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Jean-Marie De Ketele
L'valuation conjugue en paradigmesIn: Revue franaise de pdagogie. Volume 103, 1993. pp. 59-80.
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Ketele Jean-Marie De. L'valuation conjugue en paradigmes. In: Revue franaise de pdagogie. Volume 103, 1993. pp. 59-80.
doi : 10.3406/rfp.1993.1298
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfp_0556-7807_1993_num_103_1_1298
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/author/auteur_rfp_367http://dx.doi.org/10.3406/rfp.1993.1298http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfp_0556-7807_1993_num_103_1_1298http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfp_0556-7807_1993_num_103_1_1298http://dx.doi.org/10.3406/rfp.1993.1298http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/author/auteur_rfp_367 -
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NOTES
DE SYNTHESE
L valuation conjugue
en paradigmes
Jean-Marie De Ketele
Dans
les
lignes
qui
suivent, le lecteur ne doit pas esprer trouver unsum
des
travaux
sur
l'valuation,
mais
bien une synthse. Il
s'agit
donc
'une
slection et
d'une
mise
ensemble d'lments
partir d'un regard
ersonnel
port
sur
un nombre
relativement
important
de travaux mens danse domaine de l'valuation. Nous n'avons pas
voulu
mentionner tous
les
ravaux auxquels nous avons eu accs. Bien au
contraire,
nous avons prfrcrire cet article en
prenant
une certaine hauteur, le plus
souvent
demoire, en ne consultant
les
documents qu'aprs coup
des
fins derification ou de
prcision
des rfrences.
Pour articuler
des
lments aussi
nombreux que ceux que l'on rencontre
dans
les
travaux
sur
l'valuation,
il
faut choisir un point d'entre parmi de
nombreux points
d'entre possible,
tout
aussi
pertinents que
celui
que nous
avons
choisi :
tenter de dgager
les
paradigmes qui ont
guid
une palette
assez
large
d'auteurs.
Selon
Kuhn (cit par
Doyle,
1986), un paradigme
est
un
cadre
implicite qui dfinit des problmes, des mthodes et des solutions
lgitimes
pour
une
communaut
scientifique . En essayant
de
dgager
les
paradigmes
des travaux sur l'valuation,
nous
avons conscience que
nous
allons
oprer
quelques
rductionnismes
:
bien des auteurs ont vu leur pense
voluer au
fil
du
temps ;
parfois mme,
certains
auteurs
ont utilis
des
paradigmes diffrents
en fonction des
objets qu'ils
avaient
valuer ou selon
les
contraintes du contexte valuatif.
Sur
ce dernier aspect,
il suffirait
de
confronter les
crits
et les pratiques relles des experts de
l'valuation
lorsqu'ils
sont amens valuer leurs propres
tudiants Que
l'on me par
donne donc le
rductionnisme
de ces lignes : il
n'a d'autre prtention que
d'articuler clairement
quelques
ides de force.
Ayant
pass
en
revue
quelques
paradigmes importants
nos yeux, nous
tenterons d'examiner dans
quelle
mesure ils
peuvent
se complter
bien
plus que
s'opposer
dans
une vision
largie de
l'valuation et quelles sont
les
questions
qui
se
posent,
esprant
ainsi
ouvrir
de
nouveaux
horizons
ou
faire
dcouvrir des horizons
encore
peu
explors.
Revue Franaise
de
Pdagogie,
n 103, avril-mai-juin 1993, 59-80 59
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QUELQUES
GRANDS
PARADIGMES DE
L'VALUATION
Le
paradigme
de l'intuition
pragmatique
Ce
paradigme
est
la
base
de la
majorit
des pratiques de l'valuation,
mme encore actuellement malgr le nombre
important
d'crits qui
les
ont
dnonces et malgr le
nombre
important de formations
qui ont tent
de les
remplacer
par
d'autres
pratiques.
L'acte valuatif est ici un acte
intuitif
bien
des
titres. Pas
besoin
de
dfinir avec prcision, ni ses objectifs, ni
l'univers de
rfrence des situations
possibles de l'valuation, ni
les
critres prendre en considration, ni la
faon
de
synthtiser
les
informations disponibles, ni
la
faon
de les interprt
er,
i la faon d'utiliser
les
rsultats. L'valuation est un acte syncrtique
troitement
li la
personne
de l'valuateur et admis comme
tel,
dans la
mesure o l'valuateur est celui qui a men l'apprentissage, revendique tre
la
personne
la
mieux
place
pour
bien
connatre
les performances de ses
lves ou de ses tudiants, prend ses responsabilits
avec
conscience
pro-
fessionnelle.
C'est
aussi un acte
pragmatique fortement
dtermin par les
exigences
du contexte.
Puisque les parents
demandent tre informs sur
les
perfo
rmances de leurs enfants et
qu'ils
aiment
voir
celles-ci
situes
par
rapport aux
autres enfants de la classe ou du moins
par
rapport un
systme
de
rfrence
familier qui
leur
permet
de supputer les chances de russite
de
l'anne, les
enseignants
utilisent
un systme de notes qui
les
dispensent de
justifier
les
contenus prcis des preuves et qui offrent
certaines apparences
d'objectivit.
Puisque
les
contraintes de temps sont l et qu'il vaut
mieux consacrer
davantage
de temps
l'apprentissage,
les enseignants n'prouvent gure le
besoin
de
consacrer
beaucoup
de
temps
la
prparation
des
situations
d'valuation.
Ayant constat que les notes
constituaient
leur principale arme
pour motiver leurs lves,
voire,
dans
certains
cas, pour faire respecter la
discipline,
les
enseignants trouvent
cette forme
d'valuation bien pratique et
se demandent par quoi ils
pourraient
bien la remplacer si on la
leur
enlevait.
Le visage des pratiques explicites de ce
paradigme
est bien celui de
l'valuation
sommative,
puisque
la note
somme
un
ensemble
d'informations
rcoltes occasionnellement et intuitivement. On pourrait en conclure
assez
vite que
la fonction
premire est
de contribuer la certification de la
russite
des lves. Il
nous
semble que c'est l
une
inference trop rapide. Comme les
travaux de
Perrenoud
(1979, 1984, 1991) l'ont
bien
montr, de telles pratiques
ont
pour
fonction
premire
la
gestion
sociale
:
gestion
de
la
classe
par
le
pouvoir
de
motivation et
de sanction de
la
note ; gestion
institutionnelle
car
l'enseignant
peut
tre
jug
par ses collgues ou par
les
administrateurs
partir des profils
de notes
qui seront publiques
; gestion
des
relations avec
les
parents
que l'on dsire tenir l'cart de certaines formes de pression
(Montandon, 1991). Dans ce
cadre,
la fonction de
certification
n'est qu'une
des fonctions secondes, subordonne la fonction de gestion sociale.
S'il
est
vrai que de
nombreux
travaux sur l'valuation dnoncent explic
itement
de telles
pratiques ou tendent
vouloir
les remplacer
ou
les
faire
voluer en proposant d'autres paradigmes, on
trouve
cependant des argu
ments
dans
la
littrature
spcialise
pour
dfendre
un
tel
paradigme.
Citons
deux lignes de travaux.
60
Revue Franaise
de
Pdagogie,
n 103,
avril-mai-juin 1993
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La
premire rassemble
des recherches
qui
se
sont
penches sur les
prdicteurs de la
russite. La
plupart des tudes montrent
que les
notes
scolaires
antrieures
sont
de
meilleurs prdicteurs que
les rsultats des
tests objectifs, que ce soient des tests d'aptitude,
de
personnalit ou de
performances
scolaires
standardiss.
La seconde
ligne de
travaux a
trouv une de
ses meilleures
expressions
dans
la
communication
de
Weiss au
colloque de
l'ADMEE
Bruxelles
en
1985
sous le titre
vocateur
La subjectivit
blanchie ?
(publi in De
Ketele,
1986).
L'auteur
se pose la question de savoir si finalement l'approche intuitive
et pragmatique des enseignants ne vaut pas
celle
de l'approche des experts
de l'valuation
qui
ont trop tendance dissocier
formation
et valuation,
dissocier valuation formative et certificative dissociation idalement possi
ble
ais
socialement
improbable
promouvoir des conceptions qui n'en
sont
pas
moins exemptes
de biais
(arbitraire dans
le
choix
des
objectifs,
des
critres, ...). Finalement, le paradigme sous-jacent aux pratiques de la plupart
des enseignants
n'en vaut-il
pas
bien
d'autres, car il
est
celui
du
ralisme et
de
l'utilit sociale : les
valuations
des
enseignants sont
des
apprciations
homognes
et
concordantes
parce
que
socialement dtermines
;
elles
disti
nguent
les
deux
types
d'lves
qui
russissent (l'lve
actif,
sociable
et
intell
igent l'lve appliqu et
disciplin)
et
les
deux
types d'lves
qui chouent
(l'lve passif, repli
sur lui-mme et peu dou ;
l'lve
peu
travailleur,
dissip et
indisciplin),
comme l'ont
montr de
nombreux travaux
de
recherches
(Mollo,1970
;
Kaufman,
1976; Londeix, 1982;
Gilly,
1980); elles
pronostiquent
les
russites scolaires ultrieures
court
et long terme
;
elles
sont
modules par des pratiques correctrices
lorsque
les comportements
observs ne sont pas conformes aux rsultats attendus, ce qui
explique
leur
bonne validit
pronostique...
