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De la contraception à la stérilisation : trajectoires contraceptives et motivations en France et au Québec Laurence Charton Université de Strasbourg Laboratoire Cultures et Sociétés en Europe INRS– Montréal 3 février 2010 Familles en mouvance et dynamiques intergénérationnelles

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Page 1: De la contraception à la stérilisation : trajectoires contraceptives et motivations en France et au Québec Laurence Charton Université de Strasbourg Laboratoire

De la contraception à la stérilisation :trajectoires contraceptives et motivations

en France et au Québec

Laurence Charton

Université de Strasbourg

Laboratoire Cultures et Sociétés en Europe

INRS– Montréal 3 février 2010

Familles en mouvance et dynamiques intergénérationnelles

Page 2: De la contraception à la stérilisation : trajectoires contraceptives et motivations en France et au Québec Laurence Charton Université de Strasbourg Laboratoire

Objectifs

• Etudier les trajectoires contraceptives de personnes stérilisées au Québec et en France entre 1976 et 2004

• Cerner les motivations de ces personnes à passer d’une contraception « non définitive » à une contraception « définitive »

Page 3: De la contraception à la stérilisation : trajectoires contraceptives et motivations en France et au Québec Laurence Charton Université de Strasbourg Laboratoire

Données et méthodes utiliséesApproches multiples comparatives• Analyse quantitative Données transversales: ISQ, INSEEEnquêtes quantitatives: Enquête sociale générale (ESG-2001, Canada) Enquête « Générations et Gender » (GGS-2005, France)

• Analyse qualitativeEntretiens au Québec et en France avec des femmes

stérilisées entre 29 et 46 ans, et des hommes stérilisés entre 29 et 53 ans, entre 1976 et 2004.

Page 4: De la contraception à la stérilisation : trajectoires contraceptives et motivations en France et au Québec Laurence Charton Université de Strasbourg Laboratoire

Contexte du recours à une méthode contraceptive ou abortive

• Plusieurs facteurs entrent en jeu dans le choix d’une méthode contraceptive ou abortive (nombre de partenaires, fréquence des relations sexuelles, âge, coûts des méthodes, etc.) .

• Plusieurs méthodes de contraceptions médicales et pratiques abortives ont été développées au cours des 60 dernières années.

• Leur accessibilité est variable selon les périodes et les sociétés.

Page 5: De la contraception à la stérilisation : trajectoires contraceptives et motivations en France et au Québec Laurence Charton Université de Strasbourg Laboratoire

Loi Neuwirth: contraception autorisée

1967

Loi interdisant la diffusion et la vente de contraceptifs retirée du Code criminelPublicité autoriséeIVG autorisée par les comités d’avortements thérapeutiques des hôpitauxStérilisation contraceptive autorisée

1969

Pratiquée dans un hôpital ou un CLSC, l’IVG est couverte par la Régie de l’assurance-maladie du Québec (gratuite)

1971

Contraception remboursée par sécurité sociale, gratuite et anonyme pour mineurs auprès des centres de planification

1974

Loi Weil autorise IVG

1975

Nouvelle loi sur IVG

1979

IVG remboursé par sécurité sociale

RU 490 autorisée

1982 1990

Loi autorise publicité sur

condom

1991

Cour suprême décriminalise l’IVG

1988

Allongement du délai légal IVG de 2 semainesDépénalisation de la stérilisation contraceptive

IVG médicamentaire en cabinet médical

2001 2004

Page 6: De la contraception à la stérilisation : trajectoires contraceptives et motivations en France et au Québec Laurence Charton Université de Strasbourg Laboratoire

0%

10%

20%

30%

40%

50%

60%

70%

80%

90%

100%

20-29 ans 30-39 ans 40-49 ans 20-29 ans 30-39 ans 40-49 ans

79 7657

70

2711

2

4

3852

1 3

172

11 16

21 21 24 24 25 21

Méthodes non définitives Méthodes définitivesInfertilité Sans contraception

FRANCE QUEBEC

♀ 2

♂ 2♀ 15

♂ 22♂ 21

♀ 31

4% pilule1% sterilet4% condom12% pilule

4% sterile8% condomt

52% pilule1% sterilet13% condom

26% pilule22% sterilet5% condom

66% pilule3% sterilet5% condom

43% pilule22% sterilet6% condom

Distribution des femmes selon la méthode contraceptive utilisée aux enquêtes

(2005) (2001)

Page 7: De la contraception à la stérilisation : trajectoires contraceptives et motivations en France et au Québec Laurence Charton Université de Strasbourg Laboratoire

Taux d'avortements par âge, France, Québec, 2007

Source: ISQ, INSEE

Page 8: De la contraception à la stérilisation : trajectoires contraceptives et motivations en France et au Québec Laurence Charton Université de Strasbourg Laboratoire

• En France, la contraception est essentiellement féminine, médicale et hormonale. Elle se prend tout au long de la vie reproductive.

