chap 5

50
167 CHAPITRE 5 Retrait et fluage G. PONS, J.-M. TORRENTI Résumé Les déformations différées des bétons, qu’elles soient d’origine physico-chimique comme le retrait d’hydratation et de dessiccation ou mécanique comme le fluage sous contrainte peuvent mettre en cause la durabilité des ouvrages et ce pour plu- sieurs raisons. Les déformations de retrait peuvent induire des risques de fissura- tion et ainsi créer les conditions d’une propagation des éléments favorisant la corrosion des armatures. Les déformations de fluage peuvent entraîner, dans le cas des structures isostatiques, des déformations différées, notamment des flèches, in- compatibles avec le bon fonctionnement en service des ouvrages. Dans le cas de structures précontraintes ces déformations génèrent des chutes dans la tension des câbles très importantes et difficiles à estimer précisément. Dans le cas des structu- res hyperstatiques, particulièrement celles dont le phasage de construction est com- plexe, le fluage va provoquer des redistributions d’efforts dont l’évaluation est indispensable sous peine de mettre en péril la sécurité de l’ouvrage. Pour essayer de cerner les paramètres gouvernant ces déformations différées nous avons, après avoir précisé les différentes composantes de ces déformations, mis en évidence les origines physico-chimiques de ces comportements différés. Nous avons ensuite re- gardé plus en détail les déformations de retrait puis celles de fluage en les séparant arbitrairement comme on a coutume de le faire pour les évaluer et ce bien qu’en tout état de cause il existe un couplage indiscutable entre le retrait et le fluage. Nous abordons ensuite l’aspect de l’évaluation expérimentale de ces déformations par les essais de laboratoire. Pour terminer nous regardons la prise en compte de ces phé- nomènes dans les calculs de structure au travers des aspects normatifs. Mots-clés DÉFORMATIONS DIFFÉRÉES, RETRAITS, FLUAGES, RELAXATION, DESSICCATION, AUTO- DESSICCATION, EUROCODES, ESSAIS DE LABORATOIRE, BÉTONS, BÉTONS À HAUTES PERFORMANCES.

Upload: milica-savic

Post on 30-Jun-2015

577 views

Category:

Documents


3 download

TRANSCRIPT

Page 1: Chap 5

CHAPITRE 5

Retrait et fluageG. PONS, J.-M. TORRENTI

RésuméLes déformations différées des bétons, qu’elles soient d’origine physico-chimiquecomme le retrait d’hydratation et de dessiccation ou mécanique comme le fluagesous contrainte peuvent mettre en cause la durabilité des ouvrages et ce pour plu-sieurs raisons. Les déformations de retrait peuvent induire des risques de fissura-tion et ainsi créer les conditions d’une propagation des éléments favorisant lacorrosion des armatures. Les déformations de fluage peuvent entraîner, dans le casdes structures isostatiques, des déformations différées, notamment des flèches, in-compatibles avec le bon fonctionnement en service des ouvrages. Dans le cas destructures précontraintes ces déformations génèrent des chutes dans la tension descâbles très importantes et difficiles à estimer précisément. Dans le cas des structu-res hyperstatiques, particulièrement celles dont le phasage de construction est com-plexe, le fluage va provoquer des redistributions d’efforts dont l’évaluation estindispensable sous peine de mettre en péril la sécurité de l’ouvrage. Pour essayerde cerner les paramètres gouvernant ces déformations différées nous avons, aprèsavoir précisé les différentes composantes de ces déformations, mis en évidence lesorigines physico-chimiques de ces comportements différés. Nous avons ensuite re-gardé plus en détail les déformations de retrait puis celles de fluage en les séparantarbitrairement comme on a coutume de le faire pour les évaluer et ce bien qu’en toutétat de cause il existe un couplage indiscutable entre le retrait et le fluage. Nousabordons ensuite l’aspect de l’évaluation expérimentale de ces déformations par lesessais de laboratoire. Pour terminer nous regardons la prise en compte de ces phé-nomènes dans les calculs de structure au travers des aspects normatifs.

Mots-clésDÉFORMATIONS DIFFÉRÉES, RETRAITS, FLUAGES, RELAXATION, DESSICCATION, AUTO-DESSICCATION, EUROCODES, ESSAIS DE LABORATOIRE, BÉTONS, BÉTONS À HAUTESPERFORMANCES.

167

Page 2: Chap 5

LA DURABILITÉ DES BÉTONS

1. INTRODUCTION : DÉCOMPOSITION DES DÉFORMATIONS DIFFÉRÉESDepuis le célèbre épisode du sauvetage du pont sur le Veurdre en 1912 par Freys-sinet (voir encadré), nous savons que le béton est sujet à des déformations diffé-rées1. L’acceptation de cette explication fût en réalité loin d’être immédiate.Ainsi, la circulaire de 1906 (le premier règlement français) indiquait que « le mo-dule élastique d’un béton est, comme celui de l’acier, pratiquement constant ».Les normes actuelles prennent, bien sûr, en compte les déformations différées dubéton : de manière forfaitaire pour le béton armé où le coefficient d’équivalenceacier-béton (rapport des modules d’élasticité) est pris égal à 15, voire plus dansl’Eurocode 2, ce qui ne correspond pas au rapport des modules instantanés (plusproche de 5), et de manière plus élaborée pour le béton précontraint2.

L’épisode du pont du VeurdreLe pont du Veurdre fut le premier de trois ponts en béton armé que Freyssinet cons-truisit dans le département de l’Allier entre 1911 et 1912 et dont subsiste celui deBoutiron, les deux autres ayant été détruits durant la Seconde Guerre mondiale. Lepont du Veurdre était un pont en béton armé à trois travées (67, 72 et 67 mètres deportées) chacune en arc très surbaissé (1/15) et à trois articulations dont une en clé. Calculé suivant le règlement de 1906, le module d’élasticité du béton étant constant(la notion de fluage du béton n’existant pas), le concept du pont, articulé en clé, s’ac-cordait mal à des déformations différées. Très rapidement après sa mise en service,Freyssinet s’aperçut que la flèche en clé augmentait de plus en plus vite, ce qui, à ter-me, condamnait l’ouvrage.Il testa alors des éprouvettes du béton qui avait servi à construire le pont et vit que laqualité de celui-ci n’était pas en cause : le module d’Young était bien croissant dansle temps. Il fallait donc que le béton ait des déformations différées de grande ampleur.Or, les expériences réalisées au Laboratoire des ponts et chaussées par Mesnager n’enmontraient aucune. En allant questionner les techniciens du Laboratoire, Freyssinetdécouvrit que ceux-ci démontaient les capteurs de déplacement de peur de les briserquelques instants après que la charge eut été appliquée. Ils ne risquaient donc pas demesurer une quelconque déformation différée…La suite est connue : de nuit, sans prévenir les autorités, Freyssinet, en remettant enplace les vérins en clé qui avaient permis le décintrement de l’ouvrage, alla compen-

1. Ce phénomène avait été découvert de manière indépendante par Hyatt aux USA en 1907. Il avaitmontré qu’une poutre chargée voyait sa flèche évoluer de manière significative (elle doublait !)après deux mois de chargement.2. La prévision du fluage du béton précontraint par un modèle ne date cependant que de 1965 dansla réglementation française.

168

Page 3: Chap 5

Retrait et fluage

ser les déformations différées. Il supprima ensuite l’articulation en clé du pont duVeurdre (les arcs du pont de Boutiron n’en auront pas).À partir de cette expérience en vraie grandeur, Freyssinet acquit la certitude que lebéton était l’objet de déformations différées et étudia le phénomène pour ses réalisa-tions ultérieures en béton armé (réglage des arcs du pont Albert-Louppe en 1926 parexemple) et, bien sûr, en béton précontraint.

Pont de Boutiron (photo Alain Millard).

L’objet des paragraphes suivants est de présenter les bases physiques des phéno-mènes à la source des déformations différées, de décrire les paramètres influen-çant ces déformations différées et d’éclairer l’ingénieur sur le pourquoi desformules réglementaires.Nous ne traiterons pas dans cette partie des phénomènes observables avant la pri-se du béton tels le ressuage et le retrait plastique car, s’ils ont une importance dansl’aspect architectural et dans la durabilité, ils n’intéressent pas directement le cal-culateur de structure. Ces aspects seront abordés dans le chapitre 6.En général, même si, comme nous le verrons au paragraphe 2, la réalité est pluscomplexe, on convient en général de séparer les déformations différées εdif endeux grandes familles liées à l’existence ou non d’un chargement :

169

Page 4: Chap 5

LA DURABILITÉ DES BÉTONS

– le retrait, εr, qui est une déformation se produisant en l’absence de chargementextérieur ;– le fluage, εf, qui est la part supplémentaire de déformation différée résultant del’application d’un chargement1.

Conventionnellement on sépare les déformations différées en deux : celles indé-pendantes de tout chargement, que l’on dénomme « retraits » et celles provo-quées par un chargement que l’on qualifie de « fluages ». Ce découpage estpurement artificiel car, dans le processus physico-chimique réel, le couplage desdeux phénomènes ne saurait être leur addition pure et simple.

Comme le séchage du béton est un paramètre fondamental de son comportementdifféré, on décompose retrait et fluage en considérant le fait que le béton échangeou non de l’eau avec le milieu extérieur. Nous aurons alors, en suivant les défini-tions couramment admises [NEV 83]:• sans échange d’eau avec l’extérieur :

– le retrait endogène, εre, appelé aussi retrait d’autodessiccation ou retraitd’hydratation (mais qui n’est pas la contraction Le Chatelier comme nous leverrons plus loin) ;

– le retrait thermique ou contraction thermique, εth , qui est une conséquencede l’hydratation et de la chaleur que cette réaction dégage ;

– le fluage propre, εfp, (basic creep) ; c’est la part supplémentaire de défor-mation du béton sous charge lorsqu’il n’échange pas d’eau avec l’extérieur;

• avec possibilité d’échange d’eau avec l’extérieur :– le retrait de dessiccation, εrd, parfois nommé retrait de séchage, qui n’existe

que lorsque le matériau sèche. Il est la part supplémentaire de retrait parrapport aux retraits endogène et thermique ;

– le fluage de dessiccation (drying creep), εfd, qui n’existe que lorsque le maté-riau sèche sous charge; c’est le complément par rapport au fluage propre dela part de déformation due au chargement; il n’est pas accessible directementpar un essai unique. Il s’obtient par la relation εfd = εdif – εrd – εre où εdif est ladéformation différée totale.

La déformation totale du béton est donc (arbitrairement) découpée en :εtot = εel + εr + εf = εel + εre + εth + εrd + εfp + εfd

où εel est la déformation instantanée. Dans cette définition, comme dans celle dufluage propre, la déformation instantanée est constante, ce qui n’est pas le cas

1. Cette définition du fluage est une extension de la définition originelle du fluage pour laquelle lacharge est constante.

170

Page 5: Chap 5

Retrait et fluage

dans la réalité car le matériau, en vieillissant, voit sa rigidité augmenter : ceci im-plique que le fluage comprendra une partie de ce vieillissement.Nous verrons au paragraphe 3 que, sur bien des aspects, cette décomposition sim-plifie beaucoup trop la réalité et ne rend pas compte des couplages existants entreles différents phénomènes.

La déformation totale d’un béton de structure est, à un instant donné et dans lecas général, la somme de 6 déformations plus ou moins arbitrairement décou-plées qui sont : la déformation élastique instantanée, celle de retrait thermique,celle de retrait endogène, celle de retrait de dessiccation, celle de fluage endogène(ou fluage propre) et celle de fluage de dessiccation.

2. ORIGINE PHYSICO-CHIMIQUE DES DÉFORMATIONS DIFFÉRÉESDans un premier temps nous allons passer en revue les différents composants dubéton durci en mettant en avant leur susceptibilité d’évolution en fonction dutemps sous charge mécanique ou hydrique, dans un second temps nous tenteronsd’expliquer dans leur globalité les déformations différées de retrait et de fluagetant endogènes que de dessiccation.

