comment réussir par la ratologie

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Mathieu Demange DNSEP 2011 ERBA Besançon

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Mémoire DNSEP 2011 Mathieu Demange ERBA Besançon

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Mathieu Demange DNSEP 2011 ERBA Besançon

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Présentation

Psychologie de l’echec et confiance en soiHow-to Books, les livres « mode d’emploi »

La perception de l’échec Identification d’une authentique science du raté

Gardez-vous d’arriverLa ratologie

Manifeste de la ratologie

de l’objet fantasmé à l’objet concretRêve d’un futur parfait

L’objet créé par l’hommeCréateurs de rêves

Apparition et évolution du dessin industrielDe l’utopie de la créativité à la réalité

De l’échec à la réussite

Une esthétiqUe simPleLa simplification et l’efficacité de la représentation

retoUr vers le fUtUr dU Passé

bibliograPhie

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Présentation

Après avoir passé un baccalauréat technique en concep-tion de produit industriel, j’ai eu envie de continuer mes études vers un domaine plus créatif. Mon entrée aux beaux-arts fût une réelle rupture avec mes études pré-cédentes, les premières années ont été le moment d’une découverte et d’étonnements, entre deux cultures très différentes, d’un côté, la discipline et la rigueur du dessin technique et de l’autre, la liberté et l’ouverture d’esprit des beaux-arts. Curieux mélange. Mais très vite, j’ai trou-vé dans le graphisme un équilibre qui me correspondait, un côté technique et méthodique et des possibilités de créations infinies. L’objet a toujours suscité une fascina-tion chez moi, cette attirance a souvent été au centre de diverses réalisations.

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Psychologie de l’échec et confiance en soi How-to Books, les livres « mode d’emploi »

«Voici un livre qui a obtenu, en Amérique, un succès foudroyant. Pourquoi ce succès ? Dans son avant-propos, l’auteur explique qu’il est dû au fait que son ouvrage : d’abord répondait à un besoin, en-suite qu’il est le seul de son genre.Est-ce exact ? Nous pensons que oui. Et le lecteur, arrivé à la dernière page, sera croyons-nous, de notre avis. Sans doute, le but immédiat que se propose l’auteur, c’est d’ensei-gner à son lecteur à réussir, à « ar-river », comme on dit. Et l’on verra que, dans cet ordre d’idées, il donne des préceptes d’une rare efficience.» 1

Ceci est l’avant-propos du livre de Dale Carnegie, Com-ment se faire des amis pour réussir dans la vie parue aux Édi-tions Hachette en 1938, Un livre trouvé par hasard chez un bouquiniste. D’abord attiré par le graphisme de la couverture, je me suis penché sur le contenu un brin dé-

1 Dale Carnegie, Comment se faire des Amis pour réussir dans la vie, 1938

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calé avec notre temps, « Comment se faire des amis pour réussir dans la vie » – Mark Zuckerberg s’est peut-être inspiré de ce livre lorsqu’il a créé Facebook.Mais il y a une chose très drôle dans ce le livre : à l’origine, les livrets n’étaient pas massicotés et donc pour pouvoir lire le livre, il fallait déchirer la tranche des pages et dans mon exemplaire, seule une petite partie avait été déchirée. À croire que la personne qui avait décidé de « réussir » sa vie a trouvé son bonheur dans les premières pages de ce « mode d’emploi » … ou alors, elle s’est vite rendu compte que le contenu de ce livre n’était qu’une vision superficielle de l’amitié et de sa possibilité d’une idée très stéréotypée de la réussite.

Aujourd’hui, il existe de nombreux livres de ce genre, dans des domaines très variés qui vont du jardinage (Comment réussir vos haies) à des sujets beaucoup plus sérieux et plus personnels (comment réussir sa vie). La tentation est forte de vouloir trouver LA recette pour réussir tout ce que l’on entreprend en exposant toutes les promesses d’une vie meilleure, ce type de livre sans littérature ne donne en aucun cas de réelles solutions, mais plutôt des conseils plus ou moins efficaces. Ils exposent souvent une vision artificielle de la réussite et hors contexte, sans prendre réellement en compte la personnalité du sujet, ses aspi-rations, et naturellement son histoire. Certains affirment que le meilleur moyen pour réussir est sûrement d’ap-prendre en essayant et en se trompant. On apprend par l’expérience et non en appliquant des simples préceptes : la réussite est une action empirique. Dans le roman ina-

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chevé de Gustave Flaubert, Bouvard et Pécuchet publié en 1881, deux petits fonctionnaires décident de passer en re-vue toutes les sciences et le savoir qu’il s’agisse, de philo-sophie, théologie, éducation... et tentant d’en apprendre tous les rudiments dans les livres, pontifiant à outrance et cherchant à en tirer une synthèse globale. Ils applique-ront sottement les théories jusqu’à leur ruine.

« Bien souvent, en tournant le dos à ces pieux conseils, on peut être plus heureux qu’en les suivant !Il est impossible d’édifier une théorie valable pour tous » 1

Depuis la nuit des temps, l’homme est à la recherche du bonheur, de son bonheur et pour certains du bonheur universel. Un état de satisfaction parfaite, de contentement du corps, du cœur et de l’esprit. La recherche du bonheur est un principe classique dans la philosophie antique. Tous les hommes cherchent de fait le bonheur, mais ils peuvent néanmoins se tromper dans la voie qui y mène. Aristote écrit en effet dans La Politique : « Tous les hommes aspirent à la vie heureuse et au bonheur, c’est là une chose manifeste ». 2

De nos jours encore, l’homme recherche cet idéal : quelque chose que l’on conçoit, que l’on s’imagine comme ce vers quoi doivent tendre nos actions. Entre-prendre une recherche de son propre bonheur, d’une vie heureuse cela semble à priori s’occuper de sa vie, accumuler ce qui devrait nous conduire au bonheur.

1 Dominique Noguez, Comment rater complètement ça vie en onze leçons, 2002

2 Aristote, La politique, IVe s. av. J.-C.

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Couvertures de livre extraites de la collection de Dana Wyse Recipe for life (recette de vie)

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Mais en quoi consiste le bonheur, voilà qui n’a jamais cessé d’être débattu. Le philosophe Robert Spaemann a écrit dans un essai sur la vie heureuse : « Varron et, à sa suite, saint Augustin ne dénombraient pas moins de deux cent quatre-vingt neufs opinions sur le bonheur. Tous les êtres humains veulent être heureux. » Et Spaemann cite ensuite la sagesse de l’histoire juive dans laquelle un fils dit à son père qu’il veut épouser Mlle Katz. Mais, ob-jecte le père, la demoiselle n’a pas de dot. Le fils s’en-tête. Il ne sera heureux qu’avec Mlle Katz. Sur quoi le père lui rétorque : « être heureux, mais quel bien cela te fera-t-il ? » 1

