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Dossier Suggestopédie 1 maginez une grande salle claire presque carrée. Au mur, des affiches montrent des paysages de Finlande, de Suisse ou d'Afrique. Devant vous, pour tout mobilier, une douzaine de fauteuils de relaxation sont organisés en cercle. Vous vous retournez : encadré par deux enceintes acoustiques, un tableau noir, ou plutôt vert sombre, trône au milieu du mur, un peu comme à l'école. Pourtant cela ne peut pas être une école : il n'y a ni pupitre, ni chaise. D'ailleurs des personnes entrent maintenant dans la salle : des hommes, des femmes de tous âges, ils s'assoient et bavardent avec bonne humeur. Que se passe-t-il ?

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suggestopedie

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  • Dossier Suggestopdie

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    maginez une grande salle claire presque carre. Au mur, des affiches montrent des paysages de Finlande, de Suisse ou d'Afrique. Devant vous, pour tout mobilier, une douzaine de fauteuils de relaxation sont organiss en cercle. Vous vous retournez : encadr par deux enceintes acoustiques, un tableau noir, ou plutt vert sombre, trne au milieu du mur, un peu comme l'cole. Pourtant cela ne peut pas tre une cole : il n'y a ni pupitre, ni chaise.

    D'ailleurs des personnes entrent maintenant dans la salle : des hommes, des femmes de tous ges, ils s'assoient et bavardent avec bonne humeur. Que se passe-t-il ?

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    Vous tes dans un centre de suggestopdie, au cur d'une des plus passionnantes aventures qu'il ait t donn l'homme de connatre : la conqute de son cerveau.

    La suggestopdie est une mthode d'enseignement qui permet d'accrotre tout apprentissage dans des proportions inconnues jusqu'alors. Base sur la mobilisation des rserves crbrales inutilises, elle met en oeuvre des moyens trs originaux, comme l'expression artistique, l'coute de la musique ou le chuchotement.

    Rvle par le livre de Sheila Ostrander et Lynn Schroeder, "Prodigieuses dcouvertes parapsychiques en U.R.S.S.", cette mthode a suscit un intrt immense travers le monde. Des entreprises commerciales, des individus ont dpens des sommes colossales en voyages pour visiter le centre de Sofia, en Bulgarie, o la mthode a t mise au point. L'inondation de visiteurs a t telle que le gouvernement bulgare a pris des mesures draconiennes pour l'arrter.

    Des milliers de lettres venant du monde entier parviennent au centre et restent, le plus souvent, sans rponse. Des congrs, des confrences ont t organiss sur le sujet. Des articles (le plus souvent errons ou incomplets), des chapitres de livre y ont t consacrs. Il y a finalement trs peu d'informations sur ce qui se passe dans cette salle de suggestopdie. Pourtant, dans quelques minutes, vous saurez ce qui s'y passe, et vous en saurez plus sur la mthode que n'importe lequel des participants qui en bnficient.

    Lorsque le Docteur Georgi Lozanov, psychothrapeute et parapsychologue bulgare, de renon, commena s'intresser un phnomne paranormal : l'hypermnsie, exaltation de la mmoire survenant frquemment dans des cas pathologiques ou des situations exceptionnelles, comme l'approche de la mort.

    Cela eut lieu le jour o un tudiant, lors dune psychothrapie hypnotique, se plaignit de navoir pas eu le

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    temps dapprendre un pome avant de retourner en classe. Le Dr Lozanov ajouta, au suggestions classiques, des suggestions concernant sa mmoire. Ltudiant revint le lendemain, stupfi par ce qui venait de lui arriver : il avait pu rciter tout le pome sans faute, aprs lavoir entendu une seule fois !

    Lhypermnsie l'intressait d'ailleurs d'autant plus qu'il avait eu l'occasion de provoquer sous hypnose une forme particulire d'hypermnsie : la rgression, qui permet de faire ressurgir de sa mmoire les souvenirs les plus profondment enfouis et de les exprimer verbalement et mme physiquement.

    Georgi Lozanov, pour en savoir plus sur ces phnomnes hypermnsiques, tudie le cas de plusieurs personnes doues d'une mmoire prodigieuse, et notamment de yogis.

    Ses premires constatations sont tonnantes : l'hypermnsie ne serait pas un don rserv certains, mais pourrait se dvelopper en chacun.

    De l, ses travaux et sa mthode.

    La suggestopdie : entretien avec Gabriel Rcle Christian Godefroy - Gabriel Rcle, qui tes-vous ?

    Gabriel Rcle - Je suis directeur des programmes de suggestopdie la commission de la fonction publique du Canada. J'tais auparavant charg de tous les programmes d'enseignement du franais la commission de la fonction publique. J'ai eu l'occasion d'aller Sofia, l'institut de suggestologie avec deux collgues, tudier sur place la mthode du Dr Lozanov, travailler avec lui, enseigner le franais des bulgares avec la mthode suggestopdique titre d'exprience.

    Au retour, je me suis occup de la mise en place de cette approche, de son essai ici au Canada, du

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    dveloppement d'un programme qui soit adapt aux conditions spcifiques qui sont les ntres au Canada, avec nos problmes de bilinguisme.

    C.G. Qui a eu l'ide d'introduire la mthode Lozanov au Canada ?

    G.R. Eh bien c'est un peu un concours de circonstances: le directeur gnral d'un service voisin, qui s'appelle le bureau de perfectionnement du personnel, qui s'occupe de formation professionnelle a entendu parler de cette mthode, a eu des contacts. Il a russi susciter l'intrt du Dr Lozanov lorsqu'il est venu aux Etats-Unis. Il a russi le rencontrer et l'intresser pour une participation du Canada la suggestopdie. Et aprs des ngociations assez longues, il a t possible d'aller sur place, de travailler.

    C.G. On a dit que le gouvernement canadien avait dj dpens un million de dollars pour cette exprience et que le cot par enseignement tait entre 5.000 et 30.000 $. Qu'en pensez-vous ?

    G.R. Jusqu' prsent on a pas tabli de cot du programme. Il est bien difficile d'valuer les cots, d'autre part il a t ncessaire de crer tout au dpart, donc il est normal qu'il faille un certain investissement, qui se rentabilise au fur et mesure, ds qu'on largit l'utilisation du matriel mis au point.

    La suggestopdie na rien voir avec le yoga C.G. Les auteurs de "Psychic discoveries behind the

    iron curtain" (Prodigieuses recherches parapsychiques en U.R.S.S. - R. Laffont), S. Ostander et L. Schroeder disent que les lments clef de la mthode, les seuls actifs, ont t supprims, que ce que vous faites n'entrane qu'une petite amlioration de la mmoire.

    G.R. En ce qui concerne la suppression d'lments de yoga de la mthode, j'ai pos la question un fois de plus au

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    Dr Lozanov lorsque je l'ai vu Paris, sa rponse a t : "Oui, en effet, je connais certains textes, comme ceux de Jane Bancroft, o est-elle alle chercher cela ?" Les techniques de yoga ne font pas partie de l'enseignement suggestopdique Sofia.

    Elles n'y taient pas en 1972 lorsque j'y suis all pour la premire fois, et ensuite en 1974 et 1975 lorsque j'y suis retourn. Le Dr Lozanov a fait des expriences avec des techniques de yoga et il en est arriv la conclusion que l'tat de rceptivit psychologique que l'on pouvait obtenir avec les formes suprieures de yoga (elles sont d'ailleurs distinguer de la dcontraction musculaire) pouvait galement tre obtenu tout simplement par une approche suggestopdique sans s'embarrasser de techniques spcifiques.

    C.G. En pourcentage, par rapport aux mthodes traditionnelles, quelles amliorations de rsultats enregistrez-vous ?

    G.R. C'est difficile valuer en termes de pourcentage. A l'heure actuelle, on ne s'oriente pas dans cette voie de comparaison en pourcentage. On essaie de voir ce que donne un systme d'enseignement complet selon l'approche suggestopdique et lorsque nous aurons toutes les donnes, (on est en cours d'valuation l'heure actuelle), on pourra voir le gain de temps obtenu, la rentabilit budgtaire et aussi son efficacit sur d'autres plans comme l'intrt de l'tudiant, sa motivation, sa facilit d'apprendre, etc.

    On obtient des rsultats trs intressants, mais il faut tenir compte de nombreuses variables, comme la population d'tudiants auxquels vous vous adressez. Il semble bien que le pass culturel, le "Background", ait une incidence sur les rsultats qu'on obtient.

    C.G. Quel est le principe de la suggestopdie ?

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    Orienter tous les facteurs suggestifs dans le mme sens

    G.R. Le principe de la mthode est la rception par la partie inconsciente de notre cerveau de quantits considrables de messages qui nous arrivent de partout, quoique nous en pensions, quoique nous lassions et ces messages inconscients ont incontestablement un effet sur la personne qui les reoit, effet qui habituellement passe inaperu parce qu'on ne sait mme pas que ces signaux existent, qu'ils ont un effet sur nous.

    Par exemple lorsqu'une personne parle, on est en mme temps influenc par le ton de sa voix, les gestes qu'elle fait, l'environnement physique, les couleurs, la temprature etc. etc., et tous ces signaux sont intressants, la plupart du temps parce qu'ils sont ce que Lozanov appelle de "type suggestif". Ils ne sont pas conscients, ils ne sont pas rationnels (videmment leur traduction peut se faire sous forme rationnelle, mais c'est souvent une justification d'un comportement qui est inconscient et irrationnel). D'autre part le Dr Lozanov s'est aperu que tout ce qui est artistique a une influence motionnelle considrable. On reoit normment de signaux motionnels de l'environnement artistique.

    C.G. Vous employez "artistique" dans quel sens ?

    G.R. Dans le sens le plus large du terme. Cela peut tre aussi bien la musique, la peinture, la sculpture, le thtre, l'expression corporelle etc. C'est pris dans un sens extrmement large. Le domaine artistique ayant une trs grande valeur suggestive, le Dr Lozanov a eu l'ide d'introduire les arts dans son enseignement. Il appelle cela quelquefois l'"artopdie !".

    Etant conscient de cette influence de facteurs suggestifs sur notre comportement, tant conscient qu'habituellement ces facteurs suggestifs n'exercent pas d'influence notable sur nous en ce sens qu'on reoit en mme temps l'influence ngative et l'influence positive, sans

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    coordination, cela ne va pas dans la mme direction, finalement tout se neutralise, ce qui fait que les rsultats obtenus ne sont pas considrables.

    Le Dr Lozanov ayant constat qu'en thrapeutique il obtenait de trs bons rsultats lorsqu'il arrivait coordonner certains de ces signaux inconscients, a eu l'ide de structurer toute une approche pdagogique qui tienne compte des influences ou des signaux inconscients qui sont, soit transmis, soit reus, en les orientant dans une seule et mme direction qui facilite l'apprentissage, qui facilite l'assi-milation, la rception d'un message.

    Donc en arrivant contourner les barrires anti-suggestives que nous avons et en coordonnant l'ensemble du systme pour que son influence soit toujours positive, qu'elle soit globale ; cette "globalit" agit la fois sur le conscient et l'inconscient, ce qui permet d'aprs la thorie du Dr Lozanov d'avoir accs ces fameuses rserves de notre cerveau qui sont habituellement inutilises. Un accroissement, d'o les phnomnes d'apprentissage, d'o les phnomnes d'hypermnsie, d'o une plus grande facilit etc.