Le
paradigme
docimologique
Le paradigme docimologique
est
essentiellement orient
vers
par la fidl
it ou la fiabilit
des
valuations. Au dpart,
il
a t surtout le
fait
de
personnes
formes
une
certaine
forme
de pense scientifique
issue
des
travaux de Claude Bernard, des psychophysiciens, des travaux en psycholog
i
xprimentale de l'apprentissage et de la pdagogie exprimentale. Piron
(1963) a
t
sans doute la figure la plus
illustre
de la premire phase
du
mouvement docimologique, phase
essentiellement
critique qui a consist
mettre
en
vidence
les
principaux biais prsents dans
les
examens
(d'o
l'origine du
terme
de
docimologie, science
des examens).
Dans
une deuxime
phase, on a assist une tentative d'explication de la production des
rsultats de
l'valuation
et
de
ces
biais.
Les
travaux
de
l'Ecole
d'Aix-en-
Provence autour de Bonniol, Noizet et Caverni
(Bonniol.1972
;
Bonniol,
Caverni et Noizet, 1972a et 1972b; Noizet et Caverni, 1978) contestent la
rduction
de l'valuation
sa
dimension sommative, l'assimilation de l'valua
tion
ux
examens,
la confusion des objectifs de l'valuation et des objectifs
pdagogiques. Pour eux, l'valuation
est une activit
de comparaison entre
une production scolaire valuer et un modle
de
rfrence, comparaison qui
est influence
par
des dterminants
systmatiques, qui, tantt se rfrent
des caractristiques scolaires, tantt des
caractristiques
de personnalit,
tantt des caractristiques sociales. Dans une troisime phase, on assiste
des
phnomnes
contradictoires. D'une part,
les
travaux docimologiques ten
dent
diminuer
et
la
docimologie
est remise
en
question
par
de
nombreux
auteurs (voir par exemple Dauvisis, 1988). D'autre part,
on assiste
un
L'valuation conjuge en
paradigmes
61
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5/23
mouvement
tendant crer une dumtrie, c'est--dire une
science
de la
mesure dans le
champ
des sciences de l'ducation. Ce
mouvement trouve
son origine dans une double contestation
:
la mesure dans le champ de
l'ducation
ne
peut se rsoudre
par les seuls
modles psychomtriques
;
le
concept de fidlit
est
trop exclusivement pens en termes
de
diffrenciation
des personnes.
Lance
et
dveloppe par
des auteurs bien connus
par
ailleurs
pour
leur
contribution l'valuation formative (Cardinet, Tourneur,
Allai,
1976
;
Scallon, 1981),
la
thorie
de
la
gnralisabilit
est
reprsentative
de ce mouvement.
Il
s'agit d'un cadre plus englobant qui distingue quatre
types
de diffrenciation
:
la diffrenciation des lves ou la mesure de
leurs
traits
distinctifs (les
modles
les plus classiques
sont
de
ce type)
;
la diffren
ciation
des objectifs et des domaines d'enseignement
;
la
diffrenciation
des
conditions
d'apprentissage et des facteurs
d'enseignement
; la diffrenciation
des niveaux
successifs
d'un apprentissage.
Selon
le type de
diffrenciation
recherch,
les plans d'observation et les estimations
de
fidlit et
de
marges
d'erreurs sont
diffrents.
On trouvera une synthse
de
cette
thorie
dans
Assurer la mesure (Cardinet et Tourneur,
1985).
Mme si la docimologie a
vu son champ
s'largir et si les auteurs les
plus
rcents n'assimilent
pas
mesure
et
valuation,
il
n'en
reste
pas
moins
que
les
travaux
portent
presque
tous
sur la
note
ou la
mesure . D'autres
paradigmes vont
natre
et coexister
paralllement au
paradigme docimolo-
gique.
Le paradigme sociologique
Ce paradigme s'inscrit dans la ligne des travaux de sociologues
qui se
sont
intresss
au
rle que
l'cole jouait dans les mcanismes de reproduct
ion
ociale.
Ainsi, Bourdieu et Passeron (1964, 1970) considrent
l'cole
comme
le
moyen
de lgitimer
les
ingalits culturelles
;
Baudelot et Establet
(1971, 1975)
voient
l'cole
comme
un
appareil
qui permet
d'ajuster
la
struc
turedes diplmes la structure de
classe
de la socit;
Boudon
(1973)
analyse
l'cole comme le lieu
o s'effectuent
des
choix d'acteurs socialement
situs, visant
maintenir
ou amliorer leur position sociale d'origine.
Dans ce processus de reproduction sociale, l'valuation joue un rle
important.
Ainsi,
dj en
1966, Bourdieu crivait
:
Pour que
soient favoriss
les plus favoriss et dfavoriss les plus dfavoriss, il faut et il
suffit
que
l'cole
ignore dans
le contenu de
l'enseignement transmis, dans
les
mthodes
et
les
techniques de transmission et dans
les
critres
de
jugement,
les
ingalits
culturelles
entre les enfants des diffrentes classes
sociales
: autre
ment
dit,
en
traitant
tous les
enseigns,
si
ingaux
soient-ils
en
fait,
comme
gaux
en droits et en
devoirs,
le systme scolaire
est conduit
donner
en fait
sa sanction aux
ingalits
initiales
devant la
culture.
(p. 366).
Dans son livre
La
fabrication de l'excellence scolaire ,
Perrenoud
(1984)
montre comment
l'valuation
contribue
fabriquer
l'excellence,
qui
n'est pas une ralit intrinsque l'lve,
mais
est une reprsentation au
mme
titre que la
folie ou
la
dlinquance. Ainsi, l'valuation
scolaire met en
vidence certaines
diffrences
plutt que d'autres et, partir d'ingalits
relles
identiques, elle
ne
fabrique
pas les
mmes hirarchies formelles.
Ces
mcanismes de slection et de dformation ne sont pas simplement le
fait
de
l'administration d'preuves scolaires (le
choix des
moments
de
passation,
le
choix
des
questions,
leur
pondration,
les
critres
de correction,
l'utilisation
des rsultats, ...). En effet, d'une part,
les
valuations formalises
ne
sont
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Revue Franaise de Pdagogie,
n
103,
avnl-mai-juin
1993
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jamais indpendantes des
valuations
informelles,
implicites, fugitives qui se
forment au gr des interactions en
classe
;
d'autre part,
le comportement
du
matre est influenc
par
l'valuation informelle
autant
que
par
l'valuation
formelle, en particulier lorsqu'il renvoie chaque
lve une
image de
sa
valeur scolaire.
Ainsi trs curieusement,
l'valuation tend
rendre
plus visible
certaines
diffrences qui existaient
au
dpart et
en mme
temps
on
observe
une certaine
indiffrence
aux
diffrences
(Perrenoud, 1979, p.44) de par
l'application d'un enseignement
indiffrenci
des
lves
diffrents,
ce
qui
contribue maintenir ou
accentuer
les ingalits
culturelles.
Le
paradigme de l'valuation
centre sur
les objectifs
L'approche tylrienne
Tyler a dvelopp
une approche de
l'valuation essentiellement centre
sur
les
objectifs. L'valuation consiste uniquement dans la confrontation
entre
une
performance
et des objectifs fixs.
Dans cette
conception,
les
objectifs
sont
dtermins
au pralable
par
les
responsables
des
programmes.
L'valuat
ionlieu
au terme
du processus de
formation
pour mettre en vidence quels
lves matrisent quels objectifs. L'information
rsultante
relative aux lves
permet la
certification,
tandis que celle relative aux objectifs permet aux
formateurs
de
rguler le processus de
formation
ou, de
faon
plus globale,
aux responsables de rajuster
les
objectifs et
les
modalits
de
mise
en
uvre
du programme.
L'application
du modle tylrien (appel
souvent
en France
PPO,
c'est--dire
Pdagogie Par Objectifs, ou encore TOP, c'est--dire Tech
nique des Objectifs Pdagogiques) suppose huit
tapes
:
1. la
dtermination des objectifs,
2. le classement des objectifs dans un systme de catgorisation
(taxo-
nomie),
3. la
dfinition des
objectifs en termes comportementaux,
4. l'tablissement des
situations
et des
conditions
dans
lesquelles
la
matrise
des
objectifs peut tre
dmontre,
5. l'explication
des
buts et des fondements de la
stratgie
au
personnel
impliqu dans
les
situations choisies,
6. le choix et
le dveloppement
des techniques de mesure appropries,
7. la collecte
des
donnes de performances,
8. la
comparaison
de celles-ci
aux objectifs
comportementaux.
