentaires aussi acerbes qu’implacables sur la funeste aventure qu’est en train de vivre Mr. Jones
 Et c’est pour-quoi au-dessus des plaines d’Ukraine les corbeaux croassent encore : HoLoDoMor


Page 19: CHAINED BELOVED - cinemas-utopia.org

Martin PROVOSTFrance 2019 1h49 avec Juliette Binoche, Yolande Moreau, NoĂ©mie Lvovsky, Édouard Baer, François BerlĂ©and, Lily TaĂŻeb, Anamaria Vartolomei
ScĂ©nario de Martin Provost et SĂ©verine Werba

FĂ©ministe, Martin Provost ? De film en aiguille, il dĂ©fend en tout cas la cause fĂ©minine avec panache et simplicitĂ©, sans forfanterie ni emphase : Le Ventre de Juliette, SĂ©raphine, OĂč va la nuit, Violette, Sage femme
 il aura offert aux plus grandes actrices françaises des rĂŽles magnifiques, de trĂšs beaux per-sonnages Ă  incarner. Il a l’art de magni-fier les parcours singuliers et exaltants des hĂ©roĂŻnes de l’ombre, des Ă©gĂ©ries inconnues, rĂ©sistantes par besoin vis-cĂ©ral, vital. La Bonne Ă©pouse, film plus choral (dans tous les sens du terme, comme vous l'entendrez in fine) est de la mĂȘme trempe ! Il ne laisse aucune de ses protagonistes Ă  la traĂźne, mĂȘme les plus secondaires. C’est un vĂ©ritable rĂ©-gal de voir l’excellente Juliette Binoche se prĂȘter au jeu de s’appeler « Paulette » et de s’élancer sans retenue sur les che-mins de cette comĂ©die loufoque mijotĂ©e aux petits oignons, Ă  une Ă©poque oĂč il Ă©tait mal vu que la femme portĂąt culotte, autrement dit pantalon.

Nous sommes donc en des temps que les post soixante-huitards ne peuvent pas connaĂźtre. Ceux, pas si reculĂ©s, oĂč l’on pensait que les femmes « impures Â» avaient le pouvoir, quelques jours par mois, de faire tourner le lait des vaches et la mayonnaise
 C’était le temps des culs bĂ©nis, des grenouilles de bĂ©nitier, des trousseaux de mariage qui permet-taient de dĂ©trousser d’innocentes jeu-nettes et de les garder Ă  sa solde, ad vi-tam ĂŠternam. La femme Ă©tait faite pour l’homme, comme le cheval pour le cow-boy dans les westerns en noir et blanc et les caries pour les enfants qui ne se brossaient pas les dents. L’ordre Ă©tait bien Ă©tabli, mais
 quand mĂȘme, pour s’assurer qu’il continue de l’ĂȘtre et que les femelles humaines ne prennent pas un mauvais tournant, on avait inventĂ©, dĂšs 1873, l’enseignement mĂ©nager. Et comme dirait l’autre, c’était du lourd !Nous voici rendues au sein de la pres-tigieuse École MĂ©nagĂšre Van Der Beck qui, sous la houlette de Paulette/Juliette, se consacre Ă  enseigner Ă  des gĂ©nĂ©ra-tions de donzelles comment devenir la perle des mĂ©nagĂšres, proprette mais co-quette, toujours prĂȘte Ă  se soumettre aux dĂ©sirs de son futur mari. Ici, dans cette maison de maĂźtre perdue en pleine cam-pagne, Ă©loignĂ©e des rumeurs de la ville, on en viendrait presque Ă  oublier que le sexe faible a obtenu le droit de voter. On se donne deux ans d’immersion totale pour transformer les plus rĂ©calcitrantes pensionnaires en parangons d’abnĂ©ga-tion. Pour seconder dans sa noble mis-sion notre directrice Paulette, Ă  la mise en plis et au tailleur impeccables, il faut rien de moins que deux assistantes de