    La suggestion non-verbale est bien plus importante quon ne le croit

    C.G. Comment situez-vous la suggestologie par rapport aux lois classiques de la suggestion ?

    G.R. On pense beaucoup plus la suggestion verbale qu' la suggestion non-verbale directe. Or c'est probablement cette dernire qui est la plus importante.

    C.G. A-t-on pu mesurer la valeur relative de ces deux mcanismes ?

    G.R. C'est difficile mesurer.

    C.G. Pourtant des expriences comme l'effet Placebo, o l'on a t oblig de raliser les oprations en "double

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    aveugle", devraient permettre de la mesurer.

    G.R. Trs souvent on a une conception de la suggestion assez restreinte en la voyant comme un change verbal persuasif sans parler de la suggestion de l'environnement, qui est pourtant fondamentale. On y pense quand mme au niveau des couleurs, par exemple. Vous savez que les couleurs ont un effet "suggestif", au sens o on l'entend dans l'cole de Lozanov. Mais le timbre de la voix d'une personne, la faon qu'elle a d'tre habille, les gestes qu'elle fait, dterminent l'acceptation du message pour la personne qui est en face.

    C.G. Comme frquemment, chaque spcialiste a une bonne connaissance dans son domaine des effets de la suggestion, mais une science gnrale de la suggestion reste crer. Par exemple en publicit on connat trs bien un certain nombre d'lments. C'est d'autant plus intressant qu'on peut mesurer l'impact de la suggestion, dans ce domaine, en terme de chiffre d'affaire, ce qui n'est pas possible en psychologie par exemple. Il est plus difficile de mesurer les effets. De plus, les publicitaires ont plus de moyens pour faire des expriences sur la suggestion.

    G.R. Et plus le besoin d'en faire.

    C.G. Comment avez-vous procd pour mesurer l'effet de la mthode sur les tudiants ?

    G.R. Nous avions pris pour hypothse de dpart que nos tudiants auraient une bonne facult de conversation, une aptitude au dialogue, mais des difficults passer des tests de laboratoire. L'exprience a confirm l'exactitude de notre hypothse. Nous avons donc construit une srie de tests trs prcis qui permettent mme d'valuer la qualit de la langue et la qualit de l'interaction, qui liminent toute subjectivit. Nous avons pris soin de prouver ce que nous avancions dans les termes de nos interlocuteurs, en mesurant tout, sans contestation possible.

    C.G. Concernant la relaxation, la limite on peut

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    penser que beaucoup de phnomnes que l'on obtient par le biais de la relaxation sont dus uniquement la suggestion. La relaxation ne serait donc ni ncessaire ni suffisante. Or les travaux sur la relaxation notamment par Jacobson, tendaient prouver que, ne serait-ce que sur le plan physiologique, il y a des bnfices de la relaxation qui ne semblent pas tre priori des rsultats Placebo. A partir d'o cela commence-t-il ?

    G.R. Il est vident que si l'on se place sur un terrain strictement physiologique, il y a des rsultats physiologiques qui sont obtenus par une relaxation.

    Obtenir une bonne disponibilit psychologique C.G. De mme que pour le biofeedback.

    G.R. Mais on passe d'une donne physiologique une donn psychophysiologique en disant que la relaxation facilite l'apprentissage. Lozanov dit que la relaxation n'est pas indispensable en suggestopdie parce que ce que l'on obtient sur le plan de la disponibilit la rception d'un message peut tre obtenu d'une manire aussi efficace sinon plus sans passer par cet entranement. En rsum, c'est une voie, mais elle n'est pas indispensable, tout dpend de l'application recherche.

    C.G. Il y a une interaction corps-esprit, par la relaxation du corps, on peut arriver celle de l'esprit, une plus grande disponibilit mentale mais inversement, alors que prcdemment on avait eu recours au physique pour avoir un effet sur le mental, on peut trs bien attaquer le problme dans l'autre sens ou des deux cts la fois.

    G.R. C'est parce que (je me rfre des conversations avec Lozanov) d'abord lorsque l'on parle de yoga, il faut bien s'entendre. La plupart des gens parlent de yoga en termes physiques de dcontraction musculaire par exemple, alors que le vritable yoga est un yoga de relaxation psychologique et mentale. Bien des gens ne voient pas le

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    lien.

    Deuximement, des expriences qu'il a faites lui ont montr qu'effectivement avec la forme avance de yoga, on obtient un certain tat de disponibilit psychologique qui n'est pas donn a tout le monde d'obtenir. Il suppose toute une longue prparation pour l'atteindre et ces expriences lui ont montr qu'il obtenait des rsultats semblables sans passer par tout le processus extrmement complexe grce un conditionnement de l'environnement.

    A l'heure actuelle il y a quelque chose d'assez intressant : en gnral tous les processus psychanalytiques o les diffrentes coles de conditionnement psychologique disent qu'il faut transformer l'individu pour lui permettre de s'adapter son environnement.

    Lozanov prend le contre-pied, il modifie l'environnement et, en rajustant l'environnement, il obtient une action psychologique. Ces deux mouvements sont opposs. Modifiant l'environnement cause des stimuli inconscients qu'il en reoit, il attaque la personnalit (au sens positif du terme) avec des moyens qui sont indirects, comme par exemple un cours de langue. Il liquide des troubles psychologiques ou psychosomatiques qui vont se rsorber et qui vont disparatre.

    C.G. Lorsqu'on fait de l'expression gestuelle, du thtre, du chant, lorsque l'on coute de la musique, est-ce que tout cela n'est pas l'quivalent de ce que l'on cherche faire par la relaxation ? Dr Lozanov se dfend d'une certaine passivit qu'on pourrait lui reprocher.

    Exploiter les 96 % de rserves inutilises G.R. L'tudiant est en pleine activit, c'est vident. Une

    activit qui est oriente justement vers l'utilisation des rserves de la personne. Finalement le processus qu'il envisage vise dbloquer totalement ou partiellement tape par tape ces rserves qui contribuent la crativit,

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    assurer l'quilibre psychologique etc.

    C.G. Il dplace. Au lieu de fouiller dans les 4 %, o il y a des problmes, il dveloppe tout un champ nouveau, et par l-mme, tire la personne du contexte du cercle vicieux dans lequel elle pouvait se trouver.

    G.R. Je vais vous citer un exemple. En 1974 on avait une tudiante dans un cours de franais. Quelques temps aprs, j'ai rencontr son patron qui me dit "Ah c'est vous qui utilisez cette mthode qui vient de Hongrie !". "C'est vous, eh bien il y a une de mes employes qui a suivi a chez vous : qu'est-ce que vous lui avez fait ?" "Qu'est-ce que vous voulez dire par l ?" - "Voici : cette personne tait non seulement extrmement agressive vis--vis des canadiens d'expression franaise, mais aussi extrmement dsagrable avec ses collgues". (A cette poque les tudiants travaillaient 3 h le matin, retournaient travailler au bureau l'aprs-midi).

    Ses collgues se sont dit, en la voyant changer : qu'est-ce qui se passe ? Et la fin lorsqu'elle est revenue elle tait aimable avec tout le monde, sans complexes etc.

    Il me disait "Qu'est-ce qu'on lui a fait ?" Je lui ai rpondu : "On lui a simplement appris le franais", mais ce faisant, des complexes d'infriorit qu'elle avait - souvent l'agressivit et une extraversion d'un problme - tout a disparu dans ce processus d'apprentissage. Elle s'est sentie bien, panouie, valorise. Sa crativit a t mise contribution et finalement, inconsciemment, elle a eu la perception qu'elle tait une personne tout fait valable, elle se sentait valorise, et ce moment l, ce n'tait plus la peine d'attaquer les autres.

    C.G. C'est cet aspect l qui est presque le plus intressant.

    Se librer de ses complexes G.R. Lozanov a accumul des donnes sur des

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    traitements, des gurisons d'ulcres d'estomac, de maux de tte, de troubles psychosomatiques, qui sont guris non pas en les attaquant de front, jamais. On n'en parle pas ; mais en apprenant une langue, par exemple. C'est en ce faisant que le problme disparat.

    C.G. Le simple fait d'liminer les complexes d'infriorit, de prendre conscience des valeurs positives, crativit, de se librer des conditionnements ngatifs, cela entrane une plus grande confiance en soi et par l mme, la libration de complexes. Si ces derniers se sont somatises sous forme de maux de tte etc., ils disparaissent.

    C.G. A propos d'hypermnsie, votre mthode dveloppe principalement la mmoire auditive. Comporte-t-elle aussi des moyens pour dvelopper la mmoire visuelle ?

    G.R. La mmoire visuelle se trouve utilise parce que les tudiants qui apprennent le franais ont leur disposition des textes qui sont utiliss certains moments, dans certaines phases de lecture, ce qui fait que l encore, l'apport de la mmoire visuelle est joint l'apport de la mmoire auditive. Dans certaines phases, on cumule les deux processus : en mme temps que l'tudiant entend une lecture avec intonation particulire, il lit son texte et les deux mmoires se cumulent pour faciliter la rtention des matriaux qui sont prsents.

    C.G. Il parat que le dveloppement des facults de visualisation, d'imagination est trs important dans votre mthode. Qu'en est-il exactement ?

    G.R. On n'entrane pas, en fait, particulirement les tudiants faire ceci ou faire cela. On leur propose normment d'activits qui font appel leur imagination, leur crativit, leur sensibilit, qui les accrochent un niveau motionnel parce qu'ils sont intresss. Ils exprimeront ainsi un message, un comportement en communiquant et ce faisant, ils vont utiliser la langue qu'ils apprennent, leur outil. Dans le systme, la langue et les techniques sont en deuxime plan et l'intention de

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    communiquer, le problme rsoudre, le concours gagner... c'est l'activit qui doit jouer.

    C.G. Tout cela ne vient donc qu'entran par la motivation principale.

    G.R. Bien sr, cela a un effet sur l'tudiant parce qu'il peut amener tout ce qu'il veut, il est mme pouss par le groupe, par l'environnement, par la situation dans laquelle il se trouve, dvelopper son imagination, proposer des choses qui sortent de l'ordinaire, se valoriser de cette manire-l.

    Des amliorations psychosomatiques spectaculaires

    C.G. De quelle faon la suggestopdie affecte-t-elle la sant des tudiants ?

    G.R. Le Dr Lozanov a fait beaucoup d'expriences et de mesures dans ce secteur l : questionnaires etc... Et il a constat que la suggestopdie avait une influence pour gurir des troubles psychosomatiques : maux de tte, crampes d'estomac, tats d'angoisse, d'anxit, tats d'agressivit etc... Et d'aprs lui, c'est un critre important. Il n'y a de vritable suggestopdie que s'il y a gurison ou solution de problmes de ce genre. Ces deux vont de pair. S'il y a fatigue des tudiants, s'il n'y a pas d'amlioration dans ce secteur psychosomatique, il n'y a pas de vritable suggestopdie.

    C.G. C'est ce que vous avez not vous-mme dans vos cours ?

    G.R. On a not des choses intressantes sans avoir fait du tout d'enqute systmatique.