2.1. Les acteurs en présenceDe manière simplifiée on retiendra deux phases solides, la matrice cimentaire etles granulats, auxquelles il faut rajouter la phase liquide contenue dans les vides(porosité ouverte).Les déformations visqueuses sous l’effet des contraintes d’origine hydrique (re-trait) et/ou d’origine mécanique (fluage) sont localisées dans la matrice cimen-taire. Des expériences récentes de nano-indentation [ACK 04] ont permis demettre en évidence le rôle principal du fluage des feuillets de C-S-H dans les dé-formations différées du béton durci.Les granulats ont, pour leur part, un rôle passif : ils s’opposent aux déformationsvisqueuses de la pâte. On peut donner quelques ordres de grandeur sur l’influencedes granulats introduits dans une pâte de ciment. Pickett estimait qu’un apport de50 % de volume relatif de granulat par rapport à la pâte pure divisait le retrait partrois. Neville [NEV 96] estime qu’un volume de 30 % de granulats réduit le re-trait de la pâte de moitié. Divers auteurs, dont Leroy [LER 96], ont proposé desmodèles plus ou moins complexes permettant de déterminer l’influence de laquantité et de la nature (module d’élasticité) des granulats sur l’intensité des dé-formations de retrait. Le retour d’expérience sur les ouvrages d’art et le parc desenceintes des centrales nucléaires montre toutefois que des granulats de mauvaisequalité, de module d’élasticité faible, de porosité importante, de durabilité incer-

171

Page 6: Chap 5

LA DURABILITÉ DES BÉTONS

taine, peuvent entraîner des déformations différées beaucoup plus importantesqu’attendues.L’eau est présente dans la matrice cimentaire sous plusieurs formes. L’eau librequi n’est pas liée aux parois des capillaires car se situant hors du champ des forcesde Van der Waals (distance des parois > à 2 nm). Elle peut donc migrer aisémentlors des sollicitations hydriques ou mécaniques subies par le béton. L’eau adsor-bée sur la surface des cristaux ou inter-lamellaire met en jeu les forces de Van derWaals. L’eau inter-cristalline ou inter-feuillet qui est confinée dans les pores detrès petite taille. Ces deux dernières migreront plus difficilement. Enfin, l’eau in-tra-cristalline ou chimiquement liée aux hydrates.Le réseau poreux représente plus de 10 % en volume du béton. Cette porosité joueun rôle très important sur le comportement différé des bétons. En effet, la porositéouverte régit les possibilités de transfert de l’eau libre ou faiblement liée vers l’ex-térieur du béton. Le diamètre des pores est un paramètre très influent. Des diamè-tres de pore importants (e.g. cas des bétons courants) facilitent la migration del’eau lors du séchage du béton et donc amplifient l’effet du séchage. A contrariodes pores de faible diamètre (e.g. cas des bétons à hautes performances, notéBHP) ralentissent la migration de l’eau mais, dans le cas de l’autodessiccationlors de l’hydratation, créent des tensions internes plus élevées qui augmentent lesdéformations endogènes.

2.2. Les causes microstructurales des déformations différéesComme indiqué en introduction les déformations différées des bétons sont con-ventionnellement séparées en quatre déformations élémentaires d’origine phy-sico-chimique : le retrait endogène (ou d’autodessiccation), le retrait de séchage(ou de dessiccation), le fluage endogène (ou fluage propre) et le fluage de sécha-ge ou (de dessiccation). On doit y rajouter dans le cas des pièces massives un re-trait thermique. Nous allons passer en revue les causes de ces déformationsdifférées qui sont généralement couplées.

2.2.1. Les déformations de retraitLe retrait est qualifié d’endogène en l’absence d’échange hydrique (sans perte demasse) avec le milieu ambiant (c’est le cas du comportement au cœur d’une struc-ture massive en béton), et il est dit de séchage lorsqu’il y a déséquilibre hydriqueentre l’intérieur du béton durci dont l’hygrométrie de départ est de l’ordre de 75 %à 100 % selon le rapport eau sur ciment E/C et celle du milieu ambiant (il y a alorsperte de masse).Le retrait endogène est la conséquence de la contraction de Le Chatelier due aufait que le volume des hydrates formés lors de la prise du ciment est d’environ

172

Page 7: Chap 5

Retrait et fluage

20 % plus faible que le volume du ciment anhydre et de l’eau de départ. Cette con-traction d’origine chimique se prolonge tout au long de l’hydratation des grainsanhydres mais ralentit au fur et à mesure que la diffusion de l’eau devient plus dif-ficile de par la densification croissante de la pâte due à la formation continue desC-S-H. L’eau libre capillaire est ainsi consommée, l’humidité interne diminue cequi conduit à une tension interne de la pâte inversement proportionnelle au dia-mètre des capillaires (loi de Kelvin-Laplace, cf. chapitre 3). Cette tension va pro-voquer une variation de volume d’autant plus importante que le diamètre despores est faible. Ainsi le retrait endogène sera plus marqué pour les BHP que pourles bétons courants dont les pores sont de plus grand diamètre. Ces tensions inter-nes peuvent atteindre plusieurs MPa et, de par la présence des granulats, provo-quer une microfissuration et une redistribution interne des contraintes. Le retrait de dessiccation est lié à la différence d’hygrométrie entre le cœur dubéton et l’ambiance extérieure (figure 5.1a : répartition des pertes en eau dans uneéprouvette cylindrique). Il y a apparition d’un fort gradient hydrique qui tend àcréer des déformations de retrait différentielles incompatibles entre elles(figure 5.1b). Dans le cas d’une structure élancée, les sections restent planes et cegradient hydrique entraîne donc un gradient de contraintes amenant, par auto-équilibre, des tractions au voisinage de la surface et des compressions au cœur (fi-gure 5.1c). Ces tractions en surface peuvent conduire à une fissuration en peau etdonc à une relaxation partielle des contraintes (figure 5.1d). La compression aucœur amène un fluage de la pâte sous contrainte d’origine purement hydrique : leretrait de dessiccation peut alors être modélisé en prenant en compte le fluage dubéton [SIC 96, BEN 05].

Le retrait est qualifié d’endogène ou d’autodessiccation en l’absence d’échangehydrique (sans perte de masse) avec le milieu ambiant, et le retrait est dit de des-siccation ou de séchage lorsqu’il y a déséquilibre hydrique entre l’intérieur dubéton durci dont l’hygrométrie de départ est de l’ordre de 75 à 100 % selon lerapport E/C et celle du milieu ambiant.

173

Page 8: Chap 5

LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Figure 5.1 : autocontraintes de structure dues au retrait de séchage [PON 98].

D’un point de vue cinétique, le phénomène se traduit d’abord par une fissurationde peau puis par une phase de déformation d’ensemble et enfin par une phase derefermeture des fissures.La figure 5.2 illustre l’évolution du retrait de dessiccation en fonction de la pertede masse liée au départ de l’eau libre du béton.

0

1

2

3

4

%

compression

traction tractiontraction traction

compressionfissuration

(a) Répartition des pertes en eau (b) Raccourcissement virtuel

(c) Répartition théorique des contraintes (d) Répartition des contraintesaprès fissuration de peau

174

Page 9: Chap 5

Retrait et fluage

Figure 5.2 : exemple d’évolution du retrait de dessiccation en fonction de la perte de masse du béton [GRA 96].

Le retrait thermique est une déformation différée de durée relativement courte quivient se superposer aux déformations de retrait précédemment analysées mais quiest due simplement à la contraction de la pâte de ciment et des granulats lors deleur refroidissement après l’élévation de température lors de la prise exothermi-que du ciment.Celui-ci n’a que peu d’influence sur les éléments de faibles dimensions mais peutdevenir très sensible sur les pièces massives. Il faut alors faire intervenir les gra-dients de température et les effets de structure comme pour le retrait de dessicca-tion. Son intensité dépend du degré d’exothermie du ciment employé et ducoefficient de dilatation du béton qui peut varier en fonction de la nature des gra-nulats employés [ACK 04], il varie aussi durant l’hydratation car il est fonctionde la teneur en eau de la pâte.

Le retrait thermique est une déformation différée de durée relativement courtequi vient se superposer aux déformations de retrait précédemment analysées .Elle est due simplement à la contraction de la pâte de ciment et des granulats lorsde leur refroidissement après l’élévation de température lors de la prise exother-mique du ciment. Il doit être impérativement évalué dans le cas des structuresmassives.

2.2.2. L’effet de l’application d’une charge stationnaire, les déformations complémentaires de fluageAu temps τc (figure 5.3) on applique une charge constante sur un béton durci. Àla déformation de retrait déjà effectuée εr(τc) va se superposer une déformationinstantanée εi(τc), puis une déformation différée complémentaire de celle du re-trait εr(t) (que l’on suppose arbitrairement indépendante), déformation différée

0

100

200

300

400

500

0,00 0,50 1,00 1,50 2,00 2,50

Perte de masse (%)

Retr

ait

de d

ess

icca

tion (

μm

/m)

175

Page 10: Chap 5

LA DURABILITÉ DES BÉTONS

appelée fluage εc(t). La réalité physique est plus complexe, car il y a une interac-tion du chargement sur la valeur du retrait.

Figure 5.3 : séparation conventionnelle des déformations différées.

La courbe inférieure représente la déformation de retrait libre, c’est-à-dire celle qu’aurait eue le bétonen l’absence de tout chargement mécanique.Au temps τc le béton est chargé, il subit une déformation instantanée εi(τc). En l’absence du fluage,en superposant avec le retrait, on aurait l’évolution des déformations représentée en trait pointillé.La déformation de fluage rajoute une déformation complémentaire εc(t) pour atteindre la déformationsous charge totale εsc(t).Si au temps τd on procède a un déchargement partiel on assiste à un retour de déformation instantané(recouvrance instantanée ) εi(τd) et à un retour différé (recouvrance différée ).

Lorsque le béton est déchargé totalement ou partiellement après une période defluage sa déformation diminue instantanément : c’est la « recouvranceinstantanée ». Cette diminution de déformation continue à se poursuivre en seralentissant dans le temps, c’est la « recouvrance différée ».

2.2.2.1. Comportement différé sous charge stationnaire en mode endogène, le fluage endogène ou fluage propreÀ partir de l’application de la charge on a, dans un premier temps, une vitesse dedéformation différée importante. Celle-ci se ralentit peu à peu pour se stabiliser,dans des conditions normales, au bout de quelques jours. On a pour habitude dedifférencier les deux déformations de fluage correspondant à ces deux phasesd’évolution l’une étant qualifiée de fluage à court terme ou primaire et l’autre defluage à long terme ou secondaire. Cette différenciation repose également surdeux hypothèses différentes du comportement de la microstructure.

Déformation

Temps

fluage

déformation résiduelle

déformationsous charge

recouvrance instantanée

retrait

retrait

recouvrance différée

c t

d

i (

c)

i (

c)

i (

d)

c (t)

sc (t)

res (t)

recd (t –

d)

r (t –

d)

176

Page 11: Chap 5

Retrait et fluage

Le fluage à court terme serait la manifestation d’un mécanisme de redistributionpar diffusion de l’eau libre et physisorbée dans l’espace capillaire. Cette micro-diffusion serait initiée au niveau des zones d’adsorption empêchées. Dans ces zo-nes, l’eau participe à l’équilibre mécanique du matériau car elle est capable detransmettre les contraintes. Sa pression est qualifiée de pression de disjonction etelle s’oppose aux forces d’attraction entre les particules solides. L’action combi-née des forces d’attraction et d’une contrainte macroscopique rompt cet équilibreet l’eau en excès est expulsée, par diffusion dans les couches d’eau adsorbée, versles pores capillaires (où la pression est plus faible). Il en résulte une contractionassimilée à un fluage mais qui est aussi appelée déformation initiale différée.L’hydratation des composés encore anhydres modifie la cinétique du phénomèneen augmentant la longueur du chemin de diffusion (par remplissage des capillai-res par des produits d’hydratation), ainsi que l’amplitude (augmentation du mo-dule de déformation du squelette solide). C’est de cette part de déformation queproviendrait la différence entre le fluage des bétons ordinaires et celui des bétonsà hautes performances car ces derniers présentent un espace capillaire plus réduit[MEH 80].Le fluage à plus long terme verrait la source de son mécanisme dans la structuredes hydrates. Acker [ACK 01] a montré par des expériences de nano-indentationsur des bétons à très hautes performances (BTHP) que seuls les C-S-H pouvaientêtre le siège de déformations visqueuses. Reste qu’à l’heure actuelle les avis sontpartagés sur ses causes : glissement des feuillets due à la microdiffusion de l’eau,réarrangement solide, dissolution puis reformation des hydrates [BAZ 88, 01a,01b].

Le fluage à court terme serait la manifestation d’un mécanisme de redistributionpar diffusion de l’eau libre et physisorbée dans l’espace capillaire. Le fluage àplus long terme verrait la source de son mécanisme dans la structure des hydra-tes mais l’influence du squelette granulaire et de sa nature est également primor-diale.

2.2.2.2. Comportement différé en dessiccation, le fluage de séchage ou de dessiccationIl s’agit probablement de la part de déformation la plus délicate à modéliser dansla mesure où elle résulte de plusieurs mécanismes difficiles à identifier entre les-quels de nombreux couplages existent. On distingue néanmoins deux grands ty-pes de phénomènes. Le premier est un effet de structure. Comme nous l’avons montré lors de l’étudedu retrait de dessiccation, une éprouvette en contact avec un milieu d’hygrométrie

177

Page 12: Chap 5

LA DURABILITÉ DES BÉTONS

plus faible est le siège d’autocontraintes de dessiccation. Si nous reprenons l’étatde contrainte d’une éprouvette en dessiccation non fissurée (présenté sur lafigure 5.1c) et que nous y superposons une contrainte uniaxiale de compression(due à la présence du chargement), nous obtenons l’état de contrainte illustré parla figure 5.4. On peut constater que la présence du chargement implique, si sa va-leur est suffisante, qu’il n’y ait plus de traction en surface de l’éprouvette. Le re-lâchement des autocontraintes par fissuration, observé sur l’éprouvette nonchargée, n’est plus d’actualité et la totalité du retrait de dessiccation peut se déve-lopper.Ainsi, le fluage de dessiccation constitue la mobilisation d’un retrait de dessicca-tion complémentaire par rapport à celui mesuré sur une éprouvette non chargée.