Dans
l'approche
tylrienne,
confiance
ne
sera
accorde
qu'aux
outils
pr
construits o
l'oprationalisation
aura t
soigneusement
mene. On recourra
donc,
selon
les
objectifs, des preuves ou tests
d'une part,
des
observat
ions
ritries
en situation
provoque d'autre
part.
La pdagogie de la matrise
Dveloppe
et promue
par Bloom au
dpart et rpandue
en Europe
grce
aux publications de l'universit
de Lige
(de Landsheere
G.,
1973,
1980 ; de
Landsheere
V.
et G.,
1978),
la pdagogie de matrise n'est pas le simple
prolongement de la conception de
Tyler.
Il
s'agit
d'un modle bien plus riche
qui doit
beaucoup
aux travaux
de
Carroll,
comme
l'a
trs
bien
montr
Scallon
(1986).
Carroll (1963) a dvelopp un modle d'apprentissage dont le postulat
L'valuation conjuge en
paradigmes
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de
base
disait
que
l'lve russirait
un
apprentissage
dtermin dans la
mesure o il
consacrerait
le temps
qui
lui
tait
ncessaire
pour
apprendre la
tche.
Il
s'en suit
que
le
niveau
d'apprentissage d'un lve est
fonction
du
rapport
suivant
:
le temps
rel
consacr la tche par rapport
au
temps
qui lui est
ncessaire
pour
apprendre. Le
temps
ncessaire
dpend
lui-mme
de plusieurs facteurs : l'aptitude
spcifique
une
tche donne ; la capacit
de comprendre l'enseignement et la qualit de l'enseignement. Quant au
temps
rel
consacr
la
tche,
il
dpend
essentiellement
du
temps
mis
la
disposition de
l'lve
et de
son
degr de persvrance, c'est--dire du temps
qu'il est
prt
consacrer pour
russir la
tche.
Ces apports vont amener
Bloom
dvelopper
l'ide
de
pdagogie de
matrise dont
les
grandes lignes
peuvent
se rsumer comme suit
:
prciser
clairement les rsultats attendus la fin d'un cours ou d'une squence
d'apprentissage ;
prparer
les tudiants
pour qu'ils puissent
entrer avec
fruit
dans la squence d'apprentissage
;
enrichir l'apprentissage de rtroactions
frquentes et de dmarches correctives
;
ne pas passer l'apprentissage
ultrieur si l'apprentissage
actuel
n'est pas suffisamment
matris.
Les
fondements
de
la
pdagogie
de
la matrise vont
tout
naturellement
conduire Bloom distinguer trois
types
d'valuation selon
les
moments et
les
fonctions de l'valuation :
pour
bien prparer
l'lve
entrer
dans un apprent
issage,
on recourra
l'valuation diagnostique
; pour
l'aider en
cours
d ap
prentissage, on
recourra
l'valuation formative
; au terme de l'apprentis
sage,n contrlera la matrise des objectifs
fixs
par l'valuation certificative.
Cette triple
distinction
(dveloppe dans un
livre
clbre :
Bloom
et al.,
1971)
a eu
beaucoup
de retentissement. De nombreux auteurs l'ont prcise,
corri
ge notamment
l'ambigut
du
concept
d'valuation diagnostique), complte
(voir
par
exemple
:
Cardinet, 1986a
; De
Ketele, 1980
; De
Ketele et
Roegiers,
1993).
Dans
son
livre
clbre
Caractristiques
individuelles
et
apprentissages
scolaires (version originale en 1976
;
version franaise en
1979),
Bloom tente
de
dmontrer deux hypothses
:
l'historicit
de
l'individu tant
importante
pour la
russite
de
l'apprentissage,
il
est
ncessaire et il
suffit
d'valuer dans
un premier temps
les
caractristiques
cognitives et affectives de dpart de
l'lve
; on
peut
modifier les
caractristiques
de dpart et
de l'lve (prre
quis t motivation), et de l'enseignant ou des deux et
ces
modifications
permettent d'atteindre un apprentissage de plus haut niveau tant
chez
les
individus
que
dans
les
groupes.
Bloom
estime mme
que
l'on peut
augmenter
ce niveau
jusqu'
deux sigmas, ce
qui
a gnr
une controverse
non encore
teinte.
De nombreuses
critiques
Tout en
reconnaissant
la
contribution
de la
TOP
au dveloppement
de
l'valuation, de nombreux auteurs ont mis
en
vidence un certain nombre de
limites, voire de
dangers.
Ainsi, Hameline
(1980)
parle
de pch behavio-
riste
lorsqu'il
critique l'exigence
de formuler
tous
les
objectifs
en termes de
comportements
observables.
De
Ketele
(1980)
stigmatise la tentation du
dcoupage de l'enseignement en
micro-objectifs et parle de
pdagogie du
saucissonnage
. Charlier (1989)
et Donnay et Charlier
(1991)
mettent en
vidence le caractre peu habituel de
l'entre
par les
objectifs pour
les
enseignants, qu'il existe d'autres points d'entre aussi valables et que
l'entre
par
les
objectifs
requiert
souvent
un
investissement
peu compatible
avec le contexte de la
classe.
64 Revue
Franaise de Pdagogie,
n
103,
avril-mai-juin
1993
-
7/23/2019 De_ketele_L'valuation Conjugue en Paradigmes
8/23
Mais parmi toutes
les
critiques qui ont t adresses
au
modle
tylrien
et
la
pdagogie
de la
matrise,
nous retiendrons l'analyse
de Barbier (1985).
Celui-ci
met en vidence la structure
pyramidale
des rapports de pouvoir de
ces
modles
: de l'extrieur, les responsables
oprent
des
choix
fondament
aux
l'enseignant incombent la confrontation
avec
l'lve et le jugement
final ;
l'lve subit le
jugement d'existence de l'enseignant, particulir
ement
arqu
quand il
s'agit
du savoir-tre.
Les
critiques ne manquent pas de
fuser
:
accusation
de
totalitarisme
pour
les
uns,
accusation de
systme
repro
ducteur des ingalits sociales pour
les
autres, accusation enfin de manquer
les
valeurs
les
plus fondamentales qui se laissent moins facilement opration-
naliser comme
l'exigent
ces
modles.
Le paradigme
de
l'valuation formative dans un enseignement diffrenci
On doit le terme
d'valuation
formative Scriven
(1967) qui
a
voulu
insister sur le
fait
que
les erreurs
commises pendant le processus n'taient
ni rprhensibles
ni des
manifestations
pathologiques,
mais
faisaient partie
d'un processus normal
d'apprentissage. Ainsi
naissaient la distinction et
l'opposition
entre
valuation sommative (bilan
des
performances
acquises
au
terme d'un apprentissage) et
valuation
formative (valuation mene pendant
un
processus d'apprentissage inachev pour l'amliorer).
La conception
de l'valuation
formative va alors se
dvelopper
dans
plusieurs directions.
Un
des
mouvements les
plus puissants est celui qui a
t gnr par le colloque de
Genve
en 1978 par des chercheurs suisses,
belges
et franais (qui se sont constitus
depuis
lors
en
Association pour le
Dveloppement
des
Mthodologies
de l'valuation
)
qui
non seulement ont
prcis
le
concept, mais
l'ont orient
vers un paradigme de
pdagogie
diffrencie.
Allai
(in
Allai,
Cardinet
et
Perrenoud,
les
diteurs
des
actes
du
colloque
de Genve,
publis
en 1979)
affirme que toute
valuation a
une
fonction de
rgulation. Mais si
l'valuation
pronostique (celle qui a lieu
au
dbut d'un
cycle
de formation)
et l'valuation sommative (celle qui a lieu la
fin
d'une
priode
de formation) rgulent dans le sens o
elles
doivent assurer que les
caractristiques des
lves rpondent
aux exigences du systme,
par contre
l'valuation formative
doit
assurer que
les
moyens de la
formation
correspon
dentux
caractristiques
des lves.
Trois
tapes
essentielles
caractrisent donc
l'valuation formative
:
le recueil d'informations
concernant les
progrs et
les
difficults d ap
prentissage
rencontres par
l'lve
;
l'interprtation
de
ces
informations
dans
une perspective
rfrence
critrielle et, dans la mesure du possible, diagnostic des facteurs qui
sont
l'origine
des
difficults
d'apprentissage observes
chez l'lve
;
l'adaptation des activits
d'enseignement
et
d'apprentissage en fonc
tion
de
l'interprtation faite des informations
recueillies.