Le besoin d’accomplissement de soi est une forme du bonheur, il se traduit par un désir de comprendre, de connaître et de se réaliser. Les études, le travail, le rapport aux autres ou la création constituent des formes d’accom-plissement de soi.Mais existe t-il des règles à suivre pour trouver ce bon-heur ? Depuis le début du XXe siècle et l’avènement de la psychologie moderne, un type de littérature a vu le jour dans le but de nous permettre de poursuivre, de créer, de trouver, d’atteindre notre bonheur, ce sont les livres dits « pratiques », les How To Books en anglais, des livres mode d’emploi en quelque sorte.Ces livres qui traitent du développement personnel, ren-voient à toutes les activités proposant de développer une connaissance de soi, de valoriser ses talents et potentiels, de travailler à une meilleure qualité de vie et à la réali-sation de ses aspirations et de ses rêves. Les théories de

1 Robert Spaemann, Notions fondamentales de morale, 1981

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développement personnel d’Occident ont été fortement influencées par Aristote. Son concept de « Bonne Vie », engage l’individu à développer ses vertus (arêtè) pour at-teindre l’« eudaimonia », que l’on traduit communément comme « le bonheur » mais doit être plus correctement compris comme « le bien-être » ou « le bien vivre ». La plupart des théories actuelles de développement humain et de psychologie positive se réfèrent implicitement à l’eudémonisme aristotélicien, courant philosophique qui pose comme principe que le bonheur ou le savoir être est le but de la vie humaine.

C’est principalement les travaux d’Alfred Adler (1870-1937) et de Carl Gustav Jung (1875-1961) qui ont été associés au développement personnel, notion qui n’existait pas à leur époque. Alfred Adler refusa de limi-ter la psychologie à son rôle thérapeutique en insistant sur l’idée que les aspirations humaines sont tournées vers l’avenir et pas seulement le fruit de moteurs inconscients ou d’expériences infantiles. Fondateur de la psychologie individuelle, il est aussi à l’origine du concept de « style de vie », qu’il définit comme une approche personnelle de la vie, où chacun se forge une image de soi et pos-sède sa manière de faire face aux problèmes. Ce concept a influencé le management qui l’a traduit par la recherche d’un équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle. (élève de Freud il s’opposeront sur ce qu’on peut appe-ler une psychanalyse du Moi, qui aura un réel succès aux USA, sous la forme d’une psychologie adaptative). La plupart des concepts du psychanalyste suisse Carl

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Gustav Jung ont inspiré les théories modernes du dé-veloppement personnel, tels la synchronicité, les arché-types, l’inconscient collectif, la vision du rêve et surtout le concept central dans sa théorie, d’« individuation ». L’individuation traduit le processus par lequel un indi-vidu devient une totalité, suivant l’archétype du Soi. Pour Carl Gustav Jung, l’individuation est un processus de dif-férenciation psychologique, destiné à harmoniser les rap-ports du conscient avec l’inconscient et ayant pour but le développement de la personnalité de l’individu. Le concept des stades de vie a été développé dans les années soixante-dix par le chercheur Daniel Levinson (1920-1994) dans une perspective psycho-sociologique. Bien que les sociologues ont dû réviser les stades dé-crits par Levinson, sa contribution principale pour la recherche en développement personnel est l’influence des aspirations dans le parcours du jeune adulte, ce qu’il appela le « Rêve » : « Quelle que soit la nature de son Rêve, le jeune homme à la tâche de le développer en lui donnant plus de clarté et en trouvant des moyens pour le vivre. Il y a une grande différence dans son développe-ment entre une structure de vie imprégnée et conforme à ce Rêve ou bien en contradiction avec lui. Si le Rêve reste déconnecté de sa vie, il peut simplement disparaître et avec lui la sensation de vivre et d’avoir un but. » 1

Pour revenir à la recherche en psychologie sur le dé-veloppement personnel, Albert Bandura a entrepris des recherches pour comprendre comment certains, plus que d’autres, parvenaient à atteindre leurs objec-tifs. Il a montré que la confiance dans sa propre réus-

1 Daniel Levinson, Seasons of a Man’s Life (Les saisons de la Vie d’un Homme), 1978

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site est un des facteurs qui explique le mieux pourquoi des individus ayant le même niveau de connaissances et de compétences ont des résultats si différents. Selon A. Bandura, la confiance en soi est donc un indice puis-sant du succès car : elle permet d’accepter le succès quand il arrive ; elle facilite la prise de risques au travers d’objectifs élevés ; elle engage à continuer d’essayer si on n’atteint pas l’objectif du premier coup ; elle aide à contrôler ses émotions et ses peurs quand le chemin du succès est difficile. la perception de l’écHec

« Beaucoup rêvent de succès. À mon sens, le succès ne peut être at-teint qu’après une succession d’échecs et d’introspections. En fait, le succès représente 1% de votre travail qui comporte lui, 99% de ce qu’on peut appeler échec. » 1

Tout d’abord, qu’est-ce que réussir dans notre société ? Réussir fait partie de la politique actuelle. À l’époque de la performance (au sens économique), de l’excel-lence, ne pas réussir s’associe au manque d’aptitude, au manque de volonté. Alors, nous devons continuer à don-ner l’image de la réussite. Nous nous devons de jouer les

1 Soichiro Honda, Good Mileage: The High-Performance Business Philosophy of Soichiro Honda

(Bon kilométrage : la philosophie Très performante d’affaires de Soichiro Honda), 1995

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héros que rien n’atteint. Il faut bien paraître. S’efforcer d’être le parent parfait, l’amant parfait, le petit garçon parfait, la petite fille parfaite, la femme parfaite, le mari parfait, comme dans le film American Beauty, 1 critique du mode de vie américain : pas trop d’émotions, pas trop de risques, prudence, logique, rationalité.Nous sommes dans une société impitoyable où ne pas réussir est suspect comme demander de l’aide est syno-nyme de faiblesse, de dysfonctionnement, de ratage et on pense ici par exemple à la phrase malheureuse de Jacques Séguéla : « Si à 50 ans on n’a pas une Rolex, on a quand même raté sa vie ! » 2

Les échecs peuvent être vus comme des expériences d’apprentissage comme pour les enfants : aujourd’hui, ils n’ont plus aucune chance de devenir autonomes ou responsables : on ne les laisse pas rater, se tromper, com-mettre des erreurs, on leur balise tout.Le devoir des parents est de laisser les enfants faire des « bêtises » sous leur surveillance pour qu’ils puissent inter-venir pour éviter les bêtises graves. Le devoir des parents n’est pas d’empêcher les petites bêtises, mais de laisser les enfants en supporter les conséquences. C’est en tombant que les petits apprennent l’équilibre. C’est en se relevant seuls qu’ils apprennent que tomber n’est pas grave et qu’il suffit de se relever, qu’on peut refaire quelque chose pour le réussir.En grandissant, nous stigmatisons les erreurs, rater de-vient la pire chose qui puisse nous arriver.Or, si nous ne somme pas prêts à nous tromper, nous ne