Figure 5.4 : effet d’un chargement sur un béton en dessiccation [PON 98].

Néanmoins, la mobilisation d’une part complémentaire de retrait ne permet pasd’expliquer la totalité du fluage de dessiccation [GRA 97].Il y a en complément, un mécanisme de fluage de dessiccation intrinsèque, ana-logue à celui du fluage propre, basé sur le fait que la diffusion, sous contrainte, del’humidité au sein de la structure, a pour effet d’arracher des particules de matièresolide qui iraient se recristalliser dans des zones de moindre contrainte [BAZ 88].

Le fluage de dessiccation consisterait, d’une part, en la mobilisation d’un retraitde dessiccation complémentaire par rapport à celui mesuré sur une éprouvettenon chargée et, d’autre part, en un mécanisme intrinsèque, analogue à celui dufluage propre, basé sur le fait que par diffusion sous la contrainte appliquée, desparticules de matière solide iraient se recristalliser dans des zones de moindrecontrainte.

compression

traction traction

compression

F

F

=+

État de contrainte virtueldû aux déformations empêchées

(éprouvette non fissurée).

État de contrainte résultant :le chargement réduit les tractions,

donc les risques de fissuration(éprouvette non fissurée).

178

Page 13: Chap 5

Retrait et fluage

2.3. Les couplages entre les mécanismes à l’origine des différents types de déformations différéesComme nous l’avons vu dans la présentation des différentes causes de déforma-tions différées, les processus mis en jeu sont fréquemment couplés. Le retrait en-dogène ainsi que le retrait de dessiccation peuvent être interprétés, du moinspartiellement, comme des fluages sous contrainte hydrique.Inversement, le fluage de dessiccation mobilise une part complémentaire de re-trait de dessiccation.Si nous revenons à la définition des déformations différées donnée dans l’intro-duction à ce chapitre, leur obtention à partir des données expérimentales supposequ’un certain nombre d’hypothèses de découplage soient valides et nous avonsmontré que tel n’est pas le cas. Ces hypothèses sont récapitulées dans letableau 5.1.

Tableau 5.1 : obtention des déformations différées et hypothèses de découplage sous-jacentes.

Le retrait endogène ainsi que le retrait de dessiccation peuvent être interprétés,du moins partiellement, comme des fluages sous contrainte hydrique.

3. DÉFORMATIONS DE RETRAITAinsi que nous venons de le voir, en l’absence de chargement, la pâte de ciment,et donc le béton, subissent des variations dimensionnelles. Celles-ci sont d’autantplus évidentes aux yeux de l’ingénieur qu’elles provoquent souvent des fissura-tions précoces qui peuvent mettre en péril la durabilité de l’ouvrage. Ces phéno-mènes précoces seront développés dans le chapitre 6.Elles peuvent aussi être la cause de fissuration plus tardive ainsi que d’effetsstructuraux qu’il faut prendre en compte dans les calculs. Dans le paragraphe pré-cédent nous nous sommes attachés à décrire les causes microstructurales des dé-formations différées de retrait et de fluage.

Déformation Obtention à partir des donnéesexpérimentales Hypothèses de découplage

Retrait de dessiccation Retrait total, retrait endogène Le retrait endogène est indépendant

du phénomène de dessiccation.

Fluage propreDéformation totale endogène,

déformation instantanée au chargement, retrait endogène

Le retrait d’une éprouvette chargéeest le même que celui d’une éprouvette

non chargée.

Fluagede dessiccation

Déformation totale, déformation instantanée au chargement,

retrait en dessiccation, fluage propre

Hypothèse précédente et indépendance du fluage propre par rapport

au phénomène de dessiccation.

179

Page 14: Chap 5

LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Dans ce paragraphe, pour les déformations de retrait, et dans le suivant, pour cel-les de fluage, nous nous intéresserons aux différents paramètres influant sur cesdéformations différées afin de sensibiliser l’ingénieur aux conséquences du choixdes matériaux utilisés dans la composition du béton et de la nature du milieu am-biant indépendamment de tout aspect de calcul réglementaire qui sera abordé auparagraphe 6.

3.1. Les retraits à court et moyen termesDans un premier temps ces retraits sont principalement dus à l’hydratation du ci-ment (retrait endogène ou d’autodessiccation) et au retrait thermique déjà décritsau paragraphe 2.Pour ce qui a trait au calcul des structures, le retrait qui nous intéresse est unique-ment celui qui intervient après la prise de la pâte de ciment c’est-à-dire que l’onfera abstraction du retrait plastique. Après la rigidification du squelette, on assisteà un gonflement d’origine chimique dû à la formation et à la transformation degros cristaux (ettringite). Cette déformation différée endogène n’est généralementpas considérée dans le cas de la modélisation du comportement différé du bétond’une structure, ceci pour des raisons liées à la complexité de sa prise en comptepar rapport à son amplitude.À partir du moment où le squelette de la pâte de ciment durcit, le retrait endogèneva être pris en compte par le mécanicien.L’intensité de ce retrait dépend principalement du rapport E/C.En effet, plus la quantité de ciment sera élevée plus l’hydratation fera appel àl’eau libre des pores du béton et augmentera l’autodessiccation et, inversement,plus la quantité d’eau libre sera grande moins l’autodessiccation se fera sentir carles besoins en eau pour l’hydratation seront toujours immédiatement satisfaits etne créeront pas de dépression capillaire. Compte tenu de cela on peut déjà imagi-ner que les bétons « courants » de résistance peu élevée (25-30 MPa) qui ont desrapports E/C élevés, supérieurs à 0,5, auront des retraits d’autodessiccation qua-siment négligeables alors que les bétons à hautes performances (BHP) de résis-tance supérieure et de teneur en eau beaucoup plus faible (rapport E/C voisin de0,3) auront des retraits d’autodessiccation significatifs. Ces retraits sont d’autantplus accentués que ces bétons présentent des pores plus fins que ceux des bétonsordinaires et permettent des développements plus importants des dépressions ca-pillaires. La figure 5.5 montre l’évolution en fonction du temps de l’humidité re-lative interne dans les bétons sans échange hydrique avec l’atmosphère pourdifférents rapports E/C et met en évidence l’autodessiccation des bétons de rap-port E/C < 0,5. La figure 5.6 montre l’évolution du diamètre des pores en fonctiondu même rapport. La figure 5.7 illustre l’évolution la relation entre la déformation

180

Page 15: Chap 5

Retrait et fluage

différée de retrait d’autodessiccation et l’humidité relative suivant que l’on a af-faire à un béton courant ou un BHP.

Figure 5.5 : évolution en fonction du temps de l’humidité relative interne des bétons sans échange hydrique avec l’atmosphère pour différents E/C [YSS 95].

À l’équilibre, au bout de plus d’un an, les bétons de E/C > 0,5 (bétons courants) ont toujours unehygrométrie maximale de 100 % alors que l’hygrométrie des BHP peut descendre aux alentours de75 %.

Figure 5.6 : influence sur le diamètre des pores du rapport E/C [MEH 80].

Le diamètre des pores saturés diminue avec le rapport E/C et, à partir de E/C < 0,5, la porosité capil-laire interconnectée devient négligeable.

70

75

80

85

90

95

100

0 50 100 150 200 250 300 350 400

Temps (j)

HR

(%

) n° 0 E/C = 0,75n° 1 E/C = 0,59n° 2 E/C = 0,44n° 3 E/C = 0,39n° 4 E/C = 0,39n° 5 E/C = 0,33n° 7 E/C = 0,27

0,4

0,3

0,0

0,5

0,2

0,1

E/C

0,30,40,50,60,70,80,9

1 000800

600500

400300

200150

125100 80 60 50 40 30 20 15 10 7 4,5

Diamètre des pores (nm)

Vo

lum

e e

mp

li (c

m3/g

)

Porosité capillaire Pores des hydrates

181

Page 16: Chap 5

LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Figure 5.7 : relation entre la déformation différée de retrait d’autodessiccationet l’humidité relative suivant que l’on a affaire a un béton ordinaire ou un BHP [BAR 94].

Dans le cas du béton courant, l’évolution est linéaire et est attribuée au mécanisme de variation desdépressions capillaires. Pour les BHP, cette évolution est bilinéaire. La première partie (humidité re-lative supérieure à 76 %) est la conséquence de la variation des dépressions capillaires. Au-delà l’eaulibre des pores capillaires serait entièrement consommée. Les déformations de retrait continuent alorsplus lentement, car l’eau consommée est adsorbée et non plus libre.

L’intensité du retrait endogène augmente inversement au rapport E/C (Eau/Ci-ment ou Eau/Liant). Ainsi les bétons dits « courants » dont le rapport E/C dé-passe 0,5 ont un retrait endogène très faible alors que les bétons à hautesperformances (BHP) ont un retrait endogène non négligeable. C’est pourquoi lanotion de retrait endogène est apparue avec le règlement BPEL 99 applicableaux BHP alors que dans les règlements précédents on ne différenciait pas la cau-se du retrait.

3.2. Le retrait à long terme3.2.1. Le retrait de dessiccation La cinétique du retrait de dessiccation est liée à celle du départ de l’eau et dépenddes conditions d’ambiance (figure 5.8). On peut relier l’accroissement du retraitde dessiccation à la perte de masse des éléments.La perte en eau en fonction du temps dans un béton en dessiccation vérifie une loien racine carrée du temps classique dans les phénomènes de diffusion (ici le sé-chage, voir figure 5.9). Ainsi que nous l’avons décrit au paragraphe 2, ceci a pourconséquence l’apparition à l’intérieur du béton de gradients hydriques qui restentlongtemps très forts et localisés au voisinage de la surface des pièces.

Béton courant

Microdéformations

Hum

idité

rela

tive (

%)

Hum

idité

rela

tive (

%)

50 60 70 80 90 110100 120 130 14094

95

96

97

98

99

100 100

95

90

85

80

75

70100 120

Microdéformations140 160 180 200 220

BHP

182

Page 17: Chap 5

Retrait et fluage

Figure 5.8 : évolutions comparées des déformations différées de retrait d’un BHP dans différentes conditions d’ambiance : se, sans échange, 50, 98 degré hygrométrique

de l’ambiance, (eau) pour immergé [SIC 92].

Figure 5.9 : évolution de la perte en eau mesurée dans des éprouvettes de diamètre 11, 16 ou 21cm en fonction de la racine carrée de la durée de séchage [ACK 88].

On a donc, figure 5.10, pour les pièces soumises à la dessiccation, un effetd’échelle très important. Ainsi on peut estimer que si un potelet, un hourdis d’unedizaine de centimètres d’épaisseur sèchent à cœur en dix ans maximum, pour unedalle de 25 centimètres il faudra quelques dizaines d’années et pour une pile, uncaisson de l’ordre de un mètre d’épaisseur l’état d’équilibre ne sera atteint qu’aubout d’un siècle !

600

400

200

0

– 200

0 200 400 600 d

Retrait (μm/m)

r50

r98

rse

reau

1 4 9 16 25 30 49 64

1

2

0

3

4

5

6

7 j 14 j 28 j 56 j

Perte de masse volumique(g/cm3)

t

D 21

D 16

D 11

183

Page 18: Chap 5

LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Figure 5.10 : variations relatives de masse dans un échantillon cylindrique de béton courant (BC) et de béton à très hautes performances (BTHP), mis en dessiccation à 1 jour

[LAR 91].

On constate l’importance du gradient hydrique entre la surface et le cœur de lapièce. Le gradient hydrique est plus fort pour les bétons à hautes performances (fi-gure du bas), car leur porosité communicante est beaucoup plus faible que celledes bétons ordinaires (figure du haut)En conclusion de l’analyse phénoménologique des retraits des bétons amorcée auparagraphe 2, on peut établir la liste des facteurs qui les gouvernent :– les quantités d’eau et de ciment ;– la présence d’ajouts minéraux, entre autres de fumée de silice qui produisentun réseau poreux plus fin ;– le volume de la pâte ;– le module élastique des granulats ;– la nature et la finesse du ciment ;et, dans le cas de la dessiccation :– les dimensions de la pièce, le rapport surface/volume ;– l’hygrométrie de conservation.Nous verrons au paragraphe 6 que certains de ces paramètres sont pris en comptepar les modèles réglementaires, et d’autres, seront négligés malgré leur influence.

2

1

0

– 1

– 2

– 3

– 4

2

1

0

– 1

– 2

– 3

– 4

– 8 – 7 – 6 – 5 – 4 – 3 – 2 – 1 0 1 2 3 4 5 6 7 8

– 8 – 7 – 6 – 5 – 4 – 3 – 2 – 1 0 1 2 3 4 5 6 7 8

28 jours3 mois4 ans

28 jours3 mois4 ans

Rayon (cm)

Rayon (cm)

Variatio

n d

e m

ass

e (

%)

Variatio

n d

e m

ass

e (

%)

Référence t = 0

Référence t = 0

BC

BTHP

184

Page 19: Chap 5

Retrait et fluage

On peut citer, à titre d’exemple, l’influence de la nature des granulats(figure 5.11).L’influence du volume relatif des granulats est aussi très nette (figure 5.12).