(p. 132)
Allai a
galement
distingu plusieurs modalits d'application de l'valua
tion
ormative
:
la
rgulation ou l'valuation
formative
rtroactive,
c'est--dire
celle qui
consiste
marquer un temps d'arrt dans
les activits
d'apprentissage pour
tablir
un
constat des
objectifs
dj
atteints
et
des
objectifs
non atteints,
afin
d'envisager
les
activits de remdiation pertinentes
;
L'valuation conjuge en paradigmes
65
-
7/23/2019 De_ketele_L'valuation Conjugue en Paradigmes
9/23
la rgulation ou l'valuation formative
interactive,
c'est--dire
celle
qui
s'intgre dans les
activits
d'enseignement et d'apprentissage : le diagnostic
et la guidance individualises
s'oprent
en
cours
de processus
;
des modalits
mixtes qui
peuvent revtir plusieurs aspects :
soit une
squence
d'enseignement
suivie
d'une
valuation
formative rtroactive,
suivie
d'une
remdiation s'accompagnant
d'une
valuation
formative interactive
;
soit une
squence
d'enseignement s'accompagnant d'une
valuation format
ive
nteractive,
suivie
d'une
valuation
formative
rtroactive,
suivie
d'une
remdiation
;
soit encore un processus
continu alternant squence
d ense
ignement s'accompagnant d'une valuation formative
interactive
et valuation
rtroactive
prparant
une nouvelle squence
d'enseignement-(r)-apprentis-
sage.
Plus tard, et par un
souci
de symtrie vident, mergea galement le
concept d'valuation formative proactive, celle qui a pour
fonction
de recueill
ire l'information et de l'interprter dans le but
de
prparer
une
nouvelle
squence d'apprentissage
qui tienne compte des caractristiques des lves.
La
distinction
entre
valuation
sommative et formative
a
amorc
un
largissement
des
conceptions
de
l'valuation.
Cardinet
(1986)
en a fait
une
excellente synthse autour
de neuf questions-cls :
quels besoins ?, pour
quoi
valuer ?,
pour qui
valuer ?, sur quoi valuer ?, quand valuer ?, comment
recueillir l'information ?, comment interprter
l'information
?, comment
utiliser
l'information ?,
quels sont
les
problmes
en
suspens ?
Au-del du
dveloppement
du concept d'valuation formative, le colloque
de
Genve
a eu le mrite
d'amorcer une rflexion
trs riche
autour des
concepts d'enseignement diffrenci et de pdagogie
diffrencie.
Cette
rflexion prend son origine
dans les travaux
issus du paradigme sociologique
(cf.
supra)
et a eu pour but de tenter de rpondre aux constats d'ingalits
sociales,
l'indiffrence
face aux
diffrences
(pour
reprendre
l'expression
de Perrenoud),
aux
ingalits renforces par les processus habituels
de
l'valuation...
Si
l'valuation
formative dans
une
perspective
de
diffrenciation
est
un
lment majeur de la
rponse
donner, elle n'en constitue pas moins qu'un
lment
parmi d'autres :
faut-il
galement
faire varier
les
objectifs pdagogi
ques
n
fonction
des
caractristiques
des lves ?, faut-il
au
contraire
impo
ser
a matrise
de comptences minimales
identiques et diffrencier sur les
autres comptences
(voir l'analyse
de de Landsheere, V., 1988)
?
faut-il plutt
axer la formation sur des capacits
ou
comptences transversales de base
identiques
pour
tous mais
s'exerant
sur des supports varis et
diffrencis
selon les
lves
(Meirieu,
1985, 1987
;
De
Ketele,
1982,
1989)
?,
faut-il
plutt
faire varier
les
mthodes et mettre
l'lve
face plusieurs mthodes afin
qu'il
trouve
celle
qui
lui convienne (on
retrouve
ici,
notamment,
tous
ceux qui ont
tudi
les
styles
d'apprentissage
comme
Lamontagne, 1984 et 1987, et de La
Garanderie,
1982)
?
Le modle personnaliste de de Peretti
(1981,
1991) mrite
d'tre
signal,
car il ne
se centre
pas
seulement
sur
la
personne
de l'lve,
mais aussi sur
la
personne
de l'enseignant, lui-mme
insr
dans un contexte prcis avec ses
contraintes et ses ressources. Un grand
nombre
de ses travaux a donc
consist
recueillir non
seulement
des outils varis
(instruments d'valuation
formative,
procdures,
techniques
et
mthodes
pdagogiques,
dispositifs
de
groupements d'lves,...), mais
aussi,
des rfrentiels et
des
outils d'analyse
66
Revue Franaise de Pdagogie,
n
103,
avril-mai-juin
1993
-
7/23/2019 De_ketele_L'valuation Conjugue en Paradigmes
10/23
des
pratiques pdagogiques. Cette approche
multi-rfrentielle
et le dve
loppement d'une
ingnierie mthodologique
(selon
ses propres
termes)
nous semblent importants dans le
cadre
d'un paradigme de la
diffrenciation.
Le paradigme
de l'valuation
au
service
de la
dcision
Le modle CIPP
de
Stufflebeam
Le modle de Stufflebeam
est
sans doute le modle le plus mondiale
ment
onnu. Contrairement
au
modle
tylrien, il
n'est
pas
centr sur
les
objectifs mais
sur
la dcision
en situation. Le but de l'valuation n'est pas de
prouver mais d'amliorer, c'est--dire prendre des dcisions adquates ( not
to
prove, but
to
improve, Stufflebeam et
Shinkfield,
1985,
p. 151).
Et ce
n'est pas simplement,
selon
les
auteurs, en
mesurant
l'cart
entre
perfo
rmances et objectifs
que
l'on se
met en
position
de
prendre
de
bonnes
dcisions.
Le
modle
CIPP
(Context,
Input,
Processus,
Product)
fut
donc
dvelopp.
L'valuation du
contexte
cherche
dfinir
le
contexte
institutionnel,
identifier les
opportunits
de
rpondre aux besoins,
diagnostiquer
les
problmes sous-tendant
les
besoins,
juger si
les
objectifs proposs permett
ente
rpondre
suffisamment
aux besoins
analyss. Pour
mener
bien une
telle valuation,
les
valuateurs recourent des outils
varis,
tels l'analyse
systmique,
des enqutes, des
analyses
de documents, des entretiens, des
tests diagnostiques et la technique Delphi.
Une
telle
valuation
permet de
fonder les prises
de dcision
concernant le type de
situation
amnager
pour
la formation, les finalits et les objectifs de la formation, le type
d'information
recueillir
pour valuer
les
rsultats.
L'valuation
des inputs
(ou intrants
comme disent
les
qubcois)
permet d'identifier les capacits
du systme, de circonscrire
les
stratgies
alternatives,
de prvoir les dmarches implanter et les ressources matr
ielles,
financires et
humaines
ncessaires.
Les
valuations recourent des
outils, telles les
runions
d'quipes, la consultation d'inventaires, des visites,
des techniques de planification, des tudes de fiabilit, des simulations.
L'valuation permettra de fonder les prises
de
dsision concernant le choix
des ressources et des stratgies ainsi
que
le type d'informations
recueillir
pour
valuer la faon
dont
la stratgie
prvue a
t implante.
L'valuation
du
processus
vise
identifier
et
mme
prdire
dans certains
cas
les
dysfonctionnements par rapport
au
dispositif prvu,
fournir les
informations ncessaires pour les dcisions prprogrammes et
prendre
pendant le processus de formation, enfin enregistrer et
porter
un juge
ment
sur les vnements et
activits
de formation. Carnets de bord,
mthodes des incidents critiques, runion
d'quipes,
entretiens, analyse des
reprsentations
des
acteurs de la formation, analyse des productions
seront
les
outils privilgis d'une telle
valuation.
Celle-ci permet
de
fonder
les
prises
de
dcision
concernant les
tapes
prvues, les
modifications
entre
prendre
et le type d'informations
recueillir
et conserver pour
l'interprta
tiones rsultats
de
la formation.
L'valuation
du
produit
consiste
rassembler les descriptions
et
juge
ments
concernants les
rsultats,
les mettre en
relation
avec les
objectifs, le
L'valuation conjuge en paradigmes
67
-
7/23/2019 De_ketele_L'valuation Conjugue en Paradigmes
11/23
contexte,
les
inputs et le processus, enfin
les
interprter en termes de
jugement de valeur. L'valuateur
recourra
deux
types
d'outils,
les
outils
prconiss par le modle tylrien mais aussi toutes
formes
d'outils suscepti
bles
e
rcolter
les
jugements des acteurs concernant
les
rsultats
de
la
formation. Ces deux types
d'informations
seront soumis
une
analyse non
seulement quantitative
mais aussi qualitative. Le
rapport
final
d'valuation
consignera
les
jugements de valeur en distinguant les effets positifs et
ngatifs
par
rapport
aux
rsultats prvus,
voire les
rsultats
imprvus.