1 American Beauty film de Sam Mendes, 1999

2 Jacques Séguéla pendant une entrevue avec Olivier Galzi, France 2, 2009

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produirons jamais rien d’original.Alors, oui, l’échec peut être fructueux, c’est comme cela qu’on apprend vraiment. Les livres, les études, les di-plômes sont des trames et ne sont que cela, mais ceux qui réussissent utilisent ces trames brodent dessus, gardent l’esprit critique et une grande capacité de réaction.Dans un sens, pour réussir, il faut RATER !

identification d’une autHen-tique science du raté

Commençons par un peu d’étymologie. Dans rater, il y a « rat » : c’est ce qu’il y a de plus sûr. Après cela, les interprétations divergent. Pour les uns, le verbe date du XVIIe siècle comme l’atteste son entrée dans le dic-tionnaire de l’académie en 1718 et veut littéralement dire « manquer son coup » ; d’autres, au contraire lui trou-vent de multiples significations dans des textes antérieurs, tantôt dans le sens de « ronger » tantôt dans celui de « gratter ». Le rat est un animal détesté méprisé, porteur d’épidémie.Le Littré fait remonter l’adjectif « raté, -ée » au XIIIe siècle au moins. Les exemples donnés, essentiellement alimentaires ne plaident pas en la faveur de nos amis rongeurs : « pain raté : que rat ou souris ont entamé », « canne raté : nom qu’on donne aux cannes à sucre qui ayant été entamées par les rats, s’aigrissent, deviennent

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noirâtres et ne peuvent plus servir qu’à faire de l’eau-de-vie ». Certains étymologistes rappellent que, parmi les plus anciens sens dérivés de « rat », figure celui de fantaisie malencontreuse. « Le contrat était prêt à être si-gné lorsqu’il lui prend un rat » (c’est-à-dire que l’on com-mence à rire avant peut-être de ne plus rire du tout). Il faut avouer cependant que l’idée charmante de fantaisie s’accorde mal avec notre sens moderne de rater.

Là où tout le monde s’accorde, c’est sur le lien de l’ex-pression avec les armes à feux. « on dit qu’une arme a pris un rat, lorsque le chien s’est abattu et que l’arme n’a pas pris feu », explique Furetière dans son Dictionnaire uni-versel. 1 D’où le sens principal de « rater » au XVIIIe siècle, nimbé, presque aussitôt, d’un sens figuré plus large : viser une cible et ne pas l’atteindre. Non parce qu’elle est trop lointaine, ou trop mouvante, mais parce que cette mau-vaise pétoire n’a pas fonctionné.La vie est comme cette foireuse haquebute, capricieuse et pleine de surprises, de rompiménto di coglioni, 2 comme di-sent nos amis italiens, un tas d’ennuis, une série intermi-nable de désagréments assez importants pour vous ron-ger les sangs et faire prospérer votre ulcère à l’estomac, mais sans dépasser certaines limites dans la fréquence ou l’intensité. Car autrement, on changerait de registre, on quitterait le stade du simple ratage pour entrer dans la catégorie supérieure des martyrs ou de la tragédie. Mais qui dit ratage ou malheur ne dit pas forcément ac-cablement ou dépression, car il y a des malheurs féconds

– malheurs provisoires qui précèdent de grands bonheurs

1 Dictionnaire universel, de Antoine Furetière, 1690

2 littéralement : un cassage de couilles

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et de grands succès ou malheurs définitifs, mais qui par l’alchimie de l’humour ou du talent littéraire, donneront un beau roman, un poème, une chanson triste, voire une simple histoire drôle propre à égayer les fins de banquet ou les comptoirs de Café. Bref, de ces accidents dont la sagesse populaire peut dire : « à quelque chose malheur est bon ». Et Freud à écrit à ce sujet « L’humour n’est pas résigné, il défie ; il ne signifie pas seulement le triomphe du moi, mais aussi celui du principe de plaisir, qui par-vient en l’occurrence à s’affirmer en dépit du caractère défavorable des circonstances réelles. » 1 et remarque l’auteur à propos d’une telle situation d’humour « plus originaire et plus significative : celle où quelqu’un dirige l’attitude humoristique vers sa propre personne ». 2 L’hu-mour se rapprochant des processus régressifs ou réaction-nel, souligne Freud, permet au sujet de se refuser à la souffrance « sans abandonner le terrain de la santé psy-chique » 3 par un investissement psychique en quantité importante déplacée vers le Surmoi, ce qui va modifier à partir de ce dernier les réactions du Moi. Œuvre de l’ar-tiste que de transformer, donner une forme qui, comme ici « écarte à proprement parler la réalité et se met au service d’une illusion » 4 et signerait une prise de distance d’avec le monde pulsionnel.

1 Sigmund Freud, L’humour, L’inqiètante étrangeté et autres essais, 1927

2 Sigmund Freud,. ibid.3 Sigmund Freud,. ibid.4 Sigmund Freud,. ibid.

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Gardez-vous d’arriver

« Mieux vaut voyager plein d’espoir qu’arriver au but », nous dit la sagesse japonaise (de manière assez para-doxale, la culture japonaise contemporaine prône plutôt l’élite et la réussite). Et les Japonais ne sont pas les seuls qui se méfient de l’aboutissement. Lao-Tseu recomman-dait déjà l’oubli de la tâche une fois celle-ci accomplie et Shakespeare écrivit dans son 129e sonnet

« N’en ayant pas sitôt joui on le méprise,Ce pourquoi l’on ardait, sitôt qu’on l’eu,On le hait, comme l’appât gobéÀ dessein offert pour af-foler le gobeur... » 1

Et l’on pense à Oscar Wilde et à son aphorisme célèbre et souvent plagié : « Il est deux tragédies dans l’existence : l’une est de ne pas réaliser son rêve ; l’autre est de le réa-liser. » 2 Le séducteur de Hermann Hesse (dans le poème qui porte ce titre) implore en ces termes la personnifica-tion de ses désirs : « Résiste-moi, jolie femme, boutonne bien ta robe ! Enchante-moi, tourmente-moi – mais ne m’accorde pas tes faveurs » 3 , car il sait fort bien que « la réalité détruit le rêve ». Alfred Adler s’est affronté à ce problème. Son œuvre traite pour une bonne part du