Figure 5.11 : influence de la nature minéralogique du granulat sur le retrait de dessiccation [NEV 96].

Figure 5.12 : influence du volume relatif des granulats d’après Pickett cité dans [NEV 96].

L’influence de la nature des granulats (facteur mécanique ou minéralogique) estextrêmement importante, de même que leur pourcentage volumique. Ce para-mètre est malheureusement très difficile à intégrer dans les calculs, car il est ra-rement connu au moment des études.

1 600

1 200

0

800

10

400

28 90 1 2 5 10 20 30

AnnéesJours

Temps (échelle log)

Retr

ait

10

–6

grès

gravier

basalte

granite

calcaire

quartz

0 20 40 60 80 100 %

0,2

0,4

0,6

0,8

1,0

Volume relatif des granulats

Retr

ait

rela

tif

185

Page 20: Chap 5

LA DURABILITÉ DES BÉTONS

3.2.2. Une déformation spontanée particulière : le gonflement sous eauIl faut distinguer le gonflement d’origine chimique, précédemment décrit, qui estdû à la transformation de l’ettringite et qui apparaît entre le premier et le secondretrait et le gonflement qui est induit par la conservation d’une pâte de ciment oud’un béton sous eau. En effet seul ce dernier intéressera le mécanicien des struc-tures.Ce gonflement à long terme est lié à la structuration progressive de la pâte de ci-ment lors de l’hydratation qui se fait, dans ce cas, avec une augmentation consi-dérable des surfaces spécifiques.Ce gonflement se poursuit très longtemps, pour une pâte de ciment il est encoretrès sensible à 1000 jours et peut atteindre 0,2 %. Pour un béton il est de l’ordrede 10–4.

4. DÉFORMATIONS DE FLUAGEDans le paragraphe 2 nous avons détaillé les causes microstructurales des défor-mations de retrait et de fluage. Regardons maintenant à une échelle plus globaleles paramètres influant sur ces déformations de fluage qui peuvent être, commeindiqué précédemment, divisées en fluage endogène ou « propre » et en fluage dedessiccation.

4.1. Les facteurs d’influence4.1.1. Le chargementQuelle qu’en soit la cause microstructurale la déformation de fluage est liée à l’in-tensité de la charge constante appliquée.Si à l’instant t0, on applique un échelon de chargement en compression au béton,le comportement rhéologique change et on a une accélération importante de la dé-formation différée (figure 5.13).

186

Page 21: Chap 5

Retrait et fluage

Figure 5.13 : déformation totale différée (retrait et fluage) depuis le démoulaged’un béton chargé après t0 jours de durcissement.

Le fait d’appliquer un échelon de contrainte σ entraîne une augmentation sensible de la vitesse dedéformation différée.

Sous des contraintes modérées la vitesse de la déformation différée diminue dansle temps. Le comportement du béton est intermédiaire entre un comportementélastique où le fluage serait nul et un comportement visqueux où il se ferait à vi-tesse constante. On qualifie ce comportement de viscoélastique.Une autre caractéristique du fluage du béton est mise en évidence par le charge-ment à des âges différents d’éprouvettes de béton provenant d’une même gâchée(figure 5.14).

700

600

500

400

300

200

100

40

30

20

10

0 20 40 60 80 100 120 140 160 180 200 220 240 jours

0 20 40 60 80 100 120 140 160 180 200 220 240 jours

t0 = 51 j

Temps

form

atio

nC

on

tra

inte

(MPa)

(μm/m)

= 37 MPa

diff

fse

rse

j – t0

187

Page 22: Chap 5

LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Figure 5.14 : échelons de contrainte de même intensité appliqués sur un même béton à des âges croissants.

Plus l’éprouvette est soumise tardivement au fluage moins la déformation différée est importante.

On constate que plus l’éprouvette est soumise tardivement à une charge moins ladéformation différée est importante. Cela est dû au comportement « vieillissant »du béton, le « vieillissement » étant pris dans son sens le plus noble.On dira ainsi que le comportement en fluage du béton est viscoélastique vieillis-sant.

Sous contrainte permanente modérée (c’est le cas de la plupart des ouvrages) ladéformation différée de fluage du béton est proportionnelle à la contrainte per-manente appliquée. Il peut donc être classifié comme matériau « viscoélastiquelinéaire ». De plus, si l’âge du béton augmente sa réponse en déformation dimi-nue, il est donc « viscoélastique linéaire vieillissant ».

Dans tout ce qui précède nous avons supposé implicitement que le chargement defluage était modéré, c’est à dire qu’il ne dépassait pas la moitié de la charge derupture sous chargement instantané σR. Si l’on applique des charges plus élevées(au-delà de 0,7 σR par exemple) le comportement viscoélastique change denature: la vitesse de fluage qui était décroissante (fluage primaire) peut devenirconstante (fluage secondaire) et pourra amener à terme à la rupture après accélé-ration de la vitesse de fluage (fluage tertiaire) (figure 5.15).

0

0 t

Retard

Déformation instantanée

08 28 60 91 120

tJours

188

Page 23: Chap 5

Retrait et fluage

Figure 5.15 : évolution de la déformation de fluage en fonction du temps, sous charge modérée (1) et sous charge intense (2) pouvant conduire à la rupture par fluage tertiaire.

Le passage du fluage primaire au fluage secondaire dépend, d’une part, de l’intensité de la chargeappliquée et, d’autre part, de la durée du chargement ou de la période d’observation.

Nous venons de voir que le comportement rhéologique des bétons sous chargesemblait être du type viscoélastique vieillissant. Nous verrons (§ 6.2.1) que le trai-tement mathématique du caractère viscoélastique n’est aisé, pour le calcul desstructures soumises à des histoires de chargement complexes, que dans le cas dela viscosité dite « linéaire ».La linéarité suppose, d’une part, que la réponse en déformation à un échelon decontrainte soit proportionnelle à l’intensité de cet échelon et d’autre part, que leprincipe de superposition soit vérifié, i.e. si l’on superpose deux histoires de sol-licitations, la réponse est la superposition des réponses.Qu’en est-il de ces deux principes pour le béton ?Acker et Barral [ACK 83] ont confirmé (figure 5.16) que la proportionnalité de ladéformation à la contrainte appliquée était respectée tant que la contrainte appli-quée ne dépassait pas 40 % à 50 % de la charge de rupture. La valeur exacte de ceseuil dépend de l’âge du béton au chargement et augmente avec celui-ci.

0t

Défo

rmatio

n d

e flu

age

Durée de chargement

1

2

rupture

fluage primaire

fluageprimaire

fluagesecondaire

fluagetertiaire

189

Page 24: Chap 5

LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Figure 5.16 : déformation différée totale en fonction de la contrainte permanente appliquée à différentes échéances : la linéarité est admissible

jusqu’à environ 0,5 σ rupture [ACK 83].

Le domaine de linéarité des bétons à hautes performances paraît être plus impor-tant que celui des bétons ordinaires. Cette linéarité se poursuivrait jusqu’à destaux de contraintes voisins de 60 % à 70 % même pour des bétons chargés auxjeunes âges.On verra, ci-dessous lors de l’étude de la recouvrance, que ce principe de super-position est caduque dans le cas de déchargements.

Tant que le chargement stationnaire est modéré, environ 50 % de la charge derupture en compression, la déformation de fluage est proportionnelle à la con-trainte permanente appliquée. Pour l’Eurocode 2 la valeur limite est de 45 %.

4.1.2. Les conditions d’ambiance, d’environnement et d’effet d’échelle

Pour la partie endogène du fluage seule la température peut avoir une influence.Dans des gammes de températures « normales » d’utilisation, 15 à 25 °C, l’effetde la température ne sera pas prépondérant. Ce n’est que dans les cas extrêmesde températures élevées (> 30 °C) qu’il faut prendre en compte l’effetamplificateur de la température sur le fluage.Pour le fluage total en dessiccation les conditions d’ambiance jouent à plein àcause de la possibilité des échanges hydriques.

0 0,1 0,2 0,3 0,4 0,5 0,6 0,7 0,8

Domainede rupture

Contrainte appliquée

Déformationdifféréetotale

Domainede proportionnalité

Retrait pur

(t)

0/

rupture

après 5

00 000 h

après 10 000 h

après 1 000 h

190

Page 25: Chap 5

Retrait et fluage

Une expérience intéressante pour mettre en évidence l’influence des conditionsd’ambiance consiste à comparer les déformations différées totales en fluage dedeux éprouvettes, d’un même béton, dont l’une a été préalablement séchée afind’évacuer toute l’eau libre. On s’aperçoit alors que cette dernière présente un flua-ge négligeable (10 µm/m) par rapport à l’éprouvette non prétraitée (300 µm/m).Si la baisse du taux d’humidité relative a une grande influence sur la cinétique duretrait elle est moins prépondérante dans le cas du fluage tout au moins dans descas courants de dessiccation (HR = 50 % et 75 %). L’humidification du béton(HR = 99 % et 100 %) réduit, pour sa part, très fortement la cinétique de fluage.Par contre, en ce qui concerne l’amplitude du fluage final, l’hygrométrie relativea une influence très nette (figure 5.17).

Figure 5.17 : rapport entre le fluage sous hygrométrie HR variable et le fluagesous une hygrométrie de 75 %, courante en France métropolitaine. On peut atteindre

un facteur 3 [CEB 90].

L’effet d’échelle traduit l’influence de la dimension de la structure par rapport àses possibilités d’échange avec le milieu extérieur.Il est généralement caractérisé par le rapport de la section de béton A par le péri-mètre de cette section u en contact avec l’ambiance. D’après Hilsdorf [CEB 90] la déformation de fluage serait d’autant plus faible quel’épaisseur est importante. Elle chuterait en moyenne de 25 % entre des pièces fi-nes (A/u = 50 mm) et celles très épaisses (A/u = 500 mm).

0,2

0,4

0,6

0,8

1,0

1,2

1,4

1,6

1,8

0 50 75 99

Humidité relative (HR)

Flu

age H

R/flu

age 7

5 %

191

Page 26: Chap 5

LA DURABILITÉ DES BÉTONS

L’âge au chargement n’a pas d’influence apparente sur la cinétique de fluage. Lefluage final, par contre, sera grandement modifié. Ainsi, si l’on prend pour réfé-rence un chargement à 14 jours, un chargement à 3 jours verra le fluage final mul-tiplié par 1,3, un chargement à 90 jours par 0,8 et à 3 ans par 0,2 (ordre degrandeur pour des éprouvette de A/u entre 20 et 50 mm, une humidité relative de50 à 70 %).Il y a un couplage des effets de température et d’hygrométrie relative [CEB 90].En conclusion nous pouvons dire que ces conditions d’environnement ont, pourla plupart, tant pour les retraits que les fluages une importance notable. Elles doi-vent donc être prises en compte dans les lois du comportement différé proposéespar les codes.Le tableau 5.2 récapitule de manière qualitative l’influence des divers paramètres.

Tableau 5.2 : influence de différents facteurs sur le retrait et le fluage

+ + Grande Influence, + Influence notable, = peu ou pas d’influence, 0 non concerné.(*) Pour des températures très élevées

4.1.3. Les paramètres de composition des bétons courantsCes paramètres de composition ne sont généralement pas pris en compte dans lescalculs des projets de structure car l’ingénieur ignore, lorsqu’il conçoit son ouvra-ge, la composition du béton qui sera utilisée. Il se raccroche, sauf exception, à uneseule variable qui est la résistance caractéristique en compression à 28 jours (fc28).Nous allons voir ci-après que ces facteurs de composition sont, néanmoins, in-fluents et peuvent guider le projeteur, lorsqu’il a la maîtrise de la composition,afin d’obtenir un meilleur béton vis-à-vis des déformations différées potentielles.De telles approches ont été utilisées récemment, notamment dans le cas d’ouvra-ges en bétons à hautes performances.

Retrait Fluage

Endogène Dessiccation Endogène Dessiccation

Cinétique Final Cinétique Final Cinétique Final Cinétique Final

Humidité relative 0 0 + ++ 0 0 + ++

Effet d’échelle 0 0 ++ + 0 0 ++ +

Âge au chargement 0 0 = = ++ ++ = ++

Température + + +(*) ++(*) +(*) +(*) ++(*) ++(*)

192

Page 27: Chap 5

Retrait et fluage

Plus le volume relatif des granulats est grand, plus le fluage est faible (comme nousl’avons illustré pour le retrait). Mais tout doit être relativisé car la marge de fluctua-tion de la quantité de granulats dont l’ingénieur dispose pour réaliser un bon bétonde structure n’est pas très grande. On peut retenir comme ordre de grandeur que pas-ser de 65 à 75 % de granulats en volume amène une diminution de fluage de 10 %.De par la grande variété des granulats utilisés en génie civil, variété liée à leur na-ture minéralogique et qui a des conséquences à la fois mécaniques (rigidité varia-ble) et physiques (porosités différentes), il est, à l’heure actuelle, très difficile detirer des conclusions sur l’effet des granulats.Toutefois, il faut signaler que l’influence de la nature des granulats est très nette, lesdéformations de fluage peuvent être, pour des bétons de compositions semblables,mais de granulats différents dans un rapport de 2, voire de 5 pour certains auteurs.D’après Rusch cité par Neville [NEV 96] l’ordre de qualité décroissante pour lesgranulats vis-à-vis du fluage du béton serait le basalte, le quartz, le marbre, le gra-nit puis le grès (la figure 5.18 donne un exemple de ces variations). Mais cet ordren’est valable que pour la variété des matériaux qu’il a effectivement testée. En ef-fet on peut trouver deux granulats de même nature minéralogique entraînant descomportements totalement différents [CUB 96].