• Au Québec, la contraception non définitive, généralement la pilule, se prend en début de vie reproductive. Lorsque la famille semble constituée, le couple opte fréquemment pour une stérilisation contraceptive, féminine ou masculine.

• On observe ainsi des différences importantes dans les pratiques contraceptives entre la France et le Québec, notamment au regard du recours à une méthode irréversible. 

• Quelles sont les trajectoires contraceptives des personnes qui ont eu recours à une stérilisation contraceptive, et quelles ont été les motivations de ces personnes à recourir à une stérilisation ?

Page 9: De la contraception à la stérilisation : trajectoires contraceptives et motivations en France et au Québec Laurence Charton Université de Strasbourg Laboratoire

Indicateurs conjoncturels des hystérectomies, des ligatures et vasectomies, Québec 1976 - 2008

Stérilisations avant 1988

Stérilisations après 1988

Source: ISQ

Page 10: De la contraception à la stérilisation : trajectoires contraceptives et motivations en France et au Québec Laurence Charton Université de Strasbourg Laboratoire

SSS

NNN NN

S

SN S

SN N S

S

NG

N NN NSNG

AG

N

Québec: Trajectoires contraceptives des personnes stérilisées avant 1988

1ère méthode contraceptive = Méthodes naturelles

1ère méthode contraceptive = Condom

1ère méthode contraceptive = Pilule

N

S

G

A

Méthodes naturelles (retrait, méthodes du calendrier, sympto thermique, etc.)

Condom

Pilule

Stérilet

Grossesse non désirée

Avortement

Naissance

Stérilisation

F1F2F4F8

F3F5F6F7

H1

MNG N

NH2 G N FC FC

Page 11: De la contraception à la stérilisation : trajectoires contraceptives et motivations en France et au Québec Laurence Charton Université de Strasbourg Laboratoire

SN

NN S

S

Québec: Trajectoires contraceptives des personnes stérilisées après 1988

1ère méthode contraceptive = Méthodes naturelles

1ère méthode contraceptive = Condom

1ère méthode contraceptive = Pilule

N

S

G

A

Méthodes naturelles (retrait, méthodes du calendrier, sympto thermique, etc.)

Condom

Pilule

Stérilet

Grossesse non désirée

Avortement

Naissance

Stérilisation

F9F13

F11F12H4H8

H3H5

AGNG N FC FC SN

FC Fausse couche

H6

SN

SN SNN

N SN1ère méthode contraceptive = Stérilet

H7

F10 NG AG SSN N N2

N N N SG

GN

NN

N

FCFC FC

Page 12: De la contraception à la stérilisation : trajectoires contraceptives et motivations en France et au Québec Laurence Charton Université de Strasbourg Laboratoire

Personnes qui ont vécu leur vie sexuelle sans la contraception médicalisée, qui ont utilisé des modes de contraceptions « naturels », tels que le retrait, les poires de lavement, ou encore le calendrier. Personnes qui ont commencé la sexualité avant la contraception médicalisée, mais ont vécu sa diffusion et ont pu l’utiliser, généralement après la naissance du premier. Génération dite « pilule », composée de personnes qui ont toujours connu la contraception médicale, la contraception dite fiable, et également l’accès aux avortements médicalisées.

France : découpage générationnel

Page 13: De la contraception à la stérilisation : trajectoires contraceptives et motivations en France et au Québec Laurence Charton Université de Strasbourg Laboratoire

SN

NN S

S

France: Trajectoires contraceptives des personnes stérilisées

Femmes n’ayant pas eu accès à la contraception médicale avant stérilisation

Femmes ayant eu accès à la contraception médicale après la naissance du 1er enfant

Femmes ayant toujours eu accès à la contraception médicale

N

S

G

A

Méthodes naturelles (retrait, méthodes du calendrier, sympto thermique, etc.)

Condom

Pilule

Stérilet

Grossesse non désirée

Avortement

Naissance

Stérilisation

F1F2

F7F8F9F10

F4F5

N N FC SN

FC Fausse couche

N

S

N

NS

N SNNSN

F3

N N N N N NN NN

N N N MN

MN Enfant Mort Né

S

F6H1

NN FCN NN N S

N NG S

F11F12H2

GEU Grossesse Extra Utérine

N GGEU

NN NN SN N

AG N SSN N

Page 14: De la contraception à la stérilisation : trajectoires contraceptives et motivations en France et au Québec Laurence Charton Université de Strasbourg Laboratoire

Quelles sont les motivations de ces personnes à passer d’une contraception « non définitive » à une contraception « définitive » ?