1 Shakespeare, Sonnets, 16092 Oscar Wilde, L’Éventail de Lady Windermere, 1893

3 Hermann Hesse, Der Verführer (Le séducteur), 1962

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style de vie de l’éternel voyageur qui prend grand soin de ne jamais arriver … Pour décrire son idée fondamentale, non sans la simplifier afin de l’exposer dans le cadre de notre recherche, les règles de ce jeu avec l’avenir sont les suivantes : on considère en général qu’arriver – au sens littéral comme au sens métaphorique – est l’un des prin-cipaux critères de la réussite, du pouvoir et de l’estime de soi. D’un coureur cycliste on dira : « il était à l’arrivée » ; d’un ambitieux sans scrupule : « c’est un arriviste », etc.Du même coup, échec et nonchalance sont considérés comme signe de bêtise, de paresse, d’irresponsabilité ou de lâcheté. Pourtant, la route du succès est pénible car elle requiert beaucoup d’efforts – et l’effort le plus intense risque encore de connaître l’échec. Qui voudrait se don-ner tant de mal pour rien ? C’est pourquoi, plutôt que de s’engager dans une « politique des petits pas » en direc-tion d’un quelconque objectif raisonnable et accessible, nombre d’individus trouvent malheureusement fort utile de se fixer un but sublime. Vous devriez être désormais en mesure de saisir d’emblée les avantages d’une telle stratégie. Le renoncement ascétique aux satisfactions les plus terre-à-terre de l’existence emportent généralement l’approbation enthousiaste de la société. Mais il y a plus : si le but est prodigieusement élevé et lointain, les plus bêtes comprendront que le chemin sera long et pénible et que le voyage exigera des préparatifs eux-même inter-minables dans leurs minutie. Personne n’osera donc nous jeter la pierre si nous ne nous sommes pas encore mis en chemin ou si nous nous somme perdus en route, ou encore si nous tournons en rond ou nous accordons une

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halte pour reprendre notre souffle. L’histoire, la littéra-ture abondent en exemples prestigieux et héroïques de chercheurs égarés dans des labyrinthes ou échouant tra-giquement dans l’accomplissement de quelque tâche su-rhumaine. Ils nous permettent, à nous autres chercheurs de moindre acabit, de nous abriter derrière leur gloire. Mais ce n’est point là toute l’affaire. Même quand le but est particulièrement sublime, le fait de l’atteindre recèle en soi un danger spécifique, commun dénominateur des citations par lesquelles s’ouvrait ce chapitre, à savoir : le désenchantement qui résulte de la réussite. C’est un dan-ger que, consciemment ou inconsciemment, l’amateur de malheur connaît bien. Tout porte à croire que le créateur de notre monde l’a organisé de manière que le but inac-cessible paraisse infiniment plus désirable, romanesque et extatique que le but atteint. Ne nous y trompons pas : la réussite aux examens de fin d’études n’apporte guère que de nouvelles complications et responsabilités ! Te-nez-vous à ce qu’on dise de vous comme Hubert Lucot d’une de ses connaissances : « Il a réussi son existence. / Il s’emmerde » ? 1 Chiante, oui et stérile en plus, pour les individus comme pour les peuples, les fameux peuples-heureux-qui-n’ont-pas-d’histoire ! Qui a dit (une réplique dans Le troisième Homme par le per-sonnage que joue Orson Welles) : « L’Italie sous les Bor-gia a connu trente ans de terreurs et de sang, mais cela a donné Vinci, Michel-Ange et la renaissance ; la Suisse a connu la fraternité, cinq cents ans de démocratie et de paix et qu’est-ce que cela a donné ? Le coucou » ? 2

1 Hubert Lucot, Frasques, 2001 2 Le Troisième homme (The Third man) film de Carol Reed 1949

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la ratoloGie

« Quand c’est infaisable, faites-le. Si vous ne le faites pas, ça n’existe pas. » 1

L’homme n’est guère fait pour s’accommoder de la pure béatitude. Il est plus que temps de mettre au rancart les contes de bonne femme qui voudraient nous faire croire que la chance, le bonheur et la satisfaction sont tout ce qu’il convient de désirer dans l’existence. Il y a trop long-temps que l’on nous dit – et que nous croyons naïvement – que la poursuite du bonheur débouche sur le bonheur.

Rater est un droit inaliénable, ce n’est pas une fatalité, il faut arrêter de faire porter à ceux qui font preuve d’au-dace et prennent le risque d’essayer la marque infâme et durable des perdants. Il faut réhabiliter la valeur de l’échec, car sans échecs, le succès n’est rien, ils sont les deux faces d’une même pièce. L’échec est la condition du succès, car à vaincre sans péril, on triomphe sans gloire, Il faut cultiver l’échec, célébrer ses erreurs ses difficultées. L’échec ne fait pas de nous des perdants. L’échec doit de-venir notre philosophie de vie. Échouez, échouez encore, échouez mieux comme le disait si bien Samuel Beckett. 2 Rappelez-vous que tout progrès humain est dû aux gens qui échouent, alors n’ayez plus peur de l’échec.Le chemin vers la réussite est pavé d’échec, le film

1 Paul Arden, Vous pouvez être ce que vous voulez être, 2004

2 Samuel Beckett, Cap au Pire (Worstward Ho), 1983

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Citizen Kane d’Orson Welles 1 est un très bon exemple. Per-sonne n’y croyait ; on les a forcés à y croire.Orson Welles ne trouvait pas d’investisseurs, personne n’acceptait d’investir dans un projet sans comprendre l’interet de telles dépenses car pour juger, un simple des-criptif ne suffit pas. il faut du concret. Welles voyait les portes se fermer. Mais avec beaucoup de persévérence, en quémandant et en empruntant de l’argent ici et là, à force de solliciter les investisseurs, de les attendrir de les supplier, de les séduire, il a pu construire les décors, payer les acteurs et tourner des bouts d’essais. À la fin, il avait réalisé un tiers de son film.Son film existait. Les investisseurs, ont pu juger sur pièce. Il a obtenu de l’argent et à pu terminer le film.S’il avait baissé les bras devant son projet soi-disant irréa-lisable, il n’aurait fait qu’allonger l’interminable liste des idées jamais concrétisées.Le ratage est inscrit dans la mémoire de l’espèce humaine, loin d’en concevoir de l’amertume ou de la résignation, nous devons en tirer les conséquences.

Benjamin Franklin a dit : « Je n’ai pas échoué, j’ai eu 10 000 idées qui n’ont pas marché. » 2

Thomas Edison a dit : « Chacune des 200 ampoules qui n’ont pas fonctionné m’a appris quelque chose dont j’ai pu tenir compte pour l’essai suivant. » 3

Ils ont tous compris que la voie du succès est pavée d’échecs et de tâtonnements.

1 Citizen Kane, film de Orson Welles 1940

2 Benjamin Franklin, Moi, Benjamin Franklin : Citoyen du monde, homme des Lumières, 20063 Thomas Edison, www.thomasedison.com /quotes

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manifeste de la ratoloGie

Échec, bide, déboire, défaite, éclipse, faillite, fiasco, four, insuccès, naufrage, revers, veste, malchance, adversité, déveine, fatalité, hasard, infortune, mésaventure, poisse, scoumoune, tuile, avorté, capoté, cuit, défectueux, échoué, foiré, gâché, imparfait, loupé, manqué, perdu, désastre, banqueroute, calamité, cataclysme, catastrophe, déconfiture, déroute, fléau, malheur, ravage, ruine, sinistre.