Figure 5.18 : déformation de fluage en fonction du temps pour divers types de granulats. Ce diagramme montre toute l’importance du choix du granulat

pour optimiser le comportement, d’après [NEV 96].

La déformation finale de fluage serait 4 fois plus forte pour des bétons de granulats de grès que pourceux de calcaire. L’ordre décroissant de performance vis-à-vis du fluage étant, pour ces granulats tes-tés, le grès, le basalte, les granulats roulés, le granit, le quartz et le calcaire.

0

4

8

12

16

10 28 90 1 2 5 10 20 30

jours années

10–4

grèsbasaltegravier

granitquartzcalcaire

Durée de chargement

form

atio

n d

e f

lua

ge

193

Page 28: Chap 5

LA DURABILITÉ DES BÉTONS

La figure 5.19 (travaux de Hummel et al. cité par [CEB 90]) traduit nettement laliaison entre la déformation totale de fluage, la cinétique et la résistance en com-pression du béton. On peut imaginer de faire abstraction des autres paramètres decomposition des bétons (rapport E/C, nature du ciment, etc.) pour ne conserverque ce paramètre traduisant le fluage de la composition utilisée.

Figure 5.19 : valeur de la fonction fluage (ou fluage spécifique) en fonction de la durée de chargement pour des bétons de résistance croissante, d’après [CEB 90].

La fonction fluage est le coefficient multiplicateur de la contrainte appliquée pour obtenir la déforma-tion différée de fluage. On constate que ce coefficient décroît de manière importante avec la résistan-ce du béton.

Nous avons vu lors de l’étude sur le retrait que le rapport E/C avait une grandeimportance sur l’intensité de la déformation différée. Il en est de même pour lefluage. Comme pour le retrait, les bétons fermes (de rapport E/C réduit) présen-tent un fluage de dessiccation plus modéré.La nature du ciment a une influence minime sur la valeur finale du fluage qui di-minue très légèrement avec les ciments de type R. C’est donc un comportement in-versé par rapport au retrait. Cependant, le type de ciment influe sur la valeur finaledu fluage à cause du degré d’hydratation au moment d’application de la charge.L’influence de la nature du ciment est forte pour les bétons chargés jeunes alorsque pour les bétons chargés plus tard l’influence s’atténue.En conclusion, on peut constater que les paramètres de composition influencentla valeur finale du fluage. Toutefois, ils ne peuvent pas être pris en compte par lecalculateur qui n’en est pas maître (du moins c’est encore exceptionnel). C’estpourquoi nous verrons que les codes font généralement l’impasse sur ces para-mètres lors de l’établissement de leur modèle de retrait et de fluage. Toutefois, sile nombre d’ouvrages pour lesquels le projeteur ou le concepteur pense à utiliser

1 10 102 103 104

0

1

2

Jours

19 MPa

26,9 MPa

35,3 MPa

43,1 MPa

Durée de chargement

Fo

nct

ion

flu

ag

e (

10

–4/M

Pa

)

194

Page 29: Chap 5

Retrait et fluage

les potentialités des bétons et l’intègre à sa démarche est encore faible, celui-cicroît très vite car il s’agit d’une voie de progrès de plus en plus utilisée.

Les paramètres de composition influencent grandement l’amplitude du fluage,l’utilisation de certains granulats peut multiplier la déformation différée par 2voire 3, la nature du ciment influe sur le comportement des bétons chargés jeunes.

Cas des bétons à hautes performancesLes bétons à hautes performances (BHP) sont une amélioration des bétons ordi-naires obtenue par l’utilisation d’un superplastifiant couplée ou non avec celle defumée de silice (FS). Le but principal de ces ajouts est d’obtenir, in fine, un bétonmoins poreux donc plus résistant.L’utilisation des superplastifiants permet de réduire la quantité d’eau utilisée lorsdu gâchage, le rapport E/C peut descendre de valeurs voisines de 0,5 à des valeursvoisines de 0,35. On voit, dès lors, toutes les conséquences que cela pourra avoirsur les phénomènes de retrait et de fluage tant ceux-ci sont intimement liés auxmigrations d’eau.L’utilisation de fumée de silice, particules très fines de l’ordre du micromètre,permet de diminuer encore la porosité du béton entraînant d’autres modificationsdu comportement différé.Nous passons en revue, ci-après, l’influence des principaux paramètres qui distin-guent les bétons courants des BHP du point de vue du fluage.Le fluage propre, en dehors du cas de chargement au très jeune âge, dépend prin-cipalement de la résistance du béton au moment du chargement, la déformationde fluage décroissant en fonction de cette résistance.Cette observation montre que deux bétons de résistance finale différente de-vraient présenter un même coefficient de fluage (qui est défini comme le rapportentre la déformation différée et la déformation instantanée) si leur résistance aumoment du chargement est identique même si leur âge est différent.La vitesse de développement du fluage propre est beaucoup plus grande pour lesBHP que pour les bétons ordinaires. La stabilisation est, dès lors, plus rapide.Le coefficient de fluage est très élevé pour des bétons chargés dès les premiersjours du durcissement Les BHP chargés très jeunes auront donc un fluage finaldu même ordre de grandeur que celui d’un béton ordinaire.Le fluage de dessiccation est, généralement atténué pour des bétons à hautes per-formances. L’utilisation de fumée de silice augmente encore cette atténuation.Comme nous avons vu au départ que le fluage propre diminuait comme la résis-tance pour des bétons chargés à des âges supérieurs à 3 jours, comme la résistan-

195

Page 30: Chap 5

LA DURABILITÉ DES BÉTONS

ce, on peut donc affirmer que les BHP présentent en dessiccation des fluagestotaux beaucoup plus faibles que les bétons courants.Cette diminution du fluage de dessiccation est intéressante pour des pièces mas-sives, et surtout pour des ouvrages à zones d’épaisseurs différentes, car elle va at-ténuer grandement l’effet d’échelle.

Pour les BHP, la vitesse de développement du fluage propre est beaucoup plusgrande que pour les bétons courants, la stabilisation étant, dès lors, plus rapide.Le fluage de dessiccation est très atténué, l’utilisation de fumée de silice augmen-te encore cette atténuation.

Cas des bétons autoplaçants (BAP)Les résultats du projet national BAP ont montré que ces bétons n’avaient pas unesensibilité particulière vis-à-vis des déformations différées. Ils se comportentdonc comme les autres bétons.

4.2. La recouvranceSi l’on cesse l’application de la charge stationnaire (le programme de chargementest dit alors en créneau) on constate que, d’une part, il y a diminution instantanéede la déformation du matériau due à son élasticité et, d’autre part, cette diminutionpeut se poursuivre dans le temps avec plus ou moins d’intensité. Ces déformationscorrespondent à la recouvrance instantanée et différée (figure 5.20).

Figure 5.20 : effet d’un « créneau » de contrainte, mise en évidence de la recouvrance.

La recouvrance, appelée aussi retour de fluage dépend principalement de la duréed’application du créneau de contrainte, c’est un couplage de la viscoélacticité dumatériau et de son vieillissement. Ce n’est donc pas une donnée caractéristique. Des expériences d’additivité permettent de déterminer la validité du principe desuperposition. Il s’agit, ainsi que l’a réalisé Drackey-Lawson [DRA 82], de com-parer l’évolution rhéologique de plusieurs éprouvettes chargées à l’origine unifor-

0

0 u0 u

1 t 0 u

0 u

1 t

1

2

3

1 - Recouvrance instantanée2 - Recouvrance différée3 - Déformation résiduelle

196

Page 31: Chap 5

Retrait et fluage

mément puis ensuite soumises à l’instant t1 à des échelons de contraintesdifférents proportionnels entre eux, positifs ou négatifs. Si la proportionnalité est vérifiée, la réponse en déformation doit être identiquepour tous les échelons de contrainte de même intensité qu’ils soient positifs ou né-gatifs. Or il s’avère que si la proportionnalité est bien vérifiée pour des échelonsproportionnels positifs, il n’en est rien dans le cas d’échelons proportionnels né-gatifs i.e. dans le cas d’une expérience de recouvrance partielle (figure 5.21).Le comportement au déchargement d’un béton n’est donc pas symétrique de celuiqu’il aurait pour un chargement de même intensité. Le principe de superpositionest dans ce cas pris en défaut.

Figure 5.21 : cinq bétons ont été soumis initialement à un palier de charge commun E3 ensuite de quoi 2 ont subi des échelons de contrainte positifs E2 et E1, et 2 négatifs E4

et E5, E5 amenant au déchargement complet. Les échelons de contraintesétant tous égaux en valeur absolue.

Pour les échelons de contrainte positifs la réponse en déformation est proportionnelle. On constate,a contrario, que les réponses en déformation pour les échelons négatifs ne suivent plus le principe deproportionnalité.

Dans le cas d’histoires de chargement comprenant des chutes instantanées de con-trainte d’amplitude significative, le principe de superposition – et, partant, le mo-dèle viscoélastique linéaire (VEL) – est fortement mis en défaut. Dans le cascontraire (faibles variations de la compression, variations continues toujourscroissantes), le principe et le modèle VEL conduisent à des erreurs limitées gé-néralement acceptables.

Pour des échelons de contrainte négatifs (déchargements) la réponse en retourde fluage n’est plus linéaire en fonction de l’échelon de contrainte.

0

200

400

600

800

1 000

0

15

11,25

7,50

3,75

72 272 472 672 872 1 072 1 272

(MPa) (μ/m)

Âge (heures)

E1

E2

E3

E4

E5

E1

E2

E3

E4

E5

Contraintes Déformations (retrait réduit)

197

Page 32: Chap 5

LA DURABILITÉ DES BÉTONS

4.3. Les comportements en traction, flexion, torsionIl existe dans la littérature très peu de résultats concernant le fluage sous des char-ges autres que la compression uniaxiale. Certains ordres de grandeur sont toute-fois avancés sans qu’ils soient parfaitement étayés. Ainsi le fluage en traction serait, à charge égale, plus élevé de 20 % à 30% quecelui en compression. Cet écart serait fonction de l’âge au chargement et de l’am-biance de conservation. Le fluage initial serait plus faible en traction qu’en com-pression (ainsi que les déformations instantanées), inversement la vitesse defluage est ensuite plus rapide et le fluage final est plus important qu’en compres-sion [ATR 05].En flexion, si certains essais ont été effectués, ils n’ont pu être interprétés de ma-nière satisfaisante, compte tenu des effets de la fissuration de peau sur le méca-nisme de déformation puis de rupture, rapide, des éprouvettes. En torsion, Neville [NEV 96] cite les essais déjà anciens de Le Camus de 1945 etceux de Lambotte de 1962. D’après ces auteurs, les résultats obtenus en compres-sion sur le coefficient de fluage et la cinétique du phénomène seraient transposa-bles en torsion. Sous sollicitations multiaxiales, on peut interpréter les déformations à l’aide d’uncoefficient de Poisson de fluage. Les résultats expérimentaux montrent toutefoisque ce coefficient de Poisson est différent du coefficient élastique et qu’il présenteune grande dispersion [BEN 02]. Et pourtant il joue un rôle important dans lecomportement de structures précontraintes biaxialement comme les enceintes decentrales nucléaires [GRA 93].

4.4. Le couplage retrait-fluageOn peut se poser la question de la pertinence du découpage arbitraire de la défor-mation totale différée sous charge en déformation de retrait, d’une part, et fluagede l’autre. Déjà, en 1957, Lhermitte se posait la question de l’indépendance desphénomènes de retrait et fluage. De nombreux travaux ont mis en évidence les re-lations qui pouvaient exister entre ces deux déformations. Ainsi, si l’on reporteles déformations totales d’un béton sous charge en fonction de la déformation deretrait, on peut scinder le comportement différé en trois zones (figure 5.22) :– la phase 1, de courte durée (quelques jours), proportionnelle à la déformationélastique instantanée qui est en réalité, pour certains auteurs, une réponse élasti-que différée ;– la phase 2, de très longue durée et qui représente la plus grande partie de ladéformation différée dans laquelle il existe une linéarité entre les déformationssous charge et les déformations de retrait ;

198

Page 33: Chap 5

Retrait et fluage

– et, enfin, une phase 3 qui traduit le comportement à très long terme et qui n’estvisible que pour des taux de charge importants. Cette phase 3 n’est en aucun casun fluage tertiaire, elle signifie simplement que la déformation sous charge con-tinue de progresser alors que celle de retrait s’arrête faute d’un potentiel internetrop faible.Cette décomposition est validée aussi bien pour les déformations totales que pourle conditionnement sans échange hydrique.