    C.G. Vous intressiez-vous dj avant au dveloppement personnel ou est-ce par le biais de la suggestopdie que vous vous y tes intress ?

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    G.R. Dabord on ne peut pas s'occuper d'enseignement sans s'intresser au dveloppement personnel, c'est une premire chose. Ensuite, on ne peut pas faire de suggestopdie sans s'intresser encore davantage ces problmes. La partie la plus intressante des cours suggestopdiques n'est peut-tre pas seulement l'assimilation de nouvelles connaissances -linguistiques par exemple- mais ce sont les effets secondaires de la mthode sur le dveloppement de la personnalit : l'intrt, la motivation ... Les tudiants, lorsqu'ils ont suivi un cours de ce genre, ne sont plus les mmes la fin, et cette diffrence va toujours dans le sens gnral d'un mieux-tre.

    La suggestopdie nest pas pour tout le monde C.G. Est-ce que n'importe quel professeur peut se

    mettre la suggestopdie ?

    G.R. C'est peut-tre l un des problmes, c'est que pour faire un enseignement suggestopdique valable, il faut tre form. La suggestopdie n'est pas un livre de recettes. Elle n'a pas un effet magique, il ne suffit pas d'avoir des textes pour que cela soit un enseignement suggestopdique : il faut que le professeur soit la hauteur de la situation et son comportement est un peu le comportement d'un thrapeute. Il se trouve vis--vis de ses tudiants dans une situation particulire et il faut que son comportement, justement, aille dans le sens de l'approche suggestopdique. Mme le comportement physique du professeur pourrait crer un effet ngatif suggestif.

    C.G. Le Dr Lozanov a dit que la suggestopdie tait maintenant utilise en Bulgarie pour des matires comme les mathmatiques ou la gographie. On voit mal comment des dialogues ou des jeux de rle peuvent tre possibles dans ces matires. A votre avis, comment procde-t-il ?

    G.R. Il est trs difficile de savoir ce qui se passe en Bulgarie en ce qui concerne l'enseignement aux enfants. Ce que j'en sais, c'est qu'effectivement, il transforme

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    l'enseignement en une forme d'expression artistique : beaucoup de chansons, de jeux, de situations dramatiques, de concours, etc... On imagine quand mme ce que cela peut tre.

    On peut trs bien apprendre les mathmatiques en chantant, d'ailleurs on retrouverait des choses intressantes dans les procds avec lesquels on apprenait les tables de multiplication selon un rythme. Ce rythme facilitait la mmorisation. Il y avait une cadence, une alternance ... partir d'lments de ce genre, on peut imaginer le procd. Il serait videmment intressant de voir ce qui se passe.

    C.G. L'enseignement dans un climat de jeu est, pour certains, oppos ce qu'on appelle "former le caractre", tre en butte aux difficults de la vie pour se former.

    Lapprentissage de doit pas exiger des efforts G.R. C'est une conception que l'on peut avoir.

    Personnellement, je ne vois pas pourquoi l'apprentissage devrait exiger des efforts, tre difficile, pour tre valable. Ce qui est important, c'est que plus l'apprentissage est facile, moins l'tudiant est sujet faire des complexes, avoir des problmes, se sentir dvalorise, se sentir isol, dlaiss, cultiver ses propres problmes sans pouvoir en sortir.

    Le Dr Lozanov pense que ce qui serait le plus intressant, ce serait de partir avec de trs jeunes enfants ds l'cole maternelle en utilisant les principes de la suggestopdie, en valorisant les ressources de la personne humaine et en crant un climat positif favorable. Il pense que l'on aurait des enfants qui apprennent beaucoup de choses, trs vite et avec beaucoup de plaisir.

    On ne voit pas o cela s'arrte, et l'on ne voit pas pourquoi l'effort serait ncessaire. Associer effort et apprentissage est une erreur "20 fois sur le mtier remettez votre ouvrage" est faux.

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    Utiliser les perceptions subliminales

    C.G. Par rapport aux moyens de suggestion dont dispose la publicit par exemple, quels moyens supplmentaires la suggestologie apporte-t-elle ?

    G.R. Evidemment la suggestologie apporterait certainement des lments qui pourraient tre utiliss en publicit. Il y en a dj beaucoup : les doubles plans, les associations motionnelles ... Dans certains cas, la publicit gagnerait utiliser des images beaucoup plus artistiques, moins ralistes que cela ne l'est - du moins ici au Canada. D'un autre ct, une meilleure connaissance de ce que sont ces moyens de suggestion inconsciente amnerait sans doute les gens auxquels la publicit s'adresse ragir d'une manire beaucoup plus consciente, et moins se laisser prendre certains piges publicitaires. C'est une arme double tranchant.

    C.G. La publicit utilise donc une trs grande partie de ces moyens et la suggestopdie et la suggestologie les font connatre et les utilisent des fins positives.

    G.R. La publicit n'en utilise qu'une partie.

    C.G. J'ai t trs frapp par l'utilisation systmatique au Canada de la perception subliminale. Un exemple : l'instant je viens de rgler un taxi. Au-dessus du montant de la course, sur le compteur, il y avait une petite publicit pour un mdicament. Je l'ai not uniquement parce que je suis attentif ce genre de manipulations.

    G.R. Le message aurait t peru un niveau inconscient non-rationnel.

    C.G. Pensez-vous que la suggestopdie pourrait dboucher sur une psychothrapie directe, et non par le biais d'un apprentissage ? Dans certains cas pathologiques, la motivation l'apprentissage d'une langue, par exemple, serait difficile.

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    La mthode du chuchotement G.R. Il semble que ce soit le cheminement que le Dr

    Lozanov a suivi puisqu'il est parti de la psychothrapie pour aller vers la pdagogie. Il a d'abord utilis les donnes de la suggestologie pour des traitements thrapeutiques. Il a d'ailleurs cr une mthode qui s'appelle la mthode du chuchotement. Il a publi un ouvrage l-dessus en Bulgarie en 57 ou 58. Justement dans la sance active, un moment donn, on utilise le chuchotement en deuxime intonation. On a une petite ide par ce biais de la manire dont il a pu voluer. Il devait utiliser le chuchotement comme mthode persuasive, qui lui permettait de passer certaines suggestions, certains messages sans recourir l'hypnose.

    C.G. Quelles sont les applications futures de la suggestopdie et quels sont vos plans pour les annes venir ?

    G.R. Les applications futures sont illimites, puisque tout peut s'enseigner selon les principes suggestopdiques et si on largit la question au niveau de la suggestopdie, une meilleure connaissance de l'influence de l'environnement sur l'individu permettrait d'utiliser ces donnes dans toutes sortes de domaines, comme l'anesthsie psychognique, c'est un exemple parmi d'autres.

    Il y aurait moyen d'utiliser la science de la suggestion pour l'entranement des athltes, en mdecine - on connat dj le placebo -. On peut concevoir que la suggestologie aurait et aura des applications presque illimites. Dans le domaine de la suggestopdie, il serait intressant de pouvoir enseigner n'importe quelle matire ou quelle discipline, et spcialement celles qui ont une mauvaise rputation parce que tant plus difficiles. L'effet de choc est plus grand, soit des langues trangres, mathmatiques, statistiques...

    Ici nous essayons pour l'instant non seulement de mettre en place un systme d'enseignement des langues, mais en plus nous voudrions passer prochainement des applications dans le domaine de la formation

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    professionnelle. Il y a beaucoup faire.

    Il ne faut pas confondre suggestopdie et hypnose C.G. Quelles sont vos impressions sur le premier

    congrs international d'hypnopdie auquel nous avons assist ensemble ?

    G.R. En coutant les exposs sur l'hypnose, la sophrosopdie, l'hypnopdie, il tait bien difficile de s'en faire une ide. En fait il y avait ce que l'on appelle l'hypnopdie d'une part, et l'hypnosopdie d'autre part. La distinction n'est pas clairement faite dans l'esprit de tout le monde. Et quant la sophrologie, elle me semble diverger avec chaque individu qui la reprsente. La sophrologie existe-t-elle en Amrique du Nord ?

    C.G. Non, c'est surtout en Amrique Latine. Caycedo est trs proche de ce que dit Lozanov. Il considre la suggestion comme indpendante de l'tat de conscience.

    G.R. Certains sophrologues la reprsentent comme une philosophie. Mais l ils ont commenc par dire : "sophrologie gale hypnose". D'autres ont ajout : "Nous allons faire une grande distinction entre l'hypnose et la sophrologie". En fait, la distinction n'est jamais apparue clairement. Il y a eu aussi un moment donn certaines personnes qui ont associ sophrologie et relaxation. La sophronisation quivalait un tat de relaxation, ce qui videmment n'est pas exactement l'hypnose.

    C.G. C'est un tat semi-hypnode.

    G.R. Mme le Dr Cherchve, qui a annonc qu'il fallait distinguer les tats et les diffrents niveaux : la relaxation, la sophronisation et l'hypnose, a de nouveau tout mlang par la suite.

    C.G. Je crois mme qu'il a montr son hostilit envers le Dr Caycedo en insinuant que la sophrologie tait une affaire commerciale de vente de cours.

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    G.R. Il n'a pas dit exactement a, mais on avait en effet l'impression un moment donn qu'il attaquait quelqu'un.

    C.G. Dans un premier temps il y a eu quantit d'orateurs qui sont intervenus sur l'hypnose (il y avait beaucoup d'hypnotiseurs). L'attitude de Cherchve elle-mme tait plus celle d'un hypnotiseur que celle d'un sophrologue. Au niveau du langage, des expressions comme "Je relaxe" ou "Vous ne pouvez pas louper votre coup" le dmontraient clairement. Il tait plus du ct de la contrainte que de l'ducation et de la pdagogie.

    Lhypnopdie nest quun effet placebo G.R. D'ailleurs Lozanov est arriv comme un pav

    dans la mare. Il a balay du revers de la main tout cela, partir d'expriences scientifiques sur l'hypnopdie et l'hypnosopdie, en dmontrant qu'on pouvait arriver des rsultats identiques, quivalents et mme suprieurs sans avoir besoin d'utiliser tous ces tats. Parce qu'au fond, sa grande proccupation est de travailler un niveau utilisable dans l'ducation avec des quantits considrables de personnes, professeurs, d'enseignants ... des mthodes pratiques ! Il ne va pas commencer faire de l'hypnotisme pour apprendre quelque chose, cela serait bien compliqu. Alors, dans un sens, son intervention tait une bombe.

    C.G. Notamment lorsqu'il a annonc "L'hypnopdie n'est finalement qu'un effet placebo". L'organisateur, Monsieur Galvez, hypnopde lui-mme, ne s'y attendait certainement pas.

    G.R. Non, car il ne savait pas lui-mme ce qu'tait la suggestopdie. Il pensait probablement que c'tait ce que quelqu'un a appel la suggesto-hypnopdie.

    C.G. Les participants attendaient tous le Dr Lozanov et aprs son intervention ils se sont dsintresss de ce qui se passait. J'ai t frapp par la fascination qu'a exerc sur

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    l'auditoire le Dr Cherchve en parlant du Tai-Chi-Chuan. Les sujets extrme-orientaux semblaient tous captiver l'audience.