choc : une belle-sƓur (l’extraordinaire et lunaire Yolande Moreau) et une bonne sƓur (NoĂ©mie Lvovsky, impayable en religieuse de combat). VoilĂ  un trio aus-si gĂ©nial qu’infernal, constituĂ© de maĂź-tresses femmes, mais nĂ©anmoins asser-vies. Car le tableau ne serait pas complet sans Ă©voquer le patriarche du pension-nat, Monsieur Van Der Beck lui-mĂȘme. Quel est son rĂŽle lĂ  dedans ? À part ma-ter en cachette les formes rebondies des jeunes filles en fleur, il ne sert pas Ă  grand chose et il ne servira dĂ©finitive-ment plus Ă  rien quand une fausse-route lui coupera pour de bon le caquet. Notre

sainte trinitĂ© de professeures Ă©plorĂ©es, corsetĂ©es de principes, se retrouvent tĂ©-tanisĂ©es Ă  l’idĂ©e de se retrouver seules Ă  la barre. Mais ce qui leur semblait ĂȘtre la mer Ă  boire va vite s’avĂ©rer ĂȘtre un trem-plin vers l’émancipation et la libertĂ© !

Et quand mĂȘme, finissons par un petit clin d’Ɠil aux hommes. Tant François BerlĂ©and, en vieux vicelard mou du ge-nou, qu’Édouard Baer, qui incarne le plus craquant des notaires, contribuent Ă  rendre le scĂ©nario encore plus crous-tillant. En 1971 toutes les Ă©coles mĂ©na-gĂšres avaient disparu. Tout fout le camp !

La Bonne Épouse

SÉANCE EN PLEIN AIR jeudi 16 juillet au ChĂąteau de Grabels, Ă  la tombĂ©e de la nuit.

Page 20: CHAINED BELOVED - cinemas-utopia.org

« L’éternitĂ© c’est long, surtout vers la fin Â» (on ne sait plus trop si la citation est de Woody Allen ou de Kafka, ou de Woody Allen citant Kafka), quoi qu’il en soit, on n’est pas fĂąchĂ©s que la pĂ©riode dite « de confinement Â» ne se soit pas Ă©tirĂ©e Ă©ter-nellement. Pas fĂąchĂ©s qu’enfin se referme l’étrange parenthĂšse qui s’est ouverte en mars dernier, dis-jonctant instantanĂ©ment les bars, restos, salles de concerts, cinĂ©s et autres lieux de vie sociale, syno-nyme de dispersion potentielle d’un certain virus (Ă  l’exception des bureaux de vote).DrĂŽle de pĂ©riode, oĂč fleurirent les paradoxales et parfois surrĂ©alistes injonctions de se « distan-cier  » socialement, de faire des «  barriĂšres  » de nos gestes, de se rĂ©inventer Ă©conomiquement, d’enfourcher des tigres culturellement – on n’a d’ailleurs pas rĂ©ussi Ă  domestiquer le nĂŽtre, qui doit errer dans les rues de Montpellier, si vous le trouvez merci de le rapporter au cinĂ©ma !Dans ce moment de flottement oĂč vacillaient les repĂšres et parfois la raison, l’ami Pierre Carles a briĂšvement mis en ligne un film Ă©patant, intitu-lĂ© GĂ©bĂ©, on arrĂȘte tout, on rĂ©flĂ©chit (et c’est pas triste), consacrĂ© Ă  l’un des plus grands dessina-teurs de Charlie Hebdo (canal historique, celui de Cavanna & co) et Ă  son livre-film-utopie, L’An 01, co-rĂ©alisĂ© par Doillon (pour l’essentiel), Rouch et Resnais. Avec 50 ans d’avance, GĂ©bĂ© portait un re-gard extrĂȘmement lucide sur la sociĂ©tĂ© industrielle et de consommation – et l’impasse dans laquelle nous faisait foncer Ă  tombeau ouvert le capita-lisme qui n’avait pas encore Ă©tĂ© repeint des cou-leurs pimpantes du « nĂ©o-libĂ©ralisme Â». Et Pierre Carles de dĂ©mĂȘler avec entĂȘtement les fils qui re-lient les signaux d’alerte de 1970 Ă  la catastrophe sanitaire d’aujourd’hui
On a pensĂ©, on a beaucoup entendu, qu’aprĂšs la crise du coronavirus, « plus rien ne serait comme avant Â». Les premiers Ă©chos qui nous arrivent du « monde d’aprĂšs Â» ressemblent pourtant bigrement au monde d’avant, avec son cortĂšge d’égoĂŻsme et de surconsommation. Mais de nouvelles voix se font entendre, encourageantes, comme les si-gnataires de cet Ă©patant Appel du 17 juin Ă  « agir contre la rĂ©intoxication du monde Â» – vous le trou-verez facilement en ligne, ainsi que toutes les ac-tions locales, dissĂ©minĂ©es sur tous les territoires, qui en sont le prolongement. Une façon de s’ap-proprier, pour le meilleur, le beau slogan de GĂ©bĂ©.