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de l’objet fantasmé à l’objet concretrêve d’un futur parfait

À chaque présent son futur. Synonyme de progrès ou de chaos, l’avenir alimente toutes sortes de fantasmes. Re-garder dans le rétroviseur permet donc de mesurer à quel point les temps à venir sont insaisissables.Dans les premières décennies du XXe siècle, le futur est le terrain de jeux favori d’ingénieurs à l’imagination dé-bordante. C’est l’heure moderne, le temps où la science étend le champ des possibles. De l’autre côté de l’Atlan-tique, les unes du mensuel technophile Popular Science ex-pose déjà de drôles d’inventions, témoins d’un âge où l’on invente demain pour s’en approcher à toute vitesse. Un voyage dans le temps, en quête d’images parfois vision-naires, souvent loufoques, mais toujours édifiantes.

Aujourd’hui, à peine annonce-t-on un progrès technique que le monde objecte, unanime : ça ne marchera jamais, c’est trop cher, c’est trop dangereux (cela se peut par-fois), ce n’est pas nécessaire... Dans le regard que nous posons sur le futur, expérience oblige, la crainte l’em-porte sur l’espoir. Ce négativisme fait paraître d’autant plus insolite les audacieuses visions du progrès insépa-rables des années 1930, 1940 et 1950. Cette période qui s’étend pratiquement sur une quarantaine d’années,

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Couverture du magazine technophile Popular Sciences, 1933

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apparaît rétrospectivement, comme un âge d’or d’un incorrigible op-timisme. La foi en un monde meilleur et des lendemains qui chantent a soutenu l’Amérique dans sa traversée du malaise consécutif à la Pre-mière Guerre mondiale, de la crise économique de 1929 puis de la Seconde Guerre Mondiale.Une foi en soi doublée d’une foi aveugle en la technologie comme bien absolue faisait avancer l’époque. Et à l’aune de ce que la technolo-gie avait apporté aux citoyens du XXe siècle, comment lui résister ? Aéronautique, radio, automobile, rayons X, gratte-ciel, cinéma, Baké-lite, Cellophane … Les progrès des sciences appliquées étaient si spec-taculaires, qu’on pouvait s’imaginer que tout ou presque était possible.Avec le recul, cette ère d’optimisme et sa foi dans le futur nous apparaît d’autant plus émouvante et savoureuse. Nous mesurons à présent l’am-pleur de sa naïveté et rien n’est plus tentant que de ricaner à la vue de cet univers trop candide. Mais il faut résister à cette tentation. Le futu-risme populaire, partage avec les religions établies une maxime impli-cite : endurez aujourd’hui, vous serez récompensé demain. Cette vision d’un avenir radieux, même illusoire, a donné à bon nombre d’Améri-cains enlisés dans un présent ingrat, le cœur de travailler dur. Loin de nous l’idée d’une apologie mais il est un constat, cette idéologie aurait enflammé et libéré les imaginations des créateurs et de leur public et donc élargi l’horizon de tous.

Couverture du magazine technophile Modern Mechanix, 1934

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29Couverture du magazine technophile Popular Sciences, 1939

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L’objet créé par L’homme

Comme suite à cette réflexion, je voudrais aborder ici un point parti-culier de cet esprit d’invention, dans quelques unes de ses applications tangibles dans le panorama de notre vie moderne, m’intéressant ce-pendant à la catégorie très vaste des choses matérielles de notre quoti-dien qui existent par le fait d’avoir été produites, directement ou indi-rectement, par l’homme. Débarrassés ainsi de la fascination pour des objets hors du commun, nous nous trouvons mieux à même d’analyser une démarche par laquelle, imperceptiblement, mais de façon conti-nue, se modifie jour après jour notre environnement familier : notre lieu de travail, notre intérieur domestique, nos équipements collectifs.

Voici un exemple pour mieux comprendre comment en l’espace d’un demi siècle l’homme a créer une société autour de l’objet.La première ampoule électrique, les premiers bas nylon, la Ford T. De vraies innovations qui vont bouleverser la face du monde. Mais il y a un point commun entres ces objets, ils sont tous les trois inusables ils possèdent une durée de vie bien supérieur à ce que l’on connait aujourd’hui. Une aubaine pour le consommateur de l’époque mais pas pour les industriels qui vont mettre un frein à ce remarquable avantage. En effet, la révolution industrielle, la production en série, et la société de consommation vont donné naissance avec l’apparition aux États-Unis de l’American way of life (en français : le « style de vie américain » une expression désignant une éthique nationale ou nationaliste améri-caine qui prétend adhérer aux principes élaborés dans la Déclaration d’indépendance des États-Unis : la vie, la liberté et la recherche du bonheur) à ce que l’on appel l’obsolescence programmée (ou désuétude planifiée). Une pratique qui à pour but de limiter la vie des objets et ainsi obliger le consommateur à acheter sans cesse de nouveaux objets. Victor Lebow un économiste américain publiera en 1955 un article sur

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la consommation de masse : « Notre économie énormément produc-tive éxige que nous fassions de la consommation notre style de vie, que nous convertissions l’achat et l’utilisation de marchandises en rituels, que nous cherchions notre satisfaction spirituelle et celle de notre ego dans la consommation, nous avons besoins que la marchandise soit consommée, usée, remplacée et jetée à un taux toujours plus rapide. » 1

Mais il existe encore un autre facteur qui participe à ce mode de vie gaspilleur qui est l’obsolescence perçue. Ou la notion de design appa-rait dans le but de démoder rapidement un produit. Brooks Stevens alors designer industriel souhaite non pas faire des produits de mau-vaise qualité, mais les renouveler tous les ans via la mode. Il produit de nombreux objets (voitures, motos, tondeuses, aspirateurs et autres articles ménagers …) dont les modèles sont sans cesse renouvelés. Se-lon Stevens, il faut « inculquer à l’acheteur le désir de posséder quelque chose d’un peu plus récent, un peu meilleur et un peu plus tôt que ce qui est nécessaire ». 2 Le but de Stevens et de faire naître chez le consommateur un désir insaisissable d’acquérir le produit dernier cri au design novateur sans qu’il en ai réellement besoin.

créateurs de rêves

Ces objets sont créés par des ingénieurs. Depuis qu’ils existent, c’est-à-dire depuis bien avant qu’on leur ait donné ce nom, et poétiquement on peut penser que les ingénieurs sont sollicités pour donner forme aux idées, aux rêves des autres hommes : voler, abolir l’espace et le temps, dominer la nature. Dans « ingénieurs » il y a « engin », mais aussi « gé-nie », et c’est en ayant recours aux ressources de la mécanique et des autres techniques mises en œuvre par les hommes que les ingénieurs créent les machines qui les font rêver et rêver les autres.