Page 15: De la contraception à la stérilisation : trajectoires contraceptives et motivations en France et au Québec Laurence Charton Université de Strasbourg Laboratoire

Dernière contraception utilisée avant la stérilisation

Québec France

Femmes Hommes Femmes Hommes

Pas de contraception 4

Méthodes naturelles6 7 1

Méthodes barrières 1

Pilule 2 2 2

Stérilet 5 1 5

Ensemble 13 8 12 3

Page 16: De la contraception à la stérilisation : trajectoires contraceptives et motivations en France et au Québec Laurence Charton Université de Strasbourg Laboratoire

Dernière méthode : MN = Méthodes naturelles

Québec (6♀, 7♂) France (4♀, 1♂) MN considérée comme

risquée, non sécuritaire (H5, H7, H8)

MN pas considérée comme méthode contraceptive (F5, F11)

MN nécessitant une auto-surveillance permanente (F4, F13, H2)

MN inefficace (F1, F2, F3) MN laissant la possibilité de

désirer à nouveau un enfant – non permanence de la méthode (F11)

Rejet du préservatif (H2)

Page 17: De la contraception à la stérilisation : trajectoires contraceptives et motivations en France et au Québec Laurence Charton Université de Strasbourg Laboratoire

Dernière méthode : Pilule anovulanteQuébec (2♀) France (4♀)

Risque de cancer« la stérilisation, c’était comme

en continuité avec la pilule (…) sans le risque de cancer » F1

Contraintes liées à la prise quotidienne de la pilule

« des fois je la prenais, des fois je le prenais pas, j’oubliais » F8

Grossesses sous pilule (F4, F10) Effets secondaires importants(dépression, baisse libido, sécheresse,

poitrine congestionnée, maux de tête, nausées, etc.) (F7, F8, F10, F12)

Contraintes liées à la prise quotidienne de la pilule

« je ne supportais plus la prise quotidienne, oui. C’en était au point où j’avais réglé mon téléphone portable pour qu’il sonne à une heure précise pour que je pense à ça a toujours été, ça; régulièrement je l’oubliais au moins une fois. Il y en avait au moins une par plaquette qui était pas prise. » F8 (F7, F12)

Page 18: De la contraception à la stérilisation : trajectoires contraceptives et motivations en France et au Québec Laurence Charton Université de Strasbourg Laboratoire

Dernière méthode : StériletQuébec (5♀, 1♂) France (3♀, 1♂) Risque de grossesse

« un moment donné j’ai pensé que j’étais enceinte. J’avais le stérilet à ce moment-là et le stérilet, c'est pas 100 pour cent, hein? J’ai pensé que j’étais enceinte »F2 (F9)

Grossesses sous stérilet « je suis devenue enceinte avec le stérilet.» F7 (F3, H1)

Grossesses sous stérilet « Le stérilet (…)c’est une expérience qui n’a pas été concluante du tout.(…) Il y a eu une naissance malgré le stérilet » H1 (F4) « j’ai fait une grossesse extra-utérine (…) j’étais enceinte sous stérilet » F9 Douleurs à la mise en place

du stérilet « une fois les 5 ans passés, on me l’a enlevé, comme j’avais un très mauvais souvenir de la mise en place, je me suis dit « plus jamais, si j’avais su, je l’aurais pas fait mettre » F6

Page 19: De la contraception à la stérilisation : trajectoires contraceptives et motivations en France et au Québec Laurence Charton Université de Strasbourg Laboratoire

Conclusions• A travers l’étude des motivations à passer d’une

contraception « non définitive » à une contraception « définitive » on appréhende quelques avantages, inconvénients ainsi que risques et effets secondaires reliés à certaines méthodes contraceptives.

• Concernant la stérilisation, d’autres facteurs non mis en évidence ici entrent en jeu dans le choix du recours à cette méthode, notamment l’influence du corps médical, les conditions de vie des personnes, la relation égalitaire ou non que les personnes entretiennent avec le ou les partenaires, l’influence du partenaire dans le recours à cette méthode.

Page 20: De la contraception à la stérilisation : trajectoires contraceptives et motivations en France et au Québec Laurence Charton Université de Strasbourg Laboratoire

Conclusions

• Si la décision de recourir à une stérilisation relève d’un choix personnel, celui-ci ne peut être compris en dehors de son contexte. Cette décision se prend en effet de manière située, que ce soit au regard de son parcours contraceptif, familial ou professionnel et se présente aussi comme le produit d’un contexte socio-culturel.

• A travers les témoignages recueillis, la stérilisation semble envisagée notamment au regard des difficultés contraceptives rencontrées par les personnes.

Page 21: De la contraception à la stérilisation : trajectoires contraceptives et motivations en France et au Québec Laurence Charton Université de Strasbourg Laboratoire

Conclusions

• Pour mieux comprendre les trajectoires contraceptives, les difficultés contraceptives voire les échecs de contraception, une enquête quantitative sur les représentations et les effets secondaires des contraceptifs auprès d’un échantillon représentatif de la population en âge de procréer pourrait apporter des informations essentielles, et permettre la mise en place de politiques efficaces de prévention des naissances, tout autant que de prévention des demandes de réanastomoses ou vasovasectomies suite à un regret de stérilisation.