(L’AN 01 le bouquin est Ă©ditĂ© par l’Association – et le film sur GĂ©bĂ©, si Pierre est d’accord, on en fera une projection publique Ă  la rentrĂ©e)

Utopia est invitĂ© Ă  GrabelsCycle de sĂ©ances en plein air, au ChĂąteau de Grabels(45 rue du chĂąteau Ă  Grabels)Tous les jeudis du 16 juillet au 13 aoĂ»tOuverture des portes Ă  partir de 19h30 et projections Ă  la tombĂ©e de la nuit, vers 22h

TARIFS habituels du CinĂ©ma :4 â‚Ź pour les moins de 14 ans6,50 â‚Ź ou ticket d’abonnement : 47 â‚Ź les 10 places(paiement en chĂšque ou espĂšces)

En partenariat avec la commune de Grabels et les CemĂ©a OccitanieBar et petite restauration avec des produits frais et locauxJadis, le mas de la Font Ă©tait une vaste demeure construite au dĂ©but du XVIIe siĂšcle par Jean de Massane, au bord de la Mosson, en contrebas de la font (fontaine) du village.C’est lĂ  que nous nous retrouverons, sous les mĂ»riers, oĂč plein air et nature se conjuguent sur la commune de Grabels !

Courts mĂ©trages en dĂ©but de sĂ©ances, carte blanche aux CEMÉA OCCITANIE dans le cadre du Festival International du Film d’Éducation. Les CEMÉA Occitanie, c’est un formidable mouvement d’Education Nouvelle / Éducation Populaire qui regorge d’inventivitĂ©, crĂ©ateurs de liens, d’actions, prĂ©sent sur le terrain de la formation, du travail social et de la culture. www.cemea-occitanie.org

Les Toiles du ChĂąteau

Page 21: CHAINED BELOVED - cinemas-utopia.org

JEUDI 16 JUILLETLA BONNE ÉPOUSE de Martin PROVOSTFrance 2019 1h49Bienvenue Ă  l’école MĂ©nagĂšre Van Der Beck qui se consacre Ă  ensei-gner Ă  des gĂ©nĂ©rations de don-zelles comment devenir la perle des mĂ©nagĂšres, proprette mais coquette, toujours prĂȘte Ă  se sou-mettre aux dĂ©sirs de son futur mari (texte complet dans cette Gazette).

JEUDI 23 JUILLETYOUR NAMEde Makoto SHINKAIJapon 2016 1h48 VF – À voir en famille Ă  partir de 10 ans.Au cƓur de Your name, conte fan-tastique contemporain, deux per-sonnages d’adolescents qui n’ont rien en commun. Mitsuha vit dans un petit village de la rĂ©gion mon-tagneuse de Ginfu et dĂ©sire quit-ter son cocon pour mener une vie trĂ©pidante Ă  Tokyo. À quelques centaines de kilomĂštres, vit Taki, lycĂ©en tokyoite qui se partage entre ses Ă©tudes, ses sorties entre amis, sa passion du dessin et son petit boulot
ODD EST UN ƒUF de Kristin Ulseth 2016, NorvĂšge, Portugal, 11 min, proposĂ© par les CemĂ©a - Odd a peur de sa tĂȘte. Mais un jour, il tombe amoureux de Gunn, qui, elle, n’a peur de rien et profite de la vie, libĂ©rant Odd de ses soucis de maniĂšre inattendue.

JEUDI 30 JUILLETLES PARFUMS de GrĂ©gory MAGNEFrance 2020 1h41Guillaume, chauffeur privĂ©, a un talent  : celui de s’accommoder de toutes sortes de situations. Justement, une certaine Anne

Walberg a commandĂ© une berline pour la province et au son de sa voix dans l’interphone, Guillaume sent dĂ©jĂ  que ça ne va pas ĂȘtre une partie de rigolade (texte com-plet dans cette Gazette).