Un des grands mrites du modle de Stufflebeam est d'tre un modle
global.
Mais
c'est aussi
sa
principale
limite.
Le
modle est
essentiellement
pens en termes d'valuation globale des formations et
non
en termes
d'valuation
des agents en
formation, comme
le
font
les
enseignants
en
classe (cf. la distinction de Barbier, 1985).
Cependant,
bien des composantes
du modle peuvent inspirer judicieusement
l'valuation
qui se
droule
dans le
monde
microscopique
de la
classe.
Le
modle
de
l'valuation
au
service d'une
pdagogie
de
l'intgration
selon
De
Ketele
Ce modle
rpond
une double proccupation
:
une
application
du
modle de Stufflebeam (fort large, puisque conu au dpart pour l'valuation
des programmes de
formation) au
cadre plus restreint de l'valuation scol
aire ; un dveloppement
de ce
modle en y intgrant le paradigme
d'une
pdagogie de l'intgration.
Appliqu
l'valuation scolaire,
le
modle
de
Stufflebeam
implique
que
toute
valuation
mene autour des apprentissages a pour
fonction principale
de
prendre une dcision d'action
( Evaluer pour
mieux agir, selon
l'expres
sion
'Hadji, 1992),
et
non
simplement
de
faire
un
constat,
plus
forte
raison
un jugement.
Si
le processus valuatif
comprend
des constats et des
juge
ments certaines tapes,
ceux-ci n'ont
de valeur qu'en
tant qu'lments
concourant
la prise
de
dcision. Nous pouvons donc
rsumer le
processus
valuatif
dans la dfinition suivante
:
Evaluer
consiste
recueillir
un
ensemb
l ' informations reconnues
comme
suffisamment pertinentes, valides et
fiables,
et
examiner
le degr
d'adquation
entre
cet ensemble
d'informa
tionst un
ensemble
de critres jugs suffisamment adquats aux objectifs
fixs au dpart
ou ajusts
en cours de route, en
vue
de fonder
une
prise
de
dcision.
(De
Ketele,
1980 ; De
Ketele et
Roegiers,
1993).
Cette
dfinition
met en vidence un
certain nombre d'oprations
dans le
processus
valuatif, dont
certaines prcdent ncessairement d'autres. La
premire
n'est certainement pas (contrairement beaucoup
de
pratiques)
de
recueiller
des
informations, mais
rside dans le fait qu'il faille d'abord se
poser la question
du
pour
quoi
valuer,
c'est--dire
la fonction de l'valua
tion
Quel
type
de dcision serai-je amen
prendre
au terme de l'valua
tion).
Toutes
les oprations
suivantes seront
conditionnes par la
rponse
cette
premire
question (qui
peut
en corrolaire en entraner d'autres,
comme
par exemple :
pour qui ? , ...). En
fonction
du
type de
dcision
fonder, l'valuateur est
amen
se poser la question
des
objectifs qu'il
convient d'valuer. Contrairement
au
modle
de Tyler, ces
objectifs
ne
sont
pas toujours et
ncessairement
prdtermins, ils peuvent tre rvls en
cours
de
route
ou
rsulter
d'ajustements
dcids
en
cours d'apprentissage.
L'valuation des objectifs
suppose
la dfinition de critres adquats, voire
68 Revue Franaise de Pdagogie, n 103, avnl-mai-juin
1993
-
7/23/2019 De_ketele_L'valuation Conjugue en Paradigmes
12/23
d'indicateurs lorsque cela est
possible
et pertinent. C'est seulement sur cette
base que
peuvent tre choisies
les
situations qui
permettront
de recueiller
l'information
juge
ncessaire. Commencent alors les oprations concrtes de
recueil,
de traitement,
d'interprtation et
de
synthse
de l'information
qui
conduiront la prise de
dcision.
Si ces oprations ne
sont
pas toujours
aussi linaires que
ce bref
expos ne le laisse sous-entendre
(en
effet,
des
ajustements
sont souvent jugs
ncessaires
qui impliquent
des retours en
arrire),
une
hirarchie
existe
entre
ces
oprations,
dans
le
sens
que
la
qualit
d'une
opration dpend de
celles qui
la prcdent.
De Ketele et Roegiers
(1993, chap.
2)
ont
dvelopp et prcis les
qualits
attendues d'une
valuation
autour
de
trois concepts
fondamentaux :
la pertinence, la validit et la fiabilit. La pertinence signifie que l'valuation
rpond
sa
fonction premire. La validit suppose qu'on value
rellement
ce que l'on dclare valuer. La fiabilit a trait la confiance que l'on
peut
avoir dans
les
oprations
effectues.
Ces
qualits peuvent
tre examines un macro-
ou
un
micro-niveau,
autour
des
questions suivantes
:
Macro (valuation)
Macro-pertinence
Macro-validit
"Est-ce que je ne me trompe pas d'objectif ?"
"Mes critres permettent-ils
de
vrifier
ce
que
je
dclare
vouloir vrifier
?"
Micro (recueil
d'informations)
Micro-pertinence
Micro-validit
Micro-fiabilit
Macro-fiabilit
(communication)
Pertinence
Validit
Fiabilit
"Est-ce
que je
ne me trompe pas
d'informations
re
cueillir ?"
"La
stratgie mise en place me donne-t-elle toutes
les
garanties que
l'information
que je
vais
recueillir
est bien
celle que je dclare
vouloir
recueillir
?"
"La
faon de
recueillir l'information est-elle semblable
d'une personne
l'autre, d'un endroit l'autre, d'un
moment l'autre ?"
"L'utilisation que je fais des critres est-elle la mme
pour
tout
le monde
?"
"Est-ce que
je
ne me trompe pas
de rsultats
communiq
uer
"
"Est-ce que
les
rsultats
que je communique sont bien
ceux
que je dclare vouloir communiquer
?"
"Est-ce
que
le
dcideur
peut
se
fier
ces
rsultats
?"
Un
des
intrts
du modle de Stufflebeam rside dans la quadruple
distinction
contexte,
entres, processus, sorties et dans l'articulation entre
ces
quatre composantes.
A
un
niveau
plus microscopique, la classe et
mme
l'lve sont des systmes
; en
consquence,
cette
quadruple distinction s ap
plique
et
on
peut penser que pour chacune
d'elle correspondent
une ou
plusieurs
fonctions
diffrentes de l'valuation, telles l'valuation des
besoins,
l'valuation pronostique, l'valuation formative, l'valuation certificative.
Mais
l'apport
le plus
important au
modle de Stufflebeam, appliqu
au
contexte
de
la
classe,
rside
dans
le
dveloppement d'une
pdagogie
de
l'intgration.
L'valuation conjuge en paradigmes
69
-
7/23/2019 De_ketele_L'valuation Conjugue en Paradigmes
13/23
La pdagogie de
l'intgration est une
tentative
pour lutter
contre
une
pdagogie
du
saucissonnage habituellement pratique
dans
le
cadre scol
aire
: l'cole n'est souvent qu'une
juxtaposition de
cubes les
uns
ct des
autres ou
les
uns
au-dessus
des autres
; les
horaires sont des
tranches
de
temps
homognes
que
l'on utilise
le plus souvent
indpendamment
les unes
des autres ; les programmes
juxtaposent
des disciplines les unes
ct
des
autres ;
un programme est trop
souvent
une suite de
chapitres
indpendants
;
un
chapitre
est
lui-mme
souvent
une
suite
de
leons...
Mme l'valuation
n'chappe
pas
au
pige du saucissonnage. Le terme
d'valuation sommative est rvlateur.
Les
spcialistes de l'valuation eux-
mmes
encouragent
cette
tendance lorsqu'ils disent
qu'une bonne valuation
est un chantillon de questions
reprsentatives
de l'univers des objectifs
viss ou/et des contenus de l'apprentissage.
La pdagogie de l'intgration dit au
contraire
que le tout n'est pas la
somme
des parties.
Ce
n'est pas
parce qu'un
lve russit toutes les
ques
tions d'un test qu'il a compris (prendre ensemble) et qu'il sait utiliser ce
qu'il
a appris dans un contexte
o
il ne
suffit
pas
de
juxtaposer les
acquis,
mais
de
faire
des
choix
et
de
nouveaux
assemblages avec
les objets
des
apprentissages antrieurs.
C'est pourquoi
nous avons
introduit les nouveaux
concepts
d'objectifs
terminal
ou
intermdiaire
d'intgration (De Ketele, 1980, De Ketele et alii,
1989).
