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COLLOQUE ) DES ( ILLUSIONS ) Vendredi 3 novembre 2017 Carreau du Temple, 2 rue Perrée. 75 003 Paris

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COLLOQUE

)DES(ILLUSIONS)Vendredi 3 novembre 2017

Carreau du Temple, 2 rue Perrée. 75 003 Paris

     

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Programme9h Café d’accueil

9h30 Richard Conte, Professeur à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, directeur de l’Institut ACTE. Présentation et introduction

10h Clarisse Gardet, Spécialiste de la santé et du mieux-vivre. Formation à l’EDHES et à l’École occidentale de méditation. Voir les choses telles qu’elles sont

10h30 Marion Noulhiane, Enseignant-Chercheur en Neurosciences – Inserm U1129-Université Paris Descartes etCEA-NeuroSpin-UNIACT-Saclay. Bases physiques et bases neurales des « illusions » 11h Hélène Virion, Docteure en Art et sciences de l’art et chargée de cours à Paris 1 Panthéon- Sorbonne. Membre de l’Institut ACTE. Métamorphoses de l’ordinaire : l’image photographique et ses mirages 11h30 Christophe Viart, Artiste, Professeur des Universités, Université Paris 1, Membre de l’Institut ACTE. Qu’y a-t-il sous le tapis ? L’image et ses fantômes 12h Discussion

12h30 – 14h Déjeuner

14H Sylvie Captain-Sass, Artiste, Docteure en Art et sciences de l’art de Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Membre de l’Institut ACTE. De la différence à l’indifférence. L’art de sortir de la dualité 14h30 Jacinto Lageira, Professeur des Universités, Université Paris 1, Membre de l’Institut ACTE. L’illusion en partage 15h Olivier Richon, Photographe, Professeur, Royal College of Art, Londres, Royaume-Uni. L’appétit d’illusion 15h30 Florian Gaité, Docteur en Philosophie à Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Membre de l’Institut ACTE. La déception dans l’art contemporain : formes esthétiques, enjeux critiques 16h Marie Fraser, Professeure en histoire de l’art et muséologie à l’Université du Québec à Montréal. A work of art does not necessarily talk about what it represents 16h30 – 17h Discussion et conclusion

Colloque sous la direction d’ Hélène Virion, Sylvie Captain-Sass et Richard Conte. Institut ACTE - UMR 8218 - Sorbonne / CNRS

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Sylvie Captain-Sass De la différence à l’indiffé-rence. L’art de sortir de la dualitéSchizophrénie, neurodégénérescences, hystérie, autisme… autant de qualificatifs d’une liste non exhautive qui sécurise les êtres humains dans la dis-tance ici produite entre normalité et folie. La peur de sombrer, de disparaître à soi-même hante la plupart de nos esprits. Ce risque de glissement d’un état à l’autre résonne avec celui des bascules incessantes que l’homme expérimente entre illusion et désillusion. Est-il simplement possible de sortir de ces dualités ? Que racontent-elles de la construction de nos identi-tés ? Dans un désir souvent inconscient de fusion avec l’autre, l’individu fait de son incapacité à accueillir la différence un espace de danger masqué par une pos-ture d’indifférence. Ouvrir son cœur en acceptant de prendre le risque d’entrer en dialogue nécessite d’avoir confiance en soi, en l’autre, afin de laisser agir le temps des silences et de se dégager de ces oppositions rassu-rantes. A cet endroit se trouve un espace d’expression artistique privilégié qu’il s’agira de questionner. Nous aurons l’occasion de confronter un désir de résistance à l’impermanence avec les potentiels d’une résilience partagée.

Marie Fraser A work of art does not necessarily talk about what it representsCette phrase à connotation délibérément concep-tuelle donne à voir un déplacement. Si l’œuvre d’art ne parle pas nécessairement de ce qu’elle représente peut-on encore parler d’illusion ? Le périple récent d’unPicasso de la collection du Van Abbemuseum en Pales-tine à l’initiative de l’artiste Khaled Hourani constitue un cas singulier où l’œuvre d’art est réinterprétée par sa convergence avec des enjeux sociaux et géopolitiques. La négociation complexe avec différentes autorités, le voyage de l’œuvre dans une zone de conflit ainsi que son dispositif d’exposition à « sécurité renforcée » soulèvent une question beaucoup plus large sur la trajectoire des œuvres d’art et ce qu’elle peut éveiller. Mais est-ce une illusion de croire au rôle et à l’efficacité politique de l’art ?