    G.R. C'est l'attrait de l'inconnu.

    O.G. Le Docteur Lozanov n'essaye-t-il pas d'utiliser un systme bien occidental, pragmatique, bas sur des recherches exprimentales qui carte toute la partie "traditionnelle" de toutes ces disciplines qu'il a tudi, qu'il connat bien et qu'il essaye de ramener l'essence mme du phnomne ?

    G.R. Oui, il est all aux Indes tudier la question sur place.

    C.G. Le paralllisme entre les proccupations et la dmarche du Dr Caycedo et du Dr Lozanov est tonnant. Mais leurs conclusions divergent.

    C.G. En rsum, pour le congrs, quelle a t votre impression gnrale ?

    G.R. Il me semble que l'aspect le plus intressant a t la finale, avec l'intervention du Dr Lozanov, les prcisions qu'il a apport. C'est d'ailleurs peu prs le seul moment o l'on a dbouch galement sur les questions d'ducation ou d'enseignement, parce qu'avant on s'en tenait un secteur trs gnral et flou sans toucher la pdagogie. Ce qui a d'ailleurs provoqu immdiatement la raction de l'inspecteur gnral. On touchait l un secteur rserv, ou qu'il interprtait comme rserv et il s'est efforc d'teindre tout de suite l'enthousiasme naissant. Je ne pouvais pas ne pas intervenir d'autant que l'organisateur m'y avait invit.

    C.G. Le Dr Lozanov cherche donc faire mieux connatre la suggestopdie de faon viter les ractions ngatives du type de celles de l'inspecteur principal, Monsieur Toraille, qui a d'ailleurs pris peur ! Il a dit "je suis pouvant" en croyant qu'il s'agissait d'une remise en cause totale des mthodes d'enseignements traditionnelles.

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    Un accueil trs favorable sauf de Monsieur Toraille

    G.R. J'ai trouv que la raction de l'auditoire tait dans l'ensemble trs favorable Lozanov et ma remise en place a t chaudement applaudie alors que Monsieur Toraille, lui, a t accueilli tidement. Seule une minorit l'a suivi.

    C.G. Mes contacts avec la minorit m'ont montr que le grand reproche qui est fait au Dr Lozanov est le suivant : "Je suis venu ce congrs pour en savoir plus sur le plan pratique et il n'a rien dit sur ce plan, ses films sur l'hypnose ne m'ont pas convaincu, bien au contraire, sur le plan de la suggestopdie. Il a certainement quelque chose cacher s'il ne fait que parler thorie sans application pratique".

    G.R. Il y avait une ambigut au niveau du congrs lui-mme. Il a demand Monsieur Galvez quel type d'auditoire il y aurait. Ce dernier lui a rpondu : "Des scientifiques, surtout des mdecins, des gens de ce genre". Il s'est donc automatiquement plac sur un plan thorique. Si certaines personnes avaient voulu en savoir plus sur le plan pratique, ils auraient d poser la question.

    C.G. On peut se demander de quel type d'auditoire il s'agissait : une vingtaine de personnes avaient dj particip au sminaire alpha de dynamique mentale : des personnes qui sont ouvertes aux nouvelles mthodes d'enseignement et de dveloppement personnel ... il y avait quelques mdecins, notamment des chirurgiens-dentistes. La dernire catgorie de participant semblait surtout intresse par tout ce qui est occulte, mystrieux, sotrique. Mais dans l'ensemble, tous ont t surtout intresss par la prsentation du Dr Lozanov.

    G.R. Le reste tait trs ingal.

    C.G. Certaines choses taient trs intressantes. Qu'avez-vous pens de ... l'intervention de Monsieur Jost sur la musicothrapie ?

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    G.R. C'est un domaine que je connaissais dj. Nous sommes en relation avec son centre et ses collaborateurs. Eux ne font pas d'applications pdagogiques mais les recherches qu'ils font sur les applications de la musique nous intressent. Il a t dommage que cela n'ait pas t plus dvelopp dans le congrs. On aurait su d'autres choses) Je me pose beaucoup de questions sur les relations entre les questions de rythme, de mode, les effets obtenus etc... Ou en sont-ils arrivs dans leurs travaux ? Sont-ils arrivs des gnralisations ?

    C.G. Je vous ai entendu dire, propos de la suggestopdie aux U.S.A. : "L, c'est une autre histoire".

    La suggestopdie aux USA : des problmes G.R. Nous avons un problme avec les Etats-Unis sur

    cette question de suggestopdie parce qu'il y a plusieurs coles. Il y a un des groupes qui s'est constitu autour de Ostrander et Schroeder, et qui pense que la mthode est base directement sur le yoga, que le fait de ne pas utiliser le yoga est une lacune. D'autre part, il y a un centre qui s'appelle Mindkind Research Enlightment. Eux en font une utilisation commerciale.

    En fait, ce n'est pas un centre. Ils ont utilis les droits et les vendent sous forme de franchise. C'est la dlgation commerciale de Bulgarie qui leur a vendu l'exclusivit de la mthode pour l'enseignement des langues aux U.S.A. Ils ont donc cherch des "concessionnaires" et les ont envoys Sofia, il y a quelques mois. Sur 12 personnes, le Dr Lozanov a t oblig den renvoyer 7, car ils ne possdaient aucune connaissance linguistique et pdagogique.

    C.G. Au centre d'Ottawa, vous essayez de prouver la viabilit de la mthode sur le plan des langues d'abord. En quantifier les effets et approfondir la mthode, puis essayer de voir d'autres applications.

    G.R. En plus, nous sommes obligs d'aller plus loin

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    que les bulgares. Eux, ont un premier cours, puis un second. Ils n'ont pas t plus loin, alors que nous, nous en avons 3 et mme 4. Tout dpend du niveau d'utilisation de la langue que l'on veut obtenir.

    C.G. Pour vous il s'agit vritablement de bilinguisme.

    G.R. Un bilinguisme qui doit tre fonctionnel, et avec une population beaucoup plus diversifie que celle de Lozanov. La plupart des gens qui suivent ces cours en Bulgarie sont des professeurs, des universitaires, des tudiants, des mdecins, des avocats d'un niveau professionnel assez lev, alors que nous avons, nous, une population qui va de la dactylo, de la secrtaire jusqu'au directeur. C'est trs diffrent.

    C.G. Il faut que vous adaptiez les cours une varit beaucoup plus grande. Mais n'est-ce pas sur le plan personnel, encore plus enrichissant ?

    G.R. Cela pose quand mme des problmes.

    C.G. Au niveau des rfrences culturelles?

    G.R. Notamment.

    Limportance de la motivation G.G. Le Dr Lozanov a beaucoup parl de motivation,

    en disant qu'il y a d'une part le changement d'environnement et la suppression des suggestions ngatives qui viennent inhiber le processus d'apprentissage, et d'autre part une motivation plus forte au travers de jeux, d'exercices, de faon ce que les deux effets, l'un dynamique, la motivation, l'autre cartant l'inhibition, permettent d'aller plus loin, plus vite et mieux. On lche le frein et on appuie sur l'acclrateur.

    G.R. Oui, parce que le processus a une influence justement sur la motivation ou l'intrt pour le sujet qui apprend, ce qui modifie compltement son attitude vis--vis

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    de la langue apprendre (s'il s'agit d'une langue) alors que la plupart du temps avec des mthodes du type traditionnel le gros problme est comment intresser et accrotre l'intrt de l'tudiant pour ce qu'il apprend.

    En gnral il arrive avec une bonne volont certaine, et au bout d'un certain temps, a retombe. Ca retombe parce qu'il y a des phnomnes de saturation. Il y a la lenteur du processus d'apprentissage qui le dcourage, la monotonie du systme etc... On cherche des solutions artificielles pour soutenir l'intrt de la motivation.

    Ici, a n'est pas le cas. On voit que les tudiants sont vraiment intresss. Le problme est plutt qu' la fin, ils n'ont pas envie de partir. Ils ont le mme problme en Bulgarie d'ailleurs. Les tudiants se trouvent bien et sont prts continuer.

    C.G. C'est presque un systme de vie, non ? A la limite un tudiant qui a fait de la suggestopdie n'aurait-il pas envie d'appliquer les rgles de la suggestopdie dans le travail ? Dans sa vie professionnelle ?

    G.R. Oui, c'est peut-tre difficile pour l'tudiant parce qu'il n'est pas absolument conscient de ce qui se passe, mais a l'est plus pour le professeur ou l'organisateur.

    C.G. Y a-t-il eu des tentatives dans ce sens ? On peut considrer qu'une entreprise est une cellule de communication et d'information. Si la suggestopdie est un nouveau mode de communication, d'information, on pourrait en appliquer les rgles dans l'entreprise...

    Dans la formation des professeurs, par exemple, utilisez-vous aussi les rgles de la suggestopdie ?

    G.R. C'est un secteur qui nous intresse beaucoup. Toucher le domaine de la formation professionnelle des fonctionnaires. Il y a, en particulier, un secteur trs intressant : (je ne sais pas comment on va rgler la question) celui des responsables administratifs, des responsables de gestion. Parce que leur comportement

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    pourrait tre trs diffrent s'ils connaissaient la suggestologie (l c'est simplement la science elle-mme) et s'ils s'en servaient.

    La valorisation de la personne peut se faire dans toutes sortes de circonstances et si on mise sur les ressources de la personne humaine dans l'enseignement on peut certainement faire la mme chose dans le travail.

    Cest au niveau des enfants que les rsultats peuvent tre les plus spectaculaires

    On est en train de penser tout a. Mais ce qui me semble encore plus important, ce sont les connaissances de la suggestologie l'intention des parents. C'est un secteur privilgi. Les problmes d'enseignement ou de formation suggestopdiques sont bien moindres avec des enfants qu'avec des adultes parce que le processus de dsuggestion la base n'est pas le mme. Tout le problme, avec les adultes, c'est la partie dsuggestion.

    G.G. Le mme phnomne se produit dans mes sminaires. Les enfants n'ont absolument aucune difficult utiliser leurs facults d'imagination et de relaxation, alors que les adultes doivent passer par un processus de dconditionnement.

    G.R. Si vous prenez un enfant pour lui apprendre la langue russe, il ne va jamais penser que cela peut tre une langue difficile parce que c'est crit autrement, cela ne lui viendra mme pas l'esprit. Dites un adulte qu'il va falloir qu'il suive des cours de russe. Il va commencer par regarder comment c'est crit, et en voyant les caractres cyrilliques, il dira "Mais c'est extrmement compliqu". Mme chose pour le chinois.

    C.G. Ou les mathmatiques.

    G.R. Je m'intresse de par la suggestopdie au secteur du dveloppement de l'enfant qui est souvent trs mal compris par les parents parce qu'ils attendent souvent que

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    l'enfant soit grand pour lui apprendre quelque chose. En fait le dveloppement de l'enfant commence l'heure zro.

    C.G. La suggestologie peut s'appliquer bien avant l'apparition du langage. C'est ce qui est fantastique.