Un objectif d'intgration
possde
les
caractristiques suivantes
:
(a) la
comptence vise s'exerce sur une
situation d'intgration,
c'est--dire une
situation complexe
comprenant de l'information essentielle et de l'information
parasite et
mettant
en jeu
les
apprentissages antrieurs
les
plus
significatifs ;
(b) la
comptence est une activit complexe
ncessitant l'intgration et non la
juxtaposition des savoirs,
savoir-faire
et savoir-tre appris antrieurement ; (c)
la
situation d'intgration est
la plus proche
possible
des situations naturelles
auxquelles
seront
confronts
les
lves
plus
tard
;
(d)
la
comptence
est
oriente
vers le
dveloppement
de l'autonomie et donc le savoir-devenir .
Prparer un cours au
dbut
de
l'anne
rside essentiellement
se
fixer
un bon objectif
terminal
d'intgration qui comprend
les
apprentissages
les
plus importants et, partir de
l, quelques
objectifs intermdiaires
d'intgra
tion
ui seront
des passages
obligs
dans la progression et dans l'apprentis
sage
e cette comptence fondamentale qu'est le savoir intgrer .
Au
niveau
de
l'valuation, il en
rsulte que l'valuation certificative
finale
prend comme
objet l'objectif
terminal
d'intgration,
en
prenant
bien soin de
se dfinir
des
critres
et des indicateurs
minimaux
par rapport des
critres
et
indicateurs
que
nous
pourrions
qualifier
de
perfectionnement.
En
cours
d'anne, des valuations-bilans vise formative porteront sur
les
objectifs
intermdiaires
d'intgration
et, si le besoin s'en fait sentir, des
valuations
diagnostiques en
profondeur porteront sur des
aspects
plus sp
cifiques de
l'apprentissage (voir De
Ketele
et
Paquay, in
Allai, 1991).
Le paradigme de l'valuation centre sur le consommateur
selon
Scriven
(1967,
1983)
De Scriven,
les pdagogues
n'ont malheureusement retenu trop
souvent
que
la
seule
distinction entre
valuation
sommative
et
formative.
L'approche
de Scriven
est cependant
originale et
innovante sur bien des points
:
(a)
il
Revue Franaise de Pdagogie,
n
103,
avril-mai-jum
1993
-
7/23/2019 De_ketele_L'valuation Conjugue en Paradigmes
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prfre l'valuation
en
amateur
(
amateur
evaluation )
l'valuation
profes
sionnelle ( professional evaluation ) ; (b) il insiste sur l'importance
d'valuer
les
effets de la
formation
et de l'valuation sur
les clients ;
(c)
il
milite pour
une
valuation
dgage des objectifs
(
goal free
evaluation ),
c'est--dire
centre
sur
tous les effets de la
formation
; (d) il dfend l'ide que le
concept-cl de
l'valuation
est
le concept de
jugement
de valeur (et non les
concepts d'objectif ou
de dcision)
;
(e)
comme
seule base de jugement de
valeur,
il
ne reconnat
que
l'analyse
des
valeurs
et
des
besoins
des
consom
mateurs
(ce qui s'carte
trs
nettement de la position de
Tyler
et
mme
de
celle
de Stufflebeam qui,
s'il considre comme
important
dans
l'valuation
du
contexte la prise en compte des
besoins du public-cible, reconnat une
primaut aux dcideurs
; par
contre,
on
se
rapproche beaucoup
plus de la
pense de Barbier, 1985) ; (f) il souligne la ncessit
de
comprendre
(d'
ill
uminer
) les
effets la
lumire
de ce qui
s'est
pass dans la
formation ;
(g)
pour
lui,
le jugement final
consiste
comparer la
valeur
ou le mrite relatif
des objets
soumis
l'valuation (stratgies
de formation
mises
en
uvre,
stratgies alternatives,
personnes en
formation, ...,
selon les cas) ; (h) enfin, il
prne
la
ncessit d'une mta-valuation,
c'est--dire
d'une
valuation
de
l'valuation
par
des
personnes
externes
comptentes,
si
possible
avant
l'implantation
de l'valuation et avant la diffusion du
rapport
final.
Ainsi donc, le modle de Scriven signifie
que
Pvaluateur doit partir
l'esprit
libre de
tout
objectif. Sa
premire
tche
consiste
rassembler un
maximum d'informations
par
des outils varis sur
toutes les
composantes du
systme
de
formation. Sa dernire tche
est
de prononcer un jugement de
valeur.
Mais commeni
passer
du recueil d'informations au jugement de valeur
?
Par
l'analyse des besoins rels des consommateurs qui
fourniront les
critres
du jugement
de
valeur (les travaux de Figari sur
les
referentiels vont dans ce
sens).
Mais
qui
sont les consommateurs
?
Scriven
distingue
deux types de
consommateurs :
la
clientle
ou
march-cible
qui recevront
les personnes
formes et
les
utiliseront
d'une part
; les vrais
consommateurs d'autre
part,
c'est--dire les rcipiendaires de la formation. Dans
l'analyse
des
besoins du march-cible, l'valuateur se posera des questions, telles
par
exemple :
quelles
sont les comptences et attitudes
que
les
lves sortant du
lyce
doivent possder et sur lesquelles la communaut universitaire
doit
pouvoir
tabler pour
assurer
une
formation universitaire de qualit
?
Quels
sont
les savoir-faire et les savoir-tre dont les lves-matres
doivent
faire preuve
au terme
de
leur formation
pour rpondre aux exigences
de
la
fonction
enseignante telle qu'elle
est
vue par les chefs d'tablissement, les ensei
gnants,
les
parents,
les
lves
?...
Dans
l'analyse des
besoins
du
consom
mateur vrai qu'est l'lve de terminale, l'valuateur tentera
d'identifier les
besoins rels
de celui-ci (comme par exemple, un concept de
soi
positif,
une
bonne prparation au bac,
...).
L'analyse des besoins du futur
enseignant
rvlera peut-tre un besoin d'tre scuris quant la
faon
de
conduire sa
classe...
Les
deux types de besoins (ceux du
march-cible
et ceux du
rcipiendaire de la formation) ne
risquent-ils
pas
parfois de rentrer en conflit ?
Le seul
lment de
rponse que
nous dcouvrons chez
Scriven rside dans le
fait
que l'analyse des besoins
doit
prendre
en
considration
les
besoins
rels
et
non les
besoins perus
comme
idaux.
Centr
sur
les besoins
des
consommateurs,
le
modle
de
Scriven
reconn
at
onc une
place l'valuation sommative.
Elle consistera
par
exemple
L'valuation conjuge en
paradigmes
71
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15/23
comparer
plusieurs stratgies de
formation
par rapport aux besoins rels de
tels consommateurs
;
ou elle comparera
les
savoir-faire et
les
savoir-tre de
plusieurs futurs
enseignants
par
rapport aux besoins
rels des coles, voire
d'une
cole
particulire. On comprend
aussi
que, pour des raisons
d'objectiv
it,criven dfend l'ide d'un valuateur externe pour l'valuation somma-
tive ou certificative.
Le
paradigme
de
l'valuation
centre
sur
le client
ou paradigme
de
l'valuation
rpondante
selon Stake (1967,
1975, 1976)
L'itinraire
biographique de Stake est un itinraire
curieux
et
intressant.
Initialement professeur de mathmatique, il
prsentera une thse doctorale
en
psychomtrie. Il devint de plus en plus sceptique vis--vis de la thorie
classique de la mesure pour rsoudre
les
problmes de l'valuation scolaire
et
vis--vis
des
tests
en
gnral pour
comparer les
stratgies
diffrentes
de
formation.
Il
tentera
alors
de
dfinir
un modle d'valuation des curricula qui
tienne compte
des
apports jugs
positifs de Tyler,
Stufflebeam
et
Scriven,
mais
qui en dpasse
les limites.
S'il
ne nie
pas
l'intrt
de
comparer les
rsultats
observs
aux
rsultats
attendus
comme
le voulait
Tyler,
il
estime
cela
insuffisant. En
effet, il
dclare
que
les
rsultats attendus et
mme
les rsultats observs ne
sont
pas
ncessairement
les
mmes selon
les
personnes, c'est--dire selon
les diff
rents types de clients ou personnes impliques dans des situations diff
rentes de prise de
dcision.
Il dveloppe alors une
approche
centre sur le
client ou
plus exactement sur les
clients,
car,
dans toute
valuation, dira-t-il,
les clients ne
sont
pas
seulement ceux qui demandent
l'valuation, mais aussi
toutes
les
personnes impliques (c'est--dire ce qu'il appelle
les au
diences
).
S'il
admet avec Scriven que
toute
valuation comporte un
jugement de
valeur,
il
trouve vain
de
porter
un
jugement
final
comparatif (et
de
ce
fait
refuse
l'valuation sommative). Pour
cela,
dit-il, il faudrait
que
le jugement
puisse
s'appuyer des des normes de jugement uniques. Or,
les
normes de
jugement sont multiples. Le rle de l'valuateur est donc pour lui
:
(a) de
rcolter
le plus objectivement possible les informations, les diffrentes
normes de jugement et
les diffrents jugements
des
diffrentes
personnes
;
(b) d'en analyser la congruence ; (c) de fournir par l
une meilleure
compr
hension de
la situation
en vue de
permettre aux
diffrentes audiences de
mieux
comprendre et d'amliorer le processus de formation (d'o le concept
d'valuation
rpondante).