Florian Gaité La déception dans l’art contem-porain : formes esthétiques, enjeux critiques La déception (du latin decipēre : « tromper », « séduire », « abuser ») est devenue à l’époque contemporaine une modalité à part entière de la réception esthétique, comme a pu le montrer Anne Cauquelin avec l’idée de « décept » ou Laurent Goumarre avec l’analyse des pratiques contemporaines comme « art déceptif ». Toujours liée à des attentes préalables (prédéfinitions de ce que doit être le projet de l’art ou d’une œuvre), la déception dit l’écart entre les projections d’un sujet pensant, désirant et une réalité qui ne peut jamais être à leur hauteur. Elle inaugure un mode d’appréhension

de l’œuvre qui ne repose ni sur l’adhésion, ni sur la com-préhension, mais sur l’expérience d’une singularité ra-dicale sur laquelle le public n’a aucune prise. Incapable de la « comprendre » (concept), il peut en revanche par elle apprendre à « se déprendre » (décept), pour employer une expression foucaldienne. Négativement connotée, la déception a donc une valeur critique potentielle sur laquelle cette intervention propose de revenir. Bien loin de rendre caduque toute expérience esthétique, en disqualifiant l’œuvre qui ne répond pas à des attentes, elle permet au contraire de mettre en question ces présupposés qui guident une lecture de l’art. En illustrant notre propos par l’analyse des œuvres de Jeppe Hein en arts plastiques ou de Jérôme Bel en arts vivants, nous essaierons de comprendre cette po-sitivité de la déception et les enjeux esthétiques qu’elle soulève.

Clarisse Gardet Voir les choses telles qu’elles sont. Illusion ? Réalité ? La méditation nous invite à démas-quer ce qui nous illusionne pour faire l’expérience des choses telles qu’elles sont, derrière le filtre de nos habi-tudes émotionnelles qui nous font voir la réalité d’une manière déformée.Comment ? Par l’entraînement à un type d’attention bien particulier, non focalisée, ample et panoramique, qui s’articule avec le discernement et l’investigation, sans jugement ou volonté d’amélioration des phéno-mènes que nous percevons, moment après moment.Nous étudierons comment la pratique méditative for-melle – assise silencieuse sans objectif ni intention vo-lontaire – permet de voir de plus en plus clairement les jeux de notre esprit et nous en libère. Nous aborderons aussi la façon dont cet entraînement peut opérer un changement de perspective dans toutes nos actions quotidiennes, par une qualité de présence intensifiée.

Jacinto Lageira L’illusion en partagePartant de l’idée que la pratique et la réception artis-tiques forment un cas singulier d’une philosophie ou d’une poétique de l’action, mais que leurs manières d’agir passent avant tout par l’illusion (ou encore la fic-tion, la forgerie, l’imaginaire), il s’agira de comprendre en quoi cette illusion esthétique est à la fois sociale-ment partagée – donc constitutive de liens pratico-moraux – et dissensuelle, puisqu’elle induit des rejets et des oppositions. En tant que « fait social total », l’œuvre d’art joue ainsi de l’illusion comme fait esthétique auto-

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nome et comme fait social intégré, sa présence nous enjoignant continuellement à choisir quels forme et genre d’illusion nous voulons pour nous représenter individuellement et sociopolitiquement.

Marion Noulhiane Bases physiques et bases neurales des « illusions »L’approche neuroscientifique visera à décrire les diffé-rentes étapes du traitement de l’information condui-sant à une illusion, c’est à dire à une perception erronée de la réalité. S’il existe plusieurs formes d’illusions, elles ont en commun de révéler les limites perceptives. La connaissance du monde environnant est basée par le traitement des caractéristiques physiques des sti-muli captées par nos cinq sens : elles sont codées en un message nerveux selon des propriétés propres à chaque sens. Dans les faits, la procédure pour perce-voir et donner du sens à de l’information est identique chez tout le monde. Ainsi, est perçu comme « vrai » l’information captée et traitée par nos systèmes senso-riels. Or la réalité n’est pas toujours aussi simple. Parfois, l’esprit critique, soit la cognition, est nécessaire pour ne pas commettre d’erreur. Induire une illusion implique cependant certaines conditions : présentation, angle de vue, supposition... Conditions qui interagissent avec l’interprétation de ce que nous captons par nos sens. L’interprétation est propre à chacun : elle est le fruit d’un étroit dialogue entre les expériences et la plasti-cité cérébrale.