Figure 5.22 : relation entre déformations sous charge et déformations de retrait en mode séchage [PON 03].

La première phase de comportement sous charge présente une similitude avec lesdéformations de recouvrance ce qui tend à indiquer son caractère réversible. Cesdéformations suggèrent un mécanisme diffusif de l’eau libre dans les espaces ca-pillaires induit et amplifié par l’application de la contrainte due au chargement.La seconde phase peut s’expliquer en assimilant le retrait à un fluage sous con-trainte hydrique. Acker [ACK 01] a montré que le fluage, dans sa partie visqueu-se, ne dépend que des C-S-H. La partie réversible est due à l’élasticité des autresconstituants. Il a introduit la notion de « potentiel de fluage ». Ce potentiel est unedonnée intrinsèque au matériau une fois que celui-ci est fabriqué. Il est fonctiondes C-S-H. Mais, ce potentiel peut être consommé par le retrait qui est considérécomme un fluage sous charge hydrique. C’est pour cette raison qu’à même tauxde chargement, l’âge de mise en charge influe : plus on repousse la date de char-gement, moins les déformations de fluage seront importantes. En fait, cela traduitle fait que le béton aura épuisé un peu de son « potentiel », puisque le retrait auraété plus grand.

3 500

3 000

2 500

2 000

1 500

1 000

500

5000

0 100 200 300 400 600 700 800

Déformation sous charge (1.e-6)

Déformation de retrait (1.e-6)

B1B2B3B4B5B6

199

Page 34: Chap 5

LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Les déformations de retrait et celles de fluage ont, pour partie, la même originephysique, c’est pour cela que certains modèles réglementaires (i.e. l’Eurocode 2partie ponts [EC2 04-2]) proposent de déduire les unes des autres (fluage de des-siccation exprimé en fonction du retrait de dessiccation).

5. MÉTHODOLOGIE DES ESSAIS DE FLUAGE ET DE RETRAITLes résultats expérimentaux sur le retrait et le fluage du béton que l’on peut trou-ver dans la documentation sont souvent difficiles à analyser comparativement carles protocoles expérimentaux sont très diversifiés. Les effets d’échelle, d’environ-nement, etc. étant très importants, il convient d’essayer de normaliser ce typed’essais si l’on veut pouvoir atteindre les caractéristiques intrinsèques. Nous dé-taillons ci-après la méthode expérimentale recommandée par la Rilem [RIL 97].Dans la recommandation de la Rilem on distingue, comme détaillé précédem-ment, les déformations endogènes, sans échange hydrique avec le milieu ambiant,et celles en dessiccation conventionnellement mesurées à une température de20 °C ± 1 °C et à une humidité relative de 50 ± 5 % ou bien de 25 °C ± 1 °C et àune humidité relative de 65 ± 3 % L’appareillage doit être capable d’appliquer une compression centrée et de lamaintenir constante dans le temps. Le maintien de la charge doit se faire à ± 1 %près.Les mesures de retrait et de fluage doivent être effectuées avec le même appa-reillage à mi-hauteur de l’échantillon et sur au moins trois génératrices. La distan-ce entre les points de mesure et les extrémités de l’échantillon doit être supérieureà 2 fois le diamètre de l’éprouvette.Les éprouvettes doivent être cylindriques Les éprouvettes doivent avoir un élan-cement (rapport de leur hauteur à leur diamètre) de 5 au minimum et être les mê-mes pour les mesures de retrait ou de fluage. Elles doivent être coulées dans desmoules métalliques ou carottées. Leur diamètre doit être supérieur à 5 fois la di-mension du plus gros granulat.Les conditions de cure préconisées sont : maintien 24 à 48 h dans leur moule à20 °C ± 1 °C (ou 25 °C) dans une chambre humide ou protégées par une envelop-pe protectrice (polyane, aluminium autocollant etc.).Les essais sont effectués, comme précédemment décrit, soit en « endogène », il estnécessaire alors d’isoler les éprouvettes en les enduisant de résine ou en les enve-loppant de papier d’aluminium autocollant dès le démoulage, soit en dessiccation,les éprouvettes sont alors conservées 7 jours en chambre humide après démoulagepuis mises dans leur ambiance de dessiccation (HR = 50 % ± 5, T = 20 °C ± 1 °C).

200

Page 35: Chap 5

Retrait et fluage

La mise en place des moyens de mesure doit être rapide pour éviter toute pertur-bation de l’équilibre hygrothermique de l’éprouvette.La première mesure de retrait sera généralement effectuée immédiatement aprèsle moulage.On utilisera trois échantillons pour mesurer la résistance en compression au jourde l’application de la contrainte de fluage. Si l’appareillage de fluage n’est paséquipé pour mesurer les déformations instantanées ces trois éprouvettes servirontaussi à déterminer le module d’élasticité du béton.Les mesures après le chargement de fluage doivent être très rapprochées : durantle début du chargement stationnaire, on pourra adopter une échelle de temps lo-garithmique (par exemple 0,5 ; 1 ; 2 ; 4 min, puis 1, 2, 4, 2n jours).On doit également effectuer des mesures de perte en eau pour les essais de retraitet de fluage en dessiccation.Les dimensions des éprouvettes recommandés sont : diamètre 7,5 ; 10 ; 15 ; 20 cmet longueur 37,5 ; 50 ; 75 ; 100 cm.L’âge d’exposition au séchage peut être de 1, 3, 7, ou 14 jours. Les âges recommandés pour le chargement sont 1, 3, 7, 28, 90, jours et 1 an, lacontrainte de compression σ = k.σR, ou σR est la résistance en compression à l’âgedu chargement, avec k = 0,20 ; 0,40 ; 0,60. Les valeurs en italique sont les plususuelles. La durée des essais comparatifs est de 6 mois en endogène et n ans endessiccation avec n = (d/0,16)2, où d représente le diamètre en mètre. Pour uneextrapolation à long terme 1 an en endogène et 2n années en dessiccation. Les bâ-tis d’essais peuvent être munis de ressorts, de systèmes oléopneumatiques ou desystèmes hydrauliques.Il est à noter que les mesures des déformations différées des bétons, retraits etfluages, présentent généralement des dispersions importantes. La dispersion esti-mée par rapport aux valeurs habituelles déterminées à partir des règlements est de+/– 30 %. Sur un même béton les mesures présentent, malgré tous les soins ap-portés à la réalisation des manipulations des variations de l’ordre de +/– 10 %.Une méthode d’estimation statistique peut être utilisée [CLE 01].

201

Page 36: Chap 5

LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Figure 5.23 : batterie de bancs de fluage hydrauliques de 1 000 kN (LMDC).

Ces trente bancs de fluage alimentés séparément par des vérins hydrauliques permettent sur lemême bâti de superposer une éprouvette soumise à la dessiccation (elle est à l’ambiance de la piècerégulée en humidité et en température) et une éprouvette en condition endogène car enveloppéed’une double couche de papier aluminium l’isolant de tout échange. Les deux éprouvettes sont doncsoumises à une histoire de chargement strictement identique.

6. PRISE EN COMPTE DANS LE DIMENSIONNEMENT DES STRUCTURES

6.1. Les conséquences du fluage (comportement des grands ouvrages au fluage, pertes de précontrainte, redistribution des efforts)Depuis le sauvetage par Freyssinet en 1912 du pont sur le Veurdre, nous savonsqu’une mauvaise estimation du fluage du béton peut conduire à de grosproblèmes: flèches importantes et pertes de précontraintes, nécessitant une sur-veillance des ouvrages, des réparations, voire un remplacement. En effet, dans lesouvrages hyperstatiques construits par encorbellement, il y a redistribution des ef-forts de flexion dus aux déformations de fluage du béton. Si pour les poutres con-tinues, ce phénomène est maintenant bien maîtrisé, sa prédiction reste plusdifficile pour le cas des poutres cantilever ou des ponts articulés [MAT 79,KRE 98]. On citera l’exemple du pont de Savines, achevé en 1960, construit parencorbellements successifs et articulé en clé : sa chaussée a due être reprofiléecompte tenu des flèches constatées (plus de 120 cm). Et ce problème peut se ren-contrer sur des ponts récents comme le pont de Cheviré qui comprend une travée

202

Page 37: Chap 5

Retrait et fluage

centrale en acier supportée par deux fléaux en béton précontraint et qui présententun fluage inhabituel [SET 04].Un autre type de structure sensible au fluage est constitué par les enceintes de con-finement des centrales nucléaires. En effet, l’enceinte interne de ces centrales estconstituée de béton précontraint biaxialement (figure 5.24). La précontrainte estdimensionnée afin que, en cas d’accident et de montée en pression de l’enceinte,le béton en zone courante reste comprimé et que le niveau d’étanchéité de l’en-ceinte soit préservé. Cette propriété est mesurée régulièrement et est une condi-tion sine qua non au redémarrage des centrales. On voit donc ici l’intérêt d’unemodélisation correcte du phénomène.

Figure 5.24 : schéma de principe de la précontrainte dans une enceinte de centrale nucléaire [GRA 96].

Les déformations de fluage entraînent, dans le cas des structures isostatiques,des déformations différées, notamment des flèches, particulièrement dans le casdes consoles, qui peuvent être incompatibles avec le bon fonctionnement en ser-vice des ouvrages. Dans le cas de structures précontraintes ces déformations gé-nèrent des chutes dans la tension des câbles très importantes. Dans le cas desstructures hyperstatiques, surtout celles dont le phasage de construction estcomplexe, le fluage va provoquer des redistributions d’efforts dont l’évaluationest indispensable sous peine de mettre en péril la sécurité de l’ouvrage. Il fautdonc pouvoir proposer au calculateur des modèles reposant sur des hypothèsesde comportement différé du matériau aussi proche que possible de la réalité.

6.2. La modélisation Nous avons vu aux paragraphes 4.1 et 4.2 que, si l’on fait abstraction du phéno-mène de retour de fluage, le béton avait un comportement viscoélastique vieillis-sant. Intéressons-nous au modèle correspondant.

203

Page 38: Chap 5

LA DURABILITÉ DES BÉTONS

6.2.1. Les modèles viscoélastiques linéaires sans et avec vieillissementLa loi de comportement d’un matériau exprime la relation entre l’histoire des con-traintes et celle des déformations. Dans le cas d’une expérience de retard telle quecelle du fluage précédemment décrite pour le béton qui est un matériau héréditairedont la réponse est fonction de son histoire antérieure (principe de causalité),l’évolution de la déformation ε(t) est une fonctionnelle de σ0, u0, et t.Cette fonctionnelle est très difficile à caractériser dans le cas le plus général : elledoit être vraie pour tous les types d’histoire de sollicitations possibles. Dans unouvrage d’art, par exemple, le phasage de la construction induit une histoire trèscomplexe. Il existe pourtant un cas où la complication est réduite c’est celui de lafonctionnelle linéaire i.e. qui répond au principe de Boltzmann.Cette fonctionnelle est linéaire, si et seulement si, lorsqu’on a deux histoires de

chargement et auxquelles correspondent deux histoires de

déformation et , à l’histoire de chargement

correspond l’histoire de déformation

. On peut noter que l’ona aussi F [aσ1(u)] = aF [σ1(u)]. Par une généralisation on peut passer à une for-mulation par intégrale. D’après le principe de superposition de Boltzmann nouspouvons écrire :

Ici J(t,u) est la « fonction retard » ou « fonction fluage », sa fonction duale, cor-respondant au phénomène de relaxation est notée R(t,u).On a ici affaire à une superposition d’échelons infinitésimaux dσ(u).H(t – u) etd’échelons finis ΔσiH(t – ui). On peut aussi dans ce cas linéaire utiliser la transfor-mation de Laplace-Carlson. En fait, le plus grand intérêt du modèle linéaire est qu’ilest entièrement défini par le noyau de la fonctionnelle que l’on nomme aussi « noyaude fluage ». Ce noyau de fluage se réduit, dans le cas non vieillissant, à une simplefonction Φ(t – u) et dans le cas vieillissant a une fonction de deux variables Φ(t,u).Dans le cas non vieillissant, il suffit d’un seul essai de fluage pour caractériser en-tièrement ce modèle; dans le cas vieillissant il est nécessaire de connaître les loisde comportement pour différents âges au chargement u. On aura du point de vueformulation :

σ1 u( )[ ] ∞–t σ2 u( )[ ] ∞–

t

ε1 u( )[ ] ∞–t ε2 u( )[ ] ∞–

t

σ u( )[ ] a σ1 u( )[ ] b σ2 u( )[ ]+=

ε t( ) a ε1 t( )[ ] b ε2 t( )[ ]+ aF σ1 u( )[ ] bF σ2 u( )[ ]+= =

ε t( ) J t u,( )dσ u( ) J t u,( )Δσi∑+∞–

t

∫=

204

Page 39: Chap 5

Retrait et fluage

en viscoélasticité linéaire sans vieillissement, et

en viscoélasticité linéaire avec vieillissement.Compte tenu du comportement expérimental du béton décrit précédemment, ce-lui-ci est viscoélastique vieillissant, il ne pourrait être considéré comme nonvieillissant que dans le cas d’un chargement à un âge élevé. De plus, si nous avonsvu que l’hypothèse de linéarité entre la déformation différée et la contrainte ap-pliquée pouvait être raisonnablement admise pour des bétons chargés à moins de50 % de la charge de rupture, ce qui est souvent le cas, par contre elle n’était pasvérifiée lors des déchargements.