1 Extrait de the Journal of Retailing, 19552 Industrial Strength Design: How Brooks Stevens Shaped Your World, 2003

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Croquis d’une machine volante apparenté au principe de l’hélicoptère extraite des carnets de Léonard de Vinci

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Mais beaucoup de ces inventions n’ont qu’une vie éphémère. Elles n’ont parfois, souvent, pas de descendance directe, ce qui ne veut pas dire pour autant qu’elles ne sont pas porteuses d’avenir. Qu’il s’agisse du fardier de Cugnot, du dirigeable l’Avisol ou du Photophone de Graham Bell, ces inventions souvent oubliées font partie de notre patrimoine technique et restent les seuls témoins de rêves d’ingénieurs imaginés trop tôt, hors d’un contexte technologique facilitateur (on pense aux composants) ou encore avant même qu’un besoin ne se soit fait jour.L’invention n’a souvent pas de suite, alors que l’innovation entre dans notre quotidien. La seconde a une fonction sociale alors que la pre-mière ne quitte pas le domaine du plaisir, de l’imaginaire.Léonard de Vinci était un prophète en matière d’ingénierie, non seu-lement plusieurs de ses inventions tiendraient une place plus impor-tante dans l’histoire des techniques que la Joconde dans l’histoire de la peinture, mais il mériterait le titre de « plus grand ingénieurs de tous les temps » car dans de multiples domaines, ces carnets annonçaient des avancées technologiques qui ne prendront corps que dans les siècles suivants. Cette inventivité est d’autant plus extraordinaire que les moyens techniques contemporains demeuraient relativement rudi-mentaire. Léonard de Vinci se révelerait ainsi un véritable visionnaire capable d’imaginer l’ancètre de l’avion ou du sous-marin. apparition et évoLution du dessin technique

A partir des œuvres du Moyen Âge et jusqu’aux carnets des ingénieurs de la Renaissance, on assiste à une évolution progressive de la simple description littérale vers le dessin qui deviendra alors le vecteur privilé-gié de la connaissance technique.

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Les carnets d’ingénieurs sont des recueils où chacun notait tout ce qu’il avait pu observé d’intéressant pour son métier, tout ce qui avait attiré sa curiosité et son attention. Entre Villard de Honnecourt et Léonard de Vinci ces quelques 150 carnets d’ingénieurs constituent une sorte de catalogue de fabriquant, de consultants itinérants en technologie, avec toujours une interrogation, une recherche des fondements de leur art. 1

Ces carnets sont progressivement couverts de dessins qui seront à l’ori-gine du dessin technique. Ils conduiront à la Renaissance aux « théâtres de machines » qui sont des machines en représentation avec des gra-vures présentant des coupes et des éclatés, le tout complété de quelques explications sommaires.Progressivement apparaissent de nouveaux ouvrages où l’auteur réunit tout ce qui concerne une fabrication donnée avec un esprit critique mais pas encore scientifique. Avec le développement du capitalisme industriel au XVIe siècle, mais également de l’imprimerie, la réalisa-tion de ces ouvrages impose une codification des savoirs aléatoires et donc la rationalisation de ces savoirs industriels. 2 Dans le domaine de la métallurgie, on citera par exemple Georgius Agricola en Allemagne ou encore Vannoccio Biringuccio en Italie. Ainsi naissent des traités de canonnerie, de distillerie, de teinturerie, d’architecture ou encore d’ur-banisme qui attestent de la constitution progressive d’une technique ordonnée.À la fin du XVIIe siècle apparaît la « véritable description » avec l’aca-démie des sciences et Colbert. La Description des Arts et Métiers puis l’encyclopédie de Diderot et d’Alembert suivront cette même voie. Pro-gressivement tout secteur technique aura son traité et toute l’Europe occidentale participera à ce mouvement. Les revues techniques appa-raissent à la fin du XVIIIe siècle comme le « Journal » puis les « Annales » des mines (1794), le Journal des Arts et Manufactures (1795) ; suivront les « Annales agronomiques » au cours du XIXe siècle. 3 Enfin, le XIXe siècle verra l’abandon des théâtres de machines et des descriptions au profit du traité technique du fait de l’avancement des sciences et de l’alliance renforcée entre la science et la technique.

1 Robert Halleux, Le savoir de la main, ar-chive France Culture.com, La marche des sciences. Consulté le 4 février 2010 2 Robert Halleux, ibid.

3 D’Olivier de Serres à René Dumont, portraits d’Agronomes, Jean Boulaine, Jean-Paul Le-gros, 1998

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Extrait du carnet de Francesco di Giorgio Martini, 1470

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Les premières représentations sont des dessins d’ensemble, elles s’enri-chiront progressivement des détails de diverses parties de la machine ou encore de planches présentant l’ensemble des outils nécessaires à un métier (l’encyclopédie). Viendront ensuite les représentations gra-phiques avec le souci de la cotation, comme chez Lorenzo Ghiberti pour la fonte des cloches au XV e siècle ou Matthew Baker pour la construction des navires. Celles-ci évolueront vers le dessin coté puis le dessin industriel (XVIIIe siècle) avec coupes, plans, profils et sections.À partir des années 1950, le dessin industriel fera l’objet de recherches et développements pour son informatisation et les grands industriels de l’automobile (Renault, General Motors) et de l’aéronautique (Boeing, Das-sault) financeront les premiers logiciels de dessin assisté par ordinateur (DAO) en deux dimensions qui deviendront disponibles commerciale-ment à partir des années 1960. Pierre Bézier, ingénieur chez Renault qui avait comme préoccupa-tion d’offrir au dessinateur un moyen simple et puissant pour créer des formes et pour faciliter la programmation des machines à com-mande numérique. De ses recherches découla ce qui sera nommé la courbe de Bézier, des formules mathématiques permettant de tracer des courbes à l’aspect parfait grâce au placement de points d’ancrage et de tangentes qui vont en modifier la courbure. Afin d’utiliser concrè-tement les courbes et surfaces de Bézier, un logiciel fut créé : Unisurf. Il est à la base de tous les logiciels de dessins vectoriels créés par la suite comme Adobe Illustrator.Les courbe de Bézier se retrouvent dans les logiciels de CAO (concep-tion) et FAO (fabrication) utilisés par toutes les industries à travers le monde.

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Études techniques pour boitier et bracelet de la montre Lip Mach 2000 de Roger Tallon, 1974

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de L’utopie de La créativité à La réaLité

Comment les ingénieurs, les créateurs rêvent un objet, le conçoivent et le réalisent-ils ? Du passage de l’idée au dessin jusqu’à l’objet fini en passant par le prototype, le processus de création est long et semé de difficultés comme l’explique Charlotte Perriand (1903-1999) lors d’une entrevue pour l’exposition créer un produit au centre George Pompidou en 1983.1

Le rêve et la nécessité

« Comment naît une idée ? il y a deux choses. Ce peut être tout à coup une idée qui germe, qui germe en marchant, qui germe en se baignant, en dormant, et on se dit tiens, c’est une idée ! Une idée c’est comme un rêve, pour commencer et pas forcément un rêve que l’on crée tout de suite. Si c’est une idée, ça n’existe pas, ça n’existe que parce qu’on a eu l’idée. À ce niveau presque subconscient, je note sur un papier et je range dans un dossier où j’écris « idées ». L’idée n’a pas de valeur jusque-là. Elle n’a de valeur que si un jour je feuillette ce dossier et je me dis, tiens, ce n’est pas si mal, et je la sors. Ou bien je me dis, c’est complètement farfelu, ou c’est bien dépassé, ou tiens, ça c’est déja fait ! Voilà ce que peut devenir une idée qui jaillit comme ça, qui vient presque du subconscient. Ensuite et indépendamment de ce côté de liberté et de subconscient, les idées ne trouvent pas un objet dont on a besoin, qu’apparemment il n’existe pas, alors, si on en a vraiment besoin, il n’y a qu’une solution, c’est de le créer. On analyse d’abord pourquoi il n’existe pas, pourquoi on en a besoin, à quelle fin doit-il répondre ? Ce peuvent être des fins de gestes, des fins économiques –

1 Propos recueillis par Cécile Mihailovic

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l’objet existe mais à des prix impossibles – ou des fins volumétriques – l’objet existe mais trop grand –, etc. Donc, ça me fait chercher dans l’idée que je me fait de l’objet dont j’ai besoin ou dont d’autres per-sonnes peuvent avoir besoin.