    G.R. Je ne sais pas ce qui se fait en France par exemple pour la lecture chez les jeunes enfants, chez les trs jeunes enfants. Je ne sais pas s'il y a la lecture globale. Quand faut-il commencer, quel ge, il y a des questions que l'on se pose. Certains chercheurs au Canada ont fait des expriences d'apprentissage de la lecture avec des enfants trs jeunes. J'en ai fait moi-mme avec un enfant de deux ans. Ds le dpart, il lisait facilement une soixantaine de mots. Un enfant trs trs jeune peut trs bien apprendre lire.

    C.G. En France, un rcent article de psychologie conseillait : "Si votre enfant est intelligent, dynamique, quilibr, inutile de vous acharner pour lui faire prendre de l'avance en lecture. Il saura trs bien se dbrouiller seul l'cole. En revanche, si votre enfant est lent ou paresseux, ou s'il pose des problmes de comportement et risque par consquent d'entrer en conflit avec ses enseignants l'cole, une prparation prcoce la maison lui sera d'une grande utilit". L'avance en lecture pose souvent un problme en classe vis--vis des autres.

    G.R. On retombe nouveau dans cette fameuse norme dont parle Lozanov. On se heurte au systme. Si l'enfant commence savoir lire 3 ou 4 ans d'une manire assez courante, que va-t-il faire l'cole ?

    C.G. Son entourage pense que cela peut tre dangereux.

    G.R. La seule chose qui me semble trs juste c'est qu'il ne faut pas forcer l'enfant. Il n'apprend pas selon les principes scolaires que l'on peut prconiser l'heure actuelle: une heure de lecture, une heure de ceci, une heure de cela ... Il apprend par petites touches, et il faut saisir les

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    moments o il s'intresse la question. Je suis parti avec des mots valeur affective, ce qui l'intressait : papa, maman, les noms de ses frres, ensuite les objets qui suscitaient chez lui des ractions motionnelles. La premire fois qu'il a vu crit "maman", comme l'criture est un processus trs abstrait, il touchait du doigt le mot crit, maman, pour ensuite raliser qu'il n'y avait finalement rien. Puis il disait en montrant sa mre "maman l" et en montrant le mot "maman l" "deux mamans ! ?".

    C.G. Il touchait du doigt la reprsentation symbolique et la personne sans bien tablir le lien.

    G.R.Tranquillement il est arriv comprendre qu'il y avait un mcanisme d'abstraction, du fait qu'il y avait le mot crit, le mot crit recouvrait la signification. C'est le principe du signifi et du signifiant. Ensuite il y a des moments o l'enfant veut lire, il demande. Il va le faire pendant 2, 3, 4, 5 minutes ... des mots qu'il connat. Aprs, cela ne l'intresse plus, il revient plus tard. Il faut suivre son rythme.

    Lapprentissage doit tre li au jeu C.G. L'alternance de temps diffrents, de rythmes,

    semble trs importante en suggestopdie. Il y a des cycles.

    G.R. Pour le jeune enfant c'est une phase de jeu, alors qu'en fait c'est un apprentissage qui correspond par exemple aux jeux o l'on a des pices, des blocs, logo ou autre apprentissage musculaire neurophysiologique, il a des concepts l'arrire plan. S'il construit une tour, il en voit aussi de vraies. Il y a des liens qui se font, symboliques ; l'criture doit s'inscrire dans ces tapes-l.

    A un moment donn, on joue avec des pices, avec des mots, avec un livre. Tout cela se place dans un systme d'apprentissage et d'volution de l'enfant. Il ne s'agit pas d'arriver avec quelque chose en disant : ah ! maintenant on ne joue plus, on va apprendre lire. L'enfant a envie de

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    continuer jouer. Lire, dans cette optique, ne prsente aucun intrt pour lui.

    C.G. Ne revient-on pas une pdagogie personnalise ou le prcepteur, qui s'occupe d'un seul enfant, devient indispensable ?

    G.R. C'est dans le milieu familial qu'il faut placer ce type de dveloppement, autrement cela risque de devenir artificiel. C'est pour cela qu'il est trs important que les parents se familiarisent avec la suggestologie et la suggestopdie.

    C.G. Il faudrait donc commencer par la formation des parents eux-mmes.

    G.R. Exactement, il y aurait une information leur donner, extrmement dense.

    C.G. Information, ou plutt formation. Au niveau de la prise de conscience, l'information bien souvent ne suffit pas. J'ai vu des changements extraordinaires de parents aprs un travail au magntoscope Ou une prise de conscience au travers d'un groupe, leurs attitudes taient modifies.

    G.R. Mme au point de vue de la langue orale, il y a des parents qui ne parlent pas au bb, sous prtexte qu'il ne peut pas comprendre. On attend 6-8 mois avant de commencer lui parler. Ceci entrane un retard considrable dans le processus et vous avez des enfants qui, deux ans, ne parlent quasiment pas. Les parents, la mre en particulier, doivent commencer parler l'enfant ds le dpart.

    Enfant surdou... ou est-ce la suggestion qui en FAIT un surdou ?

    C.G. Mme si le langage n'est pas tout de suite peru, tout le reste passe.

    G.R. Il est peru comme appartenant tout un environnement auquel il se sensibilise. De mme qu'il va

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    commencer ragir aux couleurs, la lumire, l'obscurit ... et la voix ! La voix l'amne ragir.

    C.G. Son intonation, sa rsonance affective.

    G.R. L'enfant ragit trs vite activement.

    Dans son comportement physique, quand on lui parle, trs trs jeune, on voit que a provoque en lui une raction, qu'il ragit ensuite expressivement par des sons qui sont spcifiques et qui se distinguent compltement des cris de l'enfant qui a faim, des cris de l'enfant qui est malade etc. Il y a une forme de dialogue qui n'est que des cris. J'ai vu des enfants un mois et 10 jours commenant dialoguer avec la mre.

    C.G. Le sourire par exemple.

    G.R. Oui, peu prs vers la mme priode, il y a le sourire, et cette communication sonore qui est un vritable change. Il rpond sa manire lui. Il rpond sa mre. La mre doit lui parler.

    C.G. A-t-on une ide des rsultats qu'on peut obtenir en levant un enfant de la sorte.

    G.R. A l'heure actuelle il n'y a pas de donnes scientifiques sur la question, il y a juste des expriences.

    C.G. Cela peut remettre en question en grande partie l'ide du don. Quand on voit des familles (comme celle des Bach, Mozart etc.) o l'on voit l'enfant montrer, ds la naissance, un don.

    Le creuset familial, l'environnement facilitent bien sr l'closion de ce don.

    G.R. Si on cr un environnement musical, si on fait couter de la musique des bbs (ce qui me semble trs important), si on chante, si on les fait ensuite chanter, il est inou de voir la capacit d'absorption d'un jeune enfant. On se demande o cela s'arrte ! Il faut le faire dans la mesure o a l'intresse, o c'est un jeu.

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    Trs souvent au dpart, si le pre ou la mre commence les phrases, l'enfant les termine et on s'aperoit qu'il les connat par cur !

    La chanson a une place importante en suggestopdie

    C.G. La chanson a une place dans l'enseignement suggestopdique ? Elle met en branle un ensemble de facults qu'on n'utilise pas ordinairement ?

    G.R. Oui, on utilise le chant, on leur apprend chanter ... Sofia on avait remarqu que, dans le cours, dans la 1re leon, le Pont d'Avignon est tout de suite introduit et ils apprennent videmment chanter. On s'tait demand si on pouvait l'utiliser avec des anglophones, qui ont un tempra-ment videmment trs diffrent.

    Et dans notre 1re exprience, en 1973, on a beaucoup hsit en se demandant "Est-ce qu'on la met ou est-ce qu'on ne la met pas ?". Des fonctionnaires adultes, chanter sur le Pont d'Avignon ! Est-ce qu'ils ne vont pas ragir ? Et puis, comme on voulait changer le moins de choses possibles, on s'est dit "On va essayer, on va bien voir ce qui va se passer, qu'est-ce que l'on risque aprs tout ?"

    Eh bien ils ont trouv a tout fait extraordinaire, ils se sont mis chanter. Ils se sont mme mis composer d'autres paroles : "Les professeurs font comme a". Ils ont mme modifi les paroles dans une prsentation banale, cela donnait Au garage d'Avignon on rpare les voitures etc. . Aucune difficult n'est apparue.

    C.G. J'ai connu ce genre de crainte dans des sminaires de crativit o l'on commence par proposer aux participants, dans la premire phrase d'expression corporelle, ludique, des exercices qui semblent ridicules, et les participants y trouvent un enseignement et une profondeur que quelquefois on en avait pas retir soi-mme.

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    Introduire lexpression non verbale G.R. Dans l'enseignement des langues traditionnelles,

    il y a des tentatives pour introduire la gestuelle. Et en gnral on plaque cette solution. A un moment o l'on se dit: "il faudrait peut-tre faire quelque chose, tout le monde s'ennuie, a ne marche pas", on arrive avec une tentative d'insertion de la gestuelle, et en gnral cela se passe assez mal. Parce que c'est artificiel, parce que les gens ne voient pas pourquoi on veut leur faire faire cela etc.

    En suggestopdie, on place cela ds le dpart, et c'est reli ce que Lozanov disait : l'expression artistique. Il ne faut pas prendre cela au sens des beaux-arts : du Raphal, du Michel Ange, etc. L'expression artistique, c'est l'expression ayant valeur motionnelle.

    On introduit l'expression non verbale, avec une grande efficacit sur plusieurs plans. Le premier plan c'est le fait que l'tudiant qui ne connat pas une langue, qui dbute, a peur de s'exprimer dans cette langue. Par le jeu de ce mime on lui offre une solution de rechange : il ne va pas s'ex-primer par des paroles, il va s'exprimer par des gestes. Il va s'exprimer devant le groupe par des gestes.

    Comme entre deux maux il faut choisir le moindre (tout cela se passant un niveau inconscient bien videmment). Il est heureux de sauter sur l'expression gestuelle qui lui est de beaucoup plus accessible que l'expression orale de la langue. Il saute l-dessus et va s'exprimer gestuellement d'une manire trs pousse. Il se dit plus je fais cela bien, plus je vais corser la difficult pour les autres et le problme ce sont les autres qui vont l'avoir, pas moi.

    Pour lui il est intressant de reporter sur les autres le problme qui pourrait tre le sien, en leur proposant un dialogue qui peut tre assez difficile, en faisant des gestes bien choisis ou assez complexes, qui crent tout un ensemble. Cela l'amne s'exprimer devant un groupe avec des gestes.

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    C.G. D'o le retentissement sur le dveloppement personnel.

    G.R. Au dpart on lui demande de s'exprimer devant les autres par des gestes mais aprs ce sera par des paroles, et le geste tant cr au dpart, lorsque la parole vient, le geste suit.

    Tout est bas sur des moyens de ce genre qui portent toujours sur le double plan de la thorie. Il ne faut jamais que la langue soit au 1er plan. Il faut qu'elle soit au 2me plan.

    C.G. Et on joue sur la comptition, sur le jeu ...

    G.R. Ou alors, l'introduction ces petits exercices est une introduction orale "Quelle est votre profession ?" fait partie du 1er dialogue qu'un tudiant pose. L'autre rpond "Devinez" et il mime son mtier.

    Les autres proposent avocat, lectricien, dactylographe, il dit "Non, non". Il y a un climat de concours qui est extrmement important, parce que c'est a qui doit tre au premier plan. Du point de vue de la motivation psycho-logique, ils sont trs impliqus.