L’application au béton du formalisme de la viscoélasticité linéaire avec ou sansvieillissement donnera, sauf cas très particuliers, des résultats approchés ducomportement réel du béton. Toutefois, les modèles actuels les plus courantssont, pour des raisons évidentes de simplification, du type linéaire.

6.2.2. Problèmes numériques liés aux chargements complexesLe principe de superposition est extrêmement simple dans sa formulation et neprésente pas de problème conceptuel. La difficulté réside plutôt dans son applica-tion à des cas réels pour lesquels les contraintes varient en permanence et en touspoints, ne serait-ce qu’à cause du fluage lui-même. La figure 5.25 présente un deces cas : il s’agit des contraintes dans un pont en béton précontraint construit parencorbellements successifs. On peut y constater des variations importantes descontraintes en tous points. Pour calculer le fluage grâce au principe de superposi-tion, il faudra garder en mémoire toute l’histoire des contraintes en tous points, cequi est très pénalisant. De plus des problèmes de convergence peuvent apparaître[ACK 89].

ε t( ) J t u–( )dσ u( )0

t

∫= et σ t( ) R t u–( )dε u( )0

t

∫=

ε t( ) J t u,( )dσ u( )0

t

∫= et σ t( ) R t u,( )dε u( )0

t

∫=

205

Page 40: Chap 5

LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Figure 5.25 : exemple de l’histoire des contraintes dans un pont construit par encorbellement [ACK 89].

Les courbes A, B, C et D représentent l’évolution de la contrainte de compression dans le béton auxpoints indiqués sur le schéma de situation en fonction de l’âge du béton en ces points, les disconti-nuités résultent de la cinématique de réalisation de l’ouvrage (mises en précontraintes successives,clavages etc.).

Cette limitation peut être dépassée en décomposant la complaisance de fluage enune série de Dirichlet (association en série d’éléments de Kelvin-Voigt, soit unressort en parallèle avec un amortisseur) :

Cette méthode respecte le principe de superposition et ne nécessite pas de stockertoute l’histoire des sollicitations, l’état de déformation de chaque élément étantsuffisant pour représenter cette histoire [BAZ 82, GRA 97, BEN 05].

6.2.3. Le modèle incrémentalL’application du principe de superposition lors d’un déchargement conduit à unedéformation de retour de fluage beaucoup trop importante par rapport aux obser-vations expérimentales. Bien sûr, on pourrait imaginer avoir une fonction de com-plaisance de déchargement différente de celle du chargement. Mais ceci violeraitle principe de superposition et l’application de cette méthode à une succession decharges-décharges conduirait à des résultats erronés.

Contrainte decompression (MPa)

Âge du béton (j)4 00010004002001004020104

0

5

10 A

B

B D

D

C

C

A

J t τ,( ) J1 Js 1 λs t τ–( )–( )exp–[ ]

s 2=

n

∑+=

206

Page 41: Chap 5

Retrait et fluage

C’est pourquoi a été développé la méthode du temps équivalent [ACK 89] ou mo-dèle incrémental [ACK 92]. Supposons que nous ayons un chargement constituéde deux paliers de contraintes σ1 appliquée à l’instant τ1 et σ2 à l’instant τ2. La

déformation de fluage, pour un instant t > τ2 sera où τeq est

le temps équivalent tel que .

La déformation de fluage du béton est celle qu’elle aurait pu être si l’on avait char-gé le béton directement avec la contrainte σ2 à un instant τeq. L’évolution de ladéformation de fluage ne dépend alors que de cette unique variable et de l’état decontrainte et de déformation à l’instant τ2.

La méthode du temps équivalent présente bien sûr aussi des défauts. Lors d’unedécharge totale ou au moins importante, il peut ne pas y avoir de temps équivalentsolution. Dans ce cas là, la méthode initiale prévoyait un retour de fluage nul, cequi n’est pas la réalité non plus. Une amélioration de la méthode est possible enutilisant des résultats d’essais de recouvrance pour compléter l’espace des solu-tions [ACK 92].

La méthode du temps équivalent consiste à substituer à une histoire de charge-ment complexe et non modélisable simplement un temps de chargement équiva-lent tel que le béton aurait, à cet instant donné, la même déformation différéeque s’il avait été soumis à un chargement d’intensité constante égale au charge-ment présent.

6.3. Les déformations différées dans l’Eurocode 2, EC2 [EC2 04-1], norme NF EN 1992-1-16.3.1. Le retraitPour le retrait du béton durci, ce code distingue, à la différence des anciens règle-ments pour les bétons ordinaires, le retrait endogène en l’absence d’échanges hy-driques avec l’atmosphère (ou autodessiccation) εca(t) du retrait de dessiccation(ou de séchage) εcd(t). Le retrait total εcs(t) sera, par hypothèse, la somme desdeux εcs (t) = εca (t) + εcd (t).

Nous avons vu au paragraphe 4 la variété des facteurs pouvant influencer le re-trait. L’EC2, pour l’estimation du retrait d’autodessiccation prend en compte lanature du ciment employé (s) et la résistance mécanique du béton à 28 jours (fcm):

εfl t( )ϕ t τeq,( )

E τeq( )---------------------σ2=

εfl teq( )ϕ τ2 τeq,( )

E τeq( )------------------------σ2

ϕ τ2 τ1,( )

E τ1( )----------------------σ1==

εca t( ) εca ∞( )βas t( )=

207

Page 42: Chap 5

LA DURABILITÉ DES BÉTONS

avec et .

Le retrait de séchage est, de plus, fonction de la géométrie de la pièce (h0) et del’humidité relative de l’environnement (RH) : .

étant le retrait de

référence.

Avec ,

la fonction représente la cinétique et kh est

fonction de h0, rayon moyen :

Dans les formules précédentes:fcm0 = 10 MPa,αds1 et 2 coefficients dépendants de la nature du ciment: resp 3 (S) ; 4 (N) ; 6 (R);et 0,13 ; 0,12 ; 0,11 ;t âge du béton ,ts âge de début de séchage ;RH humidité relative (RH0 = 100 %) ;h rayon moyen (mm) = 2Ac/u, avec Ac aire de la section droite et u périmètre encontact avec l’atmosphère.Simplification : on peut prendre dans le cas d’utilisation de ciments normaux lesvaleurs de εcd,0 données dans le tableau 5.3.

h0 kh

100 1,00

200 0,85

300 0,75

>500 0,70

εca ∞( ) 2 5, fck 10–( ) 10 6–⋅= βas t( ) 1 0 2t0 5,,–( )exp–=

εcd t( ) εcd 0, βds t ts–( )kh=

εcd 0, 0 85 220 110αds1+( )exp( ) αds2fcmfcm0----------–

⎝ ⎠⎜ ⎟⎛ ⎞

10 6– βRH,=

βRH 1 55 1 RH RH0⁄( )3–( ),–=

βds t ts,( )t ts–( )

0 04 h03 t ts–( )+,

-------------------------------------------=

208

Page 43: Chap 5

Retrait et fluage

Tableau 5.3 : retrait de référence en 10–3).

On peut constater que l’amplitude du retrait de séchage décroît très fortement en fonction de la résis-tance du béton (elle est divisée par plus de 2) et que, bien évidemment elle est grandement dépen-dante de l’hygrométrie ambiante.

6.3.2. Le fluageL’Eurocode 2 permet d’obtenir le coefficient de fluage φ(t – t0) = εcc(t, t0)/εci(t0),rapport des déformations de fluage à l’instant t d’un béton chargé à t0 par rapportà la déformation initiale élastique. La déformation initiale élastique εci(t0) est lerapport entre la contrainte appliquée au béton σc et le module d’élasticité tangentdu béton Ec qui peut être pris égal à 1,05 Ecm. Si l’on ne recherche pas une préci-sion extrême l’EC 2 propose un abaque pour déterminer le coefficient de fluage(figure 5.26) Dans ce cas ne sont pris en compte que la résistance du béton,l’hygrométrie de l’ambiance pour RH = 0 ou 80 %, l’âge au chargement et lerayon moyen.Ainsi la déformation de fluage pour t = ∞ sera donnée par εcc(∞, t0) = ϕ(∞, t0) (σc/Ec).

fck/fck, cube(MPa)

Humidité relative (%)

20 40 60 80 90 100

20/25 0,62 0,58 0,49 0,30 0,17 0,00

40/50 0,48 0,46 0,38 0,24 0,13 0,00

60/75 0,38 0,36 0,30 0,19 0,10 0,00

80/95 0,30 0,28 0,24 0,15 0,08 0,00

90/105 0,27 0,25 0,21 0,13 0,07 0,00

209

Page 44: Chap 5

LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Figure 5.26 : abaque pour la détermination du coefficient de fluage, d’après [EC2 04-1].Sur le diagramme de gauche, en partant de t0 âge du béton lors du chargement on trace l’horizontale1 qui coupe la courbe caractéristique du ciment employé (S lent, N, normal, R rapide). On trace en-suite la droite 2 reliant l’origine 0 à ce point d’intersection. On passe ensuite au diagramme de droite,partant du rayon moyen h0 on remonte verticalement par la droite 3 qui coupe la courbe caractéristi-que de la résistance du béton. À partir de ce point d’intersection on trace, vers le diagramme de gau-che, l’horizontale 4 qui vient couper la droite 2 précédemment tracée. En redescendant verticalementà partir de ce point d’intersection par la droite 5, on coupe l’axe des abscisses en un point qui donnela valeur recherchée du coefficient de fluage ϕ(∞,t0).

Pour plus de précision, il convient de se reporter à l’annexe B de l’EC2.

1

2

3

5

10

20

30

50

100

1

2

3

5

10

20

30

50

100

7,0 6,0 5,0 4,0 3,0 2,0 1,0 0 100 300 500 700 900 1 100 1 300 1 500

6,0 5,0 4,0 3,0 2,0 1,0 0 100 300 500 700 900 1 100 1 300 1 500

1

23

4

5

t0

t0

h0 (mm)

h0 (mm)

0)

0)

(a) Environnement intérieur : RH = 50 %

(b) Environnement extérieur : RH = 80 %

C20/25C25/30C30/37C35/45C40/40

C45/55C50/60 C55/67C60/75

C70/85C80/95

C90/105

C20/25C25/30C30/37C35/45C40/40 C45/55

C55/67C70/85C90/105

C50/60C60/75C80/95

Note :– le point d'intersection des droites 4 et 5peut également se situer au-dessus du point 1 ;– pout t

0 > 100, il est suffisamment précis

de supposer t0 = 100 (et d'utiliser la tangente).

S

N

R

S

N

R

210

Page 45: Chap 5

Retrait et fluage

Dans ce cas des paramètres complémentaires sont pris en compte : l’humidité am-biante est prise à sa valeur réelle estimée , on prend en compte la maturité du bétonau moment du chargement (β(t0)), les caractéristiques du ciment employé etc.

où est le coefficient de fluage à

long terme avec pour fcm ≤ 35 MPa et

pour fcm > 35 MPa,

tient compte de la résistance du béton, est le rayon moyen de l’élément

en mm, avec Ac aire de la section droite et u périmètre en contact avec l’atmosphère.

tient compte de l’âge du béton au moment du chargement.

donne l’évolution du fluage dans le temps. Il dé-

pend de βH qui fait intervenir la résistance mécanique par le biais de α3 :βH = 1,5(1 + (0,012RH)18) h0 + 250 ≤ 1500 pour fcm ≥ 35 MPa;βH = 1,5(1 + (0,012RH)18) h0 + 250α3 ≤ 1500 α3 pour fcm ≤ 35 MPa.

Les différents coefficients α dépendent de la résistance moyenne en compression

du béton à 28 jours fcm : ; ;

L’influence du type de ciment et des conditions de maturation sur le coefficientde fluage peut être pris en compte en modifiant l’âge du chargement t0 par :

avec, pour t ou t0, avec t0,T âge du bé-

ton « ajusté » en jours, α = – 1 ciments à prise lente (S), 0 normaux (N), 1 rapides

φ t t0,( ) φ0βc t t0,( )= φ0 φRHβ fcm( )β t0( )=

φRH 1 1 RH– 100⁄

0 1 h03,------------------------------+

⎝ ⎠⎜ ⎟⎛ ⎞

=

φRH 1 1 RH– 100⁄

0 1 h03,------------------------------α1+

⎝ ⎠⎜ ⎟⎛ ⎞

α2= β fcm( ) 16 8 fcm( )⁄,=

h02Ac

u---------=

β t0( ) 1 0 1, t00 2,

+( )⁄=

β t t0,( )t t0–( )

βH t t0–+( )------------------------------

0 3,=

α135fcm-------

0 7,= α2

35fcm-------

0 2,= α3

35fcm-------

0 5,=

t0 t0 T,9

2 t0 T,1 2,

+------------------ 1+⎝ ⎠⎜ ⎟⎛ ⎞ α

0 5,≥=

tT e4000 273 T Δti( ) ) 13 65,–+⁄( )–

Δti⋅

i 1=

n

∑=

211

Page 46: Chap 5

LA DURABILITÉ DES BÉTONS

(R ) ; tT âge du béton « ajusté » à utiliser à la place de t dans toutes les relationsprécédentes, T(Δti) température moyenne pendant l’intervalle de temps Δti.