Le rêve au pays des contraintes

Il y a une part intuitive. Je ne suis pas peintre, sinon je dirais comme Picasso : « Ça ne s’explique pas, ça se sent. » Un peintre est libre de ses couleurs, de son pinceau et de sa toile. Mais comme nous sommes des créateurs de produits finis, élaborés artisanalement ou industriellement, nous avons toutes les contraintes des techniques, de l’usager et des fi-nances. Ces contraintes font partie de la création. Pas du tout dans le sens négatif, mais au contraire dans le sens positif. Elles nous obligent à réfléchir sur des données exactes, précises et, partant de là, à créer quelque chose qui réponde à ces contraintes. Là je ne suis plus dans l’abstrait, je suis dans du réel.Mais mon rêve, personnellement, continue tout de même. il continue parce que j’imagine utiliser moi-même ces objets, et les utiliser selon mon éthique et ses critères. Un objet peut être utilitaire, être parfaite-ment bien, être économique, mais il m’emmerde. Alors, il lui manque quelque chose ? C’est à dire qu’il faut aller au-delà et c’est peut être la part de rêve ? Aller au-delà d’une technique pure.À partir du moment où l’on crée une forme, je dis toujours qu’il faut la créer généreusement. C’est-à-dire qu’il y a, à un moment donné, l’hu-main qui passe dedans, même si c’est produit à des millions d’exem-plaires. La machine a ceci de propre, c’est qu’elle reproduit, techni-quement, exactement ce que l’on crée. Mais l’exactitude ne doit pas faire peur. On peut produire des objets exacts qui soient parfaits et qui soient aussi humains par rapport à moi, créateur ou utilisateur.

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Le rêve, le concret

Créer, c’est peut-être une des plus belles chose qui soit. D’ailleurs, quand vous êtes dans un sujet à créer, vous êtes entièrement dedans. Quand vous vous couchez le soir, vous y pensez. Dans la nuit ça mûrit. Le matin, vous venez déjà avec vos idées et, hop ! vous vous précipitez pour voir si c’est vrai sur votre feuille de papier. Et puis ça va de travers, ce n’est pas ça. Vous recommencez. Il faut savoir dire « ça ne va pas, balayons ». Jusqu’au moment où ça vient. Alors vous chantez, ça vient, ça y est, ça vient tout seul, ça coule de soi. Disons qu’avant que ça ne coule de soi, c’est un enfantement quelquefois difficile. »

de L’échec à La réussite

Outre des échecs liés à la volonté de notre société, tout objet est confronté à un moment de sa création ou de sa commercialisation à un ou plusieurs problème qui peuvent le mettre en échec. En effet, un problèmes de conception peut rendre l’objet inutilisable (dysfonction-nement de l’objet pour des raisons techniques), un problème d’ordre économique peut le rendre trop cher à l’achat ou à la fabrication, un problème lié à l’ergonomie d’utilisation (souvent problèmatique pour les nouvelles technologies) qui rend l’objet trop compliqué à utiliser. où encore un problème lié à la concurrence ou l’objet arrive sur un mar-ché déjà inondé par ses concurrents.

Problème de développement du produit, mauvaise étude de marché … beaucoup de facteurs rentrent en compte et peuvent transformer une réel innovation en énorme fiasco, un véritable échec pour l’ingénieur, le créateur, l’entreprise qui produit l’objet mais qui peut devenir fertile

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par la suite comme l’a si bien avancé Eric Schmid le PDG de Google lors d’une entrevue : « La clef de l’innovation, de la réussite, du chan-gement … c’est l’échec. Ici échouer n’est ni une honte ni un drame : bien au contraire, c’est souvent le premier acte de la réussite … mais à condition qu’on tire les bonnes leçons. Chez Google, nous célébrons nos échecs, nous sommes une compagnie où il est tout à fait normal d’essayer quelque chose de très difficile, de ne pas réussir, d’apprendre de cet échec et de l’appliquer à un autre projet » 1

Les grandes inventions ne sont-elles pas issues d’un processus d’échec ? Ne parle-t-on pas de la loi des nombres ?

Prenons un exemple concret : le fiasco du Newton de la célébre firme à la pomme Apple. Lancé en 1993, le premier bloc-notes électronique de la marque fut un échec technologique et commercial. Mais son concept est plus que jamais d’actualité :« À Cupertino, au siège d’Apple en novembre 1993, le directeur géné-ral de la division appareils électroniques personnels, Gaston Bastiaens ne pouvait que désespérer de son projet. Il avait dirigé la phase finale du développement de ce minuscule ordinateur de 450 grammes, lancé quelques mois plus tôt, en août. Ce bloc-notes électronique était très attendu par tous les aficionados de la marque. La firme leur avait pro-mis un appareil révolutionnaire, capable de reconnaître l’écriture ma-nuscrite. Le logiciel avait malheureusement d’impardonnables trous de mémoire. Il lui arrivait même de ne pas reconnaître le mot Apple écrit en majuscules !« La malédiction de la reconnaissance d’écritures avait encore frappé. Ce genre d’ap-plication n’a jamais marché », constate le Français Jean-Louis Gassée, an-cien patron de la recherche et développement d’Apple, où il avait super-visé les travaux sur le Newton de 1987 à son départ, en 1990.Survendu par John Sculley, spécialiste du marketing qui dirigea Apple d’avril 1983 à octobre 1993, le Newton avait d’abord rencontré le succès. Mais très vite, ses premiers utilisateurs, fort déçus, devinrent ses pires détracteurs. « Sculley m’en avait offert un à Boston en août 1993, Je l’ai jeté à

1 Article du journal Les Echos rédigé en avril 2011 par Stefano Lupieri

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la poubelle au bout d’une heure ! » se souvient Jean-Michel Billaut, ancien patron de L’Atelier, un centre de veille et d’analyse des nouvelles tech-nologies (devenu L’Atelier BNP-Paribas). Apple eut beau par la suite multiplier les améliorations (nouveau logi-ciel de reconnaissance d’écritures, modem pour se connecter à Inter-net …), rien n’y fit. Les ventes ne redécollèrent jamais, et le produit fut abandonné en février 1998.