ET RETROUVEZ SUR LA PROCHAINE GAZETTE

JEUDI 6 AOÛTAvant-premiĂšre en prĂ©sence du rĂ©alisateur Geoffrey Couanon, et de membres du collectif OxygĂšne opposĂ© au projet de centre com-mercial Oxylane / DĂ©cathlon Ă  Saint ClĂ©ment de RiviĂšre.DOUCE FRANCEde Geoffrey Couanondocumentaire France 2019 1h37Avec Amina, Jennyfer, Sami
Connaissez-vous Europa City, ce projet dĂ©lirant du groupe Auchan prĂ©voyant la construction d’un parc d’activitĂ©s gigantesque mĂȘ-lant surfaces commerciales, zones de divertissement (avec mĂȘme une piste de ski indoor, comme Ă  Dubai)  ? Un projet qui devait s’étendre sur le site de la grande plaine de France non loin des pistes de Roissy, l’une des der-niĂšres grandes terres d’agricul-ture proche de Paris, l’une des plus fertiles de l’hexagone. Avec Douce France, Geoffrey

Couanon ne rĂ©alise pas Ă  propre-ment parler un documentaire sur tout le combat menĂ© ces derniĂšres annĂ©es par les Ă©cologistes et pay-sans franciliens contre Europa City. Il prend le parti de suivre une classe du lycĂ©e de Villepinte, une commune voisine du 93 qu’une enseignante va amener Ă  s’intĂ©-resser au sujet.FRONTIÈRES de Hanka NovĂĄkovĂĄ RĂ©p tchĂšque, 5  min, proposĂ© par les CemĂ©a - Partager un toit n’est pas toujours facile. Mais ne pas y rĂ©ussir, c’est se compliquer la vie !

JEUDI 13 AOÛTÀ COUTEAUX TIRÉSÉcrit et rĂ©alisĂ© par Rian JOHNSONUSA 2019 2h10 VOSTFavec Daniel Craig, Chris Evans, Ana de Armas, Jamie Lee Curtis, Michael Shannon, Don Johnson, Toni Colette, Christopher Plummer
Une brochette d’acteurs vedettes excellemment utilisĂ©s pour une savoureuse rĂ©invention contem-poraine du polar Ă  la Agatha Christie, rehaussĂ©e d’un humour noir tout Ă  fait rĂ©jouissant. Le vĂ©nĂ©-rable Harlan Thrombey est retrou-vĂ© mort dans sa somptueuse de-meure de la Nouvelle Angleterre, le soir mĂȘme de ses 85 ans. Suicide ou crime ? That is the question  !

Les Toiles du ChĂąteau

Page 22: CHAINED BELOVED - cinemas-utopia.org

Vous ne trouverez probablement pas dans les pages cinĂ©ma de vos journaux favoris des critiques de ce remarquable premier film pourtant rĂ©compensĂ© par la CamĂ©ra d’or lors du Festival de Cannes 2019 et cĂ©lĂ©brĂ© Ă  l’époque par une grande partie de la presse. Pourquoi ? Parce que Nuestras madres n’aura pas droit Ă  une sortie nationale dans les salles de cinĂ©ma : l’excellent distributeur du film, Pyramide, a pris la dĂ©ci-sion de le proposer dĂšs le 16 juin en VOD (Video On Demand = VidĂ©o Ă  la demande) plutĂŽt que d’affronter le grand embouteillage de films Ă  la rĂ©ouverture des salles. On ne saurait lui jeter la pierre, tant les budgets des sorties cinĂ©ma sont Ă©levĂ©s.Heureusement, le contrat de VOD signĂ© par Pyramide lui permet, Ă©chappant ainsi Ă  la sacro-sainte « chronologie des mĂ©dias Â» qui interdit le plus souvent toute sou-plesse dans les stratĂ©gies de diffusion des films, de montrer malgrĂ© tout Nuestras madres dans les salles de cinĂ©ma qui souhaitent le programmer. C’est Ă©videmment notre cas, et nous lui donnons la place qu’il mĂ©rite, en le gardant Ă  l’affiche plusieurs semaines et en le mettant en avant, en premiĂšre page de notre gazette.