Ces modèles de comportement différés des bétons sont bien évidemment calés surdes comportements moyens de bétons standards. Même pour ces bétons, la four-chette d’incertitude sur la précision est estimée à +/– 30 %. Pour des bétons par-ticuliers avec, par exemple, des granulats sortant de l’ordinaire ou une grandequantité de pâte, les variations peuvent être du simple au double voire au-delà.

Il existe également dans l’EC2 destiné à l’application aux ouvrages d’art [EC22004-2] [NF EN 1992-2] une annexe informative plus élaborée permettant d’éva-luer les déformations différées (retrait et fluage) dans le cas des BHP, notammentceux utilisant des fumées de silice.

6.3.3. Prédiction des déformations différées à l’aide des règlementsNous avons vu dans ce chapitre que les déformations différées des bétons dépen-daient beaucoup de la formulation des bétons, de la qualité des granulats, etc. Or,les règlements font essentiellement intervenir la résistance du béton dans l’esti-mation des déformations différées. La figure 5.27 montre que, pour des bétons derésistances équivalentes employés dans des structures de même type, les déforma-tions différées de ces structures peuvent être assez différentes.

Figure 5.27 : déformations différées de structures identiques et de bétons de résistances voisines mais de rigidités différentes.

Tous ces bétons, destinés à un même type de structure, avaient des compositions semblables et unerésistance en compression à 28 jours voisine, leur différence principale portait sur la nature des gra-nulats qui étaient locaux et donc tous différents. On peut constater des déformations différées totales(retrait + fluage) mesurées in situ variant largement du simple au double. On peut aussi constaterqu’après plus de 20 ans l’évolution des déformations n’est pas terminée.

00

5 10 15 20 25

100

200

300

400

500

600

700

800

Temps depuis la fin de mise en précontrainte (années)

Défo

rmatio

ns

diff

éré

es

(μm

/m)

212

Page 47: Chap 5

Retrait et fluage

L’analyse de ces bétons montre que ceux pour lesquels les déformations différéessont les plus importantes ont un module d’élasticité faible, ceci provenant de gra-nulats plus déformables. Il convient donc pour des structures dans lesquelles lefluage sera un critère important vis-à-vis de leur durée de vie de réaliser des essaisde fluage sur éprouvette lors de l’étude de formulation des bétons.

7. CONCLUSIONSi les causes extérieures des déformations différées des bétons, les retraits et flua-ges, sont maintenant bien connues, il s’agit principalement de la dessiccation etdu chargement permanent, les mécanismes microstructuraux dictant leur cinéti-que et leur amplitude ne sont toujours pas parfaitement élucidés. Si les hypothèsessur le comportement visqueux des C-S-H sont établies, les paramètres régissantl’évolution de ce comportement sont encore inconnus puisque à même matrice ci-mentaire de base on peut avoir une très grande variété de réponses différées.Il en résulte une grande difficulté à proposer des modèles de comportement adap-table à tous les bétons réalisables. En effet pour une résistance mécanique en com-pression donnée à l’instant t (28 jours) il existe une variété quasi infinie decomportements différés.Les points permettant de penser que les modèles proposés par les différents règle-ments, normes ou recommandations donneront des valeurs proches de celles dubéton utilisé (et encore à +/– 30 % comme on l’a mentionné) sont d’utiliser desgranulats de bonne compacité (porosité faible), de module élevé et d’avoir descompositions de béton élaborées soigneusement. Dans le cas contraire, il faut,dans les formules réglementaires, toujours utiliser le module de déformation ins-tantanée mesuré expérimentalement sur le béton pour avoir une estimation un peuplus précise des déformations différées. La quantité de pâte est aussi un facteurd’amplification des déformations différées.Dans le cas de doute, et sans recourir à de longs essais de fluage, des mesures deretrait des bétons réalisés couplées avec des essais de fluages de durée réduite (1 à3 mois) peuvent donner des indications précieuses sur le comportement futur dubéton.

213

Page 48: Chap 5

LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Bibliographie

[ACK 83] ACKER P., BARRAL A. – « Étude critique des essais classiques de fluage etde relaxation des bétons durcis ». Cahiers du groupe français de rhéologie, tome VI,n° 4, 1983, p. 243-251.

[ACK 88] ACKER P. – Comportement mécanique du béton : apports de l’approche phy-sico-chimique. Rapport de recherche LCPC, n° 152, 1988.

[ACK 01] ACKER P. – “Micromechanical analysis of creep and shrinkage mechanisms”.Proceedings of CONCREEP 6, Elsevier, 2001, p. 15-24.

[ACK 04] ACKER P., TORRENTI J.-M., ULM F. – Comportement du béton au jeuneâge. Traité Mécanique et ingénierie des matériaux, Hermès, 2004.

[ACK 89] ACKER P., LAU M-Y., COLLET F. – « Comportement différé du béton: va-lidation expérimentale de la méthode du temps équivalent ». Bulletin de liaison deslaboratoires des ponts et chaussées, n° 163, 1989.

[ACK 92] ACKER P., EYMARD R. – « Fluage du béton : un modèle plus performant etplus simple à introduire dans les calculs numériques ». Annales de l’ITBTP, n° 507,octobre 1992.

[ATR 05] ATRUSHI D., KANSTAD T. – “Comparison between tensile and compressiveof early age HPC”. Proceedings of Concreep 7, Nantes 2005, p. 433-440.

[BAR 94] BAROGHEL-BOUNY V. – Caractérisation microstructurale et hydrique despâtes de ciment et des bétons ordinaires et à très hautes performances. Doctorat del’ENPC, Paris, 1994.

[BAR 82] BARON J. – « Les fissurations spontanées et accidentelles du béton non arméet armé ». Le béton hydraulique, Presses des ponts et chaussées, 1982.

[BAZ 82] BAZANT Z.P., WITTMANN F.H. – Mathematical modelling of creep andshrinkage of concrete. J.Wiley & Son Ltd, New York, 1982.

[BAZ 01a] BAZANT Z.P. – “Prediction of concrete creep and shrinkage: past, presentand future”. Nuclear Engineering and Design, n° 203, 2001, p. 27-38.

[BAZ 01b] BAZANT Z.P., FERRETTI D. – “Asymptotic temporal and spatial scaling ofcoupled creep, aging, diffusion and fracture processes; Creep, shrinkage and durabili-ty mechanics of concrete and other quasi-brittle materials”. Proceedings of Concreep-6, Elsevier, 2001 p. 121-145.

[BAZ 88] BAZANT Z.P. – “Solidification theory for aging creep”. Cement and ConcreteResearch, vol. 18, 1988, p. 923-932.

[BEN 05] BENBOUDJEMA F, MEFTAH F., HEINFLING G., LEMAOU F., TORREN-TI J.-M. – « Effets différés. Fluage et retrait ». Comportement mécanique du béton,sous la dir. de J.-M. Reynouard et G. Pijaudier-Cabot , Hermès, 2005.

[BEN 02] BENBOUDJEMA F. – Modélisation des déformations différées du béton soussollicitations biaxiales. Application aux enceintes de confinement de bâtiments réac-teurs des centrales nucléaires. Thèse de l’université Marne-la-Vallée, 2002.

[CEB 90] MÜLLER H.S., HILSDORF H.K. – “Evaluation of the time dependant beha-vior of concrete”. Bulletin d’information 199 du CEB, 1990.

214

Page 49: Chap 5

Retrait et fluage

[CLE 01] CLÉMENT J.-L., LE MAOU F. – “Experimental repeatability of creep andshrinkage concrete tests-data, statistical analysis and modelling”. Proceedings of Con-creep-6, Elsevier, 2001, p. 705-714.

[CUB 96] CUBAYNES J.-F., PONS G. – “Influence of type of coarse aggregates onshrinkage and creep oh HSC”. Actes du 4e symposium sur l’utilisation des BHP, Pres-ses des Ponts et Chaussées/LCPC, Paris 1996.

[DRA 82] DRACKEY-LAWSON M.G. – Première approche d’une représentation ducomportement du béton chargé par un modèle viscoélastique vieillissant à facteur decharge. Doctorat de l’ENPC 1982.

[EC2 04-1] Eurocode 2, norme européenne EN 1992-1-1 – Calcul des structures en béton.Partie 1-1 : Règles générales et règles pour les bâtiments. Décembre 2004.

[EC2 04-2] Eurocode 2, prénorme définitive PrEN 1992-2 – Calcul des structures en bé-ton. Partie 2 : Ponts en béton, calcul et dispositions constructives. Décembre 2004.

[GIA 86] GIACCO G., GIOVAMBATTISTA G. – “Bleeding: Evaluation of its effects onconcrete behaviour”. Materials and Structures, vol. 112, 1986, p. 265-271.

[GRA 93] GRANGER L., TORRENTI J.-M., ITTHURALDE G. – Delayed behaviour ofconcrete in nuclear power plant containments: Analysis and modelling. Proceedingsof the 4th int. RILEM symposium on Creep and Shrinkage of Concrete, Barcelona,1993.

[GRA 96] GRANGER L. – Comportement différé du béton dans les enceintes de centra-les nucléaires. Analyse et modélisation. Rapport de recherche LCPC, série « Ouvragesd’art, » OA21, 1996.

[GRA 97a] GRANGER L. – « Ouvrages en béton soumis aux effets du fluage ». Calculdes ouvrages généraux de construction, sous la direction de M. Prat, Hermès, 1997.

[GRA 97b] GRANGER L., TORRENTI J.-M., ACKER P. – “Thoughts about dryingshrinkage: experimental results and quantification of structural drying creep”. Mate-rials and Structures, december 1997.

[KRE 98] KRETZ T., PEYRAC P. – « Le fluage du béton. Les limites des modèles clas-siques appliqués aux ouvrages d’art. Les perspectives du modèle incrémental ». Bul-letin des laboratoires des ponts et chaussées, Spécial XX, 1998.

[LAR 91] LARRARD (de) F., BOSTVIRONNOIS J.-L. – “On the long term strength los-ses of silica-fume HSC”. Magazine of Concrete Research, vol. 43, n° 155, 1991,p.109-119.

[LER 96] LEROY R. – Déformations instantanées des bétons à hautes performances.Rapport de recherche LCPC, série « Ouvrages d’art », AO22, 1996.

[MAT 79] MATHIVAT J. – Construction par encorbellement des ponts en béton précon-traint. Eyrolles, 1979.

[MEH 80] METHA P.K., MANMOHAN D. – “Pore size distribution and permeability ofhardened cement paste”. 7e Congrès de la chimie des ciments, vol. 3, 1980, p. 7-11.

[NEV 96] NEVILLE A.M. – Properties of concrete, part 9: elasticity, shrinkage andcreep, J. Wiley publishing, 1996, p. 412-474.

[NEV 00] NEVILLE A.M. – Propriétés des bétons, Eyrolles, 2000.

215

Page 50: Chap 5

LA DURABILITÉ DES BÉTONS

[NEV 83] NEVILLE A.M., DILGER W.H., BROOKS J.J. – Creep of plain and structuralconcrete, construction press, Longman Group, London, 1983.

[PON 98] PONS G. – « Caractérisation du comportement différé des bétons : de la réalitédu matériau à la note de calcul ». Bulletin des laboratoires des ponts et chaussées,Spécial XX, 1998, p. 61-71.

[PON 03] PONS G., MUNOZ P., ESCADEILLAS G. – “Determination of concrete totaldeformation under load as function of shrinkage value.” ACI Material Journal,vol. 100. n° 1, 2003, p. 14-20.

[RIL 97] RILEM Draft Recommandation – Measuremant of Time-Dependent strains ofConcrete. RILEM TC 107-CSP, 1997.

[SET 04] SETRA – Rapport d’activités, 2004.[SIC 92] SICARD V., PONS G. – « Retrait et fluage de bétons à hautes performances:

données pour le calcul des déformations différées ». Annales de l’ITBTP, n° 508, no-vembre 1992.

[SIC 96] SICARD V., CUBAYNES J.-F., PONS G. – « Modélisation des déformation dif-férées des bétons à hautes performances : relation entre le retrait et le fluage ». Mate-rials and structures, vol. 29, juillet 1996, p. 345-353.

[TOP 04] TOPÇU I.B., ELGÜN V.B. – “Influence of concrete properties on bleeding andevaporation”. Cement and Concrete Research, n° 34, 2004, p. 275-281.

[WIT 76] WITTMANN F. – “On the action of capillary pressure in fresh concrete”. Ce-ment and Concrete Research, n° 6, 1976, p.49-56.

[YSS 95] YSSORCHE M.-P. – Microfissuraton et durabilité des bétons à hautes perfor-mances. Doctorat de l’Institut national des sciences appliquées, Toulouse, 1995.

216