Stake
tente
alors
de
concilier
d'une
part
la
pense
de Stufflebeam
qui
insiste sur la ncessit d'valuer le contexte, les inputs, le processus et les
produits et d'autre part la pense de Scriven, centre sur le concept de
jugement de valeur et de critres relatifs aux besoins des
consommateurs.
Il
propose ce
qu'il
appelle un
format pour
la collecte des donnes .
Ce format
comprend trois composantes. La
premire consiste
dcrire
les fondements
du programme
de formation. La seconde
consiste
remp
lir une
matrice
de
description ,
comprenant
deux
colonnes (d'une
part,
les
intentions , c'est--dire ce
que les
diffrentes personnes veulent
;
d'autre
part,
les observations
,
c'est--dire
ce
que les diffrentes personnes
per
oivent
et trois lignes
(les
antcdents , c'est--dire
les
intentions et
les
observations
avant
la
mise
en route
du programme
;
les
transactions
,
c'est--dire
les
intentions et
les
observations qui se sont manifestes
en
72
Revue Franaise de Pdagogie,
n 103, avnl-mai-juin
1993
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cours
de
processus de
formation ; les
rsultats , c'est--dire
les
intentions
et les observations rsultant de la formation). La troisime
consiste
tablir
la
matrice de jugement ,
comprenant
galement deux colonnes
(les
cr
itres
,
c'est--dire ici
ce que
les personnes en formation
doivent
apprendre
selon
les diffrentes
personnes
; les
jugements , c'est--dire la valeur attr
ibue
par les diffrentes personnes
aux
composantes
du
programme) et
galement trois
lignes
( nouveau
les
antcdents ,
les transactions et
les
rsultats
,
mais en
termes
de
critres
au
sens
de
performances
apprendre et de
jugements
au sens
de
valeur
attribue).
Le
travail
de l'valuateur
consistera donc
d'abord
produire
le plus
honntement
possible
les
informations
objectives
et
subjectives
des diff
rentes facettes de
ce format et
relatives
aux divers
clients impliqus.
Ensuite,
il
mnera
une
double
analyse
:
une analyse en terme de congruence et une
analyse
en terme
de contingence logique.
L'analyse en
terme
de congruence dsigne
l'analyse
des accords et
dsaccords : (a) entre les diffrentes audiences ; (b) entre intentions et
obser
vations
;
(c)
entre critres
et
jugements ;
(d)
entre descriptions
et
jugements ;
(e)
entre
fondements
du
programme,
descriptions
et
jugements.
L'analyse
en
terme
de
contingence logique dsigne
le
caractre logique
du passage
:
(a)
entre
antcdents
et transactions ; (b) entre transactions et
rsultats
;
(c)
entre
les
fondements du programme et la
succession antc
dents, transactions
et rsultats.
Enfin, les rsultats
de
cette
double
analyse
sont
synthtiss et communi
qus
ux diffrents clients
sous
des formes et des
langages appropris, de
telle
sorte
que
chaque
public concern puisse apporter sa part l'amliora
tiones programmes.
Avec
Stufflebeam
et
Shinkfiels
(1985,
p.
66),
on
peut
cependant
reprocher
au
modle de Stake de proposer
des
outils d'valuation insuffisamment
dvelopps
ou
valids
(comme,
par exemple, les
tudes
de
cas,
les
rapports
contradictoires,
les
sociodrammes,
...),
de produire une information dont la
fiabilit
et l'objectivit
sont
souvent sujettes
caution, de
travailler avec des
valuateurs
peu forms
et
souvent
trop
impliqus
(la
mta-valuation propo
se ar Scriven pourrait cependant tre
considre comme une
parade), de
fournir des conclusions
souvent quivoques
et contradictoires, donc
souvent
peu
utiles, et mme de
travailler dans un contexte
o
la
manipulation est
facilement
possible.
A
ces objections,
nous
en ajouterons une plus terre
terre :
comment
la
rendre
possible et
raliste dans
le contexte
de
la
pratique
scolaire habituelle
?
Le
paradigme conomique
On
peut
situer le
grand
dveloppement du paradigme
conomique
partir du concept
de
rendement de
compte
(
accountability
)
lanc par le
prsident
Nixon et son
administration. Des
sommes
considrables vont tre
alloues aux recherches visant valuer l'efficacit des systmes
d'enseigne
ment
pensons aux
recherches de
l'IEA). Selon Bressoux (1993),
ce mouve
ment
'est
dessin en
raction
aux conclusions des travaux de Coleman et
alii (1966)
et Jencks
et alii (1972) qui
dclaraient
que
l'cole
n'exerce
pas (ou
trs
peu)
d'effets
spcifiques
sur
les
acquisitions
des
lves
:
celles-ci
sont
bien
davantage
dtermines par les
caractristiques individuelles
des lves
L'valuation conjuge en
paradigmes
73
-
7/23/2019 De_ketele_L'valuation Conjugue en Paradigmes
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et notamment par
leur
origine socio-conomique. Indpendamment, aux
tats-Unis, deux
courants
de
recherche
se sont dvelopps dans
les
annes
70
: l'un, dans
une
perspective militante, s'inscrit dans
une lutte
contre
les ingalits
sociales et tudie
les effets-coles ;
l'autre tudie
les
rpercussions
de l'enseignement des matres sur les comportements et les
acquisitions des lves et
prend donc
la
classe
comme unit d'observation.
Ces
deux
courants
ont
t relays en France par l'Institut
de Recherche
en
Economie
de
l'ducation
Dijon
(IREDU).
Au centre des proccupations du paradigme conomique se
trouvent
le
constat de la
variabilit
des acquisitions des lves et le dsir d'identifier
les
dterminants
de
cette
variance,
principalement
les
effets lis au matre,
la classe et
l'cole, une
fois limins les effets lis
aux caractristiques
individuelles, surtout
celles
relevant du niveau socio-conomique.
Les
travaux de l'IREDU se centrent principalement
autour
de deux varia
bles
dpendantes
: l'efficacit et l'quit.
Le concept
d'efficacit est
li au concept de
progression
des
acquisitions
des
lves
:
un
enseignant
ou
un
programme seraient
d'autant
plus
efficaces
avec un public donn qu'il serait davantage capable de faire progresser
les
lves dans un laps de temps dtermin. Mthodologiquement
parlant,
cela
suppose au
moins
deux
mesures comparables dans
le temps des
perfo
rmances
acquises
par les
lves.
Oprationnellement parlant,
l'efficacit n'est
cependant pas
mesure
par la
simple
diffrence
arithmtique
entre rsultat
final et rsultat
initial
(qui ne tient
pas
compte des biais
lis
aux effets de
plafond ou de plancher d'une part, et au fait
que
la diffrence
arithm
tique
st
gnralement corrle avec le pr-test d'autre part), mais
est
estime
partir des
rsidus
d'une rgression du score
final sur le
score
initial
: les
rsidus positifs (ceux
qui
se situent au-dessus de la droite de
rgression) exprimeront une efficacit plus grande
alors
que
les
rsidus
ngatifs
(ceux
qui
se
situent
en-dessous
de
la droite
de
rgression)
traduiront
une rgression
relative et
donc une efficacit
moins grande.
Plus philosophique ou
moral,
le concept d'quit est dfini d'un point de
vue conomique
comme
le fait que le foss constat au dpart
entre
les
faibles
et
les
forts
n'augmente
pas, voire mme diminue. D'un point
de vue
statistique, cela signifie que la
situation
d'quit maximale
thorique
corres
pond u
cas o
les
rsultats aux
preuves
finales
ne
dpendent pas de ceux
obtenus aux preuves initiales. Oprationnellement,
les
chercheurs de l'IREDU
la
mesurent
par la
pente
de la
rgression linaire simple du rsultat final
sur
le rsultat initial. On peut
trouver
une explication simple du modle de
l'IREDU
dans
la
thse
de
Bressoux
(1993).
Ces deux
variables
dpendantes
tant
dfinies, la proccupation des
chercheurs fonctionnant
avec
ce paradigme est d'essayer
de dterminer,
toutes choses restant gales par ailleurs , quels sont les facteurs
qui
influencent
le
plus l'efficacit et
l'quit. Dans
ce but, l'IREDU
propose
un
modle mthodologique original que
nous
qualifierons de hirarchique pro
gressif , qui consiste
isoler d'abord la
variance
explique par les
caract
ristiques
individuelles
de
l'lve
(et
surtout le poids des
caractristiques
socio-conomiques),
pour ensuite
isoler dans la variance non explique la
part de variance expliquable par l'effet-matre, puis la
part
de
l'effet-classe
indpendante des effets-matres, enfin la part de
l'effet-cole indpendant
des
effets
prcdents. La
part
de
variance
une
fois
estime
et
explique
par
un
effet, les
chercheurs de l'IREDU tentent de
voir
quelles sont
les
variables
74 Revue
Franaise
de Pdagogie, n 103, avnl-mai-juin
1993
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qui
ont
tendance
composer
l'effet en question, par des approches quantita
tivesu qualitatives (Duru-Bellat, 1991).