NUESTRAS MADRES

gante dans cette premiĂšre scĂšne, c’est l’incroyable jeunesse de l’anthropologue dĂ©butant  : on se dit qu’à son Ăąge il de-vrait profiter de la vie, courir le guilledou, plutĂŽt que passer ses journĂ©es en com-pagnie de cadavres
 C’est dans la re-lation avec sa propre mĂšre, Christina, qu’on va dĂ©couvrir une premiĂšre clef Ă  sa quĂȘte acharnĂ©e. Puis une seconde, dont lui-mĂȘme ne se serait pas doutĂ©. On a parfois devant le nez des Ă©vidences qu’on se refuse Ă  voir, tant elles nous font violence. Alors, inconsciemment on les camoufle sous un tapis tissĂ© d’illusions et de chimĂšres.C’est un procĂšs, conjuguĂ© aux enquĂȘtes que mĂšne Ernesto pour son travail, qui va tout rĂ©veiller, bouleverser ses convic-tions. À force de consacrer ses journĂ©es Ă  essayer de restituer la vĂ©ritĂ© pour les autres, il en avait oubliĂ© de reconstituer la sienne propre. De village en village, en Ă©coutant les tĂ©moignages poignants de ceux et celles qui attendent depuis des

dĂ©cennies de pouvoir offrir une sĂ©pulture honorable Ă  un pĂšre, Ă  un mari, Ă  un en-fant, Ernesto va ĂȘtre amenĂ© Ă  se poser et Ă  poser Ă  sa mĂšre de nouvelles ques-tions, de celles qui font mal. La force de ces femmes qui rĂ©sistent Ă  l’oubli va venir nourrir la sienne.Christina, elle, aimerait continuer Ă  se taire, Ă  essayer d’oublier, malgrĂ© la ma-gnifique complicitĂ© qu’elle nourrit avec son fils. Mais progressivement ce dernier va venir gratter le vernis qui dissimule les secrets, les non-dits qui retenaient, der-riĂšre une digue invisible, un passĂ© ina-vouable
C’est un film splendide, habitĂ© par la grĂące, la beautĂ©, portĂ© par l’interprĂ©ta-tion magistrale des acteurs et actrices et aussi par la prĂ©sence de ces hommes, et surtout de ces femmes, indigĂšnes, in-diennes, qui tĂ©moignent Ă  l’écran, dans cette fiction captivante qui s’imprĂšgne d’une part bouleversante de documen-taire.

VIDÉO EN POCHE

Venez au cinĂ© remplir une clĂ© USB avec des VidĂ©os en Poche, il y en a pour tous les goĂ»ts et les Ăąges. 5€ PAR FILM, sans DRM et en HD quand c’est possible, la rĂ©solution minimale Ă©tant celle d’un DVD !

Tous les films de Pierre Carles arrivent en VidĂ©o en Poche !

THARLO, LE BERGER TIBÉTAINÉcrit et rĂ©alisĂ© par Pema Tseden

Petite natte est un berger tibĂ©tain au doux sourire et dotĂ© d’une mĂ©moire phĂ©nomĂ©nale. DĂšs la premiĂšre scĂšne du film, devant un commissaire de police mĂ©dusĂ©, il rĂ©cite sur le ton monocorde d’une priĂšre un discours cĂ©lĂšbre de Mao « Servir le peuple » texte fondateur du communisme chinois. Sa mĂ©moire aurait pu lui permettre de faire de belles Ă©tudes et d’accĂ©der Ă  une place res-pectable dans la sociĂ©tĂ©, mais, trĂšs vite orphelin, son sort a dĂ©pendu d’un oncle qui a cherchĂ© Ă  s’en dĂ©barrasser au plus vite. Peu importe ! Petite natte n’en semble nullement affectĂ© et ne s’ima-gine guĂšre une autre vie que la sienne qui s’écoule tranquillement, sereinement. D’ailleurs il est un excellent berger qui sait protĂ©ger ses bĂȘtes des attaques des loups.Sa prĂ©sence au commissariat ce jour-lĂ  s’explique par le fait qu’à l’ñge d’à peu prĂšs 40 ans (Ă  peu prĂšs car il n’est sĂ»r de rien) Petite natte n’a jamais possĂ©dĂ© de carte d’identitĂ©. Ce qui dans la Chine d’aujourd’hui, Ă  laquelle, comme chacun sait, le Tibet appartient, est une anoma-lie qui ne peut durer
Pema Tseden Ă©tait Ă©crivain avant de devenir le principal rĂ©alisateur tibĂ©tain. Tharlo reprĂ©sente non seulement la civi-lisation tibĂ©taine menacĂ©e par l’impĂ©-rialisme chinois, mais Ă©galement toute civilisation traditionnelle menacĂ©e par le modernisme consumĂ©riste.