    C.G. Quelle est la position de la suggestopdie par rapport aux mthodes non-directives ?

    G.R. Dans les langues il y a un contenu faire passer. Si on doit apprendre quelque chose, cela veut dire qu'on en a pas la connaissance.

    C.G. L'ide des mthodes non-directives : grce la maeutique on peut tout faire dcouvrir.

    G.R. Oui mais c'est souvent une solution de facilit. Cela n'a rien voir avec la prise en charge de l'apprenant de son apprentissage. Le problme de la prise en charge et de la valorisation des ressources, de l'apprenant c'est essentiellement un problme de dveloppement psychologique.

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    Gurison et suggestion G.R. La sophrologie s'intresse aux maladies

    psychosomatiques. Au temps jadis, le mdecin ne se contentait pas d'examiner le malade mais tudiait aussi son cas. Il apportait un lment curatif extrmement important dans le processus de gurison : ce que le malade recherche, ce qu'il veut avant tout, c'est exprimer son besoin. Avant en l'exprimant, il crait cette attente laquelle il demandait au mdecin de rpondre. Et le mdecin rpondait par des paroles, par une analyse de la situation, ensuite par un examen. Ces examens taient des examens physiques directs.

    C.G. On touchait, on palpait ...

    G.R. Oui, on touchait, on palpait, maintenant tout est impersonnel. On fait passer des radios, le mdecin a un stthoscope etc. Il est bien vident que l'aspect curatif qu'obtiennent certains gurisseurs n'a plus lieu maintenant dans la mdecine officielle.

    C.G. D'o le succs de certains gurisseurs.

    G.R. Parle-t-on aussi en France des gurisseurs des Philippines ?

    C.G. Bien sr ... A propos les gurisseurs des Philippines, je me demande si par le pouvoir de la suggestion trs forte du dplacement de l'individu pour voir quelque chose etc., on n'a pas un phnomne comparable celui des miracles de Lourdes dans certains cas - les plus rares -, et dans d'autres cas, une gurison par la suggestion "classique" que l'on aurait pu aussi bien obtenir en employant l'hypnose, par exemple.

    G.R. C'est d'ailleurs ce qu'a dit Lozanov. Dans l'exprience de l'anesthsie dont il a parl, il a bien expliqu qu'il n'y avait pas eu de dperdition sanguine, ce qui serait aussi le cas aux Philippines ... Il faut bien comprendre que si quelqu'un dcide de se payer un voyage aux Philippines, cela reprsente bien souvent pour lui un investissement

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    extraordinaire. Parce que l'attente est extrme, la certitude d'tre guri devient extrme.

    C.G. La certitude... disons plutt l'espoir.

    G.R. Certitude un niveau inconscient.

    C.G. D'accord.

    G.R. Espoir un niveau conscient, mais si un niveau inconscient elle n'avait pas la certitude, elle n'entreprendrait pas les dmarches. Ce qui arrive c'est que la conjugaison de ces deux donnes donne des rsultats. Le pourcentage de cas de gurison est statistiquement significatif.

    C.G. Sans mme parler des gurisseurs des Philippines, une tude des gurisons miraculeuses qui surviennent dans la plupart des religions serait intressante.

    Le pouvoir suggestif des religions G.R. Une tude que j'aimerais faire, c'est le lien entre

    religion et suggestion. Il y a l des choses prodigieuses. J'ai assist, par exemple, aux rites orthodoxes qui ont lieu Sofia. En voyant ces rituels, on ne peut s'empcher de penser "il n'est pas tonnant que la suggestopdie ait pris naissance ici". C'est un vritable thtre, une mise en scne extraordinaire, avec changement de costumes de diffrentes couleurs, avec dcor comme dans un thtre, des rideaux qui se ferment comme par enchantement... les rideaux s'ouvrent, des personnages apparaissent... et l'utilisation de la musique... c'est un plaisir d'y aller, rien que pour entendre la musique. Il y a des voix vraiment extraordinaires, qui ont un grand pouvoir suggestif.

    C.G. Dans La dynamique mentale", j'ai consacr quelques pages la science chrtienne, car c'est la religion qui utilise le mieux, mon avis, les pouvoirs de la suggestion. Il y a presque eu la mme dmarche initiale que celle du Dr Lozanov, lorsque Quimbey s'est aperu que la gurison dpendait essentiellement de la suggestion l'tat

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    de veille ; la seule diffrence, c'est qu'il y a eu dans un cas naissance d'une religion, dans l'autre d'une science, et d'un systme pdagogique. Il y a d'ailleurs un comit qui s'occupe uniquement de tout ce qui est publi sur la science chrtienne, et qui s'emploie faire corriger tout commentaire qui pourrait agir comme suggestion ngative.

    G.R. La relation entre suggestion et religion mriterait une tude trs approfondie.

    C.G. Lozanov a surtout tudi le yoga, mais les religions me semblent aussi tre des coles de suggestion, de mme que les mouvements sotriques, les sectes de toutes sortes.

    G.R. Moi je me demandais si les difficults que semble prouver actuellement l'glise romaine ne tiennent pas ce qu'ils ont abandonn un peu avant des structures suggestives parce qu'ils n'avaient pas ralis l'effet qu'elles avaient. On est repass un plan "rationnel" qui a limin l'lment motionnel et le rsultat, je le vois en Amrique, est une effervescence de sectes orientales, extrme-orientales etc. qui cherchent rcuprer ce que les structures officielles ont abandonn, ce que l'glise officielle n'a plus.

    Je crois qu'il y aurait quelque chose creuser l sur le plan de l'intrt, de la connaissance de la suggestion. Des points sur lesquels la suggestologie devrait se pencher, ce que le Dr Lozanov ne peut pas faire, mme s'il fait quelques allusions dans des discussions personnelles.

    C.G. Des mouvements comme le pentectisme.

    G.R. Au Canada, les mouvements en vogue sont plutt la mditation transcendantale, je pense que vous l'avez aussi en France. Le Maharishi Mahesh Yogi. Des mouvements de type oriental.

    G.G. En France, il y a plusieurs milliers de personnes qui ont t initis la mditation transcendantale.

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    Accrotre lquilibre entre conscient et inconscient G.R. J'ai t rcemment un congrs des

    enseignantsd'anglais. L'accueil a t enthousiaste. Pourtant je leur ai dit : il ne faut pas se faire d'illusion, tout le systme pdagogique doit tre repens. Il ne s'agit pas de mettre un fond de musique pendant le cours et de dire que c'est de la suggestopdie. Cela ne donnerait rien. Il s'agit de rpandre l'ide pour crer l'attente, autrement il ne se passera rien, si personne ne sait rien.

    C.G. Mme chose en psychothrapie : de nombreuses thrapies plus ou moins folkloriques obtiennent nanmoins d'excellents rsultats, mais pas du tout pour les raisons auxquelles ils croient.

    G.R. D'une faon gnrale, elles accroissent l'quilibre entre conscient et inconscient, sans dvelopper vraiment la personnalit. En suggestologie, le dveloppement est orient vers l'utilisation des rserves non utilises. On a reproch au fondement des thories de Lozanov de se baser sur les thories des russes qui sont pourtant srieuses, mais ne sont pas admises par tout le monde. Pourtant des thories semblables voient le jour ici. "Si ces 96 % ne se sont pas dvelopps jusqu' aujourd'hui, ce n'est pas la peine de s'y mettre !" J'ai vu des ractions de ce genre "attendons dans des millions d'annes l'volution de l'humanit", etc.

    Les travaux des russes sont toujours tays par une correspondance physiologique, matrielle, ce qui suscite encore d'autres types de critiques en disant "finalement le cerveau, on le connat peine sur le plan anatomique et physiologique, alors comment a-t-on pu dire qu'il y avait des rserves inutilises ?" Ce sont les reproches que l'on trouve, bass sur une approche pseudo-scientifique, en Amrique du Nord. Je ne vois pas pourquoi les russes n'auraient pas pu dcouvrir quelque chose dans ce domaine.

    C.G. Par rapport aux recherches effectues dans nos pays, il n'y a qu'une diffrence de pourcentage et cela n'a aucune importance.

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    G.R. Exact.

    Les critiques de la mnmotechnie ne connaissent pas les processus de la mmoire

    C.G. Que pensez-vous de mthodes de mnmotechnie bases sur le dveloppement des sensations, de la visualisation et des associations ?

    G.R. Ceux qui les critiquent ne connaissent pas les processus de la mmoire.

    En suggestopdie, on facilite les associations. Une association peut se raliser avec un dveloppement anatomique. Des liens anatomiques vont se crer, qui ensuite deviendront des centres de connexion. On multiplie les circuits de connexion, donc on multiplie les circuits intgrs alors que si on ne fait rien il ne se dveloppe qu'une association sur le terminal de l'axone et il s'en dveloppe peu au niveau intermdiaire.

    C.G. Le mme mcanisme apparat en lecture rapide, par exemple, on s'aperoit que lisant plus, ayant plus d'informations, plus de rfrences dans le cerveau, l'acquisition des nouvelles connaissances entre en rsonance immdiate avec tout un ensemble d'lments prexistants, ce qui permet une association plus facile, puisque entre l'information nouvelle et ce qui existait, toute une srie d'associations et de connexions vont se raliser.

    G.R. Il y a des connexions, des liens anatomiques qui s'tablissent parce que finalement tout a a un fondement anatomique et physiologique, il n'y a pas de doute l-dessus.

    Il y a aux Etats-Unis un neurochirurgien extrmement intressant parce qu'il a ralis un travail au niveau des gens qui sont cervels ou qui ont les hmisphres droit et gauche spars, la suite d'un accident. Il a t amen faire normment de recherches sur le rle des hmisphres. J'ai fait sa connaissance au congrs de Los Angeles. Il va publier un livre sur la question, qui s'appelle "apprentissage

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    et hmisphres crbraux", sur le rle des hmisphres crbraux dans les processus de l'apprentissage. Cela nous apportera d'ventuelles connaissances nous permettant de mieux comprendre ce qui se passe avec la suggestopdie.

    Comment expliquer, par exemple, l'hypermnsie ? Il est possible que dans l'apprentissage de type suggestif (c'est une hypothse qui a t souleve) il y ait des associations qui se fassent entre les deux hmisphres et qu'il y ait donc pas seulement un hmisphre sige de la logique, de la raison, de la conceptualisation qui fonctionne.

    C.G. On retrouve le mythe de la volont oppos l'imagination, que Cou a formul en disant "lorsque volont et imagination sont en conflit, c'est toujours l'imagination qui l'emporte". La ralit est plus subtile. D'un cot il y a les fanatiques de Cou qui formulent leurs croyances d'une faon inadmissible pour le commun des mortels...

    Les 3 barrires suggestives G.R. Qui heurtent des prjugs qui sont enracins

    profondment et qui se heurtent ces barrires dont parle Lozanov : barrires de la raison, barrires motionnelles et thiques, qui rejettent toute suggestion contraire ces principes. La thorie suggestopdique, en ce qui concerne les 3 barrires par exemple, les barrires suggestives, explique normment de ractions. Cela permet de comprendre normment de choses sans avoir recours comme on peut le croire dans certains cas des thories psychanalytiques. Dans bien des cas il n'est pas ncessaire d'aller aussi loin. Ce sont des ractions qui s'expliquent d'une toute autre manire.