Le paradigme
conomique est videmment
un paradigme
sduisant
pour
les
macro-dcideurs qui ont la tche et le dsir de grer au
mieux
les
deniers
de la collectivit. Les rsultats des travaux de l'IREDU
(Mingat,
1983, 1984,
1987,
1991; Duru-Bellat et
Mingat, 1985,
1988; Duru-Bellat et Leroy-
Audouin,
1990)
semblent indiquer
que:
(a)
l'effet-matre
est
aussi
important
que
les effets lis aux
caractristiques individuelles
de
l'lve
; (b)
du
moins
l'cole primaire, l'effet-cole serait pour l'essentiel une
aggregation
des
effets-matres : l'effet spcifique de l'cole serait
donc faible
; (c) les attentes
des matres vis--vis de leurs lves joueraient un rle
important
dans l'effet-
matre ; (d) les matres les plus quitables
sont
souvent aussi les plus perfor
mants,
mais
d'autres cas de figure existent.
Le paradigme
conomique est
essentiellement
une
macro-valuation :
c'est
sa
principale qualit et
sa
principale
limite.
En
tant que macro-valuat
ion
l exige
le dploiement de gros
moyens
(chantillons importants et
minutieusement constitus,
arsenal
mthodologique
complexe, ...). Il demande
en outre
des
instruments
de
mesure
valides
et
fiables.
On ne
s'tonnera donc
pas
que
les variables
dpendantes mesures
soient des
acquisitions scolaires
classiques
(la
lecture,
le calcul,...).
Il
est d'autres
variables
importantes que
celles-l,
comme la
curiosit,
la
crativit, l'indpendance, l'attitude vis--vis
de
l'cole,
l'adaptation ..., plus difficilement valuables et qui cependant
peuvent
faire des
diffrences importantes
entre matres (cf. les
153
recherches analyses
par
Giaconia et Hedges, 1982) et probablement seraient
davantage
lis
l'effet-cole.
Si le paradigme conomique
est,
et doit
rester,
un modle macro au
service
de
la
gestion
loigne (
condition
qu'il soit
complt par
d'autres
approches),
il n'en contient pas moins deux concepts-cls importants gale
ment pour
la
gestion
quotienne
de
la
classe
:
l'efficacit
conue
comme
le
fait
de faire progresser les acquisitions des lves
;
l'quit
conue
comme
le
fait
de ne pas
accrotre
et
mme de
diminuer l'cart
qui
existe au
dpart
entre les
forts et
les
faibles.
Le
paradigme
de l'valuation
comme
processus de rgulation
Selon
Allai (in Allai, Cardinet,
Perrenoud,
1979), la rgulation
est
le
concept central de l'valuation, dans le sens o
toute
valuation explicit
ementu implicitement est un moyen
de
rgulation l'intrieur d'un
systme
de formation.
Cela
reste
vrai,
que l'on
se
place
au niveau macro-
ou
micro-scopique.
Le
paradigme
de l'valuation comme processus de rgulation, dvelopp
actuellement par
de nombreux
chercheurs, pourrait tre un paradigme fdrat
eur,
out en
permettant
des
coles
diffrentes
de conserver
leur
ident
it. C'est
ainsi que
nous
pouvons
interprter la classification propose par
Bonniol, Genthon et
Roger
(1989). Selon eux,
on
peut distinguer
les
valua-
teurs qui
privilgient : (a) le bilan et la
correction
des produits
(
rfrentiel
de
contrle,
selon
l'expression
de
Figari,
1993); (b) l facilitation des
apprentissages
(
rfrentiel
de
comptences cognitives
) ;
(c)
l'aide
la
construction
de l'identit individuelle
et
collective ( rfrentiel de
reprsent
ations
ociales
)
;
(d)
la
rgulation
du
fonctionnement individuel
et
collect
if
(
rfrentiel d'interactions ), etc.
L'valuation conjuge en paradigmes
75
-
7/23/2019 De_ketele_L'valuation Conjugue en Paradigmes
19/23
76
A la lecture de cette classification, on devine les fondements
systmiques
du paradigme de la rgulation. Comme le
montre
Monteil
(1985),
la
formation
est un systme, lui-mme
compos
de sous-systmes en interactions
:
l'entre, un systme compos de
l'environnement psychosocial
; le groupe en
formation
ou le
systme
rgul
;
le systme supportant la
formation
ou
systme rgulateur ; le produit ou le systme d'application.. Toujours
selon
Monteil,
le paradigme systmique
remet en cause
deux prceptes cart
siens
:
la
causalit
(
laquelle
le
systmique
oppose
la
finalit) et
le
rduction-
nisme
(auquel
le
systmique
oppose la
globalit) .
Il y
cependant
de multiples
faons
de
faire fonctionner
le paradigme
systmique et,
travers lui,
le paradigme de la
rgulation. Ou
bien on le fait
fonctionner comme un modle
cyberntique
et
on
se trouve dans un
systme
ferm
qui
privilgie le contrle de qualit ,
sur
la base d'un rfrentiel
prdtermin. Ou bien
on
le
fait
fonctionner de faon
ouverte,
la
recherche
de sens (Ardoino et Berger,
1989),
voire la cration d'un sens
nouveau . De
nombreuses
modalits
de
fonctionnements plus ou moins
ouverts peuvent tre
envisages,
car
les
sous-systmes interagissent avec
des poids diffrents selon
les
lieux et
les
moments. En
effet,
comme
le
montre Figari
(1993), les
rfrentiels sont
multiples
l'intrieur
du
systme
de
formation
et rentrent
souvent
en comptition quand ils ne
s'ignorent
pas
:
le
rfrentiel de l'administrateur
qui
est un rfrentiel de
gestion,
celui
de
l'inspecteur
qui est politique, celui du consultant ou de l'auditeur qui est
d'expertise, celui
du
chercheur
qui est
scientifique, celui
de
l'enseignant
qui
est pdagogique, celui
de
l'lve qui lui est centr sur
les
reprsentations de
la russite et de l'chec,
celui
des parents centr
sur
un devenir,
celui
du
chef
d'tablissement
centr sur la gestion des ressources humaines et matr
ielles... Ainsi
selon
les
cas,
les
approches,
les lieux
et
les
moments,
la
vise
privilgiera tantt la
recherche
de sens, tantt l'action
;
et la rgulation
sera
tantt
davantage du contrle,
tantt
davantage
une
stratgie innovante.
Nous sommes
donc bien dans la complexit
et
la
mouvance.
Le para
digme
est
prometteur car riche dans ses fondements, mais il
reste
encore
construire.
Certes, des
synthses existent dj. Nous
pensons particulir
ement
ux travaux de d'Hainaut, et
principalement
la synthse qu'il a publie
pour
l'UNESCO
La rgulation dans
les
systmes ducatifs. Guide mthodol
ogique
(1980b).
Cette synthse est une des plus compltes et des plus
oprationnelles, mais
elle prescrit comme
point d'entre la
politique
ducative
dont la responsabilit incombe aux politiques
;
or
des
points d'entre multi
ples existent et
qu'il convient
de
prendre
en compte et d'articuler. Il
reste
donc construire un modle de la rgulation qui, tant thoriquement
qu'op-
rationnellement, articule la multirfrentialit et puisse prendre
en compte
diffrents
degrs
d'ouverture
ou
de
fermeture
du
systme
dans
ses
diffrents
niveaux macro-, mso- et
micro-scopiques.
En guise de
conclusion
provisoire : l'valuation la
question,
l'valuation
en
question(s)
Avec
son
quipe du CEPEC, Delorme publiait en 1987 un livre au titre
vocateur
L'valuation en
questions .
Dans
cette
conclusion,
nous
pour
rions aussi mettre en vidence un
certain
nombre de questions que pose
l'tat
actuel des
travaux sur
l'valuation
; mais
nous pourrions
aussi les
soumettre
la
question
et
au
pouvoir
des
juges
et,
peut-tre,
les
remettre
en
question
Revue Franaise de Pdagogie, n 103, avril-mai-juin
1993
-
7/23/2019 De_ketele_L'valuation Conjugue en Paradigmes
20/23
Dans
certains pays,
l'valuation
est de
plus en plus souvent assigne en
justice. Dans son livre
Faire russir. Faire chouer , Viviane De Landsh