et plus de 200 films au catalogue : www.videoenpoche.info

Page 23: CHAINED BELOVED - cinemas-utopia.org

BENNIÉcrit et rĂ©alisĂ© par Nora FINGSCHEIDTAllemagne 2019 2h01 VOSTFavec Helena Zengel, Albrecht Schuch, Gabriela Maria Schmeide, Lisa Hagmeister


La dĂ©couverte de ce film fut un choc, un coup de cƓur absolu. Un film phare, tendu, sur le fil, comme ne tient qu’à un fil la vie de sa petite hĂ©roĂŻne, funambule en perpĂ©tuel mouvement pour ne pas perdre l’équilibre, pour ne pas tomber. On se souviendra longtemps de Benni, impossible mĂȘme de l’oublier. Le pu-blic allemand ne s’y est pas trompĂ© : 600 000 spectateurs pour ce premier long-mĂ©trage magistral dont la rĂ©alisa-trice a fini le montage sur un coin de table chez sa grand-mĂšre. Un manque de moyens qui ne transparait jamais Ă  l’écran, qu’on peine Ă  imaginer tant la texture de l’image est lumineuse, tant le rĂ©cit est travaillĂ©, son rythme ciselĂ©, son ton criant de vĂ©ritĂ©. Tout est beau et palpitant dans Benni. On peut tou-jours essayer d’anticiper, de se prĂ©pa-rer
 on ne fait pas le poids face Ă  ce scĂ©nario implacable et on sera cueilli lĂ  oĂč l’on ne s’y attend pas. De bruit et de

fureur, cette Ɠuvre investie par la grĂące marque l’avĂšnement d’une grande ci-nĂ©aste, en mĂȘme temps que celui d’une actrice Ă©poustouflante, magique, d’à peine dix ans !

Il n’y a pas plus blonde, plus gracile que Benni, une vĂ©ritable bouille d’ange au teint diaphane. Mais quand passent les anges, les dĂ©mons sont rarement loin
 Benni porte en elle le pire qui la rend exaspĂ©rante, inquiĂ©tante, comme le meilleur qui la rend plus qu’attendris-sante. Pourtant, on a tĂŽt fait d’oublier, quand elle se dĂ©chaĂźne, soudain sau-vage, tornade insatiable balayant tout sur son passage, qu’elle n’est qu’une enfant vulnĂ©rable, une petite gosse fluette, dont la peau douce masque des meurtrissures invisibles. Mais Benni, combative, en rit dĂ©jĂ , Ă  gorge dĂ©-ployĂ©e, de cela, elle ne se prive pas : se moquer, taquiner, chahuter, chanter Ă  tue-tĂȘte, se trĂ©mousser sur des airs endiablĂ©s
 Pitre Ă  ses heures pour les autres ou Ă  leurs dĂ©pends
 C’est lĂ  que reviennent toujours les problĂšmes, comme une boucle infernale, car la fil-lette ne sait pas doser ses effets, c’est le moins qu’on puisse dire. Quand elle dĂ©-rape, sa vie redevient comme une fuite en avant, une course Ă  bout de souffle, Ă©reintante pour qui essaie de la suivre. Et ils sont une flopĂ©e ! Entre Madame BanafĂ©, l’assistante sociale gĂ©nĂ©reuse comme du bon pain qui dĂ©sespĂšre de voir sa protĂ©gĂ©e sortir de l’orniĂšre, les diffĂ©rents Ă©ducateurs qu’elle use et

qui ne parviennent plus Ă  endiguer ses crises, les mĂ©decins qui tentent de la calmer avec une batterie de pilules, bien difficiles Ă  avaler. Et puis, par dessus tout, il y a cette mĂšre aimante mais qui ne sait pas s’y prendre. Une relation es-sentielle, devenue plus destructrice que bĂ©nĂ©fique Ă  force de valses hĂ©sitations permanentes.