    C.G. Quelle est la position de Lozanov par rapport Freud ?

    G.R. Freud tait interdit derrire le rideau de fer, il est bien vident qu'ils devaient viter Freud pour ne pas tre

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    accus de faire du freudisme. Maintenant, reste, comme dit Lozanov, que dans bien des cas les psychanalystes crent des problmes pour avoir ensuite la facilit de les rsoudre, mme si c'est inconscient.

    C.G. Sur le plan psychologique, je crois que le dbut de l'enseignement suggestopdique est trs important. Comment est-ce structur ?

    Une nouvelle identit G.R. La personne qui apprend une langue reoit une

    nouvelle identit. Un nouveau nom, une nouvelle adresse, une nouvelle profession etc. C'est un effort de masque qui permet de dissimuler la vraie personnalit au moment o la personne balbutie dans une nouvelle langue ... mais tout cela joue un niveau inconscient.

    Au dpart l'tudiant Joue ce rle inconscient et ensuite (on a fait une courbe) il part donc dans un monde absolument fictif puis il redescend au niveau de la ralit (le dbut du cours est structur de cette manire-l) tout en conservant son nom d'emprunt. De cette faon, il peut quand mme accommoder la ralit ses besoins. Je me souviens, en Bulgarie, il y avait un dialogue sur la famille et une de mes tudiantes m'a manifestement racont des choses fausses. Elle m'a dit qu'elle avait cinq enfants, ce qui, vu son ge, tait utopie relle, mais nanmoins pour des raisons personnelles, elle se valorisait peut-tre, elle se prsentait de cette faon. Et personne ne faisait la distinction entre ce qui tait vrai et ce qui tait faux.

    On a des tudiants qui nous parlent de voyages qu'ils ont fait dans tel ou tel pays, on pense "ah oui, il y tait", et ensuite on s'aperoit que c'tait purement imaginaire, mais l'imaginaire a un rle psychologique.

    Lozanov fait appel Morno pour l'expression dramatique d'une situation, les jeux de rles qui tiennent toute la place dans ce type d'apprentissage.

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    Il y a un phnomne trs intressant de dfoulement dans une langue seconde. Les gens disent dans une langue trangre des choses qu'ils ne diront jamais dans leur propre langue. Ils vont parler de situations dont ils ne parleraient jamais. Ils font faire des allusions scabreuses quelquefois qu'ils ne feraient jamais. Etant Sofia, nous avions appris un bagage de bulgare permettant de se dbrouiller dans l'existence.

    Je me souviens d'un collgue qui tait l, assis une table de restaurant ; la table d' ct s'est assis une jeune fille, une bulgare, trs jolie, et il est all lui dire "Nogos te crassiva" ce qui veut dire : "vous tes trs jolie", ce qu'il n'aurait jamais dit dans sa langue. La valeur motionnelle des mots n'est pas la mme.

    Les 3 ractions la suggestopdie G.R. Le Canada ayant t considr l'poque comme

    plutt neutre d'une part, et proche des Etats-Unis d'autre part, permettait aux bulgares une implantation Nord-amricaine sans engagement vis--vis des Etats-Unis. C'est de cette faon que nous avons pu y aller.

    C.G. Les ractions que vous avez rencontr au Canada furent-elles du mme type que celle de M. Toraille ?

    G.R. Les ractions que nous rencontrons ne sont pas du tout formalises de la mme manire. Il y a 3 types de raction.

    La raction positive : "C'est quelque chose d'intressant, voyons ce que l'on peut faire avec" etc.

    Ensuite il y a une raction ngative, mais qui est, elle, une raction scientifique. "Nous aimerions avoir plus d'informations l-dessus, vrifier les rsultats, les bulgares ne communiquent pas leurs donnes statistiques. Dans vos expriences, vous n'avez pas isol toutes les variables".

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    Il y a la troisime, c'est ce que j'appelle la tentative d'annexion de rcupration. Elle consiste dire "ah oui, c'est intressant, mais on l'utilise depuis longtemps... finalement cela n'est pas autre chose que la bonne pdagogie".

    C'est une raction trs intressante parce que c'est la manire de se rassurer. Ce n'est pas nouveau, ce n'est pas inquitant et ce n'est pas dangereux.

    Il n'y a pas de raction de type "c'est dangereux parce que c'est efficace. Restons-en l o nous sommes".

    C.G. Cette dernire raction n'est-elle pas due au type d'information dont nous disposons en France, o la suggestopdie apparat plus comme un outil de manipulation ?

    G.R. Mme dans les premiers contacts ds le tout dbut, o finalement tout le monde partait d'une information quasi-inexistante, c'tait trs rare. On a eu une ou deux questions demandant s'il s'agissait de "lavage de cerveau", mais cela a t extrmement rare. Pas de raction de panique dans le genre de celle de l'inspecteur gnral.

    C.G. J'ai eu l'impression qu'il y avait une raction politique du type : venant des pays de l'Est, c'est donc dangereux et manipulatoire.

    G.R. Justement l'objet de cette intervention tait de contrer la raction politique en expliquant qu'au Canada, on ne craint pas de s'en servir. Le Dr Lozanov ne pouvait pas le dire.

    C.G. Dans l'intervention de M. Toraille, il y avait une ide intressante : le fait que la suggestopdie ait tout pouvoir, que le pdagogue voyant son prestige grandir, en abuse et l'utilise mal. En fait, n'est-ce pas une mise en place et une orientation de la situation plus qu'un message pass tout prix.

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    Le climat limitatif de lenseignement classique G.R. Oui, d'ailleurs si l'on regarde l'enseignement

    traditionnel, par opposition la suggestopdie, que se passe-t-il ? L'enseignant limite l'panouissement, l'approfondissement des ressources individuelles de chacun, si l'enseignant entretient ce climat limitatif, est-ce que a n'est pas une forme de manipulation extrmement dangereuse ?

    Dans l'autre cas, on a une ouverture, un panouissement de la personnalit, un accroissement des connaissances, une libration, et donc on a ce moment-l la possibilit d'tre beaucoup moins tributaire de l'environnement. Si l'on connat l'influence qu'exercent sur nous tous ces signaux inconscients que nous recevons de tous les cts, il y a beaucoup moins de possibilits d'tre manipul que si on ne les connat pas.

    La vraie libert passe par la connaissance de la suggestion

    C.G. Je l'ai soulign dans la "Dynamique mentale" : le gage d'une vraie libert me semble tre dans la connaissance de la suggestion. L'exemple classique est la personne qui on demande : "Etes-vous sensible la publicit ?" Elle rpond immanquablement "Non".

    G.R. Elle dit non parce qu'elle pense un plan conscient. Elle oublie tout fait la musique qui passait en mme temps. Je ne sais pas comment c'est dans les grands magasins et supermarchs en France, chez nous, on utilise toujours de la musique. A Nol par exemple, qui commence trs tt chez nous, ds octobre, ils passent de vieux airs de Nol qui ont une valeur motionnelle considrable, ce qui fait que les personnes qui viennent l pour dpenser $ 20 ressortent avec des achats de $ 50. Si on leur demande pourquoi, la rponse va tre 6 un niveau rationnel et logique : "J'ai eu d'excellentes occasions, les prix ont baiss, j'en ai besoin". Alors que si quelqu'un le sait ...

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    C.G. Il peut faire la part des choses.

    C'est dans ce sens-l que Lozanov pouvait avoir des problmes en rgime communiste.

    Pourtant, il est en plein dans l'idologie marxiste, Rmy Chauvin le faisait remarquer dans son ouvrage sur "les surdous" : "il tait dconseill de s'occuper spcialement des surdous en U.R.S.S.: cela conduisait l'ide que l'individu a des limites, alors qu'il n'en a pas, puisque l'environnement peut tout ; c'est une ide profon-dment enracine du fond du marxisme".

    Parapsychologie et suggestologie Le Dr Lozanov vite toute confusion entre

    parapsychologie, science encore un peu maudite et suggestopdie.

    Lorsque j'ai pos ma question sur la parapsychologie, je n'y ai pas pens.

    G.R. Il ne pouvait pas rpondre.

    C.G. Ce qui est trs curieux, c'est qu'il a compris ma question dans un autre sens : ma question tait: peut-il y avoir des applications de la suggestopdie la parapsychologie ? Sachant qu'il tait parapsychologue, et le mot parapsychologie lui a sans doute voqu une des critiques qu'il doit avoir, du genre "oui, mais tout a c'est de la parapsychologie". Il doit certainement avoir ce type de critique, puisque sa rponse a t : "la parapsychologie, c'est compltement diffrent de la suggestologie, il ne faut pas mlanger les deux" etc. J'ai l'impression qu'il y a l un dfaut de la cuirasse sur lequel il s'est arm, une critique frquente de ses dtracteurs.

    G.R. Cela a jou sur deux tableaux. D'une part, il a pens que si on assimilait suggestopdie et parapsychologie, cela allait dans le sens des craintes de l'inspecteur gnral qui aurait pu dire, "tout a est de la fumisterie".

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    C.G. D'autre part, c'est vident qu'il faut qu'il se dfende de faire de la parapsychologie. Il se consacre maintenant la suggestopdie.

    G.R. Exclusivement.

    C.G. La parapsychologie lui a amen un tremplin.

    G.R. Ca l'intresse toujours. Je ne suis pas sr que personnellement il ne fasse par des recherches.

    C.G. Sur le plan pratique, pour les applications pratiques de la parapsychologie, tlpathie, suggestion etc., la mmoire est un des domaines o l'on peut avoir le plus de dbouchs immdiats. Jusqu' prsent, la parapsychologie n'a pas trouv beaucoup de dbouchs en tant que telle. Par contre, elle vient tayer ou appuyer d'autres disciplines. Il est certain qu'il y a un lment de suggestion distance, voire de tlpathie dans toute communication. C'est l qu'il est intressant de connatre les mcanismes.

    G.R. Certaines choses pourraient prsenter un intrt pour certaines catgories de personnes, comme la lecture avec les doigts par exemple.

    C.G. Pour les aveugles ?

    G.R. Pour les aveugles. Jusqu' prsent on en est loin.

    Linhibition arrive vite ds quapparat une influence ngative

    C.G. Il y a un problme de fiabilit. On a bien du mal rendre fiable toutes ces facults. L'inhibition arrive vite ds qu'apparat une influence ngative.

    Sur la suggestopdie elle-mme Lozanov arrive crer une aura de suggestion positive. Dans le systme lui-mme lorsqu'il dit on arrive obtenir des rsultats fantastiques par l'hypnose parce que le sujet attend des choses fantastiques, dans quelle mesure ne cherche-t-il pas, en crant un mystre autour de la suggestopdie, produire le mme phnomne?

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    G.R. Dans la mesure o on cre ce sentiment d'attente, on facilite de beaucoup tout ce qui va suivre. Si on attend rien de quelque chose, on nobtient rien. Evidemment de sa part, c'est un processus conscient et non pas inconscient comme l'utilisation des phosphnes.