Un échec cuisant pour Apple mais qui va se révéler être à la source d’un autre projet, fructueux quinze ans plus tard. Le concept était novateur. Mais il avait beaucoup trop d’avance sur les technologies disponibles. Officiellement, le Newton est sorti de l’imagination de John Sculley qui, dès la fin des années 1980, rêvait de conquérir le marché grand pu-blic avec un Knowledege Navigator (un navigateur de connaissances), un ordinateur ultraléger de la taille d’un magazine, et capable d’antici-per les attentes d’un utilisateur, comme par exemple de proposer au-tomatiquement des graphiques à partir d’une série de chiffres. C’est Steve Sakoman, en charge du développement de la partie matérielle du Macintosh, qui eut l’idée du Newton en 1987. Il voulait quitter Apple pour produire des tablettes interactives. L’entreprise décida de finan-cer son projet. Ironie de l’histoire, c’est finalement Steve Jobs, mis à la porte d’Apple par John Sculley en 1985, qui s’est le plus approché du Knowledge Navigator, avec deux appareils tactiles et mobiles, connectés à Internet : l’iPhone et l’iPad. Un succès aussi phénoménal que l’échec de son ancêtre : sur toute l’année 1996, Apple aurait vendu à peine 60.000 Newton. Entre janvier et mars 2010, la firme a écoulé plus de 90.000 iPhone par jour ! »1

1 Article Le fiasco du Newton, ancêtre de l’iPad, extrait du blog Les Echos.fr rédigé en juillet 2010 par Jacques Henno

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Iphone 3G 2010Apple Newton 1993

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Une esthétiqUe simple

La simpLification et L’efficacité de La représentation

« D’un combat de trente années, je suis sorti vainqueur. J’ai libéré l’humanité de l’ornement superflu. » 1

Dans les années 1980 les ordinateurs personnels se répandirent, dont le Macintosh et mirent à la portée d’un plus large public la puissance des gros systèmes informatiques jusqu’alors réservés à l’industrie.Le développement des outils numériques et la création de logiciel adaptés des principe du dessin industriel ont permis la démocratisation du dessin vectoriel, du bureau d’études jusqu’aux planches de bandes dessinées. Toute une génération de graphiste et d’illustrateur ont su tirer profit de ces surfaces totalement artificielles pour se démarquer et créer de nouveaux style graphique. Réduire l’image à l’essentiel, aplat de cou-leur sans effet de matière cernant la forme entre ligne claire et picto-gramme jusqu’à la réduction schématique que l’on pourrait dire logo-typé. Des tracés simples et des lignes épurées influencés par différents mouvements artistiques du début du XXe siècle (Art-Déco, cubisme, Bauhaus) qui ont imposés une volonté de simplification des formes, tant de le domaine du design d’objet, de la mode, de l’architecture, de la peinture que du graphisme.

1 Adolf Loos, Ornement et crime (Ornament und Verbrechen, 1908

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Studio Draeger, couverture de catalogue pour Nicolas, 1930

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Boris Bilinsky, Affiche du film Metropolis, 1927

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Gerd Arntz. the world motor carindustry in 1929, Isotype collection, 1929

Gerd Arntz. Carte de vœux, Isotype collection, 1936

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Alexis Kow, publicité pour Panhard, 1932

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A. M. Cassandre, Le théatre est dans la rue, 1936

A. M. Cassandre, Affiche pour les chemins de fer français, 1927

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Ladislav Sutnar, Couverture de catalogue pour Cuno Enginnering copr., 1944

Ladislav Sutnar, Couverture de catalogue pour Nicholson Co., vers 1940

Ettore Sottsass, Affiche publicitaire pour Olivetti, 1969

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Markus Löw, Acaralate 2E Geigy, packaging, 1967

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Giovanni Pintori, Affiche publicitaire pour Olivetti, 1955

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Max Huber, Couverture de catalogue pour Pirelli, 1958

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Dieter Rams, radio Braun RT 20, 1961

Dieter Rams, calculatrice Braun ET 66, 1987

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Paul Rand, Affiche publicitaire pour IBM, 1956

Otl Aicher, Waldi mascotte des J.O. de Munich, 1972

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Hebert Bayer, One reversed, 1969

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Max Bill, lithographie, 1938

Max Bill, couverture du livre Die farbe, 1944

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Letraset, planche de personnage pour architecte, 1982

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Neubau Welt, Tools, 2005

Experimental Jetset, Lost Formats Preservation Society, 2000

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62Patrick Caulfield, My life inspires so many desires, 1973

Patrick Caulfield, Along a Twilighted Sky, 1973

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63James Joyce, comsuption, 2005

James Joyce, Chemical World, 2005

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Julian Opie, Pochette d’album pour le groupe Blur, 2000

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Julian Opie, Ruth with Cigarette 3, 2005

Tim Fishlock, Colour composition 1.2, 2010

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Noma Bar, Negativ space, 2009

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Toby Neilan, Motherboard, 2011

Toby Neilan, Watch your back 2, 2011

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RetouR veRs le futuR du passé

« Le progrès est une façon de vivre. Tout le monde devrait s’y intéresser. J’accepte bien l’idée qu’il y ait des gens qui se tournent vers le passé. Ou pourquoi pas vers rien du tout ! Mais franchement, si on ne s’intéresse pas ce qui va advenir, c’est triste... » 1

Le point de départ de mes recherches sur la science du raté est le résultat d’échecs personnels qui m’ont amené à me questionner sur cette notion.Pourquoi certaines personnes ont peur de rater ? L’échec est souvent décrié, au point même que la peur de l’échec est une des principales raisons du manque de création et d’ingéniosité. Pourtant, la réussite n’est souvent basée que sur une succession d’échecs, plus ou moins gros et graves. Des baffes, des portes, des murs, voilà le régime quotidien des créateurs. Car la clef du succès est bel et bien là : dans cette capacité à rebondir, à transformer ses échecs en leçons d’apprentissage, à être résilient – au sens physique du terme : la capacité d’un matériau à reprendre sa forme suite à un choc. Être créateur ou encore designer, c’est être souple et se remettre sans cesse en question.Au cours de mes recherches, j’ai pu saisir différents processus de création, les environnements politiques, culturels et technologiques des objets qui nous entourent.J’ai pu découvrir de nouveaux moyens de représentation de la machine, son histoire, travailler sur la présentation de l’objet technologique et de sa complexité, rentrer en quelque sorte dans l’intimité de la création.Cet ensemble m’a permis de m’interroger sur ce qui me passionne et notamment de poursuivre ma recherche sur les liens possibles entre production industrielle et graphisme.

1 Roger Tallon, Roger Tallon de Gilles de Bur 1999

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Dannoritzer, Cosima, Prêt à jeter, Documentaire, durée 75 min, Arte, Visionné le 15 février 2011

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Ce document est composé

en Baskerville (Stanley Morison d’après le

travail de John Baskerville, 1924) pour le

texte courant et en Univers 75 et 85

(Adrian Frutiger, 1954-1957) pour les titres.

Imprimé à Besançon en mai 2011 sur

papier Cyclus 130g

Page 78: Comment réussir par la ratologie