Mais pour Benni, c’est la rencontre avec Micha, son nouvel auxiliaire de vie sco-laire, qui va apporter une grande bouf-fĂ©e d’oxygĂšne. Sous les provocations habituelles de la gamine, on perce-vra les germes d’une belle complicitĂ© prĂȘte Ă  naĂźtre, la naissance d’une espĂ©-rance. Sans doute parce qu’elle perce-vra d’emblĂ©e que Micha lui aussi trim-bale ses Ă©corchures intĂ©rieures et qu’il comprend d’autant mieux les siennes
 Chaque scĂšne, chaque image tĂ©moigne de ce que le moindre dĂ©tail de cette fic-tion a Ă©tĂ© mĂ©ticuleusement travaillĂ©, ren-seignĂ©, observĂ©. Benni y gagne un rĂ©a-lisme et une efficacitĂ© poignants qui font la part belle Ă  l’humanitĂ©, ne jugeant ja-mais, condamnant encore moins. Ici chacun fait comme il peut, compose avec ce qu’il est, ses Ă©motions, ses manques, ses angoisses. Oscillant entre rĂ©volte, larmes, Ă©clats de rire et ten-dresse, ce film sans concessions, cette ode Ă  l’amour inaccessible est plus que salutaire. Il donne Ă  penser, il interroge, donne envie de briser la glace, Ă  notre tour.

Page 24: CHAINED BELOVED - cinemas-utopia.org

NUESTRAS MADRES

Écrit et rĂ©alisĂ© par CĂ©sar DIAZGuatemala 2019 1h17 VOSTFavec Armando Espitia, Emma Dib, Aurelia Caal, Julio Serrano Echeverria


CamĂ©ra d’or (Meilleur premier film), Festival de Cannes 2019

AprĂšs le beau et intrigant La Llorona, voici le deuxiĂšme film qui nous arrive du Guatemala cette annĂ©e, et c’est une pe-tite merveille. Nuestras madres Ă©claire tout un pan de l’histoire du pays, trop vite oubliĂ© et passĂ© sous silence. Il fau-dra bien finir un jour par l’écouter afin que s’apaisent les douleurs des vivants et les Ăąmes des disparus qui rĂ©clament

reconnaissance et rĂ©paration.Qu’elles sont belles ces mĂšres, ces grand-mĂšres qui ont trop connu le so-leil  ! On se perdrait volontiers dans les mĂ©andres de leurs peaux burinĂ©es, for-gĂ©es par les intempĂ©ries, les affres de la vie, ses joies trop courtes. À voir leurs airs dignes et graves, on devine qu’elles sont des survivantes, dans un monde qui Ă©pargne plus volontiers les repro-ductrices, celles qu’on peut engros-ser pour perpĂ©tuer une lignĂ©e. Autour d’elles, bien peu d’hommes de leur Ăąge, comme s’ils s’étaient Ă©trangement vola-tilisĂ©s


Le film débute sur une magnifique re-

naissance, un retour vers l’humanitĂ©. Les gestes d’Ernesto sont aussi dĂ©li-cats que ceux d’une sage-femme. On ne peut s’empĂȘcher d’en admirer la prĂ©-cision mĂ©ticuleuse, aussi respectueuse qu’émouvante. Pourtant, dans le puzzle des ossements, d’une propretĂ© virginale, que le garçon en blouse blanche recons-titue, il n’y a plus une once de vie. On ne s’étonnera pas longtemps qu’on puisse consacrer autant de temps Ă  ceux qui ne sont plus, rĂ©alisant, Ă  travers la dignitĂ© des gestes, qu’en rĂ©parant les morts, on rĂ©pare aussi les vivants, leur mĂ©moire. Ici s’ouvre la fosse qui maintenait pri-sonniĂšre la parole.Une seule chose reste rĂ©ellement intri-

5 AVENUE DU DOCTEUR PEZET 34090 MONTPELLIER / TÉLÉPHONE : 04 67 52 32 00 et 04 67 87 91 85 (rĂ©pondeur) / www.cinemas-utopia.org

N°126 du 1er juillet au 4 aoĂ»t 2020, EntrĂ©e : 6,50€ / le midi : 4€ / Abonnement : 47€ les dix places

Cinéma garanti sans 3D