Olivier Richon L’appétit d’illusionAndré Bazin, dans l’Ontologie de l’image photogra-phique (1945), met en relation ressemblance, illusion et photographie. Pour Bazin, la photographie est la continuation d’une impulsion baroque, qui conduit à ‘la satisfaction complète de notre appétit d’illusion par une reproduction mecanique dont l’homme est exclu’. L’appétit d’illusion indique un lien entre deux sensa-tions, le goût et la vue. L’oeil serait il au service de la bouche? Est-il possible de lire l’ontologie de Bazin en relation avec une pulsion orale? Otto Fénichel (The Scoptophilic Instinct and Identification 1935) décrit l’appareil photographique comme un oeil mécanique qui dévore le réel, mettant en évidence un processus d’incorporation de ce qui est vu. Je propose d’appro-fondir cet aspect en relation avec la question de l’illusion en tant que repas offert à notre oeil cannibale.

Christophe Viart Qu’y a-t-il sous le tapis ? L’image et ses fantômesC’est en reprenant la question de Thomas Huber dans son discours intitulé Séance que cette communication propose d’étudier la manière dont cet artiste entend étonnamment transporter son public dans son œuvre. De même qu’il assimile dans son tableau du même nom, Séance, peint en 2009, le tapis qu’il y a représenté

à un tableau dans le tableau, c’est toute son œuvre et le discours qui l’accompagne qui s’apparentent réci-proquement à un tapis. La description qu’il en donne rappelle en ce sens la nouvelle d’Henry James, L’Image dans le tapis, dans laquelle le romancier conjecture une allégorie de la création littéraire qu’il compare à un motif complexe dessiné dans un tapis oriental : fla-grant et dissimulé, visible et invisible à la fois. Tel qu’il se présente en médium, il s’agit pour Thomas Huber de convier son public à assister à une représentation à l’oc-casion d’une réunion de spiritisme. Comment accéder à la signification de son œuvre en l’absence de la lec-ture qu’il donne face au public venu pour l’occasion ? Le prendrait pour un prestidigitateur, un illusionniste, voire un escamoteur à l’instar de celui que dépeint Jérôme Bosch en détaillant le tour de passe-passe d’un magicien officiant devant des badauds frappés de stu-peur ? Tandis que les mots de Thomas Huber invitent chacun à regarder derrière les apparences, comme pour passer sous un tapis et observer ce qui s’y cache, la fiction qu’il dépeint se défend de vouloir leurrer qui-conque dans l’espoir de lui permettre plutôt de vivre une expérience déconcertante.Pour en arriver à cette dernière conclusion, on pro-posera de frotter le concept d’étrangéisation cher à Victor Chklovski aux notions d’imagination, de pulsion et de jeux cinétiques que croise, non sans un certain humour, la démarche de Thomas Huber au travers de nombreuses citations dialogiques.

Hélène Virion Métamorphoses de l’ordinaire : l’image photographique et ses miragesLes manifestations sensibles sont source d’illusion (du latin illudere = jouer, tromper, abuser et illusus = être joué, trompé, abusé). Elles prennent à défaut le fonc-tionnement des sens et troublent le système de la per-ception. A l’insu du sujet, le désir usurpe le réel et induit une résistance. Il exerce avec ténacité une conviction trompeuse, que le désir maintient actif. Dans le sillage de la pensée kantienne, la volonté de croire en toute conscience, supplante parfois les sens. Pour ne pas affronter une désillusion, le regardeur se laisse alors volontairement abuser par des illusions séduisantes. Le cas est probant dans l’expérience esthétique. Face à certaines photographies plasticiennes, l’intérêt « sub-siste, même quand on sait que l’objet supposé n’existe pas ». Par une approche poïétique la présente interven-tion vise par la question du mirage à élargir le cercle de nos enchantements et ses enjeux plastiques. Après tout, l’illusion la plus forte n’est-elle pas celle dont il n’existe aucune désil-lusion possible ? N’est-elle pas celle qui supplante l’expérience rationnelle par l’expérience esthétique ?

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