    G.R. Son institut s'appelait institut de suggestologie et de parapsychologie, maintenant cela s'appelle seulement institut de suggestologie. Il a du laisser la parapsychologie de ct. D'ailleurs, savez-vous que certains parapsychologues sovitiques ont t inquits ?

    C.G. Je ne savais pas. Je suis en contact avec Milan Ryzl, qui est pass l'Ouest temps, mais nous n'avons jamais voqu ces problmes.

    G.R. Ah oui, vous savez que c'est un ami de Lozanov. Il a t plusieurs fois Sofia. Il y a eu des articles l-dessus. Un article du Dr Ryzl sur Lozanov paru en Tchcoslovaquie.

    C.G. Milan Ryzl s'est orient vers une utilisation de la suggestion en parapsychologie, c'est une voie qui semble intressante, trs intressante, et tout ce qui est dcouvert dans le domaine de la suggestologie, voire la suggestopdie devrait pouvoir s'appliquer aux recherches parapsychologiques.

    G.R. Les russes ont fait de nombreux travaux dans ce domaine, commencer par Vassiliev sur la suggestion distance.

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    Interview dun tudiant Je me souviens de nombreuses fois o l'un des

    participants essayait d'expliquer quelque chose et utilisait brusquement une expression trs sophistique. Saisis d'admiration, nous nous arrtions ... ou cela dclenchait des fous-rires. Cela m'est arriv trs souvent. Rcemment dans une discussion anime, avec quelques amis franais, je faisais de mon mieux et un moment, en argumentant, je dis brusquement : "a, c'est une autre paire de manches !" ... J'ai eu l'impression que cette expression ne venait de nulle part, que je ne la connaissais pas. Mais sous le coup de l'motion, elle est venue quand il fallait.

    Un des problmes ici, est la diffrence d'accent d'un canadien franais l'autre. D'autant que nos professeurs n'ont, eux, pas d'accent. Il y a d'autres facteurs de stress. Par exemple, je me souviens dans notre groupe, nous tions vers la fin vraiment anxieux de passer le test du gouvernement. Nous avions a en tte. En plus ce test est fait dans un laboratoire de langues, avec les couteurs. Quand on a vu tout ce matriel, c'tait pour la premire fois. Nous n'avions jamais utilis de laboratoire de langues. Tout le monde dans notre groupe tait trs content d'apprendre le franais de cette faon.

    Au dbut, on pensait que c'tait une mthode comme les autres, et puis l'une des leons consiste visiter le centre en expliquant l'intrt de la suggestopdie (une de ces suggestions positives sur la mthode dont le Dr Lozanov a le secret). L nous avons pris conscience des diffrences avec les mthodes comme "Dialogue Canada" par exemple. Je pense qu'il y a de bons professeurs partout, mais l le professeur est comme un guide. Par exemple, si le professeur nous demandait : travaillez deux deux, elle marchait derrire nous.

    Lorsque je parlais avec un autre participant, elle tait prsente. Nous savions que si nous avions besoin d'un mot,

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    elle tait l. Au bout d'un certain temps, vous y tes habitu, et cela donne une grande confiance.

    On ne fait jamais rpter On n'a jamais demand qui que ce soit de rpter.

    Dans l'autre systme, c'est normal de rpter : "Non, non, non" mme le mot "non" est trs dmotivant. On perd la face facilement, ce qui entrane des implications pour le courage, la confiance en soi. Il y a une espce de doute qui recouvre tout le systme, c'est du moins ce que j'ai vcu... et mme l'atmosphre dans la pice est trs diffrente.

    D'aprs mon exprience, l'enthousiasme est la grande diffrence en suggestopdie. On ne sait jamais ce qui va arriver... il y a toujours du nouveau ! Un jour, c'est un tlphone au milieu de la pice, on commence : le tlphone sonne, et on dmarre une petite conversation en franais. Il y a toujours un autre jeu d'un genre nouveau.

    Certaines personnes entendent des choses tranges propos de cette mthode. Ils me disent : "Et la musique ? c'est bizarre, hein !" Pour nous, c'tait seulement une faon bien agrable d'entendre les mots nouveaux. Nous ne savions pas si cela nous faisait quelque chose jusqu' ce que l'un d'entre nous manque une matine o taient introduits des mots nouveaux. Je lui demandais : "As-tu trouv une diffrence ?" Elle me dit, "Oui une trs grande !" "Pourtant j'ai lu la leon plusieurs fois moi-mme". Je ne sais pas s'il s'agit du pouvoir de la suggestion ou d'un effet physiologique quelconque, mais a marche !

    Lire le texte avant de se coucher On nous a demand de lire le texte une fois avant

    d'aller nous coucher, une fois en nous levant. Je ne l'ai personnellement pas lu souvent. Mais la plupart des participants le faisaient avec conscience. En fait je m'tais mal organis, je venais aux cours 3 heures tous les matins, et

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    l'aprs-midi, je devais faire le travail de toute une journe. Cela n'tait pas trs juste pour moi et pour le systme ...

    Je pense que Gabriel Rcle a raison de vouloir organiser le systme de faon ce que les tudiants soient libres de tout travail pendant leur formation.

    Aprs un certain temps, c'est incroyable de voir comment l'intrt grandit. C'est une impression fantastique. De voir tout un groupe de gens qui s'entraident et s'enthousiasment pour ce qu'ils apprennent.

    J'ajouterais que pour chacun d'entre nous, ce que nous attendions de nous, notre exigence vis--vis de nos performances devenait de plus en plus grande. Nous nous lancions de plus en plus et de mieux en mieux en franais ... Nous tions " l'aise" en parlant franais, mme l'extrieur. Cela non plus, je ne l'avais pas vcu dans les autres systmes. Pas du tout. Les gens taient beaucoup plus timides. Ils avaient peur d'essayer. Les anglophones sont de nature trs rserve.

    Nous avions beaucoup de plaisir nous retrouver chaque jour. Il y avait une certaine dynamique du groupe ... Par exemple, notre groupe s'est retrouv vendredi dernier pour dner, avec le professeur, etc... Nous parlions franais.

    Avoir du plaisir se retrouver Nous avons beaucoup ri propos des tranges

    perceptions qu'ont les gens sur la suggestologie. La plupart nous questionnent sur nos exercices de yoga, sur l'hypnose.

    D'aprs ce que j'ai entendu, tout ce qui a t crit sur la suggestologie parle de yoga : il n'y a pas de yoga. D'aprs ce qu'on m'a dit, Dr Lozanov est parti il y a plus de 10 ans de travaux sur le yoga, mais il n'y en a pas dans sa mthode. C'est peut-tre de l que a vient. Ou de la musique qui voque l'ide de la relaxation. Pourtant, la musique et l'expression artistique sont plus l pour leur pouvoir suggestif.

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    Quelques personnes accusent Gabriel Rcle d'avoir la manie du secret, de ne pas laisser passer les informations sur la mthode. En fait, Gabriel Rcle et son quipe ont travaill trs fort. Ils ont fait des bulletins, ils ont publi un livre... mais c'est souvent une accusation.

    Un endroit o a marche Je sais d'aprs ce que j'ai lu que si vous avez un centre

    de suggestopdie, vous devez non pas garder le secret, mais en faire un endroit o vous savez qu'en y allant, vous apprenez, que a marche. En d'autres termes, l'attitude vis--vis du centre elle-mme est une suggestion. Tout le monde, du balayeur au patron doit tre dans cet tat d'esprit positif.

    Gabriel Rcle a essay de crer cet tat d'esprit, et le rsultat a t ces accusations de tenir tout ultra-secret. J'ai une grande confiance dans cette mthode. Ma femme vient de rentrer dans l'administration gouvernementale. Son poste est bilingue, et je lui ai recommand de se faire envoyer si possible ce cours de suggestopdie. Si j'avais des enfants, j'aimerais qu'ils aillent dans une cole suggestopdique.

    J'ai l'impression que certaines personnes ne doivent pas autant profiter de la mthode. Je ne suis pas sr du genre de personnes. Peut-tre des gens qui prfrent une approche plus traditionnelle. Il devrait y avoir un test de slection au dpart. Beaucoup de gens esprent que la suggestopdie rsoudra tous leurs problmes. Ils en attendent trop. Ils entendent parler de cette mthode magique, ils deviennent impatients.

    "Pourquoi ne l'utiliserions-nous pas nous aussi ?" "Pourquoi ne prendrions-nous pas une ou deux de leurs techniques ?" Ca c'est un autre problme. Certains demandent une liste de techniques, comment les utiliser. Le problme que cela pose Gabriel Rcle est le suivant : certains prennent ou veulent prendre certaines techniques, les essayer autre part et n'obtiennent pas les mmes bons rsultats. Alors ils disent : "la suggestopdie ne marche

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    pas".

    C'est un problme trs srieux, en plus des intrigues crites par des gens qui n'y connaissent rien. Ont-ils rencontr des professeurs, des tudiants ?

    Vous tes le premier ma connaissance faire cela. Le premier qui dise : pouvez-vous me parler de la suggestopdie ? Quelques uns ont parl Gabriel quelques minutes etc... Mais ils n'ont jamais t parler aux professeurs, aux tudiants, assister des cours ou lu srieusement sur ce sujet, et ils sortent de grandes gnralisations ... bases sur quoi ? Nous voyons ce qui arrive, les gens qui se plaisent au centre, qui apprennent sans difficult et sans douleur. Quelquefois cela peut tre difficile de transformer l'exprience en donnes scientifiques.

    La peur de la nouveaut Cela m'a fait plaisir de vivre cette exprience, parce

    que cela me montre qu'au moins quelques unes de nos mthodologies sont dans la bonne voie.

    Je ne sais par quelle sorte de public va vous lire, mais je vois ici, quand on fait une runion d'information, beaucoup de gens sont inquiets lorsqu'il y a quelque chose de nouveau. Les rsultats sont l. Dans notre groupe, nous tions 10, 9 ont pass avec succs le test final du gouvernement. En 6 mois peine, alors qu'habituellement cela prend bien un an dans les autres systmes. Lorsque vous y regardez de prs, cela reprsente des conomies considrables : les salles sont juste utilises une demi-journe, il n'y a qu'un professeur. Les autres systmes utilisent la classe toute la journe, il y a 2 ou 3 professeurs. Il y a des possibilits d'conomie considrables.

    Et cela change l'attitude des gens vis--vis de la formation, l'attitude vis--vis de la population franaise au Canada, la culture, la musique franaise. Je suis sr que cela

  • Dossier Suggestopdie

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    arrive aussi dans les autres systmes.

    Mais l, c'est spontan et collectif. Il faut bien noter qu'aucun des participants n'avait t en contact avec des franais dans sa vie, il n'y avait aucune connaissance passive. Comme me dit une des jeunes femmes : quand elle avait commenc, elle ne distinguait pas oui de non. A la fin du cours, elle reprit les premires leons et dit "comme c'est simple" aprs 12 semaines ! La premire leon est aussi longue que les suivantes !

    Interview d'un professeur, Clarisse Oliver C.G. Vos lves ont l'air motivs.

    C.O. Ils le sont, ils parlent franais, et ils aiment a. Malheureusement, dans la fonction publique, ils n'en ont pas toujours l'occasion, mme certains francophones n'ont pas la patience d'attendre, de parler plus lenteme